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Jeudi 28 Septembre : Du père Lachaise à Edimbourg.
Ouille, qu’il fait mal l’ajustement horaire.
Après 5 petites heures de sommeil, j’ai ouvert les yeux vers 4h du matin, sans plus jamais réussir à les refermer, passant 4 heures à contempler alternativement le plafond et l’écran de mon téléphone jusqu’au réveil de mes hôtes et de leur petit. Malgré cela, je me sens plutôt en forme quand l’ami Loïc et moi-même partons joyeusement pour une visite du cimetière du père Lachaise, activité qui nous permet de nous occuper en attendant mon avion en fin d’après-midi.
On m’équipe de la carte de métro de Victoria (un détail qui aura son importance plus tard dans le récit), et nous voici lancés dans les transports en commun parisiens. Comme à chacune de mes visites en région parisienne, j’ai cette impression bizarre d’évoluer au cœur d’un bric à brac de béton triste, de quelque chose de trop grand pour moi, notamment lors du survol des banlieues grisâtres. Et puis nous voilà enfin, au sortir d’un métro, dans le cœur de Paris, où les façades blanchâtres sont habillées de fer forgé et les trottoirs de feuilles de platanes. Le fond de l’air un peu frais confirme que j’ai bel et bien quitté la Californie et le climat estival. Le ciel est gris, mais lumineux, ce qui crée une ambiance particulièrement appropriée pour mettre en valeur les nuances des pierres du cimetière.
Nous équipons mon téléphone de l’application « Père Lachaise », et entamons ainsi notre visite, sans que je sache trop quoi attendre de cet endroit pourtant si renommé. Les seules images que j’en avais étaient celles de la série « Inside Jamel Comedy Club », où les acteurs marchaient lentement dans de grandes allées bordées de tombes, à ciel ouvert.
Emboitant le pas de mon Loic préféré et de sa veste en cuir, je découvre un père Lachaise bien diffèrent de cette image. Si le cimetière possède en effet une zone plane et quadrille de petites allées, la majorité de l’enceinte est beaucoup plus vallonnée, construite sur des collines où tombes, sculptures, routes sinueuses, caveaux et vieux arbres donnent l’impression d’évoluer dans un labyrinthe. Et la comparaison n’est pas galvaudée tant nous avons du mal à trouver les sépulture d’Yves Montand et Romy Schneider, posées cote a cote dans un tableau triste et romantique dont raffole les parisiens. Nous trouvons aussi la tombe de Jim Morrison, toute petite, discrète et couverte de fleurs, mais dont l’accès est rendu aujourd’hui impossible par des barrières de sécurité pour des raisons de réparation. Nous finissions la promenade par la visite du bâtiment où dorment les urnes funéraires. Le public a accès à plusieurs salles au rez-de-chaussée avec, en leur milieu, des balustrades qui surplombent un espace circulaire au sous-sol, comme des gradins surplomberaient en salle de spectacle. Je dis à Loïc que ça ferait un bel espace pour tourner une scène d’un de leurs films, et nous discutons de cette idée et du reste de ses projets cinématographiques.
Après avoir ainsi vagabondé pendant une bonne heure entre les sculptures en granit, les dalles en marbres, et les gens plus très vivants, nous quittons le monde de la grisaille sous une pluie fine, pour nous en aller nous restaurer dans le monde des vivants, ou la nourriture est épicée et la boisson rouge sang : un restaurant de tapas à proximité, ou l’ami Landrau a ses habitudes. A table on se la régale et on rigole, alors que Loïc me fait gouter la sangria… et devra finir mon verre, puis le pichet, tant j’ai du mal à avaler le drôle de breuvage. La bouffe quant à elle est excellente, et j’ai des papillons plein les papilles alors que je renoue avec les gouts de la cuisine européenne, et particulièrement méditerranéenne, saveurs fines, parfumées, multiples et éclatantes qui m’avaient tellement manqué dans la brume gastronomique que fut mon exil. Les retrouvailles avec le jambon cru me fileraient presque des frissons.
Nous payons la note, surprenamment légère, avant de réaliser un peu plus loin qu’un seul repas nous avait été compté. Banco, disons-nous. Sauf que oui mais non, à ce cadeau du sort va venir s’opposer un coup de malchance : après un premier trajet en métro durant lequel je vais peiner à ne pas m’endormir (voilà le coup de barre du décalage horaire), nous changeons de ligne et tombons sur un barrage de contrôleurs ; une magnifique barricade d’une demi-douzaine d’uniformes qui filtrent tous les usagers et contrôlent chaque titre au microscope. Je n’y coupe pas et je montre, défait, la carte de Victoria en prétextant juste l’avoir empruntée dans l’urgence. Épuisé, pressé, je vais droit au but et demande si je peux régler l’amende tout de suite et continuer ma route. 50 euros plus tard (avec le « geste commercial » de pouvoir conserver la carte alors que celle-ci aurait dû être confisquée), et nous revoila en route, avec un Loïc qui se confond en excuse car c’est la première fois en 5 ans qu’il se fait contrôler à cette station. Hélas, c’est aussi la première fois en 5 ans qu’il la traverse à cette heure de la journée. Avec surprise, je ne me sens que peu affecté par l’évènement, certainement parce que je sais que mes économies canadiennes me permettent de faire face à ce genre de déconvenues sans mettre en péril mes finances. J’ai joué, certes un peu encouragé par mes amis parisiens qui m’avaient assuré que « mais oui t’inquiètes ça passe », j’ai perdu, c’est le jeu.
Quelques heures plus tard, mes affaires sur mon dos, je dis au revoir à mon Lolo, et me remet en route vers l’aéroport, où j’achète quelques macarons dont je sais Natalia friande, avant de grimper dans un avion a moitié vide, qui me conduit vers la dernière destination de mon aventure : Edimbourg. Je rejoins la capitale Ecossaise pour plusieurs raisons : pour prendre une dernière dose de voyage et de dépaysement et ainsi m’assurer que je n’aurai plus envie de refoutre le camp ; pour découvrir l’Ecosse que j’avais pendant quelques mois envisagée comme alternative au Canada (si je devais ne pas obtenir mon visa) ; pour voir ce que ça fait de voyager avec quelqu’un que j’apprécie en la personne de Natalia, mon amie canadienne (qui marque a Edimbourg la dernière ��tapes de ses 15 jours de vacances britanniques) ; et certainement pour un peu retarder de manière inconsciente l’échéance du moment tant redoute ou je vais devoir me reprendre en main.
La grosse heure de vol passe en clin d’œil grâce à la bonne sieste que je me paye et, en deux temps trois mouvements, j’échange mes dollars contre des Livres et me voici déjà dans un tramway qui doit me conduire au centre-ville. Dans une la belle lueur du ciel dégagé, quelque chose me frappe : nom de Dieu qu’est-ce que c’est VERT ! Et pas un vert caca d’oie, non. Les champs sont couverts d’une herbe grasse a la couleur vive, lumineuse. On sent qu’ici la nature n’est pas avare sur l’arrosage. L’entrée dans la ville d’Edimbourg va apporter une bouffée de fraicheur : les bâtiments sont en pierre ! En vieille pierre bon sang ! Fini les maisons en bois au ras du sol ou les gratte-ciels en vitre, je retrouve une architecture avec du caractère et une identité ; je retrouve des paysages urbains charges d’histoires ; je retrouve l’Europe et ça fait du bien.
Débarqué plus loin dans les rues d’Edimbourg, je me meus en direction de mon auberge de jeunesse, et me prend une claque visuelle quand s’ouvre devant moi le paysage du cœur d’Edimbourg. Bati sur des butes, la ville n’est que vieilles pierres argentées. Partout autour de moi des bâtiments historiques, à mi-chemin entre l’ambiance médiévale et la modernité. Sur le bord des routes, les fameux bus à deux étages embarquent leurs voyageurs. Les taxis, noirs pour la plupart, ont des airs des formes rondes et des airs de vieux tacos. Le dépaysement est total et, comme la nature qui l’entoure, il ne faut pas longtemps pour réaliser qu’Edimbourg est une ville avec une âme forte, du caractère, une identité unique.
Après quelques montées et descentes dans des escaliers, j’arrive à mon « Kickass Hostel », au bout d’une place au pied du château, où je remarque déjà quelques restaurants français et un food-truck (fermé) qui vend de crêpes bretonnes. La connexion celte, déjà. Je redoutais de tomber dans une auberge dégueulasse compte tenu du petit prix de la chambre, mais il n’en est rien. Un café branchouille au rez-de-chaussée, une déco dynamique à base de stickers de couleur vive buanderies, des douches et toilettes impeccables, des chambres propres avec du matériel individualisé à la tête de chaque lit (lampe, chargeurs USB, prise de courant). Je dépose mon bardas et taille un bout de bavette avec une jeune américaine qui fait de même dans le lit d’à côté. Je préviens Natalia par message que je suis prêt, et descend l’attendre dans le hall. J’examine le mur bardé de flyers pour différents concerts en attendant, et voici ma calgarienne qui pousse la porte vitrée du sas, enveloppée dans des vêtements chauds, un immense sourire sur le visage. Aucune gêne entre nous deux, nous nous connaissons pour avoir échangé des messages pendant depuis presque trois mois, et surtout, nous sommes sincèrement heureux de nous retrouver. Moi, car j’ai une personne que j’apprécie beaucoup et avec qui je partage beaucoup de chose (mon métier, mon amour de la culture geek, ma gourmandise), et elle peut-être pour les mêmes raisons mais surtout car elle acquière avec moi un compagnon de voyage bienvenu après 10 jours de vadrouille en solitaire.
Plus que gourmande, la demoiselle est « foodie » jusqu’au bout du téléphone. Elle dégaine son application « Zomato » pour nous amener dans un restaurant de qualité. La nourriture c’est une affaire sérieuse pour Natalia ; et j’apprécie ça. Vingt minutes de marche plus loin, nous prenons place à la table du “The Bon Vivant”, un restaurant situé dans la partie “New Town” de la ville, plein à craquer et extrêmement bruyant, ou il me sera difficile de suivre la conversation. Nous parvenons quand même à échanger chacun nos histoires de voyage depuis notre dernière entrevue, 15 jours auparavant. Le repas est délicieux : sans perdre de temps, je jette mon dévolu sur des « bonbons au haggis », un peu intimide par la seule chose que je sais de ce plat : sa description. Et quelle bonne surprise ! La panse de brebis farcis est ici juste à son état de farce, en forme de boules (panées, d’où le nom de bonbons), sortes de boulettes de viande très parfumées, à la texture douce. C’est ensuite la poitrine de porc qui fait les frais de mon appétit, espérant y retrouver ce que j’avais goute au repas de Noel de Brainworks. En dessert, histoire de continuer dans la thématique locale, c’est sticky-toffee pudding. Autour de nous, j’observe la population bien habillée d’Edimbourg. Les gens sont beaux, bien apprêtes, et ils ont l’air joyeux dans l’espace confine de ce restaurant dont la lumière faible donne un air un peu confidentiel. « On est mieux ici qu’au Canada », et je dois reconnaître à ma camarade un certain talent pour choisir les restaurants.
Nous approchons des 22h30 quand Natalia et moi décidons de quitter le restaurant, et reprenons le chemin de l’auberge, marchant dans des rues toutes plus belles les unes que les autres sous la lumière jaune des lampadaires. Nous discutons un peu du programme de nos trois jours à venir, et décidons de rejoindre nos chambres, tous deux bien fatigués par notre journée. Une belle fin de journée, pour un beau départ à une belle fin d’aventure. Hormis le phénomène paranormal de mon téléphone qui ouvre des applications et pianote tout seul quand je le branche a la prise usb (pas rassurant au pays des fantômes), je m’endors l’esprit en paix, prêt à bien profiter de cette dernière parenthèse.
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