#lune skellington | Explore Tumblr posts and blogs

elegieenbleu · 8 years ago

Text

KUBO, l’artisanat selon LAIKA

Parler du studio d’animation Laïka c’est un peu comme revendiquer le jouet en bois dans un marché grouillant de productions en plastique. C’est finalement le véritable espoir d’imaginer une animation différente et traditionnelle, par diversité culturelle, entre les géants de l’animation 3D Disney-Pixar et Dreamworks. Le groupe fut fondé en 2005 militant pour l’indépendance de ses créations avec la volonté bien ancrée de s’exprimer par la “stop motion”, le langage image par image. Laïka, « comme la chienne errante choisie par les Russes pour être le premier être vivant à voyager dans l'espace en 1957… du caniveau jusqu'aux étoiles ! » Cette time capsule nous propulse vers le monde d’une poignée de poètes visionnaires, celui d’Henry Selick et de Jack Skellington ou encore du studio britannique Aardman exerçant la claymotion avec Wallace, Shaun et Gromit. Des femmes et des hommes qui confectionnent et articulent avec une minutie hors-pair des marionnettes dans des vêtements et des décors miniatures.

Une singularité créative invoquée par ces figurines filmées en montage alterné et sollicitée dans des mondes très variés. Le conte horrifique de Neil Gaiman Coraline fut la première adaptation animée du studio. Réalisé par Henry Selick en 2009, le film est une plongée vertigineuse dans l’imaginaire de l’enfance, monde fantastique aux dimensions parallèles à l’instar de son précédent film James et la pèche géante. Par son processus très long de création, les projets en stop-motion du studio Laïka sont audacieux et rares, ce n’est qu’en 2012 que Chris Butler revient avec la comédie macabre de L'Etrange Pouvoir de Norman, suivis des Boxtrolls en 2014 et de Kubo et l’armure magique pour cette rentrée 2016. Ces films traitent de thèmes relatifs à l’enfance, souvent d’inspiration littéraire et merveilleusement bien écrits, très proches de Lewis Caroll et Maurice Sendak qui sont probablement les plumes s’adressant le mieux aux enfants. Il y est question de rite de passage à l’âge adolescent, la grande aventure du savoir autour de l’astre des fables imaginaires où nos héros gravitent en parcourant des voyages époustouflants.

Le récit initiatique de Kubo en est le parfait apanage et se parcourt tel un emakimono (littéralement « rouleau peint ») à l’élégance colorée du Japon médiéval. Cette estampe narrative s’ouvre devant une mer déchainée, au creux d’un mur d’eau solide et impénétrable telle la grande vague de Kanagawa d’Hokusai. Sous le regard noyé de la lune bleutée, une minuscule silhouette de femme à bord d’une petite embarcation brandit son shamisen (instrument s’apparentant à un koto) et semble déterminée à passer outre pour sauver son nouveau née, [Kubo - l’enfant sauvé des eaux]. Scène biblique d’apocalypse maritime où le courage et l’héroïsme nous font déjà frémir, « si vous devez cligner des yeux, faites-le maintenant. » Le legs de l’aventure, le flambeau que ce jeune garçon promis à un destin intrépide nous invite à saisir lors d’une chasse aux trésors mythologique. Trois objets, trois parties du récit, l’épée, le plastron et le casque, reliques de la mort Rowlingiennes disséminées permettant une fois réunies de repousser l’effroyable maléfice jeté par le Roi Lune, grand-père du héros.

Sous l’apparence d’un conte proche de J.R Tolkien et d’Hayao Miyazaki, la trame nous enlace dans une quête du Graal dissimulant pourtant des enjeux bien plus matures et coriaces. Deuil, trauma familial, divinités et fantômes, les thèmes de Kubo nous remémorent très vite l’excellence de l’écriture de Coraline; toujours de manière pertinente et intelligente, comme son héro conteur et virtuose du pliage d’origamis. L’issue scénaristique du film est parfois prévisible et consensuelle, probablement pour mieux capter l’attention des plus jeunes mais parvient avec brio à contourner des poncifs moralisateurs pour s’affirmer de manière plus spirituelle et philosophique. L’authenticité du Japon est palpable, les décors oscillent entre bambouseraie verdoyante, mer aux profondeurs hypnotisantes et villages pittoresques de montagne. La présence de certains rituels divinatoires et l’animisme renforcent le tourment sacré du scénario. Côté bestiaire, la mythologie japonaise n’est pas en reste en matière de fantômes et autres monstruosités. La direction artistique est d’ailleurs très largement inspirée des estampes d’Utagawa Kuniyoshi du XIXe siècle reprenant notamment pour un combat épique le squelette géant de Takiyasha la sorcière et le fantôme du squelette.

Force est de constater que Travis Knight, actuel pdg de Laïka qui signe ici son premier film pour le studio s’est laissé influencer par ses nombreux voyages en Asie. Sur le plan technique, le rendu graphique de Kubo et l’armure magique est irréprochable, : “le film a nécessité le travail de nombreux techniciens qui ont dû relever des défis inédits dans l'animation. 35 animateurs travaillaient d’arrache pied sur 70 plateaux différents et le personnage principal, Kubo, possède 11 007 expressions de bouches, 4 429 expressions de sourcils, et un total de 23 187 visages.” Une chose est sûre, telle une troupe de cirque itinérante, ces costumiers, marionnettistes, animateurs, maquettistes, monteurs et directeur des effets spéciaux savent nous raconter des histoires. Chaque étape du voyage de Kubo est autant de travail, la symbiose parfaite entre animation 2D, animation digitale et stop-motion font de ce film un éblouissement visuel permanent. En 10 ans d’existence, le studio Laïka a su s’imposer pour devenir l’avant-garde de la stop motion, se heurtant parfois aux raisonnements hâtifs d’un public adulte convaincu que l’animation est exclusivement destinée à distraire les enfants.

#kubo movie #kubo and the two strings #kubo et l'armure magique #travis knight #chris butler #laika #laïka #animation #critique

0 notes