#Je n'écrit pas la joie
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" les sourires se passent bien de la poésie " -Pourquoi t'écris jamais sur la joie ? La joie ? C'est quoi ? je me suis dit. C'est subjectif ça non ? j'en ai ri Je préfèrais le terme "euphorie". Car la joie est toujours dans le cycle Ephémère. Antithèse des infamies qui pullulent A travers tous les airs. Quand je sens cette dite "euphorie" Ce shoot ultime du cerveau : Je ne veux pas écrire. Ecrire c'est dire et dire est un combat. Quand tu vois Lis et bois Tellement d'auteurs et de compositeurs En voyant la masse se tirer vers le bas. S'exhibant en répétition, je n'y crois pas. De plus Ecrire la joie c'est presque du plagiat. J'vais pas jouir devant tout le monde, La bonne affaire ! Autant demander Une éternelle joie, c'est foutu. Et même si elle était là, je la vivrais, ne l'écrirais pas. Par respect aussi Pour ceux qui ne la croisent pas. Les restes des émotions et suppurations sont Toujours nuancés, toujours parias. Parce que toujours d'une racine Qui différencie tous les cas. Alors que la joie C'est des sourires, De l'intime J'vais pas écrire Sur la beauté d'un cul D'un jardin zen Ou la montée d'une endocrine. Pour quoi faire ? Pour en faire quoi ? Nan je n'affiche pas ça. Je n'écris que quand rien ne va. En dehors jusqu'en dedans de moi. Je trouve les ruines moins ancdotiques Que sa propre petite joie. Car quand l'euphorie vient, je prends le soleil, je vais voir un camarade. C'est ma part de pudeur. Je n'écris que la beauté dans la laideur, si tu préfères ; au mieux. Mais créer c'est resister à toutes les données de son identité Sur la réalité, somme des autres identités. Et au-dessus de vos thèmes les plus plats. Je trouve qu'un monde parfait c'est flippant, Quand je vois que certains gâchent l'encre, la feuille, L'ordi, leur temps et leur anonymat. Sur une émotion glissante Comme du verglas. " Pourquoi t'écris jamais sur la joie ? " " Parce que je prends la feuille mécaniquement, Quand ça ne va pas, et rien ne va plus ; J'ai envie de lancer mon âme comme une arme Sur une voie qui ne s'arrête pas. Avant d’être disparu de tout celà " Parce que quand je serai mort, les gens seront là. Encore plus dans la chiure, le caca Et je ne veux pas faire partie de ceux qui écrivent -La joie... Quand il suffit de vivre pour voir Que courir après elle C'est vraiment n'importe quoi. Alors l'écrire ? Elle étais bonne celle là ! Clément Dugast ( Nocto )
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Le P.C. et le B.P.
Le printemps venu, de nouveaux loisirs devinrent à la mode, et les journées plus longues offrirent de longs après-midi pour le travail, ou pour des jeux de toutes sortes. Le jardin devait être remis en ordre, et chaque sœur avait à sa disposition un quart de la petite parcelle pour y faire ce qui lui chantait. Hannah avait coutume de dire, « Je saurais à qui est chaque jardin, même si je les voyais en Chine » ; ce qui aurait bien été possible, car les goûts des filles étaient aussi différents que l'étaient leurs caractères. Meg avait dans sa parcelle des roses, de l'héliotrope, du myrte et un petit oranger. Le lopin de Jo n'était jamais le même d'une année sur l'autre, car elle était toujours en train de faire des expériences ; cette année ce serait une plantation de tournesols, plante gaie et ambitieuse dont les graines nourriraient « Tante Cot-Cot » et sa famille. Beth avait dans son jardin des fleurs odorantes et désuètes ; pois de senteur et réséda, pieds d'alouette, œillets, pensées, et de la citronnelle, ainsi que du mouron pour son oiseau et de l'herbe à chats pour les minets. Amy avait un pandoréa jasmin - plutôt petit et truffé de perce-oreilles, mais très joli à regarder - ainsi que du chèvrefeuille et des belles-de-jour qui laissaient pendre leurs cornes et leurs corolles colorées en arabesques gracieuses ; de grands lys blancs, des fougères délicates, et le plus grand nombre possible de fleurs éclatantes et pittoresques qui consentaient à éclore dans son jardin.
Jardinage, promenades, canotage sur la rivière, et cueillette de fleurs occupaient les belles journées ; et pour les jours pluvieux, elles avaient des jeux à la maison -certains anciens, d'autres nouveaux - tous plus ou moins originaux. L'un de ces jeux était le « P.C. », car, les sociétés secrètes étant à la mode, il était considéré de bon ton d'en avoir une ; et, comme toutes les filles admiraient Dickens, elle se nommèrent le Pickwick Club. En dépit de quelques interruptions, elles y jouaient depuis maintenant un an, et se réunissaient chaque samedi dans le grand grenier. En ces occasions, les cérémonies se déroulaient ainsi : Trois chaises étaient arrangées en rang devant une table, sur laquelle se trouvait une lampe, ainsi que quatre bandeaux blancs sur lesquels se lisait, en quatre couleurs différentes, « P.C. », et le journal hebdomadaire, le « Pickwick Portfolio», auquel toutes contribuaient à leur façon. Jo, qui adorait les plumes et l'encre, en était l'éditeur. À sept heures du soir, les quatre membres montaient dans la salle du club, nouaient leur bandeau autour de leur tête, et prenaient place solennellement. Meg, en tant qu'aînée, était Samuel Picwick ; Jo, vu ses tendances littéraires, Augustus Snodgrass ; Beth, pour sa rondeur et ses joues roses, était Tracy Tupman ; et Amy, qui essayait toujours de faire ce qu'elle ne pouvait pas faire, était Nathaniel Winkle. Pickwick, le Président, lisait le journal, qui était plein d'histoires originales, de poèmes, de nouvelles locales, réclames amusantes, et de suggestions, dans lesquelles elles se rappelaient les unes les autres leurs défauts avec bonne humeur. En une occasion, Mr. Pickwick mit une paire de lunettes sans verre, tambourina sur la table, s'éclaircit la gorge, et, après avoir jeté un regard noir à Mr. Snodgrass, qui se balançait sur sa chaise, jusqu'à ce qu'il s'asseye proprement, commença à lire -
"The Pickwick Portfolio"
10 MAI 18-
Le Coin des Poètes
ODE ANNIVERSAIRE
Nous nous retrouvons avec solennité
et nos bandeaux, pour célébrer
Notre cinquante-deuxième anniversaire,
Ce soir à Pickwick Hall.
Nous sommes tous en parfaite santé,
La petite bande est au complet ;
Nous retrouvons chaque visage familier,
Et serrons chaque main avec amitié.
Nous le saluons avec révérence,
Fidèle au poste, notre Pickwick,
Tandis qu'il lit, lunettes sur le nez,
Notre gazette bien remplie.
Bien qu'il soit enrhumé,
Nous nous réjouissons de l'entendre,
Car toujours ses paroles sont sages
En dépit de son ton nasillard.
Du haut de son mètre quatre-vingt,
Avec une grâce peu banale,
Snodgrass éclaire la compagnie
De son visage brun et jovial.
Le feu poétique brille dans son œil
Il lutte contre sa destinée ;
L'ambition se lit son front,
Et il a une tache sur le nez !
Puis vient notre paisible Tupman,
Si rose, et rond et tendre,
Qui s'étouffe de rire aux bons mots,
Et en tombe de son siège.
Le petit Winkle est là aussi,
Guindé, chaque cheveu en place,
Un modèle de convenance,
Bien qu'il ne se lave pas la face.
L'année passée, nous nous réunissons encore
Pour plaisanter et rire et lire,
Et suivre la voie littéraire
Qui conduit à la gloire.
Longue et belle vie à notre journal,
Que notre club reste uni,
Et que l'avenir soit propice
À l'utile, au joyeux "P.C."
A. SNODGRASS
LE MARIAGE MASQUÉ
Un Conte Vénitien
Gondoles après gondoles glissaient jusqu'au perron de marbre, et laissaient leurs charges ravissantes gonfler la foule brillante qui emplissait les halls majestueux du Comte d'Adelon. Chevaliers et gentes dames, elfes et pages, moines et marchandes de fleurs, tous se mêlaient gaiement à la danse. De douces voix et de riches mélodies emplissaient l'air, ainsi en joie et en musique se déroulait la mascarade.
« Votre Altesse a-t-elle vu Lady Viola ce soir ? » demanda un galant troubadour à la reine des fées à son bras.
« Oui, n'est-elle pas charmante, mais si triste ! Et sa robe est bien choisie, car dans une semaine elle épouse le Comte Antonio, qu'elle déteste.
— Ma foi je l'envie. Le voici venir, en atours de marié, si ce n'est pour son masque noir. Quand il l'enlèvera nous pourrons voir comment il regarde la jeune fille dont il ne peut gagner le cœur, bien que son père lui ait accordé sa main, répondit le troubadour.
— L'on chuchote qu'elle aime le jeune artiste anglais qui hante son parvis, et que le vieux comte a éconduit, » dit la dame tandis qu'ils se joignaient à la danse.
Les réjouissances étaient à leur comble quand un prêtre apparut, et, attirant le jeune couple dans une alcôve tendue de velours pourpre, leur fit signe de s'agenouiller. Le silence tomba instantanément sur la joyeuse assemblée, et pas un son, hormis le gazouillis des fontaines ou le bruissement des orangers endormis dans le clair de lune, ne se fit entendre, lorsque parla le Comte d'Adelon :
« Mes seigneurs et gentes dames ; pardonnez la ruse par laquelle je vous ai réunis pour assister au mariage de ma fille. Mon père, veuillez officier. »
Tous les yeux se tournèrent vers la noce, et un murmure d'étonnement parcourut la foule, car ni la mariée ni le marié ne retirèrent leurs masques. Curiosité et interrogations emplissaient les cœurs, mais le respect lia toutes les langues jusqu'à la fin du rite sacré. Alors les spectateurs s'empressèrent autour du comte, demandant une explication.
« Je vous la procurerais volontiers si je le pouvais, mais je sais seulement que c'était le caprice de ma timide Viola, et je m'y suis plié. Maintenant, mes enfants, assez de cette mascarade. Démasquez-vous, et recevez ma bénédiction. »
Mais aucun des deux ne plia le genou ; car le jeune marié, alors que le masque tombait, révélant le noble visage de Ferdinand Devereux, l'artiste amoureux, et que s'appuyait sur sa poitrine, ornée maintenant de l'étoile d'un duc anglais, la charmante Viola, rayonnante de joie et de beauté, répondit sur un ton qui surprit toute l'audience :
« Mon Seigneur, avec mépris vous m'avez commandé de prétendre à votre fille quand je pourrais me targuer propriétaire d'un titre égal et d'une fortune aussi vaste que le Comte Antonio. Je peux faire mieux, car même votre âme ambitieuse ne peut refuser le Duc de Devereux et De Vere, quand il offre son ancien nom et sa richesse sans limite contre la main bien-aimée de cette gente dame, à présent ma femme. »
Le comte resta stupéfait, comme changé en pierre, et, se tournant vers la foule en délire, Ferdinand ajouta avec un gai sourire de triomphe, « À vous, mes galants amis, je ne peux que souhaiter que vos amours prospèrent aussi bien que les miens, et que vous trouviez femme aussi belle que celle que j'ai gagnée, par ce mariage masqué. »
S. PICKWICK
En quoi le P.C. est-il comme la Tour de Babel ? Il est plein de membres indisciplinés.
L'HISTOIRE D'UNE COURGE
Il était une fois un fermier qui planta une petite graine dans son jardin, et après un moment elle germa et devint une plante, porteuse de nombreuses courges. Un jour d'octobre, quand elles furent mûres, il en choisit une et la porta au marché. Un épicier l'acheta et la mit dans son magasin. Le même jour, une petite fille, avec un chapeau brun et une robe bleue, avec un visage rond et un nez retroussé, vint et l'acheta pour sa mère. Elle la porta jusqu'à la maison, la coupa, et la fit bouillir dans le grand pot ; en écrasa une partie, avec du sel et du beurre, pour dîner ; et au reste elle ajouta une pinte de lait, deux œufs, quatre cuillerées de sucre, de la muscade et quelques biscuits ; versa le tout dans un grand plat, et le fit cuire jusqu'à ce qu'il soit bien doré ; et le jour suivant ce plat fut mangé par la famille March.
T. TUPMAN
Mr. Pickwick, Sir,
Je m'adresse à vous au sujet du péché et du pécheur je veux dire il y a un homme nommé Winkle qui cause des problèmes dans son club en riant et parfois n'écrit pas sa part pour ce bon journal j'espère que vous lui pardonnerez sa mauvaise conduite et le laisserez envoyer une fable en français parce qu'il ne peut pas figurer quoi écrire parce qu'il a tant de leçons à apprendre et pas d'esprit à l'avenir j'essaierai de sauter sur location et de préparer un travail qui sera tout commy la fo* - ça veut dire très bien - je suis pressé il est bientôt l'heure de l'école
Respectablement vôtre, N. Winkle
[Ci-dessus une belle et virile reconnaissance d'incartades passées. Si notre jeune ami étudiait la ponctuation, ce serait très bien.]
UN TRISTE ACCIDENT
Vendredi dernier, nous fûmes alertés par un choc violent dans notre cave, suivi de cris de détresse. En nous précipitant comme un seul homme dans le cellier, nous découvrîmes notre Président prostré sur le sol, ayant glissé et étant tombé en allant chercher du bois à des fins domestiques. Une parfaite scène de désolation s'offrit à nos yeux ; car dans sa chute Mr. Pickwick avait plongé la tête et les épaules dans un baquet d'eau, renversé un bidon de savon liquide sur ses formes masculines, et vilainement déchiré ses vêtements. Une fois secouru de cette périlleuse situation, il apparut qu'il ne souffrait d'aucune blessure à l'exception de plusieurs bleus ; et, nous sommes heureux d'ajouter qu'il se porte maintenant bien.
ED
AVIS DE DISPARITION
Il est de notre pénible devoir de reporter la soudaine et mystérieuse disparition de notre chère amie, Mrs. Boule-de-Neige Pattounette. Cette chatte charmante et aimée était la chérie d'un cercle d'amis chaleureux et admirateurs ; car sa beauté attirait tous les yeux, ses qualités et ses vertus la rendaient chère à tous les cœurs, et sa perte affecte profondément la communauté toute entière.
Elle a été vue pour la dernière fois assise devant la porte, en train de surveiller le chariot du boucher ; et il est à craindre que quelque vilain, tenté par ses charmes, l'ait bassement volée. Les semaines ont passé, mais nulle trace d'elle n'a été découverte ; et nous abandonnons tout espoir, nouons un ruban noir à son panier, rangeons son assiette, et la pleurons comme perdue à jamais.
Un ami compatissant nous envoie la gemme suivante :
LAMENTATION
POUR B.N. PATTOUNETTE
Nous pleurons la perte de notre petite chérie,
Et déplorons son triste destin,
Car plus jamais elle ne se tiendra près du feu
Ni ne jouera près de la porte verte.
La petite tombe où dort son enfant
Est près du châtaignier,
Mais sur sa tombe nous ne pouvons pleurer,
Nous ne savons pas où elle est
Son lit vide, sa balle immobile,
Plus jamais ne la reverront ;
Ni bruit de pattes, ni doux ronron,
Ne se font entendre à l'entrée du parloir
Une autre chatte chasse ses souris,
Son vilain museau d'un noir de suie,
Mais elle ne chasse pas comme notre chérie
Ni ne joue avec sa grâce aérienne.
Ses pattes discrètes parcourent le même hall
Où Boule-de-Neige souvent jouait,
Mais elle ne fait que cracher sur les chiens
Que notre chérie si vaillamment chassait
Elle est utile et docile, et fait de son mieux,
Mais n'est pas belle à voir ;
Et nous ne pouvons lui donner ta place, amour,
Ou l'adorer comme nous t'adorons.
A.S.
ANNONCES
MISS ORANTHY BLUGGAGE, l'oratrice accomplie à l'esprit fort, donnera sa fameuse conférence sur « LA FEMME ET SA POSITION, » à Pickwick Hall, samedi soir, après la séance habituelle.
UNE RÉUNION HEBDOMADAIRE se tiendra Place de la Cuisine, pour apprendre aux jeunes dames à cuisiner. Hannah Brown présidera, et tous sont conviés à y assister.
LA SOCIÉTÉ DE LA PELLE À POUSSIÈRE se réunira mercredi prochain, et paradera à l'étage du Club-House. Tous les membres doivent se présenter en uniforme et le balai sur l'épaule à neuf heures précises.
MRS. BETH BOUNCER présentera son nouvel assortiment de Chapellerie pour Poupées la semaine prochaine. Les dernières modes de Paris sont arrivées, et des commandes sont respectueusement sollicitées.
UNE NOUVELLE PIÈCE se jouera au Théâtre de la Grange, pour quelques semaines, qui surpassera tout ce qui a jamais été vu sur la scène américaine. « L'ESCLAVE GREC, ou Constantine le vengeur, » est le nom de ce drame passionnant !!!
SUGGESTIONS.
Si S.P. n'utilisait pas tant de savon pour se laver les mains, il ne serait pas toujours en retard pour le petit-déjeuner. Il est demandé à A.S. de ne pas siffler dans la rue. T.T. s'il vous plaît n'oubliez pas la serviette d'Amy. N.W. ne doit pas se tracasser parce que sa robe n'a pas neuf plis.
RAPPORT HEBDOMADAIRE
Meg - Bien
Jo - Mauvais
Beth - Très bien
Amy - Moyen
Quand le Président eut fini de lire le journal (qui est, je vous prie de me croire, une copie authentique d'un journal écrit par d'authentiques jeunes filles il y a bien longtemps), des applaudissements retentirent, et puis Mr. Snodgrass se leva pour faire une proposition.
« Monsieur le Président et gentlemen, » commença-t-il en adoptant une attitude et un ton parlementaire, « je souhaite proposer l'admission d'un nouveau membre ; quelqu'un de hautement méritant de cet honneur, qui en serait profondément reconnaissant, et ajouterait énormément à l'esprit du club, à la valeur littéraire de son journal, et serait infiniment gai et gentil. Je propose Mr. Theodore Laurence comme membre honoraire du P.C. Allez, prenons-le. »
Le changement de ton soudain de Jo fit rire les filles, mais elles avaient toutes l'air plutôt anxieuses, et aucune ne dit mot, tandis que Snodgrass se rasseyait.
« Nous allons mettre ce projet aux voix, dit le Président. Tous ceux en faveur de la motion sont priés de se manifester en disant "Oui." »
Un oui retentissant de Snodgrass, suivi, à la surprise de tout le monde, par un timide oui de Beth.
« Ceux qui s'y opposent disent "Non." »
Meg et Amy s'y opposaient ; et Mr. Winkle se leva pour dire, avec une grande élégance, « Nous ne souhaitons pas de garçons ; ils ne font que plaisanter et chahuter. C'est un club de dames, et nous voulons rester entre nous, et être convenables.
— J'ai peur qu'il ne rie de notre journal, et se moque de nous après, » observa Pickwick, en tiraillant la petite boucle qui tombait sur son front, comme elle le faisait toujours quand elle se trouvait dans le doute.
Snodgrass bondit sur ses pieds, avec beaucoup de sérieux. « Sir ! Je vous donne ma parole de gentleman que Laurie ne fera rien de la sorte. Il aime écrire, et il donnera un ton à nos contributions, et nous empêchera de faire dans le sentimental, ne voyez-vous pas ? Nous pouvons faire si peu pour lui, je pense que le moins que nous puissions faire est de lui offrir une place ici, et bien l'accueillir, s'il vient. »
Cette ingénieuse allusion aux avantages conférés fit se lever Tupman, l'air bien décidé.
« Oui, nous devons le faire, même si nous avons peur. Je dis qu'il peut venir, et son grand-père aussi, s'il le veut. »
Cette tirade fougueuse de Beth électrifia le club, et Jo quitta son siège pour lui serrer la main avec approbation. « Maintenant, votons à nouveau. Souvenez-vous qu'il s'agit de notre Laurie, et dites "Oui" !
— Oui ! Oui ! Oui ! répondirent trois voix en même temps.
— Bien ! Soyez bénies ! Maintenant, comme il n'y a rien tel que "saisir location" ainsi que le fait remarquer Winkle, permettez-moi de vous présenter le nouveau membre, » et, au désarroi du reste du club, Jo ouvrit en grand la porte du placard, et découvrit Laurie assis sur un sac de chiffons, les joues rouges et les yeux brillants d'un rire réprimé.
« Canaille ! Traître ! Jo, comment as-tu pu ? » s'écrièrent les trois filles, tandis que Snodgrass faisait triomphalement avancer son ami, et, faisant apparaître une chaise et un bandeau, l'installait en un tour de main.
« Vous ne manquez pas de toupet, vous deux, » commença Meg en essayant d'afficher une moue réprobatrice, et ne réussissant qu'à produire un aimable sourire. Mais le nouveau membre se montra à la hauteur de la situation ; et, se levant avec un salut reconnaissant envers la Présidence, dit de la manière la plus engageante, « Monsieur le Président et mesdames - je vous demande pardon, gentlemen - permettez-moi de me présenter en tant que Sam Weller, le très humble serviteur du club.
— Bien, bien ! » s'écria Jo en martelant le plancher avec le manche de la vieille bassinoire, sur laquelle elle s'appuyait.
« Mon fidèle ami et noble parrain, » poursuivit Laurie, avec un geste de la main, « qui m'a présenté de manière si flatteuse, n'est pas à blâmer pour le stratagème de ce soir. Je l'ai planifié, et elle n'a accepté qu'après bien des taquineries.
— Allez, ne prends pas tout sur toi ; tu sais que j'ai proposé le placard, » intervint Snodgrass, qui s'amusait immensément de la plaisanterie.
« N'écoutez pas ce qu'elle dit. Je suis le seul coupable, sir, » dit le nouveau membre avec un hochement de tête Welleresque à l'intention de Pickwick. « Mais sur mon honneur, je ne le referai jamais, et me déwoue dorénavant aux intérêts de ce club immortel.
— Bien parlé ! Bien parlé ! » s'écria Jon en faisant claquer le couvercle de la bassinoire comme une cymbale.
« Poursuivez, poursuivez ! » ajoutèrent Winkle et Tupman, tandis que le Président saluait avec bienveillance.
« Je souhaite seulement dire, qu'en gage de ma gratitude pour l'honneur qui m'est fait, et afin de promouvoir les relations amicales entre nations voisines, j'ai installé un bureau de poste dans la haie au fond du jardin ; un bel et grand édifice, aux portes cadenassées, et tout ce qu'il faut pour le courrier. C'est le vieux nichoir des hirondelles, mais j'ai bloqué la porte, et fait en sorte que le toit s'ouvre, pour qu'elle puisse contenir toutes sortes de choses et nous faire gagner un temps précieux. Lettres, manuscrits, livres et paquets peuvent y loger ; et, comme chaque nation a sa clef, ce sera extraordinairement agréable, je gage. Permettez-moi de vous présenter la clef du club ; et, avec bien des remerciements pour votre faveur, de prendre mon siège. »
Un tonnerre d'applaudissements retentit quand Mr. Weller déposa la petite clef sur la table, et se prolongea ; la bassinoire fit un tapage de tous les diables, et il s'écoula quelque temps avant que le calme ne revienne. Une longue discussion suivit, et toutes furent étonnamment ouvertes, car toutes firent de leur mieux ; aussi ce fut une réunion exceptionnellement agitée, qui ne se termina qu'à une heure tardive, sur trois hourras pour le nouveau membre.
Personne ne regretta jamais l'admission de Sam Weller, car aucun club n'aurait pu avoir de membre plus dévoué, mieux élevé et plus jovial. Il ajouta en effet de « l'esprit » aux réunions, et un « ton » au journal, car ses discours tordaient de rire son audience et ses contributions étaient excellentes, patriotiques, classiques, comiques, ou dramatiques, mais jamais sentimentales. Jo les estimait dignes de Bacon, Milton ou Shakespeare, et retravailla ses propres œuvres, avec de bons résultats, pensait-elle.
Le B.P. était une petite institution épatante, et prospéra merveilleusement, car il y passa presque autant de choses étranges que dans un vrai bureau de poste. Tragédies et écharpes, poésies et légumes marinés, graines et longues lettres, partitions et pain d'épices, gommes, invitations, remontrances et chiots. Le vieux gentleman s'en amusait lui-même en envoyant d'étranges paquets, de mystérieux messages et d'amusants télégrammes ; et son jardinier, qui était tombé sous le charme d'Hannah, envoya une lettre d'amour aux bons soins de Jo. Comme elles rirent quand le secret fut éventé, sans imaginer le nombre de lettres d'amour que ce petit bureau de poste abriterait dans les années à venir !
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Antonin Artaud - Artaud le mécréateur Du Mexique à la glossolalie "A jamais la jeunesse reconnaîtra pour sien cet oriflamme calciné." (André Breton 1959) De toutes les périgrinations intérieures ou extérieures d’Antonin Artaud, de toutes ses plongées dans la lucidité pour étreindre à la gorge la réalité auuour de lui, et des douleurs de ses visions du monde , c’est le départ en 1936, à quarante ans, pour le Mexique qui sera fondateur. Là il se rend à cheval chez les Tarahumaras pour être initié aux rites du soleil et du peyotl. Rien y fait : Artaud demeure esclave de lui-même. Toute sortie de soi semble impossible : « les portes n'existent pas et on ne va jamais que nulle part que là où l'on est » écrit-il dans ses Cahiers du retour à Paris. Pourtant, avant ce constat final, il est un temps où l’auteur tente d’ouvrir une porte et provoquer un déplacement capital selon une perspective que d’ailleurs le psychanalyste anglais Bion avait précisé : « Changer de cadre pour changer l’être » . C’est ce qu’inconsciemment peut-être Artaud a tenté… Quelques mois après son retour d'Irlande il s'embarque pour le Mexique. Ce périple représente l’épreuve initiatique par excellence. Épreuve paradoxale d’ailleurs qu'il « renie » d'une certaine façon puisqu'il refuse de signer Le Voyage au pays des Tarahumaras et qu'il demande à Jean Paulhan de remplacer son nom par trois étoiles mais il n’empêche que cette 《incartade》 va permettre de faire éclater le langage final et si incompris (ou incompréhensible ?) de l’auteur. Artaud souligne cependant l'étrangeté et l’importance d'une telle tentative exotique. Dans 《Le Mexique et la civilisation》 il écrit : 《C'est une idée baroque pour un Européen que d'aller rechercher au Mexique les bases vivantes d'une culture dont la notion s'effrite ici ; mais j'avoue que cette idée m'obsède ; il y a au Mexique, liée au sol, perdue dans les couleurs de lave volcanique, vibrante dans le sang des indiens, la réalité magique d'une autre culture dont il faudrait rallumer le feu》 . Et c'est ce feu intérieur que le poète veut réanimer afin de retrouver une sorte de sérénité. Artaud écrit en effet à Barrault : 《Je suis venu au Mexique pour rétablir l'équilibre et briser la malchance, malchance intérieure (…) qui vient de moi 》 . En conséquence, avec le départ au Mexique tout pourrait (re)commencer sous une autre étoile. Il s'agit donc bien d’une expérience capitale afin de sortir de soi. Utilisant le peyotl comme une sarbacane, Artaud « le Grand Porc de l'Aube » (N. Arnaud) pénètre dans l'esprit en voyant la naissance du premier jour. Pourtant ce voyage au Mexique s'il ouvre apparemment sur une naissance, une vraie naissance tant de fois rêvée, va fermer et enclaver le poète à l'intérieur d'un cercle mais un cercle où tout se rejoint, où tout semble le réconcilier avec la loi secrète de son propre esclavage Les germes du retournement Toutefois en un premier temps, à celui qui porte sans cesse dans son écriture et dans son être les germes d'un éclatement, ce voyage va offrir un retournement. Pour Artaud aller au Mexique c'est partir « à la recherche d'un monde perdu » , c'est répondre aussi à « l'appel du néant » mais pas de n'importe quel néant. Ce déplacement initiatique va permettre non seulement de prendre le bas pour le haut, l'obscurité pour la lumière mais d'aller à la recherche d'un lieu originel - un lieu que la vie terrestre ne peut que faire avorter - qui le rapproche d'une Aurore de la « Réalité Divine Suprême » comme il la nomme. Dans ce territoire premier Artaud passe à travers les hommes et l'espace pour parvenir à lui : « ce n'est pas Jésus Christ que je suis allé chercher chez les Taharumaras mais moi-même hors d'un utérus que je n'avais que faire » écrit-il à Henri Parisot. Près de la montagne Tahamura il pense s'approcher au plus près de son pur être débarrassé (enfin) des forces masculines et féminines par ce coït tellurique au sein « non d'une mère mais de la MÈRE » . Dans « La culture éternelle du Mexique« Artaud écrit : « je suis venu au Mexique prendre contact avec les terres rouges » .. Terres emblématiques s'il en est et dont la couleur est tout. Ces terres sont marquées du sceau « du sang des sacrifiés, des victimes de la conquête, rouges du soleil qui les brûle » . Et qui peuvent leur donner une liberté. Entre le vert et le jaune « les couleurs opposées de la mort (...) le vert pour la résurrection, le jaune pour la décomposition » c'est donc le rouge que l'auteur retient des paysages mexicains. Par lui surgissent un hymne sauvage et ample et un bouillonnement sourd qui semblent avoir raison de son empêchement d’être. Autour des forêts immenses, autour des forêts imprégnées de la nuit, de la chair de lune, le rouge semble indiquer une voie royale. Il permet de retrouver une matrice nouvelle. Et la langue d'Artaud veut à sa vision tente de faire resurgir un souffle oublié et saccagé afin d'ouvrir à une joie d’être enfin libre apparemment immense et dense. Comme il l'écrit, c'est au Mexique à travers les terres colorées, qu’il peut « quitter l'ici pour fondre ailleurs, fondre et se libérer« et plus précisément encore : « détacher la dernière petite fibre rouge de la chair » par le rouge de cette terre. Hymne à la joie, à l'extase métaphysique mais aussi quasiment physique d’une liberté reconquise, voilà ce à quoi convie le voyage au Mexique. Dans ce là-bas une culture semble parler à l'auteur du plus profond de la terre pour laisser surgir un savoir perdu. Entre la tourmente et le rêve, cette culture des âges premiers n'est plus pétrifiée, ensevelie, mais renaît. À ce titre le livre des Tarahumaras est bien plus qu'une trace, qu'une évocation, il ouvre l'horizon, le soulève comme il soulève un temps le poète. Il se remet à chanter, par-delà la douleur, et ouvre à un appel inoubliable. Il touche à ce que Deleuze nomme « la perception de la perception » et à ce que sa vie terrestre a jusque-là refusé de réaliser. Si Artaud se voue à l'aridité d'une terre c'est uniquement afin de courir le risque d'une révélation terrible mais attendue. Le voyage au Mexique « finirait« ainsi le travail entamé avec les Cenci. Il s'agit de débarrasser la matrice de la tache de naissance, des vices de la chair et de l’esclavage qu’elle enclenche. « Les Tarahumaras « renvoie donc à une sorte de scène primitive, de lieu primitif. Artaud accède enfin à une nouvelle lumière, à de nouvelles vibrations. Soudain « par-dessous le néant s'élisent les bruits des grandes cloches au vent » à travers une expérience organique riche de liberté. « C'est cette terre qui est mon corps » écrit Artaud qui ne sent plus seulement le « membre détaché d'une image agie et vécue quelque part » . Il croit enfin échapper aux « mâchoires d'un carcan » . Dans un des textes complémentaires à Suppôts et Supplications Artaud précise d'ailleurs la valeur de cette matrice mexicaine « ce qui parle en elle est le néant indu« écrit-il. Et il ajoute « je ferai du con sans la mère une âme obscure, totale, obtuse, absolue » . Le Mexique et la libération de la transgression Au Mexique l'œuvre prend toute sa dimension, son « engagement« et sa transgression langagière. Elle institue des formes inflexibles qui portent les stigmates d’une présence qu'on appellera 《contre-nature》 mais plus conforme à une surnature (le surréalisme d'Artaud ?). Toute l'œuvre représente alors un démenti à la brutalité de la civilisation par une autre brutalité : celle de l'émotion sonore intacte, intense. Sortant d’un chaos elle ordonne ou du moins laisse espérer un autre ordre. Les Tarahumaras deviennent ainsi le texte-clé où l'œuvre se retourne sur elle-même dans la transgression suprême. Mais tout n’est pas si « rose ». Par le voyage au Mexique tout commence mais surtout tout finit. Loin des « restes d'une utérine douleur, affre d'affres de ses agonies » le poète va « flotter » désormais vers un ailleurs que va désormais cerner la « parole errante » (Blanchot) du poète. À partir de l'expérience mexicaine son écriture tombe mais aussi s’exhausse. La terre rouge expose son sang et à travers lui toutes les transfigurations qu'Artaud relate dans sa prose vibrante. Ici s'écrit l'histoire de la genèse et du chaos où l'homme est à l'image de Dieu : libre et non esclave et c’est sans doute pourquoi l’auteur peut parler d’un lieu qui « dissimule une Science » . À travers le Mexique Artaud semble se lire et lire le monde de manière nouvelle. Le pays est donc bien le lieu où tout bascule. Le voyage reste le point fort d'une vie qui confirme ses certitudes. Artaud va peu à peu leur donner libre cours au péril de sa vie. Après les Tarahumaras Artaud n'écrit plus comme avant. Ce que le Mexique propose ouvre encore plus le créateur à la précarité de l'existence, à son infirmité, à son enfermement mais aussi à son langage explosif. L'œuvre à venir va finir le travail : faire renoncer Artaud à sa propre origine pour une autre origine où l'auteur pourrait enfin affirmer un Je libre et non plus Artaud, Arto, Le Momo. Par l'expérience mexicaine l'œuvre devient une œuvre d'origine. Elle retrouve l'essence même du surréalisme, à savoir ce qu'en dit Maurice Nadeau dans le neuvième paragraphe des Documents Surréalistes : « le cri de l'esprit qui retourne vers lui-même et est bien décidé à broyer désespérément ses entraves » . À travers cette expérience unique Artaud parvient à l'ébranlement et au dépassement brutal des limites habituelles. Il touche au cruel lyrisme coupant court à ses propres effets, ne tolérant pas la chose même à laquelle il donne l'expression la plus sûre. Ce Voyage est donc d'une certaine manière l'embrayeur définitif qui engage l'œuvre vers ses derniers états. En épousant cette matrice, la plus vierge des mères, Artaud se reconquiert quelque part. Il assure sa propre vérité par cette « réalité organique » que représente le Mexique. Ici le « vers quoi » et le « à partir de quoi ? » qui fondent l'expérience d’Artaud trouvent leurs racines. À ces deux « quoi« le Mexique donne la réponse : un rien, mais un rien qui est tout. Ce rien qui fait tenir l'intenable, qui fait que l'œuvre n'est pas une plainte mais une revendication majeure. Soudain le langage terminal et dans ses passages les plus achevés va se mettre à flotter. Il flotte librement. Ce ne sont plus que des points semés sur la page à travers des lignes fracturées, en suspens dans le mouvement quelles créent et qui bousculent le souffle pour le faire surgir en suspendant le discours admis au moyen d’une litanie de mots que l’auteur expulse non en une sorte de simple vidange mais de création puisque ce qui sort change : écrit ou plutôt éructe l’auteur en une érudition qui tranche et ouvre un droit de cuissage sur la langue. A celui qui ne croit plus « aux mots / à la vie / à la mort / à la santé / à la maladie : au néant / à l’être / à la veille / au sommeil / au bien / au mal » , à celui qui « croit que rien ne veut plus rien dure et que tout depuis toujours d’ailleurs n’a jamais cessé de me faire chier » la simple vidange ne suffit plus. L’expulsion prend une autre facture afin de faire œuvre à part entière. La glossolalie d’Artaud représente donc la métamorphose à travers laquelle l’auteur ne fait pas seulement claquer la langue mais sauter ses verrous en un drame phonique du corps et de l’esprit. Artaud a cherché de telles scansions « illisibles, syllabe par syllabe, à haute voix, en travaillant ». On peut bien sûr, comme le propose Evelyne Grossman, s’amuser à décoder un tel langage. « Lau scam da lau » n’est par exemple pas loin de « le scandalo « de l’italien, et sous son « maumau « se cache Artaud lui-même, Artaud le Momo. Mais ce serait là lire un tel langage par le petit bout de la lorgnette et il faut, à l’inverse, se laisser envahir par ce flux de séries dévastatrices de pulsions et par leur musique qui conjuguent toutes les formes de colère, de haine et de révolte. il faut se laisser prendre à la trépidation de forme épileptique du verbe. Ne restent en effet que ces syllabes et ce syllabus émotif rongés, travaillés et retravaillés et qui à l’inverse d’un langage infantile ou à un retour à une babélisation de la langue nous confronte à un fatras non d’immondices mais de pulsionnel reconstruit, d’infra ou de supra langage remonté et remodelé qui ouvrent à une autre lisibilité et autre cartographie du réel. Surgit un langage non pourrissant mais puissant visant à exprimer autrement que de manière chronologique et univoque. En un tel langage Artaud peut affirmer : « je me vois naître comme chaque fois que je danse ou crie » . Il devient le mécréant, le mécréateur. Repris et corrigé sans cesse son langage en ce déferlement prend de court, saisit, fait jaillir sous ses apparitions des conséquences nouvelles. Seuls avant lui Rabelais, Lautréamont puis Joyce ce sont risqués en de tels chants de violence prenant à rebours l’admissible et l’hypocrisie sociale en leur discours établi au risque sans doute de se perdre tant l’horreur de l’écorchement révulse le bon entendeur qui s’y frotte et s’y pique. 《…Je vous l’ai dit, que je n’ai plus ma langue, ce n’est pas une raison pour que vous persistiez, pour que vous vous obstiniez dans la langue. Allons, je serai compris dans dix ans par les gens qui font aujourd’hui ce que vous faîtes. Alors on connaîtra mes geysers, on verra mes glaces, on aura appris à dénaturer mes poisons, on décèlera mes jeux d’âmes. Alors tous mes cheveux seront coulés dans la chaux, toutes mes veines mentales, alors on percevra mon bestiaire, et ma mystique sera devenue un chapeau. Alors on verra fumer les jointures des pierres, et d’arborescents bouquets d’yeux mentaux se cristalliseront en glossaires, alors on verra choir des aérolithes de pierre, alors on verra des cordes, alors on comprendra la géométrie sans espaces, et on apprendra ce que c’est que la configuration de l’esprit, et on comprendra comment j’ai perdu l’esprit. Alors on comprendra pourquoi mon esprit n’est pas là, alors on verra toutes les langues tarir, tous les esprits se dessécher, toutes les langues se racornir, les figures humaines s’aplatiront, se dégonfleront, comme aspirées par des ventouses desséchantes, et cette lubrifiante membrane continuera à flotter dans l’air, cette membrane lubrifiante et caustique, cette membrane à deux épaisseurs, à multiples degrés, à un infini de lézardes, cette mélancolique et vitreuse membrane, mais si sensible, si pertinente elle aussi, si capable de se multiplier, de se dédoubler, de se retourner avec son miroitement de lézardes, de sens, de stupéfiants, d’irrigations pénétrantes et vireuses, alors tout ceci sera trouvé bien, et je n’aurai plus besoin de parler.》 Le pèse nerf extraits, 1925 Qui suis-je ? 《Qui suis-je ? D’où je viens ? Je suis Antonin Artaud et que je le dise comme je sais le dire immédiatement vous verrez mon corps actuel voler en éclats et se ramasser sous dix mille aspects notoires un corps neuf où vous ne pourrez plus jamais m’oublier.》 Un poème de René Guy Cadou "Avec tes yeux comme une sonnerie bloquée Antonin Comme un printemps foutu Avec tes mains Tes mains sur les barreaux de l'asile Antonin Tes mains sur les fils électriques Sur l'espagnolette sur la poésie partout Antonin partout Tes mains sur ton front pressées Sur tous les corps de jeunes filles Sur la campagne de Rodez Antonin la campagne Tu pêcherais dans la rivière Avec une arbalète Antonin Avec toutes les femmes À même À même la poésie Antonin Et pas de camisole Pas de frontières Pas de répit surtout" Hélène ou le règne végétal - 1948 Bibliographie sommaire * L'Ombilic des limbes, Gallimard, NRF, Paris, 1925 * Le Pèse-nerfs, Leibovitz, Paris, 1925 * L'Art et la Mort, Denoël, Paris, 1929 * Les Nouvelles Révélations de l'être, Denoël, Paris, 1937 * Le Théâtre et son double, Gallimard, Paris, 1938 * D'un voyage au pays des Tarahumaras, Éditions de la revue Fontaine, Paris, 1945 * Van Gogh, le suicidé de la société, K éditeur, Paris, 1947 * Artaud le Mômo, Bordas, Paris, 1947 * Ci-gît, précédé de la Culture indienne, K éditeur, Paris, 1947 * Pour en finir avec le jugement de Dieu, K éditeur, Paris, 1948 * Les Cenci, in Œuvres complètes, Gallimard, 1964 * 50 Dessins pour assassiner la magie, Gallimard, Paris, 2004 * Artaud Œuvres, choix de textes par Evelyne Grossman dans l'édition Thévenin des Œuvres complètes, Gallimard, Quarto, Paris, 2004 * Cahier d'Ivry, janvier 1948, fac-similé, Gallimard, Paris, 2006 * Nouveaux Écrits de Rodez, Gallimard, L'Imaginaire, Paris, 2006.
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“Nannetti, Fulmidabbili !“
par David gé Bartoli
Quand, clandestinement, N(annetti) se fait O.F. aux 4 coins de l'Univers il devient philosophe. Quand Nannetti devient N.O.F. 4 : il vit et fait œuvre de philosophie. Il œuvre et devient-monde. Il est cette pluie d'étoiles qui constellent les murs de son enfermement. Interné dans un hôpital psychiatrique, il pâtit en mode cathodique : il se vit en assemblant sur une même paroi, un même écran, les débris de son corps et les bribes d'une mémoire lacérée jusqu'à l'os. Et il imagine, il met en image des matières vivantes. Alors il ne parle plus, ne gémit plus, il fait sonner en silence la pointe acérée de sa boucle de gilet sur la paroi osseuse de ce « tombeau de la santé ». Il inscrit plus qu'il n'écrit. Il déploie, dans une pagination hors norme, un espace d'inscription sans borne où il inscrit mille choses, mille voix, où il inscrit 1000 et une voix. Là il se lance à corps perdu dans un voyage sidéral et sidérant. Là il vit entre deux morts. Là il prend la consistance d'images à forte température, incandescentes, fusionnelles. Il flambe au tungstène. Il est l'éclair de la vie qui frappe les corps et les esprits. Il émeut. On tremble à la vue de son défi. Il porte l'être à bout de bras. Il est... N.O.F. 4, une œuvre de philosophe. Cette vie nous parle, en off, nuitamment : elle est la nuit de toute philosophie. Posthume, elle nous parle, elle est en vie. Elle nous parle d'une voix vive plus qu'elle ne nous parle de la vie. Vie qui n'est pas de vive voix. Vie qui surgit en rêve, rêve qui surgit en vie. Elle apparaît... ça et là, sans nous prévenir. Car « Les fantômes sont formidables après, leur deuxième apparition... il prend une apparence matérielle... les ombres sont vivantes sous les cosmos, ainsi les imagine le dessin, l'homme invisible armé...d'une boucle cathodique tout comme les animaux, le verre, les tôles, les métaux, le bois, les os de l'être humain et animal et l'œil et l'esprit, se contrôlent à travers le reflet du faisceau magnétique cathodique. Glandes de sexe masculin et féminin. Les images qui ont une température sont des matières vivantes et meurent même deux fois... »
N.O.F. 4 est philosophe. Oui, il est philosophe comme d'autres disent qu'il est fou. Si fou il était, il était fou de la vie. Il attaquait jusqu'à la moelle la matière excédentaire de la vie. Il se faisait, aussi souvent qu'il le pouvait, matières vivantes et meurent même deux fois... Il est deux fois philosophe plutôt qu'une. Parce que, « les philosophes, ou un philosophe, c’est quelqu’un, d’une certaine manière, qui croit qu’il est déjà mort ou qu’il est passé par la mort. Je trouve ça formidable parce que c’est une "vision Edgar Poe" de... de ''qu’est-ce qu’un philosophe ?''... Quelqu’un qui croit comme ça, quelqu’un qui croit qu’il est mort, ou qu’il est passé par la mort, qu’il est revenu des morts - ça revient au même, il est mort, il est passé par la mort, il est revenu des morts... Et à tort ou à raison... il pense qu’il vit. Mais qu’il ne vit pas de n’importe quelle manière puisqu’il est revenu des morts, qu’il vit d’une manière très spéciale. En d’autres termes, il est entre deux morts : une mort apparente et une mort réelle. Une mort dans laquelle il est passé du dedans, une mort qui l’attend du dehors. Vous me direz : la mort qui nous attend du dehors, c’est le cas pour tout le monde. Pas du tout, pas du tout. Ce n’est pas notre cas en général. Notre cas en général c’est attendre la mort du monde extérieur et de l’organisme intérieur. Mais la mort qui nous attend du dehors, la mort qui nous vient du dedans, c’est autre chose. La mort qui nous vient du dedans, c’est la mort par laquelle on est passé. Fallait-il passer par la mort ? On est passé par la mort ?... Le philosophe, peu importe s’il a raison ou s’il a pas raison puisqu’il va être passé par la mort... En tant que philosophe pas en tant que personne. Il estime revenir des morts. Il estime revenir du pays des morts. Puis, il pense que, il va vers une mort qui l’attend du dehors. Quand le dehors se creuse et attire l’intériorité, il est entre deux morts. Seulement moi je dirais que... C’est pas qu’il continue à vivre et qu’il croit que... qu’il continue à vivre alors qu’il vit pas beaucoup, moi je dirais que, entre ces deux morts, entre la mort apparente et la mort à venir, euh, le philosophe, il lance un éclair qui est un éclair de vie... Je reviens des morts et je chante la vie. Euh, c’est ça la philosophie. Et euh, c’est, c’est dans la mesure où je reviens des morts que je chante la vie... » N.O.F. 4 délire avec Deleuze et converse avec Christian Gabriel/le Guez Ricord qui chante Le Cantique qui est à Gabriel/le. « La voix, ici, a la mort pour provenance ». Émis depuis la mort, nous sommes émus. Émus de sentir cette vie qui persiste entre deux morts, émus d'entendre des voix qui auraient eu la mort pour provenance. Nannetti et ses fantômes, absolument formidables !
Et des images d'une grande sensibilité sont venues aux secours de ces images qui ont une forte température. Des photographies prises de nuit, dans l'urgence, lumière rasante, ouverture panoramique : une fresque toute en toucher s'est dessinée peu à peu sous les doigts de fée d'un faiseur de spectres. Une passion ardente est née pour cette dentelle de pierre nommée N.O.F. 4. Étrangeté qui hante nuit et jour ceux qui l'ont approché. Et qui a contaminé de proche en proche les révélateurs de cette présence lumineuse et spectrale. Les fantômes ont pris corps, ont pris les corps d'hommes et de femmes charnels. Ceux-ci et celles-ci ont écrit pour accueillir les milles voix qui sont passés dans le corps de Nannetti et qui se sont déposées sur cette paroi. Par ces gestes, photographier, écrire, filmer, traduire, garder une trace physique de cette aventure pariétale, ils et elles lui ont redonné vie. Après les deux morts, deux vies. Et bien plus encore. Ainsi, un livre, un film, une fresque photographique (et en fac similé l'empreinte du mur gardée à la collection de l'art brut de Lausanne) ont redonné du corps à celui que l'on avait nié de son vivant. Deux vies pour un vivant qui était destiné au néant. Cet ouvrage retrace les contours d'une odyssée, d'un voyage fantomatique, spectral, au cœur des vies et des morts. Un ouvrage qui accueille l'énigme de ce qu'est « être en vie ». Il a tenu à la vie et il nous fait tenir en vie : il (nous) tient à la vie. Force prodigieuse de Nannetti à être là, là où personne ne l'attendait. Force prodigieuse aussi de ceux qui ont su traduire ce geste d'une même générosité. Point de pathos, point de classification, point d'arguments disciplinaires, point de discours ou de verbiage... bien plutôt une verve à fleur de peau, un accent singulier, une attention au détail, une délicatesse d'approche, pour ne point brusquer, pour ne pas faire avouer, pour ne pas momifier ou enterrer cette puissance de vie. Garder toute la charge de cet éclair de vie, c'est justement ne pas conduire cette œuvre au panthéon des grands hommes, ces grands artistes ou politiques qui se montraient au grand jour ; c'est chanter avec lui et laisser tournoyer toutes ces traces, fugaces et fragiles, sous la voûte plantaire des dieux ailés. Cette chenille qui rampait, jour après jour, sur le mur de la honte a pris son envol, elle s'est faite papillon : la chenille-Nannetti a donné jour au papillon-N.O.F. 4.
Graver minutieusement ce mur lui a donné des ailes : les ailes du désir. Et ce désir s'étend à perte de vue, il s'étend jusqu'à embrasser Tout le monde, il s'éprend de nous pour nous faire Rêver. « Comme / un / Papillon / Libre / je / suis / Tout / le / Monde / est à moi et / tous / je fais / Rêver ». Dreaming, il est. Il est cette surface où les traces se font pistes. Il est la piste-papillon qui s'ouvre aux étoiles : « Les fantasmes sont Fulmidabbles ». Foules-formidables sont ses graphies qui gravissent le mur, qui ravissent la foudre, pour fendre la pierre, pour nous fendre la gueule et pourfendre l'idée de folie. Nannetti est un éclair de vie formidable : « fulmine (éclair) et formidabile (formidable) ». Oui, il est fou, il est fou à hauteur de vie, au désir de Rêve. Oui, ils et elles sont fous et folles, comme lui, d'avoir cru à ces herbes folles (ces petites graphies poussant ici et là), d'avoir pris ces fantasmes pour la réalité (lignes de fuite qui fourmillent, par contagion et boustrophédon), de nous avoir fait rêver sur la piste aux étoiles : Nannetti est ce clown qui des larmes nous fait passer au rire, au fou rire. Il nous délivre par la verticalité du mur de l'attraction terrestre : il est « Nannettolicus Meccanicus », machine d'écriture d'où fusent les corps célestes. « Les soleils / les / Lunes les / Étoiles se lèvent et descendent / et / peuvent / prendre / n'importe qu'elle forme / et / n'importe quelle Couleur. » Nannetti sait « déssiner », avec des accents inouïs, il sait se faire clown pour mettre des couleurs dans la vie, pour échapper à une tristesse destinée. Il n'est pas ce clown des champs, rustre et bouffon campagnard, tel que lui assignent ses racines (« clown » viendrait de « klönne » en allemand et serait proche de « clod » et « clot » en anglais, indiquant le caractère rustique, balourd, plouc, en affinité avec une autre signification « la motte de terre »). Il est celui qui transfigure la terre ferme (murs opaques et sans horizon) en corps céleste, il est celui qui introduit de la couleur sur les sombres figures et événements de notre histoire : il est celui qui met un nez rouge au milieu de la figure carcérale et brutale des enceintes aliénantes. Il fait du monde un chapiteau pour nous faire vibrer jusqu'à la moelle, pour nous enchanter et déclencher une atmosphère de magie. Dans cet enclos sombre et sans ciel, il a fait sombrer le malheur et nous a mis en joie. Il a fissuré ces murs, il a fait volé en éclats ces remparts, il a pris la poudre d'escampette, il s'est fait la belle. Là est la vie : en bandit.
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Propos haineux d'un con descendant : Les gens ne sont pas cons. Je sais pourquoi ils détestent la poésie. La poésie, au mieux ; sont des élucubrations D'un mystique trop optimiste qui en fut écorché. Mais personne ne s'arrête Quand un écorché s'apprête À te dire les secrets et l'étude Des cris les plus sublimes Le goût du sang des certitudes L’esthétisme des ruines Même sans aumône c'est niet ! Donc plutôt que parler à la poussière Les écorchés en ont fait des livres Pour les plus braves des inconsolables. D'autres sont tombés dans la prière, Ou d'autres faiblesses inconcevables Mais Je fais partie des gloutons de la bile Donc je me permets, n'en déplaise à La littérature qui engendre des faibles. Mais dans la poésie putain c'est pénible. Marre de ces putains de gonzesses Marre de ces putains de mecs faibles Qui n'ont aucune notion de pudeur ! Le JE de la nature d'un poète DOIT être universel. On s'en fout de ton aile politique le monde est cruel, sélectif et matériel TOUT LE MONDE LE SAIT Donc tes avis en rimes.....Ta gueule ! La poésie doit être une mystique Fais autre chose si tu cherches une logique ! Ça marche mieux si elle est dite en musique. La poésie doit être la plus sale et silencieuse Supplique. On s'en fout de tes tragédies J'ai aussi déchu dans le physique et le mental. TOUT LE MONDE SOUFFRE ! Donc ton agenda intime...Ta gueule ! La poésie est une mystique Fais autre chose si ton JE n'est qu'une plainte publique. Se confier en prose doit imposer une vraie laideur dure à lire en public. Donc tes larmes sans consigne...Ta gueule ! La poésie doit être un JE quasi impubliable mais hypnotique. J'ai toujours essayé de faire passer les arcanes À travers mon ego Pour écrire une poésie laide comme le réel Et belle comme la prospérité de Simonide de Céos. Je doute tous les jours du résultat. Parce que je ne suis qu'un corps À qui les lois de la logique ne suffisent pas. Je fais peut-être partie de ces poètes là. Dont j'ai décrit le manque du fiel de la mort. Tout les jours je brûle mes pas. Afin d'atteindre la dernière écorchure Celle où je ferais un poème Qui vous blessera jusqu'à vos petite parures. Je sais pourquoi personne n'aime la poésie Ou presque ; Parce que la poésie est une mystique. Elle doit remuer le bide, la bile, la trique Comme la plus belle étude Qui rendrait la folie lisible Les blessures risibles Devant l'ennui irréductible D'une mort en rime Qu'un poète qui pue Les miasmes de courants d'airs Des portes à peine entre-ouvertes. Pourvu qu'un jour je puisse rimer la laideur Pour que l'agonie rejoigne le sourire du lecteur La répugnance et sa fureur Mêlée à une certaine fraîcheur. Alors... Qui n'a point entrevu l'enfer de la folie pur N'écrit que poèmes fétides comme la devanture D'un magasin de parfum sous le son des cartes bleues Ou un slogan mélancolique sur la joie dans le métro La poésie manque de post-traumatiques. La poésie manque de prises de risques. Si je faisais partie à jamais de ces auteurs maudits, Que je sois brûlé vif en public. La poésie est une discipline, Une mystique. N'attends pas que l'on t'aime pour la plus vicieuse La plus silencieuse des suppliques.
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