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Equateur, suite et fin
Cuenca:
Je passe donc quelques jours à Cuenca pour préparer la suite. La ville est très sympa, jolie et assez occidentalisée. C’est la troisième ville du pays après Guayaquil et Quito. Dans l’auberge où je me pose, je retrouve Brad et Shane que j’avais rencontrés à Quito. Shane est irlandais, Brad anglais et ils voyagent ensemble depuis plusieurs mois. Comme quoi tout est possible dans le monde du voyage. A Cuenca j’étais aussi sensé recevoir des lentilles de contact envoyé depuis la France par mes parents, mais elles sont perdues dans les méandres de la poste, et je crois bien que j’en verrai jamais la couleur. Tant pis, je continuerai avec les frijoles.
Pour rentrer au Pérou depuis l’Equateur il y a 4 postes frontières. Les voyageurs que j’ai rencontré ces dernières semaines semblent tous se diriger vers Máncora, sur la côte péruvienne pour y passer les fêtes de fin d’année. C’est tentant d’y aller aussi mais la route est fréquentée et la côte ne m’attire pas tellement. Climat très sec, pas grand chose à voir m’a t’on dit. Alors je me décide à passer la frontière du côté opposé, par la forêt amazonienne, j’y serai beaucoup plus tranquille et la route sera plus agréable et plus belle.
Je reprends donc la route plein sud, l’objectif est d'être au Pérou avant Noël. Et puis je pars de Cuenca avec seulement 30$ en poche et je n’ai pas envie de retirer de nouveau. Et vu que je mange comme 2 ça fait 15$ par personne. Pour environ 5 jours. C’est peu: pâtes, thon en perspective. Et pour grignoter ce sera des bananes. En Amérique Du Sud on trouve des bananes partout, et tant mieux, la banane c’est l’aliment du sportif. Encore faut il réussir à se faire comprendre. En Espagnol c’est facile c’est “banana”. Bon sauf en Colombie où on dit “Chocheco”. Enfin ça c’est vrai dans l’état de Santander parce que dans l’état voisin de Boyaca on dit “Artón”. Et puis dans les faits, le mot le plus utilisé c’est plátano. Enfin pas tout à fait parce qu’on dit “Verde” pour les bananes vertes et “Maduro” pour les bananes mûres. Sauf au Venezuela où, sur les marchés, on ne dit plus “Maduro” (non du président honni) mais “Amarillo”. Ça se vend mieux il parait. Et puis de toute façon au Venezuela on dit “Cambur”... Et en Equateur c’est Guineo… Et puis merde je ne mangerai que des mangues.
En route vers le Pérou
Je sors de Cuenca, roule et m'arrête le soir dans un village. Je me pose dans un petit restaurant. Deux cuyes cuisent sur une broche. Les cuyes ce sont des cochons d’Inde. Chez nous ce sont des animaux de compagnie mais ici on les mange. Et ça se prononce en insistant bien sur le son “ou” et en prononçant à peine le “y” final. Voilà, quasiment comme “couille”. Vous comprendrez pourquoi je n’ai pas pu m'empêcher de rire la première fois qu’on m’a dit qu’ici on mangeait des cuyes. Bref, je mange donc dans ce restau et pose ma tente à l’arrière, sur le terrain de volley.
Je repars de bon matin le lendemain. Ça grimpe pas mal. Vers 13h je suis rattrapé par John (Sud Africain) et Shawn (Américain), deux cyclovoyageurs. Ils se sont croisés alors que Shawn roulait en Afrique du Sud et ils ont décidé de s’organiser un voyage ensemble en Equateur car “c’est difficile de trouver des gens pour voyager à vélo”. “Tout le monde pense que vous êtes fou, surtout la famille”. Dans le monde des cyclovoyageurs je suis un poids léger. Mon matériel est assez optimisé et avec eau et nourriture il atteint environ 40 kg. Mais ces deux là ce sont carrément des poids plumes. Pas de sacoche latérale, seulement une au niveau du guidon, une derrière la selle, un petit sac à dos et c’est parti. Bon, ils ne voyagent qu’un mois, seulement la traversée de l’Equateur (la trans-ecuador singletrack), mais quand même, l'équipement est impressionnant. Ça leur permet de passer dans des chemins où je serais obligé de pousser mon panzer. On roule ensemble jusqu’à la fin de la journée et on pose le campement à proximité de Saraguro, en haut du col. On sort tous nos boîtes de thon et nos pâtes et on mange en profitant du paysage qui s'étale devant nous.
Le lendemain on reprend la route ensemble, jusqu'à ce que je sois victime d’une crevaison, ou plutôt d’une explosion de ma chambre à air sur une faille dans la route. Quand on arrive à 50km/h dessus c’est difficile à éviter. Surtout que la fissure fait toute la largeur de la route. Même si les routes sont plutôt en bon état en Equateur, le sol travaille pas mal et ce genre de surprise peut arriver. John et Shawn continuent sans moi, de toute façon on allait se séparer peu de temps après: ils prennent les chemins, moi la route. Je répare ma chambre à air (pas moins de 5 rustines) et je reprends la route. Le soir, j’arrive à Malacatos après une belle descente bien méritée. La petite ville est étrange. L’architecture ne ressemble à rien de ce que j’ai pu voir jusqu’ici en Amérique du Sud. Et pour cause, je suis dans une ville où beaucoup d’occidentaux sont venus s’installer, attirés par la réputation de la région qui abriterait un nombre élevé de centenaires. Je m’enfonce dans un quartier et campe près d’un terrain de sport. Oui ça devient une habitude. Il y a des vestiaires, et j’en profite pour me doucher à l’aide de ma poche à eau et laver mes vêtements. J’ai mal à la tête ce soir là et le lendemain ça ne va pas mieux. Je roule jusque Vilcabamba quelques km plus loin. Pas la grande forme, je m’arrête pour faire le tour de la ville et reprendre des forces. Alors que je me repose, je vois arriver Shawn et John. Pour eux c’est l’ultime étape avant de reprendre l’avion. Je ne fais pas de vieux os dans la vallée des centenaires, je leur dis au revoir et je reprends la route vers le sud. La route est difficile. J’enchaîne les cols. A chaque fois que j’en passe un, je découvre le suivant qui m’attend derrière. La cordillère se dresse là, tranquille, infinie, comme un défi lancé à la persévérance. Chaque fois, le paysage est un peu différent, plus ou moins sec, boisé, habité. Trois cols, j’arrive à Yangana. Les villages et la vie humaine se raréfient et je fais le plein de nourriture et d’eau en prévision de la nuit. Je reprends la route. Le goudron laisse parfois la place à la terre. Nouveau col, nouvelle descente, me voilà dans le parc national Podocarpus. Le paysage est sauvage, le temps est gris, le vent souffle. Je recommence rapidement à grimper. Le soir arrive, ça va être compliqué de camper dans ce relief escarpé. La pente semble vouloir battre des records d’inclinaison et je roule à 3 km/h et en zigzag sur la route déserte. La nuit est là quand j'aperçois un promontoire rocheux, sans doute les débris résultants de la construction de la route. Je m’y enfonce, trouve un endroit parfait entre les sapins pour camper à l’abri du vent. Au réveil je découvre le paysage et passe un moment à l’admirer avant de reprendre la route. Je me sens loin de tout dans cette immensité sauvage. Je repars. Il pleut. Je finis la montée puis descends jusque Valladolid où je m'arrête pour me réchauffer. J’en profite pour emprunter une clef à un mecano et rapprocher un peu mes patins de freins de la roue arrière. Le système de freinage commence à montrer des signes de fatigue, mais ma bricole règle temporairement le problème. La pluie cesse enfin et je reprends la route et passe Palanda. Le bitume disparaît définitivement. En bord de route, quelques maisons, je m’y arrête pour la nuit. Je discute avec deux filles. Si je comprends bien elles donnent des cours de catéchismes aux enfants. Quoiqu’il en soit, elles ont les clefs de l’église et m’offrent d’y passer la nuit. Après les prières du soir, j’installe donc le campement dans l’église. C’est assez étrange de poser son matelas, cuisiner dans ce lieu. Dans un coin, ma toile de tente sèche sur une grosse croix pendant que je mange en face de la crèche. C’est jour de fête dans le village et c’est impressionnant de voir tant de jeunesse et de vie dans un endroit si minuscule.
Le lendemain, je continue sur le chemin dont la pente continue de me donner du fils à retordre. Je finis pas arriver à Zumba où je m'arrête pour manger. Pâtes, thon. Des gens viennent discuter avec moi. Ma pitance semble leur faire de la peine et ils m’offrent du sel et des bananes pour agrémenter mon repas. Une petite sieste et je repars. J’arrive à Chorro. Avec le dollar et demi qu’il me reste j'achète du pain et des pâtes. J’ai eu des informations contradictoires et je ne suis pas sûr de pouvoir retirer de l’argent à la frontière. Je finis difficilement les derniers km. J’effectue sans problème les formalités douanières et je demande aux policiers Péruviens s’ils connaissent un endroit où je peux camper. “Derrière le poste frontière”. Très bien. Décrassage du vélo, pâte, thon, dodo. Me voilà au Pérou!
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