#Eurydice Fox-Pesetas
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Chapitre 17 : Ceux qui errent
La chaleur des rayons du soleil sur sa peau rĂ©veillèrent Eurydice qui se demanda un instant oĂą elle Ă©tait… avant de se souvenir qu’elle s’était Ă©chappĂ©e de la maison de l’ogresse et qu’elle Ă©tait coincĂ©e sur l’île de Winderburg. Elle se releva avec prĂ©caution, ses mains appuyĂ©es contre l’herbe fraĂ®che pour s’aider.Â
Un frisson lui échappa en sentant le vent qui soufflait sur sa peau nue… et en reconnaissant les Falaises, un lieu dont Giulia lui avait montré des photos.
La jeune femme frotta ses paumes contre ses bras nus, regrettant fortement de ne pas porter de veste pour se protéger de la brise glacée qui soufflait ici. Si elle ne voulait pas tomber malade, il valait mieux qu’elle trouve un endroit pour s’abriter. Ignorant les douleurs de ses pieds nus qui n’avaient pas dû beaucoup apprécier sa course folle, elle se mit donc à chercher un coin moins exposé au vent quand une musique arriva à ses oreilles.
Intriguée, Eurydice suivit la mélodie, reconnaissant les notes d’un violon. Elle ne connaissait pas cet air mais il était superbe à entendre et celui ou celle qui maniait l’archet était très doué.
Ce fut une fois arrivée en haut qu’elle le vit en train de jouer face à l’océan, ignorant le vent qui balayait les lieux : c’était Sirius, l’homme que Giulia lui avait présenté au bar.
Captivée par cette musique, elle constata vite que le violoniste, en plus d’être doué, prenait un vrai plaisir à jouer et ce, bien que l’endroit n’avait probablement pas la meilleure acoustique qui soit. Le vent soufflant sur les falaises emportait les notes avec lui, les emmenant à travers les arbres et les fougères, les faisant ricocher contre les parois de pierre ou les ruines présentes. Ce cadre ajoutait comme un côté épique au morceau qui lui donnait envie de prendre sa guitare et de le rejoindre pour l’accompagner dans un duo, un peu comme ce qu’ils avaient fait au bar étudiant.
Il était clair que ce type ne savait pas jouer que du piano…
Lorsqu’il termina son morceau, il rangea son violon dans un étui laissé près d’un buisson puis il se retourna et, en l’apercevant, il cligna plusieurs fois des yeux, ayant visiblement du mal à croire ce qu’il voyait.
—Eurydice ? fit-il en s’approchant d’elle. Mais… tu fiches quoi ici en pyjama ?
—C’est… compliqué.
Amusant qu’il l’ait facilement reconnue alors qu’ils ne s’étaient croisés qu’une seule fois. Possible qu’il soit doué pour reconnaitre quelqu’un en un coup d’œil – sa mère était bonne physionomiste, faisant que lorsqu’un de leurs clients avait changé radicalement de style, elle avait été la seule à l’avoir tout de suite reconnu à cause de sa démarche et de certains tics.
—Compliqué… dit-il en se grattant l’arrière du crâne tout en la détaillant des pieds à la tête. T’as quand même pas couru pieds nus jusqu’ici j’espère ? Y a des fêtes des fois dans le coin et des tessons de verre qui se baladent.
—Juste des cailloux et de l’herbe…
Une seconde… Pourquoi avait-il utilisé le verbe « courir » dans sa phrase ? A sa connaissance, rien sur elle ne montrait qu’elle s’était évadée de quelque part ou avait été agressée. Peut-être qu’elle avait raté, sous l’effet de la peur, des branches qui auraient pu lui griffer le visage ou des feuilles restées coincées dans ses cheveux.
Cependant, elle se souvint que, durant sa période de « sommeil » elle avait entendu trois voix autour d’elle… dont une qui était masculine. Elle avait de sérieux soupçons et, instinctivement, elle eut un léger mouvement de recul qui ne passa pas inaperçu vu le regard de Sirius.
—Houlà , reste-là Eurydice, lui dit-il, l’air un peu paniqué. T’es en sécurité avec moi.
—Permet-moi d’en douter, répliqua-t-elle, méfiante. Techniquement, on ne se connait pas toi et moi.
—… Ecoute, j’me doute que tu m’as grillé mais je te jure qu’on ne te veut pas de mal. C’est même tout le contraire ! Si tu me laisses t’expliquer la situation, je te promets qu’après, tu seras libre de faire ce que tu veux.
—Juré ?
—Sur la tête de ma sœur.
D’abord sceptique, Eurydice accepta cette offre, estimant que, de toute façon, elle n’avait pas mieux à faire. Elle suivit Sirius jusqu’à des restes d’un ancien bâtiment puis tous deux s’assirent sur ce qui, auparavant, devait être un mur de pierre.
—Par où commencer… fit le jeune homme, pensif. Tu as des souvenirs de ce qu’il t’es arrivé sur cette route ?
—Justement, j’aimerais bien savoir ce qu’il m’est arrivé ce soir-là , souligna-t-elle. C’est peut-être le choc mais je ne crois pas avoir entendu un moteur de voiture.
—Ah… Bel t’as trouvée sur le bas côté en fait. Elle avait entendu un bruit bizarre et avait pensé qu’un sanglier avait causé un accident. Elle m’a appelé juste après pour l’aider à te mettre à l’abri.
Donc pour le moment, impossible de savoir ce qui avait bien pu se passer sur cette maudite route. Toutes les conditions étaient réunies pour un accident suivit d’un délit de fuite, ce qui pouvait peut-être coller avec ses blessures… mais quelque chose lui murmurait qu’on lui passait des détails sous silence. La raison de cela, vu ce qu’elle avait appris à la cabane, n’était pas très difficile à deviner vu comme son interlocuteur semblait mal à l’aise, comme s’il cherchait comment lui dire la suite.
—J’ai entendu Belthelda parler avec une femme de magie et autre, précisa Eurydice, attirant sur elle un regard vert visiblement surpris et, aussi, soulagé. Bel a tenté de m’empêcher de m’enfuir mais je l’ai vue… sous sa vraie apparence je crois et sur le coup, j’ai paniqué.
—Je reconnais que les ogres ne sont pas des canons de beauté mais ce sont des mélomanes qui savent apprécier la musique �� sa juste valeur, lui déclara Sirius qui était déjà plus détendu. Bel est loin d’être méchante mais à part les artistes, personne n’arrive à l’apprécier. C’est parce qu’elle avait des soucis avec les autres créatures surnaturelles de Forgotten Hollow qu’elle est venue à Winderburg et que je l’ai aidée à s’acclimater à cet endroit.
C’était un peu triste pour l’ogresse… La jeune femme nota dans un coin de sa tête qu’elle avait intérêt à lui présenter ses excuses dès qu’elle la reverra.
—Vu que tu sais pour le côté surnaturel, ça sera plus simple pour la suite, poursuivit le violoniste avant de se gratter l’arrière de la tête. Margaux va juste me tuer quand elle saura ça mais au point où j’en suis…
—Margaux, la sorcière ? questionna Eurydice.
—Oui, c’est ma grande sœur et elle n’est pas tendre des fois.
Effectivement, maintenant qu’elle observait Sirius de plus près, elle réalisa qu’il y avait un air de famille entre lui et la magicienne qu’elle avait aperçue dans la cabane. Cela signifierait donc…
—Donc, tu pratiques la magie toi aussi ? demanda-t-elle, curieuse.
—Mon niveau est inférieur à celui de ma sœur mais oui, je connais pas mal de tours, répondit le jeune homme avec un sourire en coin. Notamment celui permettant de déplacer une personne d’un point A à un point B en un clin d’œil. Ca nous a été bien utile ce fameux soir car tu étais bien amochée et il te fallait des soins de toute urgence.
—D’accord… et pourquoi me garder à l’écart ? Belthelda a dit que j’étais en sécurité avec elle et j’ai cru entendre Mar-… Ta sœur dire qu’elle voulait que je reste avec vous.
—Là , c’est plus compliqué à expliquer. La version simple, c’est que sans magie et sans les vieux onguents qu’on avait en stock, tu serais morte en quelques minutes à cause des dommages internes que ton corps avait reçu. Pour la version compliquée… disons que t’es loin d’être préparée à l’entendre et faudrait que je t’explique le peu que ma sœur peut accepter que je te dise.
Donc, c’était à elle de savoir si elle décidait de se contenter de ce qu’elle savait ou si elle voulait connaître la vérité. Elle ignorait depuis quand elle avait disparu au juste mais connaissant Erika, celle-ci avait déjà prévenu ses parents qu’elle n’arrivait pas à la joindre mais peu de chances que la police la cherche activement vu que les instructions dans la famille en cas de disparition suspecte, c’était de faire profil bas plusieurs jours dans le cas où ce serait lié à l’un des « créanciers » de sa mère ou de son père. Logiquement, elle ne devrait pas être activement recherchée par la police, excepté peut-être la belle-mère d’Erika…
—Allons-y pour la version compliquée, déclara Eurydice, désireuse d’en savoir plus. Par contre, avant, j’aimerai bien récupérer mes fringues.
—Celles que tu portais étaient dans un sale état donc on a dû les brûler, lui précisa Sirius en grimaçant. Je suis allée là où tu logeais pour récupérer tes affaires mais soit tout le monde là -bas est très bordélique, soit quelqu’un avait fouillé les lieux activement.
Intéressant… Certes, il aurait pu préciser ça avant mais le fait de savoir que quelqu’un avait profité de son absence à elle et à Oliver – même si son frère et elle n’étaient pas maniaques, elle était certaine que la maison était rangée – pour faire une fouille approfondie… mais pour chercher quoi ? Rien là -bas n’avait de valeur à sa connaissance.
—J’ai récupéré là -bas ce qui n’avait pas été trop abîmé ainsi que ton maquillage, poursuivit le jeune homme en claquant des doigts, faisant apparaître un vieux sac de sport qu’elle reconnu comme étant celui de son frère aîné du temps où il faisait du tir à l’arc. A l’origine, j’étais sur le point d’aller à la cabane t’amener tout ça…
—Ca fera l’affaire, merci.
Se plaçant derrière un buisson, la jeune femme entreprit de se changer avec une joie non dissimulée quand elle sentit que le vent s’était remis à souffler sur les falaises. Sirius l’aida à ôter ses derniers bandages – il lui confirma que les onguents avaient bien marché car aucune cicatrice n’était visible – puis elle enfila ce qu’elle trouva dans le sac, à savoir un haut, une veste et un jean ainsi qu’une paire de vieilles bottines et une casquette qui appartenait à son frère. Avec le miroir de sa trousse de maquillage, elle prit un quart d’heure pour remaquiller ses yeux et sa bouche puis, une fois prête, elle se tourna vers le violoniste.
—Ca fait du bien de porter des trucs à sa taille, fit-elle avec le sourire. Et des chaussures aussi.
—Le pyjama était à Bel et elle a plein de fringues amples, précisa le jeune homme en faisant disparaître le sac et son contenu actuel. Je lui ai envoyé un texto pour lui dire que tu étais avec moi et lui éviter de se prendre les foudres de ma sœur… littéralement parlant.
—D’accord… Donc la suite des explications ?
—Pas ici. T’as eu le temps de visiter Winderburg ? Le musée, les ruines…
—Juste le musée avec mon frère et son petit-copain.
—Alors je vais te montrer certains coins que t’as pas vu et on va attraper de quoi manger sur la route car j’suis certain que tu dois commencer à avoir faim.
Effectivement, son dernier repas datait de la veille vers midi donc son estomac commençait à crier famine. Eurydice suivit donc Sirius jusqu’au ferry afin de rejoindre la ville de Winderburg puis une fois arrivé, il l’emmena directement dans un café pour prendre le petit-déjeuner – si elle avait opté pour un café noisette avec deux croissants, lui avait pris un capuccino avec un muffin aux myrtilles. Leur collation finie, il l’entraina dans les rues du centre-ville.
—Tu as visité le musée donc, dit-il en passant devant le bâtiment en question. Le mot « Avalon » te parle j’imagine.
—Le royaume qui était là bien avant que cette ville ne soit fondée, dit-elle, se souvenant qu’Iowa avait mentionné ce lieu lors de cette visite. Il n’y a plus rien de cette époque qui est encore debout je crois.
—Exact. Le château a été démoli et la majorité de ses pierres ont été réutilisées ailleurs ou revendues. L’Université de Winderburg est un des bâtiments construits avec ces pierres.
Cela ne l’étonnait pas tant que ça. Elle avait déjà entendu parler de monuments qui avaient été détruits et dont les éléments avaient été réutilisés ailleurs – de mémoire, un palais situé pas loin de Champ-Les-Sims était dans ce cas de figure, ayant été bâti avec des pierres du bâtiment qui était déjà présent à l’origine. Ainsi, cela permettait de gagner du temps et aussi de l’argent car pas besoin d’extraire les matières premières d’une carrière puis de les tailler ensuite. Qui plus est, vu les remparts présents et l’architecture de l’Université, elle suspectait que ces pierres avaient servies pour renforcer les défenses de la ville mais elle ne s’y connaissait pas assez en histoire pour savoir si elle avait juste ou non.
Après plusieurs minutes de marche, ils arrivèrent près des fameux remparts, là où se situaient les Ruines d’une ancienne cathédrale qui, manifestement, n’avait jamais été reconstruite.
—Là , c’était la cathédrale d’Avalon, lui précisa Sirius en désignant les vestiges de pierre. Elle a vu passer tous les couronnements des différents rois de ce royaume oublié. Le dernier souverain connu était Joshua VI, aussi connu sous le nom de Joshua le Téméraire, qui avait remporté une guerre contre des peuples venus du nord.
—Il lui est arrivé quoi à ce roi ? demanda Eurydice en observant ce qu’il restait comme vestiges d’une époque révolue.
—Assassiné à priori. Sa disparition a été une des causes de la chute d’Avalon.
De bonnes chances que sa descendance n’ait pas réussi à redresser le royaume où qu’il n’en ait pas eu – ce ne serait pas une première dans l’histoire d’un pays car certains rois avaient dû laisser leur trône à des cousins plus ou moins éloignés, n’ayant pas eu d’enfant pour perpétrer leur lignée. Vu que les remparts avaient survécu aux bâtiments d’Avalon, ils dataient surement d’après la chute de ce royaume, ce qui pourrait signifier qu’une période bien troublée avait dû suivre.
Ils passèrent les remparts et se retrouvèrent dans la campagne, un coin qu’elle connaissait pour avoir déjà fait la route avec Giulia et Oliver afin de visiter l’Université. Seulement, au lieu de suivre la voie menant à ce dernier lieu, il l’emmena plus en hauteur, précisément là où se situait la propriété Von Haunt qu’elle n’avait pas eu le temps de visiter.
—Ca date d’Avalon ce truc aussi ? demanda la jeune femme, sceptique en voyant le manoir qui ne devait pas avoir plus de deux cents ans vu son architecture.
—Houlà non ! lui répondit-il avec un sourire amusé. Du moins, ce qu’il y avait ici à l’origine a été détruit comme le château d’Avalon et remplacé par ce manoir. Seulement, la rumeur dit qu’à l’origine, c’était l’antre d’une sorcière très orientée vers les ténèbres qui vivait là et que les lieux étaient maudits à cause d’elle.
—Et toi qui est un sorcier, c’est vrai ce que tu me racontes ?
—Ce n’est pas entièrement faux mais la malédiction est plus récente que ça. Si tu croises ce qu’il reste des anciens propriétaires, tu comprendras vite que c’est vrai.
Sincèrement, même si le surnaturel ne la dérangeait pas, l’idée de croiser un fantôme ou un zombie ne lui plaisait guère. Elle nota dans un coin de son crâne que si elle visitait cette baraque, elle ferait bien de ne pas être seule et que Lucinda serait surement la candidate parfaite pour l’accompagner.
—Là , c’est plus l’extérieur qui nous intéresse. Suis-moi.
Etrangement, Sirius l’emmena à l’intérieur du manoir qui avait été transformé en musée. Seulement, il ne s’arrêta pas devant les différentes pièces du rez-de-chaussée, ignorant les tableaux accrochés aux murs représentants la propriété plusieurs décennies auparavant ainsi que feu ses propriétaires qui, de ce qu’elle lut rapidement, avaient grandement contribué à faire de Winderburg ce qu’elle est aujourd’hui.
Ils sortirent par la porte menant aux jardins et, après que le jeune homme se soit arrêté un instant pour jeter un coup d’œil à la terrasse, il descendit l’escalier qui était devant eux.
—Tu cherches quelque chose ? lui demanda Eurydice en remarquant qu’il tournait la tête de tous les côtés.
—Quelqu’un, précisa-t-il en grimaçant un peu. On est peut-être un peu en avance. Va falloir attendre qu’ils arrivent.
Les lieux étaient loin d’être déplaisants pour patienter : tout était visiblement bien entretenu et les odeurs florales, dominées par la fragrance puissante de la lavande poussant sous la terrasse où ils se trouvaient, embaumaient les lieux avec délice tandis que le chant des oiseaux et le son d’une chute d’eau parvenaient à ses oreilles.
—Ca change de Newcrest, fit-elle remarquer en apercevant les montagnes à l’horizon. On voit plus des maisons et des immeubles que des forêts là où j’habite.
—Une vraie citadine donc, dit Sirius sur un ton amusé. Si tu remontes la rivière, tu auras peut-être une chance d’arriver à Granite Falls. C’est à une journée ou deux de route il me semble.
Elle y était allée une fois en colonie de vacances avec son frère Oliver. Même si elle n’avait pas détesté camper dans la forêt, elle se serait bien passée de ces fichus insectes volants qui avaient pour idée fixe de la tourmenter à toute heure du jour et de la nuit ! Depuis ce fameux été, elle s’était mise à adorer les odeurs de citronnelle et de lavande…
—Il y avait déjà un jardin ici au temps d’Avalon ? questionna-t-elle, curieuse.
—Celui de la sorcière, répondit le violoniste. Il n’en reste rien mais c’est amusant de voir que certains lieux retrouvent leurs fonctions d’origine. Il y avait déjà des plantes médicinales ici auparavant.
Ce qu’Eurydice trouvait drôle, c’était que Sirius ne parlait pas de cela comme le ferait un historien ou un archéologue comme Iowa. Ce serait plutôt comme… s’il avait réellement vu tout cela et elle sentait comme une pointe de nostalgie dans sa voix. Ou alors, c’était son imagination qui lui jouait des tours.
Ne voyant pas venir ceux qu’il espérait voir, le jeune homme lui fit traverser les jardins, les faisant arriver à une terrasse surplombant un cours d’eau et sur laquelle se trouvait un piano d’une blancheur éclatante. Le magicien fit craquer ses doigts avant de s’installer devant l’instrument et commencer à jouer un morceau qu’elle reconnut aussitôt : la sonate pour piano n°14 de Beethoven, aussi appelée sonate clair de lune.
Le premier mouvement était lent, telle une marche funèbre, et était le moins compliqué des trois d’un point de vu technique mais aussi le plus ennuyeux à ses yeux – elle se souvenait avoir lâché un bâillement sonore en l’entendant pour la première fois en cours de musique, ce que sa prof n’avait pas vraiment apprécié à l’époque. Bien qu’il souriait en jouant, Sirius était visiblement très appliqué à tirer les notes justes du piano.
Pour ce qui était du second mouvement, le ton était à l’opposé, plus joyeux et plein d’allégresse, ce qui se sentait clairement dans la manière de jouer du jeune homme qui était impeccable. Elle réalisa d’ailleurs qu’il était à la fois un bon violoniste mais aussi un bon pianiste, ce qui était assez impressionnant en soit. D’ailleurs, elle n’avait pas pensé à lui demander son âge…
Puis enfin, il s’attaqua au dernier mouvement, un passage d’une violence inouïe pour une sonate au piano et qui demandait de la technique pour être bien joué. Or, lorsqu’on voyait les doigts du musicien sur les touches de l’instrument, il était difficile de les suivre tellement ils allaient vite et le sourire du pianiste donnait l’impression que cette sonate n’était pas si difficile que ça – Eurydice savait que la réalité était toute autre car aucun amateur ne pouvait réussir cette prouesse, à moins peut-être d’être un surdoué en musique avec une oreille absolue.
Il était clair pour elle que ce magicien était un bien meilleur musicien qu’elle. A tout hasard, il faudra qu’elle lui demande s’il savait jouer de la guitare car elle ne serait pas contre quelques conseils.
A la fin de son morceau, elle applaudit chaleureusement Sirius qui lui fit un grand sourire joyeux avant de s’incliner devant elle avec respect.
—Vos applaudissements me touchent très chère amie, lui dit-il en se relevant, lui faisant lâcher un léger rire. On va retourner un peu plus haut voir si on trouve nos amis et sinon, on va devoir essayer de fouiller le labyrinthe à leur recherche.
Ils retournèrent donc à la terrasse jouxtant le manoir, passant de nouveau près des parterres de lavande dont le parfum entêtant envahi leurs narines. La jeune femme réalisa qu’il y avait des échiquiers à la disposition des visiteurs… et elle fut surprise de voir l’un d’eux occupé par ce qui était des chevaliers en armure.
—Ah ben on a de la chance ! s’exclama joyeusement le musicien en voyant cette scène un peu curieuse. Ca nous évitera de nous paumer dans un labyrinthe de haies !
—C’est eux que tu cherchais ? s’étonna-t-elle.
—L’un d’eux pour être exact. Même si les autres connaissent l’histoire, ça reste des ados et je ne suis pas persuadé qu’ils y croient contrairement à leur chef de groupe.
Sirius alla voir le chevalier à l’armure grise mais Eurydice n’entendit pas ce qu’il lui dit. Cependant, vu la réaction de cet homme, il était clairement intéressé, s’excusant auprès de son partenaire de jeu d’échec avant de leur faire signe de le suivre à l’écart. Il les emmena dans un coin du parc où il n’y avait personne et s’installa difficilement sur un banc, faisant que la jeune femme se demanda si c’était son armure qui lui posait souci ou s’il avait des problèmes de hanche.
—Pardonnez-moi seigneur Villareal mais il y a quelques histoires que j’aimerai que mon amie entende de votre bouche, déclara le musicien après s’être assis à son tour sur le banc.
—Tu es bien le seul à utiliser l’ancien titre de noblesse de ma famille Sirius, fit remarquer le chevalier sur un ton amusé. Appelez-moi Jacques, ce sera beaucoup plus simple.
—D’accord Jacques. Je vous présente Eurydice et elle aimerait en savoir plus sur Avalon et sur… ce qui reposait sous ce manoir à une époque.
—Une seconde, coupa-t-elle en entendant ces mots. Tu avais juste dit que c’était la demeure d’une sorcière ici il y a très longtemps. Ce n’était pas que ça ?
Vu le lourd silence qui venait de tomber, elle en conclut que non. Qu’est-ce qui se trouvait sous ce bâtiment et qui, vu leurs réactions, ne semblait pas être le truc le plus joyeux qui soit ?
—Commençons par Avalon, dit Jacques une fois qu’elle se soit assise à son tour. A l’époque, ma famille servait le roi et un de mes ancêtres, le tout premier Jacques Villareal, était chevalier au château sous le règne du roi Joshua le Téméraire. Il est décédé une dizaine d’années après la chute de ce royaume, lors des tentatives d’invasions qui ont suivies.
—Des invasions ? questionna Eurydice, se rappelant vaguement avoir entendu Iowa parler de cela. Cela venait de l’est je crois, au-delà de ce qu’est aujourd’hui Newcrest.
—Exactement. Newcrest était une zone marécageuse à l’époque, tout comme une partie de Willow Creek, et ce fut par là qu’un royaume ennemi profita de la situation pour tenter de conquérir ce qu’il restait d’Avalon. Seulement, s’ils purent prendre les marais, ils furent stoppés par Lord Winderburg qui fit ensuite construire les remparts autour de la ville qui prit son nom par la suite. Les anciens chevaliers d’Avalon entrèrent ensuite à son service, devenant ceux de Winderburg avant de n’être plus que les chevaliers errants que nous sommes à présent. Des huit grandes familles de l’époque, il ne doit rester que la mienne, les Behr et les Munch dans la région. Je crois que les Huntington existent encore mais je doute qu’ils se souviennent des vieilles histoires.
Le nom d’Huntington était vaguement familier aux oreilles de la jeune femme : un des clients du snack de ses parents s’était vanté d'appartenir à une famille noble mais il s’était montré très radin sur les pourboires contrairement à ses amis qui étaient avec lui.
—Concernant ce qu’il avait sous le manoir, l’histoire est un peu plus… difficile à croire pour le commun des mortels, poursuivit Jacques en baissant un peu la voix. Selon le journal de mon ancêtre, la sorcière, surnommée la sorcière céleste ou la Ténébreuse, qui vivait ici était très appréciée du roi Joshua VI car, en plus d’être une belle femme, elle était aussi puissante que son ami, le magicien Viktor. Seulement, les lois du royaume lui interdisaient d’épouser une magicienne, ce qui est probablement la raison pour laquelle sa lignée s’est éteinte avec lui.
Une seconde… il y avait deux magiciens auprès du roi ?
—On ne sait pas trop ce qu’il s’est passé mais un brutal déchainement de magie a eu lieu, ce qui a été la vraie cause de la chute d’Avalon, poursuivit le chevalier sur un ton grave. Quand mon ancêtre a pu enfin entrer dans le château, le roi ainsi qu’une servante ont été retrouvés morts, l’un assassiné et l’autre, peut-être empoisonnée. Les magiciens, quant à eux, avaient tous deux disparus.
—Disparus ? fit Eurydice, intriguée. Ils avaient quitté les lieux ?
—C’est fort possible car plus jamais on ne les a revus depuis ce jour. Cependant, lorsque le domaine de la sorcière fut fouillé, elle avait laissé derrière elle des instructions bien précises pour les huit chevaliers du roi : sept d’entre eux furent chargés de cacher des coffres étranges tendit que le huitième, mon ancêtre, devait s’assurer que personne ne mettrait la main sur un livre qu’elle désignait sous le nom de Tome de l’Air, tâche qu’il a ensuite transmise à ses descendants avec plus ou moins de succès…
Jacques marqua une pause durant laquelle elle échangea un regard avec Sirius qui, de ce qu’elle vit, ne souriait plus du tout. Difficilement le chevalier se leva et leur désigna rapidement le manoir.
—A une Ă©poque, Winderburg a Ă©tĂ© dirigĂ© par les Von Haunt, poursuivit-il. Ils ont grandement contribuĂ© Ă faire d’elle ce qu’elle est aujourd’hui… jusqu’au jour de leur mort qui fut aussi brutale qu’inattendue.Â
—Je crois que j’ai lu un truc là -dessus, se souvint Eurydice. Il a été suspecté qu’ils avaient été empoisonnés par un de leurs proches.
—Leur domestique. Bien qu’il soit effectivement le coupable dans cette histoire, ce n’était pas au poison qu’il avait eu recours… mais au contenu de ce Tome de l’Air dont mon arrière-arrière grand-père avait fait l’erreur de lui faire part après avoir un peu trop abus�� de la boisson un soir.Â
Le contenu de ce livre ? Est-ce qu’à tout hasard…
—Ce bouquin était un grimoire ? demanda-t-elle, se basant sur le fait qu’il était en possession de la sorcière à l’origine.
—Un redoutable grimoire qui contenait les pires malĂ©dictions qui puissent exister en ce bas monde, lui confirma Jacques Villareal. Autant vous dire que ce domestique a payĂ© cher l’usage de ce maudit ouvrage et que mon arrière-arrière grand-père Ă©tait pris de panique en rĂ©alisant que son indiscrĂ©tion avait causĂ© du tord Ă quelqu’un. Il voulait Ă tout prix se dĂ©barrasser de ce livre mais comme il avait aussi des dettes, il avait dĂ©cidĂ© de le vendre Ă prix d’or. Heureusement, le seigneur Scott, un autre descendant des chevaliers d’Avalon, l’avait aidĂ© Ă trouver des acheteurs et lui avait prĂ©sentĂ© un couple de magiciens qui promirent de garder cet ouvrage dans un endroit oĂą personne ne pourrait en faire un mauvais usage. Son descendant m’avait transmis une copie du journal de son ancĂŞtre qui avait Ă©tĂ© marquĂ© par la chevelure de feu et le charme de la sorcière, une femme qu’il dĂ©signait sous le nom de Cordelia il me semble.Â
D’accord… Ce n’était effectivement pas bien joyeux comme bouquin et c’était peut-ĂŞtre mieux s’il ne se trouvait plus Ă Winderburg. Par contre, oĂą Ă©tait-il Ă prĂ©sent ?Â
—Bon, ce n’est pas contre vous mais Yuki et Wolfgang vont se poser des questions si je tarde plus, leur signala le chevalier avant de les saluer avec respect. Je vous souhaite une bonne journée à tous les deux et à une prochaine fois peut-être.
Sur ces mots, Jacques Villareal s’en alla pour retrouver les autres membres de son groupe. Encore en train d’analyser tout ce qu’elle venait d’apprendre, Eurydice se tourna vers Sirius qu’elle trouva soudain bien pensif.Â
—J’avoue que je commence à être un peu paumée avec tout ce que j’apprends, dit-elle au jeune homme. Et puis en quoi ce bouquin est important dans la version compliquée de mon accident ?
—C’est pour que le moment venu, tu comprennes l’histoire dans sa globalité, lui précisa le musicien avant de lui sourire. Tu veux faire une pause ? Il y a bar sympa pas loin.
Vu tout ce qu’elle avait dû emmagasiner comme informations en peu de temps, elle n’était pas contre un petit moment pour bien y réfléchir car cela faisait vraiment beaucoup d’un seul coup. Elle accepta donc la proposition d’aller ailleurs et suivi Sirius jusqu’à un bar devant lequel elle était déjà passée plusieurs fois. Ils se prirent un encas à partager et s’installèrent à une table libre, profitant qu’ils étaient arrivés avant l’happy hour.
—Comme tu dois t’en douter, tu gardes pour toi ce que tu as appris aujourd’hui, lui précisa le jeune homme. Certaines personnes seraient un peu trop ravies de pouvoir causer des dégâts avec ces informations.
—La majorité n’y croirons pas mais vu ce qu’il a dit sur ce domestique… admit-elle avant de déglutir. Au final, ce type a touché à un truc alors qu’il n’était pas censé avoir le droit de le faire puis il l’a payé cher j’imagine.
—Pendu haut et court.
—Evidemment… Heureusement que mes parents sont pas aussi sévères quand ils découvrent qu’on a touché à des trucs qu’on n’était pas censés approcher… Quoique mon père est limite pas tranquille quand on parle de vider le grenier. Faudrait pourtant…
—Ton père a du mal à jeter les vieilleries ?
—C’est plutôt ma mère ça mais en fait, c’est surtout qu’il nous interdit depuis toujours de toucher à un vieux coffre qui s’y trouve s-
—Quel coffre ?
Eurydice nota l’air grave sur le visage de Sirius et le fait que son teint semblait plus pâle qu’au début. Puis elle se souvint : en plus du Tome de l’Air qu’il fallait surveiller, les autres chevaliers devaient cacher sept coffres mais jamais Jacques Villareal n’avait précisé ce qu’ils contenaient – elle suspectait que jamais sa famille ne l’avait su.
—… Un vieux coffre en bois qui doit être planqué dans notre grenier depuis que mes parents ont emménagé, finit-elle par répondre, suspicieuse.
—Tu peux me donner plus de détails ? la pressa-t-il, confirmant qu’il devait savoir quelque chose qu’elle ignorait.
Pour lui répondre, elle demanda un stylo au bar puis elle prit une serviette en papier sur laquelle elle dessina l’objet en question – elle s’en souvenait assez bien, ayant dû faire quelques aller-retour au grenier pour y stocker de vieilles affaires à elle et pour y récupérer une valise. Lorsqu’elle eut terminé, le musicien regarda attentivement son dessin avant de lâcher un rire jaune.
—Je comprends mieux pourquoi je ne le trouvais pas celui-là , fit-il d’une voix blanche. Ton père a dû le montrer à une créature surnaturelle un jour et… attends, une seconde… Le nom d’Alphonse Duspeti te dit quelque chose ? Un type blond qui ressemble à un rapace…
—Je crois avoir entendu ce nom oui, se souvint-elle en se remémorant la veille de son départ pour Winderburg. Un homme qui correspond à cette description voulait parler à ma mère mais vu l’attitude de mon père, c’était clairement pas un ami…
—Pense-tu que ta mère ait pu lui voler quelque chose ?
—… Dois-je demander pourquoi tu es si bien renseigné sur moi ?
Eurydice le savait, ses parents n’avaient pas toujours été des enfants de chœur, surtout dans leur jeunesse. Son père était un ancien escroc dans l’immobilier et sa mère, une voleuse qui arrivait à commettre bien des larcins. Seulement, ils avaient dû déménager à Newcrest puis faire profil bas en se construisant une vie plus rangée car, de ce qu’elle avait compris, quelque chose les avaient poussés à fuir – jusqu’à ce qu’elle leur présente la belle-mère d’Erika, elle avait toujours pensé que c’était les forces de l’ordre qu’ils craignaient le plus mais en réalité, c’était plus leurs victimes qu’ils redoutaient.
—Margaux va me rendre sourd mais là , si ce coffre était à eux, ça veut dire que c’était nous qui avions un coup de retard et non l’inverse, marmonna Sirius avant de grogner. Va falloir que je te montre un truc bien particulier dès maintenant.
—C’est grave à ce point ? demanda-t-elle, quelque peu inquiète en voyant cette attitude chez le jeune homme.
—Ma sœur nous dira à quel point cette histoire sent mauvais mais c’est certain, pour moi, que tu dois impérativement connaître la vérité sur beaucoup de choses.
Il ne donna pas plus de détails et ils quittèrent rapidement le bar pendant que certains clients étaient occupés à regarder un match de football à la télévision. Cette fois-ci, il marchait d’un pas rapide, visiblement pressé, et elle dut faire bien attention à garder le rythme car il allait vite. Ce n’est que lorsqu’il s’arrêta enfin qu’elle réalisa où il l’avait emmenée : à l’Université de Winderburg.
—Je connais déjà , fit-elle remarquer en grimaçant quand elle vit que certains avaient laissés des papiers gras sur le sol alors que la poubelle était juste à côté. Et puis ce bâtiment date d’après la période que tu me décrivais.
—Exact mais c’est autre chose qui nous intéresse, dit-il en levant brièvement les yeux vers la tour. Suis-moi.
Eurydice le suivit à l’intérieur, traversant les couloirs où elle vit quelques élèves discuter entre eux sans leur prêter la moindre attention, trop absorbés qu’ils étaient par leur conversation. Ils montèrent jusqu’au dernier étage, là où se trouvaient les chambres de certains élèves, mais Sirius l’emmena à l’extérieur, là où l’on pouvait accéder au bureau du doyen et aux escaliers menant en haut du bâtiment. Il prit celui conduisant en haut de la tour et elle le suivit… pour ne voir que le mât auquel était accroché le drapeau aux couleurs de l’université.
—Il n’y a rien ici, lui dit-elle après avoir de nouveau balayé les lieux du regard. C’est quelque chose que l’on peut voir d’ici que tu veux me montrer ?
—Non, c’est ici, admit-il, l’air un peu gêné. C’est juste que je l’avais un peu… caché ici pour éviter que des petits malins s’en serve encore une fois. Laisse-moi deux secondes le temps de retrouver cette formule.
Elle haussa un sourcil en entendant cela mais, bien qu’un peu sceptique, elle ne remit pas sa parole en doute. Qui plus est, ce qu’il avait dit la titillait : qu’avait-il bien pu dissimuler ici et qu’il ne tenait pas à ce que quelqu’un trouve ?
—Voyons… réfléchit-il à haute voix. Je l’ai sur le bout de la l-… AH OUI !
Sirius se racla la gorge avant de se concentrer tandis que la jeune femme sentit le vent se lever et vit quelque chose de curieux dans les mains du jeune homme.
—Viens à moi vent puissant et balaye pour moi la poussière laissée par le souffle du désert !
Une violente bourrasque les frappa de plein fouet, faisant qu’Eurydice eut juste le temps de poser sa main sur sa casquette pour éviter de la perdre. Elle ferma les yeux durant les quelques secondes où le vent soufflait avec force puis, quand elle sentit qu’enfin, il s’était arrêté, elle les rouvrit pour voir le musicien épousseter sa veste. D’un signe de tête, il lui conseilla de se retourner, ce qu’elle fit… pour s’apercevoir que quelque chose avait changé.
Au sommet de la tour, face au mât, était apparues des statues, une représentant une fée et deux autres des gargouilles, ainsi qu’une arche de pierre recouverte en partie par une plante grimpante, deux armures et un piédestal sur lequel se trouvait un objet qu’elle ne parvenait pas à distinguer d’où elle était.
Curieuse, elle se rapprocha pour mieux voir et put enfin savoir ce qui était sur ce socle de pierre sombre : un livre à la couverture en cuir vert qui semblait très ancien. Elle voulut le prendre pour l’examiner plus en détail mais se ravisa en se souvenant qu’elle ne savait pas ce que c’était.
—Tu peux le prendre, lui dit Sirius qui était à présent à côté d’elle. Je doute fort que tu ais l’intention de t’en servir contre quelqu’un.
—M’en serv-, commença-t-elle avant de s’interrompre, réalisant soudainement ce qu’elle avait sous les yeux. C’est ça le Tome de L’air��? J’avoue que je m’attendais à autre chose... et puis comment ça se fait que ce soit toi qui l’ais ?
—Je t’expliquerai après. Regarde-le de plus près. Je peux t’assurer qu’il ne t’arrivera rien.
Là , elle se sentait comme Eve face au serpent du jardin d’Eden, hésitant entre céder à la tentation de toucher à cet objet qu’on lui présentait sur un plateau et sa méfiance face au potentiel destructeur de cet ouvrage. Le regard du musicien la fit céder et elle finit par ouvrir le livre puis le feuilleter, y découvrant de multiples formules et malédictions dont elle ne comprenait pas un traître mot car toutes étaient écrites dans une langue qu’elle ne connaissait pas. Elle retomba sur la première page où elle remarqua le mot « Sirocco » soigneusement écrit dans une encre vert foncé.
—Si tu veux un bon conseil, écrit ton nom complet en bas de cette page, lui suggéra Sirius en lui tendant un stylo.
—Je peux savoir pourquoi tu veux que je fasse ça ? demanda-t-elle, trouvant hautement suspect qu’il veuille qu’elle abîme un livre vieux de plusieurs siècles.
—Tu le verras très vite. Et pense à invoquer celui dont tu lis le nom juste ici.
Quoi ? Il était tombé sur la tête ? Seulement, vu son regard insistant, elle finit par soupirer et, de mauvaise grâce, inscrit « Eurydice Esperanza Fox-Pesetas » en bas de la page, le tout en écrivant impeccablement à l’encre noire. Puis elle reposa le stylo et, avec appréhension, elle prononça des mots qu’elle espérait ne pas regretter plus tard.
—Je t’invoque, Sirocco ! Viens à moi !
Soudain, une vive lumière verte fit son apparition et, à sa grande surprise, elle venait de Sirius !
Elle s’écarta de lui, ne comprenant pas vraiment ce qu’il passait sous ses yeux, puis sentit venir une nouvelle bourrasque souffler. Lorsqu’elle ce coup de vent fut enfin passé, une exclamation de surprise lui échappa en voyant qui se tenait devant elle.
—Quels sont vos désirs très chère ?
C’était Sirius mais son apparence avait changée… ce qui lui fit réaliser que depuis le départ, lui et « Sirocco » n’étaient qu’une seule et même entité.
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Etre prĂŞte Ă changer...
Du temps où Lucinda était au lycée, elle aurait pu avoir beaucoup d’amis si elle l’avait voulu : elle se savait populaire, tout comme sa sœur ainée Monica. Seulement, son intérêt pour le surnaturel faisait que peu de gens la prenait au sérieux... excepté sa sœur jumelle, Giulia, qui ne supportait pas qu’elle soit vue comme une potiche sans cervelle. Bien que cultivant leurs différences, elles étaient tout de meme proches et c’était un peu pour cela qu’elle avaient décidé de faire une certaine chose ensemble...
- T’es sure que tu veux me suivre sur ce coup Lucy ? Ca peut nous péter à la tronche tu sais...
- Certaine. Et puis il faut bien que je te canalise pour éviter ça.
Au rĂ©fectoire hier, elles avaient assistĂ© Ă une scène qui leur avait donnĂ© la nausĂ©e Ă toutes les deux : une humiliation publique d’un de leur camarade car celui-ci Ă©tait homosexuel, ce que n’avait pas apprĂ©ciĂ© les autres garçons du lycĂ©e - pas tous heureusement mais celui du lycĂ©e qui aurait Ă©tĂ© le plus Ă mĂŞme de les remettre Ă leur place Ă©tait Ă prĂ©sent Ă l’universitĂ© et la cousine de celui-ci Ă©tudiait Ă l’étranger. Ce qui avait Ă©tĂ© le plus dĂ©sagrĂ©able pour elles deux, c’était de voir leur sĹ“ur ainĂ©e, Monica, qui riait au bras d’un de ces garçons. Giulia ne s’était pas privĂ©e de lui dire sa façon de penser une fois Ă la maison, Lucinda la soutenant. Leur frère MatĂ©o avait dĂ» les sĂ©parer car elles criaient trop fort puis il avait sermonnĂ© Monica sur son attitude.Â
Aujourd’hui, les jumelles Gregorio voulaient aider, même si elles se doutaient que cette personne n’allait pas bien les accueillir...
Elles passèrent le portail de la Tanière des renards, demeure de la famille Fox-Pesetas, et croisèrent monsieur Pesetas qui sortait de chez lui.
- Tiens ? Bonjour jeunes filles. Je peux vous aider ?
- Bonjour monsieur Pesetas. Nous venons voir votre fille.
- Eurydice ? Elle doit ĂŞtre dans sa chambre Ă cette heure-ci.Â
- Et c’est où au juste ?
- Utilisez vos oreilles. Elle doit surement ĂŞtre avec sa guitare.
Comme le leur avait indiquĂ© M. Pesetas, il leur suffisait de suivre les notes hasardeuses venant du premier Ă©tage et, facilement, elles trouvèrent la chambre d’Eurydice oĂą, comment attendu, cette dernière essayait tant bien que mal de jouer un morceau sur sa guitare.Â
- Salut la pompom girl !
Subitement, Eurydice stoppa ce qu’elle faisait et se tourna vers les jumelles, réalisant qu’elle avait de la visite. La rouquine posa sa guitare et d’un geste, les invita à s’asseoir.
- Bonjour. Qu’est-ce que vous fichez ici vous deux ?
- Nous sommes venues te parler.
- Me parler ? Vous ĂŞtes sĂ©rieuses ?!Â
La réaction d’Eurydice était prévisible : c’était son frère ainé qui avait subi cette humiliation publique et elles avaient bien vu à quel point cela l’avait mise en colère. Seulement, sans Erika Muerte dans les parages pour tenir en respect ces brutes sans cervelles, Eurydice n’était pas prise au sérieux et était reléguée au rang de potiche, ce qui ne correspondait pas à sa vraie personnalité.
- Si tu veux frapper Monica, vas-y ! T’as ma bénédiction !
- Giulia...
- Quoi Lucy ? J���te signale que c’est toi qui l’a giflée en premier !
Cela avait été une première pour elle... mais Monica l’avait VRAIMENT énervée et du coup, la gifle était partie toute seule - normalement, c’était plutôt Giulia qui n’aurait pas hésiter à faire cela.
- Moui. Mais ce n’est pas pour les bêtises de Monica que nous sommes là . En fait, nous aimerions t’aider à changer ton image...
- Je suis très bien comme je suis.
- Ah oui ? C’est marrant car j’suis sure que c’est toi qu’j’ai vue sortir de la salle de bio cinq minutes avant la grande évasion des rats...
Giulia avait visiblement visĂ© juste : Eurydice venait de dĂ©glutir, signe qu’elle n’était pas innocente dans cette histoire. Si sa jumelle et elle avaient bon, l’image de petite fille modèle de la rouquine lui avait permis de ne pas ĂŞtre soupçonnĂ©e de bon nombre de farces au sein du lycĂ©e bien qu’elle avait accès Ă certains lieux vu qu’elle Ă©tait membre du club de gym.Â
- D’accord... Mais motus sur ça !
- T’inquiète. On gardera ton secret avec Lucy ! Fais voir ta garde-robe maintenant...
Eurydice leur ouvrit donc sa penderie et leur montra ses habits... ce qui fit grimacer Giulia.
- Sérieux, déjà que t’as une chambre de gamine, faut que toute ta garde robe soit pareille !
- Giulia... Le col Claudine est revenu Ă la mode tu sais...
- Je déteste et ça fait petite fille modèle ou même nonne t’en qu’à faire ! Ca m’étonne plus que tu sois pas prise au sérieux Fox !
- Fais gaffe Gregorio...
Lucinda le sentait, Giulia avait été trop directe avec Eurydice. Même si la rousse avait plus de caractère qu’elle ne voulait bien le montrer, ce n’était pas une raison pour la brusquer. Sauf que bon, sa jumelle avait un don pour mettre les pieds dans le plat...
- Et ça ? J’ai plus rien d’autre après.
- On part de loin...Â
- Bon, vous me gonfler toutes les deux !Â
- Wo-
- Giulia, non.
- Sortez et ne revenez pas chez moi. Compris ?
Comme elle l’avait craint, Eurydice en avait eu assez. Mais Lucinda ne comptait pas en rester lĂ , ce qu’elle se garda bien de dire Ă sa jumelle pour Ă©viter que celle-ci ne fasse tout foirer.Â
Un jour par semaine, Eurydice travaillait au restaurant de sa mère pour aider un peu. Lucinda l’y avait repérée alors qu’elle mangeait un morceau avec ses sœurs et l’avait revue toujours le même jour derrière le bar à préparer des sodas - c’était, avec les cours de gym, les seules fois où la rousse portait une queue de cheval, un coiffure qui convenait mieux à son caractère.
- Salut Eurydice.
Lucinda avait jugé que lui parler au restaurant était le plus simple car Eurydice ne pouvait pas fuir ou la chasser facilement. Elle allait bien être obligée de l’écouter.
- Tu comptes me coller un moment ?
- Non, c’est la dernière fois mais je ne peux rien garantir avec Giulia. Elle est plus butée que moi.
- Super...
Eurydice reçu une commande de boissons et s’en occupant en soupirant.
- Bon, tu veux quoi au juste ?
- T’expliquer pourquoi moi et ma sœur on veut tant t’aider.
- Apaiser votre conscience ?
- Non. Te permettre de soutenir pleinement ton frère. On comprend assez bien ce que vous traversez tous les deux et on vous soutient, même si Monica est contre nous. Giulia s’est vraiment senti concernée quand elle a vu ce qu’ils ont fait à Oliver...
- Ah... Et vous l’acceptez chez vous ?
- Ca ne change rien à qui elle est et je suis sure que tu penses pareil concernant ton frère.
Giulia préférait les filles et elle l’avait compris il n’y a pas très longtemps. Cependant, sa méfiance naturelle avait fait qu’elle n’avait dévoilée cela qu’à sa jumelle puis, sous la colère, à Monica puis Matéo. Si leur frère n’avait aucun problème avec ça, leur sœur allait mettre plus de temps à l’accepter vu la situation.
- Ca... ne veut pas dire que je suis prête à ... changer d’image. Même si... Nan, j’suis pas prête pour ça.
- Qu’est-ce qui te freine si ce n’est pas indiscret ?
Eurydice tenait à son frère mais elle se raccrochait à son style de fille modèle qui ne lui correspondait pas. Pourquoi donc ?
- Disons... que j’ai peur que quelqu’un ne me reconnaisse pas si on se recroise.
- Ah ?Â
- C’est débile, je sais. J’espérai qu’il était au lycée avec nous mais apparemment, non. Pour une fois que je tombais sur un mec qui avait l’air intéressant... A croire que je le recroiserai jamais...
Tiens donc... Lucinda ne put s’empêcher de sourire en imaginant qu’Eurydice Fox-Pesetas était peut-être tombée amoureuse d’un inconnu. Cela expliquait qu’elle était réticente à changer.
Soudain, Lucinda sentit comme une prĂ©sence pesante derrière elle... et vit qu’Eurydice grimaçait.Â
- Je vois qu’on papote par ici.Â
- Salut m’man...
- Bonjour madame Fox...
Aïe... Si monsieur Pesetas était assez cool quand c’était lui qui gérait le restaurant, sa femme, madame Fox, n’aimait pas trop que l’on confonde restaurant et salon de thé...
- La top-model compte commander quelque chose ?
- Heu... J’allais prendre un plat végétarien...
Brusquement, madame Fox lui mit le menu sous les yeux en pointant du doigt la page sur laquelle se trouvait tout ce qui Ă©tait garanti sans viande.Â
- Maintenant Miss Monde, tu vas te poser ailleurs. J’ai deux mots Ă dire Ă ma fille.Â
Si c’était Giulia qui avait été à sa place, c’était certain qu’elle aurait répliqué mais face à Laurel Fox, elle serait surement tombée sur un os. Lucinda estimait donc plus sage de faire ce qui lui avait été demandé...
- Maman, je peux me débrouiller tu sais...
- C’est pas trop l’impression que tu m’as donnée là .
- Mais tu m’as espionnée ?!
- C’est mon restaurant Eurydice et que je sache, tu ne veux pas en hériter !
- Ben tiens que j’en veux pas ! Faut gérer les clients, le stock, les comptes, le personnel... Ollie c’est son truc ça, pas moi !
- Toi c’est plutôt les araignées en plastique qui tombent du plafond.
Eurydice déglutit en entendant cette remarque tandis que sa mère souriait.
- N’oublies pas que j’ai eu ton âge. Des bêtises, j’en ai faites plus que toi et des bien pires. Pareil pour ton père vu que c’est comme ça qu’on s’est connus et qu’on a emménagé à Newcrest.
- Je sais... Z’êtes pas du tout des anges contrairement à Ollie.
- C’est pour ça que je n’ai jamais compris pourquoi tu n’avais pas cherché à te rebeller. Tu as plus de caractère que ton frère, tu es intelligente, cultivée...
- Ca va m’man ! Erika m’avait déjà vanté toutes mes qualités tu sais...
Sa meilleure amie Ă©tait Ă l’étranger et avant de partir, elle lui avait fait la liste de toutes les raisons pour lesquelles Eurydice serait toujours sa meilleur amie... et elle Ă©tait TRES longue.Â
- Tout ça pour te dire Eurydice que si tu veux rendre service à ton frère, il serait temps pour toi de t’affirmer en dehors de la maison. Tu es assez forte pour encaisser les chocs.
- Ouais... Et je dois rendre la pareille à Ollie pour toutes les fois où il a chassé ceux qui m’embêtait quand j’étais gamine...
- Aussi. Peu importe ta décision, ton père et moi, on te soutiendra.
Lucinda venait de payer sa part de quiche aux légumes quand Eurydice vint la rejoindre.
- Dis, ta proposition est toujours...
- Oui, elle est toujours valable. Si tu veux, il y a des solde Ă Magnolia. On peut y aller demain avec Giulia.Â
- Ca marche.
Le lendemain, elles se retrouvèrent toutes trois, comme convenu, à Magnolia Promenade.
- Ma mère a insisté pour me donner de l’argent donc on devrait être bonnes niveau budget.
- Hé ben... Elle vachement cool ta mère en fait ! J’lui pardonne la fois où elle m’a foutu les jetons à son resto.
- Oh et ne t’étonnes pas si Monica vient s’excuser. Elle a plaqué son copain quand il a insulté Giulia et elle a un peu mauvaise conscience.
- Aussi dément que ça peut l’être, ça lui arrive d’avoir des regrets... et du coup, je vais pouvoir coller un coup de pied là où je pense à son ex !
La remarque de Giulia les amusa beaucoup, surtout Eurydice qui devait ĂŞtre tentĂ©e de faire la mĂŞme chose.Â
Il ne leur fallut pas longtemps pour trouver la bonne boutique, Giulia ayant ses adresses pour se vêtir. En attendant de pouvoir aller acheter du maquillage, Lucinda avait emprunté celui de sa soeur jumelle et entreprit de maquiller Eurydice pour durcir ses traits. Le résultat final fut très satisfaisant.
- C’est que ça te va bien le noir ! Ca fait ressortir ta couleur de cheveux !
- Merci...Â
- Tu veux essayer autre chose ?Â
- Ca ira. C’est sympa de votre part de m’avoir aidée à choisir quand j’hésitais.
- Par contre, elles vont faire une de ces tĂŞtes au club de gym...
- Je comptais arrêter. Ca me prend trop de temps et je préfère apprendre la guitare. Ca me correspond mieux.
- Là , j’peux t’aider ! J’ramènerai ma gratte chez toi dès que possible !
C’était ainsi que les sĹ“urs Gregorio avaient pu devenir amies avec Eurydice et permettre Ă celle-ci de remettre Ă leur place ceux qui ne respectait pas son frère. Ce fut aussi une des dernières fois oĂą Lucinda aura Ă©tĂ© si proche de sa jumelle Giulia...Â
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Chapitre 15 : Le verso
Après avoir annulé l’invocation de Sedna, Ezekiel avait pris le premier tramway vers l’avenue marchande de Newcrest. Si au départ, celui-ci était vide, la donne changea à l’arrêt de la rue des azalées où une vingtaine de personnes monta, surement pour aller à la gare routière ou faire les boutiques. Du coup, un peu malgré lui, il se retrouva assis à côté d’une blonde dont les courbes attiraient les regards de tous les mâles présents…
—Mam’zelle Mary ! Comment vous allez ?
—Les affaires vont bien à votre restaurant ?
—Oui oui, merci.
Ezekiel faisait bien attention à ne pas regarder du côté de cette fille, à la fois pour éviter d’attirer sur lui d’éventuelles jalousies mais aussi parce qu’il craignait un éveil brutal de sa part démoniaque et qu’il n’était pas fan des blondes… et qu’il devait reconnaitre qu’il était assez malchanceux avec les femmes en règle générale – il oscillait entre attirer des tarées et avoir un faible pour des nanas qui voulaient le tuer, ce qui commençait à lui laisser penser que sa mère avait dû le maudire en cachette pour qu’il reste célibataire.
Durant tout le trajet, il était plus concentré à essayer de contenir toute éventuelle pulsion qu’il n’était pas censé avoir qu’autre chose, faisant qu’il rata son arrêt sans s’en rendre compte et se retrouva à Magnolia Promenade qui était le terminus. Du coup, il jugea préférable de rentrer chez lui à pieds avant de finir perdu à Forgotten Hollow  par accident mais avant, il lui fallait manger un morceau car il commençait à avoir de légers vertiges. Heureusement, il y avait un restaurant et celui-ci appartenait manifestement à la blonde du tramway.
Le magicien reconnut que bien que l’uniforme des employĂ©s Ă©tait assez… original, le rapport qualitĂ©/prix Ă©tait plus que correct. Il reviendra peut-ĂŞtre Ă l’occasion. Â
Après avoir réglé l’addition, il repartit à pieds à Newcrest en essayant d’ignorer cette fichue migraine qui avait repris, lui vrillant le crâne au moindre coup de klaxon que ses oreilles percevaient. Ce ne fut que le soir, lorsque la circulation fut plus calme, que son mal de tête cessa et qu’il arriva en vue de la Tour Mirage.
La première chose qu’il fit fut d’invoquer Sedna afin de s’attaquer à ce fichu bouclier qui empêchait la destruction de la malédiction. L’être magique jeta un rapide coup d’œil à la Tour puis se tourna vers lui.
—Ce n’est même pas la peine que je tente quoique ce soit, lui déclara-t-elle, l’air désolée. Les malédictions tendent à se greffer sur la magie aquatique et la seule solution pour les déloger est la magie d’air.
—Et ce n’est pas ma spécialité, constata Ezekiel en soupirant. Merci en tout cas pour avoir confirmé qu’il nous fallait le Tome de l’Air.
Si le magicien n’avait aucun souci avec la magie de feu dont il avait appris à doser efficacement la puissance à appliquer, celle de l’air était plus complexe car contrairement à celle de l’eau qui était statique ou celle du feu qui était aisée à créer une fois le fonctionnement de l’élément compris, l’air était une magie mobile qui nécessitait une certaine dextérité et qui, mal utilisée, pouvait vite réserver de mauvaises surprises… comme les malédictions qui, si elles sont ratées, pouvaient engendrer des catastrophes comme des épidémies ou de graves accidents. En prime, cette magie était souvent pratiquée par les démons pour piéger leurs victimes ou pour se déplacer plus vite d’un point à un autre.
Ne pouvant rien faire de plus à l’extérieur, Ezekiel entra dans la Tour Mirage avec Sedna. A peine entré, le magicien nota de la lumière dans la salle à manger et y trouva ses parents avec Flamberge.
—Nous t’attendions Ezekiel, lui dit son père. Le trajet s’est bien passé ?
—Ca peut aller, répondit le jeune homme en s’installant à table. Des nouvelles de votre côté ?
Sedna prit un siège à son tour tandis que Gabriel commença à partager le résultat de leurs recherches.
—Déjà , je n’ai encore rien trouvé sur cette Margaux, commença le sorcier. Cependant, Flamberge nous a confirmé qu’elle la connaissait en temps que magicienne donc si elle a vécu à une époque où les femmes n’étaient que des éléments du décor aux yeux de la société, cela expliquerait mes difficultés à la trouver.
—Et puis elle peut aussi avoir été rayée de l’histoire suite à un crime grave, fit remarquer Cordelia. Ce ne serait pas la première fois que cela arrive.
Vu sa puissance, Ezekiel doutait fort qu’elle n’ait laissé aucune trace. Il y avait forcément au moins une personne qui avait laissé un témoignage de l’existence de cette femme ! Aurait-elle tout détruit pour éviter que l’on puisse un jour la retrouver ?
—Donc moi et Flamberge sommes votre meilleure piste pour savoir qui elle est, déduit aisément Sedna avec un sourire amusé. J’ai peur que cela ne soit un peu plus compliqué que ça…
—Je le confirme, ajouta l’incarnation du Tome de feu. Peut-être que cela vient de notre mémoire qui a vieillit mais je ne pense pas que nous ne l’ayons côtoyée plus d’une fois par le passé… et le pourquoi m’échappe.
En d’autres termes, ils étaient dans une impasse concernant Margaux. De longues recherches étaient donc à prévoir pour essayer de découvrir qui elle était réellement et ce qu’elle pouvait bien fabriquer…
—Par contre, il y a une chose qui peut peut-être vous aider, poursuivit Flamberge dont le regard ardent se tourna vers Ezekiel. Ce n’est qu’une supposition vu l’état de nos souvenirs mais Margaux doit être la responsable de notre condition à Sedna et moi.
Le choix de mots de Flamberge interpella Ezekiel qui se souvint de la manière dont les deux êtres magiques s’étaient appelés entre elles au sanctuaire… et une explication sur la nature bien complexe de ces êtres apparut dans sa tête. C’était la plus probable… mais ce qu’elle pouvait potentiellement impliquer n’était pas joyeux. Si Margaux avait fait une chose pareille…
Les mots de Flamberge arrachèrent un rire jaune à Sedna.
—C’est certain que c’est elle ! s’exclama-t-elle avec froideur. Elle se rappelait clairement de nous et de nos vraies identités alors qu’on ne l’a vue qu’une seule fois dans nos vies !
—Et quelles étaient vos situations avant de la rencontrer ? demanda Gabriel qui, lui aussi, avait dû comprendre la vérité sur les incarnations des Tomes.
—Des artistes, voilà ce que nous étions avant de nous réveiller comme ça.
Elles étaient donc bel et bien humaines à l’origine… ce qui impliquait que, pour les lier aux Tomes, elles avaient forcément dû être sacrifiées puis Margaux avait récupéré leurs âmes pour les remodeler en ce qu’elles étaient à présent. Les Tomes de Pouvoir renfermaient donc chacun une âme humaine, expliquant ainsi le libre arbitre de leur incarnation et cette différence de caractère flagrante entre Flamberge, qui était plutôt calme et obéissante, et Sedna qui était du genre vicieuse quand elle était menacée – Ezekiel en avait fait l’amère expérience quand celle-ci avait pris un malin plaisir à ne le prévenir qu’au dernier moment que Momoko était derrière lui et prête à le décapiter.
—Des artistes… se répéta Gabriel avant de se tourner vers Sedna. Serait-il possible que vous ayez dû vous produire devant Margaux pour une raison quelconque ?
—C’est fort possible oui, confirma l’incarnation du Tome de l’Eau. Pour peu que l’on soit passé là où elle se trouvait bien entendu vu que nous allions de ville en ville pour nous produire.
—Je présume que vous étiez déjà chanteuse dans votre première vie.
—C’est exact.
Avec cette information, ils venaient d’obtenir un indice intéressant sur le Tome manquant… qui n’allait pas tardé à être confirmé.
—Flamberge, dit Ezekiel en se tournant vers son amie. Que faisais-tu dans cette troupe ?
—Je dansais, répondit l’être magique avec un sourire nostalgique. A Heaven, j’étais régulièrement invoquée par les Saharas pour exécuter des danses rituelles avec elles.
—Donc par simple déduction, on peut supposer que le Tome de l’Air renferme un musicien ou une musicienne.
—Je ne pourrais pas te confirmer son identité car je ne l’ai jamais vu mais nous étions bien trois dans la troupe. Seulement, ma mémoire me fait défaut sur qui était notre dernier membre…
Surement un coup de Margaux… Manifestement, elle ne devait pas trop tenir à ce que l’on retrouve facilement le Tome de l’Air en plus d’autres choses mais cela pouvait aussi être une sécurité pour compliquer la tâche de quiconque voudrait réunir ces trois ouvrages…
—Si l’on se base sur la nature de vos gardiens, on devrait pouvoir avancer un peu, proposa Cordelia. Déjà , on sait que dans vos cas, ils utilisaient un élément opposé au votre.
—C’est plutôt logique, souligna Gabriel. Le Tome de Feu est celui qui renferme la plus grande puissance magique et il faut de la magie aquatique pour le contenir alors que le Tome de l’Eau est fragile face à la corruption et aux démons, faisant qu’il nécessite une magie de feu pour le protéger des démons qui tenteraient de lui pomper son pouvoir.
—En parlant de ça, tu as de la chance finalement qu’il y ait eu ce bouclier car autrement, jamais notre fils n’aurait eu l’idée d’aller dans le quartier asiatique. Bravo pour ta bêtise !
—Oui bon… Je serais plus prudent la prochaine fois.
—J’y compte bien. Ca fait un bail que j’attends de pouvoir mettre les pieds à l’Outre-Tombe et t’y trainer par les pieds pour que tu sortes de cette tour toi aussi !
Comme la discussion n’avançait plus, les invocations de Flamberge et de Sedna furent annulées puis Cordelia informa son fils que son nouveau collier sera prêt demain le temps que la potion dans laquelle il se trouvait ait bien pénétré le bijou – au passage, elle lui recommanda d’envisager au moins un tatouage au henné mais l’apprenti sorcier lui rappela ses maigres talents en dessin. Etant crevé, Ezekiel ne tarda pas trop et alla directement se coucher pour récupérer.
Cependant, c’était sans compter sa nature démoniaque qui n’avait pas très envie de le laisser passer une nuit tranquille…
En premier lieu, il respira un fort mélange d’odeurs dans lequel il reconnut de la bergamote, de la cannelle et du jasmin. Il y avait aussi un parfum boisé qui lui piquait les narines et qu’il ne parvenait pas à identifier. Ensuite, il ouvrit les yeux dans une pièce qui lui était inconnue et… vit des visages qui lui étaient familiers.
Que faisaient ces quatre femmes ici au juste ? Qui plus est, pourquoi avaient-elles ces poses et qu’avaient-elles à le regarder de cette façon qui ne le laissait nullement indifférent ?
Ezekiel sentait la température grimper. Il reconnut aisément Samia qu’il avait affronté à Oasis Springs et dont la magie envoutante avait failli le faire succomber à ses charmes exotiques. C’était une belle femme avec qui il serait bien sorti si elle n’avait pas été si dangereuse… Quoique s’il s’intéressait à Lilith, c’était elle le plus grand danger vu qu’elle était une vampire qu’il avait rencontrée lors d’une sortie à Forgotten Hollow. Cette dernière l’avait abordé alors qu’il essayait timidement de trouver ses marques dans ce bar pour créatures surnaturelles et, à force, elle l’avait mis à l’aise puis elle lui avait gracieusement offert son premier baiser en lui proposant de renouveler l’expérience quand il le désirait, ce qu’il n’avait pas eu l’occasion de faire avec sa mère qui veillait au grain.
La jumelle de Samia, Samira, était tout aussi belle que sa sœur mais peut-être plus athlétique qu’elle. Il était difficile de discerner les différences entre elles mais le charme de ces danseuses était indéniable… et leur dangerosité était égale à celle de Momoko, jeune femme à la beauté fragile qui était en fait une chasseuse de démons maniant sa lame sans hésitation. Le magicien mentirait en disant qu’il n’avait pas été attiré par elle à un moment donné mais toute envie de la séduire lui était passée à l’instant même où elle avait tenté de le tuer. Même s’il avait réussi à devenir ami avec elle, il doutait fort qu’elle accepte une relation avec quelqu’un comme lui, surtout qu’il suspectait qu’elle ne souhaitait pas s’engager dans une relation amoureuse.
Toutes les quatre disparurent de sa vue puis Ezekiel constata qu’il portait des vêtements dont les couleurs ne lui correspondaient pas vraiment – sa mère aimait le noir et le rouge mais il n’aimait pas porter ces deux couleurs ensemble. Puis soudain, il vit qu’il n’était pas seul : une femme était là et, s’il ne se trompait pas, cela ne pouvait être qu’une seule personne.
Quand elle se retourna et qu’il vit ce petit nez adorable ainsi que ces lèvres appétissantes, il sentit son rythme cardiaque s’accélérer.
—Salut Ezekiel, lui dit-elle d’une voix sensuelle. Je t’attendais.
Un parfum délicieux arrivait à ses narines et Ezekiel avait un mal fou à se retenir de sauter sur la jeune femme. Elle était à la fois belle, envoutante, voluptueuse… au point qu’il avait l’impression de commettre le plus grave des crimes en essayant de résister à ses charmes.
Avec un sourire duquel il ne parvenait pas à détacher ses yeux, Eurydice lui tendit un verre contenant une boisson fraiche. Sans hésiter, il avait porté le liquide à ses lèvres qui n’était autre qu’un thé glacé avec des notes à la fois sucrée et épicées, probablement à cause de la pointe de gingembre qui semblait y être présente.
Ses sens étaient quasiment tous accaparés par la présence de la jeune femme : elle lui tournait la tête encore plus qu’un verre d’alcool. Sa voix, son parfum, la douceur de sa peau contre la sienne…
Le peu de volonté à résister qui lui restait vola en éclat quand elle posa ses lèvres contre les siennes. Il la serra contre lui, s’enivrant de ce contact avec délice. Cette fille le rendait complètement fou…
Il faisait une chaleur torride dans cette pièce et Ezekiel ne supportait plus ses habits. Il ôta rapidement cette cravate qui l’étranglait puis suivirent le gilet et la chemise. Ses lèvres ne tardèrent pas à retrouver cette peau douce dont il mourrait d’envie d’embrasser la moindre parcelle visible. Le son clair qu’était le rire d’Eurydice l’y encouragea vivement et ses mains se posèrent sur la fermeture éclair de sa robe.
Cette barrière de tissu noir ôtée, il plongea son regard dans les yeux de la jeune femme, prêt à lui offrir des moments de pur délice…
Un puissant bruit réveilla Ezekiel, le sortant de ses songes torrides. En plus d’être en sueur, il entendait clairement sa mère pester contre quelqu’un qui, manifestement, ne pouvait pas lui répondre – à tous les coups, elle était en train d’espionner des gens via sa boule de cristal et elle avait entendu une phrase qui l’avait mise en rogne.
Comme le jour approchait, le jeune magicien s’était levé… et avait dû invoquer Sedna car il avait vite réalisé qu’il avait d’urgence besoin d’une douche bien glacée, ce qui avait beaucoup fait rire la chanteuse. Sa part incube lui avait bien fait comprendre qu’elle voulait se montrer mais pour le jeune homme, c’était hors de question pour lui d’en arriver-là . Il la bloquait depuis sa puberté pour éviter de se retrouver victime d’une ivresse démoniaque donc hors de question pour lui de céder à la luxure, surtout qu’il savait à quel point un démon pouvait faire des dégâts.
Lorsqu’il croisa sa mère et qu’elle lui tendit son nouveau collier, Ezekiel s’empressa de le mettre.
—Merci maman, lui dit-il avec reconnaissance.
—Ne te réjouis pas trop vite, l’averti-t-elle. Si j’avais les encres, je te ferai immédiatement ce fichu tatouage…
—Maman, tu sais bien…
—Stop ! Tu vas devoir y venir vu que ta part de lumière est plus forte que ta part de ténèbres ! Autrement, il faut que tu trouves un moyen d’équilibrer les deux mais cela peut être très rapide comme te prendre un demi-siècle donc le plus simple reste de bloquer le démon en toi. Je sais que tu détestes les aiguilles mais on peut au moins tenter un tatouage au henné pour commencer.
—Il y a des risques d’allergies tu sais…
—Si tu le choisis correctement ainsi que les ingrédients à y ajouter, cela devrait être jouable.
En d’autres termes, il allait devoir y payer de sa poche s’il ne voulait pas avoir droit à une aiguille lui gravant le motif dans le dos… sauf qu’à moins d’user d’un peu de magie, son portefeuille était plutôt vide et vu qu’il avait désobéi en allant au quartier asiatique, il avait intérêt à gagner seul son argent.
Comme il avait de toute manière besoin de se changer les idées, Ezekiel avait parcouru les petites annonces et, parce que c’était là où ça payait le mieux, se résolu à bosser dans le restaurant de cette Mary pendant deux jours vu qu’elle avait un employé en moins – c’était la seule qui ne lui demandait pas ses références donc il dû prendre sur lui pour bosser avec juste un short de bain… Autant dire qu’il a été ravi quand il a enfin pu arrêter ce job qui avait très certainement beaucoup fait rire sa chère mère…
Le lendemain, il avait pu acheter le nécessaire pour faire un tatouage au henné mais suite à un passage près du Grand Opéra de Newcrest, il avait dû céder tout cela à quelqu’un qui en avait plus besoin que lui – en prime, il avait eu l’occasion de croiser le fameux Vladislaus Straud qui risquait de garder un très mauvais souvenir de leur rencontre… et que sa mère rêvait d’étrangler vu ce qu’Ezekiel l’avait vue faire avec sa poupée vaudou quand il fut rentré. Il avait aussi pu revoir brièvement Lilith qui lui avait proposé de boire un verre à l’occasion et qui lui avait filé son numéro de téléphone… ainsi qu’un léger coup de chaud.
Bien entendu, il continuait à rechercher la piste du Tome de l’Air mais encore une fois, il ne trouvait aucune piste concrète et n’avait rencontré que des rumeurs infondées, des créatures surnaturelles qui avaient mis le souk pour une raison X ou Y et quelques tarés qui effrayaient les passants – là cette fois-ci, il avait croisé une fille bizarre qui balançait des compas sur un homme apeuré qu’il avait supposé être son ex-copain.
Aujourd’hui, son père avait à priori trouvé quelque chose d’intéressant mais le jeune magicien avait un peu la tête ailleurs car, en regardant son téléphone, il avait réalisé qu’Eurydice ne répondait plus à ses messages…
—J’ai mis le temps mais j’ai trouvé quelque chose sur cette Margaux, leur annonça Gabriel qui semblait peu enthousiaste. Ca n’a pas été simple par contre…
—Elle avait commis un crime ? questionna Cordelia, intriguée par la réaction de son compagnon.
—Cela se pourrait… Mais si c’est le cas, plus personne n’était là pour en témoigner et elle a tout simplement pu disparaitre sans laisser de traces après la fin de ce royaume…
Un royaume qui a pris fin… La liste était longue mais Ezekiel pouvait déjà rayer Heaven de la liste vu que les Saharas avaient survécu et qu’elles auraient certainement transmis des récits à leurs descendantes sur Margaux.
—Margaux est effectivement une puissante sorcière, poursuivit Gabriel en claquant des doigts, faisant apparaitre un portrait de la magicienne. Ce que vous voyez ici est à priori un des deux seuls tableaux encore existant où elle est présente.
—Ah, c’est pour ça qu’elle te disait quelque chose, réalisa Cordelia en observant la peinture.
—En fait, ce portrait est une copie qui vient du musée de Willow Creek et qui n’a été mis à la vue du public que depuis quelques jours. C’est sur un autre tableau que je l’avais vue et celui-ci vient des archives de Winderburg.
Gabriel prit un livre dans la bibliothèque qui était consacré au patrimoine de la ville de Winderburg puis il l’ouvrit sur une page qui montrait une photo d’un tableau montrant Margaux avec un homme qui était familier à Ezekiel. En regardant la légende, il vit que cette peinture datait d’il y a bien un millénaire, soit du temps d’Avalon, un vaste royaume qui s’étendait jusqu’à Willow Creek et dont il ne reste que de rares ruines – de mémoire, les pierres de certains édifices comme l’Université de Winderburg ou de la Tour Mirage venaient du château d’Avalon.
—L’homme a côté d’elle était Viktor qui était connu à l’époque comme le mage le plus puissant du monde, expliqua le magicien. A côté de lui, nous trois aurions bien de la peine à égaler sa magie s’il était encore de ce monde. Quant à Margaux, j’ai découvert qu’elle était son associée et qu’elle était surtout connue sous le nom de « sorcière stellaire », certainement à cause de sa spécialité qui est la magie céleste.
—D’où les éclairs, en conclut Ezekiel qui se souvenait de l’attaque utilisée contre Sedna.
—Tout à fait. Par contre, si je me fis à ce que j’ai pu trouver comme documents sur elle et son partenaire, elle a semble-t-il d’autres cordes à son arc dont une qui m’a pas mal interpellé : à la cour du roi d’Avalon qu’elle servait avec Viktor, Margaux pratiquait la divination.
La divination ? Mais alors…
—Tu penses qu’elle peut prévoir tous nos faits et gestes ? questionna Cordelia qui n’était guère enchantée de cette nouvelle.
—Tout dépend de son talent dans la lecture de l’avenir, répondit Gabriel qui était soucieux. Dans tous les cas, ce qui m’intrigue est le temps durant lequel elle a disparu de la circulation sans laisser de traces…
—On sait qu’elle a un lien avec les Tomes, souligna Ezekiel qui avait bien en mémoire la manière dont Margaux s’était comportée face à Sedna. Sans sa magie, je n’aurais pas pu aider Sedna et elle n’a pas cherché à prendre le Tome de l’Eau. En prime, c’est elle qui m’a dit qu’Alphonse Duspeti n’était pas venu seul…
—Exact mais on ignore ses intentions réelles et ce qu’elle cherche vraiment à obtenir, déclara la succube avec méfiance. Elle nous cache des choses…
—Elle a plusieurs coups d’avance sur nous, admit Gabriel. Par contre, ce qui m’inquiète est le fait que le mage Viktor ait disparu en même temps qu’elle lors de la destruction d’Avalon et la puissance de ces Tomes qui ont vraisemblablement été créés par elle. Plus j’y réfléchi et plus je pense que tous ces évènements sont liés ensemble…
Cela serait effectivement logique… mais pourrait aussi impliquer que Margaux a tué Viktor pour lui prendre sa magie. Mais dans ce cas, pourquoi la diviser en ces trois Tomes et où Margaux s’était-elle cachée pendant tout ce temps ?
Comme rien d’autre de notable n’avait été découvert, Ezekiel quitta la Tour Mirage pour prendre un peu l’air et tendre l’oreille aux rumeurs qui pourraient être intéressantes… mais son esprit le ramena à Eurydice et au fait que ses messages restaient sans réponse. Il tenta donc de l’appeler mais fut assez surpris de tomber sur la boîte vocale : elle lui avait dit qu’elle n’était pas du genre à éteindre son téléphone.
Il était pris d’un sérieux doute… et se demanda si le tueur en série dont il avait entendu parler récemment avait fait d’elle une de ses victimes. Il espérait sincèrement que non quand…
—Non, je ne sais toujours pas où a pu passer Eury !
… il croisa une jeune femme, téléphone portable collé à l’oreille, qui était visiblement très inquiète.
—Madame Fox, restez à Oasis ! dit-elle avec fermeté. Ma belle-mère va s’en occuper et dès qu’elle aura quelque chose, elle vous contactera dans la minute ! Moi je vais continuer à faire le tour de nos camarades de lycée.
Quand elle raccrocha, elle lâcha un soupir de dépit puis remit en place une mèche de cheveux qui s’était échappée de sa coiffure.
—Excusez-moi, l’interpella Ezekiel avant qu’elle ne s’éloigne. Vous parliez de qui au juste au téléphone ?
—Hm ? fit-elle avant de le regarder de la tête aux pieds avec suspicion avant d’hausser les sourcils comme si elle était agréablement surprise. Ce n’est pas très poli d’espionner les conversations vous savez…
—Je sais oui mais est-ce que celle dont vous parliez est une certaine Eurydice Fox-Pesetas à tout hasard ?
A cette question, la jeune femme le détailla à nouveau de haut en bas, cette fois-ci en s’attardant un peu plus sur les traits de son visage.
—T’es surement Ezekiel, en conclut-elle avant d’avoir un léger rire. Sérieux, elle a été sacrément sévère pour mettre un six parce que là , ça vaut largement un neuf !
—Heu… quoi ? se demanda le concerné qui se demandait de quoi elle pouvait bien parler.
—Rien… J’suis Erika Muerte, la meilleure amie d’Eury. Tu sais où elle est au juste ?
—Aucune idée. Elle ne répond plus à mes messages et la dernière fois qu’elle m’a donné des nouvelles, elle était encore à Winderburg et devait prendre le train le lendemain.
—Vraiment ? Mais alors… elle n’est jamais montée dedans !
En entendant cela, Ezekiel reçu comme un coup de poignard dans la poitrine… qui fut encore plus douloureux quand il réalisa que s’il n’avait pas été accaparé par la corruption du sanctuaire puis par essayer d’en savoir plus sur cette Margaux, il aurait compris bien plus tôt que quelque chose clochait. Si seulement il avait réagit plus tôt…
Sans même dire au revoir à Erika, le magicien sauta dans le premier tramway qui le menait dans le quartier où Eurydice lui avait dit qu’elle vivait. Trois arrêts plus tard et un peu de marche à pied, il était devant la maison des Fox-Pesetas et usa d’un sortilège pour y entrer. Comme il avait cru le comprendre, la maison était vide, ce qui lui facilitait bien la tâche pour trouver ce qu’il voulait : un objet appartenant à la jeune femme et avec lequel il pourrait la localiser avec précision.
Très vite, il ouvrit chaque porte, cherchant où était la chambre de la jolie rousse. C’est au dernier étage qu’il tomba sur les deux dernières portes et qu’il ouvrit celle du grenier…
… où se trouvait un coffret dégageant une aura malveillante.
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22. Lueur d’espoir
Après s’être assurés que les démons mineurs avaient bien quitté Windenburg – la plupart avaient, semblait-il, croisé la route de Belthelda qui s’était fait un plaisir de les occire en ne laissant rien d’eux derrière elle –, ils avaient tous été transportés à Forgotten Hollow où le soleil brillait avec ardeur sur le Bastion Mirage, la version améliorée de la Tour Mirage. A peine étaient-ils entrés dans le bâtiment que…
—QUOI ?! VOUS PLAISANTEZ J’ESPERE ?!
… Gabriel avait tenté d’expliquer calmement la situation à sa compagne, Cordelia, mais comme il l’avait redouté, elle ne prenait pas du tout bien cette nouvelle… et ne tarda pas à jeter un regard chargé de rage à Margaux qui elle non plus n’en menait pas large.
—Vous… tonna la succube dont la colère était plus que perceptible et qui poussa Jaimie à les inciter à ne pas rester dans son champ de vision. Oser sacrifier mon fils… MON FILS !
—J-je jure que je ne voulais pas ça ! se défendit la magicienne qui ne savait visiblement pas trop comment réagir. Si j-
—Taisez-vous ! Vous avez de la chance que je sache un minimum comment fonctionne ce fichu Jugement et je compte bien aller chercher Eze-
—NON ! Vous y serez prisonnière vous aussi ! Vous croyez que c’est ce qu’il veut pour vous ?
Cette remarque avait suffit à faire réfléchir Cordelia qui, en un coup d’œil à son compagnon, comprit qu’elle n’avait aucun intérêt à agir ainsi sur un coup de tête, cela même si il était que cette situation ne lui plaisait absolument pas.
Toujours extrêmement contrariée, la succube finit par expirer fortement avant de se diriger vers la sortie.
—Cordelia ? demanda Gabriel, inquiet. Qu’est-ce que t-
—Je vais casser la gueule de Straud pour me calmer ! s’exclama l’amatrice de malédiction en faisant calquer ses talons sur le sol de pierre. Je ramènerai Flamberge et Sedna quand j’aurais terminé donc m’attendez pas pour dîner !
—Très bien…
Cordelia allait sortir… puis revint sur ses pas pour attraper Sirius et l’embarquer de force avec elle en le tirant par une oreille, cela sous les regards consternés de tout le monde et les cris de douleurs de l’incarnation de l’air qui semblait en avoir plus qu’assez que l’on s’en prenne à ses oreilles pour un oui ou pour un non – intérieurement, Gabriel et Margaux savaient très bien que les trois incarnations ensemble ne pourraient rien apporter en magie à Cordelia mais ce n’était pas dit que Straud soit au courant de ce fait…
Après avoir excusé sa compagne, Gabriel leur fit signe vers la salle à manger et chacun s’installa à une chaise. Le magicien n’était clairement pas d’humeur bavarde, tout comme Eurydice et Lucinda ainsi que Dimitri dont le regard violine allait d’une personne à une autre, attendant clairement de savoir lequel d’entre eux allait entamer la discussion et briser ce silence qui devenait désagréable. Un léger raclement de gorge finit par se faire entendre du côté de la magicienne qui se tourna vers sa voisine de table.
—Nous n’avons pas eu le temps de nous présenter vous et moi, fit remarquer Margaux à Jaimie qui sourit en entendant cela. Mais j’imagine que vous me connaissez déjà grâce au Téméraire…
—Je m’excuse d’avoir peint votre portrait en douce à Avalon mais il aimait avoir un portrait des femmes qu’il aimait, cela même s’il a dû en cacher quelques-uns à cause de l’Eglise, répondit la muse à la fois amusée et nostalgique. Je peux en faire un plus flatteur si vous le désirez ? Maintenant que je vous ai vue de près, ce ne sera plus un souci.
—Cela n’a pas d’importance pour moi. En revanche, la proposition devrait séduire Sirius, même s’il semble s’être très bien adapté aux nouvelles technologies.
—Ma sœur aussi s’y est très bien faite mais j’avoue que je suis un peu moins à l’aise qu’elle avec la photographie. Je préfère le dessin.
Toutes deux se parlaient avec une certaine légèreté qui allégea l’ambiance lourde régnant dans la pièce. Même s’ils restaient tous sous le choc des derniers évènements, cela ne devait pas les empêcher de parler librement, ce que les deux magiciennes semblaient avoir bien compris.
—Pour revenir à des sujets plus sérieux, laquelle de vos sœurs est encore en vie ? demanda Margaux, cette fois-ci sur un ton grave. J’avais cru comprendre qu’Elysia avait été très affecté par la chute d’Avalon…
—C’est exact, confirma Jaimie qui perdit son sourire. J’ai pu y échapper uniquement parce que j’étais dans l’Epreuve en train de cacher une relique et quand j’en suis sortie, presque toutes mes sœurs avaient été décimées. J’ai retrouvée Fairy par hasard dans les montagnes mais elle est restée plus d’un siècle dans le coma. Quand elle s’est réveillée, elle a été incapable de me dire ce qui lui était arrivé et comment elle était devenue rousse du jour au lendemain.
—Rousse ? firent Gabriel et Margaux, aussi intrigués l’un que l’autre avant que la sorcière ne reprenne la conversation. Je sais que je l’ai vue la veille de la Chute d’Avalon et, si nous parlons de la même muse, elle était blonde ce jour-là , j’en suis certaine. Il est possible que, dans la confusion, je ne me sois pas aperçue qu’elle était dans ma tour quand je créai les Tomes mais cela n’explique pas qu’elle ait atterri ailleurs…
—Je vois ce que vous suspectez…
En voyant que les yeux bleus de la muse étaient en train de la fixer, Eurydice ne parvint pas à comprendre ce que cela voulait dire... puis elle réalisa que ce qu’elle regardait, c’était ses cheveux roux, faisant que la jeune femme se demandait en quoi c’était si important.
—Pour vous expliquer simplement à tous, fit Jaimie qui avait dû sentir qu’elle se posait des questions. Le sort qui permet la résurrection est une flamme que l’on invoque et dans laquelle l’âme que l’on veut réincarner doit être jetée, la débarrassant de toute corruption et de tous ses souvenirs afin de lui permettre de commencer une nouvelle vie. En plus d’avoir un prix lourd à payer, ce sort a un effet secondaire connu : celui qui est réincarné voit ses cheveux roussir dans sa nouvelle existence. C’est peut-être en partie pour cela que beaucoup ont cru, à tort, qu’une chevelure rousse indiquait que la personne pratiquait la magie.
—Si on part de ce principe, cela voudrait en fait dire que tous les roux ont eu une vie antérieure ! s’exclama Eurydice en pensant à sa mère et à son frère.
—Sauf que vu le coût élevé de ce sort, c’est fort peu probable. Peu de magiciens acceptent de payer si cher pour quelqu’un d’autre. Le seul sort qui a un coût proche voire équivalent est celui d’immortalité mais au jour d’aujourd’hui, je ne connais plus qu’une personne pouvant le jeter et ses prestations sont réputées pour être coûteuses…
—Certains sorts puissants nécessitent des sacrifices je crois, souligna Lucinda qui avait été attentive à la conversation. Beaucoup pensent à des sacrifices animaux ou humains mais j’imagine que cela est faux.
—Je confirme. C’est plutôt de la magie ou de puissants artefacts que l’on paye car en général, si l’on sacrifie une vie, celle-ci doit être précieuse aux yeux de celui qui va bénéficier du sort. Si ce n’est pas le cas, le sacrifice n’aura servit à rien.
C’était logique : l’échange devait être équivalent ou bien il n’aurait aucune valeur. Par contre, elle avait beau chercher dans les souvenirs d’Avalon qu’elle avait récupérés, elle était certaine de ne pas avoir aperçu Fairy dans la tour de Margaux. Etait-elle dans un endroit où elle ne pouvait pas la voir ?
—Maintenant que j’y repense, fit Gabriel, l’air grave. Il me semble qu’il existe des moyens d’entrer dans le Jugement sans subir ses effets. Peut-être que je me trompe mais il me semble bien que Fairy possède le Camée de Perséphone et que cette relique d’Elysia pourrait nous être utile.
—Si ma sœur ne l’a pas encore perdu…
Tandis que Jaimie soupirait d’agacement, Eurydice et les autres comprirent soudain qu’ils avaient peut-être une chance de sortir Ezekiel de ce piège avant que la sentence ne tombe. Mais… comment au juste ?
—Est-ce que c’est vrai ? questionna la jeune femme. On peut entrer dans le Jugement sans subir ses effets ?
—Si on veut oui… répondit la muse avec gravité. Pour le Camée de Perséphone, seule Fairy peut s’en servir pour aller dans le Jugement car cette relique ne permet d’aller que dans les lieux déjà visités par son porteur. L’autre solution aurait été d’avoir l’une des trois clés faites pour ouvrir le Jugement mais le hic, c’est qu’elles ont disparues depuis très longtemps…
—C’est pour cela qu’il fallait les trois alignements rares, en conclut Lucinda.
—Tout à fait. Le Jugement et l’Epreuve ont été créés par trois dieux : Isis, Athéna et Loki. Chacun d’eux détenait une clé pour accéder à ces lieux mais pour celles de l’Epreuve, deux d’entre elles ont été détruites à coup sûr et la dernière, celle d’Asgard, a été perdue durant le Ragnarök donc la logique voudrait que ce lieu ne soit plus accessible… Seulement, je me suis aperçue qu’il apparaissait parfois à certains endroits donc je suspecte quelqu’un d’avoir trouvé cette clé et de s’en servir de temps à autres. Pour ce qui est de celles du Jugement, je ne sais pas ce qui est arrivé à celles d’Isis et de Loki mais celle d’Athéna avait été confiée à Calliope… et elle ne l’avait plus sur elle quand j’ai trouvé son corps à Elysia. Or, avoir une de ces clés sur soi protège des effets du Jugement.
La clé avait donc très certainement été volée… mais par qui ? La personne qui tirait les ficelles peut-être mais en supposant que c’était elle qui avait le contrôle d’Ezekiel, à quel moment avait-elle pu récupérer cette clé et où avait-elle été cachée durant tout ce temps ? Et qu’est-ce que cela signifiait du coup pour Ezekiel ?
—Donc sauf si cette Fairy peut nous faire entrer, il faut qu’on réinvoque le Jugement si on veut tirer Ezekiel de là , souligna Lucinda, manifestement très intéressée.
—Tout dépend de qui y entre, précisa Jaimie en fronçant le nez. Je sais que les Cœur Vaillants ne peuvent pas subir les effets du Jugement mais je ne suis jamais entrée dans ce lieu donc j’ignore son fonctionnement exact excepté que ce piège met du temps à agir…
—Attends, tu proposes que j’y aille ?! s’étonna Eurydice qui ne savait pas que cette possibilité existait.
—Ce n’est qu’une idée Eury et puis si tu veux y aller, je compte bien t’y accompagner, lui précisa son amie.
Cette proposition soudaine n’enchantait pas trop Gabriel et Jaimie tandis que Margaux restait obstinément silencieuse… son regard vert glissant vers Dimitri qui n’avait apparemment pas aimé ce qu’il venait d’entendre.
—Tu comptes quoi ?! fit le vampire en grinçant des dents. Est-ce que tu as bien réfléchi dans quoi tu risquais de t’engager ou bien devons-nous encore une fois parler de ce qu’il s’est passé à San Myshuno et qui aurait pu arriver à Willow Creek ?
—Qu’est-c- commença la jeune mannequin avant de se pincer l’arête du nez. Oh non… Je vois ce que tu crains… Mais je ne me suis attaquée à personne depuis un moment !
—Exact mais manque de chance, ton tatouage au henné n’a pas tenu aussi longtemps qu’Ezekiel l’avait prévu. Pour cette raison, je ne compte pas te laisser foncer quelque part sans y avoir réfléchi avant !
—Je tends à être du même avis, ajouta Margaux, l’air grave. Si l’on se précipite, cela va profiter à notre adversaire et Ezekiel va en pâtir. Personnellement, je pense que ce serait une bonne idée de prendre la nuit pour se remettre de nos émotions et y réfléchir calmement. Nos esprits seront surement plus clairs demain matin…
Gabriel approuva cette proposition, suivit par Jaimie qui leur rappela que de toute façon, elle devait retourner à Brindleton Bay pour voir sa sœur avant qu’ils ne puissent faire quoique ce soit. Ils mirent fin à leur conversation et, après le départ de la muse, le magicien leur suggéra de se reposer à l’étage s’ils le désiraient. Si Margaux avait préféré décliner cette offre pour aller prendre l’air à l’extérieur et que les vampires étaient restés silencieux, Eurydice à l’inverse accepta, réalisant qu’elle était épuisée après tous ces évènements.
Une fois que tous eurent donné leur réponse – Dimitri avait précisé qu’il voulait rester avec Lucinda pour lui parler en privé plus tard –, Gabriel la fit monter à l’étage puis usa de sa magie sur une pièce à sa gauche. Il fit ensuite signe à Eurydice d’y entrer et elle constata que c’était une chambre dont la décoration lui plaisait beaucoup – manifestement, il avait utilisé ses pouvoirs pour qu’elle ait un lieu lui correspondant car elle doutait fort que le tas de linge sale et les livres éparpillés au sol soit censés se trouver ici, même si cela ne la dépaysait pas.
Curieuse, elle inspecta la pièce du regard, voyant ci et là des choses qu’elle aimerait bien mettre dans sa propre chambre, puis en se retournant, elle se retint de pousser un cri de joie : il y avait une superbe guitare noire aux finitions métalliques impeccables qui se trouvait à côté de la porte. La main tremblante et n’osant y croire, elle posa ses doigts sur les cordes avant d’empoigner l’instrument.
Elle qui était plus habituée à sa vieille guitare reçue pour ses quinze ans, jamais elle n’aurait osé demander une pareille beauté à ses parents car cela devait coûter une fortune ! Impossible pour elle de résister à l’envie de l’essayer et très vite, ses doigts trouvèrent naturellement leur place sur les cordes et commencèrent à en tirer les premières notes.
Eurydice jouait le premier truc qui lui passait par la tête, entendant que l’instrument était correctement accordé et qu’elle ne massacrait pas le morceau comme elle avait pu le faire à ses débuts. Ainsi, elle se vidait la tête, cela au point de ne pas sentir le temps qui passait et ne pas réaliser ce qu’il se passait autour d’elle – combien de fois n’avait-elle pas entendu ses parents ou son frère entrer dans sa chambre parce qu’elle était trop prise dans sa musique pour s’apercevoir que sa porte avait grincé ?
Quand on lui toucha l’épaule, elle sursauta et se retourna pour voir Cordelia qui lui souriait en lui désignant le lit. La jeune femme reposa vite l’instrument et, un peu gênée de s’être encore une fois faite surprendre parce qu’elle était plongée dans ce qu’elle jouait, elle s’assit sur le lit, imitée par la succube.
—Excuse-moi de t’avoir dérangée, lui dit Cordelia avec un sourire amical. J’aurais dû attendre que tu ais terminé.
—Il n’y a pas de mal, la rassura Eurydice en souriant de la même manière. J’ai l’habitude et puis ma mère est un peu imprévisible quand elle m’interrompt. Elle m’a déjà lancé mes chaussettes sales parce que je n’avais pas entendu que le repas était prêt et que je n’avais pas rangé ma chambre.
—Je comprends maintenant pourquoi il y a du bazar ici…
Vu l’insistance que ces yeux verts avaient à regarder de travers ce qui trainait par terre, Cordelia était probablement quelqu’un de maniaque et la jeune femme nota dans un coin de sa tête qu’elle avait intérêt à limiter au mieux son désordre tout le temps qu’elle serait dans le Bastion Mirage.
—Je vous promets que je vais ranger, déclara-t-elle avant de grimacer. Enfin…
—C’est ta chambre, tu y fais ce que tu veux, lui dit calmement la démone. Et puis tu as le droit de me tutoyer. Ça ne me dérange pas, bien au contraire. J’avais cru comprendre que tu étais une amie d’Ezekiel.
—Oh… C’est le cas même si… C’est un peu compliqué je dirais.
—Compliqué ?
La jeune femme lâcha un soupir de dépit… avant de vider son sac sur le sujet, cela sous l’oreille attentive de Cordelia qui ne l’interrompit à aucun moment. Elle lui raconta tout depuis le début, de cette rencontre dans le parc près de chez elle à cette atroce confrontation sur les Falaises de Windenburg pour laquelle elle s’en voulait toujours. Elle n’omit pas de mentionner les deux fois où ils s’étaient bêtement rentrés dedans, les appels et SMS échangés ainsi que le fait qu’elle se sentait encore un peu frustrée qu’il ne lui ait jamais dit la vérité sur ce qu’il était.
—Oh celui-là … grommela la démone une fois qu’Eurydice eut terminé son récit. A tous les coups, il ne nous a rien dit à ton sujet pour éviter que je ne sois tentée de l’espionner. Je ne m’étonne plus qu’il rejette sa part incube cet imbécile !
—Une minute, tilta la jeune femme. V- Tu l’espionnais ?
—Pour son propre bien ! Sans ça, il aurait eu plus d’ennuis qu’il n’en a déjà , c’est certain ! Déjà que cet abruti est allé une fois à Forgotten Hollow se mêler aux autres créatures surnaturelles et aurait pu finir en casse-croute pour vampire s’il n’était pas tombé sur les Vatore ! Heureusement que je lui ai passé un savon après ça car s’il y était retourné alors que cette Jotun est dans le coin, il serait déjà congelé !
Quand elle prononça ces derniers mots, Eurydice eut l’impression de percevoir plus de peur que de colère chez Cordelia. La jeune femme chercha dans sa mémoire ce qu’elle savait sur les Jotun mais rien ne lui venait en tête sur ce sujet précis…
—Qu’est-ce qu’un… Jotun ? demanda-t-elle, intriguée. Je crois avoir déjà entendu ce mot…
—Oh… fit la démone, mal à l’aise. Pour t’expliquer cela simplement, chaque catégorie de démons possède un ennemi naturel, le plus souvent parce qu’ils chassent le même type de proie ou à cause d’un conflit de territoire. Par exemple, les vampires et les ogres sont rivaux depuis longtemps, cela même si leurs querelles se sont atténuées avec le temps depuis que les ogres ont limité leurs victimes humaines. Pour ce qui est des incubes et des succubes, nous avons la particularité d’avoir une sexualité dépendant de celle de notre partenaire du moment…
—Dépendante de l’autre ?
—Nous nous nourrissons avec la luxure donc si notre proie n’éprouve aucun désir physique pour nous, nous n’avons aucune attirance de ce genre pour elle. Pour ce qui est des Jotun, ce sont nos opposés dans ce domaine vu qu’ils sont tous asexuels et… c’est en partie ce qui fait d’eux nos ennemis naturels. Au départ, nous nous contentions de nous ignorer mutuellement mais un jour, des incubes ont eu la mauvaise idée de vouloir dévergonder les jeunes femmes de Midgard…
Eurydice vit son ainée soupirer d’agacement avant de reprendre, l’air grave.
—Je ne dirais pas qu’ils les ont violées vu comment mon espèce fonctionne mais j’admets que cela peut rester discutable, poursuivit Cordelia. Là où ils ont commis une grave erreur, c’est en engrossant ces femmes car quand un incube met enceinte une humaine, durant sa grossesse, elle se change en succube et après cela, elle ne peut plus avoir d’enfants. Lors de leur petite « sauterie », ils ont créé beaucoup de succubes et cela a fortement contrarié les Jotun qui ont éliminé tous mes pairs sur leurs territoires et jugé bon de faire de même avec tous les incubes dont ils croisaient la route. Même si Ezekiel renie cette part de lui, s’il venait à croiser cette Jotun…
… Il serait en danger de mort. Donc même s’il parvenait à sortir du Jugement, il serait menacé. La jeune femme ne pu s’empêcher d’avoir la gorge nouée en se disant que le magicien ne sera probablement jamais en sécurité…
—Je suis une mère bien pitoyable, déclara la démone, l’air triste. Incapable d’élever correctement mon fils et de le protéger…
—Permets-moi de ne pas être d’accord, lui dit fermement Eurydice. Tu as fait tout ce que tu as pu pour lui et si tu le pouvais, je suis sure que tu irais le sauver.
Le sauver… Mais le piège antique dans lequel il était enfermé ne laissait pas beaucoup d’espoir et elle n’arrivait pas à se sortir de la tête que c’était elle qui l’avait mis dedans.
—Ne te reproche rien, lui dit doucement son aînée comme si elle avait lu dans ses pensées. Tu n’avais pas le choix.
—C’est facile à dire mais… dur à accepter, admit la jeune femme en déglutissant. J’arrête pas d’y penser…
—Je comprends. Dans ce cas, que dirais-tu de me parler d’autre chose ? Si ce n’est pas indiscret, j’aimerai te connaître un peu mieux. En échange, je serais ravie de répondre à toutes tes questions, aussi futiles qu’elles puissent te paraître.
Elle accepta cette offre, voyant ainsi un moyen d’alléger un peu son cœur. Elles discutèrent de tout et de rien pendant un moment, lui donnant presque l’impression d’être avec sa mère, puis Cordelia l’avait laissée se reposer, ayant précisé qu’elle avait une dernière chose à régler avant d’aller dormir. Eurydice essaya donc de trouver le sommeil, cela même si elle se doutait qu’il risquait d’être agité…
Pendant ce temps, dans la chambre voisine, Dimitri et Lucinda avaient fait le tour de la pièce, constatant que celle-ci regorgeait de vêtements et que leurs valises ainsi que leur contenu avaient comme été rapatrié ici. En revanche, il n’y avait qu’un seul lit et un seul bureau, un détail peu gênant en soit vu que seul l’un d’eux en aurait besoin – d’ailleurs, elle était tentée de vérifier si elle pouvait toujours accéder à ses notes de cours et les montrer à Gabriel pour qu’il lui dise si celles-ci contenaient des incohérences dues aux enseignements sélectifs de Straud.
Une fois que chacun ait pris le temps de se nourrir, ils s’installèrent sur le lit et Lucinda se prépara mentalement à une longue discussion…
—Je ne suis pas fâché, lui précisa Dimitri avec calme. Je sais que c’est ton amie et que tu veux l’aider tout comme tu veux aider Ezekiel mais je veux juste que tu comprennes que tu ne dois pas foncer tête baissée.
—Je dois éviter de retomber dans mes travers de jeune démon, dit la jeune femme qui avait bien compris où était le problème. Je vais mieux depuis l’opéra et… Nigel. Seulement, j’aimerai que tu me laisses un peu faire mes preuves et voir si, seule, j’arrive à me maitriser.
—Et le Jugement serait un test de choix donc…
Vu la tête qu’il faisait, il estimait que l’épreuve qu’elle voulait s’imposer était au-delà de ses forces, ce qu’elle pouvait comprendre vu ce qu’ils savaient de ce lieu. Mais si elle ne se mettait pas en danger, comment saurait-elle si elle était prête à redevenir un peu indépendante ? Ce n’était pas qu’elle n’appréciait pas Dimitri, bien au contraire, seulement, elle ne pouvait pas se permettre de rester indéfiniment avec lui, cela même si elle avait un pincement au cœur à l’idée de s’éloigner de son ami. Elle l’avait déjà bien trop embêté…
—Si tu trouves que c’est trop… commença Lucinda, inquiète.
—Je ne t’empêcherai pas d’y aller si c’est ce que tu veux, la coupa le vampire avant de lâcher un léger soupir. En revanche, je veux que tu y réfléchisses cette nuit et, si tu es décidée, alors je te suivrai.
—Tu es sûr ?
—Certain. On ignore ce qui nous attend là -dedans alors autant que je vienne aussi.
Elle crut voir un voile sombre obscurcir le regard du vampire, comme s’il lui passait quelque chose sous silence mais celui-ci disparu aussi vite qu’il était apparu, faisant qu’elle se demanda si elle ne l’avait pas imaginé.
—En revanche, l’urgence actuelle serait plus de redonner le moral à ton amie, lui suggéra Dimitri avec justesse. Ça m’étonnerait fort que l’Outre-tombe soit fermé ce soir, surtout que tu n’as pas eu l’occasion d’en profiter pleinement.
—C’est une bonne idée, admit Lucinda qui n’y avait fait qu’un bref passage avec le vampire. Est-ce que tu comptes venir aussi ?
—Non. J’ai une chose à régler avec quelqu’un donc je ne vais pas pouvoir vous accompagner.
La jeune femme ne chercha pas à en savoir plus car après tout, il avait le droit de garder certaines choses pour lui s’il le désirait, cela même si elle était un peu curieuse. Et puis après plusieurs jours passés ensemble, cela ne pouvait pas être une mauvaise chose de se séparer pour quelques heures. En revanche, elle comptait bien profiter qu’il était là pour fouiller un peu ce placard car si elle devait sortir, elle allait devoir se trouver une tenue plus appropriée pour l’occasion.
Chez les Vatore, les deux vampires pouvaient enfin se reposer après avoir dû lutter contre les démons mineurs… et aider Cordelia Magenta dans sa « petite » vengeance contre Straud pour avoir voulu contourner les termes d’une sorte de pacte dont ils avaient préféré ne rien savoir – Caleb avait profité de la situation pour récupérer les biens de son père, Louis Vatore, que leur ennemi leur avait dérobé il y a bien longtemps. Lilith avait terminé de se régénérer quand elle entendit entrer son frère.
—Je vois que toi aussi tu as retrouvé toutes tes forces, constata-il avec le sourire.
—Mes articulations sont encore un peu douloureuses mais ça passera d’ici une heure ou deux, dit-elle en gardant ses yeux fixés sur le tableau de sa chambre.
Caleb suivit son regard jusqu’à cette peinture dont le modèle lui était à la fois très familier et de plus en plus lointain avec les années qui passaient.
—Mère… souffla-t-il face à cette toile représentant leur mère quand elle était plus jeune. Cela fait déjà si longtemps qu’elle n’est plus des nôtres…
—Je ne pense pas qu’elle soit triste là où elle se trouve tu sais, dit Lilith avec douceur. Du moins, plus maintenant. Nous sommes des vampires redoutés à présent et en prime, nous avons réussi à toujours nous adapter à notre temps.
—Ça, c’est certain. Le nombre de petits boulots que nous avons pu faire toi et moi sans que quiconque ne suspecte notre vraie nature est très parlant !
Même s’ils ne payaient pas beaucoup de factures à Forgotten Hollow, il fallait tout de même s’assurer des revenus, un problème commun à toutes les créatures surnaturelles vivant dans cette vallée où le soleil brillait peu. Certains d’entre eux avaient la chance, comme Kate Frost, d’avoir des compétences pointues avec diplômes à l’appui, faisant qu’ils avaient un travail bien rémunéré dans un domaine particulier. Pour les autres, il fallait se débrouiller et généralement, c’était vers le secteur de l’hôtellerie, souvent en pénurie de personnel qualifié ou non, qu’ils se tournaient – l’avantage d’être un vampire était que bosser de nuit était très arrangeant là où de simples humains préféraient éviter ces horaires qu’ils trouvaient contraignants.
—J’imagine que tu n’es pas venu voir comment je me portais, supposa Lilith avec justesse en voyant le sourire crispé de son cadet. Tu as fouillé nos dernières trouvailles je présume.
—Je n’arrivais pas à dormir, précisa Caleb en grinçant un peu des dents. Et puis j’avoue que je pensais, via les notes de père, qu’il n’y avait que des objets pour pratiquer la magie.
Ces derniers mots l’intriguèrent. Dans ses souvenirs, leur père avait écrit dans un de ses journaux intimes que Straud lui avait dérobé des objets qui avaient appartenus à Viktor d’Avalon en précisant juste qu’ils servaient pour ceux étant capables d’user de la magie. Aurait-il manqué quelque chose ?
—Qu’est-ce que tu as trouvé ? demanda Lilith, curieuse.
—Pour la défense de père, il est possible qu’il ignorait son existence, déclara Caleb avec sérieux. Un des grimoires n’en était pas tout à fait un : c’était en fait un journal intime écrit avec une encre qui ne devient visible qu’avec la chaleur d’une flamme. Je trouvais étrange que certains sorts soient en double…
—Qui est son auteur ?
—Viktor d’Avalon apparemment. Vu ce que j’ai lu des notes de père sur l’époque d’Avalon et le contenu de ce que ce Viktor a écrit, je peux attester qu’il ne tenait vraiment pas à ce qu’on le trouve pour pas mal de raisons…
A la manière dont son cadet s’exprimait, elle le suspectait d’avoir une certaine empathie pour cette personne. Ils devaient donc avoir des points communs…
—Si je me fis à sa façon d’écrire et aux dates, il a commencé à l’écrire dans son adolescence pour ne pas que son père le lise et découvre qu’il était homosexuel, poursuivit Caleb avec gravité. Il n’était pas très régulier, probablement parce qu’il essayait aussi de cacher ce grimoire à une femme qu’il nommait « Bérénice » et qu’il décrit… bizarrement.
—Bizarrement ? répéta Lilith qui trouvait ce choix de mot étrange. Vu que tu me dis qu’il était gay, il est impossible qu’il ait été attiré par elle…
—Je dirais que c’est plus parce qu’il ne savait pas trop quoi penser d’elle. Tantôt elle était aux côtés de son père, tantôt elle faisait preuve d’une incroyable empathie avec lui. Il n’arrivait pas à la cerner durant tout le temps où elle était en Avalon et la dernière fois où il l’a vue, c’était quelques jours avant que le bateau sur lequel elle était avec son père ne sombre. En revanche, dans sa dernière entrée, il la mentionne de nouveau en disant qu’il ne la laissera jamais arriver à ses fins.
—… Tu ne viens pas de sous-entendre qu’elle était morte noyée ?
—Oui. J’ai vérifié les notes de père et il mentionne bien cette femme lui aussi… et pas en bien. Il la décrit comme un être bien plus fourbe qu’elle ne le laisse paraitre. Je n’ai pas encore tout parcouru mais je vais arriver au bout.
—Je vais t’y aider. On ne sera pas trop de deux je pense…
Et puis Lilith voulait savoir ce que Straud avait bien pu chercher dans tout cela pour y avoir dérobé à leur père…
Après une longue sieste, Eurydice avait senti son estomac gargouiller et était sortie de sa chambre pour voir si elle pouvait trouver de quoi manger – elle espérait juste ne pas devoir cuisiner car elle n’était pas tentée de bruler par accident la demeure de leurs hôtes. Elle s’apprêtait à descendre quand elle vit Margaux à travers les carreaux de ce qui ressemblait à une salle de musique.
En s’approchant, elle vit que la magicienne n’était pas seule et reconnut Jaimie qui était face à elle, visiblement contrariée.
—Perdu ? fit Margaux en grinçant des dents. Donc on ne peut pas pénétrer dans le Jugement par ce biais…
—J’en ai bien peur… grogna la muse en se massant les tempes. Fairy est en train de passer Brindleton Bay au peigne fin pour retrouver le Camée de Perséphone mais comme elle a dû crapahuter partout pour neutraliser des démons mineurs, ça va lui prendre pas mal de temps.
—Et nous n’en possédons pas beaucoup…
—D’après elle, cela dépendra surtout de la gravité des crimes dont Ezekiel est accusé et le Jugement est du genre à chercher loin…
Intriguée, Eurydice se rapprocha encore pour suivre le reste de la conversation…
—Loin ? tiqua Margaux. A quel point ?
—Tout ce que la personne a pu faire et qui a pu nuire de quelque façon que ce soit, répondit Jaimie. Cela peut aller d’un petit mensonge à un meurtre, voire même de choses dont la personne n’était même pas consciente. Fairy a été assez catégorique sur le fait que le Jugement était tordu mais sauf quelques exceptions, tout le monde peut en sortir, même ceux qui ont échoués.
—Et les exceptions correspondent à la Corruption j’imagine.
—J’en ai bien peur. En ce sens, le Jugement semble rejoindre l’Epreuve qui annihile toute Corruption qui tente d’y pénétrer mais ce serait à vérifier. En revanche, Fairy m’a bien confirmé que c’était l’âme qui était jugée donc si Ezekiel était possédé par quelqu’un…
—Cette âme aussi devra subir le Jugement. Donc si l’un de nous s’y rend, il doit se préparer à faire face à l’ennemi.
—C’est ce que je crains… Surtout que maintenant, je suis certaine de qui tire vraiment les ficelles car après enquête, il semble que plusieurs portails aient été ouverts, y compris dans des lieux qu’Ezekiel n’a assurément jamais visités. Je ne sais pas ce qu’elle a voulu y faire passer mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour nous.
D’autres portails ? Et leur ennemi était une femme ? Maintenant qu’Eurydice y pensait, Jaimie n’avait pas mentionné qu’une des clés du Jugement avait été volée ? Elle vit la muse s’installer sur le piano en soupirant et dut tendre l’oreille pour entendre la suite, en partie couverte par les quelques notes qui résonnaient.
—Bérénice, celle qui arrive toujours à se glisser entre les mailles du filet après avoir semé le chaos sur son passage, déclara Jaimie en jouant ce qui ressemblait à une sonate de Beethoven. Teresa a été la première à avoir des doutes sur elle et elle cherchait à protéger Viktor d’elle. Seulement, Xanthe l’a séparée de son frère et il est devenu une proie facile pour cette femme. Quant au prétendu suicide de Teresa, elle n’aurait jamais fait ça. C’est forcément un coup de Bérénice pour affaiblir la psyché de Viktor. Joshua était fou quand l’Eglise a fait barrage pour qu’il rapatrie le corps de sa cousine en Avalon…
—Vous étiez proche du Téméraire, ça s’entend, constata Margaux. Peu de personnes le tutoyait, même quand il le demandait.
La muse interrompit sa musique avant d’émettre un léger rire et de soupirer de dépit.
—Joshua était quelqu’un de bien, finit-elle par dire avec tristesse. Seulement, je me doute qu’il est mort avec de nombreux regrets comme ne pas avoir pu protéger Viktor et Teresa ou ne pas avoir pu voir grandir Iris. J’ai fais ce que j’ai pu pour traquer Bérénice mais j’étais bien trop faible pour lui tenir tête et mon erreur a été d’en parler à Iris. Je ne l’ai su que quand Gabriel a voulu user du sort d’immortalité et que nous avons tous deux appris que le prix pour ce sort avait déjà été payé pour lui… A tous les coups, c’est ce qui a fini par la tuer.
Un silence se fit dans la salle de musique durant de longues secondes… jusqu’à ce que la magicienne le brisa.
—Vous n’êtes pas la seule à avoir commis de graves erreurs, précisa Margaux en grimaçant. J’ai été trop aveugle pour voir que Viktor était dangereux et j’aurais été plus prudente, je ne me serais pas faite avoir. Si le Téméraire ne m’avait pas ramenée à la raison, qui sait ce qu’il se serait passé…
Eurydice vit les deux femmes échanger un long regard, comme si à présent, elles ne communiquaient plus que par télépathie. Puis la muse finit par se lever et se placer face à la magicienne.
—Le passé est le passé et nous ne pouvons plus rien y changer, dit Jaimie dont la tristesse était toujours perceptible. Nous avons toutes deux beaucoup perdu et il nous incombe à présent d’essayer de sauver ce qui peut l’être tout en contrecarrant au possible les plans de Bérénice.
—Qui risque de ne pas être seule, souligna Margaux avec gravité. Je pense que nous sommes d’accord pour penser que ce n’est pas de la Corruption qui a traversé mais des individus dont nous ignorons tout et qui vont certainement nous poser des soucis…
—Oui. Pour cette raison, il est plus que temps que nous unissions nos forces au lieu de nous disperser comme nous le faisions jusqu’ici. Ça ne sera pas simple mais si l’on veut avoir une chance de gagner, c’est notre meilleur espoir.
Sur ce point, Eurydice était entièrement d’accord : ils devaient tous s’unir pour vaincre l’ennemie. Seulement, allaient-ils pouvoir sauver Ezekiel à temps ? La dernière fois, elle n’avait rien pu faire alors comment allait-elle pouvoir lutter le moment venu ?
—Il reste cependant quelques points obscurs, ajouta Jaimie avec gravité. En supposant que ma sœur n’était effectivement pas près de vous lors du sort de résurrection, où était-elle ? La seule raison pour laquelle elle se soit rendue à Avalon, c’est qu’elle devait me chercher ou qu’elle a su pour Iris.
—Je pencherais pour la seconde option, précisa Margaux en fronçant le nez. Elle tournait autour du château quand je l’ai rencontrée et elle voulait voir le Téméraire. Elle n’a jamais voulu en dire plus, juste que c’était privé et que je ne devais pas prononcer son vrai nom si je venais à le découvrir.
—Pour ne pas attirer Calliope… C’était le jour de la chute d’Avalon ?
—Plusieurs jours avant. Je suspecte même qu’elle est restée dans les parages en permanence car elle avait repéré Eurydice mais j’ignore ce qu’elle a fait exactement à part qu’elle a mentionné ne pas avoir eu tout ce qu’elle voulait.
Eurydice essaya de se remémorer les paroles exactes de la muse comme Margaux l’avait montré dans ses souvenirs mais les seuls détails qui lui revinrent était que Fairy s’était montrée évasive sur plusieurs choses. La jeune femme commençait à se demander ce que la muse avait pu découvrir durant son séjour à Avalon et qu’elle n’était plus en mesure de partager avec eux…
... et puis elle se souvint d’autre chose : le fait que Viktor – ou du moins Bérénice car ça devait être elle la coupable – se soit évertué à masquer les traces de sa sœur Teresa. Elle avait trouvé cela suspect et elle ajouta à cela la charmante malédiction dont elle avait été affublée ainsi que ce piège tendu à Sirius, Selena et Farah… Pourquoi tantôt, Bérénice la voulait vivante et après morte ? Ça n’avait aucun sens ! Ou bien était-ce un signe qu’elle n’avait pas totalement prit le dessus sur Viktor ?
Si c’était le cas, Ă©tait-il possible que l’âme de Viktor d’Avalon ait rĂ©ussi Ă survivre pendant tout ce temps ?Â
Et si oui, alors lui aussi était en train de faire face au Jugement…
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Chapitre 21.5 : La fin justifie-t-elle les moyens ?
Vide. C’était comme cela qu’elle se sentait depuis qu’elle l’avait vu disparaitre, comme si on lui avait ôté une partie d’elle-même ou arraché avec brutalité son cœur de sa poitrine. Jamais elle n’aurait envisagé que réaliser cette prophétie impliquerait de sacrifier une personne à qui elle tenait et à présent, elle trouvait cela terriblement injuste…
Soudain, elle sentit une main sur son épaule qui la ramena au temps présent et elle croisa les yeux verts de Lucinda qui la fixait avec inquiétude – quand avait-elle donc reprit apparence humaine ? Elle devait être tellement sous le choc qu’elle n’avait rien remarqué…
—Ca va Eury ? lui demanda doucement son amie.
—… Non, répondit-elle, repensant encore à ce regard plein de haine qui avait disparu dans le Jugement. Sincèrement, j’aimerai que ce soit un rêve…
—Je comprends. Moi aussi je préfèrerai qu’il en soit ainsi mais…
… on ne pouvait pas revenir en arrière. Ezekiel était prisonnier du Jugement et qui sait ce qu’il était en train d’y vivre ? Peut-être même était-il mort à présent… Non, s’il l’était, comment pourrait-elle se le pardonner ? Il était préférable qu’elle reste dans l’ignorance sur ce point… mais cela ne l’empêchera certainement pas d’avoir l’esprit tourmenté des années durant.
—Est-ce que vous saviez qu’il allait falloir sacrifier Ezekiel ? demanda Dimitri à Margaux, l’air suspicieux. Avec vous, j’avoue que je m’attends à tout…
—Je me doutais que quelqu’un allait payer le prix fort, admit la magicienne en soupirant. En revanche, je n’ai compris que quelques heures plus tôt que cela risquait fort d’être lui. Il était le seul qui aurait pu avoir la magie nécessaire pour nous mettre autant de bâtons dans les roues.
Etait-elle sincère en affirmant cela ? Vu le regard désolé que Margaux lui lança, Eurydice tendait à penser que oui, surtout que la magicienne n’avait jamais appelé le Jugement avant aujourd’hui et qu’elle ignorait que cela allait sur-
Une seconde… Quelqu’un d’autre avait parlé du Jugement à Avalon et c’était…
« Dans mon cas, j’ai été jugée et sanctionnée car les quelques descendants que j’ai pu avoir avec des mortels ont posé des problèmes et j’ai été… maudite en retour. »
La muse qui était à Avalon, elle était déjà allée dans le Jugement… En théorie, elle n’avait pas pu survivre à la chute de ce royaume et maintenant que la jeune femme y repensait, c’était elle qui avait révélé comment invoquer le Jugement à Margaux. Or, vu la réaction de leur ennemi, il n’était pas emballé à l’idée de s’y rendre et ne s’était pas attendu à se faire avoir comme cela. Fairy était la mieux placée pour savoir comment fonctionnait ce piège et ce qu’était en train de vivre Ezekiel mais était-elle encore en vie et, surtout, de leur côté ?
—Ezekiel n’est pas mort si cela peut te rassurer, précisa la magicienne qui avait de nouveau une expression fermée. J’ai discuté il y a peu avec une muse et d’après elle, le Jugement prend son temps pour agir. Elle pourra surement nous fournir plus de renseignements le moment venu car je pense qu’elle voudra aider Ezekiel à en sortir.
Donc il y avait encore de l’espoir ? Eurydice ne savait pas trop si elle devait y croire ou non mais elle se reprit et sécha ses larmes. S’il était encore possible de le sauver, alors ce n’était pas le moment de rester dans son coin à pleurer. Par contre, c’était elle ou Margaux semblait jeter des coups d’œil fréquents vers le chemin permettant de quitter le haut des Falaises ? Dimitri en tout cas avait une drôle d’expression sur le visage… mais quand elle le vit s’asseoir pour boire une espèce de pack bizarre, elle comprit que ce devait être parce qu’il avait besoin de se nourrir – à choisir, elle préférait voir ça que servir de casse-croute à un vampire.
—Je suis certain qu’il va s’en tirer, lui dit Sirius avec confiance. S’il est un descendant du Téméraire et qu’il tient de lui, aucune chance qu’il reste dans son coin à broyer du noir ! Il va se battre pour sortir de là et te dire ce qu’il pense réellement.
—C’est vrai, approuva Lucinda. Il n’était pas lui-même et s’il en a été conscient, je présume qu’il voudra arranger les choses.
Surement oui… Surtout qu’elle avait beaucoup de questions à lui poser, notamment savoir s’il avait un jour envisagé de lui dire la vérité sur ce qu’il était réellement et voir jusqu’à quel point il était possible de faire évoluer leur relation… à conditions que cela soit possible.
Alors que le magicien essayait de lui remonter un peu le moral, son amie alla rejoindre Dimitri, probablement pour voir s’il allait bien. Margaux s’apprêtait visiblement à venir la voir quand…
—VOUS !
—Et mince…
La sorcière serrait les dents et tourna la tête au moment où un homme vêtu d’un costume clair arriva jusqu’à elle au pas de course, l’air visiblement très remonté.
—Alors c’est pour ça que vous nous avez faussé compagnie en douce ! s’exclama cet inconnu qui rappelait pas mal Ezekiel à Eurydice. Vous vous êtes bien gardée de nous dire quel serait le prix à payer !
—L’urgence était d’arrêter cette Corruption je vous rappelle, répondit Margaux en grinçant des dents. Et puis, Gabriel, si je vous l’avais annoncé dès le départ, votre compagne m’aurait arraché la tête avant que je ne puisse finir ma phrase.
—Très juste…
Après avoir prononcé ces mots, le dénommé Gabriel avait pali et s’était mis à marmonner des choses comme « comment je vais lui expliquer ça ?! » ou « elle va tuer quelqu’un quand elle saura pour Ezekiel, c’est obligé… », faisant qu’Eurydice était sérieusement en train de se demander si elle n’était pas en train de faire face à un clone de son propre père – elle se rappelait encore la fois où son père avait eu une réaction similaire suite au fait qu’il avait accidentellement abimé une des toiles peintes par sa mère et qu’il redoutait fort le moment où il allait devoir le lui annoncer.
Soudain, une femme vint les rejoindre, visiblement essoufflée. En l’apercevant, Sirius eut l’air agréablement surpris mais elle lui fit un signe pour lui dire de rester où il était avant de prendre une dernière inspiration.
—Je commence à me demander si certains d’entre vous ne veulent pas ma mort, dit-elle après avoir fini de reprendre son souffle. Gabriel, souviens-toi que je n’ai pas ta forme olympique…
—Pardon, s’excusa le père d’Ezekiel, visiblement embêté. Je n’ai pas réfléchi tout à l’heure.
—Ce n’est pas grave. De toute manière, nous n’avons plus rien à faire ici. Il serait plus judicieux d’aller à Forgotten Hollow pour se reposer et faire une mise au point.
—Le bastion des vampires ?! fit Sirius, étonné.
—J’ai demandé à Cordelia d’y mettre en place notre… nouveau foyer, précisa Gabriel. Il est mieux conçu que ne l’était la Tour Mirage. A trois, nous nous marchions sur les pieds…
—Je n’y vois pas d’inconvénient, approuva Margaux. J’ai quelques interrogations qui demeurent…
—Moi aussi, ajouta Eurydice en repensant aux doutes qu’elle avait eu plus tôt face à Ezekiel.
Il y avait beaucoup de choses à tirer au clair, des mystères qui demeuraient et il était urgent d’essayer de trouver les réponses qui manquaient…
A Oasis Springs, Iowa et Soraya avaient réussi à se débarrasser des démons présents au musée… en pratiquant la danse rituelle des Saharas – sincèrement, jamais il n’aurait pu imaginer qu’elle avait dans son sac une tenue de danseuse prête à l’emploi au moindre pépin et, surtout, qu’il allait devoir de nouveau danser, cela à côté d’une fille qui portait à peine suffisamment de tissu pour que sa tenue soit décente !
Une fois que la magie des Saharas eut fait son effet et que le calme fut revenu, la jeune femme alla remettre sa tenue civile avant que tous deux ne sorte du bâtiment pour voir si la voie était libre, découvrant ainsi que la nuit trop obscure s’était éclaircie, signe que l’aube approchait. Ils avaient ainsi pu constater que tout semblait normal dehors… excepté peut-être la barmaid du jus de crotale qui pestait en jetant aux ordures une batte de baseball en bien piteux état, comme si celle-ci avait méchamment servi.
Vu que l’endroit était ouvert, Iowa et Soraya entrèrent timidement dans le bar, constatant à l’odeur de produits ménagers que celui-ci venait tout juste d’être nettoyé et que certaines tables semblaient un peu plus bancales que dans leurs souvenirs.
—Tiens ? fit la barmaid en leur faisant signe de s’installer au bar. Alors vous aussi z’avez survécu à ces saletés ?
—Ici aussi donc, comprit le jeune historien, réalisant ainsi ce à quoi avait dû servir la batte de baseball. Vous allez bien ?
—Moi ? Pff ! Vous savez, j’viens d’une famille de cinglés où on tape avant d’causer et j’peux attester qu’on s’rait cap’ de survivre à une attaque d’zombies ! Alors deux espèces d’démons qui pensent me mettre une raclée ? Même ma factrice est plus coriace qu’eux !
Iowa échangea un regard interloqué avec Soraya jusqu’à ce que cette dernière finisse par hausser les épaules, considérant probablement que cela n’avait pas vraiment d’importance.  Ils commandèrent donc leurs boissons, optant chacun pour des breuvages qui allaient certainement les aider à se remettre un peu de leurs émotions…
—Bon, j’imagine que vous souhaitez savoir qui je suis exactement, commença la magicienne. Bien que je suspecte que vous avez déjà une idée de la réponse…
—Une prêtresse Sahara et, j’imagine, apparentée à Samia et Samira, en conclut aisément le jeune homme avec les éléments qu’il avait en sa possession.
—C’étaient mes sœurs ainées, oui. A présent, je suis la dernière de ma lignée et donc la dernière à pouvoir pratiquer notre art.
Il ne s’était donc pas trompé. Elle en savait trop sur ce qui était lié au temple des Saharas et sur la magie pour être une simple employée de l’office de tourisme. En revanche, elle semblait radicalement différente de ses sœurs et ce, dans le bon sens du terme…
—Conc- commença-t-il avant qu’elle ne l’interrompe d’un geste.
—Je me doute que vous êtes lié à leur disparition, lui dit Soraya avant de lui sourire pendant que la barmaid posait leurs boissons devant eux. Merci d’avoir fait ce qu’il fallait.
—Techniquement, ce n’était pas moi… Mais j’admets être… surpris de votre réaction.
—Oh…
Elle resta pensive un instant, comme si elle pesait le pour et le contre de ce qu’elle voulait lui révéler. Puis elle prit une gorgée de sa boisson fruitée avant de reposer son verre au moment où lui s’apprêtait à boire un peu de son breuvage où il espérait bien sentir la pointe d’acidité du citron qu’il appréciait tant.
—J’ignore ce que vous savez de la magie mais je vais tenter de résumer cela simplement, commença Soraya avant de soupirer de dépit. Tout ceci ne serait pas arrivé si j’avais fait preuve de plus de bravoure…
Elle marqua une pause, comme si elle cherchait à se trouver du courage. Iowa attendit qu’elle soit prête à continuer, cela en observant du coin de l’œil la barmaid qui essuyait quelques verres, faisant mine de ne pas s’intéresser à leur conversation.
—Nous les Saharas sommes les derniers vestiges vivants d’Heaven et de sa magie, poursuivit Soraya, le regard dans le vague. Nous avons eu un mal fou à perpétuer notre lignée, faisant que mes sœurs et moi avions pour mission de chacune assurer notre descendance dès que l’occasion se présenterait à nous. Seulement… la donne changea quand cette femme amena cet atroce coffret à nous en nous promettant qu’il nous redonnerait la puissance qui était notre. En réalité, il n’était qu’une boîte de Pandore que mes sœurs n’auraient jamais dû toucher et qui a corrompu leurs esprits. Samia et Samira souhaitaient la prospérité de ces terres mais cet objet les a changées… et quand je les ai entendues un jour parler de m’éliminer, j’ai préféré la lâcheté plutôt que de faire ce que j’aurais dû faire : j’ai fuis.
Après cela, elle resta silencieuse, fixant obstinément un point invisible devant elle, comme si ses pensées étaient en train de la ramener à ce fameux jour qu’elle venait d’évoquer.
—Je ne mérite pas d’être ici… finit-elle par dire. J’ai failli à ma tache…
—A votre place, j’aurais fait pareil vous savez, admit Iowa en prenant une gorgée de son verre qui, comme il l’espérait, avait cette saveur acidulée qui venait délicieusement s’installer dans sa bouche. J’peux pas vous en vouloir d’avoir préféré sauver votre vie.
—Il a pas tort.
Comme il s’en était douté, la barmaid avait suivi leur conversation et elle venait de reposer le verre qu’elle essuyait au moment où elle leur avait parlé, attirant leur attention sur elle.
—On est pas tous courageux t’sais, poursuivit cette dernière. Et puis t’aurais fait quoi seule cont’e tous ? T’étais d’taille pour botter l’train à ces sorcières ?
—Heu… commença Soraya, prise un peu au dépourvu. Elles… auraient effectivement eu le dessus sur moi.
—Alors t’as fait l’bon choix ! Maint’nant, arrête de ressasser tout ça et avance ! Sérieux, d’puis qu’tu viens ici, t’es coincée là -dessus, j’en suis sure !
—C’est vrai…
Techniquement parlant, Iowa savait que Soraya aurait pu user d’une autre solution pour sauver sa vie : invoquer Flamberge. Seulement, le résultat aurait à coup sûr été le même qu’aujourd’hui et elle aurait, en plus, dû vivre avec ça sur la conscience, une chose que l’incarnation du feu leur avait évité à lui et à Ezekiel en prenant elle-même les choses en main. Mais dans tous les cas de figure, elle était à présent toute seule… un peu comme lui quand il avait décidé de se rendre à Oasis Springs.
—Dis-moi, ton mensonge quand tu t’es présentée, fit-il, repensant à comment elle était entrée dans le musée en premier lieu. Tu avais volé la clé ?
—Oh, ça, répondit Soraya en grimaçant. Techniquement, je n’étais pas censée l’emprunter mais concernant mon emploi, c’était à peu près la vérité. Je me suis spécialisée dans le tourisme quand je vivais à San Myshuno en me disant que ça pourrait me servir.
—Alors si t’y vois pas de souci, on va bosser sur cette expo ensemble. J’aurais bien besoin de l’aide de quelqu’un du coin, surtout pour la comm’ car c’est franchement pas mon truc.
—Vous… me voulez comme… assistante ?
—J’aurais plutôt dis une associée mais ça, c’est vous qui voyez.
—Hm… Pourquoi pas ? Je n’ai rien de mieux à faire.
Qu’elle accepte son offre allait le soulager d’un grand poids : lui qui était mal à l’aise en public allait pouvoir lui déléguer certaines choses qu’il peinait à faire et, si leur collaboration fonctionnait bien, peut-être qu’il serait envisageable de la faire perdurer un peu plus longtemps.
A Brindleton Bay, plus précisément à la Musaraigne, ses habitants étaient enchantés de ne plus être menacés par des démons et, comme convenu, Salazar était en train de cuisiner ce que préférait Fairy : un plat uniquement fait avec des produits issus de son jardin, à savoir, dans le cas présent, une truite meunière avec des légumes du soleil.
—T’es certain qu-, commença Billy qui était assis au comptoir.
—OUI ! trancha fermement Salazar. Je ne tiens pas à empoisonner quelqu’un avec ce que tu cuisines !
Ce n’était pas qu’il était possessif envers cette partie de la maison mais entre Fairy qui dosait des fois mal sa magie – il n’avait toujours pas bien digéré la fois où elle avait fait pousser des bambous dans sa cuisine… –, Jaimie qui était loin d’être une manuelle quand cela sortait des domaines tels que la musique ou la peinture – dès que cette fille avait un marteau à la main, elle était un gros danger pour elle-même à l’inverse de sa sœur Fairy qui était un danger pour les autres – et Billy qui gérait très mal ses associations de goûts – avait-il seulement des papilles gustatives en bon état ? –, il estimait plus sûr pour tous que ce soit lui et lui seul qui se charge de faire les repas…
—Bon bon… Et Fairy devrait pas déjà avoir fini dans la salle de bain ?
L’ancien majordome haussa les épaules, estimant que leur amie avait bien le droit de prendre son temps vu le travail qu’elle avait dû fournir… même s’il devait reconnaître que cela devait bien faire un quart d’heure qu’il n’entendait plus rien venant d’en haut. A tout hasard, il faudra qu’il aille vérifier qu’elle ne s’était pas endormie avant de s’être rhabillée car ce serait bien son style.
Seulement, Fairy ne dormait pas car elle était assez préoccupée et la longue douche qu’elle avait prise n’avait pas aidé, bien au contraire. Du coup, elle avait attrapé une serviette et était allée dans sa chambre finir de sécher sa tignasse puis prit son téléphone pour vérifier les dernières photos prises avec.
Depuis que les smartphones avaient été inventés, la muse s’était vite familiarisée avec la photographie, à la base plus pour prendre des photos des choses qu’elle voulait que sa sœur Jaimie reproduise en peinture ou avoir des souvenirs visuels de ses sorties avec Billy et Salazar. Mais là , durant son grand ménage en ville, elle avait remarqué quelque chose de troublant et, ne pouvant prendre le temps d’y examiner avec attention, avait vite pris divers clichés pour y étudier plus au calme.
Un cercle de magie… et pas d’importe quel type : c’était le genre de cercle que l’on dessinait pour ouvrir des portails. Or, pour que des démons mineurs se pointent ici aussi nombreux, c’était qu’un truc les avaient attirés et à part ce cercle, elle ne voyait pas ce que cela pouvait être d’autre. Vu qu’elle doutait fort qu’ils soient passés par là , elle se demandait ce qui avait bien pu traverser ce portail… ou qui.
Rapidement, elle se connecta à une application de discussion instantanée et sélectionna « Glace à l’eau » parmi ses contacts à qui elle envoya les différents clichés. A peine dix secondes plus tard, elle eut une réponse.
« Toi aussi ? »
Elle était donc en ligne. Tant mieux ! Ca allait leur faire gagner du temps… qui risquait peut-être de leur être précieux vu que le bazar avait été plus vaste qu’elle ne l’avait pensé au départ. Pas bien bon signe ça… Elle se hâta donc de lui répondre.
« Ouais. Avec un bon lot de saletés qui ont saccagé mes plantes… Là , ils mangent les pissenlits par la racine. »
« Bien fait pour eux. Ceux que j’ai croisés ont fini en esquimaux et je ne les dégèlerai que quand j’aurais besoin de matériel bas de gamme. »
Un léger rire échappa à Fairy en lisant cette réponse. Ils avaient dû bien l’énerver pour qu’elle décide de procéder ainsi avec eux. Quoique maintenant qu’elle y repensait, il lui en fallait peu pour congeler quelqu’un…
« Ils doivent être adorables en statues de glace <3 ! Tu les as mis dans ton jardin ? »
« Nan, dans mon sous-sol. Ce sont quand même des méfiants à Forgotten Hollow mine de rien. :/ Et puis quand tu vis dans un coin où ils se battent juste parce que l’un d’eux a éternué, tu préfères éviter de les provoquer quand tu veux que l’on te fiche la paix un minimum… »
« J’avoue… »
En même temps, ce coin du monde souffrait d’une trop grande fréquentation démoniaque et vu la mentalité des gens du coin, avec un surplus de population, ils devaient à coup sûr se taper dessus pour des motifs de plus en plus insensés. Dans tous les cas, son contact avait encore des choses à lui dire visiblement…
« T’as une idée de qui a pu activer ces cercles ? »
« Aucune. Je n’ai vu personne d’autres que ces nazes. »
Il fallait être à la fois bon magicien et bien cinglé pour activer des cercles magiques avec de quoi attirer un tas de démons mineurs… Heureusement, la liste des suspects n’était pas si longue que ça, surtout avec Gabriel Blue qui était coincé à la Tour Mirage – Fairy pouvait aussi s’en ôter car jamais l’idée ne lui viendrait de faire un truc pareil sans raison valable, même si elle avait conscience qu’elle était certainement parmi les suspects possibles vu qu’elle avait les capacités pour surpasser les plus puissants magiciens du monde si elle le désirait.
Sa correspondante devait être en grande réflexion, celle-ci mettant un peu plus de temps que précédemment à lui répondre – possible aussi qu’elle ait eu le même raisonnement qu’elle mais la muse était certaine de son innocence car cette chère « Glace à l’eau » ne se serait pas amusée à faire cela chez les vampires.
« Hmmm… Moi j’ai croisé une fille que j’avais jamais vue mais je ne pense pas qu’elle soit derrière tout ça. Tu aurais approuvé son déguisement je pense. »
« Oh ? T’as une photo d’elle ? »
« Elle s’est barrée avant que j’y pense. Je suspecte que tu-sais-qui est enfin sortie de son trou pour mettre le bazar comme elle sait si bien le faire. »
Oh joie… Il fallait bien qu’elle revienne un jour celle-là mais Fairy était curieuse de savoir où elle avait réussi à se planquer… et si cela avait un lien avec l’énorme trou de mémoire qu’elle avait depuis quelques siècles et qui faisait qu’elle ne s’expliquait toujours pas pour quelle raison elle était passée de blonde à rousse – elle avait cependant son idée sur le comment car c’était le seul truc qui pouvait expliquer son amnésie partielle.
« Si c’est le cas, je n’ai pas ressenti de vague de haine ou de truc méchamment corrompu dans le coin mais j’exclu pas que j’ai pu le rater et que ça ait profité que je sois occupée pour se barrer. Et toi ? »
« Pareil mais je vais me renseigner comme je peux.  J’ai un autre truc à vérifier de toute façon donc ce sera l’occasion de tenter ma chance avec les fileuses. Ouvre l’œil de ton côté en attendant. »
« Comme toujours ! »
Donc cela ne s’était peut-être pas limité à Brindleton Bay et Forgotten Hollow… Fairy nota dans un coin de son crâne qu’elle ferait bien de zieuter les infos pour une fois… et aussi qu’elle avait intérêt à ressortir tout à l’heure pour refaire tout son trajet du début car, à chasser des intrus, elle en avait perdu son médaillon. Si elle ne remettait pas vite la main dessus, Jaimie allait la tuer !
Sur Forgotten Hollow, le soleil brillait plus intensément qu’à l’accoutumée, ce qui avait poussé les différents démons vivant en ces lieux à se retrancher chez eux ou à l’Outre-tombe le temps que vienne le crépuscule. Du coup, Colombine avait pu faire tranquillement le tour des lieux…
… jusqu’à s’arrêter devant un autel sur lequel trônait plusieurs bougies, certaines étant probablement allumées depuis l’aube.
—Certaines choses ne changent pas d’un monde à l’autre, constata-t-elle avec un sourire nostalgique.
Elle prit une profonde inspiration avant de cacher sa forme sombre, reprenant son apparence civile qu’elle avait passé plus de temps à dissimuler qu’autre chose, puis elle prit deux bougies éteintes qu’elle alluma… et fit pareil avec deux autres, son intuition lui dictant que c’était nécessaire. Enfin, elle resta plantée là , laissant remonter de vieux souvenirs, certains enfouis au plus profond d’elle et d’autres, plus frais, qui étaient encore très douloureux.
Quelle bien cruelle ironie que l’Epreuve l’ait envoyée à Forgotten Hollow, là où elle était née et avait passé une bonne partie de son enfance, coupée de tous, avant de se retrouver brutalement hors du manoir où elle était en sécurité, devenant l’ennemie à abattre à seulement une dizaine d’années. La petite fille innocente qu’elle avait été, celle qui était habituée à jouer seule dans sa chambre, avait vu son cœur se briser en mille morceaux le jour où son père avait été tué, la laissant à la merci de ce monstre qui lui avait déjà volé sa mère. La fuite avait été son seul salut et pendant des années, elle était restée cachée, aidée par les rares personnes qui étaient vraiment de son côté. Puis un jour, elle en avait eu assez et était devenue Colombine…
—Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi, dit-elle avec solennité. Je sais que je ne vous reverrai certainement jamais mais soyez certains que je ferai mon possible pour empêcher la Corruption de gagner encore une fois.
Elle prit une nouvelle inspiration et revêtit de nouveau sa forme sombre, celle qu’elle avait modifié en teignant ses cheveux châtains en blond et avec le costume de son alter ego qui était devenue comme sa seconde peau, lui permettant de cacher ses craintes et ses peurs derrière ce masque de bravoure qu’elle n’était toujours pas persuadée de mériter.
Elle ignorait toujours pourquoi l’Epreuve l’avait envoyée dans cet autre monde et elle se devait de trouver le pourquoi. Elle allait donc devoir enquêter… ainsi que découvrir où se trouvaient certaines personnes qui pouvaient faire basculer le sort de ce monde-ci.
Dans la modeste maison qu’elle occupait depuis quelques jours, cela après avoir abandonné cette cabane délabrée dans la forêt, Kate Frost terminait sa conversation avec « Mère Nature » puis envoya un message à une adresse mail pour demander un entretien urgent avec les « Trois enquiquineuses » qui, elle l’espérait, allaient vite être tentées de lui répondre pour lui dire le fond de leur pensée…
Ses espoirs ne furent pas vains : moins d’une minute après, son miroir se brouilla  et une forte odeur de renfermé envahie la pièce.
—« Enquiquineuses » ?! firent trois voix de femmes venant du miroir.
—J’ai longuement hésité entre « les trois vieilles folles qui se mêlent sans arrêt des affaires des autres » et ça mais la deuxième option me semblait plus polie, dit Kate avec un sourire en coin, trouvant cela très divertissant. Maintenant que vous êtes en ligne, on va pouvoir discuter…
—Et qui te dit qu-
—Maître Loki m’avait fait comprendre que vous étiez éternellement coincées dans votre prison et qu’il y avait de fortes chances que vous n’ayez rien de particulier à faire d’autre. Je me trompe ?
Le long silence qui suivit sa déclaration lui confirma que le plus fourbe des dieux d’Asgard ne lui avait pas menti sur les Moires : ces trois-là , enfermées dans une dimension inconnue, devaient s’ennuyer ferme depuis pas mal de siècles vu comme elles semblaient trouver drôle de balancer des prophéties au premier voyant venu – elle ignorait cependant s’il avait dit vrai sur la raison de cette sentence, à savoir qu’elles auraient eu la mauvaise idée de révéler devant tous les dieux de l’Olympe les infidélités répétées de Zeus, Apollon et Aphrodite, un fait qui n’aurait pas du tout été apprécié par les principaux concernés et leurs conjoints cocufiés…
—Qu’est-ce que tu nous veux Katarina ? demanda l’une des Moires sur un ton trahissant son agacement.
—Longtemps que plus personne ne m’appelle ainsi… fit la Jotun qui n’était guère nostalgique de son ancien nom. J’imagine que vous savez pour les cercles qui ont été découverts ?
—Les portails ? Nous en avons trouvé cinq pour le moment… mais pas ce qui est venu avec.
—Nous avons donc au moins cinq potentiels visiteurs ?
—Difficile à dire… Nous sommes sures pour une personne à cause de son alignement rare mais pour le reste, nous cherchons encore mais vu qu’ils viennent d’un autre monde, la tâche est très ardue.
—Pour ce qui est de qui les as placés… commença une seconde Moire en grognant. On peut dire que ça date de cette année. Le coupable a réussi à se cacher de nous, surement grâce à un vieil artefact ou en usant de ces portails…
Tiens ? Donc il était possible d’échapper au regard et à l’influence des trois fileuses du destin ? Aucun doute que ça devait bien les agacer… mais cela signifiait aussi que ce ne serait pas possible de prendre plus de renseignements sur ce point précis. Heureusement, elle avait d’autres questions plus en lien avec ses recherches généalogiques…
—Il y a d’autres choses qui m’intriguent, précisa Kate, changeant de sujet. J’ai consulté des documents que Straud a volés il y a un moment déjà et qui semblent avoir appartenus à Viktor d’Avalon. Est-ce vrai qu’il a tout fait pour renoncer à son héritage sur le royaume et Excalibur ?
—Oui, lui confirmèrent les Moires. En réalité, même les magiciens de la famille royale pouvaient hériter du trône et de l’épée mais l’Eglise y était opposée suite à une mauvaise interprétation d’anciens textes que Viktor a semble-t-il mieux compris qu’eux vu qu’il a pu effectuer le rituel pour couper tout lien possible entre lui et Excalibur. Même s’il l’avait obtenue, il n’aurait jamais pu régner et ça, il le savait très bien. Cela s’étend bien sûr à sa descendance directe mais nous pouvons certifier qu’il n’a jamais eu d’enfants.
—Donc cela signifie qu’après la mort de Joshua le Téméraire, c’est un des descendants de Teresa qui aurait dû régner…
—Tout à fait. La lignée de Joshua VI passe avant celle de Teresa d’Avalon mais si l’Eglise ne s’en était pas mêlée à ce point, ce ne serait pas un tel sac de nœuds à démêler pour toi Katarina.
Kate ne pouvait qu’être d’accord : le fait que Teresa ait été écartée d’Avalon et que l’Eglise ait tout fait pour la rayer des documents officiels après sa mort lui avait compliqué la tache pour savoir combien d’enfants elle avait eu et ce qui lui restait comme héritiers encore en vie – le Clergé avait, en prime, changé les noms de ces enfants avant de les séparer, ce qui ne l’avait pas aidée pour retrouver leur trace. Au jour d’aujourd’hui, elle avait identifié cinq descendants de cette femme qui étaient en vie mais elle suspectait fort qu’elle n’en trouverait pas d’autre. En revanche, pour la descendance du Téméraire…
—Et pour Iris ? demanda la Jotun, repensant à la fille illégitime de Joshua VI. Je l’avais déjà rencontrée et, du peu que je me souviens, elle avait un fils…
—Gabriel est toujours l’héritier légitime d’Avalon, répondirent les Moires, confirmant l’identité du premier de sa liste. En revanche, une vingtaine d’années plus tôt, il a eu un fils…
Soudain, elle entendit des ricanements venir du miroir, comme si cela amusait grandement les trois fileuses. Qu’est-ce que le deuxième héritier d’Avalon avait de si particulier pour qu’elles trouvent cela drôle ?
—C’est un comique pour que cela vous fasse rire ? questionna Kate, quelque peu agacée.
—Oh non ! s’exclamèrent les Moires qui étaient toujours en train de ricaner. C’est plutôt la réaction que tu auras en sachant ce qu’il est qui nous amuse.
Leurs rires commençaient sérieusement à l’ennuyer et à cet instant, elle regrettait amèrement de ne pas pouvoir accéder à leur prison afin de leur rafraichir les idées une bonne fois pour toutes…
—Ce garçon est très intéressant, poursuivit l’une des fileuses du destin sur un ton qui trahissait son amusement. S’il avait vécu au temps du Téméraire, l’Eglise aurait été plus qu’outrée de voir un être tel que lui exister et elle l’aurait surement envoyé au bûcher pour cette raison. A tort cependant car il a un immense… potentiel.
—Quel dommage qu’il rejette une part entière de lui ! s’exclama une seconde Moire. S’il l’acceptait, les plus puissants démons auraient du souci à se faire mais le jeune Ezekiel persiste à ne vouloir qu’être un sorcier alors que sa part démoniaque lui permettrait d’imposer le respect à certains démons puissants mais écervelés ! Sérieusement, qui déclenche une bagarre pour un rouleau de papier toilettes ?
—Ezekiel ? fit Kate, ayant déjà ce nom une fois à l’Outre-tombe, probablement dans la bouche de Lilith Vatore. Un sorcier à moitié démon ? Jusque-là je ne v-
Puis soudain, la Jotun se souvint avec qui Gabriel Blue vivait… ou plutôt quel démon car, pour avoir déjà eu de très violents accrochages avec cette espèce, elle comprit tout de suite pourquoi les Moires s’amusaient d’avance de sa réaction : il était le fils de Cordelia Magenta, faisant qu’il était à moitié incube.
Enragée en entendant les Moires rire à travers le miroir, Kate décida de mettre brutalement fin à cet entretien… en gelant son miroir qui, ne supportant visiblement guère ce si brusque changement de température, se fissura au contact de sa magie, faisant qu’à présent, il était bon à jeter.
Mais cela, elle n’en avait cure… Il y avait un nouvel incube dans la nature, qui plus est un potentiel héritier d’Avalon. Si Loki était là , nul doute que cela l’amuserait beaucoup sauf que pour la Jotun, cela signifiait des problèmes en perspective le jour où il allait se décider à accepter cette part de lui.
—J’avais vraiment pas besoin de ça ! grinça-t-elle entre ses dents.
Ca bouleversait tous ses plans… car à présent, sa priorité allait être de lui mettre la main dessus dès que possible.
Dans une dimension obscure et inaccessible, les Moires constatèrent que leur interlocutrice avait très mal pris cette nouvelle, exactement comme elles l’avaient prévu. Elles étaient cependant un peu déçues de ne pas avoir réussi à garder le suspense plus longtemps…
—Quel dommage que nous n’ayons pas réussi à la faire mariner un peu plus, fit la première fileuse en soupirant. C’était une bonne distraction…
—De toute manière, nous lui avons dit bien plus que nous n’aurions du le faire, signala la deuxième en fronçant le nez. Je crains que nous n’ayons un peu outrepassé nos fonctions…
—Et qui va nous taper dessus pour ça ? rappela la troisième d’entre elles avec justesse. Excepté peut-être Erato qui a le médaillon de Perséphone, personne ne peut accéder à notre prison.
—C’est vrai…
Normalement, leur rôle se limitait à surveiller le destin des humains et des êtres surnaturels mais parfois, quand elles repérait un potentiel danger d’une importance proche de celle du redoutable Ragnarok, elles envoyait une vision au voyant le plus proche et, par chance, Margaux la Ténébreuse était au sein d’Avalon lorsqu’elles l’avait avertie de la chute d’Avalon – certes, cela n’avait pas empêché cet évènement de se produire, entrainant dans son sillage la fin d’Elysia, mais cette magicienne avait réussi, sans le savoir à l’époque, à infliger un sacré coup dur à la personne qui tirait les ficelles depuis tout ce temps.
—Il est dommage que nous ne puissions voir ce qu’il se passe au sein du Jugement, grimaça le seconde Moire. Beaucoup de choses vont s’y jouer et, si nous avons vu juste, cette sale teigne qui nous nargue depuis des lustres va être bien obligée de s’y montrer à découvert !
—Teresa d’Avalon avait été une des premières à voir clair dans son jeu, raison pour laquelle elle l’a écartée puis éliminée avant que nous ne puissions réagir, rappela la troisième en grognant. Il est d’ailleurs plus que suspect que cette semeuse de chaos ait réussi à pénétrer au sein d’Avalon alors que Loki avait placé un sort sur ces terres et fait forger Excalibur dès qu’il a réalisé ce qu’elle préparait…
—Patiente comme elle l’est, elle a certainement dû être celle ayant réussi à intégrer un magicien, qui plus est descendant de la première Lumineuse, au sein de la famille royale pour briser cette protection, suspecta la première Moire. Rappelez-vous qu’il était bien curieux qu’il fasse route vers Avalon à cette époque alors que son destin indiquait qu’il n’aurait dû s’y rendre que bien des années plus tard…
—C’est exact… Surtout que le mage Xanthe n’aurait jamais dû exister en premier lieu ! La ligne temporelle a dû créer Viktor et Teresa pour compenser cette grave altération mais cela n’a pas fonctionné.
La mort tragique et suspecte de Leliana avait causé une brèche dans la psyché du jeune Viktor mais l’influence de Teresa ainsi que de Joshua le Téméraire, tous deux étant solides d’un point de vue psychique, auraient dû largement suffire à la combler… mais cette saleté était intervenue avant et, dès qu’elle voyait que cette faiblesse risquait de ne plus être exploitable, elle agissait, soit sur le garçon en lui-même, soit sur son entourage. Au jour d’aujourd’hui, les Moires étaient incapables de dire si l’âme de Viktor avait fini par succomber et être entièrement annihilée ou si Margaux avait réussi à le sauver in extremis grâce à la création des Tomes de pouvoir. Surtout, s’il restait encore un fragment de lui lors de la séparation des dits-Tomes, combien de temps avait-il survécu ? L’influence corrompue de cette semeuse de chaos rendant illisible le destin de sa victime.
—Nous sommes pieds et poings liés mes sœurs, soupira la première des Moires, leur rappelant leur condition qui durait depuis des millénaires. Nous n’avons pas d’autres choix que d’essayer de démêler ce sac de nœuds qu’est le futur pour trouver un indice sur les plans de l’ennemie. Ces portails ont forcément une raison d’être et je doute fort qu’elle n’ait attiré ces démons uniquement pour répandre le chaos. Ils servaient probablement de diversion…
—Et puis il y a toujours son choix d’hôte qui est bien curieux, souligna la troisième Moire, pensive. Je vais voir s’il n’y a pas un moyen d’entrevoir le Jugement d’une manière ou d’une autre…
Elles n’avaient pas vraiment mieux à faire, étant condamnées à être simples spectatrices pour l’éternité avec de rares opportunités leur permettant d’agir sur le destin de tous. Il fallait qu’elles trouvent comment la semeuse de Chaos opérait car vu ce qu’elles savaient d’elle, il devenait urgent de la neutraliser… surtout que pour qu’elle choisisse Ezekiel Blue-Magenta comme victime alors qu’il ne correspondait pas à ses cibles habituelles, c’était peut-être qu’elle avait un projet de vengeance envers Joshua le Téméraire…
Dans un lieu qui lui était inconnu, Ezekiel ouvrit difficilement les yeux, percevant le bruit des vagues en contrebas et le vent qui soufflait sur sa peau. Que faisait-il ici ?
Avec difficultés, il se leva avec l’étrange impression de revenir d’une soirée bien arrosée – il n’avait jamais dépassé ce genre de limites, n’étant pas trop amateur de ce genre de boissons, surtout depuis qu’il avait découvert que certaines lui garantissaient des migraines très violentes le lendemain. Il avait aussi l’impression que son esprit était embrumé, faisant qu’il doutait d’être capable d’user de sa magie… ce qui se confirma bien malgré lui quand il s’aperçut qu’il avait de nouveau perdu sa baguette magique.
—Je suis où au juste ?
Ces montagnes lui évoquaient vaguement quelque chose mais elles n’avaient rien à voir avec Newcrest ou Oasis Springs et, vu la ville se trouvant à leurs pieds, il pouvait exclure Granite Falls – il n’y était pas allé mais il savait que c’était le lieu d’où son père venait, celui-ci lui ayant confié avoir passé son enfance à crapahuter dans cette région avant qu’elle ne devienne le coin favori des campeurs.
Ezekiel se passa une main sur le visage, essayant de se rappeler tant bien que mal de comment il avait bien pu atterrir ici… mais face au grand blanc de sa mémoire, il soupira de dépit, maudissant cette amnésie qui ne l’arrangeait pas du tout, la dernière chose dont il se souvenait était qu’il se trouvait dans la rue marchande à Newcrest.
—Bon ben je n’ai plus qu’à prier pour ne pas me faire tuer par ma mère en rentrant…
Il chercha son téléphone dans sa poche… puis fouilla dans une autre, le tout pour s’apercevoir que celui-ci manquait à l’appel. Très étrange car il avait pour habitude de ne jamais s’en séparer, ce qui avait toujours bien arrangé ses parents quand ils voulaient le contacter. L’aurait-il perdu lui aussi ? Comment cela était-il possible ?
En entendant des bruits de pas venir dans sa direction, Ezekiel se tourna et fut surpris de s’apercevoir qu’une femme qu’il ne connaissait point était juste derrière lui, faisant qu’il se demanda à quel point ses sens étaient diminués pour qu’il ne s’en soit pas aperçu avant.
—Je vous ai fait peur ? demanda-t-elle, l’air intriguée. Vous avez l’air désorienté…
—Oui, c’est vrai… admit-il, quelque peu embêté de s’être fait avoir ainsi. Où sommes-nous au juste ?
—Ce sont les Falaises de Windenburg. Il y a souvent des fêtes ici.
… WINDENBURG ?! Mais c’était à plusieurs heures de route de là où il vivait ! Forgotten Hollow était à mi-chemin et il lui avait déjà fallu prendre deux bus différents pour y aller mais quelle raison aurait-il eue de se pointer dans cette ville où il ne connaissait pers-… Quoiqu’en y réfléchissant, il lui semblait y connaître au moins une personne mais impossible pour lui de se rappeler qui, sa mémoire lui faisant défaut sur ce point précis – ça commençait à être agaçant pour lui de ne pas réussir à se rappeler certaines choses.
Perdu comme il l’était et sans moyen de communication à portée de main, il n’avait pas trop d’options…
—A tout hasard, vous pourriez me conduire en ville ? demanda-t-il, jugeant que c’était le meilleur choix disponible. Je ne me souviens pas vraiment de comment j’ai atterri ici et peut-être que je trouverai quelqu’un qui a la réponse.
—Hé… Bien sûr, répondit-elle avec un sourire. Windenburg regorge d’endroits… fascinants.
Ezekiel essayait de se concentrer pour lire en elle mais ses sens étaient tellement perturbés qu’il n’y parvenait pas. Tout ce qu’il savait, c’était que bien qu’elle n’était pas laide, il y avait quelque chose chez elle qui le titillait mais il suspectait que cela venait de son aversion pour les blondes car, au premier regard, rien ne semblait clocher chez elle.
—J’en conclus que vous êtes d’ici ? supposa-t-il.
—Si on veut, répondit-elle en haussant légèrement les épaules. J’y ai vécu quelques temps et cela ne fait que quelques heures que je suis revenue. Beaucoup de choses ont changé ici et d’autres sont restées comme avant, comme dans n’importe quelle ville…
—C’est certain. Vous pensez quand même pouvoir m’aider à trouver une personne que je connais ? Je suis certain qu’il y a quelqu’un dans cette ville que je dois trouver…
—Ce ne sera pas un souci… et puis, je ne suis pas du genre à juger…
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Chapitre 21 : RĂ©sistance
Face à cette nuit étrange et cette arrivée de démons un peu partout, la panique régnait dans le monde, la majorité ne sachant comment réagir face à ces créatures surnaturelles aussi affreuses qu’hostiles. Personne ne semblait capable d’enrayer cette vague maléfique qui déferlait…
Cependant, certains ne comptaient pas se laisser faire, à commencer par les habitants de Forgotten Hollow, bastion des vampires depuis des décennies et qu’eux, ainsi que leurs alliés surnaturels, n’avaient aucune intention de laisser derrière sans se battre pour le conserver, même si cela devait se finir en combat à mort.
Lilith Vatore était très motivée à défendre ce lieu car elle y était née et tout ce à quoi elle tenait s’y trouvait : sa maison, ses lieux préférés, ses souvenirs d’enfance aux côtés de son père et, surtout, son frère Caleb. Donc ce ne sera pas un sale démon hargneux qui allait la chasser d’ici !
—Bravo sœurette ! l’applaudit Caleb après qu’elle ait vaincu son dernier adversaire. Tu m’as battu ! Ça fait huit à cinq du coup.
—Ça risque encore de changer au rythme auquel ces saletés se pointent ! s’exclama-t-elle après que son ennemie se soit évanouie au sol. Ils sortent d’où au juste ?!
Si ça continuait, ils allaient les avoir à l’usure et Lilith se doutait bien qu’avec une telle cadence, elle et Caleb n’allaient pas tenir très longtemps. Il fallait réussir à les repousser une bonne fois pour toutes mais comment ?
Soudain, elle réalisa qu’une présence hostile s’était approchée d’elle à son insu, profitant de sa fatigue… puis un vampire qu’elle exécrait par-dessus tout la poussa sur le côté, attrapant son assaillant par la nuque avec une poigne solide.
—Je peux savoir ce que vous fichez à bailler aux corneilles ?! s’exclama Straud en resserrant sa prise sur sa victime. Restez sur vos gardes ! Ces vermines sont de sales petits opportunistes qui s’abaissent à tous les coups bas qu’ils peuvent !
—Heu… Oui Straud !
Il allait y avoir une tempête sur Forgotten Hollow : Vladislaus Straud, leur ennemi juré, venait de leur sauver la peau. Un jour à marquer d’une pierre blanche…
D’ailleurs, Lilith Vatore n’avait pas tort en suspectant une météo défavorable dans les prochaines minutes car dans une autre partie de la ville, d’autres démons avaient cerné ce qu’ils pensaient être une simple mortelle, attirant sur eux l’attention de quelqu’un d’autre qui était bien déterminé à leur botter les fesses.
—Hey ! s’exclama Colombine en prenant son bâton en main. Deux contre une, ce n’est pas équitable ! Essayez donc de me vaincre si vous êtes si forts !
—Ah ! Mais je n’avais pas besoin d’aide tu sais…
Colombine fut d’abord intriguée par la remarque de la jeune femme… avant que celle-ci ne change d’apparence, faisant chuter la température au même moment et lui faisant comprendre que cette fille n’était probablement pas sans défense.
—Hein ?! fit un des démons, surpris. J’croyais que c’était une humaine moi ?!
—Moi ? Humaine ? répliqua Kate Frost sur un ton acide avant de partir dans un rire qui leur glaça le sang. C’est d’un ennui ces démons de seconde zone…
Dans un coin de sa tête, Colombine se disait qu’elle ferait peut-être mieux de déguerpir d’ici car cette fille semblait plus coriace qu’elle… mais elle se ravisa car, là , ce n’était pas dans son intérêt de fuir et de courir le risque d’être coincée par un plus grand groupe de démons mineurs.
—Tu prends qui la nouvelle ? demanda Kate Frost avant de lâcher un soupir blasé. J’ai pas de préférence vu qu’ils ne vont amener aucun challenge….
—Moi non plus tu sais… répondit Colombine qui ne savait guère comment se comporter aux côtés de celle qui n’était manifestement pas un démon vu son aura glaçante.
—L’usage ici est de taper puis de discuter après mais, personnellement, je préfère congeler puis disséquer quand ça me tape sur les nerfs. Oh et bienvenue à Forgotten Hollow.
—Merci…
Autant dire que Colombine comptait bien ne pas se mettre son comité d’accueil à dos… surtout en voyant de la glace se former sous les pieds de Kate Frost.
Parmi la résistance contre ces démons, le quartier asiatique de Newcrest pouvait se targuer d’avoir les combattants les mieux formés à lutter contre eux. Lorsque ceux-ci apparurent sur le terrain du Matsuri, Momoko et Yamato réagirent instantanément en attrapant leurs katanas et en allant protéger la seule civile présente.
—Mais d’où sortent-ils ?! s’étonna Momoko qui reconnut ces démons comme étant du même acabit que ceux qu’ils avaient affrontés avec Ezekiel.
—Nous nous en soucierons après que nous leur ayons montré qui commande ici, déclara Yamato, prêt à leur régler leur compte. Quant à vous mademoiselle, il serait préférable que vous alliez vous mettre à l’abri.
—D’a-accord… fit Erika en grimaçant.
Sincèrement, Erika Muerte était très partagée. D’une part, elle regrettait amèrement d’être venue chercher son téléphone qu’elle avait oublié et d’autre part, ce samouraï était plutôt mignon et elle avait très envie de savoir s’il était célibataire… ainsi que découvrir à quoi il ressemblait sans le kimono.
A Oasis Springs, Iowa et cette fille mystérieuse avaient réussi à se cacher dans les toilettes avant d’être vus et, en tendant l’oreille, il s’aperçut que les démons n’avaient peut-être pas bougé, ce qui intriguait un peu le professeur.
—Etrange qu’ils ne viennent pas par ici, dit-il à voix basse en gardant un œil sur la porte. On dirait qu’ils sont restés dans l’entrée.
—Le sarcophage d’Isis en est surement la cause, répondit l’inconnue, pensive. Il sent la présence des démons et doit probablement les maintenir à distance pour ne pas qu’ils ne pillent cet endroit mais je ne sais pas combien de temps il tiendra seul.
En entendant cela, Iowa réalisa soudainement pourquoi cette fille lui rappelait quelqu’un… ou plutôt, pourquoi elle lui évoquait deux personnes qui n’étaient plus de ce monde.
—Vous êtes une Sahara, c’est ça ? supposa-t-il, estimant que c’était la seule réponse possible au fait qu’elle sache ce qu’était ce sarcophage.
—Je m’appelle Soraya, se présenta-t-elle. Pour les explications, je vous propose, si on sort d’ici vivants, de vous les offrir autour d’un verre.
—Entendu. Par contre, même si ce n’est pas ma première rencontre avec le surnaturel, mes connaissances dans le domaine sont très limitées…
—Tant que vous pouvez suivre mes pas de danse ça m’ira… et aussi que vous vous retourniez le temps que je me change.
Iowa comprit mieux pourquoi elle avait un grand sac avec elle en la voyant sortir une perruque et ce qui ressemblait fort à une tenue de cérémonie qu’il avait pu voir dans un document trouvé dans les archives d’Heaven. Il fit donc face à la porte le temps nécessaire bien qu’étant homosexuel, il savait très bien que Soraya allait le laisser de marbre – et puis bon, il avait son petit copain qui, s’il n’était pas en train de s’abîmer les yeux sur son écran d’ordinateur, devait être en train de dormir dans leur chambre d’hôtel si tout se passait bien.
Du côté de Brindleton Bay, combattre des démons était plus compliqué pour Salazar et Billy, tous deux étant dotés de pouvoirs qui étaient plus inoffensifs qu’autre chose. Leur seule option était donc la fuite pure et simple pour pouvoir distancer leurs poursuivants… ce qui n’était pas gagné.
Cependant, le plus âgé des deux eut une idée et, au lieu de partir en direction de la rivière et de la forêt, il bifurqua pour prendre le sentier menant à l’étang, le tout en espérant au plus profond de lui qu’une certaine personne n’était pas partie en douce pour faire on ne sait quoi et qu’elle était soit en train de jardiner, soit en train de dormir – tant qu’elle était chez elle, son idée pouvait fonctionner. Il continua de courir, dépassant l’arbre aux fleurs roses qui avait cette fâcheuse manie de briller la nuit.
—Sal’ ! hurla Billy derrière lui. Mais qu’est-ce que tu fiches ?! Tu les attires chez nous !
—Pas exactement ! répliqua Salazar en s’arrêtant brutalement. Nous sommes arrivés !
—HEIN ?!
Son collègue et ami le fixa avec de grands yeux ronds, pensant clairement qu’il était devenu fou, avant de pousser un soupir résigné quand leurs poursuivants se montrèrent à leur tour, marchant sur les fleurs se trouvant sur leur passage.
—Bon ben ça y est mon pote, on est morts ! s’exclama Billy en haussant les épaules. Ravi de t’av-
—Je t’assure que nous avons encore de beaux jours devant nous, le coupa Salazar avec un sourire quelque peu malicieux. Tu te souviens de la fois où tu as voulu offrir des fleurs à Jaimie ?
—La plus belle femme de l’univers ? Comment oublier ces yeux bleus comme un ciel sans nuages, ce rire qui résonne encore plus que du cristal, s-
Puis soudain, son ami venait de comprendre ce qu’il se tramait, son teint venant de blêmir en se remémorant ce fameux jour où il s’était attiré le courroux de la maîtresse des lieux…
—Oh non… lâcha Billy dont les yeux marrons virent que leurs poursuivants avaient écrasé une bonne dizaine d’iris. Si moi elle avait tenté de m’étrangler avec des rosiers pour une fleur coupée, alors eux…
—Tu as compris à ce que je vois, s’en amusa Salazar qui se souvenait bien du jour où son ami avait vu sa vie défiler devant ses yeux.
—T’es le pire d’entre nous en fait ! Je comprends mieux maintenant pourquoi elle te traite de filou !
Heureusement qu’il en était un car autrement, le nombre de muses aurait déjà été réduit de moitié…
Les deux démons, n’ayant aucune connaissance des dangers de ce lieu, avaient piétinés nombre de fleurs sur leur passage et l’un d’eux, pensant que leurs futures victimes avaient compris qu’elles étaient fichues, avait même été jusqu’à arracher d’un coup sec un arbuste qui avait été fraichement planté juste pour le plaisir de tout saccager. Seulement, ils n’allaient pas tarder à en payer le prix car en faisant cela, ils avaient attiré sur eux le courroux de la propriétaire du jardin…
—Que ?! fit un des démons en jetant un œil an arrière. Il était là ce mur végétal ?
—Qu’est-ce que j’en sais ? répliqua l’autre, trop confiant. Moi j’ai hâte de leur tordre l-
Brusquement, d’autres murs de rosiers se dressèrent tout autour d’eux, cela jusqu’à les isoler totalement. D’abord surpris de ce phénomène, ils tentèrent de passer au travers mais les épines s’y trouvant étaient particulièrement solides et pointues, comme si infusées de magie.
Alors qu’ils se demandaient comment sortir de là , un petit rire très agaçant attira leur attention : quelqu’un était avec eux.
—Tu es qui toi au juste ?! fit l’un d’eux. D’où tu sors ?!
—Hi hi hi… répondit leur adversaire avec un sourire mauvais. Voyez-vous, de base, j’aime pas du tout les démons mais certains de vos pairs avaient… redoré votre image ? Pour faire simple, j’en étais venue à vous tolérer tant que vous respectiez un minimum les règles de bon voisinage…
Vu leurs têtes, ils ne savaient clairement pas où ils étaient tombés… et vu que ces saletés avaient sciemment détruit une partie de son ouvrage sans en exprimer le moindre remord, la diplomatie pouvait être jetée aux oubliettes au profit de la loi du Talion. Après tout, c’était la règle que sa sœur et elle appliquait en cas d’accrochage avec un démon à Brindleton Bay : pas de quartier !
—J’suis p’ete pas avantagée la nuit mais ici, bande de nazes, c’est chez moi ! lança Fairy avec un grand sourire. Bye bye !
D’un claquement de doigts, elle fit surgir des branches épineuses qui entourèrent les deux démons avant de prendre de l’ampleur… devenant progressivement un énorme rosier qui piégea ses victimes dans ses branches et ses feuilles, étouffant leurs cris en ne leur laissant aucune échappatoire possible et les condamnant à finir comme engrais pour ses plantes.
Une fois que le rosier eut entièrement absorbé les démons, Fairy renvoya ses barrières végétales dans le sol puis, jetant un regard noir à ses deux camarades, vint les rejoindre pour comprendre ce qu’ils avaient bien pu faire pour attirer ces deux saletés chez elle.
—Je peux savoir lequel de vous deux a eu la brillante idée de me réveiller en fanfare avec ces trucs ?! fit-elle en désignant le rosier avec lequel elle s’en était débarrassée.
—Salazar, dénonça Billy.
—J’aurais dû me douter que c’était ton plan Moustache…
—Excuse-moi d’avoir voulu sauver nos peaux, répliqua Salazar, peu impressionné par Fairy. Au cas où tu l’aurais oublié, aucun de nous ne peut faire ce que tu fais, surtout qu’aucun de nous n’avait vu de démon ici depuis notre installation.
—Donc j’vais devoir ratisser la ville pour voir si y a d’autres saletés de ce genre et les virer avant qu’ils ne saccagent tout ! J’oublierai que tu les as attirés chez moi si tu me fais mon plat préféré !
—Vendu ! Billy te racontera des blagues pendant que tu manges.
C’était honnête comme échange… surtout qu’elle allait avoir du taf en perspective pour se débarrasser de tous les démons qui pouvaient représenter un danger à Brindleton Bay. Le bon côté, c’était que la végétation allait très bien se porter cette année une fois qu’elle aura fini son ménage…
A Windenburg, Belthelda, à sa grande surprise, avait réussi à survivre à Ezekiel, probablement grâce à sa constitution d’ogresse qui restait plus solide que celle de beaucoup de démons, faisant qu’elle avait juste dû rester un bon moment dans les vapes vu qu’il faisait nuit. Cependant, vu comme elle avait du mal à respirer, elle avait sacrément morflé et devait se nourrir au plus vite si elle voulait récupérer.
Seulement, elle avait un petit souci en la personne de deux démons de bas étages qui semblaient très tentés à l’idée de se débarrasser d’un de leurs principaux prédateurs.
—Combien tu penses qu’elle a mangé des nôtres celle-là  ?
—C’est une ogresse donc des centaines ! Tout ça pour une question de chaine alimentaire…
Si les ogres ne faisaient pas de temps en temps un petit buffet de ce type de démons, le nombre de raids à travers le monde serait bien plus élevé qu’il ne l’était actuellement et les guerres contre les créatures surnaturelles auraient repris de plus belle. De toute façon, ces petits démons de bas étage n’avaient généralement rien dans la tête et pensaient plus à foutre le souk pour leur propre plaisir qu’autre chose, ce qui les mettaient au même niveau que les gobelins, c’est-à -dire dans les créatures surnaturelles dites nuisibles et qu’il ne fallait surtout pas laisser proliférer.
—On fait quoi en premier ? On lui arrache la tête ?
—Et si o- Gnéé….
Qu’est-ce que… Un truc bizarre était en train de se produire apparemment car le premier démon trouvait étrange que son compère devienne soudainement amorphe. Seulement, au moment où Belthelda vit l’autre démon encore frais changer d’attitude, elle se demanda sérieusement ce qu’il se passait.
—Un Mississipi, deux Mississipi…
—… et la poule picorait du pain dur pendant qu’il se roulait par terre depuis quatorze minutes après qu’un moucheron l’ait effleuré à la joue…
—D’accord… fit l’ogresse, stupéfaite. Je sais pas ce que vous avez mais c’est en train de me couper l’appétit…
—Ce n’est pas contagieux ce qu’ils ont.
Cette voix… Belthelda ouvrit grand les narines, réalisant qu’elle avait manqué cette odeur de mort si caractéristique des vampires, l’ennemi naturel des ogres. Seulement, elle était ponctuée par un léger parfum de bois de santal mêlé à une fragrance quelque peu anisée qui était typique du seul suceur de sang avec lequel elle s’entendait bien – il devait d’ailleurs être accompagné car il n’y avait aucune chance pour que ce soit lui qui sente ainsi les agrumes. Elle eut confirmation que son odorat ne l’avait pas trompée quand elle vit une vieille connaissance de Forgotten Hollow.
—T’as l’air en forme depuis la dernière fois, fit-elle remarquer en constatant que son camarade avait adopté un style vestimentaire plus actuel bien que gardant une certaine classe. Ca fait quoi… deux ans ?
—A peu près oui, confirma-t-il avec un léger sourire amusé. J’avoue que je n’aurais jamais pensé devoir un jour te tirer d’affaire vu le nombre de bagarres que tu gagnais à la sortie de l’Outre-Tombe.
—Quelqu’un m’a affaiblie et ces deux là voulaient en profiter. Pour la peine, ils vont me servir de dîner car là , j’ai vraiment besoin de récupérer.
—Dès qu’elle aura terminé, ils seront tout à toi.
En tournant la tête vers leurs deux démons, Belthelda vit que la deuxième vampire avait attrapé un des deux démons sous hypnose et était en train… de quoi au juste ? Ca ne sentait pas le sang…
—Elle fait quoi au juste ? demanda l’ogresse, intriguée.
—Elle leur pique quelques ténèbres, répondit son vieil ami l’air de rien. Je suis surpris que Kate n’ait dit à personne que tu avais déménagé ici. Vous n’étiez pas proches j’imagine…
—Kate ? C’est qui ça ?
—… Celle qui prétend que tu lui avais cédé ta maison en partant.
Aux dernières nouvelles, Belthelda avait laissé la cabane de bucheron où elle vivait sans un regard en arrière… Possible que cette fille la lui ait piquée par la suite mais c’était un peu curieux qu’elle ait déclaré autre chose.
—Je l’ai abandonnée ma bicoque donc j’peux te confirmer qu’elle a dit des salades, dit-elle sans trop chercher à creuser. Par contre, tu tombes vraiment bien car j’crains que des potes à moi soit en danger.
—Dis m’en plus, fit le vampire, visiblement très intéressé.
—En fait, j’bosse pour une sorcière pas très commode qui voulait que j’éloigne un peu les curieux mais aujourd’hui, son frère et moi étions en ville avec la fille qu’ils protégeaient quand on est tombés sur un semi-démon qui voulait tuer quelqu’un. Sirius, le frère de la sorcière et aussi mon ami, l’a emmenée pendant que je leur faisais gagner du temps mais ce sale demi-incube m’a blousée avec ses pouvoirs et m’a mise KO.
—A moitié incube tu dis ? Il ne serait pas roux et un peu agaçant à tout hasard ?
—Roux, oui, et agaçant… si tu parles de la manière dont il m’a battue, ça colle assez. Tu le connais ?
—Oh oui… Rien que l’idée de lui coller mon poing dans la figure afin de te venger me met en joie. Quelle direction ?
—L’île de Windenburg à coup sûr pour Sirius. Tu peux pas le rater : il sent le sapin grillé et la pomme de pin fumée !
—Je prends note.
Il siffla un bon coup, attirant l’attention de l’autre vampire qui venait de terminer de s’occuper des deux démons puis, après un signe de la tête, ils partirent tous deux en direction du port… laissant à l’ogresse le soin de faire disparaitre ces deux nuisibles pour de bon et aller faire un peu de ménage en ville.
Au Manoir Von Haunt, le bâtiment avait été fermé dans l’urgence, faisant que personne, excepté des fantômes, n’était en train d’y rôder. Un vrai coup de chance pour eux car du coup, personne ne les vit arriver et ils purent ainsi fouiller les lieux, cela jusqu’à ce que Jaimie repère ce qu’ils cherchaient : l’origine du sort qui avait été lancé.
—Vous aviez raison Margaux, dit-elle en fixant le cercle au sol.
—Certaines choses ne changent pas, même après un millénaire, déclara la magicienne, la mine sombre. Seulement, il semblerait que nous soyons arrivés un peu tard…
—Rien n’est certain, leur fit remarquer Gabriel dont les yeux bleus analysaient les environs. Cordelia est en train de déplacer la Tour Mirage dans un lieu plus riche en ténèbres donc dès qu’elle aura terminé, nous pourrons passer à l’action et briser cette magie.
Sa compagne avait été enragée de ne pas pouvoir venir avec eux mais elle était la seule à pouvoir mettre en place la nouvelle version de leur tour – quoique le terme « Bastion » serait plus approprié à présent – à Forgotten Hollow, l’endroit où l’on pouvait trouver la plus grande quantité de ténèbres et d’où elle allait devoir leur envoyer celles-ci droit sur eux afin de contrer la corruption lumineuse qui, pour le moment, faisait sortir tous les démons mineurs des environs.
Qui plus est, même s’ils avaient beaucoup de choses dont ils devaient parler avec Margaux, cela allait devoir attendre, surtout qu’elle avait insisté sur le fait qu’Ezekiel n’était pas prioritaire pour le moment.
—Si seule la corruption est à éliminer, nous avons juste le temps pour y parvenir, déclara Jaimie qui semblait soucieuse. Seulement, cela n’affectera que celle qui a été dispersée par ce sort donc si Ezekiel est corrompu, cela risque de n’avoir aucun effet sur lui. Surtout que je crains que ce sort ne soit pas si simple…
—Le cercle ressemble fort à ceux utilisés pour créer des portails, constata Margaux, pensive. Cela aurait donc ouvert un portail pour… de la corruption ? D’où viendrait-elle dans ce cas et pourquoi forcer la nuit sur le monde entier ? Ca n’a pas de sens…
—Ca, ce sera à déterminer plus tard. Il faut que nous nous mettions en place et vite avant que cela ne dégénère. La dernière fois que c’est arrivé, cela avait été provoqué par la corruption Ténébreuse au sein de Midgard et avait conduit à ce qu’ils avaient appelé le Ragnarök.
Au loin, Gabriel voyait une chaine de montagnes enneigées, lui faisant se demander si ce sort était allé jusque là -bas… et lui rappelant que cela faisait maintenant plusieurs années qu’il n’était pas retourné là où il était né, ne serait-ce que pour aller fleurir la tombe de sa mère. Une fois tout cela terminé, il faudra vraiment qu’il explique correctement ses origines à son fils et qu’il l’emmène à Granite Falls pour qu’ils aient la possibilité d’en parler seuls à seuls.
—Gabriel ? fit la muse, le sortant de ses pensées. Tout va bien ?
—Oui, dit-il en se plaçant d’un côté du cercle. Tenez-vous prêtes car l’échec n’est pas permis pour ce sort…
Cordelia avait intérêt à se dépêcher car, comme Margaux l’avait relevé, le cercle était fait pour créer des portails et il doutait fort que ceux-ci ne soient censés faire passer que de la corruption…
Aux Falaises, Eurydice, Sirius, Liam et Alphonse étaient arrivés sans encombre. Seulement, la marche rapide qu’ils avaient faite pour atteindre les lieux au plus vite n’avait pas été de tout repos sur ce terrain quelque peu accidenté.
—J’avais oublié que ça grimpait autant… souffla la jeune femme, essoufflée. Comment tu fais pour pas être crevé toi ?
—L’habitude et ce terrain m’est très favorable, répondit le musicien, l’air amusé. Encore quelques mètres et j’aurais des conditions optimales pour nous éloigner d’ici.
C’est vrai que l’élément de Sirius était l’air… Les vents soufflant sur les Falaises devaient le renforcer à tous les coups et il devait plus qu’apprécier les lieux en hauteur.
—Et comment comptez-vous faire ça ? lui lança un Alphonse Duspeti qui avait visiblement mal digéré d’avoir abîmé son costume sur mesure. Vous oubliez que nous sommes poursuivis !
—Même si ça me hérisse le poil de sauver vos miches, va falloir me faire confiance, comme quand j’ai récupéré l’autre abruti quand il m’a pas écouté sur le chemin à prendre.
Eurydice dut retenir un rire en se rappelant que Liam, dans la montée, avait voulu couper à travers des fourrés. Mauvaise idée car il avait mis son pied sur un terrier de renard et l’avait coincé dedans… pour ensuite perdre l’équilibre et tomber sur un buisson de ronces. Autant dire qu’il s’était bien ridiculisé…
—Y a plus que quelques mètres à faire. Autant ne pas trop trainer.
Sur ce point, tous étaient du même avis que Sirius et, prenant sur eux-mêmes, ils le suivirent sur le reste du sentier… avant de s’arrêter net quand ils virent quelqu’un sortir des fourrés.
—Et zut ! jura le musicien entre ses dents. Il a vu venir le truc…
Honnêtement, Eurydice mentirait si elle disait qu’elle était surprise de ça car, de ce qu’elle avait vu à Avalon, Viktor était quelqu’un de rusé et ces falaises devaient déjà exister à son époque donc il n’avait pas dû avoir besoin de beaucoup de temps pour comprendre qu’il lui suffirait de les attendre ici pour qu’ils viennent à lui.
Par contre, vu ce qui était ressorti de la discussion avec Alphonse Duspeti, elle avait quelques questions en tête dont elle tenterait bien d’avoir les réponses, même si c’était risqué. Lorsqu’elle fit un pas en avant, son ami lui tint le bras pour l’arrêter mais elle lui fit signe de la laisser faire et il la lâcha, prêt à intervenir si besoin.
—Alors tu nous attendais, c’est ça ? lança-t-elle avant de reprendre lorsqu’elle n’obtint aucune réponse. Je sais que c’est toi Viktor donc dis moi enfin ce que tu me veux qu’on en finisse !
—… Hé… finit-elle par entendre en face. On a du courage à ce que je vois… Fascinant…
L’intuition de la jeune femme lui disait qu’un truc clochait et elle trouva vite quoi : la façon dont il s’exprimait. Pourtant, ça ne pouvait être que Viktor en face d’elle car Ezekiel n’avait pas ce genre de tic de langage… D’ailleurs, à Avalon, n’avait-elle pas déjà montré sa vaillance à cet homme ? Pourquoi donc formulerait-il sa phrase comme si c’était la première fois qu’il la voyait lui tenir tête ?
Elle fit un pas de plus, guettant les réactions en face, notant ainsi que la main gauche de celui qui s’était approprié le corps d’Ezekiel tremblait… mais alors qu’elle comptait continuer d’avancer, elle sentit quelque chose de pointu dans son dos et quelqu’un lui attrapa le bras avec force.
—Pas si vite, fit la voix d’Alphonse Duspeti derrière elle. Si c’est pour me donner comme monnaie d’échange à ce tordu, alors je préfère encore finir ce que j’ai commencé ici !
Eurydice était à la fois tétanisée et prise de court car, dans leur hâte, ils n’avaient pas pensé un seul instant à fouiller leurs deux lascars, si bien que l’homme d’affaires, faisant mine de coopérer, avait réussi à leur cacher qu’il avait un couteau sur lui. A cause de cela, la situation risquait fort de dégénérer…
Sans surprise, en voyant le danger, Sirius réagit tout de suite, usant de sa magie pour faire sauter le couteau de la main d’Alphonse Duspeti.
—Hey ! fit le musicien, ayant revêtu son apparence d’incarnation du Tome de l’Air. Eloigne-toi d’elle tout de suite !
Alors que l’homme d’affaires allait répondre, la jeune femme entendit un son étranglé derrière elle puis soudain, la prise sur son bras disparaitre… tandis que leur ennemi se téléporta à côté d’elle pour avancer de quelques pas, un air mauvais sur le visage.
—Tut tut tut, fit Ezekiel en agitant la main. De mémoire, je t’avais dit que ce que tu cherchais était ici mais à aucun moment je ne t’ai autorisé à tuer cette fille que je sache. Vous les Duspeti avez parfaitement joué votre rôle d’appât et maintenant que j’ai tout ce que je veux, vous ne m’êtes plus d’aucune utilité.
Eurydice, jusque là tétanisée, se retourna pour essayer de stopper leur ennemi mais elle fut figée d’horreur en réalisant que d’un geste, le magicien était en train de faire voler Alphonse Duspeti vers le bord des falaises…
… pour ensuite le lâcher au dessus du vide, le laissant hurler le temps de sa chute jusqu’à ce qu’un son atroce parvint à leur oreilles, ne laissant guère d’espoirs sur la survie de l’homme d’affaires.
Ne voulant certainement pas subir le même sort, Liam prit ses jambes à son cou avant même que son cousin n’ait atteint les rochers en bas des falaises, ne prenant même pas la peine de se retourner.
La jeune femme s’éloigna de leur ennemi, horrifiée par l’acte qu’il venait de commettre de sang froid. Ce dernier se tourna vers elle, surement pour s’occuper d’elle, mais Sirius se plaça entre eux deux.
—Tu ne la toucheras pas, dit fermement son ami.
—Oh ? fit Ezekiel, peu impressionné. Et tu te crois de taille ? On va voir cela…
Sur ces mots, les deux magiciens se préparèrent au combat tandis qu’Eurydice alla vite se mettre à l’abri.
A Forgotten Hollow, Cordelia avait enfin terminé de mettre en place leur nouvelle demeure et, aussi, ce qu’il lui fallait pour mettre un terme à cette nuit dangereuse…
—Il ne serait pas plus logique de faire cela d’Oasis Springs ? demanda Flamberge, sceptique.
—Si la corruption n’était pas d’origine lumineuse, oui mais là , il faut que l’on démarre d’un point riche en ténèbres pour avoir une chance que ça marche, répondit la succube qui venait de revêtir sa forme sombre. Si le soleil que l’on créé ici perce la nuit sur Forgotten Hollow, c’est que nous aurons réussi.
—Autrement, ça peut finir en Ragnarök, fit Sedna, pensive. Bizarre quand même que les dieux de Midgard n’ait pas usé de cette option…
—Peut-être parce qu’ils n’avaient pas eu cette idée et les moyens de la mettre en place sans risque majeur ?
A cet instant, les deux incarnations la fixèrent avec de grands yeux… et visiblement, elles avaient vite compris le cœur du problème…
—Vous êtes en train de nous dire que vous n’avez aucune idée de si ça va marcher ou non ?! s’exclama la chanteuse, abasourdie. Et il se passe quoi si on se rate ?!
—Je vous déconseille d’y penser… déclara Cordelia en serrant les dents, n’ayant aucune intention de leur dire qu’un échec signifierait, vu la puissance de feu de Flamberge, que Forgotten Hollow et ses habitants seraient rayés de la carte à tout jamais.
—Alors allons-y, fit la danseuse en prenant position.
Chacune se mit en place et, ainsi, commença la chaine magique : Sedna usait de ses pouvoirs sur Cordelia pour la renforcer, Cordelia faisait de même avec Flamberge et cette dernière concentrait au maximum sa magie…
… cela jusqu’à former une puissante boule de lumière aveuglante entre ses mains…
… avant de la lâcher en plein ciel, en direction du manoir Von Haunt à Windenburg où, quelques minutes plus tard, Gabriel sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque. C’était le moment.
—Il arrive !
Le signal était à présent donné et ils n’avaient que quelques secondes pour préparer leurs sorts et, surtout, être dans le bon timing…
—C’est bon pour moi !
Jaimie était forcée d’user de ses deux mains, n’ayant pas de possibilité autre pour lancer un sort puissant vu que, de base, sa magie n’était pas faite pour l’attaque mais pour la défense. Avec lui, elle était la seule à avoir une chance de pouvoir compenser une erreur… à condition qu’elle ne soit pas trop grave.
—Prête.
Le crépitement qu’il entendit lui confirma que Margaux était effectivement parée à l’attaque et que c’était clairement son domaine de prédilection, ce qui était une bonne chose car c’était probablement elle qui allait le mieux tenir son sort le temps nécessaire. Surtout que son rôle allait être de disperser la magie qui venait droit sur eux car elle était la seule qui pouvait le faire.
—MAINTENANT !
Au même moment, ils lancèrent leur sort sur la boule de magie qui tombait droit sur eux, la gardant en place le temps qu’il fallait pour la charger de leurs magies respectives afin que, lorsqu’ils allaient la renvoyer dans le ciel, elle se disperse convenablement, détruisant toute la corruption qui s’y trouvait et mette fin à cette nuit infernale…
Aux Falaises, le combat faisait rage entre les deux magiciens, si bien qu’Eurydice ne savait pas comment aider Sirius car celui-ci commençait à être en difficulté. Elle les observait depuis un moment, réfléchissant à tout ce qui était à sa portée… mais elle ne trouvait rien et la fuite n’était pas une option envisageable à ses yeux car il était hors de question pour elle de l’abandonner à nouveau.
Puis ce qu’elle redoutait tant se produisit : le musicien reçu une attaque magique de plein fouet et fut projeté plusieurs mètres plus loin dans un son qui ne présageait rien de bon…
—SIRIUS !
Elle se précipita à ses côtés, constatant avec soulagement qu’il était vivant. Seulement, en s’approchant de lui, elle comprit vite qu’il n’allait pas pouvoir tenir plus longtemps : il avait le souffle court et ses jambes tremblaient. A tous les coups, il ne devait sa survie qu’au fait qu’il était une incarnation magique car s’il avait été un simple mortel…
—Oh la vache… fit son ami en grimaçant. Y a pas de doutes : c’est un descendant de Joshua. Il cogne aussi fort que lui… Ma magie ne lui fait quasi rien à part m’épuiser.
—Le feu est ta faiblesse et est aussi la force d’Ezekiel, leur déclara leur ennemi avec un sourire mauvais. Je ne peux peut-être pas user de sa magie contre toi sale petite vermine mais ça ne changera rien au résultat.
En entendant ces mots, Eurydice comme Sirius tiquèrent. Quelque chose ne collait pas du tout car Viktor n’avait pas rabaissé le musicien de cette façon lors de leur dernier affrontement. Qui plus est, l’autre point illogique était leurs tailles respectives à tous les trois : Eurydice faisait un mètre soixante-cinq et Ezekiel devait peiner à atteindre le mètre soixante-dix vu qu’avec des talons bas, elle était à la même hauteur que lui. Pour ce qui était de Sirius, il faisait facilement dix centimètres de plus qu’elle… et de ce qu’elle se souvenait d’Avalon, Viktor était quelqu’un de grand lui aussi vu qu’il dépassait le musicien mais jamais elle ne l’avait entendu faire allusion à la taille des personnes.
—C’est vraiment Viktor ça ? souffla Sirius qui avait dû suivre le même raisonnement qu’elle alors qu’elle l’aidait à se relever. J’ai un sérieux doute quand je l’entends parler ainsi…
—Moi aussi, admit la jeune femme avant de noter que leur ennemi semblait reprendre sa respiration, signe que le musicien lui avait tout de même donné du fil à retordre. Sauf que là , je crois que c’est trop tard pour tirer ça au clair…
—Effectivement, fit leur ennemi, visiblement satisfait. Quel dommage de mourir dans l’incertitude, n’est-il pas ?
—C’est un peu tôt pour dire ça…
Qui avait parlé ? La voix était grave, celle d’un homme très certainement… et soudain, Eurydice vit deux chauves-souris se placer entre eux et leur ennemi avant de prendre forme humaine… ou plutôt démoniaque.
—Qu’est-ce que… fit leur adversaire, ne s’étant clairement pas attendu à être interrompu par deux vampires. Comment êtes-vous arrivés ici ?! Vous n’êtes pas censés être là  !
Ils se connaissaient ? Vu la réaction de celui qui n’était peut-être pas Viktor finalement, ils n’étaient pas ses amis et les attitudes des deux inconnus tendaient à confirmer cela.
—Est-ce Ezekiel ? demanda la femme avec une voix qui était très familière aux oreilles d’Eurydice. Je ne me souvenais pas qu’il était aussi… comment dire…
—Tête à claques ? compléta l’autre vampire, quelque peu agacé. Son parfum d’incube me déplaisait mais ça, je ne sais pas ce qu’est cette puanteur mais ce n’est pas l’odeur d’Ezekiel.
—Etrange car son parfum est assez agréable pour moi…
—J’en conclus que le fait que je n’ai aucun attrait pour les hommes fait que son parfum m’insupporte autant que les pitreries d’un Arlequin. Et je te recommanderai de ne pas succomber à ses tours d’incube.
—Dois-je en déduire que tu veux t’en occuper Dimitri ?
—J’ai une dette envers lui. Le ramener à la raison devrait nous permettre d’être quittes…
A l’instant où le dénommé Dimitri fit craquer ses doigts, leur ennemi tenta de les contourner avec sa magie, comme s’il voulait éviter les deux démons, mais le vampire réagit au quart de tour : au moment où Ezekiel préparait une attaque, Dimitri sauta par-dessus le muret pour se ruer sur lui, prêt à le frapper.
Pris par surprise, le magicien était visiblement mécontent de devoir lutter au corps à corps et en prime, son adversaire ne se laissait clairement pas faire, contrant ses coups avec aisance et n’hésitant pas à user de certains coups bas pour l’empêcher d’attaquer.
Sentant une présence près d’elle, Eurydice se tourna, faisant face à l’autre démon… qui, maintenant qu’elle voyait son visage, lui était terriblement familière, un sentiment qui était clairement réciproque.
—Alors ça ! fit celle dont les canines bien pointues ne laissaient guère de doute sur l’espèce à laquelle elle appartenait. Moi qui me disais qu’il fallait que je t’appelle, il semblerait que ce ne soit plus utile.
Cette voix… et puis ce sourire… Avec son mètre quatre-vingt et ses courbes qui lui feraient certainement remporter le concours de Miss Monde haut la main, Eurydice réalisa qu’elle faisait face à une vieille amie de lycée dont elle avait souvent regretté l’absence ces derniers jours.
—Lucy ! s’exclama avec joie la jeune femme en reconnaissant Lucinda Gregorio, son amie fan de surnaturel qui avait un an de plus qu’elle. T’as pas mal changé depuis la dernière fois ! Une nouvelle crème de jour peut-être ?
—C’est une assez longue histoire, lui dit la vampire dont le regard se tourna brièvement vers Dimitri qui était très occupé à se battre. Pour faire court, sans lui, nous ne nous serions jamais revues toi et moi.
Bien qu’elle avait pas mal de questions, Eurydice se doutait que ce n’était pas le moment pour ça, surtout que leur priorité était de sauver Ezekiel de ce qui le possédait et pour cela, il allait falloir le maitriser, ce que ce vampire semblait arriver à faire avec aisance.
—C’est un coup de cette sale sorcière d- commença leur ennemi avant de se prendre un coup en pleine mâchoire.
—Surveille ton langage, lui dit Dimitri en ricanant. Cela pourrait te jouer des tours…
Leur ennemi n’était visiblement pas enchanté de la tournure des évènements, surtout qu’il semblait avoir du mal à prendre le dessus, comme s’il n’était pas habitué au combat physique – en même temps, Ezekiel était un magicien donc son point fort devait plutôt être la magie alors il était logique que face à quelqu’un le contraignant au corps-à -corps, il se retrouve en difficulté.
Puis soudain, il y eu une sorte de bruit qui résonna au loin, faisant qu’Eurydice tourna la tête vers la côte, manquant de se faire aveugler par une énorme boule de lumière.
—La vache ! s’exclama Sirius en se couvrant les yeux. Je sais pas ce que c’est exactement mais c’est de la magie à l’état pur !
—Cette lumière est aussi aveuglante que le soleil, fit remarquer Lucinda qui plissait les yeux. Avec une telle puissance cela pourrait peut-être mettre fin à cette nuit bizarre.
Et elle avait raison : quelques secondes, la boule de lumière vola dans le ciel et éclata avec force, produisant un bruit semblable à un avion franchissant le mur du son, et s’éparpilla à toute vitesse au dessus d’eux.
Au bout d’une dizaine de secondes, Eurydice vit son ombre au sol, signe que cette nuit étrange prenait fin, puis l’instant d’après, elle fut tirée en arrière par Sirius, évitant de justesse Ezekiel qui, manifestement, venait de se faire projeter dans les airs par Dimitri et qui atterrit brutalement de l’autre côté du bassin. Le magicien essaya de se relever mais il avait le souffle court, signe qu’il était épuisé.
En revanche, pour ce qui était du vampire, celui-ci montra un instant de surprise en voyant où se trouvait à présent son adversaire. Il s’avança, semblant chercher à comprendre ce qu’il venait de faire.
—Je ne me souvenais pas que tu étais doté d’une telle force Dimitri ! s’étonna Lucinda en s’approchant du bassin.
—Parce que c’est tout récent… déclara le vampire en lâchant un soupir. J’imagine que c’était prévu que je développe ce genre de capacité….
—Et quelle était la cible originelle ? questionna Eurydice, un peu curieuse.
—Le bassin. Sauf que j’ai peut-être bien fait de le manquer vu qu’il semble avoir plus de mal à récupérer que je ne l’avais escompté.
Oui, Ezekiel était épuisé, ayant probablement été vidé de son énergie après ces deux combats. S’il avait atterri dans le bassin, il se serait probablement noyé et ce n’était pas ce qu’ils voulaient… D’ailleurs, que devaient-ils faire à présent ? La prophétie parlait du Jugement mais il leur manquait deux des personnes requises pour l’ouvrir et puis celui qui devait y aller, c’était Viktor… qui était peut-être dans le corps du magicien.
Comment faire pour les séparer ? Etait-ce seulement possible ?
—Le seul moyen de le sauver est le Jugement, fit la voix de Margaux, la faisant sursauter. Et il va falloir se hâter car je crains que nous n’ayons un plus gros problème qui nous attende ailleurs vu ce que nous avons trouvé…
La magicienne s’avança au bord du bassin et observa Ezekiel… avant de plisser les yeux, l’air suspicieuse. Quelque chose semblait ne pas lui plaire…
—Il était seul quand vous l’avez affronté ? demanda-t-elle à Dimitri.
—Si on ne tient pas compte des quelques démons mineurs que nous avons laissés à Belthelda en venant ici, oui, répondit le vampire, apportant un certain soulagement à Eurydice et à Sirius sur le sort de leur amie. Je ne cache pas que pour un semi-démon, je m’attendais à plus de résistance de sa part.
—A moins que vos capacités de Ténébreux ne l’ait surpassé monsieur Markoff mais…
—Y a peut-être autre chose, précisa Sirius en massant son bras. Mais je doute fort qu’il nous le dise donc…
… Elle avait bien dit que Dimitri était un « Ténébreux » ? Tout à coup, la jeune femme comprit pourquoi les deux vampires étaient ici : ils étaient là pour l’aider à invoquer le Jugement.
—Nous n’avons que quelques minutes avant qu’il ne réalise pourquoi je lui ai faussé compagnie et où nous sommes, leur dit la sorcière avant de lâcher un soupir. Je vais rapidement vous expliquer ce qu’il faut faire, cela en espérant que cela fonctionne.
Fallait-il vraiment envoyer Ezekiel dans le Jugement ? Certes, la prophétie disait que cela mettrait fin à la menace sur Avalon mais… en quoi au juste ? Le royaume n’existait plus et expédier le magicien dans ce piège alors qu’il était un descendant du Téméraire… Pour elle, cela n’avait pas vraiment de sens, un sentiment partagé par les vampires qui, vu les regards qu’ils échangeaient, avaient des doutes sur tout cela.
Seulement, ils n’avaient pas vraiment d’autres options, surtout après que Lucinda ait souligné que si Ezekiel était possédé, le tuer était plus risqué que de l’enfermer car personne ne savait où l’âme qui lui prenait son corps irait se cacher ensuite.
—Je ne suis pas persuadé que ce soit la meilleure option, déclara Dimitri après que le rituel leur fut expliqué.
—Je partage ton avis, ajouta Lucy qui masquait mieux son scepticisme. Mais avons-nous une meilleure solution ?
—Non, répondit Eurydice en serrant les poings. S’il reste libre, qui sait ce qu’il fera ? Je l’ai vu tuer des personnes de sang froid…
… Et elle était quasi certaine qu’elle était la suivante sur la liste.
—Toi qui est impartial, nous t’appelons, récitèrent-ils tous les trois. Ouvre tes portes pour cette âme que nous t’offrons. Nous t’invoquons Jugement !
Soudain, une sensation bizarre la saisie, comme la fois où elle avait abusé de ce truc de lunettes de réalité virtuelle et en avait eu la nausée. Elle ferma un instant les yeux… et quand elle les rouvrit, elle fut surprise de voir trois statues de l’autre côté du bassin, chacune tenait un récipient entre ses mains – à vue de nez, le contenu de chacun correspondait à leurs alignements respectifs, à savoir Ténébreux, Lumineux et Cœur Vaillant.
En baissant ses yeux vers Ezekiel, elle vit s’ouvrir une sorte de passage magique si l’on peut dire – difficile pour elle de trouver autre chose pour décrire ce truc excepté que ça reflétait bizarrement la réalité et qu’elle ne voyait pas ce qu’il y avait de l’autre côté de cette chose. Puis soudain, quelque chose en sortit… en se muant en des mains griffues qui se dirigeaient droit sur le magicien.
Ce dernier s’aperçut de leur présence une demi-seconde trop tard, l’une d’elles lui ayant attrapé la cheville. Il tenta de s’agripper à quelque chose tendit qu’il se faisait tirer dans le Jugement mais ses mains glissaient et ses ongles crissaient sur la pierre. Elle croisa une dernière fois son regard avant qu’il ne disparaisse brutalement, les statues faisant de même.
Tout était donc fini… donc elle devrait être contente, non ? Alors pourquoi avait-elle si mal au cœur en repensant à ces yeux brillant de haine qui l’avaient fixée avant de disparaître dans le néant ? Pourquoi avait-il dû être sacrifié pour cette fichue prophétie ?
Pourquoi était-elle certaine qu’elle n’arrivera jamais à se le pardonner de ne pas avoir pu le sauver ?
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Chapitre 20 : Suspicions
—Tu es certain qu’il n’y a pas d’autre solution ?
Il soupira de dépit en entendant cela puis désigna la pièce où ils étaient enfermés.
—Malheureusement oui, répondit-il en désignant les portes du menton. La porte de l’Epreuve ne s’ouvrira que si celle-ci est réussie et la personne qui a activé ce piège au départ…
—C’est moi.
Ses deux aînés la fixèrent, l’air désolés pour elle. C’était peut-être la première fois qu’ils se sentaient incapables de l’aider ou de la protéger alors que, depuis des années, ils veillaient sur elle. Or, si elle voulait qu’ils puissent sortir d’ici, c’était à elle de se sacrifier… même si c’était dur après tout ce qu’ils avaient subi pour qu’elle puisse survivre.
—Si tu as besoin de temps, on le comprendra, lui dit-il avec un sourire plein d’empathie.
—Je… commença-t-elle, essayant de rassembler ses idées. Que vous arrivera-t-il quand j’aurais passé ce portail ? Vous pourrez sortir ?
—L’Epreuve est un lieu tordu mais elle nous laissera sortir, ne t’en fais pas. Et puis on se connait bien elle et moi depuis le temps que j’y vais donc tu n’as pas à t’inquiéter pour nous.
—Qui plus est, avec tout ce que tu as perdu ici et ce qui se trouve dehors, j’ignore si ce monde est vraiment fait pour toi, ajouta son ainée, la mine sombre. Tant que l’ordre ne sera pas rétabli, tu seras la cible de leur colère, cela même si tu n’es en rien responsable de leurs malheurs.
Donc elle sera condamnée à recommencer à se cacher de tous ceux qui voulaient sa mort… alors même qu’elle avait contribué à les sauver de la corruption qui les menaçait tous. Quelle triste ironie… C’était à croire que jamais elle ne pourra vivre en paix ou trouver le bonheur… mais perdre l’espoir de pouvoir un jour réparer tous les torts qui ont été causés, ça c’était hors de question ! Elle savait donc ce qui lui restait à faire.
—Dans ce cas, il est temps pour Colombine d’aller vers d’autres horizons qui lui seront plus favorables, en conclut-elle, déterminée à avancer. Je vous remercie encore pour tout ce que vous avez fait pour moi…
—Nous sommes fiers de ce que tu es devenue, lui dit son aînée avec fierté. Même si je regrette que nous ne puissions te suivre, je suis certaine que tu pourras enfin te trouver une place quelque part.
—Contrairement à nous, tu n’existes pas de l’autre côté donc ça fait de toi la seule à pouvoir traverser ce portail sans causer de soucis dès ton arrivée, souligna-t-il. Assure-toi que cette prophétie se réalise et trouve pourquoi il fallait que ce soit le Jugement et non l’Epreuve qui devait servir à le vaincre. Si tu es perdue, utilise Psyché pour te guider.
D’un hochement de tête, Colombine leur indiqua qu’elle avait compris et qu’elle était prête à les quitter pour affronter ce que l’Epreuve lui réservait de l’autre côté. Elle avait de nombreuses questions en tête et elle les passa toutes en revues, se focalisant sur celles qui lui semblaient être les plus essentielles pour accomplir sa mission.
Elle prit une grande inspiration puis s’avança près du portail magique… se demandant où il allait l’envoyer exactement et si elle serait à la hauteur. Tout lui sera à la fois familier et inconnu une fois qu’elle aura traversé, faisant qu’elle allait devoir très vite se faire de nouveaux repères, le tout en tenant compte du fait qu’elle n’allait certainement jamais rentrer chez elle.
D’un revers de la main, Colombine balaya ses derniers doutes puis sauta dans le portail.
Sur l’île de Winderburg, Sirius venait de les téléporter lui et Eurydice dans la cabane de Belthelda, loin d’Ezekiel et de la menace qu’il était clairement devenu pour eux. La jeune femme était encore choquée d’avoir découvert son ami d’enfance corrompu et souhaitait pouvoir le sauver mais… comment ?
—Faut qu’on fasse quelque chose ! fit-elle, excédée de se sentir impuissante. Comment ça a pu arriver ?! Il…
—Calme-toi ! la coupa le musicien. Déjà , concernant Ezekiel, j’ai pas eu le temps de te dire tout ce que l’on savait sur lui, à commencer par le fait qu’il était à moitié incube. C’est à cause de ça que Margaux préférait que tu sois pas trop proche de lui…
—D’accord… Mais… Attends, Bel’ réagissait à sa présence alors que moi non. C’est normal ?
—Là , je sèche ! Faudra demander à quelqu’un de plus calé sur le sujet. En revanche, là où ça coince vraiment, c’est qu’Ezekiel a un alignement Lumière et que de ce que je sais, pour un démon, c’est plutôt contre-nature vu que ça provoque de l’ivresse démoniaque.
Encore du vocabulaire à apprendre sur les créatures surnaturelles… A cet instant, son amie Lucinda lui manquait beaucoup car elle était sure qu’elle devait tout connaître sur le bout des ongles contrairement à elle qui devait essayer de se souvenir de ses vieilles lectures pour essayer de s’y retrouver.
—Tu m’expliques ? demanda-t-elle, paumée. J’imagine que c’est rien de bon.
—Ben normalement, dans son cas à lui, il devrait être très porté sur la Luxure, simplifia Sirius en se grattant l’arrière du crane. Seulement, la corruption m’a l’air d’avoir le dessus sur lui et ses actions n’ont rien à voir avec le démon qu’il est censé être car les incubes n’attaquent pas sans raison valable vu que, de base, ce sont des séducteurs.
—Si c’est ça, pourquoi attaquer Liam et Alphonse Duspeti ? C’est logique d’après toi ?!
—Nan… Et j’crois pas qu’on pourra attendre Margaux donc faut qu’on voit ce qu’on peut trouver ici pour riposter s’il le faut.
C’était effectivement la meilleure solution… surtout qu’il était fort probable que Belthelda ne revienne jamais ici.
Tous deux fouillèrent rapidement la pièce de vie mais, excepté de la nourriture et de vieux ustensiles de magie, rien ne pouvait les aider. Ce fut pareil avec la chambre à coucher et la salle de bain. Leur dernière option était donc le sous-sol, là où Margaux avait manifestement entreposé une partie de son matériel et où Eurydice avait été cachée le temps qu’elle se remette de ses blessures.
—C’est là qu’on gardait les onguents qui t’ont guérie, précisa Sirius quand elle alla inspecter les étagères. Malheureusement, y a pas grand-chose d’autre je crois à part la boule de cristal mais elle nous a pas été très utiles au final...
—C'est-à -dire ? questionna-t-elle en soulevant un vieux crâne poussiéreux.
—Ben on pensait s’en servir au début pour pister les coffrets et pas mal de personnes liées à eux mais semblerait que Viktor nous ait tout bloqué à ce niveau. A part visionner des vieux souvenirs et contacter quelqu’un, elle est plut-…
Le musicien ne poursuivit pas sa phrase, ayant probablement réalisé la même chose qu’elle au même instant : ils avaient peut-être trouvé ce qu’ils cherchaient et qui pourrait les aider !
Chacun prit place face à la boule de cristal… puis en voyant la grimace de Sirius, elle sut immédiatement qu’un truc clochait. Vu ce qu’elle connaissait de l’individu, elle ne tarda pas à deviner où était le problème.
—T’as séché le cours pour apprendre à t’en servir c’est ça ? supposa-t-elle en lui jetant un regard noir.
—Tout juste Eury… admit-il en grinçant des dents. Pourquoi je n’ai pas écouté ma sœur quand elle me disait d’être plus concentré sur mes études ?
“C’est loin d’être si compliqué vous savez…”
En entendant cette voix masculine, Eurydice et Sirius sursautèrent puis, après avoir vite constaté qu’ils étaient seuls dans la pièce, ils fixèrent la boule de cristal, seule possibilité restante.
—Heu… fit la jeune femme, quelque peu hésitante. Vous êtes qui au juste ?
“Gabriel Blue, enchanté”, répondit leur mystérieux interlocuteur d’une voix posée. “Je ne pense pas me tromper en supposant que vous êtes Eurydice Fox-Pesetas ?”
—C’est exact… Mais comm-
"J’étais en train de vous chercher à Winderburg suite à … diverses choses qui se sont produites de notre côté.”
—Ca n’aurait pas un lien avec votre fils qui a tenté de nous tuer ? fit Sirius en grimaçant, apprenant ainsi à la jeune femme qui était leur interlocuteur. Parce qu’on l’a croisé en ville et il avait l’air bien corrompu.
"Oh non, elle avait raison…” soupira Gabriel avant de reprendre. “Est-ce que vous pourriez me dire tout ce que vous savez au juste ?”
Comme le musicien semblait hésiter, ce fut Eurydice qui commença à raconter ce qui lui était arrivé depuis le soir de l’accident. Quand elle attaqua le résumé de ce qu’elle avait vu d’Avalon, le magicien lui demanda des précisions sur certains points et, quand elle ne savait pas, c’était Sirius qui complétait au mieux – il demanda au passage des nouvelles de ses camarades Farah et Selena, devenues Flamberge et Sedna, et eut un sourire ravi en apprenant qu’elles se portaient très bien. Puis ils arrivèrent au moment de la conversation qu’ils avaient entendue entre Liam et Alphonse Duspeti pour finir avec l’attaque au café.
“Avalon donc…” fit le magicien sur un ton pensif. “Margaux aurait dû venir me voir mais j’admets qu’elle avait de bonnes raisons de ne pas le faire. Seulement, elle n’est pas la seule concernée par tout cela et je crains que vu ce que j’ai pu apprendre sur Viktor, ce soit un magicien bien plus rusé qu’elle ne le pensait.”
—Ca, elle en a bien pris conscience, grimaça le musicien. Viktor a bloqué plein de trucs qui le concernait directement, sur sa famille et pas mal de choses sur les Duspeti. Y a que Nigel Duspeti qu’on pouvait traquer à coup sûr mais il laissait tellement de cadavres derrière lui et était dans un sale état physique donc prévoir ses faits et gestes était pas compliqué.
—Il faudrait d’ailleurs qu’on sache pourquoi Alphonse Duspeti me veut morte, réalisa Eurydice en se souvenant de la conversation épiée plus tôt. Je ne comprends pas ce que ça peut lui apporter et aussi ce qu’il a pu chercher chez mon frère car à Avalon, j’ai cru comprendre que Viktor avait besoin de moi vivante.
“Je connais quelqu’un qui devrait pouvoir m’en dire un peu plus sur ces bizarreries,” déclara Gabriel avant de reprendre. “Les mobiles de Viktor sont peu clairs mais je ne pense pas qu’il voulait diriger Avalon. Les lois en vigueur à l’époque ne l’y autorisait pas et de toute manière, Excalibur ne l’aurait pas accepté comme porteur car Joshua le Téméraire a eu une descendance illégitime qu’il a bien cachée aux yeux du monde…”
—Sérieux ? s’étonna Sirius. Donc la lignée royale n’est pas éteinte en fait ?
“Oui et non…  J’ignore comment Excalibur choisi son porteur mais logiquement, les deux personnes pouvant actuellement en hériter sont Ezekiel et moi-même…”
En entendant cela, le musicien et elle ouvrirent de grands yeux avant de se regarder, constatant qu’ils étaient aussi surpris l’un que l’autre. S’ils s’étaient attendus à ça…
“Ce qui me parait le plus urgent de votre côté, ce serait de trouver ces deux loustics,” leur fit remarquer Gabriel avec gravité. “Pour moi, il est clair qu’Ezekiel comptait éliminer Alphonse Duspeti donc ce serait bien de lui tirer les vers du nez à celui-là car il semblerait qu’il soit lui aussi sur l’île de Winderburg…”
—Et que fait-on si Ezekiel le trouve avant nous ? demanda Eurydice qui n’était pas rassurée.
"Vu ce que j’ai constaté, des renforts sont en route. Cordelia, ma compagne, est actuellement en train de leur parler. Je vais leur dire de vous rejoindre au plus vite car je pense qu’à eux deux, ils peuvent tenir tête à Ezekiel, même s’il est corrompu. Au cas où, je vais essayer de vous envoyer quelqu’un d’autre dès qu’elle m’aura dit tout ce qu’elle sait sur Viktor mais si jamais vous arrivez au même moment que lui, évitez de le provoquer, surtout toi Eurydice car avec ses capacités d’incube, tu es une proie facile pour lui.”
Ca, elle en avait conscience… Elle se rappelait bien comment Belthelda avait réagi alors qu’il n’était qu’à une quinzaine de mètres d’eux et il y avait peu de chance pour qu’elle y ait résisté s’il en était servi contre elle. Seulement, elle restait intriguée par le fait qu’elle n’ait pas ressentit de changement particulier. Se pourrait-il que les ogres étaient plus sensibles à cela que les humains ?
Une fois la communication avec Gabriel Blue coupée, Eurydice et Sirius sortirent de la cabane pour essayer de trouver où pouvait bien se planquer Alphonse Duspeti, constatant au passage que le soleil déclinait à vue d’œil. Le musicien connaissant bien les lieux, ils ne mirent pas longtemps à trouver une maison qui, normalement, était censée être inoccupée et vers laquelle se dirigeaient une série de traces de pas.
—T’entend un truc ? demanda la jeune femme à son ami.
—J’ai l’impression que ça se dispute là -dedans… répondit le jeune homme avant de sourire en coin. Et aucun doute possible : c’est bien nos deux fuyards.
Donc Liam était aussi présent… pas très surprenant vu ce qu’ils avaient appris dernièrement.
Avec précautions, ils s’approchèrent du bâtiment, faisant attention à se baisser quand ils passaient près d’une fenêtre afin d’éviter d’être vus. Ils firent ensuite le tour jusqu’à atteindre la porte d’entrée derrière laquelle des éclats de voix étaient audibles, confirmant qu���il y avait bien une dispute en cours mais impossible de comprendre ce qui se disait.
—Tu veux qu’on frappe pour voir s’ils nous ouvrent ou tu veux pas t’embarrasser avec ça ? questionna Sirius avec un sourire en coin.
—Quitte à frapper un truc, je préfèrerai taper sur Liam, répondit Eurydice en serrant les poings.
—Dans ce cas…
D’un grand geste de la main, le musicien déclencha une bourrasque qui vint frapper la serrure de la porte. Quelques secondes plus tard, un « clic » retentit et la porte s’ouvrit en grand devant eux – la jeune femme nota dans un coin de sa tête que son ami n’avait clairement pas besoin d’être invité pour entrer chez quelqu’un. A l’intérieur, ils virent Liam et Alphonse Duspeti, manifestement interrompus en pleine dispute.
—Mais qui êtes-vous et que faites vous chez moi ?! tonna l’homme d’affaires en jetant un regard noir à Sirius.
—Oh oh… fit Liam en l’apercevant.
—Tu fais bien de t’inquiéter, répliqua Eurydice en lui jetant un regard noir.
Rapidement, elle combla la distance entre eux deux, prête à en découdre.
—Alors comme ça, t’as essayé de me tuer ?! s’exclama-t-elle, furieuse. C’est pour ça que tu m’avais suivie la nuit avant l’accident ? Tu voulais me faire disparaître en me poussant dans un ravin ?!
—Mais c’est lui qui m’a forcé… répliqua mollement Liam en désignant l’homme d’affaires.
—Et tu es un incapable ! tonna Alphonse en serrant les dents. Quand je pense que tu es le fils d’oncle Nigel et que tu n’as même pas un centième de son intelligence…
—Nous on ne va pas s’en plaindre vu la quantité de personnes mortes que ce type a laissé derrière lui ! souligna Sirius en refermant les portes d’un claquement de doigts. D’ailleurs, on adorerait savoir quelques trucs vous concernant, notamment concernant les deux coffrets de malheur que votre famille a eu on ne sait comment.
Si en entendant cela, Liam s’énerva, Alphonse en revanche semblait à la fois étonné et intrigué. Que mijotait-il ?
—Deux coffrets ? fit l’homme d’affaires, haussant un sourcil. D’où tenez-vous cette information ?
—Me mêlez pas aux affaires de ce type ! s’exclama le sportif, très contrarié. Je n’ai ri-
—La ferme Liam ! En quoi ces objets vous intéresse vous aussi ?
Quelque chose dans la façon de poser cette question titilla Eurydice, comme s’ils n’étaient pas les premiers à qui cet homme demandait cela. Si c’était bien le cas, avec qui avait-il bien pu en discuter avant eux et pourquoi quelqu’un d’autre qu’eux aurait voulu en savoir plus ?
—Sérieux, ces coffrets foutent le souk ! fit Sirius qui commençait lui aussi à s’énerver. J’ai fais je ne sais combien d’heures de recherches généalogiques et je suis certain que vous ne devriez pas les posséd-
—Attends Sirius, le coupa la jeune femme en voyant la mâchoire d’Alphonse se crisper. Quelqu’un les a donnés à votre famille, c’est ça ?
—Oui, confirma l’homme d’affaires en la regardant d’un œil noir. Le deuxième nous fut remis après que ta mère, cette renarde de Laurel Fox, nous ait dérobé le premier !
—La même personne dans les deux cas ?
Vu l’expression de l’homme d’affaires, c’était certainement le cas… sauf que cela posait problème car qui avait bien pu obtenir ces coffrets au préalable et les remettre ensuite aux Duspeti, très certainement à plusieurs années d’intervalles ? Cela ne pouvait pas être Viktor car si elle avait juste, Ezekiel et son frère avaient le même âge et sa mère avait cessé de jouer les cambrioleuses peu avant d’emménager à Newcrest, ce qui lui paraissait trop juste pour que le magicien corrompu, à peine sorti du Tome de Feu, ait eu le temps de faire tout ça. Auraient-ils raté quelqu’un parmi les alliés de ce dernier ou bien…
—Sirius, qui était à coup sûr du côté de Viktor ? demanda la jeune femme à son ami.
—Le seigneur Richard Desade, répondit sans hésiter le musicien. Ces deux là étaient souvent en train de trainer ensemble mais Desade n’était en rien quelqu’un de malveillant. S’il était assez apprécié au sein du château, l’Eglise en revanche appréciait peu le fait qu’il se fiche de la religion, plus particulièrement son père qui était prêtre. Richard Desade est aussi le seul dont je n’ai pas pu trouver de descendants car il semble qu’il soit mort peu après la chute d’Avalon et je peux certifier qu’il n’était pas magicien.
—Juste lui ?
—Oui. Viktor n’avait aucune femme dans sa vie, cela au grand dam de l’Eglise qui, de ce que je sais, a tenté de le marier à deux reprises avant de renoncer car il s’était gravement fâché avec la potentielle fiancée, au point que la rumeur a un temps couru qu’il était misogyne car il ne tolérait que les hommes dans son entourage… enfin, jusqu’à ce que ma sœur arrive.
Lui aussi avait eu droit aux tentatives de mariages arrangés ? Vu qu’il n’était pas un héritier possible du trône vu les lois, pourquoi vouloir le marier ? Pour sa magie peut-être ? Et puis si son seul allié connu n’avait laissé aucune descendance, qui pouvait donc être celui ayant récupéré ces deux coffrets ? Auraient-ils raté quelqu’un ?
Seulement, sa réflexion fut interrompue par Liam qui perdait patience…
—C’est quoi vos salades encore ?! s’exclama-t-il avec force. J’me cass-
—Oh que non ! le coupa Eurydice en lui barrant la route. T’as foutu le bordel toi aussi donc tu restes sagement ici !
Elle n’allait quand même pas laisser cet abruti arrogant l’empêcher d’assembler les pièces de ce puzzle ?! Surtout qu’il y en avait beaucoup… et qu’Alphonse Duspeti ne tenait visiblement pas à ce que son cousin lui fausse compagnie vu la façon dont il le fixait.
—Ecoutez, je ne sais pas ce qui vous intéresse dans ces coffrets mais on m’avait dit d’en laisser un dans ce sanctuaire au quartier asiatique en échange d’un tuyau sur le dernier Tome ! s’exclama l’homme d’affaires qui semblait vouloir en finir avec ça. Je ne sais pas comment il a eu mon numéro mais il devait surement être lié à cette femme pour savoir que j’avais ce coffret avec moi !
—Une femme ? s’étonna Sirius. Elle ressemble à quoi au juste ?
—Seul mon père et peut-être mon oncle l’ont vue ! Elle ne me contactait que par téléphone et du peu que je sais sur elle, elle est blonde.
… Blonde ? Maintenant qu’Eurydice y repensait, il n’y en avait pas une à Avalon qui était une créature surnaturelle ? En fouillant dans sa mémoire, ses doutes se confirmèrent…
… quand le visage de Fairy lui revint en tête ainsi que le fait qu’elle avait été très évasive sur le pourquoi elle voulait voir Joshua le Téméraire. Techniquement, en tant qu’ange et muse, elle était peut-être une des rares personnes ayant vécu à cette époque qui était encore en vie et elle avait très bien pu apprendre pour les coffrets d’une manière ou d’une autre. Seulement, elle avait prétendu aider Margaux…
—Cette fille que ta sœur a rencontrée, elle était blonde ! souligna la jeune femme, n’ayant pas d’autre suspecte en tête. Surtout que c’est possible qu’elle soit encore en vie !
—Impossible, dit le musicien, catégorique. J’ai connu une muse et ce n’est pas dans leur nature. Qui plus est, tu oublies une chose : la chute d’Avalon a entrainé la fin des anges !
Mince… Donc Fairy était peut-être morte mais le hic, c’était que Margaux suspectait un ange d’avoir indiqué à ses parents comment bien conserver le coffret qui était au grenier. Si c’était juste, au moins un ange avait survécu mais elle n’avait aucun moyen de trouver qui et combien.
Restait l’autre partie curieuse du témoignage d’Alphonse Duspeti : ce coup de téléphone d’un homme qu’il ne connaissait pas. Là , il n’était pas improbable que ce soit Viktor mais qui était son hôte ? Et surtout, pourquoi envoyer l’homme d’affaires à Winderburg… à moins, vu les derniers évènements, si ce n’était pour lui tendre un piège… Sauf que si c’était ça…
Elle n’eut pas la possibilité de dérouler tout le fil de sa pensée car Liam tenta de la frapper en traitre et qu’elle dut répliquer pour le remettre à sa place. A tous les coups, cet abruti voulait encore s’échapper !
Sauf qu’il avait dû oublier qu’il ne portait pas son équipement de sport car le violent coup de genou qu’Eurydice lui asséna en plein ventre n’avait clairement pas été anticipé, faisant qu’elle ne mit pas longtemps à le battre à plate couture.
—T’as fini oui ?! fit-elle en lui jetant un regard noir.
—O-oui… dit-il en se remettant des coups reçus, ne s’étant probablement pas attendu à ce qu’une fille cogne plus fort que lui.
Maintenant, elle pouvait enfin réfléchir pendant qu’il protégeait ses bijoux de famille… et plus elle avançait, moins elle aimait ça car, pour que cela soit possible, c’était que Margaux avait commis une erreur ou plutôt… sous-estimé Viktor. Il fallait qu’elle en ait le cœur net, même si elle savait que ça n’allait vraiment pas lui plaire.
—Dis-moi Sirius, vous avez altéré souvent le temps non ? demanda-t-elle en se souvenant de ce qui lui avait été mentionné.
—Pas sans arrêt mais à chaque fois que ta vie était menacée je dirais, répondit-il, un peu intrigué par sa question. Y a un problème ?
—Margaux avait dit que quelqu’un d’autre le faisait aussi en suspectant Viktor. Que se passait-il quand ce n’était pas vous les responsables ?
—Que je réfléchisse… Le projet immobilier c’était nous, c’est certain. Ayumi Reiji et le coup de la corruption subite des Saharas en revanche, non et à cause de ç-
Soudain, le musicien se mit à blêmir, confirmant ainsi les craintes d’Eurydice. Il l’emmena un peu à l’écart, la fixant avec stupéfaction.
—Ca profitait toujours à la même personne, n’est-ce pas ? demanda-t-elle, fébrile. Et ça m’était défavorable…
—Pas toujours mais oui, révéla Sirius qui était clairement sous le choc. Et il était au quartier asiatique quand le sanctuaire à été corrompu mais Margaux ne le surveillait pas lui à ce moment-là …
—… Et aucun de vous n’aurait eu l’idée de vérifier son téléphone car il s’en serait probablement aperçu et que pour vous, il n’était pas un ennemi.
C’était la seule possibilité : au lieu de sortir lors de la s��paration des Tomes, l’âme de Viktor s’était libérée avant, ayant peut-être même soufflé l’idée de la malédiction à Guillaume Duspeti pour piéger ceux se trouvant dans la Tour Mirage au moment du vol… faisant que pour sortir et agir en toute discrétion, Viktor n’avait qu’un seul hôte possible… Un hôte dont il pouvait aisément se servir pour la contrer elle en usant de la malédiction qui la touchait.
L’hôte de Viktor était Ezekiel.
Soudain, ils sentirent comme une puissante onde de choc, celle-ci faisant trembler les murs du bâtiment avec elle. Avec précipitation, ils sortirent tous… constatant que la nuit était déjà tombée et qu’elle n’avait rien d’habituel.
—Mais qu’est-ce que… commença Alphonse Duspeti dont le regard scrutait le ciel aux teintes anormales.
—Là , ça craint vraiment, fit Sirius en grinçant des dents.
Quoique ce soit qui faisait cela, Eurydice s’aperçut que ces teintes se déplaçaient toutes depuis un même point qui était situé à Winderburg… sur la terre ferme. En tournant la tête, elle eut confirmation de cela : ce qu’ils voyaient était une partie d’un cercle ou d’une onde qui était en train de passer au dessus d’eux.
—Quel sort peut bien faire un tel effet ? demanda l’homme d’affaires juste après avoir relevé les yeux, ayant probablement vu que ces teintes étranges ne se reflétaient nullement à la surface de l’eau. La mer devrait agir comme un miroir…
—Vu à quelle vitesse ça se déplace, un très puissant et bien corrompu pour que l’eau fasse ça car c’est la seule raison que je vois à ce phénomène, répondit le musicien qui n’aimait clairement pas ça. On peut pas se permettre de rester ici à attendre que le ciel redevienne normal.
Si Eurydice ne se trompait pas, d’ici une minute environ, cette onde ne serait plus visible… ce qui ne laissait pas beaucoup de temps pour fuir.
—Où va-t-on ? demanda-t-elle.
—Les Falaises, répondit-il. C’est là -bas que je pourrais au mieux exploiter ma magie pour nous envoyer ailleurs car là , il y a un risque que ça attire des indésirables par ici. L’eau est sensible à la corruption et ne la reflète pas quand il y en a, ce qui signifie qu’on a un sacré souci vu la quantité de lumière dans le ciel.
D’un signe de tête, elle indiqua qu’elle avait compris et, malgré les réticences des deux autres, ils prirent la route vers les Falaises.
Cependant, ce qu’ignoraient Sirius et Eurydice, c’était que quoique soit ce sort, celui-ci était en train d’affecter d’autres lieux que Winderburg et se propageait à toute allure à travers le monde, à l’insu du commun des mortels…
Au musée d’Oasis Springs, Iowa Smith était en train de faire le tour de la nouvelle exposition sur Heaven afin de vérifier que les plus grosses pièces venues du temple et de la mine étaient bien à leur place pour le jour J. La seule chose qui le dérangeait était ce sarcophage plus ouvragé que les autres que personne n’était parvenu à ouvrir et sur lequel il effectuait encore pas mal de recherches afin de savoir s’il appartenait à une importante prêtresse Sahara ou à un membre de la royauté d’Heaven.
Un bruit derrière lui attira son attention et, en se retournant, il aperçut une personne qui n’aurait pas dû se trouver ici. Qui était cette fille ?
A cette heure-ci, seul lui devrait être au musée donc cette demoiselle n’avait rien à faire ici et il serait bon de le lui signaler.
—Excusez-moi mais qui êtes-vous ? alla-t-il lui demander.
—Oh ? fit-elle, surprise, avant de se reprendre. Pardon. J’appartiens à l’office de tourisme de la ville et j’ai été chargée de rédiger une présentation sur cette exposition donc je me suis servie de ma clé pour venir jeter un œil.
Il n’avait pas été prévenu de ça… et puis il ne savait pas pourquoi mais cette fille lui rappelait quelqu’un, surtout au niveau du nez qu’il était certain d’avoir déjà vu quelque part.
—Personne m’en a informé, dit-il en fronçant les sourcils, méfiant. J’peux savoir quel est votre nom ?
—Oh je dois avoir une carte dans mon s-
Seulement, un bruit étrange résonna au dessus d’eux, les intriguant autant l’un que l’autre. Puis soudain, le regard du sarcophage sinistre sur lequel Iowa devait encore faire des recherches se mit à briller, comme pour leur signifier quelque chose.
—Faites le moins de bruit possible, lui souffla la jeune femme à voix basse. Quelqu’un s’est introduit ici…
—Comme-
—Je vous expliquerai.
Sur la pointe des pieds, tous deux remontèrent à l’étage pour voir ce qui avait produit ce son inhabituel. Une fois au rez-de-chaussée, Iowa fut un peu étonné de voir que la nuit était si sombre, surtout quand il vérifia l’heure sur sa montre, lui confirmant que le ciel devrait être en train de s’éclaircir et non l’inverse. Ce fut en se rapprochant de l’entrée que lui et la jeune femme se figèrent en découvrant qu’ils n’étaient pas seuls dans le bâtiment…
—Oh oh…
Oui… Cette nuit n’avait rien de normal et cela, une certaine catégorie de démons l’avait bien sentie et comptait bien profiter de l’occasion qui lui était offerte pour semer le trouble à travers le monde.
Certains le découvrirent vite comme à Newcrest où Erika Muerte, ayant oublié son téléphone au Matsuri, était retournée au parc après la fin des festivités…
—Qu’est-ce qu-
—Hé hé… Viens jouer avec nous ma jolie…
… à Forgotten Hollow où, alors qu’elle revenait de son travail au laboratoire, Kate Frost fut prise à partie par deux démons mineurs qui lui barrait le passage…
—Dégagez de là vous deux !
—Pas avant qu’on ait joué tous les trois…
—Grr…
… et à Brindleton Bay où Billy Novelli et Salazar Ether revenait tout juste d’une sortie au bar du port.
—Sal’…
—J’ai vu moi aussi.
—… Et j’crois qu’ils nous ont vus.
—J’espère que tu cours vite mon ami...
Dans les eaux de Winderburg, une onde de choc avait été ressentie par tous les passagers du paquebot approchant les côtes, poussant le commandant du navire à stopper les machines pour voir si le problème venait de là . Cependant, s’il avait été une créature surnaturelle, il aurait su tout de suite que l’origine de tout cela était magique… et que deux de ses passagers avaient profité de l’agitation de l’équipage, surpris par ce qu’il s’était passé dans le ciel, pour se faufiler tout en haut du bateau de croisière afin d’identifier ce qui avait tant attiré leur attention.
—Il semblerait que nos vacances prendront fin plus tôt que prévu, constata l’homme en observant la ville au loin. Je me trompe peut-être mais…
—Quelque chose de pas net se prépare, compléta sa compagne de voyage et amie. C’est surement pour cela que cette Margaux nous a fait venir ici.
Cela, il en était certain. Cette sorcière les avait bien baladés lorsqu’ils traquaient ce tueur en série à Willow Creek et, même si, au final, elle les avait aidés, il n’avait pas forcément apprécié ses méthodes, surtout le moment où il avait fini dans un piège à démon. Quoiqu’elle leur réserve cette fois-ci, il n’était pas persuadé qu’il allait aimer ça, surtout après ce dont ils avaient été informés quelques heures plus tôt…
Son ouïe développée entendit de l’agitation dans le bateau au sein de l’équipage ainsi qu’un appel radio étrange venant de la côte. En concentrant son attention sur Winderburg, il eut confirmation qu’il y avait un problème : il perçut des cris effrayés, des grognements typiques de certains démons et d’autres sons qui indiquaient qu’un raid était probablement en cours.
—Vu ce que j’entends, des démons font du grabuge sur la terre ferme pour des raisons que j’ignore, signala-t-il à son amie qui était plus calée que lui sur les créatures surnaturelles en général. Je doute que ce soit des vampires fut le boucan qu’ils font.
—Des démons mineurs peut-être, supposa la jeune femme, l’air pensive. Ce sont des profiteurs qui ne respectent pas grand-chose et des opportunistes d’après ce que je sais. C’est peut-être cette vague de magie qui les a attirés.
—En d’autres termes, il faut les arrêter.
—Tout Ă fait. L’idĂ©al serait de dĂ©truire l’origine de cette magie ou de savoir si quelqu’un les dirigent pour le vaincre. Une fois la raison de leur prĂ©sence disparue, ils s’en iront très vite, surtout si l’aube est proche. Â
—Alors allons-y sans tarder.
Très loin d’ici, Margaux était à Newcrest, ayant pu aller examiner puis détruire le dernier coffret qu’elle avait identifié comme étant celui qui avait, normalement, été confié à Richard Desade vu les armoiries se trouvant dessus. Elle était en route pour régler une dernière chose quand elle avait senti ce puissant sort être jeté, confirmant que Viktor était en train d’agir…
… et qu’il était plus que temps pour elle de libérer les habitants de la Tour Mirage de cette malédiction stupide.
Elle espérait juste qu’ils arriveront à temps pour mettre un terme à tout ça.
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Chapitre 19 : Liens obscurs
Depuis quelques heures à la Tour Mirage, l’inquiétude dominait : Ezekiel aurait dû être de retour depuis le début de la soirée et lorsqu’ils tentaient de le contacter, son téléphone portable sonnait dans le vide. Gabriel essayait de rester calme, sachant très bien qu’un signe de panique de sa part pourrait déstabiliser Cordelia et lui faire faire des erreurs mais, vu les circonstances, cela devenait de plus en plus difficile. Certes, son fils était adulte mais il était toujours joignable au cas où et prévenait le plus souvent quand il comptait rentrer tard.
—Rhaa ! râla sa partenaire une nouvelle fois. Encore ! Il y a des interférences ou quoi ?!
Cela faisait un bon moment que sa compagne se cassait la tête avec la boule de cristal pour retrouver la piste de leur fils mais, pour une raison qui leur échappait, impossible de dépasser un certain point, comme si le jeune magicien s’était évaporé dans l’air… La seule chose qu’ils avaient découverte à cet emplacement précis, c’était les débris de son collier qui avait pour rôle de bloquer sa part incube.
—Mais ça m’énerve ! pesta Cordelia en frappant la table du plat de la main. Pas moyen de savoir où il a été après cette baraque ! Il n’a plus son collier donc normalement, je devrais le repérer en un instant !
—Cela fait plus de vingt fois que tu échoues… constata Gabriel, la mine sombre. Et l’aube est là donc s’il y a une interférence, elle est d’origine magique.
Tout cela était de très mauvais augure… Le magicien n’avait pas d’autre choix que d’envisager les pires scénarios possibles et la simple idée qu’Ezekiel soit mort ravivait en lui de douloureux souvenirs…
—Tu as réussi à contacter ses amis ? lui demanda Cordelia.
—Tous ceux dont nous avons connaissance, répondit-il. Les Reiji ne l’ont pas revu et Orlando Sewin ne l’a pas aperçu non plus. Même chose chez les Vatore et Iowa avait semble-t-il quelques soucis…
—Ah ?
—La sœur de son petit-ami a disparu elle aussi.
En soit, c’était une très curieuse coïncidence… Surtout que d’après ce que le jeune professeur d’histoire et archéologue lui avait dit, son petit-ami ainsi que les parents de ce dernier s’étaient montrés très réticent à donner plus d’informations. Un petit coup d’œil concernant la vie de la famille Fox-Pesetas pourrait s’avérer intéressant…
—Et le vampire de l’Opéra ? questionna la succube.
—J’ai eu plus de mal à le joindre mais lui et son amie n’ont rien à nous apprendre, répondit Gabriel avant de se souvenir d’un détail un peu curieux dans ce que lui avait dit Dimitri Markoff. Par contre, ils sont en route pour Winderburg mais sont restés très évasifs sur le sujet…
Vu les ennuis que ces deux vampires avaient eu avec Vladislaus Straud, ce n’était pas illogique qu’ils veuillent quitter Forgotten Hollow. Winderburg était un choix de destination comme un autre mais le fait qu’ils s’y rendent en bateau au lieu de prendre le train était une drôle d’idée, surtout quand l’un des deux devait impérativement faire profil bas pour espérer échapper aux journalistes. S’était-il passé quelque chose de particulier qui expliquerait cela ?
—En résumé, nous avons épuisé toutes nos options ! fit Cordelia avec rage. Nous sommes coincés ici et on ne connait personne qui pourrait traquer un semi-démon perdu on ne sait où !
—… Je crois qu’il nous reste encore une carte à jouer…
Gabriel se demandait comment il avait fait pour ne pas penser à la contacter plus tôt alors qu’il pouvait facilement la joindre à tout moment en cas de besoin – la dernière fois qu’il lui avait demandé de venir, c’était pour qu’elle aide Ezekiel au piano et elle était parvenue à lui faire comprendre pourquoi il n’y arrivait pas. Avec de la chance, elle était disponible…
Si l’on faisait la généalogie du magicien, il serait difficile d’aller plus loin que ses parents car il n’avait jamais connu son père et sa mère, la guérisseuse Iris, avait vécu toute sa vie dans les montagnes, dans un lieu à présent nommé Granite Falls. Seulement, s’il tenait surtout ses pouvoirs d’elle, il avait appris que si sa magie était surtout concentrée dans ses yeux azur et qu’il avait la capacité de sonder le cœur d’une personne d’un simple regard, c’était parce que cette faculté était à l’origine détenue par sa grand-mère, une des rares créatures surnaturelles de Lumière encore existante – pour être exacte, elle était une muse, son vrai nom étant Euterpe, la muse de la musique. Grace à cela et aux liens qu’il avait tissé avec cette dernière quand elle lui apprenait la magie puis lorsqu’elle l’avait aidé pour son sort d’immortalité, il lui était possible de facilement la contacter mais, comme elle était potentiellement menacée par les démons, ils avaient convenu de ne le faire qu’en cas d’urgence, ce qui était le cas aujourd’hui.
—C’est un peu flippant quand tu as ce regard… lâcha Cordelia quand il eut envoyé son message.
—Je suis certain que tu peux faire plus peur que moi, souligna Gabriel, se souvenant de la dernière fois que sa compagne avait usé de sa forme sombre.
L’attente ne fut pas très longue : une forte magie se fit sentir et une lumière vive apparut. Celle-ci laissa apparaître une silhouette qu’il reconnut aisément, celle-ci n’ayant pas changé depuis le premier jour où il l’avait rencontrée.
Une fois la lumière dissipée, leur visiteuse acheva son sort de téléportation calmement, posant ses pieds au sol l’un après l’autre. Sa tenue vestimentaire était plus décontractée que lors de sa dernière visite mais c’était bien elle.
Elle se tourna vers eux, l’air manifestement intriguée d’avoir été appelée, puis les rejoignit.
—Bonjour à vous deux, dit-elle calmement avant de froncer les sourcils en voyant que Cordelia n’était pas de bonne humeur. Que se passe-t-il ici ?
—Bonjour à toi aussi Jaimie, dit Gabriel en s’asseyant devant la boule de cristal. Je vais t’expliquer ça tout en te montrant le nœud du problème.
—On est dessus depuis cette nuit et pas moyen de savoir où il est passé ! s’exclama la sorcière qui commençait clairement à saturer. J’espère vraiment qu’il s’est fait la malle en douce comme l’autre fois et que son téléphone n’a plus de batterie…
—J’en conclus que c’est en rapport avec Ezekiel… Je vous écoute.
Calmement, il lui raconta les grandes lignes de la quête des Tomes, passant vite sur les Saharas en entendant pester Cordelia pour enchaîner avec ce qu’ils avaient progressivement appris sur ces livres. Il la vit plisser des yeux avec un certain agacement à la mention du coffret, lui laissant penser qu’elle avait quelque chose à leur apprendre sur le sujet. Par contre, il ne fut pas étonné de la voir réagir à la mention d’Avalon car il se souvenait très bien du peu qu’elle avait accepté de lui dire sur son grand-père et dont il n’avait, jusqu’ici, parlé que quelquefois avec sa compagne, n’ayant pas jugé vital d’en informer son fils.
—Vous êtes certains que c’est Margaux, la Ténébreuse d’Avalon ? questionna Jaimie, perplexe.
—Ténébreuse ?! fit la succube, surprise. Elle doit être sacrément coriace celle-là dans ce cas !
—Oui, nous avons comparé avec le portrait d’elle que j’ai… emprunté aux Archives de Willow Creek, confirma Gabriel avec un sourire en coin. J’imagine qu’il était de toi. Cela ressemblait à ton coup de pinceau bien que ce ne soit pas ta plus belle œuvre.
—C’est compliqué de peindre quelqu’un comme elle sans qu’elle ne perçoive ta présence, précisa la muse en grimaçant. Je ne l’ai vue qu’une seule fois et j’ai dû profiter que Joshua la tenait occupée pour réussir cet exploit… J’avoue cependant que je suis étonnée d’apprendre qu’elle est encore en vie. Qu’en est-il de son frère ?
—Elle a un frère ?
—Sirius. Je lui avais donné quelques cours de musique quand il était à l’orphelinat car j’avais remarqué qu’il avait une oreille absolue. Très bon élève bien que c’était compliqué de le faire tenir en place, surtout qu’à l’époque, il était obsédé par l’idée d’être réuni avec sa sœur et j’ai réussi à convaincre Joshua de le rencontrer afin qu’il l’aide. La dernière fois que j’ai eue de ses nouvelles, il voyageait avec une chanteuse et une danseuse.
Tiens donc… A présent, ils savaient qui pouvait être leur incarnation du Tome de l’Air et, peut-être, la raison pour laquelle ce Tome leur échappait : si Margaux était proche de Sirius et inversement, nul doute que la Ténébreuse d’Avalon devait avoir cet ouvrage en sa possession. Et s’il avait bien entendu, il était possible que…
—Une seconde, les coupa Cordelia, soupçonneuse. Quand elle dit « Joshua », elle parle de Joshua VI, le roi d’Avalon ?!
—Lui-même, répondit Jaimie, amusée. Je n’étais pas sa muse quand je l’ai rencontré mais celle de sa cousine Teresa qui m’avait demandé de le convaincre de ne pas faire changer les lois pour l’accession au trône d’Avalon, un point sur lequel j’étais d’accord avec elle. Seulement, je n’avais pas prévu qu’il m’embarquerait dans une aventure et qu’il réussirait à me séduire… Notre relation est finalement restée amicale bien que nous ayons eu Iris ensemble.
—… Gabriel, quand tu m’as dit que tu étais un descendant de la noblesse d’Avalon, tu n’aurais pas omis de me préciser un truc ?!
Un rire gêné échappa au magicien qui, rouge d’embarras, déclara avoir oublié de le mentionner… bien qu’en fait, cet oubli était quelque peu volontaire. Ce n’était pas qu’il avait honte de ce qu’était son grand-père, loin de là , mais la ressemblance physique entre eux était telle que la première fois qu’il s’était rendu dans l’ancienne région d’Avalon, certains descendants des seigneurs avaient eu des soupçons sur ses origines, faisant que Gabriel s’était mis à éviter autant que possible Winderburg et avait progressivement abandonné son style décontracté pour celui qu’il avait actuellement lorsqu’il avait appris que le Téméraire aimait bien se mêler au peuple.
Son grand regret était certainement de ne jamais avoir pu le rencontrer car sa mère ainsi que sa grand-mère lui en avait dit le plus grand bien et tout ce qu’il avait pu entendre ou lire sur lui confirmait qu’il était un roi très apprécié par son peuple.
—Alors comme ça, tu caches tes origines exactes ? le taquina Jaimie tandis qu’il voyait fulminer sa compagne dont les yeux verts lui promettait mille tourments. Toi qui étais si fier quand je t’en ai parlé…
—Et il a aussi menti sur son père tant qu’on y est ?! râla Cordelia.
—Je pense que non vu que moi non plus je ne l’ai jamais vu. Je sais juste ce dont Iris avait bien voulu me parler et encore, elle était restée très secrète sur lui, ce qui fait que je me demande depuis des siècles si elle ne m’aurait pas caché un détail le concernant. Elle aimait bien omettre des informations elle aussi mais plus pour éviter de me dire qu’elle se la jouait aventurière à mon insu.
—Génial… Faut que ce soit héréditaire en plus ! Ezekiel aussi fait des cachotteries dans ce style ?!
—Certainement oui, approuva Gabriel, l’air grave. Déjà , je me demande ce qu’il faisait dans cette maison à Newcrest…
Combien de fois avait-il aperçu son fils avec un sourire rêveur aux lèvres au juste ? Il ne l’avait jamais questionné sur ce qui occupait ses pensées à ce moment-là , préférant lui laisser un minimum d’intimité – à l’inverse, sa compagne pouvait être très invasive certains jours et avait encore des soucis avec le concept de la vie privée. En y repensant, le magicien se demandait si Ezekiel n’aurait pas rencontré quelqu’un avant d’aller au quartier asiatique car il était de bien bonne humeur lors de nuits de garde…
—Avant ça, tu avais mentionné un coffret qui avait corrompu un sanctuaire… le coupa Jaimie dont le sourire s’était effacé. Vous savez ce qu’il contenait à tout hasard ?
—Non, il a été détruit avant qu’on le sache et… commença la succube avant de s’interrompre. Et… Nous n’avions pas pu voir ce qu’il se passait dans le sanctuaire à ce moment-là  ! J’avais pensé que c’était Sedna ou les démons mais si en fait c’était cette chose depuis le départ ?
Effectivement, c’était fort probable que ce soit le cas… et vu l’expression de sa parente, elle n’avait pas terminé.
—Vu ce que je suspecte que cela devait contenir, cela pourrait bien être ça et… ce n’est pas une bonne nouvelle s’il y en a plus d’un, déclara-t-elle, leur arrachant un hoquet de stupeur. Ma sœur est tombée il y a plusieurs années sur un coffret qu’elle trouvait suspect à cause de son aura. En voulant le détruire, elle avait réalisé qu’il contenait une forte quantité de corruption lumineuse et, comme elle ne pouvait pas le toucher, ceux qui l’avaient en leur possession l’avait caché dans leur grenier… à Newcrest.
—Tu veux dire que… commença-t-il, comprenant soudain ce que cela signifiait.
—Je suis quasi certaine qu’Ezekiel est tombé sur ce coffret et ce, même si je suis aussi perplexe que vous sur la raison pour laquelle il serait entré chez les Fox-Pesetas.
Une seconde… Il avait déjà entendu ce nom il y a peu et… Non… Là , c’était certain : ça ne pouvait pas être une coïncidence et ils venaient très certainement d’avoir enfin une piste prometteuse.
—Fox-Pesetas ? fit Cordelia, elle aussi ayant réagi en entendant ce nom. Gabriel, tu n’avais pas prononcé ce nom tout à l’heure ?
—Après ma conversation avec Iowa, rappela-t-il tout en se remémorant le contenu de celle-ci. Il avait mentionné que la sœur de son petit-ami avait disparu et peinait à avoir des informations de leur part.
—Elle a disparu ?! s’exclama Jaimie, très surprise avant de grimacer. Je savais qu’on aurait dû la prendre sous notre aile dès son adolescence… Cette fille est un Cœur Vaillant avec un sacré potentiel artistique vu les échos que j’en ai eu.
—Et de mémoire, Iowa avait dit qu’il l’avait rencontrée à Winderburg lors des portes ouvertes de l’univers-
Soudain, des pièces du puzzle qui n’avaient rien à voir entre elles au premier abord se mirent à s’assembler, lui dévoilant un lien qui ne lui avait pas sauté aux yeux auparavant : d’une manière ou d’une autre, chaque évènement les ramenait dans la région de Winderburg… qui était auparavant une partie du royaume d’Avalon. Depuis un moment, ils tournaient autour sans s’en rendre compte, surtout que vu les évènements du sanctuaire de Sedna, tout portait à croire que la destruction du coffret s’y trouvant était la raison de la présence de Margaux au quartier asiatique et la magicienne avait un lien avec Avalon… lui rappelant qu’il avait cessé de pister une certaine personne lorsqu’elle était apparue.
Que découvrirait-il s’il cherchait Alphonse Duspeti dans cette région en particulier ? En supposant que chaque membre de cette fratrie était parti sur la piste d’un Tome précis, Corinne Shining était peut-être celle devant trouver le Tome de l’Air et si elle n’avait aucune magie comme son frère, il devrait pouvoir essayer de savoir si elle a été vue à Winderburg…
—Toi, tu as trouvé quelque chose, fit sa parente avec un sourire en coin. Je reconnaîtrai ce froncement de sourcils entre mille.
—Pareil, ajouta Cordelia, l’air amusée. Ezekiel a exactement le même quand il trouve la solution à un problème.
—Je ne dirais pas que c’est une solution dans mon cas, leur signala le magicien. Quand on assemble certaines choses ensemble, c’est toujours le même lieu qui est lié à l’origine ou à la destination d’un des évènements qui nous intéresse. Si mes déductions sont justes, quelque chose se prépare à Winderburg mais je vais avoir besoin de plus de données pour confirmer mes craintes. Cordelia, tu penses pouvoir faire parler nos vampires pour avoir les vraies raisons de leur choix de destination sans devoir les maudire ?
—Hmm… Je ne pense pas réussir avec Dimitri Markoff car il a l’air très coriace mais avec Lucinda Gregorio, je devrais pouvoir obtenir quelque chose. Au pire, je sortirai la poupée vaudou que notre fils m’a offerte l’an dernier.
—Jaimie, avant que tu ne piste Ezekiel, j’aurais besoin de tes connaissances sur les alignements rares car si j’ai bon, ils seront très bientôt tous les trois réunis à Winderburg et j’aimerai savoir ce que cela peut signifier.
—Diverses choses mais vu qu’il me semble peu probable que cette clé ait été trouvée étant donné qui l’avait en sa possession avant la chute d’Avalon, il y a une chose que ces trois alignements peuvent faire ensemble : invoquer le Jugement.
Le Jugement… Serait-ce le but de Margaux ? Mais pourquoi ? Il allait leur falloir plus d’informations pour confirmer cela et découvrir quel intérêt cette magicienne pourrait avoir à invoquer ce piège antique et, surtout, qui elle comptait y enfermer.
A Winderburg, après sa nuit passée à regarder les souvenirs d’Avalon, les songes d’Eurydice avaient fait écho à tout cela et elle s’était vue évoluer dans ce royaume disparu, sentant la brise marine souffler sur son visage ou entendant le vent faisant bruisser les feuilles des arbres. A son réveil, Margaux n’était plus là , la place qu’elle avait occupée dans le lit étant devenue tiède, signe qu’elle était partie il y a moment. Elle se souvenait vaguement avoir entendu la magicienne lui dire, juste avant qu’elle ne s’endorme, qu’elle devait se rendre à Newcrest pour remettre certaines choses en ordre.
En regardant l’heure sur une pendule, la jeune femme réalisa qu’il était presque midi et qu’elle avait dormi toute la matinée. Elle se leva rapidement et s’habilla avec les affaires qui lui avaient été laissées la veille, peignant rapidement ses cheveux afin de les discipliner un minimum… avant de se demander un bref instant si Ezekiel apprécierait ce changement de style imprévu – il l’avait toujours connue avec les cheveux longs après tout.
D’ailleurs, où était-il actuellement ? Maintenant qu’elle y repensait, elle aurait dû le voir à Newcrest lors du Matsuri et, si les affinités se confirmaient, envisager de passer à une relation un peu plus qu’amicale. Seulement, les choses avaient changées et sa disparition brutale n’avait pas dû passer inaperçue, surtout qu’elle devait à présent prendre en compte cette malédiction ainsi que le fait que son ami d’enfance était un sorcier – ce dernier point n’était pas dérangeant pour elle mais elle restait un peu agacée qu’il ne lui ait rien dit à ce sujet.
Une fois prête, Eurydice monta à l’étage où elle trouva Sirius qui, visiblement, l’attendait.
—Salut ! fit-il quand elle passa la porte de la chambre de Belthelda. Bien dormi ?
—Je pense oui, répondit-elle en observant rapidement la pièce. Les autres ne sont pas là  ?
—Margaux est partie pour Newcrest régler différentes affaires en cours et Bel’ avait un rencard je crois. Une sorte de rencontre arrangée avec un autre ogre ou un truc du genre. Elle a vaguement dit qu’elle sentait venir l’échec.
La jeune femme n’était pas tentée d’en savoir plus pour le moment car, suite à sa longue nuit avec la Ténébreuse d’Avalon, elle avait pas mal de questions en suspens. Et vu la vitesse à laquelle le sourire du musicien s’effaça, il l’avait remarqué.
—Elle t’a tout montré j’imagine, dit-il, l’air peiné. Je me dis encore que j’aurais dû m’en rendre compte plus tôt qu’il n’était pas clair…
—De ce que j’ai compris, il a bien caché son jeu donc ce n’est pas ta faute, le rassura-t-elle. Par contre, du peu que j’ai vu, j’aimerai bien que tu me précises la nature exacte de notre relation à Avalon.
—C’est vrai que Margaux n’a pas pu récupérer l’intégralité de tes souvenirs… Quand j’ai été séparé de ma sœur enfant, on m’a envoyé dans un orphelinat d’Avalon. J’ai passé mon temps à essayer de m’en évader et à tout faire pour que personne ne m’adopte… jusqu’à ce que je te rencontre. On s’est soutenu mutuellement au point de devenir des amis proches. Même si je te taquinais beaucoup, nos rapports ont toujours été fraternels.
—Donc quand tu m’as draguée lourdement l’autre jour…
—… je savais très bien que tu m’enverrais paître. Cependant, sache que si je t’ai fais inscrire ton nom dans le Tome de l’Air, ce n’était pas seulement parce ma sœur te l’aurais fait faire à un moment donné mais parce que je tenais à ce que tu sois en mesure de te protéger toute seule si jamais c’était nécessaire.
Il avait pris un risque en faisant ça car s’il s’était trompé sur ses réactions, il aurait activée la malédiction de Viktor à coup sûr. Chance donc qu’elle ait gardé le même caractère dans ses deux vies…
—C’est quand même pas facile pour moi de me dire que t’as aucun souvenir du temps où on traînait ensemble, chacun avide d’avoir son indépendance, soupira Sirius, attristé. Même si Margaux ne le dis pas, je suis certain que c’est pareil pour elle.
—J’ai cru le comprendre, dit Eurydice en repensant à l’attitude la magicienne avec elle la veille. Après, une fois cette histoire terminée, peut-être que ce sera possible de repartir à zéro.
D’ailleurs, une fois qu’ils en auront fini avec Viktor, qu’allaient-ils devenir ? Vu l’expression du musicien, il était probable qu’il n’avait pas vraiment fait de projets d’avenir et, de ce qu’elle avait pu constater avec Margaux, il n’était pas impossible qu’elle soit dans ce cas elle aussi. C’était plutôt triste quand elle y pensait car cela signifiait qu’actuellement, leurs vies tournaient uniquement autour de cette mission…
—Autrement, il y a d’autres choses qui m’ont intriguée dans ce que j’ai vécu à Avalon, poursuivit-elle, ramenant une expression attentive sur le visage du musicien. Il y a notamment un truc que j’ai trouvé curieux : quand cette Teresa a été mentionnée, Viktor a vite corrigé le Téméraire en disant qu’elle n’était pas sa sœur mais sa demi-sœur…
—Oui, j’ai essayé de vérifier ça car l’incohérence était bizarre, admit Sirius, pensif. Le hic, c’est que l’Eglise l’a carrément rayée de tous les documents officiels à cause de la façon dont… elle est morte. Du coup, j’ai dû passer par les vieux journaux intimes des Seigneurs Villareal et Munch pour avoir confirmation qu’elle était bien la sœur aînée de Viktor. Seulement, vu les mœurs d’Avalon à cette époque et la façon dont on s’est efforcée d’effacer son existence, Viktor n’aurait même pas dû admettre avoir un lien de parenté avec elle ou même parler d’elle. Dans tous les cas, moi et Margaux ignorions qu’il avait eu une sœur jusqu’à ce que l’on vérifie tes souvenirs.
—Et vous n’avez pas utilisé la magie pour en apprendre plus ?
—On l’aurait bien fait… mais ce cher Viktor nous empêche de le pister ainsi, que ce soit son âme ou ces fichus coffrets. Déjà à Avalon, ma sœur ne pouvait prédire que vaguement ses faits et gestes car la spécialité de l’individu, c’est de masquer ses traces. Il a semble-t-il étendu cela à Teresa mais nous n’avons pas trop compris pourquoi il aurait fait ça.
Se pourrait-il que leur ennemi, encore caché à l’heure actuelle, ait de bonnes raisons pour masquer aussi les traces de sa défunte sœur ? Eurydice trouvait cela suspect et se demandait ce qu’il pouvait vouloir dissimuler la concernant, surtout s’il semblait ne pas se soucier de respecter le tabou instauré après le décès de sa parente.
Dans tous les cas, elle allait garder cela dans un coin de sa tête car là , elle avait plutôt envie de prendre un peu l’air, une envie que Sirius semblait grandement partager vu qu’il lui proposa d’aller en ville retrouver Belthelda pour boire un verre, une idée qu’elle trouva très alléchante. Ils prirent le ferry pour quitter l’île, en profitant pour discuter de diverses choses. Elle apprit que le musicien n’avait quasiment pas quitté Winderburg, sauf pour récupérer des documents pour retrouver la trace des différents seigneurs d’Avalon et savoir ainsi où ils étaient passés ainsi que leurs descendants. Elle découvrit aussi qu’il avait découvert de bonnes surprises comme la descendance d’Henri Scott qui avait été celle, après celle du seigneur Villareal, à avoir assuré le plus longtemps sa mission tandis qu’il avait dû empêcher sa sœur de foudroyer le dernier descendant de Gaston Huntington en découvrant que la raison pour laquelle le royaume d’Heaven avait été corrompu, c’était parce que ce seigneur détestable avait vendu le coffret dont il avait la charge aux prêtresses Saharas. De qu’elle comprit, par élimination, ils étaient certains que le coffret qui était chez elle à Newcrest ne pouvait être que celui qui avait été confié à Richard Desade, le seul des seigneurs d’Avalon mort sans aucune descendance – elle ne rata pas la grimace de Sirius quand celui-ci précisa que Richard Desade était souvent vu avec Viktor à l’époque.
Une fois sur la terre ferme, ils marchèrent un moment jusqu’à rejoindre un espace vert visiblement dédié au jeu d’échecs.
—Bel’ avait rendez-vous ici il me semble, fit le magicien en tournant la tête de tous les côtés. Quand elle disait qu’elle sentait venir l’échec, c’était peut-être au pluriel en fait…
—Un sacré jeu de mots oui, fit Eurydice, amusée par la chose. Je lui souhaite quand même que ça se soit bien passé.
—Des ogres en rencard… ça doit surtout parler nourriture et se taper dessus.
—Sirius…
—… Elle est derrière moi c’est ça ?
—Tout juste minus ! fit l’ogresse avant de taper l’arrière du crâne du musicien. Et ça s’est pas conclu le rencard. J’ai trop perdu de poids donc ça pouvait que coincer.
En entendant cela, la jeune femme ne cacha pas son étonnement et le fait qu’elle trouvait un peu… offensant que Belthelda ait été rejetée pour son physique.
—Calme mistinguette ! fit l’ogresse en lui souriant, la coupant dans ses pensées. Chaque peuple a ses propres critères de beauté et chez nous les ogres, nous aimons que nos partenaires aient des formes. D’ailleurs, on trouve très insultant quand on voit que vous retouchez les photos de vos mannequins pour qu’elles paraissent plus minces. Ca donne l’impression qu’elles sont des cadavres ambulants tellement ça fait peur.
—Dans ce cas, désolée d’être mince, répliqua Eurydice une fois qu’elle eut compris le point de vue de l’ogresse. Je te souhaite que la prochaine fois, ça se passe mieux.
—J’attendrai que vos petites histoires soient finies pour m’y remettre. Granite Falls est plus propice aux rencontres de ce genre que Winderburg et puis y a toujours des gobelins qui mettent le souk quand un rencard est plat.
—Si ça vous convient les filles, on peut continuer d’en parler autour d’un café, proposa Sirius qui semblait de très bonne humeur. Avec de la chance, il y aura encore des croissants à se mettre sous la dent.
—C’est bon pour moi !
—Pour moi aussi !
D’un pas léger, ils quittèrent l’espace vert pour descendre la rue en direction du café le plus proche. Le soleil était agréable et les températures aussi, faisant que le temps se prêtait bien à une balade en ville. Au détour d’une maison, le café fut en vue mais en faisant quelques mètres de plus, Sirius s’arrêta brutalement, l’air suspicieux. Les filles s’arrêtèrent à leur tour, suivant le regard vert du musicien qui était fixé sur la terrasse du café où deux hommes discutaient… dont l’un qu’elles semblaient connaître toutes les deux.
Après une plus ample observation de l’individu, il n’y avait pas de doute possible : c’était Liam qui était en pleine discussion avec un homme qu’Eurydice avait déjà vu une fois au restaurant de sa famille et dont elle se souvenait à cause des questions qu’il posait sur ses parents.
—Qu’est-ce que c’est que cette embrouille ?! fit Sirius qui ne semblait clairement pas ravi de voir ces deux hommes ensemble. Comment c’est possible qu’ils se connaissent ?
—L’autre avec le garde du corps, c’est Alphonse Duspeti je présume ? supposa la jeune femme qui n’aimait pas cela elle non plus.
—Oh oui… Ce type est absolument détestable à ce que je sais et il est pas aussi bête que pouvait l’être Corinne Shining.
—Ce n’est pas très difficile en même temps, ironisa Belthelda. Jamais vu une fille aussi imbue d’elle-même…
Détestable et malin… Pas une bonne combinaison et, malheureusement, c’était peut-être elle la raison de la présence de Liam avec lui, ce dernier n’allant certainement pas se gêner pour donner des infos la concernant. Si seulement ils pouvaient entendre ce qu’ils se racontaient…
—Envie d’écouter peut-être ? proposa le musicien, l’air amusé. J’ai une bonne oreille tu sais…
—Autant qu’un héros de comics ? répliqua Eurydice sur un air de défi.
—Ma chère, ma super-ouïe ne vaut pas celle d’un homme d’acier mais elle est amplement suffisante pour savoir ce que trament ces deux là … si tu le désires bien entendu.
—D’accord, je vois que tu t’es bien adapté à cette époque… Vas-y. J’aimerai bien savoir ce qu’ils trafiquent.
—Ca marche !
Sirius claqua des doigts et une légère brise se leva, soufflant en direction des deux hommes sur la terrasse du café. En observant son ami, la jeune femme vit que le sort qu’il avait jeté faisait effet, une série d’ondes sonores se dirigeant dans l’oreille du magicien.
Alors qu’elle se demandait comment il allait leur retranscrire cette conversation, un sifflement retentit dans ses oreilles et soudain, elle put entendre distinctement la voix de Liam, aussi précisément que s’il tenait juste à côté d’elle.
—Puisque je vous dis que j’ai fais comme vous l’avez demandé ! s’offusquait Liam, quelque peu agacé vu le ton employé. C’est pas de ma faute si elle a disparu après ça…
—Je ne faisais que revérifier que ta version n’avait pas changé, répliqua Alphonse Duspeti sur un ton trop mielleux au goût d’Eurydice. Chance pour toi que j’ai fais détruire le véhicule utilisé cette nuit-là car avec toutes les empreintes que tu as laissées dedans…
La jeune femme grogna en entendant cela : c’était donc eux qui étaient derrière son accident… et vu les grondements qu’elle percevait, il y en a un qui n’avait peut-être pas collaboré à cela de son plein gré.
—Votre petit chantage ne marchera pas éternellement… menaça Liam sans réelle conviction, confirmant la théorie de la jeune femme.
—Vraiment ? répliqua Alphonse Duspeti, manifestement très amusé. Tu n’es pas aussi malin que ton père sinon, tu aurais été aussi brillant que lui et tu aurais pu mieux cacher tes traces. Dommage pour oncle Nigel que j’avais plus de ressources que lui. Surtout que maintenant, tu n’as vraiment pas intérêt à ce que l’on sache que tu es de la même famille qu’un redoutable tueur en série…
—Vous n’êtes que…
Vu comment tournait la discussion, Eurydice jugea qu’ils en avaient assez entendu et fit signe à Sirius de mettre fin à son sortilège… avant de serrer les poings en grinçant des dents.
—Rappelez-moi de coller mon poing à Liam aux endroits où je pense, dit-elle, rêvant de refaire le portrait de ce type.
—Je te suis sur ce coup ! la soutint Belthelda. Ces mecs ont vraiment rien dans le pantalon pour t’avoir attaquée en traître comme ça ! Entre ce sale type qui me file la nausée et cette tête à claques qui respecte pas les nanas… J’sais pas lequel est le pire !
—C’est surtout une chance qu’ils n’aient pas l’intellect et la folie de cette saleté de Nigel Duspeti, fit remarquer le musicien en grinçant des dents. Ce type avait changé de nom pour Dexter Coroner et sous cette identité, il a fait beaucoup de victimes, dont certaines pour évacuer la frustration qu’il avait de ne pas pouvoir éliminer les membres de sa famille. A présent, grâce à Margaux qui lui a proposé je ne sais quoi exactement, il est hors d’état de nuire.
—Quand tu dis qu’il ne pouvait pas s’en prendre à sa famille… commença Eurydice, intriguée par cela.
—En fait, Guillaume Duspeti, probablement après que son frère Nigel se soit barré pour se faire une nouvelle vie pleine de meurtres en tous genres, a eu la bonne idée de jeter un sort de protection à ses trois enfants pour empêcher qu’ils ne soient parmi les victimes de leur psychopathe d’oncle. Dans un sens, ça nous a pas vraiment rendu service que Nigel Duspeti ne puisse pas faire ce qu’il voulait…
D’accord… Effectivement, si Liam avait été intelligent, il aurait pensé à vérifier qu’elle était bien morte avant de prendre la fuite. Seulement, elle avait du mal à comprendre pourquoi il lui avait été demandé de faire ça… et surtout, ce que l’on pouvait bien avoir cherché dans la maison louée par son frère. Savait-elle quelque chose qu’elle n’était pas censée savoir ? Etait-ce liée à cette fichue malédiction ?
—Minute, les coupa l’ogresse, visiblement agacée. Il y a des sorciers dans la famille Duspeti ?! Vous auriez pu me le dire ça !
—En fait, Guillaume Duspeti était le dernier sorcier de sa famille car Nigel, alias Dexter Coroner, est né sans pouvoirs magiques, répondit Sirius, intrigué par les réactions de son amie. Y a un truc grave pour que tu t’emballes comme ça ?
—Ouais car soit Corinne était vraiment plus bête que je le pensais, soit y a un problème car un gosse de sorcier, le premier truc qu’on lui explique, c’est de se méfier de ce qu’il boit quand il est chez un magicien ! Or cette fille a fait tout l’inverse alors que je m’étais présentée à elle en tant que sorcière ! J’sais pas pour vous mais pour moi, y a un truc qui cloche !
Sur ce point, Eurydice ne comptait pas la contredire car elle-même trouvait que cette famille amenait plus d’interrogations sur ses actions et leurs motivations que de réponses. D’où pouvait bien venir cette incohérence sur les dernières actions de Corinne ?
—Y a anguille sous roche oui, admit le musicien qui avait dû en venir aux même conclusions. Surtout que vu ce que m’a raconté Margaux, Alphonse Duspeti avait le coffret des Munch en sa possession et il l’a utilisé pour corrompre Selena à Newcrest, ce qui est bizarre si on suppose que le fils a le même but que le père qui est de mettre la main sur les Tomes.
—On a surement raté un truc, supposa la jeune femme. Faudrait qu’on sache déjà ce qu’ils pensaient que j’avais avec moi et pourquoi ils tenaient à se débarrasser de moi…
—Margaux va me tuer mais je suggère qu’on aille carrément le leur demander… à notre façon.
D’un hochement de tête, elles acceptèrent l’idée et tous trois se mirent donc en marche pour rejoindre les deux malfaiteurs et leur homme de main. Seulement, au bout de quelques pas, Belthelda les arrêta au niveau de la fontaine, reniflant autour d’elle avec insistance.
—Qu’est-ce qu’il t’arrive ? demanda Sirius, intrigué. La dernière fois que je t’ai vue humer l’air comme ça, tu nous avais menés droit à un buffet à volonté. Un super bon en plus !
—Ouais mais là , c’est différent, répondit l’ogresse, l’air très concentrée et dont les narines étaient grandes ouvertes. J’ai cru une seconde que c’était Caleb Vatore en sentant ce parfum boisé mais le sien n’a pas de notes épicées. J’sais pas qui c’est mais c’est un démon pour moi.
—Quel genre ? Pas un gobelin vu comment tu décris cette fragrance.
Belthelda huma un peu plus cette mystérieuse d’odeur… avant qu’un léger frisson ne la secoue et que, machinalement, elle se mordilla la lèvre inférieure. En la voyant réagir ainsi, la jeune femme se souvint de son amie Giulia qui avait ce tic quand elle voyait une fille qui lui plaisait pour la première fois.
—Jamais croisé un truc pareil mais ça vient dans notre direction et c’est… intéressant je dirais, commenta l’ogresse qui s’éventa rapidement d’un geste de la main. Je confirme pour l’appartenance aux démons en tout cas.
—D’accord… fit le musicien qui semblait perplexe. J’suis pas très au point sur tous les démons donc à part exclure gobelins et la majorité des vampires…
—Ca pourrait être une succube ou un incube ? supposa Eurydice en se souvenant de ses lectures de jeunesse et en se basant sur les réactions de son amie. Si ma mémoire est juste, ils charment tous les sens de leurs cibles quand ils sont quelque part…
—Oui ! s’exclama l’ogresse en entendant cela. Ca expliquerait pourquoi ce parfum me fait envie sans m’ouvrir l’appétit !
—Succube ou inc- commença Sirius avant de grogner. Oh non…
Après avoir prononcé ces mots, le magicien se tint l’arête du nez un instant en jurant contre lui-même avant de lever les yeux vers elle.
—Vu qu’à ma connaissance Bel’, t’es hétéro, c’est forcément un incube, poursuivit-il, visiblement contrarié. Par contre, si ma mémoire est ju-
—Il est juste là  ! signala l’ogresse en faisant un signe de tête vers l’autre partie de la terrasse du café.
—Quoi ?!
A ces mots, ils tournèrent tous la tête dans la direction indiquée, remarquant un homme qui marchait dans la direction de leur bande de malfaiteurs. Lorsqu’il s’arrêta, le regard fixement braqué en direction des deux hommes assis en terrasse, Eurydice fut soudain prise d’un doute en voyant cette tignasse d’un rouge flamboyant.
En détaillant plus attentivement celui que Belthelda avait indiqué être un incube et donc, un démon, la jeune femme faillit lâcher un hoquet de surprise en reconnaissant la ligne de cette mâchoire ainsi que le bouc qui lui donnait l’air plus vieux qu’il ne l’était réellement : c’était Ezekiel ! Mais pourquoi portait-il une pareille tenue alors que d’habitude, il avait un style vestimentaire plutôt décontracté et passe-partout ?
Soudain, elle vit son ami d’enfance lever son bras… et matérialiser un sort sans aucune raison apparente !
—ATTENTION ! hurla-t-elle au même moment que Sirius et Belthelda.
En entendant leur avertissement, leurs deux malfaiteurs se levèrent brusquement de leurs sièges tendit que le troisième homme, manifestement un garde du corps, se prépara à protéger Alphonse Duspeti…
… faisant qu’il reçu de plein fouet le sort à la place de celui qui était son patron, le tout sous les regards choqués de ce dernier et de Liam, tous deux visiblement terrorisés.
Le garde du corps fut projeté plusieurs mètres plus loin avant de retomber inanimé au sol, la violence du choc et sa position sur les pavés ne laissant guère de doutes sur le fait qu’il ne s’en relèvera sans doute jamais.
Sans demander leur reste, les deux autres prirent leurs jambes Ă leur cou en hurlant, ne tenant manifestement pas Ă subir le mĂŞme sort que leur homme de main.
Alors qu’Ezekiel comptait visiblement les suivre, Eurydice se précipita devant lui, furieuse, pour lui barrer la route et lui demander des explications.
—Mais qu’est-ce qu’il te prend au juste ?! lança-t-elle avec force, attirant sur elle toute l’attention de son ami d’enfance. Pourquoi tu as fait ça ?!
Son intuition le lui criait : quelque chose n’était pas du tout normal avec lui ! Jamais il n’aurait fait ça à quelqu’un ! Du moins… c’était ce qu’elle pensait au plus profond d’elle car elle était certaine que ce n’était pas son genre d’agir ainsi.
L’absence de réponse d’Ezekiel et son regard fixe l’inquiéta au plus haut point et, à cet instant, Eurydice réalisa qu’un détail crucial avait changé chez lui : ses iris d’un bleu éclatant avaient viré au violet et semblaient dénués de la moindre émotion. Mais que lui était-il arrivé pour qu’il devienne ainsi ?
Se sentant en danger, elle recula d’un pas juste au moment où Sirius vint la rejoindre, probablement pour la protéger, ainsi que Belthelda.
—Mais ça va pas la tête d’attaquer quelqu’un comme ça en pleine r- ?! s’exclama le musicien avant de lâcher un hoquet de surprise. Oh non… Pas ça… Il a dû trouver le dernier coffret avant Margaux !
—Tu veux dire qu’Ezekiel… commença-t-elle, comprenant soudain la raison  pour laquelle son ami d’enfance était ainsi.
—Il a été corrompu ! Faut qu’on se barre d’ici tout de suite !
Sirius lui attrapa le poignet pour la tirer en arrière et l’emmener avec lui le plus loin possible de cet endroit. A cet instant, elle vit son ami d’enfance réagir et esquisser un geste pour l’atteindre mais il fut bloqué par l’ogresse qui le poussa, le forçant à reculer et à focaliser son attention sur elle.
—J’vous rejoins plus tard ! leur lança-t-elle en lançant un regard furieux au rouquin.
—Bel ! s’exclama Eurydice en voulant aller la chercher.
—TIREZ VOUS DE LA ! Et toi mon mignon, je vais t’en faire voir des vertes et des pas mûres…
La jeune femme eut juste le temps d’apercevoir la peau de l’ogresse virer au vert avant que le musicien ne l’entraine derrière un bâtiment et ne la tienne fermement.
—Accroche-toi à moi car ça va décoiffer ! lui dit-il précipitamment.
—Mais Bel’…
—On a pas le choix Eury.
Résignée, Eurydice s’accrocha fermement à Sirius tout en espérant que Belthelda allait s’en sortir.
Cependant, les choses ne tournèrent pas ainsi. Si l’ogresse avait l’avantage de la force physique, celle-ci découvrit à ses dépens que si les succubes et incubes étaient tant redoutés, c’était parce que leurs pouvoirs si particuliers affaiblissaient la puissance de leurs adversaires qui éprouvaient une attirance physique pour eux. Ezekiel finit par prendre le dessus sur elle avec sa magie, l’étreignant dans un étau magique qui la fit hurler de douleur.
Sa souffrance continua jusqu’au moment où plus aucun son ne sortit de sa bouche et que sa peau verte se dissipa, faisant que le sorcier annula son sort et que le corps inerte de Belthelda chuta lourdement au sol, aux pieds de celui qui l’avait vaincue…
La logique aurait été qu’il parte à la poursuite d’Eurydice et de Sirius après cela mais ses actions furent toutes autres : il usa de magie pour changer de lieu, se transportant sur les hauteurs de Winderburg, là où l’on pouvait voir les montagnes enneigées et où les orages tendaient à se concentrer.
« Erapérp el liatrop… »
D’un claquement de doigts, le magicien fit apparaître un cercle magique à ses pieds puis, d’un geste de la main, il jeta un sortilège empli de noirceur sur le dit-cercle…
Quel était le but de cela ? La seule chose qu’elle savait, c’était qu’à l’instant même où il avait usé de ce sortilège, le cercle se trouvant de son côté fut activé à son tour, ouvrant un portail vers une destination qui lui était inconnue…
… et qui était son seul moyen de sortir de cet endroit.
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Chapitre 18 : Courant ascendant
Pendant un long moment, Eurydice resta bouche bée, tentant d’assimiler le fait que Sirius était aussi Sirocco, un être lié à un grimoire magique appelé le Tome de l’Air. Puis, réalisant qu’il lui avait caché ça et quelque peu menti, elle s’approcha de lui… pour lui coller une bonne claque sur la joue.
—Hey ! fit-il en massant le côté de son visage qui commençait à rougir.
—Ca c’est pour t’être fichu de moi ! s’exclama-t-elle, quelque peu vexée. Tu disais que tu étais magicien !
—Ce n’était pas un mensonge ! J’ai juste omis de préciser que c’était avant que je ne devienne ce que je suis maintenant.
—Explique-toi, maintenant !
Ce type méritait au moins une centaine de paire de baffes mais elle allait se retenir… le temps qu’il se décide enfin à tout lui dire. Elle en avait assez d’être le dindon de la farce !
—Déjà , je pense que je n’ai pas besoin de t’expliquer que je suis beaucoup plus vieux que toi, lui déclara Sirius en grimaçant un peu. J’étais un peu obligé de passer par le cours d’histoire pour que tu comprennes….
—Tu as connu l’époque d’Avalon donc, en conclut rapidement Eurydice. Ca fait que tu as… plusieurs siècles ?
—Et pas une ride comme tu vois ! Je suis resté aussi beau gosse !
… La modestie ne faisait pas partie de ses qualités à celui-là . Pour la peine, elle lui colla une seconde baffe car celle-là , il l’avait mérité elle aussi.
—D’accord, je l’ai cherchée cette fois, admit-il après s’être remis la mâchoire en place. Toujours est-il qu’en te faisant écrire ton nom dans le Tome, tu peux m’invoquer quand tu le désires.
—Et je fais comment pour te renvoyer d’où tu viens ? demanda-t-elle avec agacement. Parce que là , ça me tente beaucoup…
—Tu veux rester dans le brouillard jusqu’à la fin ?
Ca, c’était un coup bas… Après, certes, il était un peu agaçant mais elle devait reconnaître qu’il ne lui avait fait aucun mal pour le moment et qu’il l’avait même débarrassée d’un boulet lors de leur première rencontre. En prime, elle aimerait bien enfin savoir quelles étaient ces vérités qu’elle devait connaître…
—C’est d’accord mais tu ne te fiches pas de moi cette-fois, l’avertit-elle.
—Hey ! s’exclama-t-il en levant les bras. Je te dis ce que je peux te dire et surtout ce que je sais ! Ce n’est pas de ma faute si ma sœur veut que je garde des informations ! Et puis il y a des choses qu’elle t’expliquera bien mieux que moi de toute façon.
—Donc la suite logique, c’est que nous allions la voir.
—Oui… Et pour moi de finir électrisé car elle va pas aimer que je t’ai montré le Tome de l’Air sans son accord… Elle est même surement déjà au courant la connaissant.
Eurydice constata que Sirius en tremblait d’avance, ce qu’elle pouvait comprendre car de ce qu’elle en avait vu, Margaux n’était pas le genre de femme qui appréciait qu’on la contrarie. Elle-même n’avait pas tellement hâte de la revoir, même si c’était pour avoir des réponses à ses questions. Qui plus est, elle redoutait de se retrouver seule avec la sorcière et, au fond d’elle, elle espérait que cela n’arriverait pas…
—Du coup, on doit retourner sur l’île j’imagine ? supposa la jeune femme en voyant que la nuit était en train de tomber. On risque de rater le dernier ferry…
—Maintenant que tu as écrit ton nom dans mon Tome, ce n’est plus un souci, lui répondit le magicien avec un sourire en coin. Tu n’as pas de pouvoirs magiques mais tu peux m’invoquer pour utiliser les miens à présent. Qui plus est, quelqu’un comme toi devrait avoir des facilités pour manier mes pouvoirs.
—Vraiment ? J’ai un truc spécial ?
—Eurydice, beaucoup de magiciens rêveraient d’avoir ta particularité, ton petit copain inclut.
Mais de quoi il parlait au ju-… Une minute… « Petit copain » ?! D’où est-ce qu’il sortait ça ?! Elle était célibataire à sa connaissance et si c’était de Liam qu’il parlait, c’était une blague de TRES mauvais goût car elle ne pouvait pas piffer ce type. A moins qu’il parlait d’Ezekiel mais à sa connaissance, il devait être à Newcrest et tous deux avaient surtout conversé via leurs téléphones en restant sur un terrain amical…
Vu la légère grimace que fit Sirius, il avait compris qu’il avait gaffé et elle nota qu’il se préparait à se faire frapper à nouveau, ce qu’elle ne tarda pas à faire en lui collant sa troisième baffe de la journée. Là , elle commençait à se demander si, inconsciemment, il n’avait pas un fond masochiste…
—Je présume que tu ne vas pas me faire le plaisir de me dire ce que j’ai de si particulier ? demanda Eurydice en se massant la main.
—Pas ici, répondit le magicien en tendant sa main vers elle. Par contre, je te propose de tester un peu mes pouvoirs. Je ne te suggère pas le déplacement instantané car il n’est pas ce qu’il y a de mieux pour profiter du voyage…
—Donc ce sera quoi ? Voler comme un oiseau ?
—Exactement.
… Elle devait admettre qu’elle ne pensait pas tomber juste aussi vite. Elle n’avait jamais été sujette au vertige donc l’expérience ne devrait pas lui être déplaisante en théorie mais la question était de savoir comment ils allaient voler. Qui plus est, comment allait-elle réussir à maitriser sa trajectoire et éviter de rentrer dans un mur ou de se crasher violemment au sol ?
L’une de ses réponses arriva quand Sirius claqua des doigts et que, après un bref coup de vent, une paire d’ailes sombres apparut dans son dos.
—Voler littéralement comme un oiseau donc, comprit Eurydice dont le regard admira les légères variations de couleurs des plumes aux teintes brunes. Tu réalises que je ne sais pas faire cela ?
—Aucun souci ! C’est moi qui dirigerais au début, lui dit-il avec un sourire amical. Je te laisserai la main après mais si je sens que ça ne va pas, je reprendrai le contrôle. Laisse-toi juste faire au départ et tout devrait bien se passer.
—Mouais… Si je fini en crêpe sur le bitume, je reviendrai me venger en tant que fantôme…
—Ha ha ha ! Je te promets que ça n’arrivera pas !
Elle l’espérait vivement…
D’un claquement de doigts, Sirius la dota elle aussi d’une paire d’ailes sombres puis, après avoir récupéré le Tome de l’Air, il prit un peu d’élan avant de commencer à s’envoler, ses pieds quittant le sol après un puissant battement d’ailes. Eurydice suivit son conseil et, quand ce furent ses ailes qui bougèrent, elle se contenta de sauter en avant, donnant l’impulsion nécessaire à son envol dans les airs.
Par contre, elle n’avait pas prévu qu’un coup de vent viendrait souffler sur eux, si bien que si le magicien n’eut aucun problème à l’esquiver, la jeune femme le reçut de plein fouet, lui faisant faire un tonneau malgré elle et causant la perte de sa casquette dans la foulée. D’instinct, elle lutta pour essayer de se redresser elle-même mais sans savoir comment contrôler ses ailes, c’était compliqué.
—Oups ! s’exclama Sirius en réalisant qu’elle avait des difficultés. Ca va aller ?
—Si on excepte que j’aimerai bien voler droit avant de m’écraser au sol, ça peut aller.
—Essaie plutôt de penser à ta trajectoire plutôt qu’à bouger les ailes !
Ca c’était facile : n’importe où sauf sur le bitume… et cela semblait fonctionner car enfin, elle réussit à se redresser. Avec précautions, elle s’imagina bouger dans les airs sur juste quelques mètres, ne souhaitant pas commencer par une trop longue distance dans le cas où elle se raterait, et, comme si elle flottait, elle avança dans la direction voulue. Elle retenta cette même expérience, encore une fois avec succès, et se prit au jeu de laisser sa main caresser le souffle d’air qui glissait sur elle.
—Génial ! s’exclama Sirius en constatant qu’elle arrivait à voler seule. T’as pigé le truc on dirait.
—Pas trop se prendre la tête t savoir où l’on va, résuma Eurydice en continuant de glisser dans les airs. On y va maintenant ? La nuit tombe vite apparemment.
—La lune sera pleine ce soir donc on devrait y voir clair. Suis-moi !
D’un geste, Sirius descendit en lâcha un cri de joie et elle le suivit, l’imitant lorsqu’il se mit à planer tel un aigle au dessus des arbres dans le ciel qui s’obscurcissait à toute allure. En baissant les yeux, elle vit qu’ils volaient au dessus de la route qui serpentait dans la campagne de Winderburg entre les vieux chênes et les conifères. Les nuages au loin avaient rosi avec le soleil couchant et devenaient progressivement d’une teinte plus terne qui masquait la voûte céleste par endroit.
En un coup d’aile, ils quittèrent le tracé de la route, cette fois-ci pour partir en direction de lumières qui étaient certainement celles du centre-ville de Winderburg. Eurydice n’avait pas réalisé qu’ils avaient parcouru une telle distance lorsqu’ils étaient allés au Manoir Von Haunt, probablement parce qu’elle était habituée à marcher beaucoup et que le stress récent avait dû perturber sa perception des distances. Le ciel noir s’éclairait progressivement de points lumineux au fur et à mesure que les rayons du soleil disparaissaient. Comme cela, les étoiles semblaient n’être que de petites étincelles d’un blanc éclatant mais si l’on s’intéressait un peu à l’astronomie, on découvrirait vite qu’en réalité, ces astres pouvaient être bleus, jaunes ou rouges mais leur planète était si éloignée de ces gigantesques objets célestes que ces teintes n’étaient point visibles à l’œil nu.
Ils arrivèrent au niveau d’un aqueduc qui précédait les remparts protégeant la ville. En observant les lumières les plus proches, il était possible de voir quelques maisons dans le style typique de la ville. En apercevant des points blancs bouger dans les praires proches, elle ne mit pas longtemps à comprendre que ces demeures étaient probablement des fermes et que les fermiers étaient en train de rassembler leurs bêtes, certainement pour les ramener dans leur étable pour la nuit – en observant attentivement un de ces groupes de taches blanches, elle en vit une, d’une teinte plutôt brune, qui se déplaçait plus vite, correspondant probablement à celle d’un chien de berger qui aidait son maître dans sa tâche.
Quand ils eurent dépassés les remparts, Sirius donna un brusque coup d’aile et remonta dans les airs.
—On va contourner le centre-ville, lui dit-il alors que le ciel s’éclaircissait avec la venue de la pleine lune. On risque d’être repérés autrement, surtout que la nuit, le ciel est plus clair qu’il ne le devrait en bord de mer.
— Compris.
Eurydice se rappelait avoir vu pour la première fois ce phénomène un soir avec Giulia et s’en était même étonnée : c’était comme si les étoiles restaient coincées tout en haute de la voûte céleste, comme bloquées par une barrière invisible entre l’eau et le ciel. C’était à la fois perturbant et intéressant de voir cela en sentant la brise marine souffler dans ses cheveux.
Volant dans les airs, elle revit à nouveau ce ciel, plus clair que dans les terres, où les étoiles s’effaçaient au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de cette vaste étendue d’eau. Ils avaient dépassé le centre ville quand ils redescendirent et qu’elle jeta un coup d’œil en arrière, apercevant quelques pics enneigés alors que le vent s’engouffrait dans ses vêtements pour lui rappeler que la fraicheur nocturne était là , prête à lui glacer les os à la moindre occasion.
Puis ils reprirent de l’altitude, non pas pour éviter des regards curieux mais parce qu’ils approchaient de leur destination : l’île de Winderburg, énorme rocher surplombant la mer depuis des décennies. Alors qu’ils en firent le tour, la jeune femme aperçu au loin les ruines des Falaises, signe qu’ils étaient bientôt arrivés.
—Mademoiselle, le voyage va se terminer d’ici quelques secondes ! lui lança Sirius avec un large sourire. Notre compagnie espère que vous avez passé un bon moment et vous recommande de vous préparer à l’atterrissage !
L’expression sur le visage du jeune homme trahissait sa joie intense mais Eurydice avait du mal à définir d’où elle venait. Etait-il heureux d’être arrivé ou bien cela venait-il du fait de voler dans les airs ? Dans tous les cas, elle aussi était contente car vivre pareille expérience n’était pas donnée à tous et elle serait bien tentée de recommencer un jour…
Avec précautions, ils se posèrent près des ruines des Falaises où soufflait un vent marin, sifflant à travers les arbres et accompagnant le son des vagues qui s’écrasaient plus bas contre les rochers. Les lieux étaient complètement déserts…
… ou presque : Eurydice aperçue une fumée noire à quelques mètres d’eux et, lorsque celle-ci se dissipa, elle réalisa que Margaux était là elle aussi et qu’elle ne semblait pas d’excellente humeur.
D’un pas rapide, la sorcière vint les rejoindre et jeta un regard noir à Sirius qui n’en menait pas large – elle le voyait serrer les dents, appréhendant clairement ce qui allait leur tomber dessus.
—Je peux savoir ce que c’est que ce cirque ?! fit la magicienne dont les yeux verts lançaient des éclairs. Qu’est-ce qu’il t’es passé par la tête Sirius ?! Tu réalises que quelqu’un aurait pu vous voir ?!
—On est pas passés au dessus du centre ville… dit le jeune homme qui semblait avoir envie de se faire tout petit.
—Je sais oui ! Tu croyais vraiment que je n’allais pas te surveiller un minimum ?! Si j’avais pu me le permettre, je t’aurais foudroyé en plein vol ! Et range tes ailes !
D’un claquement de doigts, Sirius s’exécuta, faisant disparaître leurs deux paires d’ailes sombres de leurs dos. Alors que Margaux comptait visiblement continuer à lui dire le fond de sa pensée, son frère la coupa d’un geste avant qu’elle n’ait pu reprendre la parole.
—Avant de continuer de m’engueuler, faut impérativement que tu m’écoutes ! s’exclama-t-il avant de désigner Eurydice. Je sais, tu ne voulais pas que je lui montre le Tome de l’Air tout de suite mais on ne pouvait pas attendre, crois-moi ! Je sais où est le dernier coffret !
—Tu l’as trouvé ? s’étonna la magicienne. Comment ?
—Il était sous notre nez depuis le départ ! C’est ses parents qui l’avaient depuis tout ce temps et à tous les coups, ils ont dû le piquer aux Duspeti !
—Ca voudrait dire que…
L’esprit de Margaux était visiblement en train d’analyser cette nouvelle information et, vu l’expression grave qui se peignait à présent sur son visage, elle aussi n’aimait pas ça. La sorcière leva ses yeux verts sur elle, l’examinant avec un soin particulier.
—Il semblerait que vous allez devoir rester avec nous encore un moment, lui dit la sorcière avec un sourire en coin. J’imagine qu’il n’est pas utile de faire les présentations.
—Pas vraiment non, confirma Eurydice d’un ton sec. Qui plus est, j’ai pas mal de questions à vous poser et j’aimerai bien comprendre ce qui vous intéresse tant chez moi.
—Je m’en doute bien. Seulement, je me dois de te prévenir qu’il y a certaines vérités qui risquent fort de te… surprendre. Tu veux savoir l’essentiel ou avoir toutes les réponses que tu cherches ?
Cela ressemblait plus ou moins à ce que lui avait proposé Sirius après qu’elle se soit réveillée, à l’exception que cette fois-ci, elle savait un peu mieux ou elle mettait les pieds. Elle sentait clairement que les deux magiciens attendaient sa réponse, à la fois avec impatience et… une certaine appréhension. Avaient-ils peur qu’elle décide de tourner le dos à ce qu’elle pourrait apprendre ou redoutaient-ils qu’elle veuille tout savoir ? C’était difficile à dire et elle devait reconnaître qu’elle aimerait bien savoir quels messages ils pouvaient se dire via ces regards qu’ils échangeaient.
Son esprit analysa rapidement tous les évènements de la journée, notamment à partir de leur arrêt précédant l’Université et qui avait, semble-t-il, changé les plans d’origine du jeune homme. C’était clairement la mention du coffret qui l’avait alarmé et il avait laissé échapper plusieurs choses après ça, comme s’il avait… baissé sa garde ? Il n’était pas exclu qu’il ait fait ça sciemment mais techniquement, il n’avait menti que par omission jusque-là , ce qu’il avait lui-même confirmé par la suite.
De plus, elle devait aussi prendre en compte que, techniquement, aucun d’eux ne l’avait blessée physiquement et qu’ils, selon leurs dires, lui avait sauvée la vie. Il y avait aussi le fait que la maison louée par son frère aurait été fouillée qui l’intriguait au plus haut point… et qui pouvait signifier qu’elle n’était pas en sécurité toute seule.
—Toute la vérité, choisi-t-elle après réflexion, ce qui sembla soulager les deux magiciens. Et je ne veux pas d’entourloupes car autrement, je m’en irai, même si ça signifie que je dois me jeter dans la mer et tenter de rentrer chez moi à la nage.
—Tu pourras aller où bon te semblera tant que l’un de nous sera avec toi, déclara Margaux avec un sourire satisfait. Et si tu veux partir, tu n’as qu’à nous le demander. Ta mort serait un gâchis terrible, à la fois pour tes proches et pour nous aussi.
—Et aussi pour le monde qui perdrait une si adorable frim- commença Sirius avec un sourire charmeur avant de s’interrompre en croisant le regard noir de sa sœur. Hum… Tout le monde serait très triste ?
—Je préfère ça… Je me demande encore comment Farah et Selena réussissaient à te supporter…
—J’étais aux petits soins pour elles ! Je massais les pieds de Farah avant qu’elle n’aille dormir et je mettais du miel dans les boissons chaudes de Selena quand elle avait mal à la gorge ! Bon, il arrivait que je les énerve mais ça marchait bien entre nous trois ! Elles se sont jamais plaintes !
En entendant cela, la sorcière eut l’air un peu sceptique, sentiment qu’Eurydice ne put s’empêcher de partager avec elle vu l’individu.
—J’ai hâte de récupérer les autres Tomes pour connaître leur opinion te concernant, fit Margaux dont les lèvres esquissèrent un sourire taquin quand Sirius se mit à grimacer. Surtout concernant la fois où tu t’étais éclipsé avec le roi Joshua et le seigneur Scott pour aller tourner autour des villageoises…
—M-Mais… bredouilla le jeune homme dont le visage avait pris des teintes rosées. Joshua devait se trouver une copine donc on essayait de l’aider ! E-Et p… Attends… J’ai jamais parlé de ça avec toi ou avec elles !
—Le seigneur Scott et toi aviez les mêmes tics nerveux quand vous mentiez et la seule chose, ou personne, qui vous liait était le roi Joshua donc c’était aisé de deviner ce que trois hommes célibataires dans votre style pouvaient choisir de faire pour s’occuper.
En entendent cela, Sirius fit une moue boudeuse qui amusa beaucoup sa sœur, celle-ci laissant échapper un léger rire qui détendit un peu l’atmosphère. Eurydice ne put s’empêcher de sourire en voyant cette scène qui lui rappelait les quelques fois où elle avait embêté Oliver et vice versa.
—Hey ! fit la voix de Belthelda plus loin. Vous pourriez prévenir quand vous décidez de vous barrer d’un coup en faisant « pouf ! » ou un truc du même style !
D’un pas rapide, l’ogresse vint les rejoindre, jetant un regard noir à Margaux avant de faire un grand sourire à Sirius.
—Cette femme est une plaie ! fit-elle en désignant la sorcière. Mais j’suis forcée d’admettre qu’elle est plus sympa que l’autre vieux schnock de Forgotten Hollow ! Il pourrissait l’ambiance d’une force…
—Vu que tu es là , tu pourrais rester avec Eurydice le temps que je parle en privé avec mon petit frère, la coupa Margaux en désignant un endroit plus éloigné. Nous avons des petites choses à régler…
—Ca marche.
D’un claquement de doigts, la sorcière fit s’allumer des lumières et, en tournant la tête, la jeune femme réalisa qu’il y avait un endroit avec des sièges faits en rondins de bois. Elle suivit l’ogresse jusqu’à cet endroit tandis que les deux magiciens discutaient derrière eux.
—Désolée au fait pour l’autre nuit, lui dit Belthelda en s’installant. Je voulais vraiment pas te faire peur.
—Ca ira, la rassura Eurydice en s’installant à côté d’elle. C’est plutôt moi qui devrait m’excuser pour m’être m’enfuie.
—Houlà non ! J’sais que c’est un peu la maison des horreurs chez moi donc j’peux pas t’en vouloir pour ça. On est habitués à être détesté chez moi.
—Sirius m’avait un peu expliqué ça. Et puis j’imagine que quand tu parlais de chasser des sangliers…
—C’était la vérité. Avant que j’arrive, y avait régulièrement des soucis avec eux car ils étaient trop nombreux et commençaient à causer des dégâts faute de prédateurs, surtout que peu de gens du coin apprécient d’en manger donc ils les chassaient plus pour tuer qu’autre chose. Moi je chasse pour manger, rien de plus ! Pour ça que je comprendrais jamais ceux qui se vantent de buter un lion pour l’afficher comme trophée alors qu’au final, ils pourrissent tout un écosystème !
Sur ce point, Eurydice ne pouvait s’empêcher d’être entièrement d’accord avec l’ogresse. Elle se rappelait avoir entendu avec Giulia que la réintroduction de loups dans un parc naturel avait, certes, diminué la population de chevreuils mais en contrepartie, cela avait permis à la flore, qui s’atténuaient de façon drastique par endroits, de revenir et permettre ainsi à pas mal d’espèces animales de prospérer, tout cela parce que le maillon manquant de la chaîne alimentaire avait retrouvé sa place, rétablissant l’équilibre naturel qui avait été brisé par l’homme.
Pas loin d’elles, Sirius avait repris son apparence humaine et racontait à sa sœur tous les évènements de la journée. Si Margaux l’avait regardé de travers au début, elle était à présent très attentive à ses paroles, grimaçant à la mention de certains détails qui lui plaisaient moins que d’autres.
Lorsque le frère et la sœur eurent terminé, la sorcière poussa un profond soupir avant de s’installer sur l’un des sièges, imitée par son cadet.
—Bon, la situation a bougé plus vite que prévu, déclara Margaux qui n’était pas très à l’aise. Je vais devoir tous vous dire l’essentiel…
—Tous ? fit Eurydice en se tournant vers Belthelda. Elle veut dire quoi au juste ?
—Que ces deux là m’ont pas dit grand-chose à part qu’ils avaient besoin de quelqu’un pour éloigner les gêneurs, fit l’ogresse avec un sourire amusé. J’ai pas posé de questions faut dire…
Donc en fait, Belthelda en savait peut-être moins qu’elle sur ce qu’il se tramait, ce qui ne semblait pas la déranger outre mesure. Visiblement, elle n’était pas du genre à se compliquer la vie.
—Nous ne lui avons rien dit sur nos origines car ça ne la regardait pas, expliqua Margaux, l’air un peu embarrassée. Mais maintenant… J’imagine que tu es disposée à croire que mon frère et moi sommes originaires d’Avalon, à l’époque du Téméraire…
—Je comprends mieux pourquoi vous m’évoquiez quelqu’un… fit l’ogresse en plissant les yeux. Notre population en a prit un sacré coup sous son règne mais on a frôlé l’extinction quand la Nyxia aux yeux verts est arrivée à ses côtés.
—« Nyxia » ? questionna Eurydice.
—C’est le nom que mes ancêtres donnaient à la Ténébreuse d’Avalon. Elle déclenchait des orages violents sur le champ de bataille à ce qu’on m’a raconté et des éclairs verts tombaient sur nous jusqu’à ce que l’on cesse de se relever. Après, on a fait une trêve et on s’est barrés dans les montagnes pour réorganiser notre mode de vie afin d’éviter à nouveau une guerre comme ça.
« Ténébreuse » ? Ce nom correspondait à …
—T’as saisi Eury ? lui lança Sirius avec un sourire emplit de fierté. C’était ma sœur la sorcière dont je te parlais. Elle était sacrément balèze à l’époque ! Dommage qu’elle ait perdu de sa puissance aujourd’hui car certains feraient pas les fiers face à elle.
—C’est certain que ceux de Forgotten Hollow seraient pas très tranquilles, commenta Belthelda, l’air amusée. J’adorerais voir Straud se faire foudroyer !
Margaux était donc une puissante sorcière du temps d’Avalon… mais plus maintenant ? Eurydice trouvait cela curieux et puis si Sirius était lié au Tome de l’Air, expliquant qu’il soit présent aujourd’hui, qu’en était-il de sa sœur ?
—J’ai dû sacrifier une partie de ma magie et de mes ténèbres pour fabriquer les Tomes de Pouvoir, expliqua la magicienne, comme si elle avait deviné les questions qu’elle se posait. En théorie, ça n’aurait pas dû être nécessaire vu les « matériaux » que j’avais à disposition mais…
—Chacun des Tomes contient une âme qui a été transformée pour devenir son incarnation, enchaîna le musicien. Seulement, j’étais le seul des trois à avoir été magicien à l’origine, ce qui m’a permis de conserver l’intégralité de mes souvenirs. Par contre, techniquement, lier une âme à un objet signifie que son propriétaire est… décédé peu de temps avant. C’est le seul moyen que je connais en tout cas.
—Tant que l’âme est encore dans son enveloppe d’origine, il n’est pas possible de l’emprisonner où que ce soit.
Sirius ne souriait plus à présent et Eurydice nota que Margaux avait baissé les yeux, comme pour éviter le regard de son frère. Puis soudain, la vérité derrière ces mots atteignit la jeune femme : le magicien était mort… et son assassin était peut-être assise juste devant elle.
—Ce n’est pas ma sœur qui a causé ma mort, lui dit le musicien, comme s’il avait lu ses pensées. Même si j’aurais aimé qu’elle ne fasse pas une chose pareille, j’en ai parlé avec elle et j’ai compris ses raisons, même si j’ai eu du mal à lui pardonner sur le coup. Qui plus est, ce n’est pas le secret le plus… grave qui était caché dans ces Tomes.
Un silence se fit durant lequel le jeune homme se tourna vers sa sœur. Celle-ci prit une profonde inspiration avant de reprendre la parole.
—Les trois incarnations sont en fait la partie visible de l’iceberg, expliqua la sorcière qui était à nouveau peu à son aise. En réalité, chaque Tome cachait deux âmes en son sein, un secret dont je n’ai informé Sirius seulement quelques années avant aujourd’hui. Trois des âmes étaient celles de la troupe d’artistes sont faisait partie mon frère qui a été décimée à Avalon et que j’ai façonnées pour devenir les incarnations des Tomes. Les trois autres en revanche… L’une a été emprisonnée dans le Tome de Feu pour qu’il l’empêche d’en sortir le plus longtemps possible, une autre était dans le Tome de l’Air, la mienne, et la dernière était destinée à rester dans le Tome de l’Eau jusqu’au jour où elle était devait se réincarner, au moment où les autres âmes se seraient éveillées à leur tour. Cette sixième âme n’était pas prévue à l’origine mais… sa propriétaire avait beaucoup insisté pour m’aider à l’époque, même si elle savait qu’elle perdrait tous ses souvenirs en acceptant de se réincarner. Du coup, lorsqu’elle s’est réincarnée, nous avons attendu le bon moment pour l’approcher… bien que l’on nous mette des bâtons dans les roues depuis pas mal de temps. Notre ennemi avait, semble-t-il, a cœur de modifier la trame temporelle pour essayer de la tuer tout au long de sa nouvelle vie et j’ai dû répliquer de la même façon, quitte à faire des alliances qui ne me plaisaient pas forcément…
Vu la façon dont la fixait ce regard vert… Non, ce n’était ce qu’elle pensait… si ? Cela expliquerait pourquoi Sirius tenait tant à lui faire un cours d’histoire et… la raison pour laquelle ils…
—C’était moi ? demanda Eurydice, abasourdie par la conclusion à laquelle elle venait d’arriver. C’était pour ça que je vous intéressais tant ?
—Pas seulement, lui répondit Margaux dont la voix s’était adoucie. En fait, si j’ai accepté ton aide à l’époque, c’est parce que tu possédais un alignement de rêve pour n’importe quel magicien : celui de Cœur Vaillant, ce qui fait que ta part de Ténèbres est strictement égale à ta part de Lumière. En plus, cela fait aussi de toi la seule personne qui peut déployer le vrai pouvoir des trois Tomes mais cela, je te l’expliquerai plus amplement quand ce sera le moment.
La sorcière marqua une pause et son visage afficha de nouveau un air grave.
—Ce qui nous importe dans l’immédiat, ça va être de savoir où la dernière âme se cache car je suspecte qu’elle est la source de pas mal de nos soucis actuels.
—Je serais tenté de miser sur le dernier Duspeti, déclara Sirius en fronçant le nez. Cette famille est un peu trop dans nos pattes à mon goût…
—Ils aiment pas la chirurgie esthétique déjà , ajouta Belthelda avec un sourire mauvais. Ca m’arrange car leur chair ne prend pas un goût trop chimique et il y a de quoi manger au moins.
Alors qu’Eurydice grimaçait de dégout en entendant les paroles de l’ogresse, la sorcière lâcha un soupir agacé.
—Au lieu de nous faire avoir des hauts le cœur, allez plutôt fouiner à Winderburg cette nuit, leur suggéra Margaux en leur jetant un regard sévère. Moi je dois discuter en tête à tête avec Eurydice et lui faire passer la nausée que vous lui avez donnée !
—J’y suis pour rien m-, commença le musicien avant de se raviser. Heu… Bel ? Ca te dit d’aller en ville ?
—Ouais, approuva l’ogresse qui semblait elle aussi vouloir quitter les lieux. J’serais pas contre un sanglier ou un chevreuil rôti là …
D’un claquement de doigts, Sirius provoqua un puissant souffle sur les Falaises, leur faisant fermer les yeux à tous. Eurydice se sentit un peu nauséeuse et quand elle rouvrit les lieux, elle réalisa qu’elle était ailleurs, devant ce qui ressemblait à un mini cimetière. Comment était-elle arrivée là  ? Le musicien l’aurait…
—Ca va aller ? lui demanda Margaux, la faisant sursauter. Ce genre de déplacements peut rendre malade ceux qui n’y sont pas habitués, surtout sur de longues distances.
—Pour ça que j’ai envie de vomir donc, en conclut la jeune femme qui comprit mieux le choix des ailes à l’origine. Et c’est quoi ça ?
—Là où notre ogresse enterre les restes de ses victimes.
La jeune femme déglutit en apprenant cela avant de se rappeler que Belthelda avait déclaré s’occuper des gêneurs et surtout chasser les sangliers de la région qui étaient trop nombreux.
—Elle nous a débarrassés de quelques personnes qui fouinaient dans le mauvais sens du terme, précisa la magicienne. Les autres ont eu la mauvaise idée de la contrarier une fois de trop, notamment un chasseur qui a tué un Lynx pour en faire son trophée alors que la chasse de ces animaux est interdite ici. Les ogres de maintenant ne tolèrent pas très bien ce genre d’attitude.
—On enlève un maillon à la chaine alimentaire et ça dérègle tout, dit Eurydice en détournant le regard des stèles de pierre. Même si j’admets comprendre un peu son raisonnement, c’est pas facile de se dire qu’elle peut aller jusque-là …
—Les ogres ont beaucoup évolué depuis Avalon. Leur nombre est très réduit à présent et sans eux, certaines créatures surnaturelles comme les gobelins seraient beaucoup plus nombreuses et causeraient des dégâts conséquents.
Donc même les créatures surnaturelles avaient leur place au sein de la chaine alimentaire… C’était plutôt logique en soit.
De retour dans la cabane de l’ogresse, la sorcière lui conseilla de prendre une douche, ce que la jeune femme fit avec grand plaisir, appréciant le fait qu’il y ait de l’eau chaude ici puis aussi que Sirius lui avait ramené d’autres vêtements à elle – vu les sacs présents, il avait dû récupérer toutes ses affaires, ce dont elle n’allait pas se plaindre.
Une fois changée et démaquillée, elle descendit au sous-sol, découvrant que Margaux l’y attendait… dans une tenue qui changeait radicalement l’impression qu’elle donnait – la transparence du haut et des manches de la robe de chambre lui révéla que la sorcière avait des tatouages sur le bras et dans le dos.
La magicienne leva les yeux de sa boule de cristal en l’entendant arriver, choquant quelque peu Eurydice en réalisant que sans maquillage et les cheveux lâchés ainsi, cette femme paraissait presque plus jeune qu’elle et plus… fragile.
—Assied-toi, lui dit la sorcière d’une voix qui trahissait le fait qu’elle n’était pas très à l’aise ainsi. Ca fait très longtemps que je n’ai pas laissé quelqu’un me voir… comme ça. Seulement, vu que tu veux tout savoir, autant que tu me revois ainsi.
—Donc dans mon « ancienne vie », on se connaissait, conclut la jeune femme en s’asseyant. Je m’en étais déjà doutée mais merci de le confirmer.
—Pour être exacte, mon frère et toi étiez très bons amis et tu étais, officiellement, devenue ma servante. Officieusement, tu n’avais plus de foyer et tu as accepté que je t’héberge le temps que tu puisses retrouver ton indépendance. Lors de la chute d’Avalon, tu venais d’obtenir un travail au château.
Ca éclairait un peu plus sa lanterne sur son statut social de l’époque. En tout cas, vu le changement d’attitude de Margaux envers elle depuis un moment, elle comprit vite que toutes deux avaient probablement de bons rapports à l’époque d’Avalon.
—Il reste des questions que tu as laissées en suspens, surement à cause de Bel, souligna Eurydice qui était parfaitement à son aise à présent. J’imagine qu’elle n’a pas besoin de tout savoir ?
—Sirius lui dira l’essentiel mais il y a effectivement des choses que je préfère qu’elle ignore, confirma Margaux en fronçant le nez. Notamment sur ma condition actuelle.
—Oui, tu avais dis que ton âme était dans le Tome de l’Air et vu que tu as tous tes souvenirs, j’imagine que tu ne t’es pas réincarnée.
—C’est bien ça… J’ai opté pour la seule solution qui me permettrait d’agir au mieux et… c’était de finir aussi liée au Tome. Sirius est son incarnation, certes, mais en y écrivant ton nom, tu as aussi la possibilité de m’invoquer via le nom de mon invocation... que je n’ai sciemment pas écrit dans le Tome vu l’étendue de ma magie.
Donc elle pouvait aussi invoquer Margaux ? Elle nota cette information dans un coin de sa tête, des fois que celle-ci se révèlerait utile plus tard. De plus, ce n’était pas ce qui lui semblait le plus crucial à connaitre…
—Et pour la dernière âme ? questionna Eurydice en se rappelant le peu mentionné à son sujet. Où est-elle ?
—Vu les soucis… temporels que nous avons relevés avec Sirius, elle a quitté le Tome du Feu, répondit la sorcière qui devenait tendue. J’aurais aimé trouver une meilleure solution pour la contenir mais elle était si corrompue que même moi je ne pouvais la détruire. J’ignore où son propriétaire a trouvé une telle puissance mais je n’ai pas réussi à le tuer, juste à le piéger pour lui ôter son âme et mettre ce qu’il restait de lui dans les seuls objets en ma possession qui pouvaient contenir cette corruption. Même après tout ce temps, il est toujours plus puissant que moi, assez pour m’empêcher de le traquer avec mes pouvoirs.
Corruption… Que pouvait bien signifier ce terme au juste ? Rien de bon à priori.
—Un homme donc, déduisit la jeune femme via les informations qu’elle avait. Et… Les coffres dont Sirius m’a parlé contiennent quoi ? De ce que j’ai saisi, vous teniez à ce qu’ils soient séparés…
—Ils contiennent des morceaux de…  cette personne, tous chargés en corruption, avoua la magicienne avec difficulté. Eux ont perdu en puissance et peuvent être détruits par le Tome de Feu ou quelqu’un avec beaucoup de Ténèbres comme moi ou le conte Straud. Seulement, ils peuvent encore causer des dégâts considérables s’il ne sont pas conservés de façon optimale…
A ces mots, Margaux laissa échapper un soupir de désespoir et afficha un air abattu qui contrastait avec l’assurance qu’elle montrait habituellement.
—Si seulement je l’avais vu venir qu’il deviendrait ainsi… lâcha la magicienne avec des regrets. J’aurais pu l’arrêter avant qu’il ne cause la chute d’Avalon et…
—Hey, ce qui est fait est fait, la coupa Eurydice. T’as fait ce que tu as pu et j’imagine que t’es là pour en finir avec lui. S’il est si dangereux que ça, je t’aiderai comme je le peux mais d’abord, faut que tu m’expliques à qui on a affaire exactement et que tu me fasses un cours de vocabulaire.
La sorcière eut un léger rire en entendant cela puis elle lui désigna la boule de cristal.
—Ce sera plus simple de te montrer tout cela, dit-elle calmement. De cette manière, tu verras ce que nous étions toutes deux à l’époque et… comment un si puissant royaume a pris fin.
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14.5 : Eurydice Fox-Pesetas
Quand Marcus Pesetas, escroc dans l’immobilier rencontra Laurel Fox, une petite voleuse qui survivait comme elle le pouvait, l’alchimie fut immédiate. Ils avaient fait quelques cambriolages et escroqueries ensemble avant de s’installer à Newcrest pour se faire discrets ainsi qu’avoir une vie de couple plus dans la norme. Ils avaient acheté un restaurant puis eu deux enfants dont ils étaient fiers : Oliver, leur aîné qui était brillant et qui aspirait à reprendre la gestion du restaurant, puis Eurydice, leur cadette qui était cultivée et qui cherchait encore sa voie.
Enfant, Eurydice était très réservée, préférant lire plutôt que jouer avec les autres. Son frère Oliver l’avait protégée de bon nombre de brutes qui voulaient l’embêter mais elle n’avait quasiment aucun ami. Elle passait souvent son temps libre au restaurant avec sa mère ou bien au parc près de sa maison, cachée dans un coin où l’on ne viendrait pas l’empêcher de lire.
Mais un jour, dans ce même parc, elle rencontra celui qui fut son premier vrai ami…
—Je peux m’asseoir ici ?
—Hein ? Heu… Oui.
—Merci !
En levant les yeux de son livre, elle vit que lui aussi Ă©tait venu pour lire et sourit en voyant le titre de son livre.
—Tu aimes les romans policiers ? lui demanda-t-elle, curieuse.
—Je lis un peu de tout, répondit-il en haussant les épaules. Dernièrement, j’ai fini un livre d’astronomie. Et toi ? Tu aimes le surnaturel pour lire l’Encyclopédie des Monstres ?
—Ca m’intéressait plus que les BD que lisent mes camarades.
Ce n’était pas qu’elle n’aimait pas les bandes dessinées quand elle était petite mais elle n’accrochait pas à celles dont raffolaient les autres enfants, préférant celles de son père qui avaient des textes plus élaborés.
Les jours passaient et tous deux se retrouvaient toujours sur le même banc pour lire au calme. A force, ils avaient chacun repéré les lectures de l’autre et il leur arrivait de s’échanger des livres pour ensuite en parler entre eux.
—J’avoue que le coup du narrateur coupable, j’ai mis du temps à le réaliser. C’était bien vu !
—N’est-ce pas ? On est tellement habitués à ce que ce soit quelqu’un d’autre que l’on en oublie que celui qui raconte peut aussi être l’assassin.
—Ouais. Ca prend totalement au dépourvu !
Une fois, Eurydice et lui avaient entendu de la musique au parc et, pour s’amuser, ils s’étaient mis à danser dessus. Elle avait ainsi constaté que son ami n’était pas très doué en danse et du coup, elle lui avait appris quelques pas que lui avait montré son père.
Ce garçon, elle n’avait jamais su comment il s’appelait et vice versa – d’ailleurs, avec le recul, elle se demandait encore comment c’était possible –, faisant que lorsqu’il n’était plus venu au parc, elle ne savait pas comment le retrouver. Elle avait donc espéré secrètement le croiser au collège mais malheureusement, il n’y était pas, faisant qu’Eurydice supposa qu’il avait dû déménager. Par contre, elle avait rencontré sa meilleure amie, Erika, avec laquelle elle resta très proche, y compris durant l’année où elle étudia à l’étranger.
C’était d’ailleurs peu après le départ d’Erika que, distraite, elle était rentrée dans quelqu’un alors qu’elle avait un verre de diabolo menthe à la main…
—Désolée ! s’était-elle exclamée en réalisant ce qu’il venait de se passer. J’étais dans la lune.
—Y a pas de mal…
En croisant le regard de celui qu’elle avait heurté, elle crut qu’elle était en train de rêver : qui d’autre que lui pourrait avoir des yeux si bleus et des cheveux roux ? C’était une sacrée coïncidence… avec de sacrées tâches quand elle vit qu’elle ne s’était pas loupée avec son diabolo menthe. Elle était gênée, surtout qu’elle était face à , comme dirait Erika, un pur spécimen de beau gosse.
—Mince ! s’était-t-elle exclamée avec un léger rire nerveux. Ce n’était vraiment pas le jour pour que je prenne un diabolo menthe on dirait.
—C’est rien, avait-il dit en lui souriant. Ce n’est que des vêtements, ça se lave.
Elle se sentait encore bête de ne pas avoir été fichue de lui dire autre chose que ça… et de lui avoir ruiné ses fringues. Et puis il avait toujours le même sourire que quand ils étaient gosses.
—Ca m’embête quand même, avait-elle déclarée en essayant de se souvenir où était le pressing le plus proche.
—Moi aussi j’étais dans la lune donc…
Au moment même où elle allait lui proposer de lui rembourser le nettoyage, son téléphone portable sonna et, à l’entente de la sonnerie, elle sut que quelque chose clochait. Après tout, les rares fois où sa mère lui téléphonait au lieu de lui envoyer un texto, c’était souvent parce que c’était urgent. Eurydice avait donc décroché et entendu sa mère lui dire de rentrer immédiatement, sur un ton qui n’admettait aucune discussion.
Inquiète, elle avait dû vite partir, omettant de demander à ce garçon au moins son nom ou son numéro de téléphone.
Une fois chez elle, elle avait trouvé ses parents au salon, la mine sombre. Elle s’était demandé un instant ce qu’elle avait bien pu faire mais compris vite que cela n’avait rien à voir avec elle quand elle entendit leurs questions : Oliver était revenu à la maison dans un état pitoyable et s’était enfermé dans sa chambre, refusant d’ouvrir à qui que ce soit. Personne ne savait ce qu’il s’était passé et Eurydice, après s’être changée, s’était jointe à sa mère pour essayer de convaincre son frère d’ouvrir sa porte… ce qu’il fit après un concert de guitares mal accordées.
Autant dire que ses parents avaient cuisiné un moment Oliver pour savoir ce qu’il se tramait mais celui-ci refusait d’en parler… et quand, le lendemain, il avait subit cette humiliation publique au lycée, elle comprit qu’il était terrorisé à l’idée d’être rejeté pour ce qu’il était. Elle lui avait longuement parlé sur le chemin du retour et, avec pas mal de persuasion, l’avait convaincu de ne pas tout garder pour lui.
Le soir même, ils étaient tous réunis au salon et Oliver avoua son secret : il était gay.
Face à cet aveu, leur mère avait jeté un coup d’œil à leur père qui, lui, souriait en coin en révélant qu’ils avaient eu des soupçons depuis un moment déjà et que ça ne changeait rien à leurs yeux. Puis Eurydice encouragea discrètement son frère qui révéla à ses parents qu’il avait bêtement dévoilé ses préférences à un garçon qu’il aimait et que celui-ci et ses amis lui menait une vie infernale depuis. Là , leur mère était à deux doigts d’exploser en entendant cela mais heureusement, ils purent l’empêcher d’aggraver la situation.
Le lendemain, profitant que son frère était au restaurant familial pour aider un peu, Eurydice avait essayé de régler ça elle-même mais sans Erika pour leur foutre la trouille, les garçons n’avaient pas peur d’elle et la regardait plus comme un morceau de viande que comme une personne.
Rentrée chez elle de mauvaise humeur, elle s’était mise à jouer sur sa guitare pour essayer de se calmer, ce qui n’avait pas été une grande réussite. Peu de temps après, à sa grande surprise, elle s’était retrouvée nez à nez avec les jumelles Gregorio qui lui proposait de l’aider… ce qu’elle mit un certain temps à accepter. C’était grâce à ces deux-là qu’elle avait jeté aux orties cette image de fille modèle qu’elle avait depuis gamine et qui en fait, ne lui correspondait pas vraiment dans le fond.
Quand Erika l’avait revue, ce changement de look ne lui avait posé aucun souci et leur amitié était repartie comme avant son départ… avec des fois une sortie en compagnie des jumelles et d’Oliver le temps qu’il finisse son année de terminale pour aller étudier à Winderburg.
Concernant son avenir, Eurydice était restée dans le brouillard pendant longtemps, y compris après que les jumelles soient, à leur tour, parties commencer leurs études supérieures. Elle n’était pas à l’aise en informatique comme l’était Erika – sa meilleure amie avait le pseudo Feathers au Pirathon et elle réduisait petit à petit son écart avec une certaine Dynamite03 avec qui elle était en compétition – et ses domaines de prédilection étaient surtout artistiques donc la logique voulait qu’elle aille dans cette voie.
Ce fut la raison pour laquelle Winderburg lui semblait un bon choix et qu’elle s’était préparée à aller aux portes ouvertes de l’université… sauf que c’était sans compter ces fichues grèves qui avaient causé l’annulation de son train ! Elle avait dû attendre le suivant dans la rue marchande en pestant et, juste après qu’elle se soit prit un truc à boire, il avait fallut qu’elle rentre dans quelqu’un !
Mais il fallait admettre que le destin avait quand même un drôle d’humour : la personne dans qui elle était rentrée était son fameux ami d’enfance ! Cette fois-ci, c’était lui qui l’avait reconnue – le coup du diabolo menthe lui était vraisemblablement resté en mémoire – et elle avait enfin pu avoir son numéro ainsi que son prénom : Ezekiel.
Si elle n’avait pas été pressée, elle aurait essayé de rattraper dès maintenant ce temps bêtement perdu mais elle allait devoir attendre… et puis ça lui laissait le temps de réapprendre à le connaitre.
Qui plus est, elle n’avait pas prévu qu’elle devrait essayer d’organiser un rencard entre son frère et le professeur Smith, ce qui l’arrangeait bien dans un sens car enfin, Oliver se sentait mieux dans sa peau et il avait trouvé à Winderburg des personnes bien plus tolérantes.
Du coup, comme elle ne comptait pas tenir la chandelle et qu’Erika était repartie à Newcrest car le programme en informatique ne lui convenait pas, elle avait fini par appeler Ezekiel… et lui avait raccroché au nez quand il l’avait un peu trop titillée à son goût. Mais le jeune homme ne s’était pas laissé faire et avait poursuivi leur conversation par sms jusqu’au matin.
Comme Giulia Gregorio, qui étudiait la musique à Winderburg, partait pour San Myshuno demain, Eurydice lui avait proposé de se faire une sortie entre amies vu que cela faisait un moment qu’elles ne s’étaient pas vues. Elles s’étaient donc retrouvées à un bar très apprécié des étudiants pour discuter et s’amuser un peu.
—Tu t’es brouillée avec Lucinda ?! s’exclama Eurydice quand son amie lui avoua cela. Mais c’est ta sœur ! Qui plus, ta jumelle !
—Je sais oui, fit Giulia en soupirant. Mais bon, qu’elle fasse ce job pour gagner du fric, ça me plait pas et puis si j’étais restée, ça aurait été invivable.
—Sérieux, tu boudes Lucy juste parce qu’elle fait du mannequinat pour payer ses études qui, soit-dit en passant, sont plutôt cool je trouve.
Lucinda Gregorio, la sœur jumelle de Giulia, était entre deux villes : elle avait ses cours à Newcrest et ses séances photos à San Myshuno. Eurydice avait vu certains magazines où elle apparaissait et elle devait reconnaître que Lucy se débrouillait très bien dans ce domaine ! En même temps, au lycée, elle avait toujours été très photogénique mais les garçons l’évitait car Giulia était souvent avec elle et aussi parce qu’elle était une passionnée des vampires – Eurydice avait été une des rares personnes à pouvoir débattre avec elle sur ce sujet car elles avaient échangé pas mal de livres sur le surnaturel.
Histoire de changer de sujet, Eurydice questionna Giulia sur le programme de l’université tandis que le barman lui servait son diabolo pêche – ses oreilles percevaient le son d’une guitare qui jouait de la musique country, probablement venant de la scène juste derrière elle.
—Les cours sont sympa, les profs aussi, lui répondit celle aux cheveux bleus. Après, ça dépend c’que tu veux faire plus tard.
—Sincèrement, j’suis pas très fixée là -dessus, avoua la rousse avant de boire une gorgée de sa boisson. J’avoue que je ne sais pas si je vais en musique avec une option peinture ou pas…
—T’as pensé au Cinéma ? C’est assez sympa à ce qu’il parait.
Ah oui tiens, elle ne l’avait pas envisagé cette possibilité… Oliver lui avait raconté que c’était assez polyvalent comme option qui plus est et avec des débouchées intéressantes du côté de San Myshuno notamment.
Elles parlèrent un moment de banalités jusqu’à être interrompues par un étudiant à l’autre bout du bar qu’elles connaissaient : Liam Ocrenor, un sportif qui était au lycée à Newcrest avec elles et qui n’avait pas été tendre avec Oliver à l’époque.
—Salut mes jolies ! leur lança-t-il avec un sourire qui se voulait charmeur, ce qui sembla agacer son voisin.
—Oh super, grogna Giulia. C’est la saison des crétins !
—Giu, c’est toute l’année tu sais, lui fit remarquer Eurydice.
Alors qu’elle se levait pour aller se laver les mains, Liam lui bloqua le passage en lui lançant un sourire aguicheur.
—T’en va pas ! fit-il en essayant de la toucher, ce qui rata quand elle bloqua son geste avec une claque sur sa main. Allez, prend un verre avec moi !
Sérieux, pour qui il se prenait au juste ?
—C’est non ! s’exclama Eurydice qui se retenait de lui coller son poing dans la figure. T’es bouché ou quoi ?
—Fais pas ta difficile…
—J’te signale que tu t’es attaqué à mon frère abruti !
—J’ajouterai toute la communauté LGBT ! précisa Giulia en jetant un regard noir à l’intéressé. Il n’a aucune considération pour les femmes et a osé me proposer un plan à trois quand je lui ai dis que j’étais lesbienne !
—Mais pas du tout ! s’offusqua Liam, ce qui fit pouffer de rire l’homme qui était bar.
—Vraiment ? C’est quand la dernière fois que t’as traité une femme autrement que comme une esclave à ton service ?
Comme Giulia était plus tenace que lui, Liam abandonna et s’installa à une table déjà occupée par une fille qui le regarda de travers en le voyant s’asseoir. Cela ne s’arrangea pas quand il lui prit l’assiette qu’elle avait devant elle pour en manger le contenu.
—HEY ! s’exclama-t-elle, très en colère. C’est MA bouffe j’te signale !
—Ca fait cinq fois que tu te ressers gros tas ! répliqua-t-il, n’arrangeant pas la situation. J’te rends service en t’évitant de finir avec un postérieur d’éléphant plus tard !
—Espèce de…
La fille allait le frapper quand l’homme qui était au bar lui attrapa la main pour l’en empêcher. Il s’assit sur une des chaises encore libre tandis que la fille grognait contre lui.
—Calme-toi Bel’, lui conseilla l’homme avec une voix posée.
—Que j’me calme ? Sérieux ?! s’exclama Bel’, de très mauvaise humeur. Il m’a piqué ma bouffe ! Il mériterait de se faire embrocher celu-
—Dois-je te rappeler ta dernière bagarre ici ?
Eurydice, qui les écoutaient discrètement, aurait sincèrement aimé que ce type laisse cette fille casser la gueule à Liam… surtout qu’elle avait l’air très motivée pour le faire.
Mais malheureusement, elle avait renoncé, visiblement à contrecœur, de refaire le portrait à cet abruti et du coup, celui-ci allait partir..
—Hep ! l’arrêta l’homme qui avait empêché une bagarre. Faut que tu payes ce que t’as mangé.
—Hein ?! s’exclama Liam tandis que la fille le fixait d’un œil noir. Et puis quoi encore ?!
Liam voulut bousculer l’inconnu pour s’en aller mais ce dernier lui joua un tour et usa d’une poignée de main vibrante qui électrisa le sportif.
—Tu payes maintenant ?
—Oui… oui…
Après avoir lâché un rire amusé, Giulia alla s’asseoir à la table tandis que Liam cherchait son portefeuille sous les yeux sévères du barman.
—Eury, j’te présente Sirius, un habitué, lui dit celle aux cheveux bleus en désignant l’homme derrière elle. Quand à miss goinfre, c’est Belthelda mais tu peux l’appeler Bel’ si elle t’aime bien.
—Salut ! fit le fameux Sirius en se tournant vers elle. Désolé d’avoir attendu pour intervenir.
—C’est pas grave, lui déclara Eurydice en voyant Liam s’en aller après avoir payé ce qu’il devait. Par contre, il aurait mérité plus que ça.
—Je n’en doute pas ! Faut être un abruti fini pour prendre sa nourriture à Bel’ !
—Je persiste à dire qu’il est bon à être embroché, précisa Belthelda en grognant. Sa disparition ne serait pas une grande perte…
Sur ce point, Eurydice était tout à fait d’accord avec elle…
—Au fait Eury, je ne t’ai pas encore entendue à la guitare cette année, fit remarquer Giulia. D’après ton frère, t’as bien progressé depuis le temps.
—J’ai pas ma guitare avec moi, souligna l’intéressée, n’ayant pu emmener son instrument de musique avec elle. Ca va être compliqué de te faire écouter…
—Le bar peut t’en prêter une tu sais, proposa Sirius en posant une nouvelle assiette de nourriture devant Belthelda. En prime, ça fait un bail que j’ai pas fait un p’tit jam et j’suis certain que Claire voudra participer !
L’offre était intéressante… qui plus est, la dernière fois qu’elle avait eu un public, c’était au restaurant de sa mère où elle récoltait de bons pourboires quand elle pouvait y jouer.
Eurydice décida de saisir cette occasion et accepta. Aussitôt, Sirius monta sur la scène et alla parler à la dénommée Claire, une rousse avec un chapeau de cow-boy. D’un signe de tête, elle avait approuvé et une fois qu’Eurydice eut une guitare, Sirius s’installa derrière un clavier et débuta les premières notes.
Concentrées, les deux guitaristes jouèrent à leur tour, allant toutes deux vers du jazz sans pour autant s’être concertées au préalable.
A la table, Belthelda semblait bien moins grognon qu’au début.
—Elle joue bien ta copine, fit-elle remarquer à Giulia. C’est quoi son nom déjà  ?
—Eurydice, répondit Giulia qui écoutait attentivement la musique. Contente en tout cas que ça te plaise.
—Bah ! J’viens pas que pour la bouffe pas chère !
A la fin de leur jam, les clients présents les applaudirent, ce qui encouragea Eurydice à revenir jouer ici dès qu’elle le pourrait.
Le temps défilant, elle et Giulia dirent au revoir aux autres et prirent le bus allant jusqu’à l’université. C’était l’heure pour elles de se séparer…
—Hey Eury ! lui fit son amie en sortant son téléphone. Une photo souvenir ?
—Et comment !
Après un cliché avec la campagne de Winderburg comme fond, elles se dirent au revoir, Giulia retournant dans sa chambre pour faire sa valise et Eurydice repartant à pied pour la petite maison de campagne que louait son frère.
Elle aimait prendre son temps pour se balader dans ce coin-là . Le ciel était absolument magnifique dans cette région et il lui arrivait de s’arrêter pour l’admirer.
Par contre, cela ne l’empêchait nullement de sentir son téléphone vibrer dans sa poche. En regardant qui essayait de la joindre, elle vit que ce n’était pas son frère mais Ezekiel qui venait de lui envoyer un texto. Encore une fois, il ne dormait pas et elle alla s’installer à une table de pique-nique pour lui répondre.
Visiblement, il était toujours à Newcrest et de ce qu’elle comprenait, il aidait à préparer le Matsuri, un festival du quartier asiatique auquel elle allait avec Erika qui y trouvait les figurines de ses héros préférés – sa meilleure amie était une geek et ses meilleures chances de trouver des objets sur ses séries préférées étaient ce festival et le Pirathon à San Myshuno.
Eurydice échangea quelques banalités avec lui, réalisant vite qu’il lisait toujours le même genre de livres qu’elle et qu’ils avaient des goûts musicaux proches – si elle jouait de la guitare, lui c’était plutôt du piano mais il n’avait pas touché cet instrument depuis deux ou trois ans et il s’estimait un peu rouillé. Par contre, il devait être meilleur cuisinier qu’elle, ce qui était peut-être préférable vu la catastrophe culinaire qu’elle était… ce qu’il eu du mal à croire jusqu’à ce qu’elle lui raconte la fois où elle n’avait pas voulu attendre que son père se lève pour faire le petit déjeuner et qu’elle avait failli mettre le feu à la cuisine.
Elle venait de lui envoyer des liens vers des vidéos de musique rock quand…
—Tu t’es perdue ma jolie ?
… la voix désagréable de Liam vint à ses oreilles. Eurydice rangea vite son téléphone et jeta un regard noir à cet enquiquineur qui s’imposait encore une fois dans son espace vital.
—T’as rien de mieux à foutre toi ? lui lança-t-elle en quittant son siège. C’est bas de ta part d’harceler des nanas.
—Hey ! Je voulais te proposer de te raccompagner chez toi et plus si aff-
—Et puis quoi encore ? T’es saoulant Liam !
—Allez quoi… J’suis le plus beau mec du coin !
—T’es surtout celui avec l’égo le plus démesuré…
—Y a des types dangereux la nuit…
—Toi en premier.
C’était pas net qu’il se balade en pleine nuit seul… et Eurydice suspectait qu’il l’avait suivie vu le personnage. Il y avait danger mais si elle le frappait pile là où il fallait, il aura plus de mal à l’enquiquiner…
Heureusement, elle n’eut pas besoin de ça : des clients du bar qui était à côté vinrent dans leur direction et vu la tenue de l’un d’eux, celui-ci devait être un policier, ce qui dissuada Liam de continuer son petit manège avec elle. Par précaution, le groupe avait insisté pour la raccompagner chez elle et Eurydice put reprendre tranquillement sa conversation avec Ezekiel.
Le lendemain, elle avait encouragé son frère à aller à Oasis Springs pour qu’il profite de ses vacances avec son petit copain et, après l’avoir aidé à faire sa valise, il lui avait remis un double des clés de sa maison pour qu’elle puisse la verrouiller quand elle rentrera à Newcrest.
Elle avait donc accompagné les deux hommes le soir à la gare et, une fois qu’ils furent partis, elle reprit le bus pour retourner à l’Université prendre une brochure qui détaillait les cours en option puis elle reparti à pied.
Eurydice marchait tranquillement sous le clair de lune, savourant l’air champêtre une dernière fois avant d’arriver à la maison louée par son frère et de faire sa valise pour demain. Elle avait hâte d’aller au Matsuri avec Erika et de pouvoir revoir cet abruti d’Ezekiel afin de lui faire payer sa manie de la taquiner.
Soudain, quelque chose la percuta avec violence, la projetant dans les fourrés au bord de la route. Elle ignorait ce qu’il s’était produit exactement à part qu’elle avait vaguement conscience d’avoir fait un vol plané et que, vu la douleur qu’elle ressentait, elle devait avoir une ou plusieurs fractures… Ses oreilles n’entendaient rien excepté un sifflement et ses yeux étaient comme aveugles. Puis elle perdit connaissance…
Quelques minutes plus tard…
—Tiens donc… Ca ressemble pas trop à un hérisson ça.
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Fin de la partie 2
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Chapitre 16 : La fille perdue
—Elle va s’en remettre selon toi ?
—Je l’espère car autrement…
Elle avait mal… très mal… Elle ne savait pas d’où pouvait bien venir la douleur… Partout en même temps peut-être… Et puis qui parlait au juste ?
—Les vieux onguents sont encore bons apparemment. Par contre, vu ses blessures…
Une femme… Qui était-elle au juste ? Sa voix ne semblait dégager aucune émotion… excepté une froideur telle qu’elle avait l’impression que la température ambiante venait de chuter.
—Ca en est où maintenant ?
—Si elle était réveillée, ce serait plus simple mais tant qu’elle est dans cet état, il faut attendre. ET je te rappelle que tu as interdiction de la manger.
—Dites, vous croyez que j’ai envie de mal finir ?
Deux femmes… L’autre était clairement plus émotive et le timbre de sa voix lui était plus familier. Si seulement elle pouvait ouvrir les yeux…
—Déjà deux jours qu’elle est dans le coma…
—Je sais oui. Tu as trouvé ses affaires ?
—Quelqu’un est passé avant moi…
Une troisième voix… Qu’est-ce que sa tête lui faisait mal ! Et pourquoi diable avait-elle l’impression que son corps pesait une tonne ?
—Ils cherchaient quoi à ton avis ?
—Pas son téléphone vu que Margaux l’a récupéré. Faut attendre de voir ce qu’elle a découvert à Newcrest.
—Elle tarde non ?
—Elle a dit qu’elle avait eu un contretemps à Willow Creek…
Margaux ? Peut-être la femme à la voix froide. Que faisait-elle à Newcrest au juste ? Cette femme n’était quand même pas allée voir ses parents ?
—Alors ? Vous savez ce qu’ils voulaient ?
—Je pense que oui mais je me suis assurée qu’ils ne puissent pas si facilement mettre la main dessus. Par contre, j’ai dû passer par Forgotten Hollow pour m’assurer que tout serait prêt pour le jour J.
De quoi parlait-elle au juste ? Le son typique de chaussures à talons se rapprocha de ses oreilles puis elle sentit un souffle contre son visage.
—Eurydice, il est temps pour toi que tu te réveilles.
Eurydice eut comme l’impression que ses poumons venaient de se remplir d’un air glacé qui apaisa un peu les douleurs qu’elle ne cessait de ressentir à travers tout son corps. Puis elle eut l’impression de ressentir comme un choc électrique, un peu comme la fois où, lors d’une sortie dans une ferme, elle avait eu la mauvaise idée de toucher la clôture des chevaux et qu’elle avait reçu une décharge dans le bras sauf que là , c’était tout son être qui avait tressauté. Enfin, ses yeux s’ouvrirent sur une pièce sombre qu’elle ne reconnaissait pas.
En voulant se lever, elle eut une violente douleur à la poitrine et dut se contenter de s’asseoir le temps que cela passe. En jetant un œil à ses vêtements, elle vit qu’elle ne portait pas les siens et qu’en prime, elle avait des bandages autour du torse – d’ailleurs, heureusement qu’elle crevait de chaud car elle ne portait pas grand chose. Réalisant ensuite qu’elle trouvait sa tête bien légère, elle se passa une main dans les cheveux… et découvrit ainsi qu’il en manquait une bonne longueur !
Mais que lui était-il arrivé bon sang ?!
Elle entendit le son d’une porte qui grince au dessus d’elle puis le son de pas lourds descendant un escalier. Une lumière à la main, elle vit arriver une tête qu’elle connaissait : Belthelda, la fille vorace qui était au bar.
—Ah ben t’es réveillée ! s’exclama-t-elle avec le sourire. J’commençais à me dire que j’allais devoir te creuser une tombe…
—Un peu tôt pour ça, répliqua Eurydice en grimaçant face à la douleur. On est où ?
—Chez moi. C’est un peu paumé mais c’est calme. Tu crois que tu peux monter seule ?
—Je pense pas…
Le fait d’essayer de se lever était bien trop douloureux. Sur conseil de Belthelda, elle se rallongea puis celle-ci lui donna un médicament que la jeune femme faillit recracher tellement il était infect. Ses yeux se refermèrent…
Quand elle les rouvrit, Eurydice se sentait mieux et elle tenta à nouveau de se lever. Cette fois-ci, la douleur était plus supportable mais elle avait intérêt à s’appuyer contre le mur pour tenir debout car ça tanguait un peu autour d’elle. En prime, son estomac criait famine et une bonne odeur de nourriture venait d’en haut…
—Hep là  ! l’arrêta Belthelda en sortant d’un recoin sombre alors qu’elle allait monter seule. T’es pale comme pas possible là  ! Je te tiens le bras et on monte toutes les deux. Pas envie de te retrouver en bas des marches encore plus cassée que maintenant !
Effectivement, elle était difficilement capable de tenir debout et si Belthelda ne l’avait pas aidée, elle aurait certainement fini en bas des escaliers avec la nuque brisée – d’ailleurs, soit elle était sacrément affaiblie, soit cette fille avait plus de force qu’elle le pensait car elle n’avait eu aucun mal à l’aider. Ce fut une fois assise sur une chaise qu’elle commença à se sentir un peu mieux… et qu’elle rougit un peu de gêne face à l’horrible gargouillis qui s’échappa de son estomac.
—Tiens, fit la maîtresse des lieux en lui posant un bol de nourriture et un verre contenant un liquide bizarre. Boit d’abord le médoc et je te filerai un verre d’eau juste après.
—Merci, lui dit Eurydice en s’exécutant… puis en faisant la grimace en reconnaissant ce goût infect. C’est immonde ce truc.
—Si tu veux être rapidement rétablie, tu ne trouveras pas plus efficace ! Et rassure-moi, t’es pas vegan ou un truc du genre ? Parce que moi, j’suis plutôt carnivore…
—Nan, je mange de tout tant que c’est comestible. Et c’est quoi au juste ?
—Ragoût fait avec un sanglier malchanceux. Ça arrange bien les fermiers du coin quand je leur en débarrasse car ces bestioles font de sacrés dégâts.
Ça, Eurydice voulait bien le croire. Son père lui avait raconté que, plus jeune, un sanglier avait percuté sa voiture et celle-ci avait atterri dans le fossé. Il avait eu de la chance de s’en tirer avec juste quelques égratignures mais il avait été contraint de se racheter un véhicule car le sien avait subis des dommages tels que ça lui coutait plus cher de le réparer que d’en prendre un neuf. Depuis, il se méfiait quand il roulait près une zone boisée.
—Au fait, il m’est arrivé quoi au juste ? demanda-t-elle, ses souvenirs étant un peu confus. J’suis un peu dans le flou là …
—A vu de nez, j’dirais que t’as failli finir en crêpe sur le bitume, lui répondit Belthelda en se servant à manger. C’que je sais à coup sûr, c’est que celui qui t’as fait ça t’as lâchement abandonnée à ton sort ! Je t’aurais pas repérée en me baladant, tu serais morte.
Percutée par une voiture probablement et le conducteur avait préféré le délit de fuite au lieu de vérifier si elle allait bien. Un sacré enfoiré qui a dû profiter d’être sur une route de campagne sans témoins pour vite filer avant de se faire prendre. Par contre, soit sa tête avait cogné fort, soit elle n’avait vraiment aucun souvenir d’avoir entendu le bruit d’un moteur… Et puis pourquoi la soigner ici au lieu de l’emmener à l’hôpital ? Bizarre tout ça… Faudra qu’elle éclaircisse ça quand elle se sentira mieux.
—Oh et désolée pour ta tignasse ! s’excusa la maîtresse des lieux après avoir avalé une énorme cuillère de ragout. Elle était prise dans des ronces et j’ai dû la couper pour pouvoir te déplacer.
—Ça repousse les cheveux, la rassura Eurydice en se passant une main dans sa chevelure qui avait bien souffert. Un peu de changement leur fera pas de mal !
La fatigue revint plus vite que prévu et une fois son repas fini, Belthelda la ramena en bas puis l’aida à se recoucher et, dès que sa tête toucha l’oreiller, elle sombra dans un profond sommeil.
Quand elle se réveilla, cette fois-ci, Eurydice se sentait bien mieux et les douleurs avaient quasiment disparues. Rien ne tanguait autour d’elle et elle put se lever sans le moindre problème, parvenant à enfiler seule le t-shirt laissé pour elle par son hôtesse – il était un peu grand mais elle fera avec en attendant d’avoir des vêtements à sa taille. Par contre, combien de temps s’était écoulé depuis qu’elle était ici ? Elle n’avait pas pensé à poser la question.
Prudemment, la jeune femme monta l’escalier, gardant une main appuyée contre le mur, puis atterrit dans ce qui était manifestement la chambre de Belthelda. Vu les murs, elle devait être dans un chalet ou quelque chose du genre car ils étaient en bois, un peu comme les maisons de vacances à Granite Falls – elle espérait d’ailleurs qu’elle ne s’y trouvait pas car en soulevant un des stores, elle ne vit que des arbres par la fenêtre.
La porte menant à la pièce de vie était entrebâillée et Eurydice allait l’ouvrir quand elle entendit des voix…
—Comment va la fille aujourd’hui ?
—Mieux je pense. Vous avez réussi à éloigner la police ?
—Chance ou pas, ils ont des petits soucis internes en ce moment, ce qui joue plutôt en notre faveur.
Intriguée, la jeune femme s’approcha lentement pour voir qui était à côté. Si, à la voix, elle avait nettement reconnut Belthelda, cette femme en noir lui était inconnue mais elle était certaine de l’avoir déjà entendue… avant de se souvenir que c’était probablement cette Margaux qu’elle avait entendu parler durant son coma.
—Et le reste ? questionna Belthelda. Z’aviez parlé d’enquiquineurs potentiels…
—A priori, je leur ai malgré moi réglé un de leurs soucis majeurs, répondit Margaux, visiblement contrariée. Sauf que c’était ça ou bien j’avais changé la ligne temporelle pour rien.
—Sérieux, j’ai encore du mal à comprendre pourquoi vous usez autant de ce pouvoir.
—Crois-moi, si la ligne temporelle d’origine était encore possible, tu aurais beaucoup plus de mal à trouver un lieu agréable pour écouter de la musique, y compris dans ce bar où tu allais souvent à Forgotten Hollow.
De quoi parlaient-elles au juste ? Eurydice continua d’écouter…
—Ah ouais… fit Belthelda qui, au son de sa voix, devait être surprise. C’était mauvais à point ?
—Comme te dire… commença Margaux, l’air pensive. De ce que j’ai vu, tu aurais perdu ce vampire que tu sembles adorer embêter et Straud aurait été supplanté par pire que lui, créant une sorte d’âge sombre pour pas mal de monde, ogres y compris vu les soucis de nourriture…
—Génial… Vous venez de me décrire l’enfer là  ! J’en ai presque l’appétit coupé !
—A ce propos, je te rappelle que tu as interdiction formelle de manger la fille…
—Je ne mange pas les musiciens ! Déjà que je m’arrange pour qu’elle ait des trucs normaux à bouffer et pas les abrutis que j’attrape…
Eurydice crut d’avoir avoir mal entendu mais, en voyant l’attitude de cette Margaux, elle su que ce n’était pas une plaisanterie. Elle eut comme la nausée en réalisant que quand Belthelda avait parlé d’embrocher Liam, c’était de façon littérale… et vu ce qu’elle entendait, elle se demandait sérieusement si ces histoires de surnaturels ne seraient pas réelles car cela expliquerait comment elle avait si bien guérit de ses blessures…
—Et les fouineurs ? demanda Belthelda. Entre ceux qui cherchent votre bouquin et ceux qui posent trop de questions…
—Tu les tues, répondit froidement Margaux. De toute manière, même moi j’ignore où le Tome de l’Air a été déplacé mais si quelqu’un venait à découvrir que c’est nous qui gardons la fille, il ne faut pas le laisser en vie. Elle est essentielle à mes plans et j’ai gaspillé assez d’énergie à la surveiller pour risquer de la perdre !
A cet instant, la jeune femme commença sérieusement à douter du fait qu’elle était en sécurité ici. Surtout quand, en interprétant ces paroles, elle réalisa qu’elle était peut-être leur otage depuis le début, ce qui expliquait qu’elle n’ait jamais été conduite à l’hôpital…
—Hé ben, fit Belthelda sur un ton un peu ironique. Je vous aurais pas imaginée aussi cruelle, surtout vu comment il parlait de vous. Vous avez une deuxième personnalité ou un truc du genre ?
—J’étais surtout différente de maintenant, déclara Margaux en lâchant un soupir. Cela fait bien longtemps que je ne peux plus me permettre de faire dans les sentiments, que cela me plaise ou non. Si je dois tuer, je tue, point. Celui contre qui je suis en train de lutter est bien pire que moi vu l’envergure des altérations temporelles qu’il a causé et je suspecte qu’il bloque en partie mon pouvoir de divination pour ne pas que je trouve où il se cache.
—Vous êtes sure que c’est un homme ?
—Certaine. Mes visions me l’ont indiqué et c’est pour cela que j’ai accepté notre alliance. Autrement, sois assurée qu’elle n’aurait pas duré aussi longtemps…
Margaux se leva et elle tourna la tête… croisant le regard d’Eurydice qui se figea d’effroi pendant une seconde face à ces yeux d’un vert perçant. Puis quand cette femme s’en alla, elle retourna vite dans le sous-sol, essayant de comprendre ce qu’il se passait au juste.
Une cabane dans un coin inconnu, manifestement une sorcière et une… ogresse… Sérieusement, qui aurait cru qu’il lui faudrait un jour se remémorer ses lectures d’enfance ? Si elle avait Lucinda sous la main, celle-ci lui serait bien utile vu qu’elle étudiait le surnaturel mais là , elle était seule et devait compter sur ce dont elle se rappelait…
Pour les sorcières, c’était fichu d’avance car le domaine était tellement vaste qu’il lui serait impossible de bien cerner les possibilités de Margaux en magie – elle savait déjà qu’elle ferait mieux de l’éviter car celle-ci devait avoir la capacité de prédire ses faits et gestes. Par contre, pour les ogres, c’était plus simple vu qu’ils n’étaient pas bien compliqués : ils mangeaient beaucoup et de pratiquement tout – la seule exception semblait être les vampires avec qui ils avaient quelques conflits d’ordres culinaires car ils chassaient parfois le même gibier – et possédaient la force nécessaire pour assommer n’importe qui.
En conclusion, elle avait peut-être plus de chances de s’échapper d’ici si Belthelda était seule et endormie…
Comme il était compliqué pour elle de voir passer le temps, Eurydice dut se fier à tous ses sens pour essayer de déterminer les mouvements de l’ogresse : les odeurs de nourritures qui arrivaient à ses narines, la lumière qui filtrait par la porte du sous-sol et les grincements du parquet en bois massif. Avec ses oreilles, elle finit par percevoir que son hôtesse changeait de pièce puis le son typique d’un sommier grinçant sous le poids d’une personne se fit entendre. Elle attendit encore, son ouïe guettant le moindre son pouvant lui confirmer ce qu’elle espérait tant.
Enfin, elle l’entendit : un ronflement léger, suffisant pour lui indiquer que Belthelda était en train de dormir. Prudemment, Eurydice monta les marches jusqu’à la chambre. Comme attendu, l’ogresse dormait à poings fermés et, par chance, elle n’avait pas refermé la porte menant à la pièce de vie !
A pas de loups, elle s’y glissa, essayant de produire le moins de sons possible. A deux reprises, elle se figea, le parquet ayant grincĂ© sous son pied et, quand la respiration de Belthelda lui confirma qu’elle dormait encore, elle avança Ă nouveau.Â
Elle dut tâtonner un peu dans le noir pour trouver le verrou de la porte d’entrée puis l’ouvrir mais, ce qui la paniqua au plus haut point, ce fut le son atroce que fit le battant de bois quand elle le bougea, faisant qu’elle l’ouvrit brutalement et qu’elle se mit à courir.
Seulement, elle ne mit pas longtemps à trouver où elle était réellement… quand elle atteignit le bord de l’île de Winderburg. Elle ne l’avait pas visitée mais Giulia lui avait mentionné que si l’on s’y rendait, il valait mieux avoir son propre bateau car les horaires du ferry étaient limités. Elle était bloquée au milieu de l’eau et elle doutait que l’option « nager jusqu’à la ville » soit un bon plan s’il y avait des courants.
—Hey ! Recule vite !
Eurydice sursauta en entendant la voix de Belthelda et se retourna rapidement… avant de lâcher un cri d’effroi en voyant la vraie apparence de l’ogresse.
—Mince, jura Belthelda qui semblait réaliser le problème. Pitié, évite de crier ! T’es en sécurité chez moi !
Mais Eurydice était terrifiée à présent et, d’instinct, elle se remit à courir, oubliant que, techniquement parlant, elle ne pouvait pas s’enfuir de cette île. Elle ignorait quelle distance elle parcourait mais elle avait conscience qu’elle prenait de la hauteur.
Puis, totalement épuisée par sa course folle, elle finit par s’arrêter pour essayer de reprendre son souffle.
Seulement, elle était tellement éreintée que sans le réaliser, elle s’écroula dans l’herbe et perdit connaissance…
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