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Dans « L'Ennemi », Georges Buisson, le fils de l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, livre un portrait terrifiant de son père et révèle ses manœuvres.
Peut-on ne pas pouvoir qualifier un livre ? Le problème se pose s'agissant du « texte » – près de 700 pages tout de même – de Georges Buisson. Évacuons un genre : le roman. L'Ennemi (Grasset), qui sera en librairie le 11 septembre, n'a rien du roman, même si, par moments, on croirait lire une fiction tant la personnalité de Patrick Buisson est romanesque, sombrement romanesque. Ce livre pourrait être son portrait, mais aussi un livre d'histoire politique ou un récit inédit du quinquennat de Nicolas Sarkozy. En fait, il est d'abord un témoignage. Un témoignage absolument saisissant qui met en scène un fils, Georges* – 43 ans aujourd'hui –, qui a tenté par tous les moyens de se défaire de l'emprise de son père, Patrick. Classique ? En l'espèce, pas vraiment. Un coup, on suit le fils dans sa fuite, accompagné de sa mère et avec la bénédiction de ses grands-mères ; un autre, dans l'affrontement, y compris physique, avec le père. Les magnétophones tournent, et parfois des deux côtés. Des hommes rôdent autour de la maison familiale. Les menaces fusent. Les chantages, aussi. Et il est souvent question d'argent, l'un des sujets centraux du livre. « Mon pauvre Georges, tu vas finir, t'auras pas un rond ! Ta haine t'aura aveuglé au point de te faire oublier ton intérêt. Et Dieu sait si t'auras besoin d'argent. Parce que ce n'est pas avec tes qualités professionnelles que t'arriveras à vivre et à survivre. »
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À travers le regard de Georges, enfant, on voit aussi défiler, et de près, les principaux acteurs de l'extrême droite française de la fin du XXe siècle. On les découvre dans leur intimité, dans leurs châteaux et leurs manoirs, à fomenter des stratégies politiques et à passer du bon temps. Jean-Marie et Marine Le Pen, bien sûr. François Duprat, aussi. La famille Herbais de Thun, également. Et les vrais-faux copains de Minute, d'Occident – on apprend que Buisson en était membre –, et les anciens de la FNEF à Nanterre. À Minute, Buisson avait pour source d'information, à droite, Charles Pasqua et, au sein de la mitterrandie, François de Grossouvre, mais aussi, révélation, Pierre Bérégovoy.
Le déjeuner avec Jean-Marie Le Pen et la lettre de Nicolas Sarkozy à Benoît XVI...
Georges Buisson, auteur de « L'Ennemi ».
© Khanh Renaud pour Le Point
Doué d'une réelle intelligence manœuvrière, Patrick Buisson navigue sur d'autres eaux, moins agitées, mais néanmoins porteuses : il est tout au service de Martin Bouygues et de Nicolas Sarkozy. L'un est le propriétaire de TF1, l'autre est le président de la République. C'est donc « l'ami » de ces deux hommes puissants que Georges voit rentrer le soir à la maison, ivre de cette proximité et avec des reproches plein la bouche concernant la femme franco-malgache qu'il s'est choisie et sa volonté de se retirer de la société paternelle Publifact, puis Publi-Opinion, sur laquelle enquêtent les juges dans l'affaire dite des sondages de l'Élysée...
« Toujours aux premières loges, jamais en première ligne : la règle d'or de l'influence. » Comme l'écrit son fils, le politologue est quelqu'un de discret, qui, durant l'entre-deux-tours de la présidentielle de 2007, déjeune avec Jean-Marie Le Pen afin de lui arracher une consigne de vote favorable à Nicolas Sarkozy – lequel n'ignorait pas l'initiative de son conseiller, selon Georges. Il est quelqu'un d'important qui va porter en 2012 au pape Benoît XVI une lettre du président-candidat dans laquelle figurent les annonces qu'il compte faire bientôt sur le thème des valeurs. Avant les Français, donc, le pape saura que Nicolas Sarkozy ne souhaite ni la PMA ni le mariage homosexuel. Il est aussi quelqu'un d'influent, capable de faire « capoter » une commission d'enquête parlementaire demandée par les socialistes au sujet de l'affaire des sondages de l'Élysée. Capable, aussi, de demander à Patrick Ouart, ancien conseiller justice du président, d'intervenir auprès du parquet pour que la plainte pour favoritisme déposée par l'association Anticor en 2010 « ne prospère pas ». Georges voit tout des activités de ce père mille fois portraituré dans les pages politiques des journaux, mais qui ne fut en fait jamais élevé, se dit-on après la lecture de L'Ennemi, à son véritable niveau d'influence, considérable et même inquiétant.
Un jour de 2007, Patrick Buisson demande à Georges de copier sur un CD l'enregistrement audio – et clandestin – de sa remise de la Légion d'honneur contenu dans un dictaphone. « Je mets un casque sur mes oreilles, mais n'entends ni le brouhaha, ni l'éloge, ni les applaudissements ayant marqué cette fin de journée du 24 septembre. En lieu et place, une succession de voix masculines commentent l'actualité. Je réalise qu'il a enregistré les réunions de communication et de stratégie politique auxquelles il est convié à l'Élysée, et j'interromps promptement la lecture », écrit Georges, qui demande aussitôt des comptes à son père. Réponse brève et limpide : « Ça peut toujours servir... »
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