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D’aventures et de mésaventures
Je me suis levée ce matin en me demandant ce que je l’avais bien faire de ma journée, surtout qu’il pleuvait et que le ciel gris avait l’air pris pour longtemps. Ça faisait du bien de se réveiller sans réveille-matin. Imaginez, trois jours sans réveille-matin. Je me suis quand même levée tôt, l’habitude, mais tout de même plus tard qu’en temps normal. Et sans petite Porto qui est tout de suite à côté de moi lorsque le réveille sonne pour me dire, de bonne humeur : « viens, réveille-toi maman, c’est l’heure de mon pâté. Allez viens vite, j’ai faim moi ! » Et non, pas de ça ce matin, juste un œil qui ouvre, puis l’autre, puis quelques étirements, puis un petit pipi matinale avant que la féline arrive à grand course quémander sa pitance.
Bref j’ai pris mon petit café au lait tranquille. Puis un bol de fraises locales bien mûres avec un peu de crème. Éveil lent et paresseux. Et puis je me suis dit que, même si tout le monde a déserté la ville pour la longue fin de semaine ou est occupé avec de la visite ou je ne sais quoi encore, moi je devrais bien me grouiller et faire quelque chose. Et là je me suis également dit que si je m’organisais assez vite, je pourrais aller prendre mon deuxième café de la journée chez Charles Tupper. Oui, oui, le père de la Confédération en personne, l’ancien Premier ministre canadien, l’ancien haut-commissaire du Canada en Grande-Bretagne, le très honorable Charlie donc. Sa maison d’été n’est pas très loin de chez-moi et je n’y étais jamais allée. J’ai pensé que sur les bords de la baie de Fundy, du côté néo-écossais, il faisait peut-être soleil. Et je n’ai pas été déçue.
Au fil de chemins bucoliques, jonchés de valons et de vallées, de vaches et de champs d’avoine, je suis finalement arrivée chez Charlie juste à temps pour le café qui m’attendait, un nouveau pot tout chaud. Je ne m’attendais pas à une si belle vue de la baie de Fundy. Alors c’est en admirant le bassin de Minas et cette route de commerce maritime que nous avons discuté confédération canadienne, transport ferroviaire et maritime, déportation des acadiens, bref des sujets d’intérêt entre gens du monde. Au fil de marivaudage, il m’a même conduit à sa chambre le vlimeux !
Puis repue de connaissances et de café, j’ai repris la route après une longue marche sur sa plage pour aller visiter le centre FORCE (Fundy Ocean Research Center for Energy) qui est juste à côté pour en apprendre davantage sur la façon dont on tâche de dompter la force marémotrice pour en faire de l’électricité et espérer prendre quelques beaux clichés de la baie de Fundy. Malheureusement, deux déceptions m’attendaient. Premièrement, je n’avais pas chargé la pile de mon appareil-photo depuis un certain temps et elle était à plat. J’avais tout de même mon nouveau cellulaire pour me dépanner. S’il ne sonne pas, il peut au moins prendre quelques photos! La deuxième était un peu plus incontournable. C’est que la baie de Fundy est capricieuse. Elle a des états d’Âme avec un grand Â. Or ce midi, elle était à la hauteur du passage de Minas et protégeait celui-ci, n’osant rien dévoiler. Elle avait tiré sa pelisse d’épais brouillard et refusait de me laisser voir le moindre rocher et la moindre goutte d’eau salée. Pudique la baie. Peut-être était-elle en tête-à-tête avec le dieu Glooscap au moment de mon passage.
Bref, j’ai poursuivi ma route pour aller retrouver ce petit restaurant de fruits de mer au bord de la mer. Je commençais à avoir l’estomac dans les talons. Je me suis attablée sagement, devant une vue de la mer et du phare de Parsborro, puis j’ai commandé un lobster roll.
Après avoir pris ma commande, la serveuse est allée à la table à ma droite, où était attablé un couple de Français. Comme ils avaient de la difficulté à communiquer avec la serveuse, je les ai aidés un peu. Puis une fois qu’ils ont eu commandé, ils ont demandé à la serveuse combien de temps ça prendrait, puis ils m’ont demandé de lui expliquer qu’ils iraient faire une promenade sur la plage mais de garder leur place, qu’ils seraient de retour dans une vingtaine de minutes. Or, ma commande est arrivée, j’ai mangé, avec délice d’ailleurs, puis une demi-heure plus tard, la bouffe avait été mise sur la table depuis un certain temps mais aucune trace des Français. Les serveuses étaient médusées; elles avaient couvert les plats pour les empêcher de trop refroidir et elles jetaient des regards vers la mer en espérant les voir quelque part. Une d’entre elles est même sortie dehors pour voir si elle pouvait les apercevoir. Ce n’est que lorsque l’on m’a apporté ma facture que le couple est entré, comme si de rien n’était, s’est attablé et s’est mis à manger, sans aucunes explications.
Moi je me suis donc levée pour aller payer mais j’ai fait un détour vers la salle de bain avant de régler et de repartir marcher sur la plage. J’aurais dû attendre et aller ailleurs, et puis non finalement. Tout était impeccablement propre pour un si vieux bâtiment, mais quand est venue le temps de sortir, je me suis aperçue que je ne pouvais plus déverrouiller la porte. J’ai essayé de tourner le bouton d’un côté, puis de l’autre, sans succès. Heureusement, je contrôle bien ma claustrophobie latente depuis quelques années. Je me suis dit que, comme il n’y avait qu’une toilette pour les femmes, quelqu’un finirait bien par passer alors j’ai continué à bidouiller jusqu’à ce que finalement quelqu’un s’arrête devant la porte pour m’aider. En tentant des choses chacun de notre côté, la porte a fini par s’ouvrir. Quelle ne fût pas ma stupeur, en ouvrant la porte, de voir ce très beau, très grand, et très jeune pompier au grand sourire m’accueillir, en pantalon de combat, bretelles comprises, sur un t-shirt blanc impeccable. Mon sauveur était venu, avec ses deux autres collègues pompiers se chercher une petite crème glacée avant de retourner au travail et, le comptoir à crème glacée n’étant pas très loin, il avait entendu, à ma grande joie, des drôles de bruit de mon côté. Je l’ai donc remercié à profusion et, mine de rien, je lui ai payé son cornet en payant ma facture.
Je suis ensuite sortie pour aller marcher sur la plage, mais j’ai continué à les regarder, les trois, du coin de l’œil. Ils regardaient la mer en léchant leur cornet. Beau spectacle je vous dis.
Le reste du voyage s’est passé sans trop d’événements, si ce n’est que j’ai découvert une potière qui fait de belles pièces et à qui j’ai acheté un petit bol, et un petit bistrot où ça sentait drôlement bon et où j’ai pu me procurer un capuccino pour le trajet de retour.
Le retour a été tout aussi bucolique, mis à part la tonne de ratons-laveurs morts qui jonchaient la route – ça sentait le suicide collectif ou le massacre! Mon entrée au Nouveau-Brunswick a été souligné par un grand spectacle son et lumière, gracieuseté de la Thunder and Lightning Entertainment Co, qui m’envoyait en direct de l’univers des éclairs qui fendaient le ciel au son de grondements de tonnerre. Moi qui venais de passer une superbe journée sous le soleil, on m’attendait sous la pluie…
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