#Fête de la Truffe impériale
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Fête de la Truffe Impériale : tous à Châtillon-sur-Seine ce samedi !
Marché, concours d’œuf brouillé à la truffe, démonstration de cavage… Ce samedi 26 octobre, Châtillon-sur-Seine accueille la Fête de la Truffe impériale. Samedi 26 octobre 2024, Châtillon-sur-Seine accueille la 2e Fête de la Truffe impériale. © Michel Joly / Bourgogne Magazine Le samedi 26 octobre 2024, la 2e édition de la Fête de la Truffe impériale va remettre Châtillon-sur-Seine au centre de…
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Au Lotus Pourpre - Acte 6
La nuit était déjà bien avancée, mais à peine l’air commençait-il à se rafraîchir. La saison avait été particulièrement chaude cette année, ce qui, au moins, laissait présager d’excellentes récoltes. On entendait, au loin, dans les Plateaux, des fêtes de quartier s’animer ci-et-là, tandis que les Cimes s’étaient parées de milles lumières changeantes. Au Quartier des Plaisirs aussi, l’humeur était à la détente : ce soir, les fleurs avaient diverti leurs invités avec des jeux et du vin, dans une retenue rare, et nul ne s’en était plaint, bien au contraire. La douceur des sourires avait remplacé la fougue des baisers, seules quelques âmes en manque d’aventures ayant poussé le pas des dortoirs et chambres. Certains avaient même surpris la vieille matriarche à discuter aimablement avec certains de ses anciens amants autours d’une once de liqueur.
Ligi, quant à elle, n’avait toutefois pas eu l’opportunité de participer au large banquet tenu pour célébrer le solstice, occasion qu’elle n’avait jamais manquée jusqu’alors. Elle s’était certes présentée lors de l’ouverture de l’évènement, avait salué ses habitués, fait bonne figure, mais bien vite, s’était dirigée vers les cuisines pour ce qu’elle avait prévu comme le pillage du siècle. Au-delà des herbes à thé, biscuits et autres accompagnements qu’elle avait l’habitude de réquisitionner chaque semaine, son plan incluait aujourd’hui une part des meilleurs plats préparés par les chefs. Le Lotus Pourpre avait beau se situer en plein cœur des Steppes, sa réputation et ses hôtes de marque exigeaient que des mets dignes de la Cour impériale puissent leur être servis. Porcelet garni aux champignons et pommes rissolées, flans aux légumes et bouchées royales aux crevettes, petits pains au sucre ou encore framboises nappées de chocolat : les délices étaient aussi multiples que variés, au point où faire un choix devenait la partie la plus ardue du repas. Dans une atmosphère chargée d’épices, elle avait alors déambulé d’un plan de travail lourdement chargé à l’autre, s’octroyant parfois même le luxe de goûter sauces et bouillons. Deux ou trois des employés de cuisine avaient bien tenté de l’en chasser, mais en évoquant celui qui l’accompagnerait cette nuit, toutes réprimandes disparurent pour être remplacées par les suggestions du chef. On détacha même un commis de son poste pour l’aider à monter les plateaux jusqu’à ses appartements. Ligi eut quelques remords à user de l’argument de force que représentait le nom des Yueis, mais préféra se rassurer en pensant au plaisir que le repas susciterait. Malgré son apparence svelte et le contrôle quasi-constant qu’il maintenait en société, la dame de compagnie avait déjà pu constater que l’homme possédait une faiblesse pour la haute gastronomie… ou tout simplement les friandises. Au fil de leurs rencontres, elle avait constaté la régulière disparition des sucreries qu’elle disposait davantage pour la bienséance ; ses autres clients n’y touchaient guère, bien plus attirés qu’ils étaient par « la douceur » d’une autre chair. Le Seigneur Yuei, lui, avait toujours favorisé les bonbons à la praline et les poires séchées à la cannelle.
« Mon frère et moi-même n’avons jamais vraiment eu
l’opportunité de manger beaucoup de ces choses lorsque nous étions enfants… »
Lui avait-il un jour expliqué.
« Notre père était un homme qui défendait l’équilibre entre le corps et l’esprit :
hors de question, donc, pour ses fils de succomber à toute forme de gourmandise !
Johan a gardé ce principe et ne jure d’ailleurs que par lui.
Je ne vous parle pas des dîners de famille que nous avons pu passer ensemble…»
Il avait alors habilement attrapé entre ses dents,
une noix grillée au sel et à la truffe qu’elle lui avait lancée.
« Moi ? Eh bien, disons que je suis passé à autre chose ~héhé ! »
Si la noblesse avait bridé sa jeunesse, l’Archiviste semblait bien déterminé à ne pas lui laisser la moindre seconde supplémentaire. Certains le considéraient, voire n’hésitaient pas à l’appeler « excentrique ». Il pouvait l’être.
Enfin, au fond…
C’est juste un grand gosse.
Un grand gosse avec une barbe et des responsabilités,
Mais un gosse malgré tout.
À ce sujet, les deux compères avaient convenu qu’exceptionnellement, cette nuit leur serait réservée. Bien que l’idée initiale ait été proposée par le Seigneur Yuei, Ligi n’avait pas bronché à la perspective d’une soirée de détente, entièrement consacrée à manger, rire, et trois ou quatre parties de Gyu endiablées. En outre, passer du temps de manière aussi privilégiée avec son hôte, sans que son épouse n’intervienne entre eux deux, voilà qui- !
« Si vous veniez à vous interposer entre lui et- … »
Elle secoua vivement la tête. Ce n’était pas le cas ! Cela ne le serait jamais.
« Et… Trente-quatre prend quinze ! » L’exclamation victorieuse la fit presque sursauter. « Il semblerait que je viens de remporter cette manche, Madame !
- Félicitations, Seigneur Yuei. »
L’homme lui offrit un sourire amusé. Depuis un mois environ, il avait pris l’habitude de laisser son masque de bienséance à l’entrée de ses appartements. Au coin de ses yeux d’encre, de légères rides ayant commencé à se former, s’étaient plissées sous le rictus. Non, jamais pourrait-elle songer à…
Soudain, au-dessus d’eux, un craquement sourd suivi d’une légère vibration du plafond résonna à travers les poutres apparentes de ce dernier. Pour les plus attentifs, des rires et soupirs satisfaits purent être entendus.
« Eh bien, eh bien ~ hé ! Nos jeunes amis doivent avoir enfin terminer leur -hum, propre partie de jeu ~ héhé… hé.
- Désirez-vous que nous en commencions une nouvelle ? » Lança alors Ligi, déjà affairée à distribuer les billes, et parfaitement aveugle à une situation qui faisait son quotidien.
« P-Pardon ?! »
Le timbre pourtant si calme et affirmé venait de monter de plusieurs octaves. En relevant son attention vers l’autre, la dame de compagnie fut stupéfaite. Le Seigneur qu’elle connaissait, le Lettré, l’Homme d’Art et de Sciences… la dévisageait comme si une deuxième tête venait à l’instant de lui pousser dans le cou. Comme par instinct, il s’était basculé vers l’arrière et ses traits avaient pris la teinte du… du dégoût ? de la peur ? de la surprise peut-être ? C’était difficile à dire tant les émotions se bousculaient derrière les iris sombres.
Elle n’avait pas fait attention. Après tout, elle était née, avait grandi et vivait chaque jour que la Déesse faisait dans ce bordel. Les cris, de plaisir ou non, les larmes, les messes-basses, les roucoulades : tout cela composait un refrain quotidien.
« Une partie de Gyu, Seigneur… Voulez-vous que nous… ?
- Ah, oui ! Bien sûr ! » Assez maladroitement, il reprit sa posture initiale. « J-je vous pris de me pardonner ! Je devais avoir l’esprit ailleurs ~ héhé ! »
Tous deux se résumèrent au jeu de billes, mais alors qu’elle comptait ses mises, Ligi ne put s’empêcher de réfléchir au fait que… Non, ils avaient déjà abordé le sujet de- ? À moins que ? Elle ne parvenait décidemment pas à se souvenir de cette fois-ci. Pourtant il s’agissait d’un point capital dans une vie de mariage ! Il avait très certainement dû penser à… Mais alors pourquoi… ?
Ne me dites pas que…
« Seigneur Yuei… ? Me permettrez-vous une question ?
- Vous en avez déjà posée une, Madame. » Clin d’œil sarcastique. « Mais grand prince que je suis, je vous en accorde une deuxième !
- Messire est trop généreux. » Se permit-elle de rétorquer sur le même ton. « Dites-moi, toute indiscrétion gardée, comment se passe vos « affaires conjugales » ? »
Le problème avec les vêtements noirs, c’est que le rouge tranche énormément.
« Ma foi, très bien, je vous remercie de votre prévenance, Madame. » Elle aurait juré qu’il avait tremblé sur la fin. « Voyons… Dame Tricia et moi-même sortons régulièrement au cœur de la Cité ou arpentons les Cimes, j’ai découvert ce nouveau pâtissier -Croklar, cela vous dit-il quelque chose ?- dont elle raffole les mignardises chaque Solis, et – oh ! Vous ai-je raconté notre dernière visite chez Valorie et-… ?
Il n’en finissait pas. L’homme avait un penchant certain pour la prose… mais pas pour les tirades inutiles.
« Non, Seigneur, je crois que… Ce que je souhaite dire, c’est- enfin, quand vous et… » Elle soupira. Oh, et puis merde. « Messire Yuei, avec tout le respect que je vous dois, à vous et votre épouse… Concrètement, comment est-ce que vous couchez ensemble ? »
Le silence était assourdissant. Elle, le regardait avec insistance tout en attendant patiemment sa réponse, lui, ne bougeait pas.
« Faire l’amour ? Vos parties de jambes-en-l’air ? Battre le beurre ? Tremper le biscuit ? Conquérir la lune ? Sucer la pomme ? Forniquer ? Troncher ?....... La baise ? »
C’était à se demander s’il respirait encore. Soudain, Ligi eut peur d’être allée trop loin : que faire si l’autre s’en allait, à nouveau sans un mot, pour ne plus jamais revenir ? Peut-être n’appréciait-il tout simplement pas s’étendre sur sa vie pri- enfin pourquoi donc venir déballer ses affaires sentimentales à une dame de compagnie ? Après tout, il devait avoir autour de lui des dizaines, si ce n’est des centaines d’hommes mariés ! La Cour impériale n’était qu’un immense rassemblement de jouvenceaux en quête d’amour ou bien d’époux fatigués par des années passées aux côtés de leurs femmes et/ou de leurs amantes… voire amants. Pourquoi ne pas aller quérir conseil auprès de l’un d’eux si tel était le cas ? Pour être venu jusqu’aux appartements privés de la pute la plus réputée du Quartier des Plaisirs, c’est bien que le bougre souhaitait quelque chose en rapport avec le sexe, non ?!
« Je, enfin, nous… » Chaque mot lui brûlait la gorge. « Nous ne sommes… pas encore arrivés jusqu’à cette étape.
- Que… » Elle n’en croyait pas ses oreilles. « Comment ?! Vous n’avez pas- ?!
- Ne parlez pas si fort !
- Pardon, pardon… ! C’est juste que… » Elle pencha la tête, comme inquiète. « Je ne comprends pas, vous parlez pourtant bien de « votre épouse » depuis que nous nous connaissons, alors… Comment se fait-il que vous n’ayez pas encore… ? »
L’autre détourna le regard. La perle d’argent menaçait de rompre à chaque nouveau geste mécanique.
« N-non… Notre union n’a pas encore été, hum, « consommée ». » Un bref sourire, éclat dans la tempête. « Un bien étrange terme quand l’on parle pourtant d’êtres humains, ne t-trouvez-vous pas, héhé ? »
Cependant, Ligi n’était pas d’humeur à suivre la plaisanterie. En tous cas elle ne l’était plus. Cette nouvelle information représentait bien plus qu’un détail dans une vie de couple, surtout lorsqu’il s’agissait du mariage entre deux personnes de la Haute. Les Cimes ne plaisantaient pas avec le protocole.
« Mais enfin, comment êtes-vous parvenu à… ?
- Fen. » Sous le regard incrédule, il se força à élaborer. « N-nous avons fait nos classes ensemble à l’armée. Fen a beau être, disons, d’un rang « inférieur » à celui des Yuei, nous nous sommes rapidement liés d’amitié. Il a toujours su… m’épauler dans les moments difficiles et je crois bien que, sans lui, je n’aurai pas tenu ces trois ans de malheur. Je me suis engagé pour obéir aux exigences familiales. Fen ne cherchait qu’à trouver un travail qui payait bien. » Son regard se perdit dans le vague. « Il aimait une jeune femme du Quartier des Brumes, sur les Plateaux Nord. Quand elle apprit qu’elle attendait son enfant, elle demanda à l’épouser. Lui, grand romantique qu’il était-hé, était fou de joie à la perspective de fonder une famille… Quand il vit que l’argent viendrait à manquer, il s’enrôla : l’armée paye bien plus qu’un travail de paysan ou de livreur, et en cas de décès, les proches du défunt touchent même une prime pour service d’honneur à la patrie. » Ses traits prirent une moue dégoûtée. « Alors il est parti. Et lorsqu’il est enfin revenu après trois ans… C’est elle qui n’était plus là. » Pause. « Elle avait confié leur fille à la garde d’un voisin en attendant que Fen ne vienne la récupérer. Pas une lettre, pas un mot. Rien. Un soir, il s’est présenté à la porte de notre domaine et a demandé à me parler. Les serviteurs puis mon père ont essayé de lui faire quitter les lieux avant que je ne revienne du Consulat, mais c’était peine perdue : Fen n’est pas du genre à se laisser abattre.
- Il souhaitait votre aide ? » Il hocha la tête.
« En effet, et je lui offris sans contreparties. Un toit et un poste en tant que garde rapproché avec un salaire plus que suffisant pour lui permettre de vivre lui et sa fille… » Il lui sourit. « Nous avons tous les deux une dette de sang envers l’autre.
- Mais concernant votre mariage ? » Ligi s’enquit. « Qu’a-t-il pu bien faire pour que vous… ?
- Ce n’est pas vraiment lui qui a interrompu notre nuit de noce. » Il baissa les yeux. « C’est moi qui lui aie demandé de le faire. »
L’homme était pitoyable : du Seigneur ne restait que le titre. Jamais ne l’avait-elle vu si bas, même dans les pires jours que pouvait lui faire subir son épouse.
« J-je… J-je ne, je, elle-enfin nous. » La panique le menaçait à nouveau. « Je ne pouvais pas !
- Vous ne vous-… ?
- Je n’ai pas pu ! C-c’était au-dessus de m-mes forces ! J-j’ai paniqué, a-alors j’ai demandé à Fen de me couvrir. I-il a inventé une histoire stupide : q-quelque chose à voir avec le M-ministère, le fait que je d-devais me rendre u-urgence q-quelque part – je ne sais même plus où ni pour quoi ! J’étais s-sûrement trop occupé à étouffer dans ce m-maudit placard à balais -ha ! » Ponctua-t-il sur un ton dépréciateur. « Je… Je suis revenu deux jours plus tard au domaine, mais… Haah… Nous… Je…
- Vous n’avez pas tenter de rattraper cette soirée, c’est cela ?
- Je… Oui. » Soupir. « Je suis… très pris par mon travail et…
- Votre épouse doit pourtant v-…
- Je sais !! »
Il avait crié. Il ne haussait pourtant jamais la voix. Ligi n’en revenait pas : elle qui pensait s’être engagée dans une simple histoire de chiffons…
« Mais alors… » Tenta-t-elle. « Pourquoi donc être venu me voir ? Si le… « passage à l’acte » est ce qui vous dérange le plus, pourquoi ne pas avoir abordé le sujet avant ? Vous pouvez être maladroit, Seigneur, mais je vous sais assez intelligent et lucide pour savoir ce qu’il se passe entre ces murs. »
L’homme acquiesça, ses yeux ne quittant pas un instant le tapis de jonc tressé.
« J-je voulais m’assurer que… vous ne seriez pas c-comme les A-autres. » Il devança ses interrogations. « V-vous devez également savoir, ou d-du moins comprendre, que ma position est délicate. Je n-ne peux pas confier ce p-problème à quiconque arpentant l-les Cimes : tout se sait t-tôt ou tard… » Soupir pour maîtriser sa respiration. « Si jamais l’on apprend que notre union n’est pas… « achevée », n’importe qui deviendra à nouveau éligible à la courtiser, et je… Je la perdrai… » Il ébouriffa ses quelques mèches folles de sa nuque. « E-et je ne veux pas non plus que s-sa première fois soit… Enfin, vous comprenez… « gachée » par mon, hum, m-manque de savoir-faire ? »
Ah… Voilà.
Le cœur du problème est un problème de cœur.
« Madame… » Voilà qu’il reprenait ce ton. Celui du premier jour. « Je sais à présent que… je peux vous faire confiance. Auriez-vous alors… Pourriez-vous… ? »
D’un geste brusque, il désigna l’imposant lit qui trônait au fond des appartements. Jamais n’avaient-ils été plus loin que le coin réservé au thé et aux jeux.
« Êtes-vous sûr… ? » Ligi fronça les sourcils.
« Certain. » Se contenta-t-il de répondre. « Après tout… Que vaut donc la théorie sans la p-pratique… Hé ? »
~ Fin de l’Acte 6
______o.).O.(.o______
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