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Témoignage
Les effets secondaires des neuroleptiques sont nombreux et bien connus. Les neuroleptiques réduisent nettement l’espérance de vie de ses utilisateurs. Et le pire est que ces substances chimiques influent directement sur le cerveau et coupent la transmission de dopamine qui est l’hormone de la joie et du bonheur. Croyez-en mon expérience d’un an et demi sous piqûre à 400 mg d’Abilify par mois, ce surdosage m’a causé des envies suicidaires multiples. Demandez à ma sœur aînée, comment c’est d’échanger sur fond morbide, obligée de supporter d’entendre de ma bouche que je ne voulais plus vivre dans ces conditions et que rien ne me retenait vraiment en vie.
https://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/150520/la-cruaute-en-psychiatrie-parlons-en-temoignage
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Juliette : « J’étais loin d’imaginer la sombre réalité »
Témoignages
Avant, j’étais comme vous. Je considérais la psychiatrie comme étant une discipline médicale digne de confiance et les hôpitaux psychiatriques comme des institutions, censées traiter et guérir des personnes malades ou fragilisées psychologiquement.Je croyais que les psychiatres travaillaient de pair avec les thérapeutes, qu’ils écoutaient et tentaient de faire parler leurs patients, de leur redonner confiance en les suivant de près et en les revalorisant afin qu’ils se réintègrent dans la société et reprennent peu à peu goût à la vie.Je pensais que les médicaments qu’ils prescrivaient aidaient les malades à se relever, à sortir la tête de l’eau dans des périodes de troubles.J’avais confiance et n’aurais pas hésité à conseiller à un proche de consulter un psychiatre, de suivre un traitement ou même, en cas extrême de danger imminent, de le faire interner sans son consentement.Mais avant, je ne savais pas. J’étais loin d’imaginer la sombre réalité.C’est pourquoi, il est de mon devoir aujourd’hui de témoigner, de vous informer et de vous conseiller. Car personne n’est à l’abri d’un internement, le sien ou celui d’un proche. Je ne peux pas rester dans le silence, cela signifierait valider les pratiques psychiatriques et être complice, malgré moi, de leurs abus et mauvais traitements. Je m’y refuse formellement.Si mon internement en HP a été un échec criant qui m’a laissé plus de séquelles qu’autre chose, je cherche cependant à tirer parti des expériences de la vie. Peut-être, tout du moins j’espère, que cette période extrêmement sombre servira à certains à remettre en cause ce système et permettra de relancer le débat sur la façon dont la « folie » est traitée par notre société. Et là, je pourrai enfin me dire, que finalement, mon internement aura eu du bon.Enfin, je ne peux oublier mes amis patients, qui, privés de liberté depuis des mois, des années, traînent leurs désespoirs dans les couloirs lugubres de ces hôpitaux prisons, privés de vie et de liberté pour être ou avoir été déprimés ou en décalage avec la société. La plupart ont été terriblement blessés par la vie, ont une sensibilité magnifique, un courage incroyable, un talent artistique fou. Ils ont été brisés par ce système, après avoir été blessés par la vie. C’est aussi et surtout pour eux que je témoigne.Loin de moi l’idée de juger toutes les personnes qui travaillent au sein de ces hôpitaux psychiatriques. Car j’ai côtoyé des infirmiers, aides-soignants et même un (seul) psychiatre avec des qualités humaines remarquables et qui parviennent à faire un excellent travail malgré la dureté de leur quotidien. Je pense souvent à eux avec une infinie tendresse. Ces quelques personnes m’ont sauvée du désespoir en me prouvant avec leur intelligence, leurs sourires et leur gentillesse, que l’on pouvait rester humain, respectueux et bon, en contre-courant d’un système qui utilise et prône la violence, la menace et la dévalorisation.Ces derniers sont malheureusement minoritaires, et les autres, le gros de la masse, s’accrochent, comme beaucoup de personnes bêtes et méchantes, à leurs maigres pouvoirs et en jouissent impunément. Ils prennent un malin plaisir, clairement perceptible, à nous voir dévier du règlement pour mieux nous punir. Pour eux, le cas par cas n’existe pas. Seules règnent les règles, l’autorité et la discipline. Ces gens-là sont ce que j’appellerais des tortionnaires ou au mieux des idiots sans cœur… Ils ne nous écoutent pas, nous maltraitent et nous infantilisent. Ils font beaucoup de mal. Une histoire de responsabilité juridique… où le patient reste le grand oubliéL’année 2011 ne m’avait pas épargnée… Suite au suicide aussi inattendu que tragique d’un ami qui m’était très proche, j’ai été plongée dans une période assez sombre. Mes parents, avec qui j’entretenais depuis des années des relations distantes, ne savaient pas comment me venir en aide. J’ai fait une bêtise, une erreur que je regrette terriblement, je leur ai envoyé des messages par texto de menace suicidaire, pour les faireréagir. Il s’agissait pour moi d’une simple provocation, pour leur
signaler que j’avais besoin de leur aide et de leur présence. Comportement puéril et irréfléchi, qu’ils ont pris à la lettre au lieu de le comprendre comme un chantage affectif, ou une façon de dire « j’ai besoin de vous » dans une famille ou la communication est défectueuse…Ils ont donc appelé SOS psychiatrie. J’étais alors avec mon petit ami, nous avions passé un agréable déjeuner en terrasse et prévoyions de regarder un DVD chez moi pour terminer la journée. J’étais bien ce jour-là. De retour à mon domicile, mes parents, un psychiatre et 4 pompiers m’attendaient. Face à l’intrusion de tout ce beau monde dans mon petit 25 m2, j’ai fait une seconde erreur. Je me suis énervée. Ni une ni deux, au bout de 3mn d’entretien avec le pseudo psychiatre, me voilà emmenée de force à l’hôpital Saint-Antoine.Je réalise alors que la situation est dangereuse et que je risque un internement. Je rencontre la psychiatre de garde à qui je me confie, calmement. Je lui explique le contexte, la rassure et lui rappelle que jamais je n’ai fait de tentative de suicide, qu’il ne s’agissait que de menaces et que je ne refusais pas l’aide dont j’avais besoin. Au contraire : j’avais rendez-vous avec ma psychologue le lendemain, une neurologue le surlendemain. Je souhaitais seulement rentrer chez moi, en m’excusant pour les menaces envoyées à mes parents. Il ne s’agissait que d’un malentendu. Jamais je n’avais mis ma vie en danger. Elle me croit. Mais la machine est lancée. Elle me propose de convaincre ma mère de ne pas signer la HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers). Or, cette dernière, d’un naturel extrêmement angoissé, maintient sa demande. La psychiatre revient vers moi en s’excusant : « je suis désolée mais je vais devoir vous hospitaliser à Charenton, hôpital Esquirol 2/3 jours. Votre mère ne souhaite pas revenir sur sa demande d’internement, et moi je n’ai maintenant plus le choix, car si je ne le fais pas c’est ma responsabilité qui est en jeu ».Une fois arrivée à Esquirol, on me ressortira le même discours inaudible, de la part d’une infirmière cette fois, que je questionne sur la probable durée de mon hospitalisation : « Vous avez un nouveau traitement, il faut attendre au moins une semaine voir 10 jours, pour savoir comment vous réagirez. On ne pourra pas vous laisser sortir avant. Vous êtes sous la responsabilité de l’hôpital Esquirol, si on vous laisse sortir et qu’il vous arrive quelque chose à l’extérieur, nous serions tenus pour responsables ».En somme, une histoire de responsabilité, dans laquelle chacun cherche à se protéger. Euh, mais le patient dans tout ça, cherche-t-on à le protéger quelque part ?Je suis finalement restée 42 jours à l’hôpital, et non pas 3 comme initialement prévu. Et 42 jours, dans ce contexte, c’est très, très long.Je n’ai eu cesse de répéter mon désaccord face à cette hospitalisation injustifiée :« Patiente calme, opposée à l’hospitalisation, mais coopérante. Discours clair et cohérent » (20/06/2011)« Accepte mal l’hospitalisation, pleure » (21/06/2011)« Dit ne pas se sentir bien dans l’hôpital et préférerait être suivie en ambulatoire » (22/06/2011)« Évoque les raisons qui l’ont conduite à l’hôpital, en veut à ses parents car aurait aimé que les choses se passent autrement » (23/06/2011)« Dit son incompréhension devant l’actuelle hospitalisation, se met à pleurer puis se calme » (25/06/2011)« Pleure à la fin de l’entretien, dit ne pas supporter ce système de répression » (28/06/2011)« Dit en vouloir à sa mère mais avoir besoin d’elle pour la levée de l’HDT » (29/06/2011)« Elle dit ne pas être en sécurité dans le service » (04/07/2011) Cellule d’isolement et autres techniques barbares dont j’ai été témoin et victimeMon arrivée à Esquirol reste un souvenir très violent. Peut-être afin de me conditionner aux méthodes en rigueur dans ce genre d’établissement, j’ai été attachée par des cordes aux pieds et aux mains dans l’ambulance qui m’amenait de Saint-Antoine à Saint-Maurice, Esquirol. 30 minutes de trajet. Une fois sur place etdétachée, on me retire les quelques affaires que j’avais, soit mon sac
à main, on me donne une bouteille d’eau, un pyjama 8 fois trop grand pour moi et on m’installe dans une chambre, ou quelqu’un dormait déjà dans le lit voisin.Quelle angoisse au réveil ! Et personne pour me rassurer, ni même pour m’expliquer le fonctionnement du service. Me voilà plongée dans cet univers inconnu de délires, de violence et de souffrance. Je suis terrorisée, me sens extrêmement seule et en décalage total avec les autres patients, que je fuis dans un premier temps. Je cherche à m’enfuir par tous les moyens mais c’est impossible. J’ai peur. Une angoisse terrible que je ne souhaite à personne.Un patient remarque ma détresse et vient vers moi, me parle, me propose de regarder les infos à la TV avec lui. Il m’offre des madeleines. Il avait remarqué que je n’avalais rien aux repas, il me conseille de manger car « avec tous les médocs qu’ils nous donnent, il faut vraiment avoir quelque chose dans l’estomac ». On sympathise, c’est mon pote, il est gentil et me rassure. J’ai au moins un allié.Lui, ça fait des mois qu’il est hospitalisé. Il connaît bien. Rapidement, il me met en garde contre toute manifestation de rébellion que je pourrais manifester. « Si tu ne te plies pas à leurs règles, ils n’hésiteront pas à te mettre en chambre d’isolement et ça, c’est l’horreur, j’aimerais que tu en sois épargnée, car ça laisse des séquelles ». La Chambre d’Isolement, aussi appelée CSI (chambre de soins intensifs) constitue leur menace ultime, leur favori moyen de coercition. Tous les patients en parlent, certains clament avec fierté avoir survécu à 17 jours de CSI tout en traitant les médecins d’ « enfoirés », et tous la craignent comme la peste. Les hurlements et martèlements sur la porte de cette pièce lugubre nous rappellent constamment sa présence bien réelle.Je n’ai malheureusement pas échappé à cette pratique honteuse, sortie d’un autre temps qu’on croirait aboli, et qui effectivement, laisse des séquelles. Le principe est simple : une pièce d’une dizaine de m2, avec un lit fixé au sol et un seau pour faire ses besoins. Une fenêtre avec stores fermés qu’on ne peut évidemment pas ouvrir. Interdiction d’y entrer avec quoique que soit. Pas de musique autorisée, de livre, de revue, rien ! On y rentre nue, on nous enfile un pyjama et c’est parti pour l’enfer de l’isolement. La non-communication poussée à l’extrême. Les repas se font désormais à l’intérieur de cette cage, et si, et seulement si, on n’a pas trop tapé à la porte, on nous autorisera, en fonction de l’humeur du personnel de garde, à fumer une cigarette, toutes les 7 heures environ.On ne sait pas combien de temps le calvaire se poursuivra. Pour ma part il aura duré 48 heures. Les pires de ma vie et de loin… Je suis arrivée à un tel niveau de détresse dans ce cachot, que là, pour la première fois de ma vie, oui je souhaitais mettre fin à mes jours sans plus attendre. Mais mon bas de pyjama attaché à mon lit ne constituait apparemment pas une technique de pendaison optimale. J’ai tenté de simuler une crise d’asthme pour sortir, en vain… J’ai dû me résigner à prendre mon mal en patience, en attendant que l’on me libère. Quand ils m’ont ouvert la porte, j’étais allongée sur le lit, la tête enfouie dans ma taie d’oreiller, espérant abréger ainsi mon calvaire. « Se met une taie d’oreiller sur la tête, patiente dans la provocation » (01/07/2011). Ouais, on peut le voir comme ça ouais…Comment peut-on croire, à notre époque, que d’enfermer une personne en détresse et de la laisser seule face à sa tristesse et ses angoisses, pour une durée indéterminée, pourra améliorer son bien-être et faire partie intégrante du processus thérapeutique ? Je ne comprends pas… et suis choquée et révoltée par tant de maltraitance psychologique… Camisole chimique ou surmédicamentation pour le confort du personnelQuand ils ne nous enferment pas, ils nous shootent. Le terme semble exagéré ? Certainement pas.Les traitements sont administrés matin, midi et soir autour des repas. Tous en file indienne pour prendre sontraitement. Dès le deuxième jour d’hospitalisation, je ne contrôlais plus ma
mâchoire, bavais et avais du mal à m’exprimer. « Ne vous inquiétez pas ce sont les effets secondaires… On va vous donner un autre médicament pour les calmer ». Pas la peine de contester, de refuser ou de recracher un traitement. Ils vous l’administreront coûte que coûte par injection si besoin, après avoir appelé « l’équipe de renfort » qui se fera une joie de vous attacher, de vous déshabiller et de vous piquer les fesses.Avant d’arriver à l’hôpital, j’avais depuis quelques temps du mal à m’endormir et prenais ¼ de somnifère, Stilnox avant d’aller au lit. Compte tenu de mon poids et de ma non-accoutumance à ce genre de substance, ce ¼ m’était largement suffisant pour dormir comme un bébé toute la nuit. Je l’avais bien entendu spécifié aux médecins. Mais non, à Esquirol, c’était un Stilnox entier, car « ¼, ça ne sert à rien » selon eux… Allez comprendre pourquoi.Au bout de 10 jours, je ne voyais plus rien. Je ne pouvais plus lire et avais la vision totalement troublée. « Ne vous inquiétez pas, ce sont les effets secondaires des médicaments, votre vision reviendra… ». En attendant, c’est légèrement handicapant et surtout très inquiétant de se retrouver à moitié aveugle du jour au lendemain.Jamais je ne me suis sentie aussi shootée… Dans un espèce de brouillard constant, très souvent fatiguée, dans le gaz total. Incapable d’organiser mes idées, d’écrire (à un juge des libertés, procureur de la république ou autre, pour contester le bien-fondé de mon internement par exemple) et de me sentir maître de ma personne. Ils m’auraient fait signer n’importe quel document, et ne se sont d’ailleurs pas privés pour le faire, afin, encore et toujours, de protéger leur responsabilité.Quand on est mal et que le personnel s’en rend compte, on nous fait rencontrer un psychiatre. Sorti de nul part, encore un nouveau qu’on n’a jamais vu… On lui raconte une énième fois les raisons qui nous ont malheureusement amené là. Cinq minutes d’entretien et un nouveau médicament plus tard, on peut regagner notre chambre. Voilà, ce sont les techniques psys dans les hôpitaux. Médicaments à outrance, qui soulagent incroyablement le personnel qui aime nous savoir endormis et neutralisés. Certains patients ne se réveillent, et ce très difficilement, que pour les repas. Comme ça le personnel est tranquille, tout le monde est content ! Sauf le patient, bien sûr, qui n’a plus de vie du tout, mais ça tout le monde s’en fiche…Enfin, avant d’arriver à l’hôpital je suivais depuis plusieurs semaines un traitement, Seroplex 10mg, tous les matins. Après que les psychiatres aient testé sur moi un nombre assez impressionnant de médicaments qui prolongeaient chaque fois plus la durée de mon hospitalisation, je suis sortie avec pour traitement du Seroplex 10mg, tous les matins. Cinq semaines d’enfermement pour réaliser que mon traitement était finalement adapté, je trouve ça long ! Vous en conviendrez ! Ennui ou école de la patience comme activité exclusiveDans ces hôpitaux les journées sont longues. Très longues.De 8h00 à minuit, on ne fait rien. Les journées sont rythmées par la prise des traitements et des repas. On erre entre le couloir d’où partent bureaux, CSI, chambres et salles de bains et la « Galerie », un long balcon grillagé donnant sur un jardin.Durant mes 42 jours d’enfermement, j’aurais eu tout de même le droit de participer à 3 activités : 2 heures de ping-pong et deux séances d’ergothérapie. Ces séances ont d’ailleurs été pour moi un merveilleux moment de relaxation et de détente. J’ai rencontré une ergothérapeute charmante, qui m’a fait découvrir le travail de la mosaïque. Me retrouver dans cette immense pièce baignée de lumière, magnifique, qui sentait bon le bois, la colle et la peinture et qui donnait sur la verdure me fascinait. Comment était-t-il possible de retrouver si soudainement un tel bien-être, à discuter, partager, créer et chantonner dans un univers subitement si sain et charmant? Juste là, derrière une porte, au beau milieu de mon hôpital prison! Dommage… On nem’informa de l’existence de ces séances d’ergothérapie qu’au bout de 4
semaines de détention. Je n’ai donc fait que deux séances, de 45 minutes chacune.Le reste du temps nous fumons sur la terrasse. On s’isole de temps en temps pour pleurer, dormir, écrire ou se protéger de certains patients violents ou irritants. Parfois aussi, on écoute de la musique, on danse, on essaye de rigoler. Du moins c’est ce que j’essayais de faire, ou ce que mon instinct me dictait de faire pour survivre. Cela ne m’aura certainement pas aidé à sortir de l’hôpital que d’avoir ce type de comportement: » Chante à tue-tête sur la galerie » (26/06/2011), « Danse dans l’unité, très familière avec tout le monde » (27/06/2011), « recadrée car écoute sa radio dans le couloir en dansant » (02/07/2011). Cependant je ne regrette pas cette attitude qui m’a permis de tenir le coup et de conserver quelques souvenirs de rigolades et de complicités, qui me font rire encore aujourd’hui.Je n’étais pas la patiente idéale, loin de là. Car en plus de chanter, danser et rigoler, je recherchais trop le contact, les échanges, la tendresse, le réconfort, la consolation, le rire, le partage… Et une patiente idéale, elle reste isolée. Elle ne communique pas. Elle peut lire seule dans sa chambre (si le traitement lui permet). Le mieux est qu’elle se fasse oublier et remercie les psychiatres.Ils ont pourtant bien essayé de me « recadrer * », et ce, à maintes reprises : « Recadrée par rapport à la présence d’autres patients dans sa chambre » (25/06/201), « Recadrée par rapport à son comportement avec les autres patients et par rapport au règlement » (26/06/2011), « Recadrée quant à son comportement dans l’unité » (27/06/2011), « Recadrée suite à la visite de sa mère » (04/07/2011), « Recadrée quant à son comportement de cette nuit (changement de tenue vestimentaire) » (07/07/2011), « Recadrée, au self » (09/072011), « Recadrée quant à son comportement familier avec les patients » (10/07/2011), « Recadrée à plusieurs reprises compte tenu de sa familiarité vis-à-vis des autres patients » (11/07/2011), « Recadrée car est allée au marché sans autorisation” (12/07/2011), « A laissé un patient rentrer dans sa chambre pour discuter car dit se sentir seule. A été recadrée. » (16/07/2011), « Recadrée sur le respect du règlement de vie en collectivité, qu’elle ne comprend toujours pas. Ce matin mécontente car s’est fait voler son argent » (22/07/2011).* Recadrer : Rappel de façon autoritaire du règlement de l’établissement avec usage de menaces : interdictions de sorties ; mise en chambre d’isolement ; augmentation du traitement, etc. Hygiène déplorable et nourriture infecte, des détails importants pour ceux qui y passent leur vieJe ne m’attarderai pas très longtemps sur les conditions d’hygiène, les photos étant parfois plus évocatrices que les mots. J’ai pris cette photo depuis mon téléphone portable, un jour ou j’avais réussi à le garder avec moi malgré l’interdiction formelle du service. On comprendra aisément pourquoi… Quant à la nourriture elle était tout simplement infecte. Aucune saveur, fade à en pleurer… Lors de mon hospitalisation, j’ai perdu 6 kg alors que j’étais déjà en sous-poids avant mon internement. Je ne m’attendais pas à de la nourriture gastronomique, mais tout de même, il y a des limites et là elles étaient largement atteintes, les limites. Tous les patients s’en plaignaient quotidiennement, ce à quoi on nous répondait, quotidiennement : « on y est pour rien, mais si vous le souhaitez, vous pouvez le signaler par courrier au directeur de l’Hôpital. » Facile, quand on a perdu la vision et qu’on a plus la force de tenir un stylo… Violence, insultes, cris, hurlements, insécurité, vols et misère sociale. Tout est réuni pour vous remonter le moral…Si vous devez être interné, vous ne choisirez pas dans quel hôpital psychiatrique. Cela dépend de votre lieu de résidence. A Esquirol, nous résidions tous dans les 11eme et 12eme arrondissements de Paris. Et c’est sans doute le seul point qui nous rapprochait. Les pathologies, elles, étaient toutes représentées : leschizophrène violent à ses heures, l’ancien toxicomane, le cleptomane, la
jeune maman en dépression post-partum, la grand-mère qui délire, le post-ado surexcité, le polytechnicien en mal de vivre… Quatre jeunes de mon service avaient fait de longues périodes de prison avant de se retrouver en HP : deux accusés de meurtre, un de vol avec violence et l’autre de viol sur mineur. Sympa, rassurant en tout cas… Nous apprenons donc à vivre ensemble, dans cet espace restreint, où les chambres ne ferment pas à clefs de l’extérieur et où les salles de bain sont mixtes.Si vous êtes avec des personnes violentes, vous risquez de vous faire agresser (ce fut mon cas) ; si vous êtes avec un cleptomane, vous vous ferez voler vos affaires (ce fut également mon cas : argent, cigarettes, vêtements et livres m’ont été dérobés) ; si vous êtes avec un violeur, vous risquez de vous faire violer; Bref vous aurez compris.Les hurlements et pleurs résonnent sans cesse dans le service. C’est épuisant psychologiquement d’entendre ces cris de détresse nuit et jour. La misère sociale est également bien réelle. Un grand nombre de patients ont tout perdu : logement, travail, santé, famille, vie sociale. Ils sont complètement isolés et ne reçoivent jamais de visite. Je me revois offrir des cigarettes aux grand-mères qui ramassaient des mégots écrasés sur le sol pour les rallumer… Que de sourires et de remerciements pour une cigarette !Vu que nous venons tous du même quartier, nous sommes amenés à nous revoir une fois sortis de l’hôpital. Je croise ainsi souvent d’anciens “codétenus” en allant faire mes courses. Ils font la manche devant le supermarché, une bière à la main, et retourneront surement à l’hôpital bientôt, de leur plein gré, pour bénéficier des repas et de l’abri au chaud. Ces institutions traitent ainsi toutes les pathologies, même la misère sociale… Les fous, ce sont les pauvres, les délaissés, les plus faibles. Hôpital psychiatrique ou prison? A choisir, je prends la prison !L’univers carcéral m’est, et j’espère me restera, inconnu. Cependant, sur les 20 patients de mon service, 4 avaient fait de de la prison plusieurs mois. Et les 4, m’ont répondu après les avoir interrogés, qu’ils avaient préféré la prison à l’HP ! Incroyable mais vrai, demandez-leurs, vous verrez…Pourquoi ? La première raison qu’ils évoquent est qu’en prison, ils n’étaient pas shootés aux médicaments. Ensuite, les activités proposées en prison étaient beaucoup plus nombreuses qu’en HP (pas dur vous me direz)… Puis venait la nourriture, qui apparemment était meilleure dans leurs prisons respectives qu’à Esquirol. Et enfin, en prison ils savaient pour combien de temps ils seraient enfermés, contrairement à l’hôpital psychiatrique, qui fonctionne en durées indéterminées…Alors, j’imagine bien que cela doit dépendre des prisons et des HP. Cependant cette découverte m’a stupéfaite et ramenée à ma première interrogation à savoir, pourquoi ai-je eu à subir cela ?Je n’ai encore jamais mis ma vie ni celle de quiconque en danger, je n’ai jamais montré de comportement violent ou dangereux justifiant une hospitalisation. Pourquoi ai-je été privée de liberté des semaines, dans des conditions terribles, largement comparables à celles du système carcéral ? J’attends toujours des réponses… On sait quand on y rentre, mais pas quand on en sort… Des conseils avisés pour en sortir au plus vite !Dès mon arrivée à Esquirol, je n’ai cessé de clamer mon désir de sortir au plus vite. Mauvaise technique. Pour les psychiatres, si vous ne vous sentez pas bien à l’hôpital, que vous contestez votre traitement et ne vous pliez pas aux règles de l’établissement, cela signifie que vous êtes encore malade et qu’ils ne peuvent donc pas vous laisser sortir.Au bout d’un certain temps, une patiente m’a gentiment conseillé de changer de stratégie. « Il ne faut surtout pas te plaindre. Tu dis que ton traitement te fait du bien, que tu te sens mieux. Tu les remercies de t’avoir aidé, tu dis que tu n’es pas encore prête à sortir. C’est ce qu’ils veulent entendre et c’est ce qui te fera sortir ». Dans un premiertemps j’étais un peu dubitative, mais finalement elle avait raison. Voilà
ce qu’ils écriront dès le premier jour de mon changement de stratégie : « Revient sur son passage en CSI, reconnait en avoir eu besoin sur le moment (mais comment ont-ils pu me croire sur ce point ?). Semble entendre et comprendre désormais le fonctionnement de l’Institution« . Oui j’avais enfin compris. Pour sortir, il fallait mentir. C’était pourtant simple… Le mieux, pour vous ou vos proches, c’est quand même de l’éviter !Vous l’aurez compris, je déconseillerais vivement aux personnes en dépression de se tourner vers les hôpitaux psychiatriques publics. Si vous êtes inquiet pour un de vos proches, ne vous déléguez pas de votre responsabilité en vous rapprochant des soi-disant « professionnels ». Faites-vous confiance. Vous êtes sans doute bien plus en mesure de l’aider que les psychiatres. Entourez cette personne, faites-lui ses courses, préparez-lui des repas, proposez-lui de sortir, faites-la rire, emmenez-la en voyage ou dans un cours de dessin, de chant ou de danse. N’importe, mais ne la laissez pas seule. Parlez avec elle. Proposez-lui de suivre une psychothérapie si besoin. Mais surtout ne la faites pas enfermer. Cette expérience ne fera qu’empirer son mal-être. Petit rappel au corps médical : ” Primum non nocere ”. Merci de ne pas l’oublier, c’est basique mais reste vital.Car pour ma part, si je suis arrivée mal en point à l’hôpital, j’en suis ressortie anéantie. J’ai mis plus de deux mois à m’en remettre et reste très affectée par cette expérience qui vient régulièrement hanter mes nuits.Ces cinq semaines d’hospitalisation m’ont fait perdre : mon emploi (cadre en CDI), mon appartement, mon petit-ami, 6kg, ma dignité et l’entente avec ma famille. Je ne parlerai même pas de la stigmatisation que l’on doit affronter en sortant.Aujourd’hui, je n’ai plus aucune confiance en ce système psychiatrique, que je considère désormais comme une discipline barbare, rétrograde et en tout point opposée à ma conception du respect des Droits de l’Homme. Derrière le sacro-saint titre de “Médecins” qu’ils ont, les psychiatres inventent chaque année de nouvelles pseudo-maladies, pour le plus grand bonheur des laboratoires pharmaceutiques qui s’en mettent plein les poches et se réjouissent de voir se démultiplier le nombre de “malades psychiatriques”. Ils pourront vendre par milliers des psychotropes, antidépresseurs, régulateurs d’humeur et autres, dont les patients deviendront vite accrocs, permettant ainsi de faire fructifier leur petit business scandaleux. En toute impunité bien sûr…Voilà la sombre réalité. Ne retrouve-t-on pas ici finalement le triste reflet de notre société individualiste, dirigée par l’argent et qui refuse, craint et cherche à anéantir la différence quelle qu’elle soit ?Nous ferions peut-être mieux d’intégrer nos “fous” au lieu de les enfermer. Un peu d’amour, d’écoute, d’ouverture d’esprit et de respect permettent souvent de découvrir derrière leurs étiquettes de fous, des personnalités particulièrement attachantes et intéressantes et nous avons tous à apprendre d’eux… Ces personnes, peut-être différentes (mais on l’est tous…), m’ont pour ma part bluffé par leur intelligence, sensibilité et clairvoyance et rien ne justifie pour moi la privation de liberté et de droits fondamentaux dont ils sont victimes. Que certains aient besoin d’un encadrement, il n’y a nul doute. Mais de ces hôpitaux prisons, certainement pas.Encore une fois je ne juge pas des personnes mais l’institution dans sa globalité. Je m’en voudrais de causer du tort aux quelques infirmiers, aides-soignants et médecins qui s’épuisent pour redonner un peu d’humanité à ces prisons morbides. Certains font un travail remarquable malgré l’inadéquation des pratiques aux besoins des patients. Ils subissent également de plein fouet les conséquences de ce système défaillant.Cependant, je n’ai pas de solution. Je le précise car une infirmière m’a répondu un jour, alors que je me plaignais de la présence prolongée d’un patient en CSI : “Vous avez mieux à proposer? Non? Et bahvoilà”. Je n’ai donc certes, rien de mieux à proposer. Je n’en ai nullement la
prétention, ce n’est pas mon métier. En revanche, mon devoir en tant que témoin et victime, c’est d’informer ceux qui ne le savent pas encore que les méthodes des hôpitaux psychiatriques ne sont pas adéquates, qu’elles génèrent bien plus de séquelles et de souffrances que de guérisons et que tout ce système devrait être urgemment repensé. De façon complètement paradoxale, il faut être sacrément solide dans sa tête pour supporter ce type d’internement sans devenir fou, pour parvenir à s’en remettre sans trop de cicatrices et pour ne pas sombrer dans le classique schéma infernal des hospitalisations répétées.Merci d’avoir lu mon témoignage en espérant de tout cœur que les pratiques psychiatriques, et tout particulièrement en HP, évolueront… et vite ! Car en attendant les patients de ces Hôpitaux Prisons en bavent et n’ont bien souvent pas la possibilité de faire valoir leurs droits.
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