#Salomé Lahoche
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I've been doing some whinning; now I'm doing some finding
Au début du film de Davy Chou Retour à Séoul, l'héroïne explique comment on déchiffre une partition. Comme, justement, tout le monde a du mal à la déchiffrer, les gens autour de la table lui demandent "pourquoi, tu fais de la musique ?" Mais non, ce n'est pas pour cette raison qu'elle a envie de parler de partitions. Elle regarde ces inconnu·es avec un sourire en coin. Et c'est un peu à nous qu'elle parle, aussi. Alors vous voilà en territoire de fiction et vous allez essayer de me disséquer à la lueur de vos expériences, de vos précédentes lectures, de ce que vous connaissez de la vie. Si je parle d’une partition, vous allez penser que le film parle de musique. Eh bien essayez encore.
Les épiphanies chez elle ne sont jamais là où on les attend, ni dans ses relations, ni dans son rapport à ses parents biologiques. Ses joies, son énergie, ses colères, rien n'est exactement à l'endroit où on penserait les trouver. Et oui — c'est comme déchiffrer une partition. C’est ce qu’elle voulait nous dire : que si on regarde les notes une première fois on perdra les subtilités, le rythme, l'émotion.
Perdue dans mes projets multiples une copine d'écriture me disait : un jour tout cela fera sens. Là où moi, le nez dans ma vie, je ne voyais que des fragments irréconciliables. Alors le film est cette partition, on s'étonne, on s'agace, on s'émeut. Et à la fin, on joue la musique juste comme il faut. Et la compréhension de tout ce qui a précédé, de cet incompréhensible chaos de l’existence dans toutes ses subtilités, son rythme, son émotion, fait naître une émotion rare.
Sur un autre sujet, ce mois-ci j'ai eu beaucoup de choses à lire pour le travail mais je me suis aussi embarquée dans de très chouettes BD que je m’en vais vous recommander chaleureusement. Comme j'ai un sens absolu du timing je vous en parle après Angoulême !
La vie est une corvée de Salomé Lahoche (éditions Exemplaire)
Comme 90% des gens que je suis sur Instagram (si j'en crois leurs partages en story) je suis très fan de Salomé Lahoche, de son humour un peu noir, de son ironie mordante, de ses dessins hyper colorés et de son emploi de mots comme “ma couillasse”. J'aime rire avec elle de toutes les énormes corvées de la vie comme les gens qui te jugent sur ton signe astrologique et les règles. J’aime qu’elle soit cette voix de la procrastination et d’un goût éternel pour l’humour potache.
Pour vous dire le niveau de louse de janvier que devait remonter cette BD, je l’ai lue en attendant dans ma voiture sur un parking. Et je rigolais toute seule. Suivez-la donc sur Instagram mais aussi achetez son livre pour qu'elle gagne sa vie et qu'elle puisse faire plus de BD que je lirai sur le parking dans ma voiture. J'en ai besoin.
Corps vivante de Julie Delporte (éditions Pow pow)
Quiconque me connaît un minimum sait que j'adore le travail de Julie Delporte. Je ne dis jamais ce genre de choses en vain mais ses BD ont vraiment changé ma vie. Pour leur fond évidemment, mais aussi pour la forme, pour cet exercice de l'intime qu'elle réussit avec une douceur et une force qui m'inspirent énormément. Bref, chacune de ses sorties est un événement incroyable dans mon petit univers mental.
Son dernier livre, Corps vivante raconte sa sortie “tardive” (à la trentaine) de l'hétérosexualité : sa décision, ses explications, ses premières fois avec des femmes, tout l'univers que cela lui ouvre, toutes les déflagrations que cela crée en elle. La manière dont cela changer son rapport au monde et aux autres. Comme toujours chez Julie Delporte on croise beaucoup d’artistes qu’on aime beaucoup : Chantal Akerman, Tove Jansson, Courtney Barnett. Et elle a cette manière d'ouvrir en peu de mots des univers infiniment profonds.
À côté de ses dessins d'ailleurs, elle laisse sa palette de couleurs au crayon et on a l'impression qu'elle nous montre qu'avec peu de choses on peut faire de l'infiniment beau (parce que ses dessins sont sublimes). Qu’avec quelques couleurs, on peut faire des variations bouleversantes. Et il en va de même avec ce corps qu'elle nous raconte : elle le réarrange, elle le repense, elle le réexplore, elle le transforme. Son histoire n’est pas linéaire mais elle est faite de retours en arrière, la narration nous raconte tout ce qu’il faut pour sortir d’une société patriarcale et normative. Comment s’imaginer autrement dans une société qui ne nous montre que les mêmes images, encore et encore ? "Mon histoire de lesbienne tardive résume bien qui je suis, écrit-elle, — je n'ai été qu'adaptation aux autres, au monde hétérosexuel, au monde sexuel...".
J'ai évidemment aimé cette histoire politique de lesbianisme (qui passe par la découverte des écrits de Monique Wittig ou Adrienne Rich mais aussi d’artistes lesbiennes et de films comme Desert Heart ou Go Fish) mais aussi la continuité d'une pensée abordée dans sa précédente œuvre Décroissance sexuelle sur les traumas et sur la possibilité de repenser nos rapports, de demander de la tendresse, de décroître dans tous les domaines.
Et puis tout cela passe aussi par ses dessins qui racontent une histoire bien à eux. En parallèle de ses textes on repense nos corps et on s'imagine en minéraux, en fleurs, en paysages. Le corps n’est plus une prison. Il y a toujours chez Julie Delporte un désir de se réintégrer dans la nature qui m’émeut beaucoup. Et vraiment, que ce magnifique livre est précieux.
Devenir de Joanna Folivéli (éditions Deux Points)
Cette BD de Joanna Folivéli (qui a existé grâce à un crowdfunding mais peut toujours se trouver en ligne sur le site de ses éditrices) parle elle aussi de se réinventer, de se réintégrer dans la nature.
La BD se compose de plusieurs histoires courtes dans lesquelles on retrouve le trait très poétique et juste de Folivéli. Elle y parle beaucoup de transidentité, de rapport au père (même si tout est toujours abordé de manière oblique, par métaphores), d'être une mauvaise herbe en opposition avec le jardin de Versailles trop rangé et sage, d’amitié, d’un amour vibrant et parfois destructeur. Son travail me donne cette sensation d'inventer une mythologie pour les femmes trans, une imagerie qui vient puiser dans le passé (on y retrouve beaucoup de motifs classiques qu'elle emmène dans des endroits toujours inattendus) tout en étant férocement nouvelle.
Elle nous donne des images pour repenser le monde et c'est vraiment une illustratrice que j'ai hâte de suivre ces prochaines années. Son trait, son écriture, sa sensibilité sont pleins de promesses.
All the Sad Songs de Summer Pierre (éditions Même pas mal, traduit de l’anglais par Annick Evrard)
Comme pour beaucoup de gens, la musique a une place capitale dans ma vie. La musique du passé, celle du présent, celle que j'écouterai demain, tout cela vit en moi dans cet énorme jukebox mental (qui pourtant s'acharne à me coller des chansons débiles dans la tête un jour sur deux). Alors le début de la bande dessinée de Summer Pierre m'a évidemment beaucoup émue. Elle part dans son sous-sol à la recherche de ses compil-K7.
Chacune raconte une histoire différente de sa vie, elle y a caché plein de trésors. Alors elle nous emmène avec elle pour revivre en musique ses relations amoureuses, sa découverte de PJ Harvey ou de Hole (et du féminisme), ses premières scènes ouvertes folk dans le Massachusetts... Et puis parfois elle raconte sa rencontre avec une chanson, comme lorsqu'un de ses amis reprend Just Like Heaven et elle réussit en mots et en image de raconter ce sentiment pourtant tellement fragile et subtil de tomber amoureux·se d'une musique. Ces pages-là resteront avec moi pour sûr. Au fil des chapitres, le ton devient de plus en plus sombre, elle aborde ses traumas et ses blocages, toujours en musique.
Une très belle histoire sur la musique, sur la vie, et sur la manière dont elles s'accompagnent et se répondent.
Madones et putains de Nine Antico (éditions Aire Libre)
J'adore Nine Antico, son écriture, son trait, sa manière de raconter des histoires... Ici, elle plonge dans trois destins tragiques qui se répondent. Trois récits de femmes aux prénoms de saintes qui se heurtent au monde cruel des hommes dans l'Italie du XXe siècle. Elle ajoute à ces trois histoires de trois femmes fascinantes des éléments fantastiques très inattendus qui appuient encore leur noirceur et leur étrangeté. Il y a un petit côté réalisme horrifique que j'ai adoré.
Son trait est comme toujours absolument sublime, un noir et blanc de charbon qui, je trouve, fait quelque chose de très intéressant sur le sujet de la représentation des violences faites à ces femmes : elle les montrent sans les appuyer. Il y a quelque chose dans son dessin qui glace parfois jusqu’à l’os mais qui rend aussi ces femmes très vivantes. Et puis il a des images hantées : les squelettes des catacombes, les visages qui hurlent jusqu'à se déformer, la coulée rouge de cadavres qui se déversent sur Naples, la victime de la mafia qui remonte le long de la page de son cercueil à la surface... La virtuosité du dessin n'est jamais gratuite, tout a un sens sur chaque case et cette BD m'a vraiment éblouie.
Eeeet si vous avez lu jusqu'à là, j'ai fait une petite playlist en janvier, elle est chouette (mais je ne suis pas objective, je partage la passion de Summer Pierre pour mes mixtapes) et elle est ici !
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“Rainette” une série à suivre du journal Next Revel’s Comics Machine par Salomé Lahoche
Vous pouvez vous abonner à cette revue en suivant ce lien :
https://fr.ulule.com/next-revels-comics-machine/
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Next Revel lance sa revue ! Next Revel’s comics machine est le premier projet de revue mensuelle du collectif, elle contiendra 6 histoires à suivre et plusieurs one-shots. Nous avons besoin de vous pour soutenir ce projet ! Plus de descriptions et de détails sur ce lien Ulule ! 💥💥
https://fr.ulule.com/next-revels-comics-machine/
Next Revel launches a magazine!
Next Revel’s comics machine is the first monthly magazine project from Next Revel, it will contain 6 stories to follow and several one-shots. We need you to support this project! More descriptions and details on this Ulule link!
avec les dessins de Paul Vidal, Antoine Meijer, Adrien Yeung, Coline Hégron, Salomé Lahoche, Léo Bret, Paulin Matrot, Charles Renel, Gilles Chezeau, Alexandre Turpault, Pierre-Marie Besse et bien d'autres à venir...
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