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Edwenn
Le monde des Faës
Auteurice : Charline Rose
Maison d’édition : France Loisirs (Nouvelles Plumes)
Date de publication : 2016
Nombre de pages : 548
Genre : Fantasy
Ce qu’en pense Seli :
Inutile d’y aller par quatre chemins. Je n’ai pas aimé. Pas du tout.
Quand je termine ce genre de lectures, je me sens souvent un peu bizarre. Parce que quand je vois les avis d’autres lecteurs sur Livraddict, j’ai tendance à me demander si le problème vient de moi, si je suis partie avec un a priori ou si le premier défaut que j’ai croisé m’a entièrement braquée. Ce livre, beaucoup de gens l’ont adoré. Et il a de belles qualités, donc je peux comprendre. Mais je pense que mes goûts ont énormément changé en quelques années, et que je suis devenue bien plus exigeante. Je reconnais que Charline Rose a du talent, et pour un premier roman il y a de quoi partir sur d’assez bonnes bases.
Parlons style, fluidité et atmosphère. J’admets qu’à mes yeux cela s’approche d’un sans faute. J’avais sélectionné cette lecture pour le Pumpkin Autumn Challenge dans la catégorie Automne Enchanteur et ce roman y a parfaitement sa place. L’autrice a un certain talent pour les description : elle en fait des gros pâtés un peu partout, mais elle manie si bien sa plume et ses idées qu’on a vraiment l’impression de voir exactement ce qu’elle imaginait en écrivant. Elle parvient à donner vie à l’univers de son roman, à ces étendues de nature presque sauvage, avec un style qui frôle parfois le lyrique et demeurant toujours élégant. En dehors de ces descriptions où elle semble vraiment se faire plaisir, son style est sobre mais efficace. On ne s’ennuie pas dans ce roman. Le rythme auquel s’enchaînent les événements est soutenu, régulier, et parvient à faire remonter la tension comme il faut aux moments dramatiques. Je tiens à la souligner, car vu le peu d’investissement que j’ai eu dans les personnages, c’est une réussite incontestable.
Autre point très positif : l’univers des faës. Il est extrêmement varié et créatif, proposant au fur et à mesure la découverte des différents peuples. Si la cité et le peuple d’Alwena restent proche de ce que la fantasy dit traditionnellement des cultures elfiques, j’ai en revanche été marquée par les Faës de Nuit et les Chimères. Les premiers vivent dans une nuit perpétuelle et leur culture comme leur apparence s’en ressentent. Il y a parfois cette sensation de langueur dans l’atmosphère de la cité, comme si ses habitants essayaient de tromper le sommeil en permanence en s’étourdissant de bals et de réceptions. Les seconds sont un peuple clairement identifié comme mauvais, mais leur caractère fourbe s’illustre dans leurs pouvoirs qui leur vaut aussi leur nom : les Illusions. Ils se dissimulent sans cesse, mais l’autrice nous fait clairement sentir que chacun sait qu’il ne s’agit que de poudre aux yeux. Cela ressemble alors à un jeu pervers de tromperie et de douleur, les Illusions utilisant leurs capacités à foison pour faire souffrir.
{SPOILER} Lorsque les Sages se rendent à la cité d’Alwena, dévastée par les Chimères, par jeu, ces dernières ont tissé un voile d’illusion pour faire croire à une cité lumineuse et heureuse, alors que chacun sait son sort. Je trouve ce choix percutant et donnant une réelle dimension à un peuple unidimensionnellement méchant. {FIN SPOILER}
De nombreux personnages sont présentés également comme des entités magiques anciennes et mystérieuses, comme les Sages ou l’Impératrice dont la scène d’introduction laisse présager d’un personnage cruel et inquiétant... Rendant son traitement d’autant plus décevant, mais on y reviendra.
Cependant, il y a déjà un revers à la médaille. Autant l’univers des Faës est intriguant, autant celui des humains est fade et inintéressant. C’est très clairement une intention de l’autrice, mais du coup, il y a un réel soucis d’exposition et des incohérences. On a l’impression que l’on attend de nous de déjà connaître le bled de bouseux de base dans lequel commencent beaucoup de héros de fantasy. Cela permet de comprendre d’où part notre héros, quel est son environnement social, de façon à trancher clairement avec les aventures qu’iel vit par la suite. Un exemple simple : dans Eragon, on passe de très nombreux chapitres dans son village pour bien comprendre qui il est et quelle est sa vie. Ce qui permet aussi de justifier son attachement à sa famille. Ici, on y passe à peu près trente pages, et bon courage pour comprendre à quoi la société des humains ressemble. On sait deux choses : ils sont de pauvres paysans, et ont peur des faës à cause de guerres ancestrales. C’est tout. Si bien que quand Edwenn évoque deux nouveaux éléments (dites donc quel luxe d’en savoir autant !), on s’en fout royalement. De même quand son frère lui manque : on l’a vu une fois en train de l’engueuler, et on a plus senti son mépris que son amour pour lui.
D’autre part, Edwenn se présente comme pauvre, mais l’autrice n’a aucune idée de ce que cela implique pour un paysan de base d’un univers médiéval fantastique. N’étant pas médiéviste, j’ai demandé son avis à Naviss sur des éléments qui me semblaient étranges. Le frère d’Edwenn possède ainsi plusieurs tenues et elle-même possède une cape en coton. A deux, ils possèdent plusieurs cochons, et ont plus d’une pièce dans leur maison. Naviss n’a fait que confirmer mes soupçons : ce sont plus des caractéristiques de propriétaires terriens assez à l’aise plutôt que de bouseux de base. Plus évident, d’où Edwenn a apprit à monter à cheval ? Apparemment, le seul fait qu’elle ne sache pas lire justifie qu’elle soit une paysanne, et c’est très souvent appuyé. C’est dommage parce que ça montre clairement que cette partie n’a pas du tout été travaillée par l’autrice. A contrario, le prologue parait exagérément forcé, et il y avait tellement besoin de justifier la romance entre Derdre et Kadvael que l’autrice nous donne d’entrée de jeu le coup de foudre sans queue ni tête. Comme c’est la base de l’intrigue, ça fait clairement orienté pour justifier tout le reste.
Mais si ce n’était que cela, ce seraient de bien menus défauts comparés au monstrueux problème de ce roman : son personnage principal, Edwenn.
Edwenn, on la dirait sortie tout droit d’une pub Dior.
Source : arytisima.tumblr.com
Voilà, ce genre de trucs, là !
Elle a la chevelure rousse, flamboyante, la peau pâle et mouchetée de tâches de rousseur et de magnifiques yeux d’or liquide (les mêmes qu’Edward Cullen tiens !). Elle est mince, grande, gracieuse et d’une beauté à couper le souffle. Elle aime la forêt, la belle nature pleine de chlorophylle et est fascinée par les faës depuis sa plus tendre enfance. Elle est forte, combative, elle a du caractère et n’aime pas se laisser faire.
Bien, cela étant clairement établit, reprenons notre petit bingo de la Mary Sue...
Exceptionnellement belle. Check !
Très intelligente. Check !
Dénigrée par ses pairs qui ne la comprennent pas. Check !
N’a pas de réels défauts si ce n’est “trop quelque chose”. Check !
Naturellement douée pour un tas de domaines. Check !
Clairement “à part” parmi les siens. Check !
Tout le monde l’aime, à part les méchants. Check !
Elle a des pouvoirs exceptionnels. Ah non... attendez, à la fin si !
Est la fille de quelqu’un d’important. Non.
Voilà un peu l’idée de base. Et je vous jure que je n’exagère pas ! Maintenant développons !
Au bout d’un moment, ce personnage absolument parfait a commencé à clairement jouer avec ma patience. Déjà, elle est belle. Oui OK. Mais tout le monde passe son temps à répéter à quel point elle est belle, sublime, astonishing ! Surtout pour une humaine, selon les faës. Donc ne cherchez pas, c’est la plus belle créature du monde des mortels ! Point. On répète aussi beaucoup qu’elle a de la conversation et qu’elle charme rois et princes de sa sublime intelligence (c’est censée être une paysanne, mais bon, je dis ça je dis rien...), à moins que tout le monde confonde caprice et suffisance avec intelligence dans ce roman. Edwenn, elle a des convictions, des idées bien arrêtées. On nous fait comprendre que c’est une femme libérée, que le mariage dégoutte et qui n’a d’ailleurs pas attendu pour avoir des relations sexuelles. C’est une femme moderne. Bien, super ! Mais alors arrête de dénigrer les femmes qui ont des relations sexuelles parce qu’elles trouvent le mec pas mal, tu fais pareil bougre de dieu ! D’ailleurs, elle est tellement moderne que personne ne la comprend et que rien que pour elle, les rois se contrefoutent de l’étiquette et ne se fâchent pas quand elle se permet de faire des caprices. Mais attendez ! Il y a pire !
Edwenn ne sait pas lire ni danser et elle ne sait pas trop se battre. Oui elle chasse un peu parce que bon, être paysanne et ne presque pas manger de viande c’est quand même un scandale hein ! (mes chers amis médiévistes ne vous infligez jamais ce roman...). Premier bal du bouquin : elle danse avec un roi (danse de cour je précise, pas danse de fête villageoise), et chacun s’accorde à dire qu’il s’agit sans doute d’une des plus belles performances données dans cette salle de bal. Bon la danse, c’est inné tout le monde le sait. Les ballerines, leur job est facile, c’est de notoriété publique ! Plus tard, elle exige de recevoir des leçons d’escrime et de lecture. Son professeur explique bien entendue qu’elle est très douée, et après quelques semaines maximum précise même qu’elle n’aura bientôt plus rien à apprendre. Et Edwenn l’égale presque à l’épée. Donc apprenez, chers amis, que les élèves de CP qui apprennent à lire en un an ou plus sont sans doute des débiles profonds et que l’escrime est sans doute un sport surestimé. Pourquoi en a-t-on fait une discipline olympique déjà ?
Elle est TROP importante et douée ! Ça n’a aucun sens ! D’où tout le monde l’aime ou lui accorde autant d’importance ? Quand le roi des Chimères entend dire qu’une humaine a aidé Kadvael, il se concentre sur lui mais aussi sur l��humaine. Bah oui, faut pas déconner elle est importante quand même, si on la capture pas y aura pas d’histoire ! Le roi d’Alwena, pour une raison inconnue, la reçoit comme une reine et tombe sous son charme très vite. Le roi des Terres sous le Vent aussi ! Mais pourquoi ? Parce que du coup, ceux qui ne l’aiment pas, ce sont soit des jaloux, soit des méchants ! Si ce n’est son charme de Mary-Sue ou le fait qu’être la seule humaine présente la rende “exotique”, rien ne justifie son importance.
{SPOILER} Quand elle bafoue les règles de bienséance et insulte une princesse, Lueur, cette dernière la remet à sa place avec violence et cela fait d’elle une méchante. Bon Lueur est pas sympa de base, mais franchement, je peux comprendre sa réaction. {FIN SPOILER}
L’autrice n’arrive tellement pas expliquer l'attachement des autres personnages à Edwenn qu’elle ellipse les développements de relations ou les suggère comme si c’était naturel. Pour que ça passe crème, l’autrice nous introduit les liens de la façon suivante. “Ils avaient passé pas mal de temps ensemble dernièrement et du coup ils s’appréciaient beaucoup”. Je regrette mais ça fait très artificiel comme relation ! Ou alors “Ils ne le savaient pas, mais ils seraient bientôt inséparables”... Y a que moi que ça gène ? Sans compter que mis à part la promesse d’amour ou de protection éternelle, on se sent pas vraiment l’affection entre les personnages.
{SPOILER} Edwenn essaie à un moment de fuir Alwena avec la complicité de sa nouvelle amie Azenor, qui est servante au château. Elle se fait prendre et annonce comme ça, de but en blanc, au maître d’Azenor, que cette dernière l’a aidée, ce qui est quand même un acte de trahison. D’où une amie récompense quelqu’un en le balançant à son supérieur ? Surtout que la pauvre Azenor est clairement montrée comme embarrassée. Donc en plus d’être parfaite, Edwenn est en plus idéalisée puisque tout le monde considère que c’est un acte d’honnêteté... {FIN SPOILER}
Quasiment toutes les relations sonnent faux dans ce roman. Et le sort d’Enya est tellement ridicule et peu à la hauteur de ce qu’aurai du être le personnage... Car au final, c’est bien pratique pour Edwenn...
Je finirai sur l’intrigue. Elle est meh, ni bonne ni mauvaise, car certaines ficelles sont très (trop) grosses. A tel point que je me suis demandé si c’était volontaire. Mais si c’était volontaire, je ne voyais pas l’intérêt. Du coup, certains personnages deviennent au service de l’intrigue, comme le prétexte bidon pour amener Edwenn en Féerie décidé par le roi des Chimères...
{SPOILER} ... ou alors la décision de Lueur de laisser entrer les Chimères en son pays, ce qui fait mourir atrocement sa mère et ses soeurs, lui fait perdre l’amour de ses frères et tous ses privilèges de princesse. Je veux bien qu’elle soit jalouse d’Edwenn, mais concrètement ça ressemble à ça : “Grrrr je suis jalouse de l’humaine qui couche avec mon cousin, parce que je veux me le faire, du coup je te laisse entrer avec tes armées meurtrières dans mon pays en échange d’une nuit avec mon cousin. Bouhouuuuuu, ma famille est morte, tout le monde me déteste, pourquoi tu as pas tenu ta promesse de tuer personne ?” Donc oui, non seulement la rivale d’Edwenn a une intrigue nulle, mais en plus c’est une femme malfaisante qui a des envies établies comme contre-nature dans l’univers pour son cousin, s’habille en transparent, est méchante pour le plaisir et super égoïste, etc... En bref, le cliché sexiste de la salope. Elle est exilée pour ses crimes, mais comme par hasard elle tombe enceinte de sa partie de jambes en l’air, est retrouvée par le méchant et prépare sa vengeance. Et comme c’est bien pratique, elle n’est plus triste pour sa famille massacrée comme ça le méchant peut lui dire qu’en vrai c’est une Chimère... Comment ça ce traitement de personnage craint ? {FIN SPOILER}
La fin du roman est un peu prévisible mais pas trop mal dans le sens où la tension monte et fait enfin payer une contrepartie à Edwenn alors que tout lui tombe tout cuit dans le bec depuis le début...
Ce roman ressemble à un superbe gâteau à la crème sur lequel on aurait mis trop de jus de citron : le reste est super bon, mais comme le goût acide du citron est bien trop prononcé, tu passes un mauvais moment. Je suis persuadée que si l’héroïne avait été différente, ce roman en aurait bien meilleur, car je le répète, il y a pas mal de belles qualités. Je pense que Charline Rose à beaucoup de talent, comme sa plume, mais son personnage trop parfait qui est un cas d’école de la Mary Sue gâche tout. Et quand je vois les avis, je suis déçue. J’aurai tellement apprécié aimer ma lecture, passer un bon moment comme tant d’autres. Ce roman, je n’ai pas choisi de ne pas l’aimer, si je le pouvais, j’aimerai tout. Mais bon, tant pis... Bonne continuation à l’autrice, je resterai curieuse de voir ce qu’elle publiera par la suite.
Ma note : 7/20
Lecture réalisée dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge.
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