Tumgik
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Pourquoi j'écris tout ça ?
Paris, le 7 octobre 2022, à 01h39
J'aurais pu trouver un titre plus littéraire, plus écrit ou accrocheur. On fait avec ce qu'on a et en l'occurence je n'ai rien pondu de mieux pour ce premier billet. Je vous imagine un peu à la lecture de ces premiers mots. Le simple fait que je dise vous - comme si vous alliez être nombreux - ne fait que traduire un optimise absolument dégénéré. Il faut, parfois, être optimiste voire délirant. Cela permet notamment aux pessimistes de la pire espèce - dont je fais notoirement partie - de reprendre leur souffle, le temps d'une trêve conclue avec eux-mêmes. Ce sera donc "vous" pour ce billet. Deal with it !
Je disais que je VOUS imagine un peu à la lecture de ce billet. Ça y est, vous êtes absolument blasés. Vous avez jeté un oeil au titre et vous vous dîtes tout de suite "Et une crise d'existentialisme parisienne de plus, une !". Encore un qui se dit qu'il devrait écrire au lieu d'aller consulter un psy, pour nous raconter ses humeurs ou ses problèmes.
Les plus à gauche imagineront sûrement que c'est un caprice bourgeois, les plus fascistes, une déviance identitaire et individualiste (ou encore tout un tas d'autres mots en "-iste" dont eux-seuls ont le secret). Je vous arrête tout de suite : c'est exactement le cas.
J'écris parce que le psychologue c'est comme décider d'avoir des enfants : c'est épuisant, ça coûte cher et en plus il faut consentir à la violation de son intimité. J'écris aussi parce que je suis arabe et petit-fils d'immigrés et que je n'ai pas encore déconstruit mon tabou internalisé relativement à la notion de santé mentale. Bref, un cocktail tout à fait attendu et peu surprenant.
Disons-le d'une autre manière. Citez-moi un(e) seul(e) auteur(e) qui s'est mis à écrire alors que tout allait bien. Moi, je n'en connais pas. Les gens tout le temps heureux sont soit cons, soit chiants, soit les deux à la fois. Je pense que même pour être journaliste et passer sa vie à raconter les autres il faut avoir une faille, quelque chose qui cloche, un oedipe mal réglé, en somme un truc qui ne tourne pas rond.
Je m'arrête juste un instant sur la "crise d'existentialisme" dont je parlais plus tôt. Déjà, il faut se calmer si vous avez jugé ce contenu si tôt même si j'aurais fait exactement la même chose. Vous avez raison ... ou presque ! Je cède sur le caractère existentialiste de cette démarche mais pas sur celui de crise. Le terme de "crise" impliquerait un état passager et subit (au sens de soudain), qui ne serait pas durable dans le temps. Le problème c'est ma crise a presque trente ans. Ça ne colle pas. D'aussi loin que je me souvienne, les réflexions que je m'apprête à partager ici ne m'ont jamais quittées.
Pour ce qui est de l'écriture, pas de surprise, en tout cas pour ceux qui me connaissent. Si vous pensiez que je ne grattais pas des débuts de romans, de pamphlets et d'essais depuis des années, je pense que l'on ne se connait pas ou très peu. Pour les autres, vous savez que j'écris souvent, beaucoup, presque tout le temps à vrai dire. Je parle trop mais j'écris presqu'autant.
Je connais des gens qui sont rassurés par les typologies - ne vous inquiétez pas cette digression a un sens, pas de panique ça arrivera souvent et je vous rattraperai ensuite. Donc, je disais, ces gens-là ont besoin d'envisager le monde en s'appuyant sur des typologies, des petites cases rassurantes, ce que j'appellerais plutôt des prisons psychologiques.
À ce titre, on m'a dit une fois "ceux qui parlent moins écrivent beaucoup". Je pense que c'est faux. Je suis bavard pour sept et je dois écrire pour six. Je parle certes énormément ; pas juste pour parler mais pour discuter. Si tu as lu jusqu'ici - déjà merci parce que c'est laborieux - je remets cette phrase pour être sûr que la nuance soit bien imprimée : "JE DISCUTE PLUS QUE JE NE PARLE".
La différence, pour moi, c'est la notion d'échange. Fermez les yeux une seconde - bon pas au sens propre sinon vous ne pourrez plus lire et mon égo ne s'arrangera pas, mais a minima concentrez-vous.
Cherchez rapidement dans votre entourage, vos amis, vos collègues, des connaissances et autres : qui est cette personne qui s'écoute parler inlassablement sans savoir ce que vous pensez, vivez, regrettez, aimez... ? C'est bon, vous l'avez ?
Voilà.... Elle est là la différence. Dans l'écoute ! Elle se loge juste ici, à la frontière entre s'écouter parler et écouter parler. Juste un "s" et son apostrophe qui scindent le monde en deux.
Ce détour était bien trop long. Je reprends le fil pour vous dire ce que je vais écrire ici.
Dans l'idéal, j'aimerais mettre à l'écrit des réflexions sur des sujets très variés, de société ou non, culturels ou politiques, sociaux et sociologiques.
Vous l'aurez compris, la seule chose que l'on a en commun, Macron et moi, c'est l'absence de programme à annoncer et un certain sens du despotisme (euphémisme assumé). J'espère ne pas appauvrir les bonnes gens sur fond de tolérance opportune et d'initiatives de façade aussi désincarnées qu'inefficaces sinon je ne vaudrais pas mieux que Makrout.
Ici, vous lirez sur tout et son contraire, mais surtout à contre-courant. Je discuterai de toutes sortes de choses, comme je le fais au quotidien. La différence résidera dans le confort qu'offre le recul de l'écrit, le fameux filtre des lettres. Vous le connaissez ? Celui-là même grâce auquel vous reprenez trois fois vos SMS avant de les envoyer. Ne vous en faîtes pas, mes billets ne seront ni aseptisés ni consensuels. Je ne sais pas faire. Le travestissement moral me coûterait trop. Je m'engage donc à écrire en restant intègre, indéboulonnable, presqu'aussi borné qu'un homme blanc de droite à qui on demande de questionner ses privilèges.
En revanche, je ne promets rien sur la régularité ou la durabilité de mon investissement. Peut-être que ce billet sera le seul que je posterai, c'est ce que font les gens qui ont une sorte de TDAH à l'approche de la périlleuse trentaine : rêver - procrastiner - s'en vouloir - se morfondre.
Pour l'instant, rêvons. Rêvons d'une écriture assidue et constante. Peut-être médiocre mais sincère et piquante. Le style vaudra ce qu'il vaut. Je vous disais que j'étais, comme Makrout, un despote. Voilà un premier exemple de choix. On ne discutera pas du style de ces billets, il est ce qu'il est. De la même manière, on ne discute pas des goûts et des couleurs, de la politique et de la religion, de la privation systémique des libertés en France organisée par une élite qui ne cesse de se reproduire tout en parlant de séparatisme et de communautarisme. Comme ma démarche, mon écriture sera irrévérencieuse en toutes circonstances - j'aurais dit unapologetic si une traduction existait en français.
Pour terminer ce billet bien trop long, je finis par le commencement. C'est terrible en terme de structure, mais si cela fait sens pour moi et j'espère que pour vous aussi.
Pourquoi les mots plus que les maux ?
Les mots plus que les maux, pour trois raisons.
D'abord, parce que les mots restent une arme de premier choix. Ils permettent de laisser une trace et de traduire plus d'émotions, à mon sens, que n'importe quel autre média. Ils laissent une place moindre à l'interprétation relativement à la peinture, au cinéma ou à la musique. Disons les choses telles qu'elles sont : je n'ai pas fait de solfège ni de dessins, je me bats avec ce que j'ai. Les mots c'est aussi le privilège de ceux qui les ont pour eux et le devoir - épousé ou subi - de les utiliser pour les autres.
Ensuite, parce que les maux passent. D'ailleurs, tout passe. Ce qui importe c'est la manière dont on survit, les stratégies qu'on met en place pour continuer de marcher. L'enjeu personnel de ces billets c'est d'exorciser ces maux, de poncer les petites aspérités de la vie qui sont aussi insignifiantes que douloureuses. C'est résolument thérapeutique et sûrement naïf. C'est de se dire qu'il faut essayer des choses, quitte à se rater, pour mourir sans regret. À la fin de sa vie, j'imagine qu'on oublie les hontes et les maux ; on garde les joies et les souvenirs pour se réchauffer.
Enfin, parce qu'écrire c'est un pansement de l'âme. Poser des mots sur les maux c'est la seule solution viable que je connaisse. Avec les mots on peut être violent, piquant, aimant et doux en même temps. On peut dire mille choses avec quelques lettres et très peu avec des pavés. On peut refaire le monde et finir par s'en dégoûter. Écrire permet aussi de se détacher de soi, mais surtout des autres. Écrire c'est égoïste, c'est dire "je" sans jamais le dire ; juste pour soi sans s'inquiéter beaucoup de la résonance chez l'autre. Tant pis pour ceux qu'on décevra, ils tourneront sûrement la page. Les excuses, on les écrira ensuite.
Le mot de la fin c'est pour les miens.
Il n'y a pas si longtemps, j'écoutais parler Faïza Guène, qui disait "j'ai compris ce que je devais écrire quand j'ai su pour qui je devais écrire ; c'est pour les miens que j'écris" (citation approximative qui ne rend pas honneur à son génie).
En paraphrasant cette grande dame, je dirais que je ne saurais écrire pour d'autres que les miens donc j'écris exclusivement pour eux. Pour ma tribu, ma famille (réelle ou reconstituée). J'écris pour les écorchés, les outsiders, pour les indéfinis et les audacieux.
Si vous deviez vous retrouver ici, par hasard ou inadvertance, j'ose espérer que cette lecture ne vous aura pas trop coûté. Puissiez-vous trouver, nichés entre ces pavés, des mots plus que des maux.
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