#poésie innu
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poesiecritique · 7 years ago
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Mon corps /est une /             / Tanière.*
quand j’étais à Québec, pour Vocalités Vivantes, j’ai vu un film, il faudrait que je retrouve ce documentaire, titre et auteur, c’est un réalisateur, blanc, mâle, acteur je crois, etc., etc. ça veut dire c’est avec et depuis toute sa dominance, la suffisance qui quand sur scène vient après ou avant, qui me fait soupirer, comme me fait soupirer, dans ce documentaire ce genre de petits graphiques, des animations so cute et tellement débiles : comment ça se fait que partout partout, dès que genre format tv ou web, on n’y coupe pas, et qui dit, qui prône, encore aujourd’hui, qui croit ça dans un documentaire nécessaire ?, et pourtant, malgré tout ça, ma réticence et mon agacement, c’est un documentaire qui m’a appris plein de choses, me mettant sur les traces du français langue mpatern- de Kerouac, Kerouac élevé en français à Lowell, dans le Massachusetts, jusqu’au moment où l’école le rattrape, français américain se superposent, il écrit dans les deux langues, traduction de la version quand manuscrit tapé tapuscrit on the ribbon, ok, la beat generation à Paris par là passe, sa généalogie, aussi sur les traces de, et dit aussi, mine de rien, ce documentaire, quelque chose comme : le français québécois, tous les français qui bananent depuis la louisiane au québec passant par, tous ces différents français que soulignait tant, si bien, Vocalités Vivantes, la vivacité de tous ces français-là, si on veut pouvoir les défendre hors soumission à l’anglais, hors soumission à la bonne la vraie la colonisatrice langue mère qui outre-, qui en france regarde de haut toutes langues non normalisées, d’ici canada à là-bas afrique, si on veut résister à tout ça, et si on veut dire nos langues existent, il va d’abord falloir faire un autre pas, et ce pas-ci, c’est la reconnaissance des peuples des Premières Nations, des langues des peuples des six-nations, leurs langues et la façon dont dans notre langue leur langue vient, ça veut dire désormais : les écouter, ouvrir champs et places, nous taire, écouter :
A la finale des luttes  Je rentrerai  lui chanterai  une berceuse  neka Des cris de l’Ouest ou des six-nations Neka shash je n’ai plus de batailles  à pourfendre 
Natasha Kanapé Fontaine, Manifeste Assi, éd. Mémoire d’encrier, 2014 (p.34)
lors de l’une des soirées québecoises organisées à paris, québec invité d’honneur du 38ème marché de la poésie,au monte-en-l’air, l’ai entendu et hop, comme d’autres ce soir là, ai eu envie d’en lire plus, d’en savoir plus ; de Natasha Kanapé Fontaine je désirais comprendre comment le chant que je venais d’entendre dans un livre, tenait, si dans un livre tenait, si c’était fragment ou épopée - l’entendant lire j’ai pensé : la possibilité d’une épopée, ça a ouvert cette possibilité ces 10 minutes lues de Manifeste Assi 
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traînant dans les allées du marché, une remarque m’a arrêtée, c’est celle de Natasha Kanapé Fontaine qui, écrivant Manifeste Assi, découvre en même temps les écritures, par exemple, les écritures haïtiennes, par exemple toutes celles qui par la francophonie encore sont écrasées en France, si vives ailleurs, vivantes sans nécessité d’être adoubées, toutes celles qui sont celles de luttes, Aimé Césaire, Léon Gontran-Damas, je me rends compte que ces textes, leurs auteurices je ne les connais pas assez, et ici, ça s’ouvre,
traînant dans les allées du marché, une remarque m’a arrêtée, celle quant à l’utilisation, le choix de l’utilisation du français pour écrire, ce français qui s’écarte devant l’innu, qui pour toute personne à qui la poésie sonore sonne à l’oreille, à qui toute autre langue donne et demande attention, j’ai entendu : le choix de cette langue le français, c’est aussi faire le choix d’être éduqué,e par, dans le système, et depuis le système donner voix pour que dans le système colonial la voix, la voix innu porte, qu’il n’y ait pas assignation à la langue notre par d’autres que nous, fuck l’authenticité, elle nous réduit si décrite par d’autres, si notre langue doit être traduite, ensuite traduite quand ensuite traduite veut dire : périphérique, toujours périphérique, présente pour:  bonne conscience des colonisateurices, alors dès lors attaquons en français, en québécois, dans le français que nous avons aussi fait notre, et puis retournons vers d’où l’on vient pour défendre ce qui demeure, où défendre veut vivre et faire grandir ce qui n’a pas encore été assassiné, j’entends sous-jacent : soyons vigilant,es soyons très vigilant,es à ne pas nous faire endormir par le système qui endort et se répand, soyons attenti,f,ves, y être, être dans ce système est dangereux, mais ne pas y être ça veut dire que, pur, notre assassinat va continuer, et que nous ne ferons rien,  mais ce n’est que ce que, depuis l’endroit d’où je suis, à partir de cette remarque, depuis blanche, française, femme, classe moyenne x milieu intellectuel, à la langue amputée par l’économie, c’est projection  
Je t’écrirai  tout ce que je crierai les toits de toutes les cités  je réciterai braise mémoire nitei mak utassi mes pieds sales chantant la beauté  le sable parmi les sabliers du temps Perdons à stagner basculons fou à mourir au bout des routes 138 irréprochables Folle à mourir  au bout de la route territoire Ma mère faiblit mes pieds ne l’atteignent plus.
Natasha Kanapé Fontaine, Manifeste Assi, éd. Mémoire d’encrier, 2014 (p.25)
je pense au livre de  Niviaq Korneliussen, Homo Sapienne, qui d’emblée affirme :quelque chose comme vous n’aurez rien de ce que vous pensez pouvoir trouver d’exotique, votre rêve de Groenland blanc n’est pas notre réalité,  j’y pense en lisant le Manifeste Assi, j’y pense car si des immeubles apparaissent, si la ville figure, ne cesse l’entremêlement avec d’autres mots qui résonnent paysages qu’il s’agisse de noms d’animaux, ou de rites, de luttes, de corps, de routes, corps et routes et paysages deviennent les uns les autres comme dans une mythologie que je connaîtrais par ailleurs, je connais pas celle innu, connais les bribes de celles qui résonnent, ici et là, comme dans Les enfants vers d’Olga Tokarczuck, ou dans le Kalevala qu’écrit Elias Lönnrot (!), ce que je connais ce sont des fragments qui se mêlent et qui se combinent, par l’essentiel se recombinent comme dans ce Manifeste Assi, qui s’il est un chant de lutte est aussi une oeuvre littéraire, un chant de lutte comme pourrait l’écrire Lauren, de The parabole of the sower, comme l’écrit, essentiel Octavia E. Butler, elle comme peut-être Natasha Kanapé Fontaine écrit cet essentiel-ci, Manifeste Assi, comme Livre des vivants,  recombinaison de ce qui a été hérité, transmis, s’élève la question de ma propre réappropriation culturelle : fait-elle mur à ma lecture ?, fait-elle mur pour me faire désirer une épopée, un chant épique ?, est-ce donc cette épopée que je souhaitais continuer à entendre ce Manifeste Assi ? Si c’est un chant épique, c’est un chant épique en fragments, des fragments d’un chant qui doivent être reconstruits entre eux, entre ces fragments il faut tisser, tout un travail : tout n’est pas dit, tout n’est pas clair, il y a la langue, et la langue rugit, est calme, rugit, se déverse, ralentit, au milieu de multiples décalages qui m’en font réceptrice toujours un peu en décalage, appréciant ce décalage, encore un espace pour réfléchir à ce qui parvient, vient de parvenir, va parvenir encore relisant plusieurs fois les mêmes lignes : galoper avec le Manifeste Assi c’est à la fois être enchantée par une beauté, une rudesse, et à la fois devoir réapprendre à comprendre, 
Je me retire  écorce les mots  où la colère a sué ou la colère a bûché brave  j’ai pelé l’ivresse et l’écume et la mousse d’une seule main l’hiver  ne vous a pas éprouvé comme il devait ne vous a pas démontré la racine la plus vive  il est dit que le monde a couru jusqu’ici  des bâtons marquent d’un trait le sol gelé  sous la dérive des peuples qui concassent les yeux bandés le chemin à garnir : ma grand mère gravit les montagnes  la baie est un fleuve dans un seul fruit je lave mes vêtements dans un cercle de métal je m’appellerai à nouveau braise et écorce  reprendrai le nom de mon père me souviendrai de la naissance          des cieux mon peuple  je prendre les anguilles  les redonnerai à la mer je redeviendrai le pays que mes ancêtres         ont bâti jadis sur les abords du fleuve 
Natasha Kanapé Fontaine, Manifeste Assi, éd. Mémoire d’encrier, 2014 (p.45)
peut-être, peut-être que l’écriture de Natasha Kanapé Fontaine résonne en moi, or la possible connaissance de contes, de mythes, de chants, or ce par devers, résonne peut-être en moi au point précis de la lutte où, l’autrice le dit-elle même sur le site de  son éditeur, Mémoire d’encrier : “Mémoire Assi est d’abord une terre de femmes”, cette lutte pour une terre, pour un peuple, n’est pas un peuple où homme vaut supérieur à être, est une terre comme les femmes et la terre sont prises par les hommes blancs, avec violence, en violant, en violant la terre et les femmes, en tuant, stérilisant, avec toute l’arrogance du pouvoir et de l’argent les forêts sont ouvertes, déracinées, replantées carrées, rentabilisées par devers elles les forêts comme les terres plantées comme les femmes sans cesse colonisées, parce que femmes, et la lutte est celle de générations en générations celles des femmes, le corps des femmes comme le corps du monde, lutter pour le préserver, contre qui l’envahit, contre tout colon, lutte de génération en génération, c’est présence mère et grand-mère, leur importance, toujours leur importance quand elles ont été contre la colonisation de leur peuple, de leur corps, de leur esprit, de leur terre, quand ces quatre mots peuvent faire un, de façon qu’encore chacune est soi, c’est ce que réussit, et nous dit qu’à côté d’elle, on peut se tenir droit, et lutter, c’est, je crois ce que réussit Natasha Kanapé Fontaine dans son Manifeste Assi,   
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*   Natasha Kanapé Fontaine, Manifeste Assi, éd. Mémoire d’encrier, 2014 (p.44)
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