#chapitrehuit
Explore tagged Tumblr posts
Text
CHAPITRE HUIT
Vous voyez ce moment dans les reportages, oĂč lâantilope rĂ©ussit Ă Ă©chapper aux lions?Cet instant de soulagement, quand enfin elle est hors de danger? Et puis dâun coup, elle traverse la riviĂšre, et lĂ elle se fait dĂ©vorer par un alligator. Tous ces efforts pour finir morte, quelle belle conclusion. Et bien câest la conclusion que jâai voulu Ă©viter. Moi lâantilope, jâai rĂ©ussi Ă Ă©chapper Ă lâattaque du lion, en juin. Mais je le savais, aprĂšs le lion allait se transformer en alligator. Alors je devais redoubler dâefforts, et rĂ©ussir Ă traverser la riviĂšre sans mourir. Ma libertĂ© Ă©tait lĂ , juste aprĂšs ce torrent de boue.
*
1,2,3 Action! Me voilà comédienne, le plan B. Je ne devais surtout pas oublier le plan B.
Plan B
De septembre Ă novembre, tous les jours, je me demandais comment partir. Jâavais peur que si je lui annonçais en face, il sâĂ©nerverait et quâil deviendrait violent jusquâĂ me tuer. Je savais que quand jâallais le quitter, il fallait que je changes de numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone, que je dĂ©mĂ©nages, puis jâallais devoir le bloquer de tous les rĂ©seaux sociaux. Je notais toutes les choses auxquelles je devais penser, pour ĂȘtre sĂ»re quâil me laisse en paix. CâĂ©tait mon nouveau quotidien, ĂȘtre ce quâil voulait que je sois devant lui, et puis en backstage jâorganisais mon Ă©vasion.Â
A partir de Septembre, je suis devenue irrĂ©prochable, je lui disais oui Ă tout, je faisais tout comme il le voulait, et je pense que câest pour ça quâil ne mâa plus jamais relever la main dessus. JâĂ©tais sa chose, je ne me sentais plus humaine, jâĂ©tais clairement son objet. Il choisissait toute dans ma vie, de ma culotte jusquâĂ ce que je mangeais. Mais lĂ câĂ©tait diffĂ©rent, je jouais un rĂŽle. JâĂ©tais devenue actrice dans ma propre vie.
En novembre, je suis partie quatre jours chez ma mĂšre, il ne pouvait pas venir car il avait des obligations. Jâai su que câĂ©tait le moment, le plan B jâallais enfin le quitter. Je suis partie un samedi, et je devais revenir le mercredi. Durant mon sĂ©jour, je ne lui ai ni Ă©crit, ni tĂ©lĂ©phonĂ©, il mâa harcelĂ©e de messages et dâappels lui. Il devait sentir que je nâallais plus jamais revenir, il nâarrĂȘtait pas de me dire quâil mâaimait, quâil avait changĂ© pour moi, que jâĂ©tais son Ăąme soeur. Comme Ă son habitude, quand il voyait que je lui Ă©chappait, il faisait tout pour reprendre le contrĂŽle. Mais je vous lâai dit, ce fameux jour en juin, le jour oĂč il mâa crachĂ©e au visage aprĂšs mâavoir tabassĂ©e, ce jour lĂ , jâai su que je devais le quitter.
Le mardi soir, je lui ai envoyĂ© un message, je lui expliquais que nous deux ce nâĂ©tait plus possible, et que quand jâallais revenir je ne voulais plus de lui chez moi. Je lui ai demandĂ© de partir avant mon arrivĂ©e le lendemain car je ne voulais pas le voir. Jâai attendu sa premiĂšre rĂ©ponse, et puis jâai bloquĂ© son numĂ©ro. Jâai passĂ© la soirĂ©e chez un « ami », ni ma mĂšre, ni aucun de mes proches ne savaient oĂč jâĂ©tais. Je savais quâil allait chercher Ă savoir oĂč jâĂ©tais, et comme personne ne le savais, personne ne pouvais lui dire. Dâailleurs Ă cause de ça, le lendemain soir, mon pĂšre Ă©tait Ă deux doigts de dĂ©poser un avis de disparition. Jâavais vraiment disparu durant 48H.Â
 Deux jours aprĂšs le message, le jeudi je suis enfin retournĂ©e chez moi. Il mâavait assurĂ© quâil serait parti avant mon arrivĂ©e. Mais comme je mây attendais quand je suis rentrĂ©e, il Ă©tait lĂ . Assis sur le canapĂ©, en pleurs, je ne savais pas comment rĂ©agir. Je le savais que câĂ©tait de la manipulation, je suis restĂ©e le plus froide possible. Je lui ai expliquĂ© trĂšs calmement que lui et moi ce nâĂ©tait pas possible, que jâavais peur de lui. Que je ne le contredisais plus, que je disais oui Ă tout, juste pour Ă©viter ces coups. Câest lĂ quâil a arrĂȘtĂ© de pleurer, soudainement, il mâa regardĂ© avec son regard noir, lâhabituel regard avant les coups. Jâai cru que câĂ©tait le dernier jour de ma vie, je me suis dit "Ca y est, il tâavait prĂ©venue, si il ne peut pas tâavoir personne ne le peut. » Ma seule dĂ©fense a Ă©tĂ© la provocation, je lui ai hurlĂ© dessus, lui ordonnant de me frapper, que de toute façon il ne savait faire que ça. Et avant quâil puisse me rĂ©pondre, quelquâun sonna. Son ami qui venait le rĂ©cupĂ©rer, Ă©tait lĂ . Je ne cesse de penser depuis ce jour, quâil mâa sĂ»rement sauvĂ©, grĂące Ă son arrivĂ©e je nâai pas eu Ă subir la rĂ©ponse de mon ex, Ă mes attaques.
La fin de la journĂ©e sâest dĂ©roulĂ©e normalement, je veux dire le vrai normalement, pas ma vie habituelle. Il Ă©tait parti, enfin. AprĂšs quatre mois Ă rĂ©flĂ©chir Ă comment partir, jâavais rĂ©ussi. Bizarrement je pensais que jâallais me sentir revivre une fois la porte fermĂ©e, mais au contraire, jâai fondu en larmes.Â
*
Jâaimerais revenir sur cette fameuse soirĂ©e chez un « ami ». La rĂ©alitĂ©, et pour la premiĂšre fois de ma vie je vais enfin la rĂ©vĂ©ler: câest la premiĂšre fois que je rencontrais cet ami. Je ne souhaites pas que cet ami soit un « il » dans mon histoire, donc je vais lâappeler symboliquement Ange. Câest comme si cette lumiĂšre qui mâavait envahie en juin, venait de se transformer en un homme. Pourtant je ne le connaissais pas, la premiĂšre fois quâil est apparu dans ma vie câĂ©tait en septembre. Ange mâa simplement envoyĂ©e un message sur Facebook. Une discussion banale dâun homme attirait par une femme. Je lui ai fermĂ© les portes, je lui ai dit que jâĂ©tais en couple. MalgrĂ© ça, malgrĂ© mon refus Ă ses avances, il resta gentil et bienveillant. Et sans le savoir, ce fameux Ange mâenvoya un message durant mon plan B. Il avait appris que jâĂ©tais de retour dans ma ville natale, il mâa seulement Ă©crit pour me dire « Si tu veux je fais un apĂ©ro entre amis chez moi, tu es la bienvenue ». CâĂ©tait la soirĂ©e parfaite, personne de mon entourage ne connaissait cet homme, personne, mĂȘme moi. Je pouvais disparaĂźtre.Â
Je me suis donc rendue chez lui, pleine dâapprĂ©hension. Je connaissais le prĂ©dateur que je fuyais, mais je ne savais pas chez lequel je me rendais. Les hommes Ă©taient tous des prĂ©dateurs Ă mes yeux, mais lui câĂ©tait un prĂ©dateur gentil. Il mâa accueilli comme aucun homme ne lâavait jamais fait. Simplement, sans drague, sans mĂ©chancetĂ©, il a pris mon manteau, mâa servie Ă boire. JâĂ©tais une princesse, il prenait soin de moi. MĂȘme si il Ă©tait comme ça avec son autre invitĂ© aussi, pour moi câĂ©tait nouveau et prĂ©cieux. La soirĂ©e passa, et sans que je mâen aperçoive jâĂ©tais la derniĂšre Ă partir. JâĂ©tais seule avec lui, et la assise sur son canapĂ©, on parla, durant des heures, de lui, de moi. Je me sentais en sĂ©curitĂ© et bien. Câest Ă ce moment lĂ que jâai trouvĂ© la force dâenvoyer mon message de rupture, puis trouvĂ© encore une fois cette force de le bloquer aprĂšs sa rĂ©ponse. Il y avait mon dĂ©clic en personne avec moi, un homme plein de lumiĂšre. Je savais que ses intentions Ă©taient de me draguer car je lui plaisais. Mais il ne forçait pas, et puis lĂ , il a tout dĂ©couvert. Je ne sais pas comment il a rĂ©ussi a savoir. Son discours commença par « Si tu es lĂ , chez un inconnu Ă qui tu plais et tu le sais, câest que tu nâes pas heureuse dans ton couple » Puis il continua en me disant que jâavais un sourire de façade, quâil le sentait que jâĂ©tais triste au fond, que je cachais quelque chose, il supposa mĂȘme que jâĂ©tais victime de violences commises par mon homme. Je ne sais comment il a fait, mais tout ce que jâai pensĂ© le jour de mon dĂ©clic, il me lâa dit. Il mâa dit que je mĂ©ritais mieux, que jâĂ©tais une trĂšs belle femme, intelligente, que je ne devais pas me laisser subir ça. A la fin de son discours, je lui ai avouĂ© des choses dont je nâavais jamais parlĂ©. Jâai confirmĂ© ses dires, et puis il mâa embrassĂ©, tendrement. Jâai alors compris que ça y est je nâĂ©tais plus sous lâemprise de mon ex. Je ne dĂ©fends pas lâinfidĂ©litĂ©, câest mal. Seulement dans mon cas, le fait dâavoir rĂ©ussi Ă ĂȘtre infidĂšle me prouvait que je nâavais plus peur des reprĂ©sailles, ni de lui. JâĂ©tais libĂ©rĂ©e officiellement par cet acte. On a continuĂ© Ă parler encore un bon moment, et puis jâai dĂ©cidĂ© de rester dormir avec lui. JâĂ©tais dans ma bulle, Ă©vaporĂ©e de ma vie, tous mes proches sâinquiĂ©taient pour moi. Mais moi jâĂ©tais lĂ , dans ses bras, durant 48h. Il a pris soin de moi tout ce temps, il mâa fait Ă manger, mâa massĂ©e, cĂąlinĂ©e, Ă©coutĂ©e. Il mâa mĂȘme donnĂ© du courage au moment de partir de chez lui, en me rassurant concernant ma rupture. Il mâa poussĂ©e Ă ne pas faire machine arriĂšre. Et sincĂšrement, jâavais Ă©tĂ© infidĂšle, je ne pouvais plus faire demi tour, pour mes propres valeurs. Jamais je ne me pardonnerai dâavoir Ă©tĂ© infidĂšle, jamais je ne pourrais continuer une relation en sachant ce que jâai fait. Il Ă©tait trop tard.Â
Bien entendu, je nâai jamais avouĂ© mon infidĂ©litĂ©. A lâheure actuelle, il ne le sait toujours pas. Dâailleurs si, toi mon prĂ©dateur, tu lis mon livre et bien te voilĂ au courant. Je tâai trompĂ©e! Et je ne le regretterai jamais.
Petite information: Je ne me suis pas mise en couple avec Ange, il a Ă©tĂ© prĂ©sent dans ma vie durant quelques mois aprĂšs ces belles 48h. Nous Ă©tions amis, je nâĂ©tais pas prĂȘte Ă ĂȘtre en couple. Et encore moins avec mon ange gardien, malgrĂ© toute lâaffection que je lui portais.
*
Psychologiquement ces quatre derniers mois on Ă©tait les plus durs, mĂȘme si il ne me levait plus la main dessus. Tous les jours je devais vivre avec un homme qui me dĂ©goutait, et me rabaissait. Je devais faire semblant chaque seconde. Je devais le laisser mâembrasser, me toucher, je devais accepter tous ces gestes de tendresse. Je ne suis pas fiĂšre dâavoir jouer avec lui pendant ces quatre mois, il pensait que tout le reste Ă©tait derriĂšre nous, que je lui appartenais encore. Mais moi je nâai jamais pu oublier ces coups, ces insultes, les actes forcĂ©s, je ne pouvais pas passer Ă autre chose. Et je savais quâaprĂšs sa tentative de suicide, je ne pouvais pas le quitter maintenant. Il mâavait coincĂ© psychologiquement. MalgrĂ© tout ce quâil mâa fait, il a toujours pu compter sur moi, je nâai jamais pensĂ© Ă un autre homme, je ne lâai jamais dĂ©nigrĂ©. Il savait que si je voyais sa dĂ©tresse jâallais rester. Je savais pertinemment que câĂ©tait de la manipulation, jâen Ă©tait consciente. Peu importe tout ce quâil mâa enlevĂ©, il ne mâaura jamais enlever ma lumiĂšre.Â
*
Il faut savoir quâil y a uniquement deux issues dans une relation avec des violences conjugales, soit on fini morte, soit on fini par sâĂ©chapper. Un jour, jâen ai pris conscience. Je savais que cet homme pourrait me tuer, et jâen Ă©tait sĂ»re aprĂšs cette fameuse dispute de juin. Lâhomme, avec qui je partageais ma vie, allait me tuer. CâĂ©tait ma rĂ©alitĂ©, je ne savais juste pas quand. Câest sĂ»rement ce dĂ©tail que le dĂ©clic change en nous. On ne se dit plus il peut me tuer, mais il va me tuer. De la possibilitĂ© de mourir, on passe Ă la certitude de finir tuĂ© par notre conjoint.
Si vous aussi vous ĂȘtes dans mon cas, je vous rassure, câest possible de partir. Ce nâest pas facile, loin de lĂ . Je sais les doutes, les peurs, et les questions quâon peut se poser. Mais il faut simplement garder en tĂȘte que si vous restez, vous allez mourir. Un jour oĂč lâautre, vous ne vous rĂ©veillerez pas aprĂšs ĂȘtre tomber Ă terre. Et comme je le dis souvent, si on est assez forte pour supporter des insultes, des gifles, des coups de poings, des rapports forcĂ©s, on est assez forte pour dire stop Ă tout ça. Encore une fois, je vais revenir sur le manque de confiance quâon a, sachez que le jour oĂč je lâai quittĂ© je nâavais aucune estime de moi. Je me suis sentie inexistante aprĂšs son dĂ©part, je me disais quâil avait raison que sans lui je nâĂ©tais rien. Je crois que si je ne suis pas retournĂ©e vers lui câest uniquement grĂące Ă ma perte de mĂ©moire. Je ne remercierai jamais assez mon cerveau de mâavoir fait oublier tous nos bons moments, je me souviens que du pire. Câest grĂące à ça que je nâai pas changĂ© dâavis, sinon ma vie sans lui je ne lâaimais pas, et je ne mâaimais pas.
0 notes