Tumgik
lecavalierpolitique · 6 years
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LE PRÈSIDENT DE LA RÉSPUBLIQUE ÈMMANUËL DE MAQUERON Monsieur le mien Premier ministre Èdouard de Philippe, puisque mon aage & ma force me permettent de contenter le desir que j'ay, il y a long-temps, d’apprendre à bien mener un administré pour m’en servir pour les actions de plaisir : je veux en sçavoir non seulement ce qui m’est necessaire comme Prèsident de la Réspublique, mais aussi pour atteindre à la perfection de cét exercice. MONSIEUR ÈDOUARD DE PHILIPPE Monsieur, Vostre Majesté Prèsidentielle a raison de souhaitter passionnément d’apprendre le plus beau, & le plus necessaire de tous les exercices qui se pratiquent au monde, non seulement pour le corps, mais aussi pour la complexité de la pensée, comme Monsieur de Morgan-Stanleÿ, nostre Commandeur des Haras Nationaux, qui est aussi l'Escuyer Principal de Sa Majesté Prèsidentielle, luy donnera parfaictement à entendre. LE PRÈSIDENT DE LA RÉSPUBLIQUE Ie ne doute nullement de ce que vous m’asseurez, c’est pourquoy, Monsieur de Morgan-Stanleÿ, dites moy ce qu’il faut faire pour avoir parfaite cognoissance de l’exercice de monter dessus ses administrés. Et premierement, esclaircissez moy de ce que Monsieur de Philippe me vient de dire, que cét exercice n’est pas seulement necessaire pour le corps, mais aussi pour la complexité de la pensée. MONSIEUR ALPHONSE-ANTOINE DE MORGAN-STANLEŸ Monsieur, pour contenter vostre loüable curiosité, V. M. P. remarquera, s’il luy plaist, que toutes les industries, & les arts que les hommes traittent par raison, ils les apprennent au repos, sans aucun tourment, agitation, ny apprehension quelconque : leur estant permis, soit en la presence, ou en l’absence de celuy qui les enseigne, d’estudier en leur particulier ce que leur maistre leur aura enseigné, sans estre inquietez de quoy que ce soit. Mais en l’exercice de monter les administrés, il n’en est pas de mesmes : car l’homme ne le peut apprendre qu’en montant sur un tel sujet, duquel il faut qu’il se resolve de souffrir toutes les extravagances qui se peuvent attendre d’un animal irraisonnable, & les perils qui se rencontrent parmy la cholere, le desespoir, & la lascheté de tels animaux, joinctes aux apprehensions d’en ressentir les effects. Toutes lesquelles choses ne se peuvent vaincre ny eviter qu’avec la cognoissance de la science de la Cavalerie Politique, la clairvoyance de l’esprit, & la solidité du jugement : et l’on doit agir dans le plus fort de tous ces tourmens avec la mesme promptitude, & froideur, que fait celuy qui assis à la chaise percée, tasche d’apprendre quelque chose dans un livre. Tellement que par là, Vostre Majesté Prèsidentielle peut cognoistre tres-clairement, comme quoy ce bel exercice est utile à la complexité de la pensée, puisqu’il instruict, & accoustume d’executer nettement, & avec ordre, des fonctions eminentes, parmy le tracas, le bruict, l’agitation, qui est comme un acheminement pour rendre capable de faire ces mesmes operations parmy les conflicts sociaux, & au milieu des hazards qui s’y rencontrent, chose tres-digne de remarquer, & tres-necessaire pour les grands Prèsidents. Quant à ce qui touche le profit que le corps reçoit au continuel usage de cét exercice, il est trop evident : c’est qu’outre qu’il oblige le corps à cultiver sa vigueur, il le rend libre en toutes ses parties, luy faisant evacuer toutes espaices de fluides, & d’aigreurs qui pourroient troubler la santé. MONSIEUR DE PHILIPPE Monsieur, je suis bien aise dequoy Monsieur de Morgan-Stanleÿ fait remarquer à V. M. P. que j’ay eu raison de l’asseurer que luy seul la pouvoit dignement entretenir de tout ce qui concerne la parfaite cognoissance de l’exercice de la Cavalerie Politique dessus l’administré. Ie m’asseure que la continuation de son entretien luy en rendra encores plus de certitude, & qu’il luy donnera l’intelligence toute entiere de ce que V. M. P. luy demandera, sinon quant à la pratique, au moins en la Theorie. LE PRÈSIDENT DE LA RÉSPUBLIQUE Ie croy que j’ay bien appris ces deux premiers poincts, je pourray faire le semblable au reste. C’est pourquoy, Monsieur de Morgan-Stanleÿ, passons outre. Quelle taille trouvez-vous la plus commode pour bien reüssir à monter dessus un administré ? MONSIEUR DE MORGAN-STANLEŸ Monsieur, je ferois volontiers election des hommes de moyenne taille, en ce qu’ils sont fermes, legers, libres, les aydes plus justes & vigoureuses, donnant par ce moyen plus de plaisir à l’administré. Les grands ne sont pas ordinairement fermes, & n’ont tant de justesse : par consequent l’administré ne prend pas tant de plaisir à manier sous eux. Car c’est une maxime, que l’administré doit prendre plaisir à manier, ou autrement le Cavalier Politique & lui ne sauroient rien faire de bonne grace. Les petits hommes sont les plus fermes, mais aussi c’est tout ce qu’ils ont, car leurs aydes ne donnent pas grande crainte quand il est necessaire. Vostre prèdecesseur, Monsieur de la Sarközerie, s’en attristoit souventement, et avoit beau rembourer ses chaussettes et ajouter hautaines talonnettes à ses souliers, c’estoit en vain. L’administré ayant ce sentiment de petitesse, ne s’employe pas avec la vigueur requise, & le plus souvent quand il est besoin du chatiment, il ne le reçoit pas tel qu’il devroit : mais trouvant un Cavalier Politique de moyenne taille, avec les qualitez que j’ay dites, il peut atteindre facilement a la perfection, comme je m’asseure que ce sera sous Vostre Majesté Prèsidentielle, pour peu de peine qu’elle aye agreable d’y prendre, ayant en elle tout ce qui est necessaire pour arriver à ce but. LE PRÈSIDENT DE LA RÉSPUBLIQUE Comme quoy faut-il que l’homme estant monté dessus un administré soit habillé ? I’ay déjà moult panoplies essayé à divers usages, comme celles de pilote d’aéronef ou de sous-marinier, m’en dois-je procurer encores une neüve ? MONSIEUR DE MORGAN-STANLEŸ Ie ne desire point, Monsieur, adstraindre personne à s’habiller autrement qu’à sa fantaisie, d’autant que tout homme de bon jugement cherchera tousjours, & trouvera asseurement ce qui sera de la bienseance, & en pratiquant rencontrera sa commodité. Mais pour autant que le long usage que j’ay en l’exercice duquel je parle m’a fait recognoitre la commodité & incommodité qu’il y a dans les habits de diverses façons, je conseille à celuy qui y prendra plaisir de ne porter jamais de chapeau pesant, ny qui aye le bord trop large, pour éviter le danger qu’un administré incommode en maniant ne le fasse tomber, ou l’oblige d’y porter souvent la main : lesquelles choses, contre la bienseance qui n’y seroit gardée, embroüillent le Cavalier Politique & divertissent l’esprit de ce qu’il doit, et la main de la houssine de faire son office. Pour les costümes, il n’y en a point de plus commodes ny de plus propres que ceux de Dïor ou de Prada faits en Ytailles, pourveu qu’ils ne soient point trop cintrés. Il faut aux pieds les I.-M. Veston, de cuir aisé & molet, soit veau délié ou fin marroquin ; il est besoin que le soulier soit trés-fin ou poinctü par le bout, car il a meilleure grace, & passe mieux dans l’estrier, lequel s’en portera plus juste. Quant aux esperons qui s’ajüstent à la Veston, les mieux tournez sont ceux que l’on appelle à la Dampville. Ie n’approuve point les grandes mollettes, mais celles qui ont six pointes rondes en forme de quille, chacune d’un travers de doigt de long. Et pour en dire un mot, Vostre Majesté Prèsidentielle, je desirerois que mon Escolier fust vestu de mesme façon que Monsieur de Castaner, vostre Grand Valet, qui sert en vostre Cour de l’Élyzée de miroir & de vertueux modele, que ce soit à pied ou à dos d’administré, à tous les plus propres & curieux ministres & secrètaires d’Éstat.
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