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Taxi-boy
D'une bande magnétique un soupir lui échappe. Sur un écran géant ses yeux se ferment.
Daniel Darc
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No return (river of)
En amont de la rivière d’ Apocalypse Now se trouve aussi le vieux Hollywood. Coppola appartient à une génération de cinéastes qui font leur travail du vivant de leurs ancêtres et qui le savent. Une génération qui a commencé en France avec la Nouvelle Vague, lorsque Godard a littéralement inscrit le nom et le corps de Fritz Lang (dans le Mépris), et récemment arrivée en Amérique (voir Truffaut dans le film de Spielberg). Là aussi, on pourrait dire que l'assassinat de Brando est une opération infinie — en vertu de la position très particulière qu'occupe Brando dans l'industrie américaine : il est un peu le Kurtz de cette industrie — infiniment décevante aussi.
Serge Daney
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Festival de carne
On se souvient essentiellement du boucher comme du premier long "non Nouvelle Vague" du cinéaste, du fait d'une mise en scène plus académique qu'à l'accoutumée, soutenant malgré tout un propos pour l'époque assez osé (tueur en série psychopathe, trauma de la guerre d'Indochine et émancipation de la femme). Mais on omet souvent de souligner à quel point Chabrol avait pensé son découpage dans le but de sublimer la construction classique de son récit. En effet, tout le drame du boucher se joue uniquement lors de trois scènes pivots : La rencontre, le refus et la séparation.
Nicolas Bonci
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Public image limited
Ils voulaient me rebaptiser Kit Marlowe, ce qui ne signifiait rien pour moi. J’ai donc insisté pour garder mon vrai nom, Novak, car j’étais attachée à mes origines tchèques. Ensuite, ils passent à la coiffure, au maquillage. C’est toute une chaîne de montage ! Vous pensez qu’ils vous recrutent parce qu’ils ont vu chez vous quelque chose d’unique, mais non : ce qu’ils veulent, c’est vous recréer à l’image de ce qu’ils ont en tête. C’est complètement fou ! C’est pour ça qu’il y a eu tant de suicides, à Hollywood. De gens détruits, mentalement et physiquement, par le système.
Kim Novak
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Quel leurre ?
Il n’y a jamais de temps mort dans un film, puisqu’un film est un objet fabriqué ; il n’y a de temps mort que dans la vie. Un temps ne saurait être « mort » que par rapport à un intérêt engagé : une attente d’un quart d’heure que le retard de mon interlocuteur m’impose avant une entrevue décisive pour moi est bien un temps mort, puisqu’elle diffère ce qui dans le moment était ma vie. Filmée par un antonionien, l’attente d’un quart d’heure ne sera plus un temps mort, puisqu’elle sera devenue momentanément le propos du film.
Christian Metz
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Petite cuisine
Montrer quelqu’un qui épluche des pommes de terre, ce n’est pas nous communiquer la durée de l’épluchage, c’est nous faire accéder à une dimension d’emblée symbolique, qui serait, en l’occurrence, la monotonie du quotidien.
François Jost
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Peter. Par cœur.
Les assassins sont tous, comme on sait, de riches privilégiés, souvent célèbres, mais ils prennent rarement de haut, contrairement à ce dont je me souvenais, le petit flic rital à l’imper froissé, au chien bas du ventre, à la bagnole déglinguée et aux soucis apparemment triviaux. Tout-puissants soient-ils, les tueurs (et leurs victimes, parfois antipathiques) ne sont pas des héritiers qui ont fait l’ENA ou une grande école, des aristocrates à la mode de chez nous, mais des self-made-men. Ils ne doivent leur réussite qu’à leur talent ou à leur ingéniosité : écrivain, chirurgien, magicien, viticulteur, architecte, chef d’orchestre interprété par John Cassavetes, star du cinéma interprétée par Janet Leigh ou star de la country interprétée par Johnny Cash (les revoir avec Columbo : quelle émotion à perpétuité !). Et ils sentent vite qu’ils affrontent, comme dit l’un d’eux, un génie du crime. Un génie du crime retourné contre le crime. La règle qu’ils ont enfreinte, face à un obstacle humain qui les empêchait ou les menaçait, est en effet unique. Une divinité implacable et espiègle a envoyé Columbo sur terre, du côté d’Hollywood, pour la leur rappeler : tu ne tueras point.
Philippe Lançon
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Place nette
Il y a votre sac rigide en cuir noir, assorti à votre soutien-gorge, il y a ce sac aux anses rondes dont la taille pourrait le rapprocher du cabas, mais non, c’est un sac à main avec deux anses pour un porté main même si vous ne le portez jamais à la main mais le serrez contre la poitrine à partir de l’instant où vous y rangez votre destin. Car vous avez choisi le désir avec le sac même si le sac est trop petit pour tout le désir que vous voulez y mettre : la liberté sexuelle et son grand souffle. Le sac est trop petit, le metteur en scène vous a remis un accessoire qui ne peut, en réalité, contenir à la fois 40 000 dollars en billets de banque dans une large enveloppe blanche, des certificats administratifs et le Los Angeles Tribune. Ce n’est pas possible, tout déborde, tout se voit, se devine comme les rêves de liberté se lisent sur votre visage clair. Donc vous aurez beau forcer les deux liasses de billets de 20 000 chacune dans le sac à main pour les cacher, les certificats et le Los Angeles Tribune, dans un sens ou dans l’autre, toujours quelque chose dépasse, jaillit, hors de portée, hors de contrôle comme un lapin que vous voudriez maintenir contre vous et qui remue et attire tous les regards alors que vous souhaiteriez qu’on regarde ailleurs, qu’on vous fiche la paix. Mais c’est impossible car il y a le metteur en scène qui vous scrute, qui vous a d’abord affublée d’un soutien-gorge blanc, puis d’un noir, vos seins aussi visibles que le sac : on ne vous lâche pas dans la nature comme ça. On ne vous laissera pas en paix, on guettera chacun de vos gestes, on vous poursuivra avec votre sac et votre désir noir, qui harponne le regard du premier plan cinématographique au dernier de vous vivante dans ce film d’Hitchcock. Car vous allez mourir dans le film, Janet Leigh, pour avoir cru à son scénario, pour avoir désiré trop grand. Vous vous êtes piégée dans un monde où vous ne maîtrisez pas les règles et où, à chaque étape de cette quête de liberté (et pourquoi n’y auriez-vous pas droit, vous aussi ?), un homme (le client), puis un deuxième homme (votre patron), puis un troisième (le policier), puis un quatrième (le vendeur de voiture), puis un cinquième (le directeur du motel) vous rappellera que non : ce n’est pas votre rôle, ce n’est pas votre place.
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Son et lumière
Tout était nouveau, moderne, un peu trop. On dit la modernité, mais après on découvre que la modernité, c’était déjà du temps de Stravinsky. Et encore bien plus tard, je me suis rendu compte que Feuillade était contemporain de Stravinsky ; on ne fait pas ce genre de relation, mais il y a comme ça des rapports… Avec le temps et l’analyse, j’ai découvert qu’avant ma naissance ma mère n’avait vu que des films muets. Du reste, le fait que j’aie du mal à parler, ou que je parle trop facilement, à tort et à travers, vient de ce que je suis né au moment où le muet est devenu parlant, en 1930…
Jean-Luc Godard
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Roques star
Il y a d’abord ses grands yeux cerclés de khôl. Ils suggèrent l’effroi, indiquent une menace ou deviennent séducteurs. C’est l’époque du cinéma sans parole où le regard fait en grande partie le jeu des acteurs. Musidora utilisera ses yeux mais aussi son corps pour enflammer Paris. Vêtue d’une combinaison de soie noire épousant au plus près les contours de sa plastique, elle incarnera le mal au féminin. Elle deviendra l’hypnotique Irma Vep, anagramme de vampire. Paris tremble dans un feuilleton à épisodes (maintenant on parlerait de série), Les Vampires, qui remplit les salles obscures. Le cinéma, art naissant, prend sa place. Nous sommes en 1915, les Poilus sont déjà dans les tranchées.
Francis Forget
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Plat de résistance
Il n'échappa pas aux plus fins commentateurs que les ultimes mots prononcés par le couple ("Reste avec moi, lutte", "Je reste") font des Dames du bois de Boulogne, sous ses airs de drame bourgeois, un des rares films de résistance esthétique, morale, politique de l'histoire du cinéma français.
Olivier Père
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