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carpe-coitum · 8 years ago
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Littérature de Boudoir (1) : Contes de la folie ordinaire, C. Bukowski.
Salut, Tumblr.
Il y a quelques semaines, je te proposais une chronique régulière sur la littérature érotique. Tu as répondu plutôt très positivement ce qui m’a encouragée à prendre la plume. Si j’arrive à maintenir un bon rythme, j’en entamerai peut-être d’autres, sur la littérature horrifique par exemple. Nous verrons.
Dans l’espoir de servir ce noble projet, j’ai dressé un rapide inventaire des œuvres tendancieuses que contient ma chère bibliothèque : on a de quoi faire. J’ai hésité quelques temps à commencer par une œuvre voilée de pudeur, par une sensualité de miel. Pour ne pas choquer tes chastes yeux. Et puis je me suis souvenue que tu étais un fifrelin sans âme – oui, toi - alors, commençons avec du lourd de chez lourd : bienvenue chez Bukowski !
Si ton esthétique érotique se rapproche de la description éthérée d’une nymphe blonde et pure sortant de l’écume… Des sacs à vomi seront distribués dans les commentaires. Vous avez tous pris un Vogalib ? C’est parti !
 L’auteur du crime : Charles Bukowski.
 Bukowski, c’est avant tout une gueule :
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Une gueule toujours ouverte et avinée. Ce joli coeur est né en l’an de grâce 1920 à Andernach, en Allemagne. Alors qu’il était à peine capable d’aligner trois mots, ses parents décident d’émigrer aux Etats-Unis. Charles grandit alors dans le contexte charmant de l’émigration des années 20, en pleine crise économique. Papa est violent, alcoolique et complexé par son absence de réussite sociale. Maman est soumise, discrète et battue. Charles, lui, s’évaderait bien dans des relations amicales enfantines si elles ne lui étaient pas interdites ; tout comme il se serait volontiers abandonné à des amours adolescentes si une acné dévastatrice ne l’avait pas transformé en monstre de foire. Incapable de se faire remarquer par autre chose que sa laideur, l’adolescent torturé se tourne... Vers la littérature. Attention, il ne s’est pas contenté d’ouvrir une page tumblr pour y disséminer des vers plats et prétendument profonds d’artiste-adolescent-incompris-qu’a-pas-eu-le-dernier-IPhone-p’tain-trop-injuste-la life. Non, d’une part parce que Tumblr n’existait pas, d’autre part parce que le Bukowski adolescent ne s’est pas tourné vers la poésie pour ajouter la touche finale à son look de hipster trop hype. C’est dans l’expérience de la laideur et de l’exclusion que se forme l’embryon de la littérature Bukowskienne et, tu le verras, c’est important pour la suite.
Après, son certificat d’étude, le jeune et pas si fringuant Bukowski débute une vie d’errance à travers les Etats-Unis. Il enchaîne les petits boulots, les femmes et les cuites au rythme de ses pérégrinations. Papa et Maman sont tellement charmés par ce circuit formateur qu’ils annoncent aux voisins que leur fils est mort. (Le Prix des meilleurs parents d’auteur est attribué ààààààà... M’sieur et M’dame Bukowski qui dépassent de peu Dostoïevski Père) Il faudra d’ailleurs attendre que Papa et Maman aient la décence de trépasser pour que la carrière littéraire du fils renié puisse décoller réellement. Engagé par la Poste, Charles s’installe quelque temps à Los Angeles où il commence à se faire publier dans des revues. On l’invite dans le milieu littéraire, à des soirées : il fuit à toutes jambes l’Intelligentsia américaine qui le répugne (et qu’il répugne d’ailleurs) pour se poser en ermite alcoolique et infréquentable.
Parmi ses plus grands succès, on relèvera Journal d’un vieux dégueulasse (1967), Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines (1969) et Women (1978). Au milieu de tous ces ouvrages se niche celui sur lequel on va s’appesantir aujourd’hui, toi et moi : Contes de la folie ordinaire. T’es ready, baby ? Go. L’objet du crime : Contes de la folie ordinaire, 1972.
Ce recueil de vingt nouvelles a été publié sous le titre de Erections, Ejaculations, Exhibitions and General Tales of Ordinary Madness. L’unité du recueil tient dans la mise en scène d’une sexualité débridée, violente et tragique. Si nous devions résumer l’oeuvre en trois mots : Baise, Cuite et Crasse. Le mouvement que soutient Bukowski, souvent nommé “réalisme sale” -je ne suis pas d’accord avec cette appelation ceci dit- explore les abysses des rapports humains dans ce qu’ils ont de plus crades et bas. Le lecteur évolue dans l’oeuvre comme on marcherait pieds nus sur une moquette noire de crasse, en slalomant entre les bouteilles vides et les capotes usagées.
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Avant de traiter l’oeuvre plus en profondeur, il convient de faire un petit rappel sémantique. Promis, Tumblr, ce sera pas long et puis en plus on parlera de techa.
Dis, Baba, c’est quoi la différence entre porno et érotique ?
Mais enfin, Jamie, c’est pas sorcier ! Voyons ce que nous en dit le TLFI (Trésor de la Langue Française Informatisée) : “PORNOGRAPHIE - Subst. Fém. Représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées.” ; “EROTISME - Subst. Masc. Caractère de ce qui a pour thème, pour inspiration, l'amour charnel. Remarque : L'érotisme se distingue parfois mal de la pornographie, et il embarrasse ainsi les censeurs. Pourtant, il nuance le but commun, procurer le plaisir génital, en l'enveloppant d'esthétique, en suggérant plus qu'il n'impose. Entre ce raffinement et la brutale obscénité, la différence est aussi grande, a-t-on pu écrire, qu'entre un vin de grand cru et un autre très épais.” Pour faire simple, l’érotisme c’est ce qui fait glousser ta tante coincée lorsqu’elle a un coup dans le nez à Noël et que les danseurs du Plus Grand Cabaret du Monde débarquent torse poil ; la pornographie c’est ce que tu caches dans le dossier “Discographie complète de Dalida”, dans les tréfonds de ton PC. L’érotisme suggère, la pornographie exhibe. L’érotisme concerne l’être entier, la pornographie se focalise sur les techa et les tebi. Okay ? Des questions ? On continue.
Mais alors, les Contes de la folie ordinaire, c’est porno ?
Sans aucun doute, oui. Les nouvelles sont presque toutes obscènes et la représenta... Quoi ? Tu ne me crois pas ? Je vais vraiment être obligée de citer le texte ? Bon. Accroche toi à slip, ma caille. Prenons pour exemple ce charmant passage du Petit Ramoneur  où un homme subit un sort de la part de sa sorcière de femme qui le fait rapetisser jusqu’à la taille ubuesque de vingt centimètres. Tu as peur ? Tu peux. Les sensibles, on prend son sac à vomi et on pense à autre chose : “J’ai fini ma bière et l’horreur est arrivée, la pire des horreurs. Sarah m’a soulevé et m’a posé entre ses cuisses à peine écartées. Je me suis retrouvé nez à nez avec une forêt. J’ai bandé mes muscles, me doutant de la suite. On m’a enfoncé dans une nuit puante. J’ai entendu Sarah gémir. Puis Sarah a commencé à me faire subir un va-et-vient très lent. Je l’ai déjà dit, la puanteur était insupportable, c’était dur de respirer mais j’y arrivais quand même - il y avait des poches d’oxygène dans les plis.”
On est loin de la description tendre de la courbe d’un sein, hein ? Alors, oui, la majorité des contes est particulièrement pornographique. Mais cela les prive-t-il d’érotisme ? Et bien non. Il y a tout de même un érotisme troublant chez Bukowski, et cet érotisme vient du tragique. Prenez de la pornographie, ajoutez-y un peu de violence, pas mal de désespoir, un soupçon de tragique et BAM ! ça fait - non, pas des Chocapic- de l’érotisme. Un érotisme dérangeant, un érotisme difficile. Un érotisme coupable.
Baba, t’as dit tout à l’heure qu’on devait se rappeler que la naissance de l’esprit littéraire de Charles s’était faite dans la laideur, tu comptes en parler où tu nous as pris pour des cons ?
Calmos, Tumblr, oh. Oui, la laideur et son esthétique ont une place très importante dans les contes. Le recueil s’ouvre sur La Plus Jolie Fille de la Ville  où le narrateur “l’homme le plus laid de la ville” tombe amoureux éperdu de Cass, la plus jolie fille de la ville. Leur liaison est tumultueuse, jusqu’à ce que Cass ne se suicide. Ainsi, le recueil s’ouvre sur le suicide la beauté. Bukowski annonce le ton, la beauté n’a pas sa place ici, elle est remplacée par la laideur étrange des femmes faméliques et édentées, des hommes bedonnants et sales. Et c’est là qu’on touche au génie de Bukowski. Le bonhomme arrive quand même à faire naître l’érotisme le plus bouleversant de la littérature de son époque sur une base de pornographie crade, en immolant la beauté dès les premières pages. Respect.
Seulement, faut-il résumer l’intérêt des contes à cet érotisme troublant ?
Non, bien sûr que non. Bukowski est un auteur plus complexe que cela. Cet érotisme dévoile, par son incongruité, toute la violence et la misère d’une société qu’on tente d’épurer, d’idéaliser à outrance. Son oeuvre ne dépeint pas que la valse morbide d’alcooliques fornicateurs et injurieux, elle dévoile au monde la profonde agonie des rapports humains que l’attrait de l’harmonie -esthétique et spirituelle- place perpétuellement en posture de frustré supplicié.
Alors, Tumblr, toujours entier ? Si tu as tout lu, bravo. Si tu n’as pas eu de haut-le-coeur, félicitations. Si ça t’a plu, dis-le. Si tu as des questions, propositions, idées, n’hésite pas. C’est un premier essai que j’espère concluant. En attendant, je te laisse entre les pages d’un bon bouquin et je t’embrasse. @quemajoiedemeure ; @biomorphisme ; @moodyshae ; @fleursarctiques ; @aliceaupaysdeladrogue : vous étiez pour, voilà chose faite !
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