#lc418
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Les Chroniques de Livaï #418 ~ UNE PERSONNE IRREMPLACABLE (octobre 845) Erwin Smith
L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité… Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me suis mise en devoir de répondre à ces questions en vous livrant ma propre vision de sa vie, de ses pensées, des épreuves qu'il a traversées, ainsi que celles des personnes qui l'ont côtoyé, aimé, admiré, craint, détesté. Si j'essaie le plus possible de respecter le canon, quelques libertés seront prises sur les aspects de sa vie les plus flous. Quelques personnages seront également de mon invention. Livaï, un homme que l'on croit invincible et inatteignable… Est-ce bien sûr ? Jugez-en par vous-mêmes.
La diligence roule depuis un moment sur un chemin moins raboteux, j'en déduis que nous approchons de Trost. J'ai décidé de faire la route de nuit car je me languissais de revenir. Mais j'ai tenu ma promesse à Livaï : une semaine de vacances loin du bataillon.
Je suis fébrile à l'idée de rentrer. Je me demande ce qui s'est passé durant mon absence. Malgré moi, la vision d'un régiment sens dessus dessous, où règnent le désordre et le laisser-aller, me hante depuis le début. Cela ne m'a pas empêché de me détendre et de prendre du bon temps, mais l'inquiétude n'était jamais loin...
J'ai profité de ces congés forcés pour me rendre à certains endroits que je n'avais pas visités depuis longtemps. Investir de nouveau la maison familiale m'a fait un drôle d'effet. Des tas de souvenirs y sont demeurés attachés... Mais j'en ai aussi profité pour fleurir la tombe de mes parents. Je ne me souviens quasiment pas de ma mère, elle est morte peu de temps après ma naissance, mais le souvenir de mon père est toujours vivace... Je n'ai pu cesser de me demander, devant cette pierre tombale, s'il serait fier de ce que je suis devenu... Il vaut mieux peut-être que cette question demeure sans réponse ; pour l'instant... Je pourrais peut-être y répondre quand j'aurais atteint mon objectif...
J'ouvre la fenêtre et jette un oeil dehors. Il est encore tôt, les lumières de Trost-Nord viennent juste de s'éteindre. Quelques explorateurs doivent déjà être réveillés à cette heure. Les paysans matinaux se rendent aux champs avec leurs outils et leurs chevaux, en sifflotant avec insouciance. Tous ne sont pas si heureux ; les journaux de Stohess ont encore fait état d'une recrudescence de suicides dans le milieu rural car les prix ont dû être cassés pour nourrir l'afflux de réfugiés sans ressources venus de Maria. Obligés de vendre leurs produits pour presque rien, cela a mené nombre de familles à la ruine.
Même ceux qui ont choisi une vie simple et tranquille paient le contrecoup de cette catastrophe. Raison de plus pour reconquérir le territoire perdu. Tous les intérêts convergent vers cette unique option.
Mais toutes les blessures ne peuvent être réparées... toutes les fautes ne peuvent être pardonnées... même si nous y arrivons... Mais cela sera un pas de géant... Oui...
Un nid de poule fait tanguer la diligence et j'entends le cocher crier un "désolé, monsieur !" à l'extérieur. Je regarde par la fenêtre et aperçois le poste de garde précédant l'arche nord. Je prépare mes papiers d'identité et les présente au soldat en faction. Il s'incline très légèrement devant la diligence et la laisse entrer en ville.
La rue familière se déploie vers le sud et les hauteurs du QGR piquent le ciel qui se teinte progressivement d'orange et de rouge. Le bataillon et tous ses soldats semblent m'appeler à grands cris, me tendre les bras, et je me sens infiniment heureux d'être revenu. Finalement, c'est ici, parmi eux, que se trouve mon vrai chez moi.
Plus que quelques mètres et je serais réellement rentré. Je n'ai pris aucun bagage, car rien de ce qui se trouvait dans la maison de mon père n'aurait été utile ici. Enfin... j'ai tout de même eu envie d'emporter quelques-uns des livres qui restaient. Ceux-là ne sont pas jugés particulièrement hérétiques mais comme ils sont rares et intéressants, je me suis dit qu'ils plairaient à Livaï.
Ah.. il a bien réussi son coup. Et je ne peux lui en vouloir car je lui ai tendu le bâton pour me battre. Comment pourrais-je lui en vouloir d'ailleurs ? J'ai apprécié ces quelques jours à me promener au bord de l'eau, à marcher en forêt, à regarder les gens vivre leur vie normale... Si normale... Jamais je n'aurai pu me contenter d'une telle vie. Mais c'était agréable. Mon esprit n'a pas quitté les explorateurs, mais mon corps s'est réellement reposé.
Nous arrivons. La diligence se gare devant la cour du QGR. Je descends sans me presser, paie le cocher, et laisse le véhicule repartir sans regret. Je cherche des yeux un visage familier et ne tarde pas à en trouver. J'aperçois Berner et Emmerich dans un coin de la cour, avec leur courroies dans les mains. Apparemment, ils se sont levés tôt pour s'entraîner avant les autres. Bien, pas de laisser-aller à ce que je vois ! Ils m'aperçoivent à leur tour, et me saluent avec sur le visage une expression de surprise pas du tout dissimulée ! Berner, où se trouve Hanji ? Il m'indique les réserves et je m'y rends de ce pas.
Je la trouve effectivement dans l'entrepôt de matériel, et je la laisse terminer sa tâche avant de me faire remarquer. Elle donne des ordres de façon autoritaire et je suis très impressionné quand je vois les soldats lui obéir sans discuter. On dirait qu'elle a pris de l'assurance pendant mon absence... Je lui tapote l'épaule, elle se retourne et tombe presque à la renverse en me voyant. Ok, elle n'a pas tellement changé en fait... Et bien, Hanji, remet-toi ! Si ma présence t'indispose à ce point, je peux très bien repartir. Elle se met presque à pleurer en bégayant que mon retour était la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Je vois, cela a été dur pour vous ? Elle hoche la tête frénétiquement en répondant que Livaï l'a forcée à accomplir toutes les taches barbantes, qu'elle en a assez et qu'elle voudrait aller s'enfermer dans son labo. Je vois, ce Livaï, quel bourreau !... Tu as terminé ? C'est la réappro pour la prochaine expédition ? Elle se frappe la poitrine et me remet la longue liste de fournitures en main propre. Bien, je la lirai et la signerai comme il se doit tout à l'heure.
Je sors de la réserve, suivi d'une Hanji pas mécontente d'elle, et pénètre dans l'aile du bataillon. Les couloirs sont assez silencieux, même si j'entends des éclats de voix en provenance des salles de bain... Cette agitation me fait réagir, me procure un plaisir que je ne peux trouver ailleurs que dans le régiment. A l'étage supérieur, je croise Mike accompagné de Nanaba, devisant dans le corridor comme deux bons amis. Leur vue me donne le sourire et je leur fais signe en les appelant. Mike se précipite sur moi et me flanque une claque sur l'épaule. Nanaba n'est pas aussi démonstrative et me salue avec respect avant de s'éclipser. Et bien, vieux filou, tu as recommencé à la séduire en profitant de mon absence ? Plus rien ne fonctionne ici, à ce que je vois !
Mike rétorque que tout fonctionne très bien même s'il n'a plus d'idée pour les exercices. Je vois, c'est toi qui t'es occupé de ça ? Je dois donc en déduire que les explorateurs sont en forme et opérationnels ? Il lève le pouce et me lance que les troupes sont au top. Bien, c'est presque à se demander pourquoi je suis là... Je vais finir par me sentir inutile... Il me rassure en affirmant que ce n'est pas facile de faire mon boulot et qu'il s'en passerait bien. Je veux bien te croire ! Allez, va rejoindre ton escouade, tu as assez donné. Je passerai les explorateurs en revue dans l'après-midi, histoire de m'assurer des résultats. De retour... Devant la porte de mon bureau, j'ai presque du mal à me dire que c'est le mien. Mais quand elle se met à grincer familièrement, avec cette légère résistance dans la poignée que je connais bien, je me replonge immédiatement dans mon corps de militaire.
La première chose que je constate, c'est la propreté du lieu. Tout est parfaitement astiqué et les lambris brillent comme des miroirs. Mon lit a été refait au propre, les fenêtres sont translucides et laissent les rayons du soleil éclairer mon bureau ; mon bureau... occupé.
Je pends mon manteau dans l'entrée et reste fixé sur le fauteuil, dans lequel est assis - ou plutôt affalé - Livaï, le visage posé de côté sur la table. Il est toujours en uniforme, et je distingue que la plume s'est échappée de ses doigts détendus par le sommeil. J'essaie de ne pas le réveiller. Je devine ce qu'a dû être son calvaire pendant une semaine... Il s'est chargé lui-même du travail le plus pénible et le plus difficile pour lui, pour ne pas l'imposer aux autres. Il a assumé son choix jusqu'au bout.
Je me penche et observe son visage. Sa joue est écrasée sur un parchemin et ses sourcils sont froncés, signe que son sommeil n'est pas si paisible. J'écarte une mèche de cheveux de son front et le trouve plus pâle que d'habitude. J'espère qu'il n'a pas mis sa santé en jeu, je ne le permettrait pas... Je prends la plume de ses doigts et la replace dans l'encrier. Le léger bruit qui en résulte suffit à le faire émerger et je le vois s'étirer doucement sur le bureau comme un chat qu'on aurait dérangé. Il se redresse en se grattant la nuque, se frotte les yeux et me remarque enfin.
Son expression est indéfinissable. J'y discerne à la fois de la gratitude, de la surprise et un soupçon d'agacement. Et bien, tu n'es pas content de me revoir ? J'ai tenu mon engagement. Il saute du fauteuil en titubant et essaie de se rattraper en se tenant au bureau. Je le soutiens un moment à bout de bras. Doucement, qu'est-ce qui t'arrive, tu vas bien ?
Il se met à parler très vite. Il me dit que j'aurais quand même pu donner un jour précis pour mon retour, que ce bureau est trop petit, qu'il y fait trop chaud, qu'il aimerait sortir, voir du monde, que mon fauteuil est trop grand et dur, que ma plume fait mal aux doigts, et que si jamais il me prend l'idée de me faire la malle de nouveau, il faudra en discuter ! Livaï, tu es dur tout de même ! C'est toi qui m'a obligé à partir, je te rappelle ! Il grommelle que c'est vrai mais qu'il a fini par le regretter. Ah ? Pas moi, j'ai bien apprécié ces congés.
Son visage s'éclaire alors et il répond que c'est une bonne chose, et que finalement il ne regrette rien. Tu ne vas pas faire la girouette toute la journée, non ? Je suis content d'avoir pu me reposer, tu es satisfait ? Mais toi, tu n'as pas l'air d'aller bien. Et tu as... de l'encre sur la joue. Il se met à frotter son visage avec énergie mais la tache ne part pas. Il me semble à fleur de peau... Ca ne lui ressemble pas. Livaï, dis-moi ce qui ne vas pas ? Tu es malade ?
Il me signifie "non" de la tête en se dirigeant vers ma salle de bain pour se nettoyer le visage ; juste que mon absence a été plus dure à supporter que prévu. Apparemment, tenir mon rôle est fatiguant et il comprend mieux ce que je dois subir tous les jours. Je suis satisfait que vous en ayez tous conscience à présent. Il me promet de ne plus se moquer de mon travail administratif. Je vois la pile de papiers qui recouvre le bureau. Tu as signé à ma place ? Seulement les documents les moins importants, qu'il répond, les autres sont rangés dans mon tiroir de droite. Et bien... je ne sais pas si je dois te féliciter pour avoir joué le faussaire en mon nom pendant une semaine, mais je me doute que c'était inévitable. Et puis personne n'est obligé de le savoir après tout.
Livaï se détend en comprenant que je ne suis pas fâché. Je suis sûr qu'il a fait les choses proprement. Il ajoute que justifier mon absence tous les jours a été très compliqué et il pense que Nile a eu un doute. Je m'occupe de Nile, pas d'inquiétude.
Je le détaille un moment. Tu me sembles amaigri, tu n'as pas perdu l'appétit tout de même ? Il répond qu'il n'était pas dans son assiette ces derniers jours mais que là, maintenant, il a une faim de loup. Il a beau dire mais son état actuel ne me semble pas seulement lié au travail qu'il a dû abattre ici... Tu veux prendre ton bain avant ou après ton petit déjeuner ? Juste pour savoir si je peux aller me laver avant toi. Il écarquille les yeux. Et bien, oui, je reprends les bonnes vieilles habitudes, je ne les ai pas oubliées !
Il répond qu'il va aller se restaurer car il préfère me laisser me décrasser avant. J'ai l'air si sale que ça ? Je vais y remédier tout de suite. Il s'apprête à sortir mais souhaite me dire une dernière chose. Il annonce avec sérieux que si un jour j'ai besoin d'aide pour ce travail, ou si je veux simplement aller prendre l'air ou m'entraîner au lieu de rester cloîtré ici, je peux lui demander ; maintenant, il connaît bien cette routine et si je veux lui déléguer un peu d'administration, il ne refusera pas. C'est... très gentil, Livaï. Je n'y manquerai pas. Il ajoute que Mike et Hanji pensent la même chose, et que je devrais leur confier plus de taches de ce genre afin d'alléger mes journées.
Tu as raison. Je ne vous délègue pas assez les choses. J'ai une sale manie de vouloir tout faire tout seul... C'est un défaut, je sais... Shadis était pareil et je me suis juré de changer ça. J'ai tout à fait confiance en vous mais je ne vous l'ai pas assez montré. J'avais peur de... vous ennuyer en vous imposant des charges autres que celles que vous assumez déjà. Mais vous m'avez montré que vous en êtes tout à fait capables, alors... peut-être que vous pouvez vous passer de moi....
Il met les deux mains sur le bureau, furibond, et me fixe avec colère. Il s'exclame que je suis irremplaçable et que ce n'est pas parce qu'ils m'ont difficilement remplacé à trois que cela veut dire que je suis inutile. J'ai tout à fait compris, caporal ! Merci de me le rappeler !
Il se sauve dans le couloir cette fois et je médite sur ses derniers mots qui m'ont fait un bien fou. Irremplaçable ? Je ne sais pas si c'est vrai, mais l'entendre dire est toujours réconfortant...
Merci à vous trois, je ne serais pas grand chose sans vous.
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