#communsculturels
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Bienvenue sur le site de l'association How House : Maison des Savoirs et du Faire. Après 2 ans d’existence sur Wordpress, nous faisons peau neuve sur Tumblr avec un format blog participatif où toutes les contributions sont bienvenues : n’hésitez donc pas à nous soumettre une publication sur un atelier ou un sujet qui nous anime comme l’éducation en mouvement, l’art et la santé ou encore les communs culturels.
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Rouvrez les musées… par les contenus !
Image : Martine Genevet
Rendez-vous compte : depuis le 29 octobre, pas un soulier n’a sillonné les centaines de milliers de mètres carrés de nos mille cinq cents musées, pas un politicien n’a proposé de solution innovante, alternative, pour les rouvrir, aucune des lettres ouvertes, tribunes ou pétitions émanant de la galaxie culturelle n’a trouvé de réponse à la mesure des enjeux qu’elle soulevait.
La crise que nous traversons n’est déjà plus provisoire. Si les futurs variants se jouent des vaccins, elle deviendra permanente. Les privations aussi. Et quand bien même le virus se verrait éradiqué, sa marque sur nos modes de vie restera indélébile. Pour résoudre ces problèmes nouveaux, il ne suffit donc pas de mettre sous perfusion les musées, « en attendant » que le monde d’après s’emboîte au monde d’avant. L’esprit ne se nourrit pas d’argent, mais de couleurs, de lignes, d’histoires, de supports ! Les plates-formes de streaming l’ont compris, elles. Pendant que les œuvres d’art sont comme sous scellées, les géants du web s’emparent du « temps de cerveau disponible » et commencent même à se tourner vers le patrimoine. Google Arts & Culture, projet aussi spectaculaire que funeste, en est la preuve évidente.
Au lieu de subir, étourdis, la raclée que nous inflige le virus, nous devrions profiter de la débandade pour libérer les données publique, pour « réfléchir » les musées comme un contenu, plus seulement comme un contenant. À l’heure où le numérique s’est chaussé de bottes de sept lieues, affichant d’insolents résultats annuels, il est temps, plus que jamais, d’accélérer l’ouverture au plus grand nombre des bases d’œuvres et de connaissances de notre patrimoine national. Le coronavirus n’est pas simplement une expiation de l’économie mondialisée, c’est aussi l’occasion unique de créer de véritables #CommunsCulturels, dont le progrès pallierait à minima la fermeture des musées.
À rebours de tout ce qui s’est accompli jusqu’ici dans nos institutions, les communs culturels représentent l’application de la philosophie du libre à la culture de l’humanité, c’est-à-dire l’abolition des droits de propriété visuelle, sonore et textuelle relatifs aux oeuvres tombées dans le domaine public ou relevant du patrimoine. À partir de là, tout est possible, tout reste à définir : techniques et règles de partage, valorisation, gouvernance.
En juin 2019, un rapport de la Cour des comptes remarquait que les droits photographiques et numériques sur les œuvres n’occupent dans les ressources propres des musées publics qu’une place marginale, plus dérisoire encore si l’on tient compte des subventions de l’État. Pour le musée d’Orsay, un demi pour cent des recettes totales. Pour le Louvre, un ou deux dixièmes de pour cent. Vu le prix des reproductions, on peut parier que ce montant n’augmentera jamais. C’est pourquoi les rapporteurs recommandent d’étendre aux musées publics le droit à l’image des domaines nationaux ; à raison, car la valorisation financière des collections immatérielles semble aussi vaine que stérile.
Ce sont les œuvres qu’il faut déconfiner, les droits à l’image qu’il faut abolir. Le marchandage des données publiques contredit les valeurs républicaines : tout ce que financent les deniers publics devrait être « diffusé en accès libre, immédiat, irréversible, sans barrière technique ou tarifaire et avec une liberté complète de réutilisation », comme l’écrivaient les auteurs d’une tribune en avril dernier. Collégiale et si possible décentralisée, la gouvernance de ce patrimoine immatériel, fichiers sources comme reproductions, est une réflexion que personne n’a encore osé engager. Quel sera l’internet de demain ? Voulons-nous qu’il se limite à un florilège de divertissements, à un terrain ou un outil de surveillance ? Laisserons-nous des algorithmes choisir ce qu’avaleront les masses, ou allons-nous proposer aux individus une entrée, un voyage actif et vivant vers les savoirs et construire ensemble une médiathèque universelle ?
Le service public développe (timidement) son activité numérique dans le domaine culturel, mais donne encore la priorité à la sphère marchande : des droits, des partenariats, de l’argent. Ne leur jetons pas la pierre, car les institutions culturelles cherchent là les moyens de leur indépendance. Avec la crise, nous avons découvert les problématiques du travail, de la culture et de l’enseignement à distance. Aux quatre coins du monde, des brèches inédites ont été percées : Internet Archive, catalogues d’éditeurs, revues, cours en libre accès, visites virtuelles de musées…
Nul obstacle ne s’oppose plus à ce projet de société : ouvrir nos communs culturels via la libre circulation, c’est-à-dire leur offrir la possibilité de redevenir ce qu’ils sont à l’origine, des biens publics. Si nous développions des programmes dédiés à chaque collection, soudain, nous permettrions des usages insoupçonnés de notre patrimoine. En accédant aux modèles 3D des œuvres, par exemple, un élève charentais ou polynésien ferait le tour de la Victoire de Samothrace, tandis que même au Louvre, personne n’a jamais aperçu ses omoplates ou les plumes scapulaires de ses ailes. Du jour au lendemain, des millions de personnes, étudiants, enseignants, éducateurs, animateurs, médiateurs, parents, artistes, chercheurs pourraient voir, manipuler, réemployer les œuvres, s’en servir pour créer sans limite et ainsi renouer avec la raison d’être de la culture : favoriser le bien social.
L’heure est à la réouverture des musées par leurs données, pas seulement pour réagir dans l’urgence, mais dans le but de préparer l’avenir. Ce que l’époque exige, c’est une réflexion de tous les acteurs publics, ainsi que des syndicats, des partis politiques, des artistes, des éducateurs et des makers, une réflexion alimentée par des rencontres et, peut-être, une intention commune. Saisissons la chance d’être à la hauteur de la crise et de nos collections. Avec la santé, l'accès à l'éducation et à la culture doit devenir notre priorité. C’est aussi une occasion en or de mettre à jour le modèle français, au-delà même de la réouverture physique des musées.
Stéphane Distinguin, entrepreneur ; Benjamin Gentils, engagé dans l’éducation ; Augustin Langlade, journaliste ; Filipe Vilas-Boas, artiste et co-fondateur de l'association How House.
[ Article rédigé en février 2021 ] — Publié ici en Avril 2021
#communsculturels#open data#open content#openglam#accès à la culture#droits culturels#domaine public
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