Bien que partis outre-Atlantique, nous ne vous abandonnons pas pour autant à votre triste sort. Par ces images sélectionnées avec soin et les quelques mots qui les accompagnent, nous tâchons de vous inviter, l’espace d’un petit-déj, d’un trajet de bus, où plus certainement d’une composition sur les chiottes, à venir à nos côtés, sous les couleurs de l’Amérique du Sud et des merveilles qui s’y trouvent. Le tout avec un sérieux somme toute très relatif. Bisous.
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#18 [Chili] Santiago – Les affres de nos incertitudes
Restant régulièrement informés de ce qui se passe dans le monde, nous n’ignorons pas dans notre redescente du Villarrica que l’ombre menaçante de cette infection virale commence à nous planer au-dessus. « L’Amérique du Sud est épargnée », « vous êtes tranquilles vous là-bas », « il n’y a quasi pas de cas » ; en vérité à l’heure où nous rallions Pucon sans plus de préoccupation que ça, tous les pays du continent sont touchés par le Covid-19 et chaque gouvernement commence à prendre des mesures drastiques. Mesures indispensables et ô combien salutaires, certes, mais dramatiques pour le déroulement d’un roadtrip.
Ainsi, tandis que l’on partage une bière avec les gens rencontrés sur le chemin, chacun évoquant ses anecdotes de voyages et projets d’itinéraires, nous apprenons que le Chili ferme ses parcs nationaux. Tous les lieux publics, écoles, clubs sportifs, tout se referme doucement. L’Argentine avait annoncé la même chose la veille. Côté Colombie, Guatemala et Équateur, c’est carrément une clôture des frontières aux non-résidents.
Ces informations arrivant au compte-goutte, il est difficile d’établir une stratégie de poursuite du voyage viable. Nous choisissons donc d’effectuer une pause en Argentine chez ma pote Charlyse qui vit là-bas depuis neuf ans. Rien de mieux qu’une maison dans un coin tranquille pour attendre que l’orage passe. Nous aurons tout le temps de reprendre notre route après. Ainsi détendus, nous enchaînons les bières et une douce soirée d’insouciance s’écoule.
Le lendemain, nous apprenons que l’Argentine a fermé ses frontières à tous les non-résidents. Les témoignages de Français à qui l’on a refusé l’accès sont légion. La Bolivie semble suivre cet exemple, tout comme le Pérou. Nous voilà coincés au Chili… Nous avons la gueule de bois et l’hôte de notre Airbnb nous informe qu’elle va prochainement quitter son logement (du coup nous aussi). Il nous faut d’urgence un nouveau plan de jeu.
Au hasard de nos pérégrinations sur les réseaux des Français à l’étranger, nous lisons de sordides histoires. Des Français se font refuser le séjour dans certains hôtels, des auberges ferment et mettent tous les résidents dehors. Certains restaurateurs refusent de servir des clients avec un accent qu’ils pensent venir de France... Il y a même le cas de ces quatre touristes français qui se sont fait réveiller à 5 h du matin par la police uruguayenne pour se faire cordialement raccompagner jusqu’à la frontière. La pilule commence à être difficile à avaler. Désirons vraiment séjourner dans un pays qui commence à nous considérer comme des pestiférés ? Qu’allons-nous faire sans toit si un confinement se profile ? Qu’en est-il de la qualité des hôpitaux chiliens si jamais nous chopons la bestiole ?
Toutes ces interrogations se mêlent à des craintes plus viscérales d’isolement, à la peur d’être loin de nos familles si le pire se produit, à la peur de l’inconnue dans un futur qui ne cesse de changer de trajectoire. Soudain, une autre nouvelle tombe comme un couperet : à partir du lendemain, le Chili annule tous les vols en provenance ET à destination de l’Europe, puis ferme à son tour ses frontières. Si nous ne nous décidons pas vite, nous allons rester bloqués…
Après avoir envisagé tous les scénarios sans qu’aucun nous satisfasse, nous décidons de patienter jusqu’au discours de notre président. Et là, la promesse de rapatriement, émise avec une sincérité presque paternelle nous touche. On comprend que ce que l’on désire à présent, au regard de nos craintes actuelles et du nombre conséquent d’inconnues dans cette équation, c’est rentrer en France. Une heure plus tard, nous obtenons un ticket de bus pour Santiago ; un trajet nocturne de 800 km nous crachant immédiatement devant l’ambassade et, nous l’espérons, une prise en charge rapide de la situation.
Une fois à Santiago, nouveau revirement : l’ambassade ferme ses portes devant les Français et les envoie s’informer en ligne et chez Airfrance. Puis, une info du consulat commence à circuler : « il n’y aura pas de rapatriement pour les Français ». Apparemment être un paria dans un pays déchiré par une violente crise sociale et maintenant une pandémie sur le point d’exploser ne justifie point que des mesures soient prises. La situation n’est pas assez grave.
Un taxi plus loin, nous sommes à l’aéroport avec la ferme intention de négocier un vol. Car, bien évidemment, nous n’avons aucun trajet retour, même pour dans six mois. L’ambiance ici est particulière. Nous qui étions habitués aux endroits reculés, paisibles, nous voilà dans l’aéroport blindé d’une des plus grandes capitales d’Amérique du Sud, entourés de centaines de personnes arborant une mine inquiète sous leur masque. Les guichets d’Airfrance et d’Iberia sont fermés, des files d’attente colossales commencent à s’étirer, et là-dedans, on ignore toujours quelles sont nos chances de quitter le pays.
Est-il possible de décoller après l’ultimatum de fermeture des frontières ? L’ambassade va-t-elle mettre en place des rapatriements dans les prochains jours ? Ne serait-il pas plus sage de nous réfugier dans un hôtel ou de louer un airbnb ? Est-il intelligent de rentrer en France, dans l’épicentre de l’infection, ou bien de demeurer au Chili, en ignorant comment la solution évoluera ici ? Les affres du doute nous rongent. Et toujours des avis contradictoires provenant de sources inconnues viennent déséquilibrer la balance de notre jugement. La panique règne alentours, des tas de gens assaillent les comptoirs d’agence, et même les bureaux ! en quête d’une certitude, trésor ô combien précieux en ces heures sombres. À nos instants les plus noirs de cette fièvre d’affolement, nous nous sommes retrouvés à tenter une réservation d’un vol avec deux escales (Brésil + Espagne, sans savoir si l’on pourrait aller jusqu’au bout) qui coûtait 2300 € le billet… par chance l’application crashera avant que l’on rentre nos données bancaires. Respiration. On réalise qu’en dépit de la situation, il faut peut-être garder la tête froide. Ce qui, avec une gueule de bois et une nuit dans le bus, ne s’avère guère aisé.
Après réflexion, nous décidons de mettre toutes les chances de notre côté chez Airfrance et tentons le coup de poker en réservant deux places pour le vol direct du 22, soit cinq jours plus tard ! Quand on voit ce qui s’est déroulé en seulement deux jours, on a peu d’espoir quant à la pérennité du vol de dimanche… Mais les espoirs mêmes les plus minces méritent qu’on s’y accroche. Cette opération nous demande une heure, sur un wifi capricieux, et nous oblige à passer par les parents de Marie-Lou en France pour effectuer la réservation.
N’ayant rien d’autre à faire, nous incorporons à nouveau la queue pour obtenir des informations sur notre vol. « Pour l’instant, il semble qu’il soit maintenu. Mais nous vivons au jour le jour, vous savez ? Nous n’en savons pas beaucoup plus ». On se contente de ce maigre espoir, sans toutefois parvenir à s’en réjouir. La dame nous conseille d’essayer d’intégrer le vol du jour, dont les places occupées par les Chiliens en direction de Paris vont se libérer. Car, maintenant, l’Europe ferme aussi ses frontières. Seulement, cette information est partagée au nombre grandissant d’Européens désireux de rentrer chez eux… Et naturellement, chacun détient d’excellentes raisons de vouloir s’offrir un siège.
À l’heure fatidique, on se dirige à l’enregistrement. Espoir fou ! l’homme prend nos passeports. Hélas, ça échoue, et l’on nous renvoie au premier guichet. « Vous n’êtes pas sur liste d’attente ». Mais de quelle liste d’attente tu nous parles, Michel ? Des gens arrivés après nous commencent à embarquer. Là, c’est de la colère qui vient s’ajouter à l’éventail déjà fort coloré de nos émotions. On réintègre la queue, joue des coudes pour se rapprocher de notre précédente interlocutrice. « Comment ça une liste d’attente ? ». On nous demande si l’on a un numéro de billet. L’espoir renait, car, oui, depuis une heure nous avons effectivement un billet pour la fin de semaine. Pourtant, quelque chose coince encore. « Es solo una reserva, no tiene boleto ». Les mâchoires se serrent, les humeurs s’échauffent sous la frustration et l’incompréhension qui anime la foule. Certains partent, d’autres sont recalés, personne n’y comprend rien.
Après une houleuse discussion, il s’avère que l’émission entre le site de la réservation et la base de données d’Airfrance prend 72H. Notre première interlocutrice passe dix minutes au téléphone avant de revenir vers le couple de Français qui nous accompagne depuis le volcan. « Vous pouvez y aller, suivez-moi ». Marie-Lou et moi sommes fous. Si eux décollent, nous devons décoller.
Je mets les bouchées doubles lorsqu’elle revient au guichet, m’attirant les foudres d’un autre couple à côté. Les gens sont possédés. Je regarde cette dame avec son téléphone magique et les minutes sont interminables. J’essaye de capter son regard ; de bénéficier moi aussi de coup d’œil salvateur qui me renverra chez moi, du hochement de tête béni qui signera la fin de cette angoisse. L’avion décolle dans quarante minutes lorsqu’elle me demande de l’accompagner. Ça y est, enfin ! Nous allons y arriver.
Cependant, nous ne sommes pas tirés d’affaire. L’interlocuteur suivant galère à effectuer l’enregistrement. Des gens arrivent après nous aux guichets voisins, et partent avant nous. Ça ne sent pas bon. Afin de se rassurer, on l’interroge : « l’avion est au courant de cette situation exceptionnelle, il va nous attendre, n’est-ce pas ? ». « Non, du tout. Il va falloir vous dépêcher, le terminal est à l’autre bout de l’aéroport »… Marie-Lou ronge son frein, je fais les cent pas. Si après tout cela, nous ratons notre vol, j’ignore ce qu’il adviendra de ma santé mentale. Lorsque ce gus envoie enfin nos bagages sur le tapis, il reste 15 minutes avant la fin de l’embarquement.
Nous filons comme des dératés jusqu’à la douane, baragouinant des mots en exhibant notre carte d’embarquement à tout-va afin qu’on nous laisse passer. Deux coups de tampon. Étape suivante. Évidemment, mon sac est celui qui se fait retenir au contrôle de sécurité. Il reste à peine cinq minutes, c’est un véritable cauchemar�� L’homme sort une microscopique paire de ciseaux de mon sac, avant de les repositionner dedans, juste à côté d’un Opinel bien aiguisé qui n’éveille à aucun moment sa crainte. À nouveau au pas de course, nous traversons le duty-free et une série interminable de portes d’embarquements sans jamais voir le nôtre. L’inimaginable effroi que la porte se referme avant que l’on puisse la franchir nous serre la gorge.
Soudain, la discrète fille des gens qui embarquent apparaît. Au bord de la syncope, presque en larmes, nous l’intégrons, trempés de sueurs dans nos vêtements pas changés depuis trois jours. On nous souhaite la bienvenue à bord, et peu de temps après, l’avion décolle. Alors seulement, on s’autorise à évacuer la pression colossale que nous venons d’accumuler.
Résultat, nous atterrissons dans une ville presque déserte avec un immense soulagement. Le sac de Marie-Lou n’est bien évidemment jamais arrivé en France, mais nous n’avons plus la force de nous en agacer. Taxi, récupération d’un sac de secours chez les parents de Marie-Lou (sans effectuer de bisous, malheureusement), Montparnasse, train, bus, puis voiture avant de finalement s’isoler en quarantaine à côté de chez mes parents. On ne peut même pas les enlacer. Dans une quinzaine de jours, au mieux. Sans autre forme de procès, nous prenons une douche et nous jetons dans un lit propre. À peine deux jours de cela, nous descendions insouciant un magnifique volcan, des rêves d’itinéraires et de visites plein la tête, et désormais tout est fini. La boule de savon éclate et nous rappelle à la réalité. Toutefois, nous sommes heureux. Heureux d’avoir quitté l’enfer de l’aéroport, heureux d’avoir pu choisir notre lieu de confinement, heureux d’être à « proximité » de nos proches.
Le voyage peut attendre. Il attendra que l’orage passe et que le soleil brille à nouveau sur les baroudeurs.
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#17 [Chili] Pucon – Ascension du Villarrica
Encore loin de soupçonner l’ampleur du désastre sanitaire que s’annonçait, nous atteignons la ville de Pucon avec la perspective d’une bonne semaine de nature au milieu des parcs et des volcans. Je l’ai précisé dans le précédent billet, la star du coin s’appelle Villarrica ; superbe volcan au cratère ouvert toujours en activité, qu’il est possible d’escalader jusqu’à apercevoir la gueule fumante de cette bête.
La dernière éruption date de 2015 et les signaux d’urgences retentissent tous les jours à midi pour garder la population attentive et prête le jour d’un incident. Depuis ces flancs enneigés, à quelques deux mille mètres d’altitude, on peut admirer les énormes coulées de lave refroidie qui redessinent le paysage à chaque nouvelle éruption. Quoi de mieux que d’aller titiller ça de plus près ?
Le départ s’effectue à 7 h. Un groupe de neuf voyageurs accompagnés de trois guides. Il est impossible d’espérer grimper là-haut sans le recours des guides (comme on le comprendra plus tard). Un sac d’équipement sur le dos, une paire de godasses bien robustes et c’est parti. On réalise la première partie en télésiège, histoire de gagner quasi quatre cents mètres d’ascension. On dégaine ensuite les bâtons pour s’enfiler le déniveler alors que le soleil colore d’or et de sang l’horizon montagneux. Une heure plus tard, les premiers névés nous obligent à équiper les crampons et à s’emparer du piolet. Ce qui apparait comme une ascension plutôt fun, en dépit de la rudesse de la pente. Ce qui l’est moins, ce sont les cailloux disposés sur cette surface lisse. Car comme on commence à le comprendre avec horreur, lorsque vous avez le malheur d’en toucher un, il se met à dégringoler la pente à une vitesse folle. Et nous sommes loin d’être les seuls sur cette pente…
Les guides nous avaient par chance briefés : lorsque vous entendez « roca ! » vous regardez en amont et vous vous préparer à esquiver les éventuels projectiles. Bon. Alors, autant éviter un ballon en trajectoire rectiligne sur du plat c’est déjà pas évident, autant un bloc de roche inégal qui dévale une pente en effectuant des rebonds aléatoires, c’est franchement du sport. Le premier bolide vient percuter mon piolet à moins d’un mètre et frôle le dos du gars derrière mois, avant d’achever sa course quelques centaines de mètres plus bas. Il ne devait pas être plus gros qu’un melon, et la roche volcanique le constituant est friable, légère. Mais à la vitesse où il était lancé, ce « melon » vous arrache la tête. Casque ou pas.
Le « roca » suivant était sans doute quatre fois plus volumineux. On étend crier. Les surrénales en ébullition, on relève tous la tête et on avise le monstre qui commence à nous foncer dessus. Les guides s’alarment, nous haranguent à préparer un saut. Car en plus, il faut attendre le dernier moment pour fuir, essayer de ne pas bouger avant de n’avoir plus le choix. Et ce afin d’éviter une imprudence qui vous décrocherait de la paroi. Encore fois, le projectile lancé à vive allure nous frôle, et un débris touche même une fille de notre groupe au bras. Elle n’a rien, mais l’a échappé belle.
La récompense à toutes ses émotions se concentre en dix minutes de contemplation émerveillée une fois arrivés au bord du cratère. À cause de la fumée, nous ne pouvons rester plus de temps sans risquer de nous abîmer les poumons. Même avec le masque à gaz fourni, ce n’est guère conseillé. Alors on savoure ce panorama à 360° perché à 2800 m d’altitude. On savoure les multiples teintes qui colorent la roche à l’intérieur de la cheminée, passant du jaune soufré au rouge cuivreux en allant vers le gris, le noir et même l’azur. On savoure les grondements du monstre, provoqués par les mouvements d’une lave que l’on ne peut que deviner quelques dizaines de mètres sous nos pieds. L’autre témoin de sa présence ce sont ces impressionnantes vagues d’air chaud qui déforme la lumière tandis qu’elles remontent vers le ciel.
On se sent ridiculement petit, terriblement impuissant face à cette force incommensurable et imprévisible susceptible de déchaîner son courroux d’un moment à l’autre. Comme le guide me l’explique, l’éruption de 2015 avait averti de son arrivée un mois à l’avance, mais hélas, toutes ne font pas preuve de la même prévenance.
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#16 [Chili] La région des lacs – Bienvenue au royaume des volcans
Une étape que l’on attendait depuis longtemps ! Situé au croisement de deux plaques tectoniques et au-dessus de points chauds, le Chili est le pays le plus sismique du monde et se défend question volcanisme. Ce qui offre, en plus du relief dessiné par l’incroyable Cordillère des Andes, un paysage volcanique spectaculaire. Pour la faire simple, cette région se résume à une bande rectangulaire traversée sur la gauche par la panaméricaine (route qui relie le sud du Chili au nord de l’Alaska en gros), et couverte de superbes lacs sur la droite. Et autour de chacun de ces gigantesques lacs, des parcs nationaux, des volcans, du rafting, des termes, des petits villages stratégiquement positionnés. Bref, toute la panoplie pour en prendre plein la tronche.
Nous fixons notre point de base dans le jardin de Rebecca à Puerto Varas : à peine vingt kilomètres au nord de Puerto Montt. Le pommier de son jardin produit des pommes vertes et jaunes délicieuses qui constellent le gazon et sont la proie des vers. Avec sa permission, nous en récupérons une vingtaine afin de cuisiner une compote. Mais lorsqu’on commence à en goûter une, on crie au gaspillage. Les pommes viennent aussitôt agrémenter notre sac de bouffe et font rougir nos fruits de supermarché bien moins goutus !
Le lendemain, nous rallions Ensenada en vue d’attaquer un trek autour du volcan Osorno. Une balade pas évidente, car elle s’effectue pour la majeure partie sur un sol sableux très mou, ce qui rend les heures de marches assez éreintantes. La vue en revanche est aussi douce qu’un coup de genou dans les burnes. Le Lago de todos los Santos, littéralement le « lac de tous les Saints », apparaît comme un paradis immaculé tout droit sorti d’un Walt Disney. Une étendue d’eau transparente entourée de montagnes verdoyantes, cernées de volcans aux sommets culminants dans les cieux et couverts de neige. Et dans notre dos, l’Osorno, trônant là comme une entité suprême laissant de temps à autre apparaître son visage à la faveur d’un vent capricieux.
Cette météo versatile nous oblige d’ailleurs à établir une organisation minimum pour les jours à venir. La star de la région, celle qui attise réellement notre excitation, c’est le volcan Villarrica à 200 km au nord. Celui-ci possède un cratère ouvert et sa dernière éruption date de 2015 ! Il est impératif qu’aucun nuage n’accompagne notre ascension de son sommet. Hélas, on rencontre plusieurs complications.
Premièrement je tombe malade. Une fièvre de l’espace me cogne la tête au réveil et me vampirise mon énergie. Corona virus ou pas, ce qui apparaissait la veille comme une balade tranquille en bord de lac se transforme au jour en un marathon avec trente kilos sur le dos. Je décide de m’allonger dans l’herbe et laisse Marie-Lou finir toute seule. Puis le soir, le bus qui devait nous emmener à Valdivia (à mi-chemin entre le spot d’Osorno et celui du Villarrica) crève sur l’autoroute… Le chauffeur arrête son véhicule sur le bord de la route ; une deux fois deux voies avec des poids lourds lancés à balle qui vous frôlent. Nous patientons. Sous la pluie et le vent, sinon c’est trop facile, tandis que rien ne se passe. Le chauffeur et son assistant ne font que passer des coups de fil, tripatouiller le moteur sans résultat. Pas besoin de leur demander ce qui se passe, l’impuissance qu’affichent leurs visages est suffisante. Il faut attendre une heure et demie qu’un bus de secours vienne nous récupérer pour achever le trajet. On est frigorifiés.
Une arrivée tardive à Valdivia, sous la pluie là encore, où nous n’envisageons même pas le camping. Que ce soit pour gagner des forces avant l’ascension ou pour ma convalescence, il est plus commode de s’enfoncer dans un vrai lit.
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#15 [Chili] L’île de Chiloé – Un séjour en Bretagne, mais en moins bien
Cinquième plus grande île d’Amérique du Sud, Chiloé offre pour beaucoup une accalmie salvatrice dans un roadtrip animé d’activités incessantes. Pour d’autres, il s’agit même d’un lieu isolé où passer les vacances. Promenade à cheval sur les falaises bordant la côte du Pacifique, randonnées dans les forêts brumeuses, ou simplement le plaisir d’une belle assiette de poisson avec vue sur l’un des nombreux lacs du coin. Bref, le CV est vendeur. En revanche pour nous, le séjour sur Chiloé a davantage eu des allures de purge.
Tout commençait plutôt bien. En fin de vadrouille sur la Carretera Austral, on emprunte à l’aube d’un jour pluvieux le ferry en direction de Quellon (sur la pointe sud de l’île). De là, l’accueil est particulier. Il nous donne le sentiment de débarquer dans le quartier portuaire d’une ville peu recommandable, un genre de Havre des années 60 avec un peu plus de couleur. Pourtant, après quelques minutes à lever le pouce, José et Viviana, un couple de locaux adorable, nous font grimper dans leur pick-up. Elle œuvre en tant qu’institutrice et lui travail dans le saumon, la première industrie de l’île pour ce pays deuxième exportateur mondial après la Norvège. Ils nous vendent la région comme le bijou décrit dans le Routard, même mieux encore. Automatiquement nous sommes ravis de cette rencontre et posons tout un tas de questions. Une ferveur rapidement douchée par notre première nuit à Cucao.
Le camping offre un espace dégagé et une vue magnifique sur le lac et les reliefs environnants. Le seul problème, c’est que nous sommes samedi soir… Et les Chiliens ne se contentent guère des bars branchés et appartements de leurs potes pour s’enivrer toute la nuit. Ainsi, nos voisins nous maintiennent éveillés jusqu’à 4 h du matin. De là, un chien errant, peu décidé à nous laisser profiter de ce répit, se met à gueuler de manière aléatoire à trente centimètres de nos oreilles, sans grande considération pour la pluie qui se met à lui tomber dessus, et sur nos vêtements en train de sécher dehors…
Le lendemain nous décidons de partir, mais ayant payé en avance les deux nuits, nous ne pouvons récupérer notre argent. On effectue donc la balade du jour avec la perspective de réitérer cette affreuse nuit. Par chance, les fêtards sont partis quand nous revenons. Le chien non. Pour lui ce soir, c’est match retour. Je gueule, je tape des mains, je menace de sortir avec mes bâtons pour le rosser, mais il finit toujours par revenir. Ce bâtard ne la ferme qu’à 5 h, lorsque les coqs prennent le relai.
La journée qui suit nous emmène à Castro, la capitale de l’île. Il n’y a pas grand-chose à y faire, mais l’architecture des églises inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO semble intéressante. Ce qui l’est moins, c’est le seul camping de la ville : une espèce d’arrière-cour sentant la merde de clébard occupée par trois punks à chiens plutôt sympathiques et la meute de huit canidés qui les accompagnent. Un peu résigné, on installe la tente et on part se balader. Épuisés, notre motivation dans les chaussettes, obnubilés par la simple envie de se jeter dans un lit, nous commençons à marcher. On croise un type ultra chelou, un autre avec la tête couverte de sang. Là, les souvenirs de la veille ressurgissent, les gémissements du chien, puis l’odeur des merdes autour de notre tente nous reste. On se retourne l’un vers l’autre et on s’interroge sur le pourquoi de notre démarche. Dix minutes plus tard, on est revenu plier la tente et on a filé dans l’hostal le plus proche. Pour 2,5 € supplémentaire par tête, on dispose d’une chambre, d’un lit, de sanitaires cette fois loin d’être insalubres et exempts de ces putains de chiens.
Cette île maudite ne nous offre pas grand-chose de plus. Si ce n’est un superbe lever de pleine lune sur le lac. Même avec ça, on s’empare le lendemain d’un ticket de bus pour la quitter au plus vite. Cependant, une fois arrivé sur le continent à Puerto Montt, on ressent une pointe de remords. Il existe une spécialité culinaire de Chiloé qui nous a échappé : le Curanto. Coup de chance, il est possible d’en consommer dans un des quartiers de Puerto Montt ! Cette île peu sans doute remonter dans notre estime, il n’existe rien de mieux pour cela qu’une belle assiette des produits issus de la pêche. Et… non. Encore raté. Devant nos yeux horrifiés, on nous sert une collection de moules gigantesques accompagnée d’une viande trop dure et d’une pâte de pomme de terre à la texture étrange. Non contente de nous avoir privés de sommeil et d’activités stimulantes, cette satanée île va jusqu’à nous chier dans la bouche.
Chau Chiloé !
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#14 [Chili] Chaitén – Entre volcans et arbres millénaires
Il existe plusieurs catégories de personnes qui s’engagent pour protéger l’environnement. Tout d’abord les Jean-Michel recyclage, qui se contentent de jongler avec leurs poubelles colorées et grommèlent dans leurs barbes lorsqu’un automobiliste jette son mégot par la fenêtre. Il y a les Jean-Claude trajet de boulot à vélo, car la voiture pour faire trois kilomètres c’est vraiment malhonnête. On compte bien sûr les végan, ceux qui ne consomment que du local ou encore les militants WWF et Greenpeace. Mais il existe une catégorie qui les supplante tous : les Douglas Tompkins.
Non content d’avoir possédé les marques North Face et Esprit, ce milliardaire américain pose ses burnes et rachète dans les années 90’ un domaine chilien de 300 000 ha s’étendant du Pacifique jusqu’à la frontière argentine, et ce par simple souci écologique (ça en fait des pipis sous la douche). Ce qui devient deux décennies plus tard la plus grande réserve naturelle privée du monde ouverte au public. Un endroit absolument magnifique appelé Parque Pumalin (avec un accent aigu sur le « i » que mon clavier refuse de poser).
L’endroit est somptueux. La forêt évolue ici vers des standards plus humides encore ; la mousse grimpe partout, on franchit des feuilles de fougère de deux fois notre taille, les arbres grimpent jusqu’à des hauteurs indécentes au milieu d’un camaïeu de vert saisissant. On découvre ici des Alerce, arbres de plus de trois mille ans pour certains et qui doivent sûrement bien ricaner de la protection dont ils font l’objet ici. Sans oublier bien sûr, cascades de malades, montagnes inviolées, glaciers majestueux, etc. vous commencez à connaître le topo.
Petite nouveauté au menu cela dit : la présence de deux volcans ! Dont l’un, le Chaitén, a balayé le village du même nom (notre base pour ce séjour) il y a douze ans de cela. On le visite donc avec une excitation nouvelle, désireux à chaque foulée de découvrir sa caldeira et ses cheminées fumantes perchées au-dessus des nuages. Sur le chemin, les vestiges de troncs morts, de toute évidence antérieurs à la catastrophe, jonchent les flancs montagneux comme autant de pierres tombales, témoignages muets de la violence de l’éruption ayant ravagé la région. Ils trônent désormais çà et là, au milieu d’une nature luxuriante et grouillante de vie. Colibris, plantes aux allures préhistoriques et la myriade d’insectes qui va avec.
Les insectes… Nous n’avons pas tenu les comptes longtemps, mais au bas mot nous avons dû abattre une trentaine de taons chacun lors de cette ascension. Imaginez une seconde. Déjà vous vous farcissez une grimpe de 2 bornes avec 600 m de dénivelé (pour les moins à l’aise avec les maths, ça équivaut à grimper de trois mètres tous les dix mètres). Ajoutez à cela un soleil d’assassin, l’absence de vent, les feuilles du Jurassique qui vous fouettent la tronche, vous êtes normalement à température. Donc lorsque cerise sur le gâteau, ces saletés d’insectes du diable ne cessent de vous tourner autour, de mongoliser contre vos cheveux dans l’espoir de réussir à trouver un bout de peau dégagée pour pouvoir y prélever leur dîme de sang, vous avez la gifle facile. Dans des moments comme ça, on est plus tellement dans la protection des espèces. Peut-être qu’une petite éruption de temps en temps histoire de mettre un coup de propre, c’est pas si mal finalement...
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#13 [Chili] Entre Coyhaique et Puyuhuapi – La routine de la route
Après neuf jours à dormir sur un sol dur, inégal et souvent incliné, retrouver le confort d’un lit, d’oreillers qui sentent bon et de draps dans lesquels il s’avère possible de se mouvoir librement est une bénédiction. Le camping nous coûte en principe entre 4 000 et 5 000 pesos chacun, soit 5-6 € chacun. Cela comprend surtout les services type eau chaude (et encore…), toilettes, électricité, coin-cuisine (souvent juste de quoi chauffer) et parfois un WiFi qui traîne la patte. Mais de temps en temps, quand on a bien morflé comme c’est le cas pendant ces neuf jours, on s’offre une vraie chambre pour 5 000 supplémentaires.
L’étape s’effectue à Coyhaique, la plus grande ville de la Carretera Austral avec ces 30 000 habitants et sa position très centrale. Nous sommes reçus chez un couple de retraités avec leurs enfants en visite. Ils accueillent volontiers les campeurs dans le jardin et pour les plus soucieux du confort, deux chambres et une salle de bain sont disponibles à l’intérieur. A garder en tête qu’au Chili comme en Argentine, « camping » ça veut plus dire « squatter dans un jardin ou un terrain vague chez des gens » que le bel emplacement personnalisé et tout équipé à la Française. On est plus sur du festival que sur du Flot bleu.
En plus de faire le plein de liquide (indispensable sur les routes) et de denrées alimentaires, on profite des commerces pour étoffer un peu l’équipement du voyageur indépendant. Ainsi, un réchaud et des bâtons de marche viennent s’ajouter à notre panoplie. Désormais, on peut camper sauvage et dans le même temps manger chaud. Les bâtons de leur côté permettent de carburer durant les balades tout en préservant les genoux (ce qui a tendance à me faire souffrir à la longue). Si vous n’en avez jamais essayé, faites attention, il est difficile de s’en passer par la suite.
Notre routine s’améliore, mais reste la même : nous repérons un coin sympa par le guide ou les gens que l’on rencontre, nous y rendons, trouvons un spot pour poser la tente, rayonnons quelques jours autour, souvent à coup de rando de vingt bornes ou d’excursions organisées, avant de tracer notre chemin. Inutile de dire qu’évoluer ainsi ne trahit aucune authenticité, en attestent les nombreux couples ou groupes de voyageurs que l’on croise et recroise à de multiples reprises au grès des différents spots d’intérêts éparpillés le long de la Carretera. Certains sont simplement des visages qui nous marquent, d’autres deviennent des potes que l’on s’amuse de revoir.
Le mois de mars pointant le bout de son nez, et avec lui la fin des vacances d’été pour les Chiliens, ce phénomène tend tout de même à décroître. Ce qui signifie surtout moins de concurrence pour le stop ! le rendant à nouveau praticable. Terminées les sessions à neuf sur la même sortie de village à bouffer la poussière sous un soleil de plomb. Et bonjour les accès faciles aux entrées de parcs nationaux !
Pour en revenir aux merveilles constellant cette partie du pays, nous avons récemment profité du parc Queulat. Un endroit qui a sans doute servi d’inspiration majeure pour la trilogie Jurassic Park : vallée gigantesque dans laquelle court une forêt dense et verticale et qui s’étale sur des parois vertigineuses d’où cascadent çà et là les eaux de glaciers suspendus à des hauteurs inaccessibles. Après une marche au travers de cette jungle verdoyante animée du chant d’oiseaux jamais entendu auparavant, on découvre un panorama imprenable sur le glacier Ventisquero Colgante. Puis, comme si ce spectacle ne se suffisait point à lui-même, on assiste au détachement d’un fragment de glace. Les blocs qui à cette distance tombent comme au ralenti de la falaise, silencieux, avant de s’écraser irrémédiablement quelque centaines de mètres plus bas dans un fracas tonitruant qui résonne alors dans toute la vallée. Wow…
Il ne nous reste plus qu’à retourner à notre tente, la replier pour la énième fois et nous positionner sur la route dans l’attente qu’un Brésilien veuille bien nous embarquer. La routine s’avère certes présente, mais aucune journée ne ressemble un tant soit peu à la précédente.
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#12 [Chili] Puerto Rio Tranquilo – Veste égarée et cyclotouristes
Le séjour à Cochrane se passe bien. Il permet d’une part de visiter la superbe réserve Tamango avec ses Huemules et superbes points de vue sur le gigantesque lac General Carrera, et d’autre part d’augmenter notre confort de sommeil. Car oui ! Nous dégotons dans le camping de Javier des plaques de mousse isolante grossièrement découpées qui, une fois placées entre notre « matelas » et la dalle en granit qui dans ce pays sert de sol, apportent une amélioration significative.
Ainsi, mardi 25 février, nous décollons pour Puerto Rio Tranquilo plein d’énergie. En bus, une fois n’est pas coutume, car les spots de stop restent trop occupés. L’endroit où nous nous dirigeons est réputé pour ses Capillas de Marmol. Il s’agit de falaises de marbre, mangées par l’érosion qui forme des grottes, des arches et même un gros îlot en forme de champignon, le tout flottant sur des eaux turquoises avec montagnes verdoyantes en toile de fond. Conférer la photo (choix parmi une sélection d’environ 2 000 à la suite de notre balade en bateau jusqu’au site).
Bon, la raison pour laquelle nous sommes restés quatre jours dans ce bled grand comme La Bosse réside moins dans la majesté des Cathédrales de marbres que dans ma volonté de récupérer ma veste. Il fallait que ça arrive : en plus d’une casquette égarée Dieu sait où, voilà que j’oublie mon seul vêtement technique et le sac de bouffe dans les rangements du bus… Coup de chance, un numéro de téléphone est affiché sur le billet et donne l’opportunité d’arranger un rendez-vous le lendemain. Les bus effectuant quasi quotidiennement des aller-retour entre les différents villages, j’ai bon espoir de recroiser mon chauffeur. Ça, c’est sans compter sur la prévenance de la compagnie qui affecte un autre conducteur et un autre bus le jour J. Après négociations avec ce dernier, la veste et le sac ont bien été récupérés, mais partiront en fait le soir avec une autre agence. Le fameux bus arrivera d’ailleurs trois heures en retard à cause d’une panne, mais bien avec mon petit paquet : une veste bleue, des gamelles, et une courge (ayant passé trois jours à 30 degrés) dans un état de fermentation très avancé. Victoire de la bienveillance sur les aléas de circulation et la barrière de la langue !
Rester à Rio Tranquilo nous rapproche également des autres résidents du camping et notamment d’un groupe de cyclotouristes assez rigolo. Aussi en raison de nos soirées passées à descendre des packs de bières et à échanger des tips culinaires. L’un d’eux est un Belge vivant à Santiago depuis sept ans qui pêche son poisson dans la rivière tous les jours. Un autre a construit lui-même son vélo et descend depuis le nord du Canada avec. Il y a un couple flamand en itinéraire depuis bientôt huit mois et ayant enquillé quelque douze mille kilomètres à vélos ! On apprend vite que sur la Carretera, ces cyclistes sont légion. Pour eux, il ne s’agit pas de rallier des points d’intérêts et de rayonner ensuite autour, mais plutôt de s’y reposer avant de repartir profiter de ces paysages à couper le souffle. Leurs treks, leurs excursions, ils les effectuent sur le chemin, accompagnés du chant de la forêt et des nuages de poussière soulevés par les véhicules. Oups !
Il y a beaucoup à dire sur ces 1 200 km de piste. Tout comme il y a beaucoup de façon d’en arpenter les contours. Pourtant, que ce soit à vélo, au travers la fenêtre crasseuse d’un bus, à pied ou adossé à un jerricane d’essence à l’arrière d’un pick-up, on tombe tous d’accord sur sa beauté et le désir d’un profiter.
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#11 [Chili] Caleta Tortel – Perdus sur les passerelles
Le séjour à Cochrane se révèle des plus expéditif. La météo dans la ville suivante jalousant celle de la Bretagne en plein mois de novembre, on choisit de s’y rendre au plus vite afin de profiter du soleil qui couve la région pour tout le weekend.
Résultat, lorsque l’on interroge la nana de l’agence de bus, elle nous informe que le prochain (et seul de la journée) part dans quinze minutes. Il est 9 h 45, nous ne sommes ni lavés ni sustentés et nos affaires gisent dans le plus grand débarras de notre tente. « Euh… retenez-le, nous sommes là dans quinze minutes ». Départ de la course vers le camping, repliage de tente à l’arrache, règlement de la nuit le plus informel qui soit, pour en définitive se faire accueillir au terminal par un « Lo siento, chicos. El bus se fue ». Ce qui, un coup de téléphone plus loin, se transforme en un « pressez-vous d’aller près de la pharmacie là-bas, le bus vous y attend ». Dernier sprint, on grimpe dans le bus et on souffle enfin.
Concernant le trajet, même topo que la veille : des paysages tous plus violents les uns que les autres pour la rétine, de la poussière et des secousses. Et quelque 125 km plus loin, nous rallions Caleta Tortel, le village bâti sur pilotis. Huit kilomètres de passerelles (selon le Routard), qui relient d’un complexe réseau toutes les maisonnettes qui habillent cette jolie baie de 500 habitants. Il faut imaginer un mini Ha Long, quelque chose étrangement beaucoup plus tropicale que le reste de la Carretera, avec des flancs couverts d’une végétation dense et humide. Les nombreux pontons qui serpentent ici finissent tous au niveau de l’eau, là où bateaux de pêcheur et boutiques artisanales s’agglutinent et offrent une atmosphère très atypique.
Question dépaysement, on est également servi par le « camping », qui n’est ni plus ni moins qu’une plateforme en bois d’environ deux mètres carrés sur laquelle installer notre tente. L’eau potable arbore la même teinte que l’urine et n’est pas beaucoup plus chaude. Quant à nos voisins, ils sont aussi discrets que la myriade de grenouilles qui chante sous notre tête. Inutile de préciser que nous nous sommes satisfaits d’une seule nuit. Un trek sur les sommets et une promenade en bateau plus loin, nous reprenons le bus pour Cochrane, afin cette fois-ci de profiter des parcs et d’amorcer la grande remontée vers le nord, pour découvrir l’origine de la Carretera.
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#10 [Chili] Chile Chico – En quête de la Carretera Austral
Surabondance de touristes, crampes dans le dos et linges loin de leur première fraîcheur, nous choisissons d’opérer une halte afin de reprendre notre souffle. Sur l’itinéraire se trouve Los Antiguos, petite ville aux portes du Chili ne présentant pas grand intérêt, sinon celui d’offrir une accalmie parfaite avant d’attaquer notre exploration de la mythique Carretera Austral.
Après deux jours de cuisine maison et de grasse matinée dans le confort d’un vrai lit, on rééquipe donc les sacs à dos, direction la frontière. Nous la franchissons ce coup-ci à pied, avalant les quinze kilomètres qui nous séparent de Chile Chico en moins de trois heures. Cette ville est le pendant de Los Antiguos côté Chilien. Trois mille habitants, quelques commerces, avec en prime une vue imprenable sur l’immense Lago General Carrera, et surtout : un accès direct à cette fameuse Carretera Austral.
Qu’est-ce que c’est tu que la Carretera Austral, du coup ? Pour certains, c’est la plus belle route du monde, pour d’autres, simplement le chemin du boulot. En vérité, il s’agit d’une route chilienne de 1200 km s’étendant de Puerto Montt au nord jusqu’à la villa O’Higgins au sud. Enfin quand on dit route, il faut comprendre piste de caillasse option nuage de poussière traversant bois, rivières tumultueuses, longeant de hautes falaises, épousant des fjords, reliant des vallées, sautant des gorges. Bref, un vrai décor de carte postale sur la taille de la France avec un bled de 500 habitants tous les 70 km. Ici les pick-up et 4x4 sont les rois et lorsque l’on prend place dans les minibus qui sillonnent le tronçon, on oublie la lecture et s’accroche à ce qu’on peut.
Toutefois, il ne s’avère pas évident de la rejoindre. À Chile Chico, le stop dont on nous avait tant vanté l’efficacité ne paye pas. Malgré la qualité du spot, trop peu de véhicules empruntent la route dans ce sens et nous laissent brecouille après quand même deux heures à lever le pouce. On se rabat donc sur le camping de Pablo, jeune Chilien fort sympathique qui loue des vélos et effectue un tri sélectif digne de Greenpeace. On rencontre aussi Olivier, un jeune retraité de la Drôme friand de connaître la qualité d’équipements des visiteurs afin de constituer le plus optimal et écumant le coin depuis déjà deux mois. Fort de son expérience, on apprend que les autostoppeurs s’agglutinent parfois jusqu’à douze sur le même spot. Inutile de dire que les Chiliens en vacances affectionnent pas mal ce mode de transport et que la Carretera Austral connaît un sacré succès.
Nous optons le lendemain pour l’unique bus de la journée, filant droit vers Cochrane, notre première étape officielle sur la fameuse route. Nous étions supposés la remonter du sud vers le nord, mais ayant entendu d’excellents échos d’un petit bled à 130 km plus au sud, on s’organise pour effectuer le crochet. Et alors que l’on arpente ce sentier mythique, le soleil déclinant sur des paysages tous plus fous les uns que les autres, on en prend plein la tronche.
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#9 [Argentine] El Chaltén – Randos et vent à gogo
Dans les jours qui suivent, nous restons dans le parc de Los Glaciares, mais explorons cette fois-ci sa partie nord dont le centre des joyeuseries se nomme El Chaltén. Un petit village à 214 bornes au nord qui concentre un nombre important d’hostels, auberges, restaurants, commerces pour activités d’extérieur et donne l’impression de n’exister qu’en tant que base de départ pour les innombrables treks de la région. Car comme on s’en aperçoit en descendant du bus, le bled est entouré de nature sauvage, elle-même enclavée dans les montagnes.
Un tel CV attire forcément les convoitises de tous les randonneurs du pays, et les prix s’en ressentent. Aussi, peu désireux de payer deux voire trois fois plus cher qu’à l’habitude, nous nous rabattons sur le camping. Par chance, on a dégoté une tente et deux tapis de sol la veille de notre arrivée. On s’installe donc dans un camping très bon marché, tout contents de notre affaire. Mais ça, c’est sans compter sur le vent d’assassin qui balaye le lieu. Une moyenne de 60 km du soir au matin avec des rafales de l’enfer qui nous plient l’armature sur le visage. Et encore, nous sommes chanceux si l’on en croit la toile volante sur le squelette de tente totalement désossée pas très loin de la nôtre. Un plaisir qui se couple avec la dureté d’un sol damé par le passage de tous les campeurs et loin d’un quelconque confort. Les deux premières nuits se révèlent pauvres en sommeil, mais au moins grâce à nos duvets, on ne se caille pas les meules.
Afin de pallier le problème du vent, on décide de déplacer la tente entre deux buissons. Ces satanées rafales provenant toujours du même endroit, on protège le flanc sensible. Quant au sol, c’est dans les poubelles que l’on trouve notre salut. Une flopée de carton que l’on récupère en ville en vue de les disposer avec stratégie sous notre tapis de sol. Et ma foi… qu’il s’agisse de ça ou de notre corps qui s’habitent à la rudesse du coin, les nuits suivantes nous apportent un repos de bien meilleure qualité.
En dépit de ces aléas climatiques, on ne manque guère de profiter des merveilles du coin. Les chemins qui partent de la ville s’avèrent tous plus beaux les uns que les autres. Cascade, forêts, steppes, versants rocheux, lac de fonte, le paysage change tout le temps. Il est d’ailleurs possible de camper un peu partout, mais nous préférons laisser la tente et nos affaires en bas, et enchainer les grosses balades quotidiennes ; entre 10 et 30 km suivant notre force. La plus belle rando reste sans doute celle menant jusqu’à la Laguna de los Très, là d’où s’observe le mieux le Fitz Roy. Lorsqu’après trois heures de marche, on amorce la montée finale, le vent nous harcèle, crachant grêle et rafales comme pour nous déloger du sentier. Tous ces efforts pour au final ne rien voir en haut, car les nuages cernent les sommets… Frigorifiés et déçus, nous décidons de redescendre. Et là, une fois réchauffés et rassasiés quelque quatre cents mètres de dénivelé plus bas, on voit le ciel se dégager… Partagés entre aigreur et résignation, on hésite un moment. Puis, on se dit que plier face aux caprices de cette montagne serait quand même moche. Nous montons à nouveau. Bien que soufflant comme des buffles dans cette saleté de montée, les genoux en feux, on oublie toute douleur une fois au sommet. La récompense que nous offre la vue de ces pics majestueux est formidable.
Ces treks sont aussi l’occasion de rencontrer la faune locale, beaucoup moins farouche qu’ailleurs. Ainsi, alors qu’aucun effort n’est fourni pour se montrer discret, on tombe sur des cerfs, des renards, on rencontre de beaux oiseaux. Malgré le nombre important de marcheurs croisés, on se sent en contact intime avec dame nature, et ça, ça fait foutrement du bien.
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#8 [Argentine] El Calafate – Je vous rajoute des glaçons ?
Le relief du territoire des Magallanes étant ce qu’il est, il nous faut retraverser la frontière pour continuer notre progression vers le nord. Et ça tombe bien, car du côté argentin se trouve un bled qui va mériter notre attention : El Calafate.
Comme précédemment, la ville ne présente qu’un intérêt limité. Mise à part la Reserva Laguna Nimez qui abrite une multitude d’oiseaux tels que des flamants roses, cygnes à cou noir, des oies, canards, faucons chimango, ibis et autres moineaux à houppettes, El Calafate sert surtout de point de départ pour rejoindre le glacier Perito Moreno. Situé dans le parc national Los Glaciares, à presque 80 bornes de là, il fait partie des 48 glaciers alimentés par l’énorme champ de glace Sud de Patagonie, en plein dans la Cordillère. En plus d’être l’un des plus grands d’Amérique du Sud avec son 5 000 mètres de front glaciaire et ses 60 mètres de hauteur, le Perito Moreno est réputé pour les énormes blocs qu’il lâche périodiquement dans l’eau. Pourtant, en dépit des centaines de tonnes d’eau qui tombe à rythme régulier dans le lac Argentino, le glacier est apparemment stable. D’après la nana qui nous accompagne durant notre vadrouille, il conserve une superficie constante et se « recharge » aussi vite qu’il se délite.
Bon, au-delà du côté Wikipédia de ces infos, c’est surtout un énorme bestiau dont il est ardu d’appréhender l’immensité, même en le voyant de ses propres yeux. On nous dit que son front monte jusqu’à 70-80 m au point le plus haut, mais ça ne parle pas vraiment. Ce qui touche en revanche, c’est le bruit que font les morceaux détachés lorsqu’ils frappent la surface de l’eau. Déjà il y a un constant décalage entre l’image et le son, histoire de garder en mémoire qu’on n’est pas tout proche. Lorsqu’un morceau d’apparence insignifiante tombe, on entend presque un coup de tonnerre résonner dans la vallée. Quand c’est une paroi entière qui se décroche, l’eau jaillit à plus de cent mètres de haut, le vacarme est retentissant, et les vagues provoquées balayaient toute la surface du lac. Un spectacle captivant et effrayant. Surtout que ça survient toujours sans prévenir, généralement pile quand on décide de changer de spot…
Vu sa renommée et les échos qui l’entourent, je pensais encore me retrouver dans une vitrine touristique. Ce qui reste en partie vrai. Toutefois, la force et l’aura d’inévitabilité qui émane de ce glacier marqueront notre mémoire et inscriront le Perino Moreno au panthéon de nos meilleurs souvenirs de Patagonie.
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#7 [Chili] Puerto Natales – L’incontournable Torres del Paine
Le trajet n’a beau durer que trois heures, dont nous passerons la large majorité à dormir, il offre tout de même une somptueuse vue sur la Patagonie Chilienne. Des montagnes à gauche, d’autres à droite qui nous séparent de l’Argentine, et au milieu une immense plaine tellement battue par les vents qu’on en devine le sens du souffle rien qu’à la silhouette des arbres.
Puerto Natales est comme son nom l’indique un port, assez petit et occupé par moins de vingt mille habitants. Sa côte propose une jolie vue, mais rien de bien transcendant. Pourtant lorsque l’on s’égare dans les rues, on découvre une flopée d’auberges, restaurants, hostels et agences destinées à du gros tourisme de masse. La présence de ces édifices et des voyageurs du monde entier qui les occupent, c’est le parc national Torres del Paine quelque 110 km au nord.
Dans ce parc d’environ 2 500 km² peuplé d’oiseaux stylés et de pumas, il est possible d’effectuer un tas de circuits bien cools tout autour du massif, et de camper à des endroits stratégiques surveillés par los Guardaparques. On y admire une faune sauvage évoluant au pied des trois impressionnants pics granitiques ayant donné leur nom au parc. Tout semble au vert pour une escapade de plusieurs jours dans ce bazar, nous direz-vous ? Hélas, c’est sans compter sur la politique restrictive du parc et le nombre toujours plus affolant de gens qui s’y précipitent. En conséquence, il faut réserver son couchage trois mois à l’avance pour espérer avoir un spot, pareil pour le camping. Vous imaginez bien que pour des gens organisés comme nous, on a de suite pris un refoule. Par-dessus cela s’ajoute le prix exorbitant de l’entrée : 25 000 pesos chiliens, soit 30 euros ! que vous y restiez un jour ou trois. À partir de là, mes désirs d’aller mettre les pieds là-dedans ont nettement diminué, surtout que les belles balades dans la montagne, c’est vraiment pas ce qu’il manque par ici. Mais Marie-Lou ayant une réelle envie d’observer les Torres de près, on se décide quand même à y aller.
Par chance, les bus proposant des trajets aller-retour journaliers entre l’entrée du parc et Puerto Natales sont légion. À l’image des touristes… Littéralement des cohortes de randonneurs, de l’alpiniste chevronné full stuff technique qui cavale, au groupe de quinze zouaves engoncés comme des marcheurs du dimanche et qui s’arrêtent toutes les trois minutes pour une photo. Il y a de tout. On les dépasse par dizaine, on en croise sans doute davantage durant cette montée de trois heures à bon rythme. Finalement, une fois atteint le lac qui constitue le sommet du sentier, la récompense est belle. Et la petite sieste sous l’œil millénaire de ces trois majestueuses colonnes de granit, caressé par le soleil du midi, s’avère plus délicieuse encore.
Une chouette escapade, si l’on omet le nombre de visiteurs qui en viennent presque à se bousculer dans certains goulots et le prix totalement injustifié de ce parc. Toutefois, nous sommes bien loin d’éprouver des regrets. Rien que pour le sublime couché de soleil qui baigne la vallée à notre retour et colore les montagnes d’or et de beige, ça valait le coup.
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#6 [Chili] Punta Arenas – L’hospitalité Chilienne
À bien des égards nous nous souviendrons de ce séjour à Punta Arenas. Ce ne sera ni pour les magnifiques excursions que propose le sud de la région ni pour la colonie de manchots royaux plus loin dans le nord, ni même pour le charme urbain de cette cité en bord du passage de Magellan, mais bien pour la générosité de nos hôtes.
Ce qui nous amène à la Golondrina, le nom donné à la maison d’amour qui nous accueille et qui signifie hirondelle en français. Elle se situe à cinq kilomètres du centre, perchée sur un plateau surplombant la ville qui offre au quotidien une vue spectaculaire sur l’eau, les montagnes et maisons alentours. Il y règne une atmosphère paisible et chaleureuse, le genre d’endroit si propice à la vie en communauté que les voisins et amis débarquent en permanence pour chiller avec leurs hôtes, écouter de la musique, discuter et même dormir là.
Ils s’appellent Carlos et Fabiola, un couple de Chiliens adorables avec la main sur le cœur et un sens de l’hospitalité au-delà de tout standard. Ils viennent nous chercher là où le bus nous dépose, nous reçoivent chez eux avec « la cena de bienvenida », avant de nous présenter à leurs amis. Et à partir de là, on est intégré au bazar. Tout s’enchaine sans qu’on s’en rende compte.
Le lendemain, après une journée de vadrouille à essayer d’échafauder des plans pour se rendre à 50 km au sud le jour suivant et visiter des trucs, alors que l’on revient lessivés après vingt-quatre bornes de marche, nos hôtes sont à l’apéro. On s’imagine naïvement qu’on va pouvoir discuter quelques minutes avec eux, faire une lessive et aller se coucher ; après tout il est 23h et c’est jeudi. Erreur d’appréciation majeure… Ça commence par un innocent verre de cidre, puis un deuxième. Ensuite on enchaine sur un Chivas douze ans d’âge, du Pisco importé du Pérou, et là les illusions de repos s’envolent. On va même jusqu’à sortir l’élixir de Chartreuse. A cinq heures du matin, on est encore dans le salon à ricaner comme des ânes. Pas de location de voiture ni de trajet en stop pour le jour qui suit, tous nos plans tombent à l’eau et on s’accroche à nos gourdes. Le soir suivant, l’ambiance monte encore d’un cran. Une douzaine de personnes à la Golondrina, gros feu de camp sous les étoiles de l’hémisphère sud, descente de bouteilles, karaoké et gros dancefloor jusqu’au lever du soleil.
Ce qui s’annonçait comme un airbnb bon marché et un peu éloigné de la ville se révèle une expérience de voyage assez incroyable avec en prime des tas de choses apprises sur la culture chilienne et le quotidien de ses habitants (du moins ceux de la région de Magallanes). On n’aura absolument rien visité du coin, rien coché de nos objectifs, mais sans pour autant ressentir un soupçon de regret. Lorsque Paulino, le seul ami en état de conduire, nous dépose gracieusement à la gare routière, on a certes la gueule de bois et un projet d’écraser sévèrement pendant le trajet, mais on se sent surtout serein, heureux de ce séjour qui nous a fait nous sentir chez nous.
Fabiola et Carlos, merci. On ne vous oubliera pas.
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#5 [Argentine] Ushuaïa – Bout du monde et Terre de Feu
Après une courte halte d’une journée à Rio Gallergos histoire de recharger les batteries et de partager des empanadas avec Patsy qui se trouvait là-bas chez sa mère, nous revoilà dans un bus dès l’aube.
Rallier la frontière avec le Chili ne demande que quelques heures. Ushuaïa se situe certes en Argentine, mais pour y accéder, pas d’autres choix que d’effectuer un crochet chez les voisins. Que dire de cette logistique… Cinq arrêts en tout, trois tampons de plus dans le passeport et une traversée en ferry du passage de Magellan. Un trajet long mais qui offre une vue spectaculaire. À mesure que le bout du monde se rapproche, les interminables plaines arides se gonflent peu à peu en collines, qui se muent à leur tour en montagne déchirant l’horizon de leurs crêtes nuageuses et de leurs pentes escarpées. Puis d’un coup, tandis que l’on louvoie dans ce paysage immaculé, apparaissent le canal de Beagle et la ville d’Ushuaïa.
C’est effectivement une ville et non une bourgade ou un petit bled mignon qui nous attend ici. Le canal de Beagle n’en a en revanche que le nom et ressemble davantage à une immense baie cernée de montagne aux sommets enneigés, dans laquelle croisent d’infâmes bateaux de croisière, qu’à autre chose. Après, tant par ses petites maisons perchées à flanc de montagne que par le streetart de qualité qui décore les rues, l’endroit détient un charme certain.
Question activité, entre le parque nacional Tierra del Fuego, les glaciers surplombant la ville, les nombreux spots alentours, et les excursions en bateau pour aller checker des manchots ou naviguer dans les fjords, impossible de s’ennuyer. En ce qui nous concerne, ce sera une balade jusqu’à la Laguna Esmeralda le premier jour afin de se chauffer. Mais voyant la ganache du trajet de bus et les tarifs que proposent ces derniers, on revoit notre stratégie le lendemain. Ainsi, on se retrouve un matin sous une pluie de cochon, à lever le pouce sur une route pas franchement fréquentée dans l’espoir de nous enfoncer loin dans le parc de la Terre de Feu. Une technique qui paie puisque deux voitures plus loin, nous sommes à l’endroit souhaité. Et le soleil perce enfin les nuages !
Pour le reste de la journée, on en prend plein la tronche. La météo peu clémente ayant effarouché les moins téméraires des marcheurs, on se retrouve à arpenter les lieux dans une tranquillité relative. Subtil mélange de sommets disparaissant dans la brume, de forêts enchantées et de plage s’ouvrant sur le somptueux canal de Beagle, le paysage nous fracture la rétine à chaque tournant. Il donne envie de s’asseoir là, de chiller avec les oiseaux du coin et de rester à le contempler pendant des jours. Lorsque l’on se fait reprendre en stop le soir, on sent à peine les 27 km qu’on a dans les mollets.
Trois jours de visite et trois ambiances, alternant entre marécage ensoleillé, sentier forestier et glacier battu par le vent et la pluie. Trois grosses balades qui nous suffiront pour mettre Ushuaïa derrière nous. Prochain objectif : amorcer la remontée en passant cette fois par le Chili et les sœurs patagoniennes que sont Punta Arenas et Puerto Natales.
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#4 [Argentine] Puerto Madryn et l’entrée en Patagonie
Au milieu de la colossale côte Atlantique qui flanque le pays, après quelque 1300 km de route plate au sud de Buenos Aires, nous nous éveillons dans la charmante bourgade de Puerto Madryn. Une première halte dans notre descente vers Ushuaïa et surtout la porte d’entrée sur le merveilleux territoire de Patagonie.
En plus d’un port commercial et d’une cité balnéaire, l’endroit reste surtout connu pour l’accessibilité qu’il offre à la Peninsula Valdés au nord et au parc de Punta Tombo à 160 km au sud. Deux spots d’excellence pour qui désire observer la vie sauvage dans un habitat naturel préservé. On y rencontre des milliers de manchots pas farouches pour un sou, une multitude de lions de mer/éléphants de mer affalés sur les plages et beaucoup de guanacos (les lamas locaux friands du frisson que procure une traversée impromptue de route où circulent des bolides lancés à 140 km/h). Petite ombre au tableau : aucun cétacé à l’horizon. Pour les baleines, on a fait le deuil assez vite vu que c’est plus la saison. Les orques, en revanche, y’a encore dix jours ils se précipitaient sur les plages pour désosser du bébé lion de mer en bonne et due forme, et aujourd’hui nada, pas un aileron noir en vue dans l’immensité bleue. Pas grave, on se rattrape sur les oiseaux.
Vu qu’ici les distances sont ridiculement énormes dès qu’il s’agit de visiter quoi que ce soit, nous décidons de faciliter nos déplacements en louant une voiture. Et afin de partager les frais, on s’associe à un autre duo en itinérance : Corentin et Max, deux mecs de Lille pour leur part sur le retour après deux mois de vadrouille, et de surcroit fort sympathiques. On profite de leur expérience sur le terrain pour recueillir des infos utiles. En échange, on leur apporte un regain de cette motivation inhérente au début de voyage et qui se perd inexorablement au fil des mois. En clair on visite la région durant la journée et on descend des bières le soir.
Pour l’instant, on ne surveille pas trop nos dépenses, on fait juste attention de toujours avoir du cash. Contrairement à ce que l’on s’imaginait, utiliser les cartes de crédit se révèle compliqué, voire impossible. Souvent les établissements ne l’acceptent pas, il y a des majorations sorties du chapeau et le taux de change reste assez faible (environ 66 $ARS pour 1 €). Pour les retraits aux guichets c’est la même, les banques en profitent en affichant des commissions de l’espace. La solution trouvée pour la plupart des voyageurs, c’est le Western Union. En plus de nous fournir rapidement du cash, le taux de change est imbattable : environ 91 $ARS pour 1 €, soit presque la moitié plus pour la même somme ! Il faut savoir que l’Argentine subit en ce moment une inflation de malade, la valeur de leur monnaie dégringole de jour en jour. Bien qu’on ne comprenne pas dans le détail comment ni pourquoi, on sent qu’il y a des marchés plus intéressants que d’autres.
En attendant, de nouveau assis dans un bus pour les vingt prochaines heures, on ne pense plus économie, mais logistique vestimentaire. Dans 1200 km encore plus au sud, on se protégera toujours contre le climat, mais ce ne sera plus pour les mêmes raisons.
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#3 [Argentine] Buenos Aires — Une arrivée un peu trop facile
Cela fait bientôt huit heures que l’on contemple l’exact même paysage séparant Buenos Aires de Puerto Madryn, soit d’innombrables champs et pâturages s’étendant à perte de vue sur un territoire dépourvu de relief. Et compte tenu de la douzaine d’heures qu’il reste au bus pour parcourir ce désert, autant prendre le temps d’envoyer des nouvelles.
L’arrivée à Buenos Aires ne pouvait mieux se passer. Pas de taxi pour nous escroquer une course depuis l’aéroport ni même un hôtel bien trop cher pour exploiter notre absence de mesure des valeurs du pays. Non. Nous sommes accueillis par Patsy, une amie argentine des parents de Marie-Lou beaucoup trop sympa et soucieuse de nous apporter le nécessaire. Non contente de nous filer les clefs d’un appartement dans la banlieue de Flores, elle nous offre à manger, sa carte des transports en commun de la ville et nous échange nos euros à des taux plus que décents. Nous sommes même invités à diner chez elle et son compagnon Guillermo le soir même. Avec eux, impossible de dépenser quoi que ce soit, qu’il s’agisse d’un restaurant où autre, il nous est interdit d’effleurer les biftons ; nous devons « garder notre argent pour le trip ». C’est également un florilège de bons plans, conseils, avertissements et autres tips concernant la ville et le pays en général. Pour vous la faire courte, c’est exactement comme partir à l’autre bout du monde, et découvrir qu’on avait des parents ici depuis le début, qui n’attendaient que notre arrivée pour se réjouir de s’occuper de nous. Des anges que l’on ne remerciera jamais assez.
Acclimatation et désir d’arpenter la capitale argentine, nous passons quatre jours à Buenos Aires. Et beaucoup trop content de sentir enfin le climat estival baigner les rues, on en oublie un élément essentiel. Ici en Argentine, la couche d’ozone s’avère bien plus fine qu’en Europe. Et ça, nos petites ganaches de blancos se pavanant en short T-shirt sans lunettes ni crème solaire, elles ne vont pas l’oublier de sitôt. Après la première journée de vadrouille, la viande est cuite al punto. Et le homard qui m’accompagne désormais n’a pas besoin d’insister beaucoup pour que j’accepte de me badigeonner les jours suivants.
Durant les premières sorties, je reste tendu. Ayant commis l’erreur de m’égarer sur le forum routard « la sécurité en Argentine », je me figure rapidement qu’un type avec un couteau m’attend à tous les coins de rue. Mis bout à bout ces tristes histoires d’agression, de vol, les mises en garde de Patsy, la présence des barreaux aux fenêtres des logements, les gens qui portent leurs sacs sur le devant dans la rue, on commence à imaginer le pire. Pourtant, une fois dehors, plus aucune crainte ne subsiste. Voire même bien moins que dans les coins de Paris qui constituaient jusqu’à il n’y a pas si longtemps notre foyer.
Faut dire que question dépaysement, Buenos Aires n’est pas vraiment une concurrente : les gens restent branchés à Whatapps dans le métro, on boit des IPA artisanales en terrasse tout en écoutant du Rihanna et les ardoises des restos affichent burger et salade de quinoa. C’est simplement démesurément plus grand, habité par un quart de la population nationale (soit dix millions si on compte l’« agglo ») et il y fait plus chaud. On a toujours du mal à imaginer que la semaine dernière c’était écharpe et mercure à 5 degrés alors que maintenant on sue du visage sous un soleil d’assassin.
C’est donc sans trop de tracas et bien préparés que nous nous dirigeons à présent vers le sud. Objectif, la Península Valdés, là où s’admirent colonies de manchots, lions de mer, éléphants de mer, plus rarement orques et autres bestioles qu’il faut se presser d’observer avant qu’il ne soit trop tard. Bref, un stop essentiel avant notre arrivée à Ushuaïa.
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#2 Une petite idée d’itinéraire
Parce qu’il faut bien avoir une destination, nous avons choisi l’Amérique du Sud. Marie-Lou désirait ardemment y retourner et j’ai pour ma part quelques lacunes en espagnol, vestiges d’un vieux contentieux avec une ancienne prof de lycée, dont j’aimerai me défaire. Ça et le fantasme de sentir l’atmosphère estivale nous baigner en plein mois de janvier. À l’image de The endless summer, mais sans les planches, car on est des chèvres en surf.
Voilà comment un beau jour nous nous sommes retrouvés à réserver deux billets aller simple pour Buenos Aires. Pourquoi pas plus au sud, nous demanderez-vous ? Eh bien, car atterrir directement à Ushuaïa coûte aussi cher qu’une greffe de poumons et qu’on aura sûrement besoin des nôtres pour enquiller tous les treks qui nous attendent. Le compromis fut donc trouvé avec la capitale argentine. À nous d’effectuer le trajet complémentaire pour rallier la pointe du continent et notre deuxième étape dans ce voyage.
Le reste n’est pas défini, au grand dam de ces proches qui ne cessent de nous interroger sur notre parcours. Dans le détail nous l’ignorons, et c’est bien ce qui rend le voyage intéressant en laissant de la place à tous les imprévus, bons comme mauvais.
Notre plan de route se résume donc pour l’instant à deux choses : atterrir à Buenos Aires, puis rallier la deuxième étape, Ushuaïa (où un autre machin situé vraiment loin en bas), puis transiter ensuite en direction du nord, au grès des pays et des opportunités, en vue de reprendre un jour un vol retour depuis le Mexique.
Entre les deux, Inch’Allah !
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