#gaelleobiégly

[abridurif]

Dans un grand atlas, j’ai indiqué avec des gommettes rondes les lieux où j’ai connu le bonheur, ce sont des endroits de rencontre, de réciprocité, de coïncidence. Je ne m’y intéresse pas du tout pour faire revivre ces moments. Ils sont morts. C’est justement à partir de cette mort qu’on peut parler. Dire quelque chose de calme, de pensé, d’anatomique à propos de ce qui n’est plus. Non pas en vue d’une possible résurrection. Le passé n’a pour moi d’autre intérêt que d’être mort. Je pense à des endroits du bonheur à présent détruits, à ce qui n’existe plus qu’à l’état de sensations, d’images secrètes, d’airs insaisissables et de phrases aussi ordinaires qu’énigmatiques. La mort m’envoie ses rayons. Parfois elle est bleu clair et attirante comme un lagon. Gaelle Obiégly, Totalement inconnu, Christian Bourgois éditeur, 2022