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Pensées Brèves
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Cours articles illustrés sur ce qui fait notre société
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penseebreve · 6 years ago
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Le charme d’un certain cinéma français
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Parfois, face à l’intarissable liste de films américains récents dans laquelle je m’ennui à choisir un divertissement pour la soirée, tout semble fade et je ne peux me résoudre à me lancer dans quelque chose. Quand soudain, par je ne sais par quel miracle informatique, le regard bleu et la moue autoritaire de Jean Gabin me font face, sur une affiche peinte, au dessus d’un titre dont le français semble presque incongru. A ce moment, je veux irrésistiblement voir, ou revoir, un de ces films que l’on me montrait enfant, les grands classiques de nos parents, de nos grands parents. Les comédies franchouillardes cultes, comme les Les Tontons Flingueurs (1963) ou Quand passent les faisans (1965) ; les De Funès, comme Oscar (1967), La Grande Vadrouille (1966) ou Le Gentleman d’Epsom (1962) ; mais aussi les films d’action, de gangster, d’espions comme Le Clan des Siciliens (1969) ou Les Barbouzes (1964)… J’en passe des plus sacrés, pour insister sur ce qui fait l’unité de ces films populaires des années 60-70, et ce qui pourrait expliquer mon affection pour leur ensemble. Je veux parler de toutes ces productions grand public, à gros budget, dont le bon souvenir est autant lié à leur succès de sortie qu’à leur capacité à ne pas prendre de rides. Il y’a une ambiance, une aura, quelque chose d’indescriptible qui donne à ces blockbusters de l’hexagone gaulliste quelque chose de terriblement attachant.
Les acteurs de ces films, Jean Gabin, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Lefebvre, et bien évidemment Louis De Funès, sont des (les) monstres sacrés qui à mes yeux ont peu à envier aux plus grandes stars américaines de l’époque. Mais ce qui nous rend encore ces comédiens si familiers et sympathiques, c’est au delà de leur talent leur omniprésence dans les comédies et les films d’action de cette époque. Ils sont partout, et transcendent de fait leurs personnages : on ne prenait pas Ventura pour un rôle, on écrivait un personnage pour Ventura. Ces acteurs constituent l’essence même de cette tranche du cinéma.
Ces acteurs sont encore davantage mis en avant par des dialogues qui ont une saveur toute particulière. La langue a un coté artificiel, à la fois littéraire, parce qu’elle est travaillée, calculée, mais aussi vulgaire, parce qu’elle ne se prend pas au sérieux et n’aborde qu’un vocabulaire et des sujets simples, compréhensibles. C’est tout le contraire de La Nouvelle vague, qui quant à elle utilise un langage soi disant naturel pour parler de sujets beaucoup plus profonds et philosophiques. Cela participe au fait que considérant une époque où les deux genres s’opposent, mon affection va davantage à celui dont j’ai entamé le compliment. Le parlé, dans les comédies et les films d’action français des années 60 a quelque chose de magique. Le « grisbi », les « barbouzes », la « gnôle », le « placard », et toutes ces expressions d’un autre temps, que peut être on a entendu chez nos grands parents, sont si drôles et charmantes qu’elles participent grandement à la gaieté de ces films. Michel Audiard, dialoguiste prolifique, est sans conteste le roi de ces scénarios bourrés de répliques cultes, qui souvent prennent la forme de proverbes populaires :
« Le boulot, c’est un truc qui vaut mieux commencer jeune. Quand tu démarres tout môme, c’est comme si t’étais né infirme : tu prends le pli, t’y penses plus… » Mélodie en sous sol (1963) d’Henry Verneuil, ou encore « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait » Les Tontons Flingueurs (1963) de George Lautner.
Et puis il y’a les intonations, la théâtralité de la réplique, l’accent parisien, les auvergnats qui roulent les « r », un tout autre français enregistré par des microphones désuets, aigus et crépitant qui nous rendent la chose encore plus étonnante aujourd’hui.
Cent autres chose rendent ces films inoubliables. La musique, du jazz à la chanson de cabaret, avec des bandes originales aussi cultes que celle du Pacha par Serge Gainsbourg, ou la mélodie entêtante des Tontons Flingueurs. Les décors, le vieux Paris dont les Faubourgs n’ont pas encore été tous détruits, les vieux bistrots, les intérieurs modernes des maisons bourgeoises, où la modernité précipité des sixties a jeté des curiosités architecturales et artistiques jamais égalées. Les voitures, fabuleuses, les DS, les 2CV, les coccinelles, toutes ces petites autos qui semblent aujourd’hui irréelles mais dans lesquels les « gangsters » s’adonnent à des courses poursuite nerveuses. Les armes, et leurs bruitages de jouets, et les coups de poing, qui font « paf ». La pudeur presque puritaine, de ne jamais montrer de sang sur les victimes, de chaire sur les femmes ou de larmes sur les hommes. Et cette volonté toujours, de faire comme les américains, une volonté toujours limitée par le budget et les paysages français. Il y’a souvent une scène de beuverie, et des scènes hilarantes d’ivresse, symboles d’une certaine insouciance. Il y’a beaucoup de cigarettes, des vraies, pas celles sans fumées des films d’aujourd’hui. La violence se fait sans effusion de sang, le rire sans vulgarité gratuite, et cela semble si facile parfois.
Pour toutes ces raisons j’ai, comme beaucoup, un attachement profond à ces films, dont certains aspects ont mal vieilli parfois, mais qui justement nourrissent une certaines nostalgie d’une époque et de son cinéma, une époque que je suis pourtant loin d’avoir connu. Dans ces décors on a l’impression d’être chez ses grands-parents, ça sent la soupe au chou, la pipe et l’hiver, et on boit les paroles de Jean Gabin comme les leçons d’un sage. Alors peut être que mon amour pour ces films n’est qu’une irrationnelle nostalgie, un « c’était mieux avant » pathétique qui rassure. Mais je pense aussi que ce genre constitue un réel âge d’or du cinéma populaire français, dont il restera sans doute une pierre angulaire.
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penseebreve · 6 years ago
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De l’épuisement des sagas hollywoodiennes
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  Star Wars, Alien, Rocky, et plus récemment Jurassic Park, sont des sagas de films qui ont toutes commencé avec un chef d’oeuvre, un film qui a marqué son époque, et souvent le cinéma dans son ensemble. Naturellement les profits liés à ces premières sorties ont fait pleurer de joie les producteurs, dont le métier est avant tout de chercher un retour sur investissement. Le problème se trouve dans la course effrénée à la production de suites à ces bons films, des suites pas forcément prévues par l’oeuvre originale et qui lui feront parfois grand tort. On a tous un souvenir d’une suite qu’on attendait avec impatience, dans l’espoir qu’elle nous fasse sentir à nouveau les émotions que la première oeuvre nous avait procurés. Mais soudain, devant nos yeux humides, se déroule un film sans substance, sans idées, ennuyant, servant simplement à nous jeter négligemment des personnages et des symboles auquel on tenait, le tout ayant une saveur de trahison.
Une industrie fainéante et cupide ?
 Pourquoi produire tant de mauvaises suites ? Pourquoi ressusciter les films et les franchises qui étaient déjà terminés ? N’y a t’il pas assez de possibilités pour faire de nouveaux chefs d’oeuvre grand public ?
 On peut imaginer que tous ces sequels sont avant tout liés à la paresse, ou plutôt au manque de courage, de l’industrie du cinéma. Il faut produire un certain nombre de blockbusters par an, l’industrie du cinéma brassant énormément d’argent. Il suffit donc d’appliquer des recettes qui fonctionnent, promettre aux gens une expérience familière, un divertissement assuré… Ils aiment Gandalf ? C’est parti pour trois films de 3h sur le Hobbit ! Ils aiment Spiderman ? Faisons trois saga différentes ! Les gens s’en fichent, ils iront quand même au cinéma. Et le vice trouve son apogée dans la suite de trop, celle qui est si mauvaise qu’elle en vient à entacher la mémoire du ou des bons films d’origine (Alien Covenant c’est à toi que je pense, saloperie). L’absence de créativité à ce niveau tient nécessairement à une forme d’avidité d’une industrie capitaliste, où les grosses franchises sont des produits financiers. Parmi les raisons qui ont découragé les producteurs à être créatifs, certaines tentatives d'installation de nouvelles “sagas cultes” ont échoué, comme le Valerian de Luc Besson, ou la saga pour jeunes adolescent A la croisée des mondes, commencée et terminée en 2007 avec un seul et unique film à très gros budget (mais personne ne s’en souvient, il y’avait quand même Nicole Kidman). Et ces échecs au box office, qui ont pourtant demandé beaucoup de moyens et de talent, représentent un mystère qui m’amène à mon prochain point.
Une tendance naturelle du divertissement grand public
 En ce qui concerne le public, que ce soit parmi les spectateurs occasionnels ou les cinéphiles, les amateurs de grosses productions ne veulent pas prendre de risques, et choisissent donc souvent d’aller voir une oeuvre dont ils connaissent au moins en partie les codes. Avec un Star Wars ou un Marvel on est jamais (vraiment) déçu. On peut donc se demander si la paresse créative de l’industrie du cinéma, et le phénomène de l’épuisement des franchises, ne sont pas les simples fruits d’une offre qui répond à une demande. Il y’a la question de l’attachement qui entre en jeu, et l’affection que l’on peut avoir pour une franchise nous rend beaucoup plus tolérant à ses défauts que nous ne pourrions l’être avec ceux d’une oeuvre isolée. Nous avons peut être besoin également, en tant que société, de nous retrouver autour de productions culturelles assez étendues dans le temps et assez importantes en quantité pour être connues de tous, et former un socle de culture commune. De nombreux articles et ouvrages qualifient les grandes saga cinématographiques de mythes modernes, qui forgent nos valeurs aussi profondes que celles de la définition du bien et du mal. Il y’a en fait depuis l’Antiquité des créations théâtrales et littéraire qui ont été reproduites et revisitées des centaines de fois pendant des siècle : les mythes grecs, les épopées d’Homère, et plus tard le mythe du roi Arthur, sont d’une certaine manière les premières sagas que l’on a épuisé à force de les répéter. Mais avec le temps, on a oublié les versions ratées de l’Odyssée, ou les suites obscures des aventures des chevaliers de la Table Ronde. Restent les chefs d’oeuvre, et surtout le souvenir collectif des émotions que ces personnages et ces récits ont fait vivre à tant de publics différents.
 Alors déplorons la piètre qualité du dernier Jurassic Park, reprochons aux réalisateurs les plus doués de se soumettre aux tristes cahiers des charges des grosses entreprises de production qui épuisent les franchises. Certaines suites sont impardonnables. Mais il faut également se réjouir que plusieurs générations et plusieurs cultures partagent les mêmes héros. Pour finir, soyons honnêtes, les fans de Star Wars (dont je fais partie) iront toujours voir le prochain Star Wars, parce que voir un sabre laser suffit à éveiller en eux quelque chose d’unique.
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penseebreve · 6 years ago
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BlacKkKlansman : Comédie historique et plaidoirie politique
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 Spike Lee est un artiste prolifique, essentiel au cinéma américain, qui est devenu surtout une figure de l’art engagé sur la question du racisme aux Etats-Unis. Avec BlacKkKlansman, il nous offre cette année une comédie qui traite d’une histoire vraie, mais peu connue tant elle illustre une part honteuse de l’Histoire moderne des Etats-Unis.
 Ron Stallworth (John David Washington) est un jeune afro-américain qui devient flic dans une petite ville du Colorado, au milieu des années 1970. Il se consacre malgré les injonctions de ses supérieurs et malgré la dangerosité de la chose, à l’infiltration d’une organisation criminelle vieille d’une siècle : le Ku Klux Klan.
 Un rire particulier
 Le film est drôle, rythmé, animé par des acteurs efficaces, des personnages burlesques et des dialogues tranchants. Le principe scénaristique à lui seul d’un homme noir infiltrant nonchalamment une organisation suprématiste blanche est très drôle. Mais le rire qui secoue régulièrement la salle de cinéma a une note particulière, une irrégularité étrange, comme si il était difficilement assumé. Pourquoi ai-je ressenti ce malaise alors même que je riais de bon coeur ? C’est son objet, probablement, qui rend le rire si dissonant : le choix de la comédie pour ce film n’est à mes yeux pas tant une fin en soi qu’un moyen pour Spike Lee d’amener des images, des mots et des questions difficiles de manière digeste pour le public. Le Ku Klux Klan, et plus largement la longue histoire des violences racistes aux Etats-Unis, sont d’ordinaire tout sauf une source de comédie. C’est même une réalité de l’Histoire et du présent insupportable pour beaucoup d’Américains, que seule la comédie presque ose rappeler à leur mémoire. Tarantino, dans Django Unchained, avait déjà tourné une scène comique mettant en scène le KKK, avec l’irrévérence et le talent qu’on lui connait. Spike Lee s’approprie donc ce procédé vieux comme le monde, qui consiste à utiliser la comédie comme moyen de dire l’indicible, de montrer l’horreur, de critiquer les puissants, sous couvert de légèreté.  
La mise en scène comme moyen de nous impliquer
 Souvent le film sort de la simple narration. Plusieurs séquences sont des scènes de discours, ou des récits de vie devant plusieurs personnes, émanant de personnages de chacun des « camps » : le KKK, et les militants du « Black power » notamment. Ces tirades sont souvent tournées face caméra (l’orateur et son public sont filmés de face, et le montage alterne entre les deux points de vue) ; cette rupture du champs - contrechamps classique perturbe inexorablement l’audience. On est malgré nous concernés par l’enjeu, nous ne sommes plus extérieurs au film. Dès cet instant nous n’assistons plus à un récit du passé, nous sommes devant un débat de société, un débat vivant qui concerne tout le monde. Le sentiment d’un film/débat est encore accentué lors d’une séquence durant laquelle le montage va et vient entre un discours du chef du KKK et le récit d’un lynchage public par un vieil homme noir. Lors de cette séquence on est frappés par le déséquilibre entre les partis du conflit : il y’a nettement un agresseur et un victime, un fort et un faible, une idéologie dominante et une résistance… Mais le film, comme pour imiter l’attitude des médias américains, donne autant de temps et de lumière, et donc de valeur, à chacun des discours, ce qui installe un profond malaise.
A cela s’ajoutent des échos volontaires à l’actualité de 2018 : les membres du KKK scandent « America First ! », ou « Make America great again ! » au milieu de leurs inepties racistes, ceux à quoi les militants noirs, arborant les coupes afros qui faisaient légion dans les années 1970, rétorquent les évidences qu’aujourd’hui sont obligés de répéter les militants de Black lives matter, comme quoi non, l’homme blanc n’est pas légitime à dominer l’homme noir.
On comprend vite devant BlacKkKlansman que Spike Lee n’a pas juste voulu nous faire rire, ou nous présenter un épisode équivoque de l’Histoire, mais qu’il a tourné par nécessité sa propre plaidoirie à l’heure ou les idées du KKK semblent trop facilement revenir au goût du jour, et où la société américaine semble se diviser.  
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