#vraiment PERSONNE. ne dit s’il est neurotypique :
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sometimes i look back on that year with b. and i still can’t figure out if he has autism, adhd or the same weird fucking mix as i have (hpi)
#vraiment PERSONNE. ne dit s’il est neurotypique :#'j’aime bien sourire ça aide à l’interaction sociale’#en plus maintenant JE VOIS son sourire transitif là je le REPÈRE dans mes souvenirs#anyways#prépa talk#la complainte de julot
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Le cerveau hyperactif
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Résumé
Je vous propose de découvrir comment fonctionne le cerveau d’une personne qui souffre de déficit d’attention ou d’hyperactivité. Il convient de proposer une prise en charge davantage tournée vers les symptômes de déconnexion fonctionnelle que vers la carence en dopamine uniquement.
Grâce à l’IRM fonctionnelle, on sait aujourd'hui que lors du développement cérébral, les 2 hémisphères présentent des anomalies de communication, notamment dans la zone du vermis du cervelet qui joue un rôle dans la coordination des mouvements et des pensées, dans le cortex préfrontal qui joue un rôle de frein des zones motrices et dans les ganglions de la base qui régulent l’activité motrice et l’activité mentale, d’où l’hyperactivité motrice et mentale.
Il est possible d’avoir une prise en charge naturelle globale. Il faut commencer par une évaluation fonctionnelle neurologique, puis mettre en place un programme de réhabilitation des zones touchées, notamment du cervelet, des ganglions de la base et du cortex préfrontal. En complément, il va falloir mettre en place des stratégies pour rééquilibrer l’inflammation, réguler le système immunitaire s’il y a de l’auto-immunité, calmer le système au niveau stress, travailler sur la dysbiose et le microbiome, nourrir le corps s’il est en carence, et puis détoxifier l’organisme si nécessaire.
Transcription
Dans cet épisode, je vous propose de découvrir ce qu'il se passe vraiment dans le cerveau d’une personne ou d’un enfant qui souffre de déficit d’attention ou d’hyperactivité.
Parce que la vie est bien trop magique pour être petite et que nous avons tous besoin d‘une prescription pour grandir en conscience et faire que nos rêves dévorent notre vie. Bonjour, je suis le Docteur Yannick Pauli, bienvenue à un nouvel épisode d’Une Grande Vie. Vous le savez, chaque semaine, je vous propose des stratégies pratiques, pragmatiques, pour grandir en conscience, qu’elle soit d’ordre physique, émotionnel, psychologique ou spirituel, parce que c'est cette conscience qui nous permet d’évoluer en tant qu’être humain et de vivre une vie pleinement vécue.
Cette semaine, j’ai eu envie de partager avec vous un domaine qui est mon domaine de spécialité au niveau clinique. Ce sont les personnes et notamment les enfants qui ont des problèmes de déficit d’attention et d’hyperactivité. C'est un domaine que j’adore, que j’apprécie, qui me fascine particulièrement. Cela fait maintenant 200 vidéos peut-être que j’ai créées, et c’est la première fois qu’on en parle ! Le temps est donc venu.
L’idée est de vous aider à comprendre, si vous avez des problèmes de déficit d’attention ou d’hyperactivité ou que vous connaissez quelqu'un qui en a, peut-être que vous êtes les parents d’un enfant qui a été diagnostiqué TDH, sans entrer dans les notions de domaine des critères diagnostiques, mais c'est de vous aider à comprendre vraiment ce qu'il se passe au niveau du cerveau. Très souvent, la médecine, elle, a développé un modèle hyper simpliste de cette problématique qui dit : c'est un problème de déficience en un neurotransmetteur qu'on appelle la dopamine, et donc on va vous donner des médicaments psychostimulants, le plus connu étant la Ritaline (méthylphénidate), mais il en existe d’autres comme l’atomoxétine (Strattera), il y a différents médicaments pour ça.
Syndrome de déconnexion fonctionnelle
Il y a un fossé entre le modèle médical de prise en charge qui date depuis 1950 et ce que l’on sait désormais de ce qu’il se passe au niveau scientifique dans le cerveau de ces personnes. Fondamentalement, la notion à comprendre est que les personnes qui ont ce genre de problématique ont en fait des problèmes qu'on pourrait résumer par le mot de : syndrome de déconnexion fonctionnelle. Cela signifie que lors du développement du cerveau, certaines zones se sont connectées de manière différente à ce qui est prévu de manière optimale. Certaines parties du cerveau se sont trop connectées, d’autres parties ne se sont pas suffisamment connectées. Il y a en fait une asymétrie du développement des hémisphères du cerveau, qui va donner des problèmes de communication. C’est fonctionnel, ce n’est pas quelque chose qu'on va voir dans la structure. C'est un peu comme si vous branchez votre imprimante sur votre ordinateur et quand vous lancez l’impression, rien ne se passe. Tout est branché physiquement, mais pour une raison ou pour une autre, l’information ne passe pas. C’est exactement ce qu'il se passe dans le cerveau de ces personnes, et je vais vous montrer un peu plus en détail. Ce sont vraiment des problèmes fonctionnels, dans la manière dont le cerveau s’est connecté.
On a un hémisphère gauche et un hémisphère droit, c'est comme si on mettait 2 ordinateurs en parallèle. Si j’ai 2 ordinateurs de dernière génération, 2 MacBook Pro par exemple, que je les branche, j’ai 2 fois la puissance. Mais imaginons maintenant qu'on mette en parallèle un MacBook Pro et un vieil ordinateur, un Commodore 64 si vous êtes de ma génération. Le vieil ordinateur n’a pas la puissance, il ne peut pas faire face à la demande de l’autre et ça va créer des bugs de communication, qui vont s’exprimer par un certain nombre de symptômes.
Les zones cérébrales impliquées
Ce qui est fascinant, c’est qu’avec l’arrivée des nouvelles technologies et notamment les IRM fonctionnelles, on est capable de voir ce qu'il se passe, ce qui est différent entre le cerveau d’une personne neurotypique et d’une personne qui a une hyperactivité ou un déficit d’attention. Les études ont montré que, non seulement il y a de très légères différences de volume de certaines zones du cerveau, mais surtout certaines zones atteignent un développement normal, mais avec un retard, on en reparlera plus loin. De nombreuses études ont été faites pour voir les différences entre le cerveau des personnes neurotypiques et celui des personnes diagnostiquées avec une hyperactivité ou un déficit d’attention, et il y a toute une série de zones qui ont été identifiées comme étant différentes. Mais au travers des études, il y a 2 voire 3 zones qui sont consistantes, c'est-à-dire qu'on les retrouve systématiquement. Dans certaines études, on trouve certaines zones, dans d’autres on ne les retrouve plus, mais il y a toujours 3 zones qui sont vraiment déterminantes.
La première zone est une petite zone à l’arrière du cerveau qu'on appelle le cervelet. Dans ce cervelet, il y a une partie centrale, une partie intermédiaire et des parties latérales. La partie qu'on trouve le plus souvent impliquée est une partie centrale qu'on appelle le vermis. On sait aujourd'hui que, pendant très longtemps, on savait que ce cervelet jouait un rôle dans la coordination motrice, c'est lui qui affine la coordination des mouvements, et on sait aujourd'hui que ce cervelet joue un rôle essentiel pour aider le reste du système nerveux à se coordonner. Il va donc jouer aussi un rôle dans la coordination cognitive, dans la coordination émotionnelle. Si votre cervelet ne fonctionne pas bien parce qu'il ne se développe pas bien, vous allez devenir un peu maladroit, pas seulement maladroit physiquement, mais aussi maladroit émotionnellement, maladroit cognitivement, maladroit dans la manière dont vous utilisez votre concentration. Donc ce cervelet est très important. On appelle ça une dysmétrie, pas uniquement une dysmétrie de mouvement, mais aussi une dysmétrie de pensée. C'est le premier élément.
Le deuxième élément commun retrouvé est le cortex préfrontal, à l’avant du cerveau, et notamment du côté droit du corps. Une raison est qu’on a une dominance du côté droit de l’hémisphère droit pour les fonctions de l’attention, donc sur le côté droit du corps. Ce cortex préfrontal peut être imaginé un peu comme un frein. Donc pour les personnes hyperactives, les zones motrices vont se développer, leur moteur se développe, mais elles n’ont pas suffisamment un bon frein pour contrôler le moteur. Imaginez que vous ayez une Ferrari avec un frein de trottinette. C'est un peu ce qu'il se passe chez les hyperactifs : les zones motrices se développent, même un peu de manière anticipée, plus vite qu’elles ne devraient, et ces zones du cortex préfrontal qui jouent un rôle de frein, qui vont contrôler ces zones motrices, elles, se développent avec un retard, donc on se retrouve dans une situation où on a un bon moteur et un mauvais frein. C'est très intéressant. D’ailleurs, ça explique pourquoi on utilise des psychostimulants : si on a quelqu'un d’hyperactif, pourquoi on lui donne quelque chose qui le stimule ? C'est parce qu’en fait ça stimule ces zones du cortex préfrontal qui, elles, vont avoir un impact de contrôle, un impact d’inhibition sur le reste du système.
La troisième zone est celle des ganglions de la base. Ces ganglions de la base jouent un rôle de filtre : ils vont filtrer le système et quand une information de mouvement est envoyée du cortex moteur, elle va passer par ces ganglions de la base. Ce ganglion de la base va décider s’il doit augmenter cette activité motrice ou s’il doit la diminuer. Donc c'est aussi une zone qui joue un rôle de régulation. On sait aujourd'hui que ces ganglions de la base ont plusieurs circuits : des circuits moteurs, des circuits avec un rôle sur le mouvement oculaire, des circuits qui jouent un rôle sur tout ce qui est pensées et émotions. Donc si cette zone-là dysfonctionne, on peut avoir non seulement une hyperactivité motrice, mais aussi une hyperactivité des pensées, des pensées récurrentes. C'est ça que très souvent, vous avez des enfants qui sont dans la persévération : vous leur dites d’arrêter, mais ils continuent de faire les choses, par exemple.
Voici donc les zones qui sont dysfonctionnelles, que l’on retrouve systématiquement dans les études : le cervelet, le cortex préfrontal notamment du côté droit, et les ganglions de la base.
Développement cérébral selon les profils
Maintenant, on a dit que c'était une problématique de développement. Prenons le développement du cerveau humain de la naissance à 20 ans, avec un point particulier de 12 à 14 ans. Le cortex, la partie superficielle du cerveau s’épaissit en fonction de l’âge. On va donc avoir une augmentation de l’épaisseur du cortex jusqu’à 12 à 14 ans environ. On a produit énormément de cellules et à partir de 12 -14 ans, le système va commencer faire ce qu'on appelle en anglais un pruning, il va commencer à se débarrasser des neurones dont il n’a pas besoin. Il a, en fait, créé un surplus de neurones et va se débarrasser d’environ 60% des neurones. À l’âge adulte, on a environ 60% de neurones en moins qu’à l’adolescence puis au fil des années, le nombre de neurones décroit légèrement. C'est la courbe des personnes neurotypiques.
Il y a des personnes dont le cerveau se développe complètement différemment, avec une courbe complètement différente, par exemple des personnes qui souffrent de retard ou de handicaps mentaux comme la trisomie. Chez les personnes hyperactives ou présentant un déficit d’attention, le cerveau va suivre exactement la même trajectoire, c'est-à-dire qu'il se développe normalement, mais certaines parties, notamment le cervelet, le cortex préfrontal et les ganglions de la base, vont se développer avec un retard de développement. Ils ont la même trajectoire de développement, mais on va atteindre le pic du pruning avec 2 à 3 ans de retard. Si vous avez un enfant qui a ce diagnostic de TDH et qu'il a 10 ans, souvenez-vous qu'il a 10 chronologiquement, mais que neurologiquement, il est plus proche de 7 ou 8 ans. C'est donc le développement neurologique qui est très important à comprendre.
Peut-on récupérer ?
Maintenant, peut-on récupérer ? Dans certains cas, le système se rattrape. Ce qui est très intéressant dans les études, c'est que ce qui va déterminer si une personne rattrape ce retard de développement, ça n’a rien à voir avec ce qu'il se passe au niveau du cortex préfrontal ou du ganglion de la base, c'est ce qu'il y a à voir au niveau du cervelet. Si le cervelet arrive à récupérer, c'est ça qui va déterminer si une personne peut rattraper ce développement spontanément ou pas. Donc dans la prise en charge, il faut comprendre qu'on ne peut pas juste être focalisé, comme le font de nombreux naturopathes ou des gens qui sont dans la nutrition, sur les aspects nutritionnels. On parle beaucoup par exemple des omégas 3 ou de sensibilités alimentaires, mais il faut comprendre qu'il y a cette composante neuro-développementale, et donc si on veut avoir une prise en charge globale, il faut venir travailler ce développement, faire une réhabilitation neurologique. Les médicaments, eux, vont stimuler, mais dès que leur action s’arrête, on est un peu au point de départ, ils ne réhabilitent pas le cerveau.
Maintenant, on peut se demander : pourquoi le cerveau se développe différemment et que peut-on faire ? Je vais vous donner des pistes. Il y a des facteurs participants à cette problématique de développement. Il y a une composante génétique, on ne va pas en parler, elle est minoritaire. La grande majorité de la problématique est environnementale. Là, on a un certain nombre de facteurs qui vont venir jouer, un peu comme un puzzle qui est très différent d’une personne à l’autre, et qui vont faire partir le cerveau sur cette trajectoire plutôt que sur la trajectoire neurotypique.
Facteurs d’action potentielle
Dans une revue de la littérature que j’avais faite, assez complète, en 2012 environ, j’avais identifié 125 facteurs qui jouaient un rôle dans cette problématique. On va les réduire ici aux 4 à 5 éléments les plus fondamentaux.
1. Inflammation
Le premier que l’on trouve est de l’inflammation, voire une problématique d’auto-immunité. Entre 40 et 50% des enfants hyperactifs que l’on suit présentent des signes d’auto-immunité, c'est-à-dire que le système immunitaire attaque certains tissus de leur cerveau, ça crée de l’inflammation et c'est ça qui empêche un bon développement. Chez les enfants autistes par exemple, qui ont le même type de problématique, les mêmes zones impliquées, mais qui sont atteints de manière beaucoup plus sévère, ces taux d’auto-immunité sont de quasiment 80 à 90%. Ce premier aspect est donc un aspect d’inflammation qu'on peut mesurer avec des tests de laboratoire.
2. Stress
Le deuxième aspect est la physiologie du stress. Ces enfants sont très stressés, puisque leur cortex préfrontal aussi joue un rôle dans le contrôle de la réponse au stress, un peu comme pour les bébés, leur cœur bat très rapidement. Au fur et à mesure que leur système nerveux se développe, leur cerveau se développe, il va venir freiner le rythme cardiaque qui va ralentir. Quand on a ce retard de développement, on a un système qui est, de l’intérieur, constamment sous stress. Nous mesurons ce stress par exemple avec des variabilités cardiaques et des mesures d’électromyographe paravertébral de surface, qui nous donnent une idée de la tension dans le corps, et ces enfants ont facilement des taux de tension qui sont presque 12 à 15 fois supérieurs à la norme.
3. Dysbiose
Ensuite, on a le facteur de dysbiose et tout ce qui a à voir avec le microbiome. On sait aujourd'hui qu'il y a un lien très important, un axe entre le cerveau et l’intestin. Si l’intestin s’enflamme, le cerveau s’enflamme. Si le cerveau s’enflamme, l’intestin s’enflamme. C'est très important de comprendre que c'est bidirectionnel, parce que le modèle actuel, au-delà de la médecine, de prise en charge de ces enfants est de travailler sur ces facteurs en périphérie, mais il faut savoir que le retard de développement va poser des problèmes aussi au niveau intestinal par exemple. On sait aujourd'hui que si vous faites un traumatisme cérébral, votre intestin va devenir perméable. Donc ce n’est pas juste une question de dire « je vais juste travailler au niveau de l’intestin », parce que si vous laissez le retard de développement neurologique, la flore de votre intestin ne va jamais pouvoir se reconstituer comme elle devrait. Il faut donc vraiment faire un travail qui vient, par le corps, sur ces éléments-là, et en même temps, directement de réhabilitation du cerveau si on veut des résultats optimaux.
4. Carences
Le quatrième élément concerne les carences alimentaires, nutritionnelles. Très souvent, ce n'est pas juste une question de carences où l’enfant manque, mais des études montrent qu'ils ont des particularités au niveau de leurs enzymes : ils ont besoin de taux de vitamines et de minéraux plus élevés que les personnes neurotypiques pour pouvoir activer leur système enzymatique, pour pouvoir bien fonctionner. Donc ce n'est pas juste une question de dire « Il a le minimum vital d’un certain minéral», peut-être que la personne a besoin de plus pour fonctionner neurotypiquement.
5. Toxicité
Le dernier élément est la toxicité, c'est-à-dire tout ce qui est métaux et autres toxines dans l’environnement qui va participer à ça. Ce qui est intéressant, j’ai l’impression qu'il y a une évolution de la tendance : il y a une dizaine d’années, on trouvait beaucoup cette toxicité en tant qu’aspect primordial et moins de réactions auto-immunitaires, et depuis quelques années, on trouve beaucoup plus de problématiques auto-immunitaires en tant qu’aspect primordial du système plutôt que la toxicité, même si cette toxicité va nourrir l’auto-immunité.
Voilà donc les éléments principaux. Dans la prise en charge, si vous désirez une prise en charge qui n’est pas juste symptomatique, c'est-à-dire la prise d’un médicament qui va stimuler vos circuits dopaminergiques pour stimuler ces zones préfrontales et qui, une fois qu'il a fait son effet, vous vous retrouvez au point zéro et vous devez donc prendre ces médicaments tout le reste de votre vie, si vous voulez une prise en charge naturelle globale, voilà les facteurs qu'il faut faire: premièrement, il faut trouver une personne qui va pouvoir vous évaluer fonctionnellement au niveau neurologique, et là, il y a notamment des chiropraticiens formés en neurologie fonctionnelle, c'est certainement votre meilleur choix. Pour mettre en place un programme de réhabilitation de ces zones, notamment du cervelet, des ganglions de la base et du cortex préfrontal, en fonction de vos besoins personnels, et puis deuxième aspect de la prise en charge, il va falloir mettre en place les 5 stratégies que nous venons de voir pour rééquilibrer l’inflammation, réguler le système immunitaire s’il y a de l’auto-immunité, calmer le système au niveau stress, travailler sur la dysbiose et le microbiome, nourrir le corps s’il est en carence, et puis détoxifier l’organisme s’il le faut.
Dans notre prise en charge, nous travaillons vraiment sur ces 2 aspects. C'est très difficile de trouver des praticiens qui intègrent la chose. Vous allez plus facilement trouver des praticiens qui vont travailler au niveau nutritionnel, donc il est probable que vous deviez former votre propre équipe avec une personne qui est en charge de l’aspect métabolique et une autre personne qui sera en charge de l’aspect de réhabilitation, mais assurez-vous que ces 2 personnes communiquent, c'est très important.
Faites-moi savoir comment ça fonctionne pour vous dans les commentaires. Nous, on se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle vidéo. D’ici là, souvenez-vous : émerveillez-vous, aimez la vie et contribuez chaque jour un petit peu plus.
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Julie Dachez, « Parler de l’autisme comme une question de société » | Simonæ
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PEUX-TU NOUS PARLER DE TON PARCOURS ET DE COMMENT TU EN ES ARRIVÉE À ÉCRIRE CE LIVRE ? Je ne vais pas repartir trop loin dans le temps mais je pense que le point de départ important, cela a vraiment été la pose du diagnostic du syndrome d’Asperger [1] à l’âge de 27 ans. Suite à ça, il y a eu la décision de faire une thèse, puis la sortie du roman graphique La Différence Invisible, dont l’objectif était de donner à voir le fonctionnement de la personne autiste, ainsi que toutes les embûches qu’elle pouvait rencontrer sur son chemin, dans une visée pédagogique. “ Parler de l'autisme comme une question de société plutôt que comme une question de santé, cela peut vraiment apporter une contribution intéressante. Au fur et à mesure de mes rencontres et de mes lectures, notamment lors de ma thèse, et à force d’écouter les témoignages des personnes autistes, j’ai vraiment commencé à prendre conscience ce qu’est être autiste : c’est avant tout subir des discriminations, c’est cela la cause de leurs souffrances. À LIRE AUSSI La Différence invisible : un joli témoignage sur l’autisme Asperger À ce moment-là, je me suis dit qu’il y avait peut-être un angle intéressant : peut-être que faire un bouquin en parlant de l’autisme comme une question de société plutôt que comme une question de santé, cela peut vraiment apporter une contribution intéressante. Ça fait maintenant six ans que je fais les vidéos, le blog, etc., que je réfléchis un peu à tout ça, et on peut dire que ce livre c’est l’aboutissement de six années de rencontres, de réflexions, d’échanges. À QUI S’ADRESSE TON LIVRE ? Je pense qu’il s’adresse à tout le monde. Je l’ai écrit évidemment pour les personnes autistes parce que j’avais envie qu’elles puissent le lire et se sentir moins seules, et retrouver certaines choses qu’elles-mêmes ont vécu dans leur vie, dans les témoignages. Un des électrochocs pour moi a été de me dire : « Mais en fait je suis pas malade, le problème ne vient pas de moi, le problème vient de la société. » “ Les personnes autistes invisibles existent. J’avais envie aussi que certaines personnes autistes, en me lisant, puissent se dire la même chose, et qu’elles passent donc d’une vision psychologisante de l’autisme à une vision un peu plus globale et systémique, à une autre grille de lecture en fait. Ce livre était évidemment pour les personnes autistes, pour qu’elles aient certaines pistes qui alimentent la réflexion. C’est aussi un livre à destination des non-autistes parce que j’avais envie qu’iels puissent découvrir que le spectre autistique est large, qu’il y a des formes d’autisme plus invisibles que d’autres. Il peut y avoir une prise de conscience par rapport au vécu des personnes autistes en se disant qu’on parle toujours de l’autisme avec un côté très « oiseau rare » et beaucoup moins, encore une fois, de l’autisme en terme de question de société. “ Je ne suis pas malade, le problème ne vient pas de moi, le problème vient de la société. Donc je trouvais intéressant qu’une personne qui n’a jamais entendu parler d’autisme découvre cela d’un seul coup et se dise : « Donc non seulement les personnes autistes invisibles existent mais en plus de ça, elles ont des vécus hyper douloureux, non pas parce qu’elles sont autistes mais parce que on n’a de cesse de les rejeter. » Donc oui, je crois qu’il s’adresse vraiment à tout le monde. D’ailleurs, dès le début du bouquin, quand je dis que je m’adresse aux lecteurices, j’alterne « toi lecteurice neurotypique » et toi « lecteurice autiste ». QUELS RETOURS AS-TU EU SUR TON LIVRE ? Cela reste un livre clivant dans le sens où il y a un vrai parti pris, ce qui n’était pas le cas dans La Différence invisible. Donc évidemment cela plaît ou pas. Il y a des personnes qui adorent, qui le trouvent génial, et d’autres qui se sentent extrêmement offusqué·es en le lisant. “ Mon objectif, c’était de faire un bouquin qui soit accessible à tou·tes. Après globalement, et ça j’en suis très contente, ce qu’on me dit c’est qu’il est facile à lire : même s’il y a un vrai contenu et que parfois certains concepts ne sont peut-être pas forcément évidents pour des personnes qui ne sont pas dans le milieu universitaire ou militant, comme le concept de l’intersectionnalité par exemple, il y a quand même un fond et un contenu sérieux mais avec un ton qui reste assez léger, plein d’humour. À LIRE AUSSI Lecture flash #11 : Dans ta bulle ! Les autistes ont la parole : écoutons-les ! Ce qui ressort généralement, c’est que les personnes me disent qu’il est intéressant, qu’iels ont appris des choses tout en étant très facile à lire et ça j’en suis vraiment heureuse parce que c’était mon objectif de faire un bouquin qui soit accessible à tou·tes. TU SAIS S’IL A ÉTÉ PRÉSENTÉ DANS DES LYCÉES, À DES JEUNES ? EST-CE QUE TU AS DES RETOURS DE PERSONNES PLUS JEUNES ? Non, pas encore, mais c’est vrai que je serais curieuse de savoir ce qu’iels en auraient pensé. TU REÇOIS PLUTÔT UN BON ACCUEIL DANS LES MÉDIAS ? Mon livre n’a pas une couverture médiatique incroyable. Je pense que c’est lié à sa date de sortie : le 2 avril [NDLR : Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme], beaucoup d’autres ouvrages sur l’autisme sont sortis. Et en même temps, je peux pas m’empêcher de croire que c’est aussi parce que je suis une femme autiste et que peut-être que si j’étais un homme on s’intéresserait un peu plus à ce que j’ai à dire. Je pense que je suis un petit peu invisibilisée. QUEL·LES ŒUVRES ET AUTEURICES RECOMMANDERAIS-TU AUX PERSONNES QUI SOUHAITERAIENT POUSSER UN PEU PLUS LOIN APRÈS AVOIR LU TON LIVRE ? Ce n’est pas une question évidente. Je peux peut-être parler des livres qui m’ont beaucoup marquée et qui ne portent d’ailleurs pas forcément sur l’autisme. En premier lieu, je peux citer Didier Eribon, je trouve que tout son travail sur l’homosexualité est hyper intéressant. Sur le féminisme, j’aime beaucoup les ouvrages de Christine Delphy, notamment Classer, dominer que j’ai trouvé très bien. Il y a notamment un article dans Classer, dominer qui s’appelle « Les Uns derrière les autres », qui m’avait énormément apporté quand je l’ai lu. J’ai beaucoup aimé aussi, mais ce sont des grands classiques, Outsiders de Howard Becker et Stigmate d’Erving Goffman. Et un bouquin aussi que je cite dans mon livre, c’est Qu’est-ce que le DSM ? de Steeves Demazeux, qui retrace toute l’histoire du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Il explique ce dont il s’agit, sans parti pris, d’où il vient, comment il est construit, et ça apprend énormément de choses aussi sur la façon dont on considère les « maladies mentales ». Ce sont des ouvrages qui m’ont beaucoup aidée dans ma réflexion. Sur l’autisme en particulier, il y a un chercheur que je trouve vraiment intéressant : Laurent Mottron, parce qu’il a une vision qui me semble assez juste et positive de l’autisme ; il n’est pas du tout dans un discours pathologisant. D’ailleurs le titre d’un de ses livres, c’est L’Autisme, une autre intelligence : ça veut tout dire ! POUR TOI, L’AUTISME DEVRAIT ÊTRE CLASSÉ COMMENT ? Je n’ai pas du tout la réponse à cette question et c’est très compliqué. Je pense que la dépsychiatrisation est importante et en même temps, on peut pas non plus dire juste : « L’autisme, c’est un trait de caractère. » Non. L’autisme, ça nous place en situation de handicap et on a besoin de compensations. Si demain on sort l’autisme du DSM et qu’on ne nous permet plus par exemple de bénéficier de l’allocation adulte handicapé·e et une reconnaissance de la qualité de travailleureuse handicapé·e, les rares aides et compensations qu’on a, là ça sera vraiment problématique. Donc c’est une vraie question et aujourd’hui je n’ai pas la réponse à ça. “ L’autisme, ça nous place en situation de handicap et on a besoin de compensations. IL Y A AUSSI DES CHOSES QUI SONT MOINS ABORDÉES DANS TON LIVRE, PAR RAPPORT AUX PERSONNES QUI SONT DES AUTISTES VISIBLES ET QUI ONT BESOIN DE VRAIES STRUCTURES ET D’ENCADREMENT. ÇA POSE LA QUESTION DU DEVENIR DE CES PERSONNES : SI L’AUTISME N’EST PLUS RECONNU COMME UNE MALADIE, EST-CE QU’ELLES POURRONT ENCORE RECEVOIR DES SOINS ? Ce qui serait intéressant, ce serait de reconnaître qu’effectivement, l’autisme, ça nous place en situation de handicap, en enlevant cette étiquette de maladie et, surtout, cette étiquette de maladie mentale, qui pour moi n’a vraiment aucun sens. Le handicap ouvre certains droits qui nous sont indispensables, que ce soit pour les formes d’autisme où les personnes sont plus dépendantes ou pour les autistes invisibles. Nous avons aussi besoin de compensations et de soutien, et nous ne les avons pas forcément. Je fais souvent cette comparaison, et je dis que le handicap invisible, c’est comme un atome : ça ne se voit pas, et pourtant ça existe ! Et ça, les gens ont beaucoup de mal à se le figurer. DANS TON LIVRE, TU PARLES DES AUTISTES INVISIBLES, MAIS EST-CE QUE DANS TON TRAVAIL UNIVERSITAIRE, TU EN PARLES AUSSI ? Dans ma thèse, je n’avais pas fait ce distinguo visible/invisible mais j’avais parlé en des termes plus cliniques par obligation. Je me suis concentrée sur les autistes sans déficience intellectuelle, sur cette partie-là du spectre, parce que notamment pour les différentes expériences que j’ai pu faire dans ce cadre, et notamment des expériences quantitatives, pour pouvoir avoir une population relativement « homogène », c’était important de choisir certains critères, et celui que j’ai choisi, même si hautement critiquable, a été le quotient intellectuel et savoir s’il y a une déficience ou non. À partir du moment où il n’y avait pas de déficience, les personnes entraient dans mon échantillon. C’est un choix qui a été fait comme on aurait pu en faire d’autres, mais le spectre est tellement large et tellement hétérogène que, quand on fait des expériences, on est obligé·es de faire certains choix pour que les résultats aient du sens derrière, pour qu’ils soient viables, c’est à dire généralisables à au moins une partie de la population autiste. C’est ce qu’on appelle la « validité externe » dans le monde de la recherche académique. SUR QUOI PORTAIT LE SUJET DE TA THÈSE ? L’intitulé, c’est Envisager l’autisme autrement : une approche psychosociale. Pourquoi ? Parce qu’en fait je ne me suis pas intéressée à l’autisme du point de vue de la psychologie clinique, c’est-à-dire les causes, les traitements, les symptômes. Je me suis plutôt intéressée à l’autisme du point de vue de la psychologie sociale, une discipline qui, pour faire simple, se situe entre la sociologie et la psychologie, et qui étudie les interactions entre le groupe et l’individu·e ainsi que la façon dont l’un·e et l’autre s’influencent mutuellement. Je suis donc partie du principe que ce qui était problématique, c’était avant tout le regard posé sur l’autisme et la façon dont la société exclut et discrimine les personnes autistes, ce qui justifiait qu’on s’intéresse à l’autisme du point de vue de la psychologie sociale. Je crois que c’est la seule thèse en France qui s’intéresse à l’autisme de ce point de vue-là et il y a très peu de chercheureuses, même dans le monde, qui ont choisi cette porte d’entrée pour parler d’autisme. Je me suis intéressée à des concepts propres à la psychologie sociale comme les attitudes, les représentations sociales, les stratégies de coping [2], pour essayer d’étudier justement quelle est cette perception, comment on perçoit l’autisme, comment faire pour améliorer cette perception et comment les personnes autistes elles-mêmes copent. Ceci reste très résumé parce qu’évidemment c’est une thèse donc c’est un peu abscons ! (Rires.) QUELLES EXPÉRIENCES AS-TU MENÉES ? Il y a eu quatre expériences en tout. J’ai effectué des expériences qui étaient plus quantitatives, d’autres plus qualitatives, et, à la fin, ma dernière expérience a été d’aller à la rencontre de personnes autistes, sans déficience intellectuelle, pour les interviewer sur des temps plutôt longs. En général ça durait trois heures, ce qui effectivement est très long pour des entretiens, mais les personnes autistes, contrairement à ce qu’on imagine, sont très bavardes, elles ont tendance à passer d’une idée à l’autre et je trouvais ça intéressant justement de laisser la parole se dérouler. Je suis donc allée à leur rencontre et je les ai interrogé·es sur leur parcours de vie et sur toutes les difficultés qu’iels avaient rencontrées, ainsi que sur les méthodes et tout ce qu’iels avaient mis en place pour survivre et gérer du mieux possible leur stress, par exemple. Ça, ça a été purement qualitatif et c’est la recherche que j’ai pris le plus de plaisir à faire, même si aujourd’hui c’est beaucoup moins valorisé dans la communauté scientifique ; j’ai trouvé ça bien plus riche que les autres expériences. CE SONT CES TÉMOIGNAGES-LÀ QUI SONT REPRIS DANS TON LIVRE ? Voilà. Du coup à chaque fois que je sortais d’une de ces rencontres, forcément ça faisait écho en moi, puis je me demandais comment cette personne avait pu survivre parce que ce sont des parcours de vie tellement chaotiques et difficiles. Il y avait cette force et cette résilience vraiment incroyables, et tout ce qu’iels racontaient, je trouvais ça tellement fort, et je me suis dit que ça ne pouvait pas faire l’objet juste d’une thèse, parce qu’une thèse, si ne serait-ce que cinq personnes dans le monde la lisent, on peut s’estimer heureuxe ! (Rires.) C’est pour ça qu’après la thèse j’ai voulu choisir certains portraits, évidemment avec le consentement des personnes, et d’en faire quelque chose pour l’amener au grand public. COMMENT AS-TU CHOISI LES PERSONNES QUI TÉMOIGNENT ? J’avais en tête de parler surtout de certaines thématiques qui sont souvent ressorties pendant les entretiens : le monde du travail, la réconciliation avec son identité quand on découvre qu’on est autiste, le fait d’être femme et autiste, et évidemment la psychiatrie. Donc j’avais vraiment ces quatre thématiques en tête et spontanément quatre portraits me sont venus à l’esprit et me semblaient bien illustrer chacune de ces thématiques. J’aurais pu faire d’autres choix qui auraient été tout aussi parlants, parce qu’en fait, vraiment, ce sont des sujets qui revenaient systématiquement. “ C’est extraordinairement banal, toutes les personnes autistes ont ce genre de parcours. Pas toujours de la même manière mais c’était toujours les mêmes violences, les mêmes vécus, et c’est comme ça que ça c’est fait. C’est vrai qu’une de mes craintes était de me dire que quand les lecteurices allaient lire les témoignages, iels allaient se dire que j’avais choisi les plus extraordinaires et en fait non. J’ai en tout 30 témoignages, et des bouquins je pourrais en faire 10. Franchement, les 26 autres sont tout aussi incroyables, riches et passionnants. Donc je dis toujours : ce n’est pas extraordinaire, c’est extraordinairement banal, parce que toutes les personnes autistes ont ce genre de parcours. DANS TON LIVRE, TU EXPLIQUES AVOIR ÉTÉ LA PREMIÈRE EN FRANCE À FAIRE UNE THÈSE SUR L’AUTISME EN ÉTANT OUVERTEMENT CONCERNÉE, EST-CE QUE LE PARCOURS A ÉTÉ DIFFICILE ? J’aurais pu décider de rester au placard, de pas forcément trop dire que j’étais autiste, même si à l’époque c’était déjà public, les gens ne l’auraient pas forcément su. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas d’un côté militer, faire des vidéos et dire : « Écoutez, on est comme on est, il faut se battre pour nos droits », et de l’autre rester au placard et me cacher. Non ça me semblait pas possible, la dissonance était trop grande. J’ai donc décidé de l’assumer et de me dire qu’on verrait bien les conséquences. Ça n’a pas toujours été facile parce que, effectivement, quand on est autiste invisible et qu’on a l’air « adapté·e », c’est toujours surprenant quand on demande des aménagements, quand on se retrouve en arrêt maladie, quand dans l’interaction on est très cash et qu’on a du mal à doser notre communication en fonction du statut hiérarchique de la personne en face – personnellement, je parle à une personne qui est maon supérieur·e de la même manière que je parle à un·e étudiant·e, j’ai du mal à doser ça. Les gens se disent : « En fait, elle est malpolie », même en sachant que je suis autiste, même après leur avoir expliqué. Iels l’oublient et c’est toute la difficulté du handicap invisible. À LIRE AUSSI La parole des concerné·es : entre émancipation, confiscation et risques d’essentialisation Ça a été très compliqué, surtout pendant la soutenance, quand les personnes ont appris que j’étais directement concernée parce que là, évidemment, on se questionne sur la sacro-sainte objectivité de læ chercheureuse. Cela me fait beaucoup rire parce que je crois que c’est un mythe et que n’importe quel·le chercheureuse en sciences humaines et sociales développe un lien intime avec son sujet au fil des années et que toute façon iel fait partie de cette société qu’iel étudie. On n’est pas objectife sous prétexte qu’on est chercheureuse. En revanche, on peut tendre vers l’objectivation, et je crois qu’une des façons d’y arriver c’est déjà d’avoir soi-même conscience de ses propres biais, de sa propre position sur l’échelle de la hiérarchie sociale, de ses propres privilèges. Et ça, il y a très peu de chercheureuses qui le font. Donc voilà, je pense que ça ne m’a vraiment pas facilité la tâche auprès de mes pair·es. QUELLES SONT LES AVANCÉES CONCRÈTES QUI DEVRAIENT ÊTRE RÉALISÉES PRIORITAIREMENT EN FRANCE ET DANS LE MONDE POUR PLUS D’INCLUSIVITÉ ? Déjà l’école ordinaire pour tou·tes, puisque, aujourd’hui, il n’y a que 20 à 30 % des enfants autistes qui sont scolarisé·es en France, et l’accès à l’école me semble être la base. Il suffirait d’aller voir ce que nos voisin·es ont fait, notamment en Italie, où, depuis la fin des années 1970, on accueille tou·tes les enfants à l’école, quelle que soit leur situation de handicap. Il faudrait des classes plus petites, avoir deux enseignant·es dont un·e spécialisé·e dans le handicap qui puisse être là en soutien pour aider les enfants, plus d’accompagnant·es des élèves en situation de handicap (AESH) avec un statut qui soit beaucoup moins précaire, et qu’iels soient mieux payé·es, ça serait bien aussi. Aujourd’hui, quand des enfants ont la chance d’avoir un·e AESH, ce qui n’est pas systématique, ça peut aussi être très mal vu par les professeur·es, en mode : « C’est du caprice, iel s’en sort très bien tout·e seul·e cet·te enfant, on voit bien qu’iel a des capacités, donc c’est vraiment pour son confort, c’est n’importe quoi » : ça, ce sont des témoignages qui reviennent très souvent, mais on a beau expliquer que les enfants autistes compensent énormément, qu’à la maison le soir iels font des crises de colère et que c’est compliqué pour elleux… Il y a beaucoup d’enseignant·es qui ont du mal à entendre, à se figurer les difficultés de l’enfant. “ Aujourd’hui, il n’y a que 20 à 30 % des enfants autistes qui sont scolarisé·es en France. Il suffit comme toujours de se donner les moyens, sauf que pour ça il faut décider d’investir financièrement, et que le gouvernement a d’autres priorités, certainement. Déjà l’école, mais pas seulement pour les personnes autistes en fait, pour tou·tes les enfants quelle que soit leur situation de handicap. Ensuite, faciliter l’accès au travail, ce qui passe par des aménagements. Peut-être déjà faire fi de l’entretien d’embauche qui, pour une personne non autiste, est déjà en soi un exercice qui me semble un peu absurde, parce que je crois pas que c’est comme ça qu’on peut vraiment juger des compétences d’une personne, et ensuite, derrière, permettre à la personne d’être accompagnée, d’avoir un·e tuteurice sur place, d’avoir des aménagements comme des aménagements d’horaires, de pouvoir faire du télétravail… Donc permettre l’accès et le maintien à l’emploi en sensibilisant les entreprises aux particularités des personnes autistes. Rien que ça pour commencer, ça serait vraiment très bien. Je milite aussi pour la désinstitutionnalisation. On ne sait pas combien il y a de personnes autistes aujourd’hui qui sont en hôpital psychiatrique, contre leur gré évidemment. La désinstitutionnalisation devrait être une priorité. Dans la stratégie nationale, il a justement été question de l’inclusion. C’est la première fois que ce thème est affiché clairement, ce qui est bien, mais pour autant personne n’explique les moyens à mettre en œuvre pour avancer vers une société inclusive, donc on se demande si ce n’est pas un vœu pieux. Iels ont parlé aussi de l’insertion professionnelle et ont parlé d’un recensement, d’essayer de voir dans tous les hôpitaux psychiatriques quelles seraient les personnes qui pourraient correspondre aux critères de diagnostic des personnes autistes et suite à ça les en faire sortir. J’espère que les faits suivront. COMMENT SE CONJUGUENT LA LUTTE FÉMINISTE ET LE COMBAT POUR LES PERSONNES AUTISTES AU SEIN DES STRUCTURES MILITANTES ET AILLEURS ? C’est compliqué pour moi de répondre à cette question car je suis un peu un électron libre et je suis pas du tout dans les structures militantes. La seule que je connais un peu c’est l’Association francophone des femmes autistes qui, justement, milite pour donner une visibilité aux difficultés et aux violences qui sont spécifiques aux femmes autistes, et qui est très pointue sur cette question de l’intersection entre l’autisme et le genre. Je crois aussi qu’elles travaillent sur la question de la transidentité, qui est une question cruciale parce que chez les personnes autistes, il y a une plus grande proportion de personnes transgenres. Par exemple, cet hiver, je suis tombée très malade suite à la pose d’implants Essure – une méthode de stérilisation alternative où on place des implants en métal dans les trompes qui forment ensuite un bouchon naturel. Ça a fait un énorme scandale sanitaire et le laboratoire a dû arrêter leur commercialisation car de nombreuses femmes ont développé des effets secondaires extrêmement graves. J’ai fait partie de ces femmes-là. J’ai commencé à avoir de gros soucis de santé quatre ans après la pose de ces implants, et ai donc dû trouver un·e chirurgien·ne pour me les faire enlever, sachant qu’il n’y a pas de protocole de retrait ; dans ces cas-là, soit on enlève les trompes, soit on enlève aussi l’utérus. Quand j’ai rencontré des chirurgien·nes, j’ai eu droit à toutes les remarques misogynes que l’on imagine bien, déjà sur mon choix de stérilisation, ainsi que d’autres comme : « Est-ce que c’est pas dans votre tête toutes ces douleurs ? », car, comme toujours, la parole des femmes est remise en question. Lorsque j’ai fini par trouver le chirurgien le plus décent possible, à 300 km de chez moi, j’ai fait le choix de ne pas lui dire que j’étais autiste. J’aurais aimé pouvoir le lui dire et j’aurais aimé pouvoir bénéficier d’aménagements, peut-être une chambre pour moi toute seule dans la journée en ambulatoire ou que l’on anticipe mieux ma venue en m’expliquant étape par étape ce qui allait se passer, mais j’ai préféré ne rien dire car je n’avais pas l’énergie à faire de la pédagogie, peur que mon cas soit remis en question et que du coup il refuse de m’opérer. On s’imagine mille et une choses, et à raison, car quand on voit parfois la réaction des médecien·nes, ce n’est pas encourageant. J’ai donc été traitée comme n’importe quel·le patient·e le jour J. Ca aurait déjà été une expérience violente pour n’importe quel·le patient·e pour moi, ça l’a été d’autant plus, surtout avec cinq autres personnes dans une pièce minuscule… On a refusé de me donner un anxiolytique alors que je l’ai réclamé trois fois ; après coup, l’anesthésiste m’a expliqué que l’interaction entre anesthésie générale et anxiolytique peut empêcher læ patient·e de rentrer chez ellui le soir, ce qui n’est pas le but de la chirurgie ambulatoire. Pour moi qui ai un trouble anxieux en plus de l’autisme, cet anxiolytique aurait été utile. Peut-être que si j’avais dit que j’étais autiste, on me l’aurait donné. Ce qui m’a marquée, c’est cette articulation entre violence misogyne et obstétricale, et la peur d’être mal soignée en tant qu’autiste, et c’est pour cela que j’ai choisi de le cacher, ça a été un non-choix, le moins pire des deux. Mais je pense que si le personnel soignant avait une meilleure connaissance de l’autisme, les choses auraient été différentes – et à plus forte raison si j’avais été un homme cisgenre. DANS TON LIVRE, TU EXPLIQUES QUE LES MÉDIAS, PAR LA FAÇON DONT ILS PRÉSENTENT LES PERSONNES AUTISTES, CONTRIBUENT À LEURS DISCRIMINATION AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ, EN RENVOYANT UNE IMAGE FAUSSÉE ET CLICHÉE. COMMENT LES MÉDIAS PEUVENT-ILS FAIRE AVANCER LA CAUSE DES PERSONNES AUTISTES AUJOURD’HUI ? Les médias ont un poids important à jouer parce qu’ils contribuent à la construction de notre réalité, à la façon dont on envisage le monde. À force de montrer soit des autistes de génie qui vont être exhibé·es un peu comme des bêtes de foire sur les plateaux télé, soit des autistes très dépendant·es avec des signes très visibles, j’ai l’impression que, dans la tête des gens, il y a comme une espèce de scission avec, d’un côté, les autistes de génie et, de l’autre, les autistes lourdement dépendant·es. Alors que l’autisme est un spectre et qu’il y a mille et une nuances. “ On peut passer inaperçu·es et pour autant être autiste, c’est pas antinomique. Je pense que c’est vraiment important qu’on commence à exister dans l’imaginaire populaire. Il y a beaucoup de formes d’autisme, beaucoup de façons différentes d’être autiste, et la représentation dans les médias reste extrêmement caricaturale. Mais pourquoi ? Parce qu’on sait bien que pour les médias, le sensationnalisme, ça fait vendre. Et moi, je le vois bien, je pense que si on ne me donne pas beaucoup la parole, c’est parce que, quelque part, je ne suis pas assez visible. On pense que les gens vont se dire : « Mais en fait, elle n’est pas autiste. » D’ailleurs c’est souvent une des questions qui revient le plus souvent : « Mais en quoi vous êtes autiste ? » On ne demande pas aux gens en quoi iels ne sont pas autistes ! On voit bien que ce que les gens se demandent en réalité, c’est : « Mais vous ne correspondez pas du tout à la représentation de l’autisme donc en fait ça colle pas, vous ne correspondez pas à mon cliché. » Je pense que le rôle des médias là-dedans est certainement de s’informer un peu plus sur la réalité du spectre et donner plus la parole aux personnes directement concernées. On entend beaucoup les parents, les professionnel·les de santé, les soi-disant expert·es… Alors que qui est plus expert·e qu’une personne directement concernée par l’autisme ? Je ne sais pas. Donc donner la parole aux principalaux intéressé·es et y compris aux personnes qui sont plus invisibles, pour qu’enfin on se rende compte que oui, on peut passer inaperçu·es et pour autant être autiste, c’est pas antinomique. Je pense que c’est vraiment important qu’on commence à exister dans l’imaginaire populaire. QUELS PROJETS MÈNES-TU EN PARALLÈLE ? QUELS PROJETS PENSES-TU DÉVELOPPER À L’AVENIR ? J’aimerais bien réussir à décrocher un poste de maître de conférences mais c’est très compliqué, déjà pour tout le monde, mais encore plus pour moi, parce que j’ai beaucoup de mal à « réseauter ». Sinon, je vise l’enseignement en collège-lycée, parce que l’enseignement me manque énormément, c’est vraiment quelque chose qui me passionne, je serais très contente d’enseigner à nouveau. J’aimerais continuer à écrire, mais pas pour parler d’autisme. Ça fait déjà six ans que je parle d’autisme et maintenant j’ai envie de prendre un peu l’air, de faire d’autres choses et de penser un peu à moi, et c’est pour ça que dans l’immédiat je n’ai pas de nouveaux projets en rapport avec l’autisme. J’ai le projet d’apprendre à faire du wakeboard, je suis très contente ! J’apprends à faire du vélo aussi en ce moment et c’est super bien. (Rires.)
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Deviendrais-tu neutorypique ?
L’autre jour, un ami schiophrène m’a posé la question suivante :
“S’ils trouvaient un moyen de nous faire un nouveau cerveau, un cerveau propre, est-ce que tu le ferais ? Pas des pillules, un nouveau cerveau sans la pourriture. Deviendrais-tu neurotypique si tu le pouvais ?”
J’y ai réfléchi un moment. J’aurais vraiment voulu pouvoir répondre “non”. Le truc, c’est que j’ai répondu oui. Oui, je virerais carrément neurotypique. Pas mon ami. Il a commencé à m’expliquer comment c’était sa vie, son corps, son esprit, son poison. Il m’a dit qu’on était plus fort que la plupart des gens. Qu’il était capable de vivre même si son ventilateur voulait le tuer, que j’avais fait le ménage de l’appartement malgré les plantes carnivores. Tous ces trucs-là. Dans un sens, je sais qu’il a raison. Mais quand même. je virerais neurotypique en une fraction de seconde et sans me retourner.
Je déteste tout ça... c’est pas une putain de promenade... je sais que tout le monde a sa part de merde, l’herbe est toujours plus verte chez le voisin et c’est pas un concours de la vie la plus pourrie. Mais pourquoi faut-il que je doive toujours me battre et pour tout ? C’est pas juste. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter une punition pareille ?
Je vis prisonnière d’un corps et d’un esprit qui ne sont pas les miens
Je suis persuadée de ne pas exister. Je suis juste de la fumée qui s’évapore dans l’air
Je suis persuadée que tous mes proches vont m’abandonner quand ils vont comprendre que je n’existe pas et que je suis juste un genre d’ami imaginaire hyper sophistiqué
Je ne sais pas quel pronom personnel utiliser pour parler de moi, je tu elle on nous ça ou cette saloperie
Mon corps n’a pas de limite et je suis obligée de le blesser pour les retrouver
Mon appartement est rempli de plantes carnivores
Il y a partout des yeux pour me surveiller
Je code mon propre journal au cas où quelqu’un lirait
Je code mon agenda au cas où quelqu’un lirait
Je multiplie les pensées dans ma tête au où quelqu’un m’entendrait penser
J’ai peur du silence
J’ai peur des monstres sous le lit
Je ne fais pas la différence entre mes souvenirs et mes cauchemars (éveillés ou endormis)
Du coup je peux difficilement guérir d’expériences traumatiques
On fait des films d’horreur de ma vie pour votre plus grand plaisir
Je ne peux pas toucher les gens parce que j’ai peur qu’ils me cassent ou m’avalent
mais je crève d’être touchée pour retrouver les limites de mon corps
Je ne peux pas me mettre en colère parce que je ne sais pas gérer ça correctement et ça me tuerait
Je ne peux pas comprendre l’implicite ce qui rend mon intégration en société digne d’une épreuve olymique
J’entends les gens penser
et en général ils pensent que je suis la pire chose qui soient
des fois ils veulent même me tuer
Et tout ça, je ne peux pas en parler. J’en ai pas vraiment le droit. Pour plein de raisons. Stigmatisation. Ou bien les gens ne peuvent pas entendre ça, parce que c’est trop dur, ou trop loin de ce qu’ils sont capables de comprendre.
Alors je sais, je devrais dire un truc du genre “non, je garde mes défauts, c’est ce qui fait ce que je suis”. C’est ce que toutes les conneries bien pensantes disent. Accepte tes défauts. bla bla bla. Ta gueule. C’est pas juste. Pourquoi devrais-je accepter pareille injustice ? Désolée si ça vous déçoit. Je ne serai pas du porno inspirationnel... J’aimerais pouvoir vous dire que je suis heureuse avec ma schizphrenie, et peut-être qu’un jour ça sera le cas. Mais pour le moment, tout ce que j’ai réussi à faire, c’est l’accepter. Et rien que ça c’était déjà pas évident. Mais ma vie toute entière est un combat. Je me bats du moment où je me réveille jusqu’au mooment où je m’endors. Les choses ne sont pas sensées se passer comme ça... Alors si je devais choisir entre continuer à me battre constamment et devenir neurotypique, je prendrais la deuxième option. La seule chose dont je sois sûre, c’est l’issue du combat : moi qui finit par en mourir. Tôt ou tart, je vais perdre la partie. Je serai vaincue. Pourquoi devrais-je continuer à mener une bataille impossible quand je pourrais vivre une vie sans combat ?
Est-ce que je serais moins “moi” si je n’étais pas schizophrène ? La schizophrénie, la folie, Evelyn, ce sont des morceaux de moi, mais ce n’est pas moi. Tout comme mes cheveux ne sont pas moi, juste une partie de moi (la seule que j’aime d’ailleurs, soit dit en passant). Si demain je me rase la tête, ça sera toujours moi. Une moi chauve. Mais quand même moi. Bien sûr, la schizophrénie m’a appris de force la tolérance et la compassion, elle a aussi eu un impact non négligeable sur ma façon de réfléchir, et donc sur mon travail artistique ou de recherche. On ne va pas le nier. Mais sans ça, est-ce que j’aurais pour autant été une personne auto-centrée et intolérante ? Est-ce que je serais un mauvais auteur ? une mauvaise chercheuse ? J’aime à croire que non. De la même façon que te faire enlever une appendice infectée ne fait pas que tu es moins toi, me débarrasser de ma schizophrénie ne devrait pas imputer ma personnalité.
Enfin j’espère…
Du coup, j’espère ne pas vous décevoir si un jour je me rase la tête... Désolée, je n’ai pas ce qu’il faut pour être du porno inspirationnel... Je suis juste une guerrière épuisée qui survit tant bien que mal.
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Être ou ne pas être n’est pas vraiment la question
I’m a ghost in the mist My life slips away I wander unseen I don’t make any sound I’m lost in the mist No one showed me the way Locked in by my fears With my knees on the ground
Lacuna Coil - Ghost in the mist
[traduction citation : Je suis un fantôme dans la brume. Ma vie s’évapore. J’erre sans qu’on ne me voie et sans faire le moindre bruit. Personne pour me montrer la route. Pris au piège par ma propre peur et les genoux à terre...]
[TW : mentions explicites de mutilation]
Une fois de plus, poutrons du cliché sur ce qu’est la schizophrénie...
Vous ne le savez peut-être pas, mais la schizophrénie comprend plusieurs types de symptômes : les positifs et les négatifs. La psychiatrie étant un monde un peu bizarre, positif ne veut pas dire “bonne chose” et négatif “mauvaise chose”.
Un symptôme dit positif ajoute quelque chose à la réalité “normal”. La plupart du temps, c’est ce que vous appelez “hallucination”. J’imagine qu’il n’est pas “normal” que des yeux me suivent constamment du regard, que je puisse sentir les mot se coincer dan ma bouche et me découper la langue ou qu’il y ait des monstres sous mon lit. Ces symptômes positifs sont relativement faciles à comprendre pour les personnes neurotypiques, ou en tout cas le principe des symptômes positifs est facile à comprendre. Peut-être que ça vous est arrivé un jour de fièvre ou de grandes fatigues. Mais vous avez peut-être remarqué la présence de guillemets autour du mot hallucination. Tout siplement parce que j’ai arrêté de les considérer comme telles. Quand vous parlez d’hallucinations, c’est quelque chose qui se passe dans un contexte précis et qui a une fin. Pour moi c’est un peu différent... I y a des années, quand la Folie régissait ma vie et que les psys n’envisageaient rien d’autre que de me gaver de médocs jusqu’à la fin des temps, je refusais déjà de dire que j’étais “malade”. Parce qu’une maladie, c’est quelque chose qu’on attrape, qui se soigne, ou en tout cas qu’on comprend un minimum. Mais dans leur bouche, cette maladie, schizophrénie, ça sonnait comme une condamnation à mort. Et il était hors de question que je laisse ces mecs décider de ma mort juste parce qu’ils avaient des blouses blanches et des diplômes sur les murs (arrêtez de faire ça, vous êtes ridicules. On a compris, vous êtes intelligents. Alors arrêtez d’être des têtes de bite et écoutez quand on vous parle parce que c’est ce que vous étiez censés apprendre pour obtenir ce diplôme sur le mur dont vous êtes si fier. Merde.). Dans la même logique, des années plus tard, j’ai arrêté de les appeler hallucinations pour la seule raison qu’il était évident que ça n’allait pas arrêter.
Être schizophrène, ça veut dire être coincé entre la réalité et la non-réalité, et plus important encore, être incapable de dire laquelle est laquelle. Super, je me retrouvais donc cernée par des trucs qui n’existaient pas et n’allaient pas s’en aller comme ça et je n’étais même pas capable de les différencier des trucs qui eux existaient vraiment. Sauf qu’en fait si, d’une certaine façon, j’en étais capable. La solution n’était pas si compliquée. Quand j’étais enfermée dans la Folie, RIEN n’existait, y compris moi, et c’était un putain de cauchemar à base de souffrances éternelles et innommables. J’étais coincée entre les informations transmises à grande vitesse par mon corps (les symptômes positifs dont nous parlons) et ma raison et le monde extérieur qui s’évertuaient à me dire que ces choses n’existaient pas, qu’elles ne pouvaient pas exister. J’étais littéralement écartelée entre ces deux pôles, un peu comme un gamin à qui on demande de choisir entre ses deux parents divorcés. Que choisiriez-vous vous, entre votre corps et votre raison ? Je suis prête à parier que vous ne pouvez pas répondre. Ceci était mon enfer personnel, et ça l’est encore très souvent. Et personne ne peut me sortir de là.
Ainsi donc, il y a quelques années, j’ai fait un choix : celui de ne pas choisir. À la place, j’ai changé le paradigme. J’ai décidé que TOUT existait. Tout était réel. Le monde tel que tout le monde le v(o)it, mais aussi MES voix, MES monstres. Et oui, j’ai aussi commencé à les revendiquer comme MIENS. Parce qu’ils le sont... voix, monstres, interférences... ils sont tous des petits morceaux cassés de mon esprit et cette nouvelle réalité ne pouvait fonctionner sans accepter ça... y compris les monstres. Ça peut semble terrifiant d’accepter des monstres comme une partie intégrante de la réalité, et on ne va pas se mentir, ça l’est. Mais sachez qu’un monstre qui existe est bien plus facile à battre qu’un monstre qui n’existe pas. Bien sûr, ça ne résoud pas tout d’un coup de baguette magique, mes les choses sont devenues gérables, ce qui était éjà un putain de gros progrès. Alors oui, régulièrement, un monstre s’échappe et les choses se compliquent franchement et c’est putain de flippant, mais au moins maintenant j’ai une chance : de leur parler AVANT, de les vaincre, ou de me soigner si j’ai perdu la bataille (un peu comme en ce moment... on peut pas gagner à tous les coups j’imagine...).
Et tout ça, c’était la partie facile. Car oui, chers lecteurs neurotypiques, les symptômes positifs sont la partie facile (beaucoup de mots changent quand tu es schizophrène, “facile” en fait partie on dirait). Parce que maintenant, nous allons poser la cerise pourrie sur le gâteau empoisonné : les symptômes négatifs. Si les symptômes positifs ajoutent des choses à la réalité, vous aurez peut-être deviner que les symptômes négatifs en enlèvent. C’est ce qu’on va appeler généralement la “dissociation”, et ça mes amis, ça c’est un putain de foutu dragon... Quand je suis vraiment fatiguée, je ne sens pas la douleur. Je peux me prendre un mur, me brûler le doigt en cuisinant, me torder une cheville ou encore me mordre au sang pendant que je dors et ne rien sentir. Plus précisément, mon cerveau va enregistrer la sensation du choc, de la brûlure, ou de “cet os n’est pas sensé se plier comme ça”, mais c’est tout. Ce n’est pas associé à l’information douleur. Je trouve souvent des bleus, des coupures ou des traces de brûlure sur ma peau et juste je me demande pourquoi. Par exemple, cet après-midi, je me suis arrachée une partie de la peau d’un doigt alors que je bossais à la BU : à cause d’un ongle mal coupé, je me suis griffé à répétition en voulant juste chasser une démangeaison. Du coup ça peut être dangereux pour ma santé. Parce que là, on parle juste d’une griffure. Mais sans l’information “douleur” qui signifie en vrai “danger” je peux laisser traîner indéfiniment des blessures ou des maladies qui ont largement le temps d’empirer avant que je comprenne qu’il faut que j’aille chez le médecin. Et ça, ce n’est que le début. Parce qu’après, je ne sens plus le froid. Alors si je ne me dis pas “oh ! on est en janvier, mets un manteau pour aller faire tes courses !” je suis foutue d’y aller juste en t-shirt. Et puis c’est la faim qui disparaît. Alors je dois me rappeler qu’un humain ça doit manger trois fois par jour. Et puis c’est la fatigue qui disparaît alors pourquoi je devrais aller dormir quand je peux continuer à insomnier puisque ça ne me fait rien alors ça me sert à rien de me reposer et tant qu’à faire je peux bien profiter de ce temps en plus pour bosser plus non ?
Vous commencez peut-être à vous dire que c’est bon là, il y a plus grand chose qu’une personne puisse encore perdre.... Désolée mais pas désolée, on est toujours pas au bout. Le pire reste à venir, alors attachez vos ceintures et restez avec moi (s’il vous plaît) et allons bouffer ce gâteau empoisonné vous voulez bien ?
C’est difficile de gérer tout ça parce que ça demande un sacré paquet de cuillères. Parce que je dois RÉFLÉCHIR des choses qui sont naturelles pour vous (quand est-ce qu’on est ? que je puisse m’habiller correctement. Est-ce que j’ai mangé aujourd’hui et si oui quoi ? est-ce que je dois manger autre chose ? depuis quand jai pas dormi ? peut-être que je devrais mettre ma main sous l’eau froide parce que je viens de la coller à la plaque. Et cette drôle de sensation dans mon pied ne s’arrange pas depuis des mois, peut-être que je devrais voir un docteur.) Je dois être hyper attentive, et, encore une fois, ans un état d’hyper contrôle. Tout. Le. Putain. De. Temps. Et rappelez-vous ! je dois aussi gérer les symptômes positives qui ajoutent des alarmes des monstres et un tas d’autres trucs à ma réalité en MÊME temps. Et toute seule. Toujours toute seule.
Mais vient un moment, et croyez moi, il finit toujours par arriver, même dans les bonnes périodes (alors imaginez durant les mauvaises...), où tu réalises que... si on n’a pas mal quand on se blesse... qu’on n’a pas faim qu’on ne mange pas... qu’on n’est pas fatigué quand on ne dort pas... qu’on n’a pas froid quand on n’est pas couvert correctement... on n’a pas.. on n’ait pas... on n’est pas
Je n’est pas.
Parce que OUI, ça finit aussi par vous enlever du vocabulaire, de la syntaxe et ça fout le merdier dans les pronoms personnels. Mais finalement, il n’y a pas besoin de beaucoup de mots pour ça : tu n’existes même plus. Il y a TOUJOURS un moment où je finis par être persuadée que je n’existe pas. Et ça c’est terrifiant. Les “hallucinations” peuvent être gérables, pas la delusion (NDT : à ma connaissance il n’existe pas de mot en français pour ça, je vais donc conserver le terme anglais). La delusion, c’est une croyance irrationnelle que ton cerveau n’est plus capable de percevoir comme telle. C’est une réalité aux règles décalées par rapport à la normalité (mais cohérente ! attention j’insiste) mais que tu suis obstinément parce que c’est tout ce que tu as. Cette delusion varie d’une personne schizophrène à l’autre. Ma schizophrénie m’a convaincue que je n’existais pas. Je suis comme la fumée en hiver, vous savez, quand il fait vraiment froid et que vous pouvez voir l’air sortir de votre bouche quand vous respirez et qui juste disparaît en quelques secondes. Voilà ce que je suis : je suis une histoire que les gens se racontent et jettent quand ils en ont fini, je disparaîs dans l’air sans que personne ne s’en rende compte parce que ça n’a aucune importance. C’est juste de la fumée dans l’air.
Et s’il n’y a personne pour interagir avec moi just à ce moment, je commence à flipper parce que ça prouve que je n’existe pas. Et c’est là que ça devient VRAIMENT flippant. Parce que je ferais absolument n’importe quoi pour ne pas disparaître. Ne pas parler parce que le moindre mot prononcé équivaut à une perte de matière et je ne peux pas me le permettre. Si jamais j’ai la nausée j’air peur d’en arriver à vomir parce que là aussi je n peux pas me permettre de perdre de la matière, alors vaut sans doute mieux ne pas manger du tout. Et je peux sérieusement envisager la mutilation parce que si jamais je peux réussir à sentir la douleur alors j’existe. Et parce que je ne pouvais plus sentir la douleur rendue là, je suis aller très loin, parce qu’il en fallait toujours plus, toujours plus profond, pour qu’enfin la sensation de douleur revienne.
Ça m’amuse de voir que les gens me pensent parfois suicidaire à cause de ce type de comportements auto-destructeurs. Je ne suis pas suicidaire. Parce que pour pouvoir mourir il faut commencer par vivre et pour être vivant il faut d’abord exister. Hors, je n’existe pas je ne peux donc pas mourir.
Simple question de mathématique. Je ne suis pas suicidaire, je cherche désespérément à prouver que j’existe. Je ne vous demande pas de comprendre, ça doit être particulièrement difficile à imaginer quand on ne le vit pas. Le truc c’est que vous ne pouvez pas mettre fin à quelque chose qui n’a pas commencé, ou qui n’a pas de limite. C’est purement et simplement impossible. Et comme je sais que j’ai un commencement, une naissance et que ça ne change rien à l’emprise de la delusion sur mon cerveau, ma seule chance c’est d’avoir une parfaite connaissance de slimites de mon corps et de mon esprit. Et quand vous ne les avez pas naturellement, c’est affreusement compliqué...
Parce que une fois encore, les choses peuvent être pires (quand je vous dis que ça n’a pas de fin...). Savez-vous à quoi ressemblent mes crises (ou “épisode psychotique” comme ils disent, ça fait un peu titre de série Netflix non ?) ? Si je ne trouve pas un moyen de me sortir de là, les symptômes positifs vont prendre de plus en plus de place, jusqu’à m’écraser, les monstres seront complètement hors de contrôle et une fois qu’un monstre est sorti il ne va pas repartir sans avoir obtenu le sang qu’on lui a promis. Et comme ils n’existent pas dans votre réalité, mais uniquement dans la mienne, c’est moi qu’ils boufferont. Et là, là la douleur arrive. La vraie, celle qui cloue au mur. Parce que ce n’est pas la douleur habituelle, celle dont vous connaissez la cause et la localisation. Tellement pas... C’est l’essence même de la douleur, la douleur à l’état pur. Comme quand vous dîtes “j’ai froid” sauf qu’à la palce vous dîtes “j’ai mal”. Comme si tous tes os se brisaient en une fraction de seconde et déchiraient tes veines et chaque respiration te perfore un peu plus les poumons et chaque battement de coeur propulse des pierres gelées qui viennent encore plus éventrer ce qu’il te restait de veine et tu ne peux pas bouger et tu ne sais plus où ton corps s’arrête alors tu regardes ton sang dégouliner du plafond et ta tête rouler sur le sol de la cuisine pendant que des mains grattent le mur ou celui d’à côté à moins que ça soit ton ventre parce que quelle différence toute façon parce que la seule chose qui soit maintenant réelle c’est la douleur. D’ailleurs, la douleur c’est tellement tout ce qu’il te reste que non, tu ne ressens pas la douleur, tu es la douleur. Et tu vendrais ton âme pour que cette douleur enfin s’arrête, sauf que ! Rappelles-toi, tu n’existes pas ! de ce fait tu n’as pas d’âme. Et même si tu en avais une, tu es la douleur, alors tu crois qu’il va se passer quoi si la douleur s’arrête ?
Oui. Exactement. Tu seras comme une respiration sortant d’une bouche en plein hiver quand il fait putain de froid. Tu disparaîtras dans l’air. Et personne ne le remarquera. Jamais. Parce que compte ses respirations ? Qui prend vraiment le temps de les apprécier ? Et pourquoi cette respiration plus qu’une autre ?
Et c’est ainsi que je disparais. Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de disparaître.
Voilà comment marche la schizophrénie : elle ajoute des trucs plus ou moins merdiques à la réalité, tout en retirant d’autres, et c’est cette accumulation de symptômes qui va créer la delusion, croyance qui pour nous est aussi forte que la gravité.
Une fois de plus, un article long et embrouillé. Merci ‘avoir lu, n’hésitez pas à demander si quelque chose n’est pas clair. Et pour que ça soit plus facile à suivre, le blog a maintenant sa FB page.
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