#êtresursonx
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martinecantin · 1 year ago
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Je suis sur mon U.
Je vous explique. Ce n’est pas que je suis une adepte de l’expression « être sur son X ». Peu s’en faut. Mais il faut bien être de son temps. Il semble que ce soit la nouvelle expression à la mode, pour les comédiens, les athlètes – du moins au Canada – alors pourquoi pas pour moi. Être sur son X, c’est être exactement où l’on veut être dans la vie, tant sur le plan personnel que professionnel.
Alors dans mon cas, je dirais plutôt que c’est un U. Parce qu’un X, peu importe comment tu le retournes, il reste immobile. Et moi, j’aime mieux être en mouvement. Un U, ça penche d’un côté et de l’autre. C’est comme une chaise berçante, et les gens qui me connaissent savent que j’aime les balançoires et les chaises berçantes. Elles offrent un réconfort, une légèreté, un sentiment de liberté. J’aime bien les petits pas d’un côté puis de l’autre. Ça donne une belle petite danse. Je n’irais toutefois pas jusqu’à être sur un W, puisque dans ce cas le mouvement est trop fréquent, inconstant, changeant, voire précaire. Bref, j’aime bien l’endroit exact où je suis maintenant sur mon U. Ce n’est ni l’immuabilité du X, ni la précarité du W.
Oui, j’aime où je suis, ce que je suis devenue, mais je n’aurais jamais la prétention de croire qu’il s’agit exactement et précisément de la bonne place. Il y a si peu dans l’endroit actuel où je me trouve qui était dans mes rêves des premiers jours, voire de mi-chemin.
Par exemple, j’étais loin de m’imaginer que je passerais la majorité de ma vie au Nouveau-Brunswick, et pourtant ce n’est tout de même pas si loin de ce que je voulais être. Au secondaire et à l’université, je me voyais plutôt m’installer dans ma province natale et défendre les intérêts de ma communauté franco-ontarienne. Je me voyais aussi accomplir de grandes choses au sein d’un mouvement humanitaire mondial, avec l’homme de ma vie à mes côtés. Je me voyais aussi comme une grande écrivaine, un peu torturée.
Mais pour ce faire, il fallait quand même que je commence par aller voir ce qui se passait ailleurs, et je suis venue ici. Puis j’ai ressenti le besoin de m’accomplir dans cet ailleurs afin de mieux savoir de quoi j’étais capable avant de faire de grandes choses, dans un milieu où je ne jouissais ni de népotisme ni de favoritisme du fait d’un simple patronyme ou de relations héritées. Et je suis restée.
Et en restant ici, mine de rien, je me suis effectivement accomplie à ma façon, relevant des défis professionnels tout aussi divers les uns que les autres. Des défis professionnels qui m’ont mené à travailler dans des domaines que je ne me serais jamais imaginée. Des défis qui m’ont permis de me dépasser et qui m’étonnent encore aujourd’hui. Des défis qui, lorsque j’y pense, me laisse avec un sourire en coin. Un sourire amusé et admirateur, parce que rien ne me destinait – ni par intérêt, ni par talent – à me retrouver à travailler dans le monde des chiffres, dans de grosses entreprises ou au sein de hiérarchies complexes par exemple. Je me suis donc forgée un portefeuille d’expériences professionnelles dont je suis particulièrement fière, parce qu’atypique à certains égards, même s’il ne s’agit pas d’expériences révolutionnaires. En même temps, je me balance toujours aujourd’hui sur mon U, sachant que, même si je suis fière de ma carrière, je sais qu’il me reste encore des choses à expérimenter et à approfondir.
Et en restant ici, je continue de vivre en français au sein d’une communauté bilingue parfois écorchée, parfois blessée, laquelle est, heureusement, de plus en plus colorée. Et j’aime croire que j’y ai ajouté un petit trait de ma propre couleur aussi, même ténu. Parce que j’ai continué de défendre cette langue que j’aime, à ma façon, au travail comme dans la vie quotidienne, et au sein d’organismes sans but lucratif, tout en entretenant ce lien, quoiqu’un peu passif parfois, à ma francophonie canadienne.
Je n’ai pas changé le monde comme l’idéaliste que j’étais, mais je l’ai quand même réinventé quelques fois. Et j’ai appris que les petits gestes sont aussi importants et nécessaires que les grandes réalisations. Je crois avoir laissé quelques marques positives sur mon chemin. Que ce soit en ouvrant ma porte, en offrant un verre, en étant à l’écoute, en donnant un coup de main, en forçant une sortie, en transmettant certaines connaissances et expériences, ou en proposant une aventure. Oui, j’espère avoir laissé quelques petites marques qui ont permis à des amis, à des connaissances ou à des collègues de voir une situation différemment, de se défouler, d’oublier le quotidien, de découvrir de nouveaux horizons, d’exister. De petites marques pour remercier de tous les bons gestes et les bonnes paroles dont j’ai bénéficiés moi-même.
Je n’ai pas connu le grand amour avec qui j’aurais pu partager le quotidien, fondé une famille. Mais j’ai mieux compris qui j’étais, de quoi j’étais capable, ou incapable, et su m’entourer de personnes qui peuvent m’épauler au besoin. Et j’ai connu la famille par procuration, grâce à mes nombreux neveux et nièces. Je me suis découverte une autonomie et une liberté qui ne me déplait pas même si ça ne garde pas au chaud la nuit.
Oui, j’aime bien être sur mon U. Un U qui se balance, un roulis nécessaire et maintenant rassurant parce qu’apprivoisé qui me permet de continuer à apprendre, à croître, à mieux aimer, parce que forte d’outils, de ressources et de liens triés au fil des ans.
Et vous, sur quelle lettre êtes-vous?
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