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Mars 1997
J’ouvre les yeux.
Par le hublot je vois un ciel gris chargé de nuages lourds, prêts à faire pleurer toutes les larmes de leurs corps. À ce moment là, je ne me doutais pas que ça serait également mon cas, de pleurer durant des années comme si je n’etais remplie que d’une mer de larmes. Comme si je n’étais qu’une immense abîme de tristesse, un corps perdu dans un océan de questions. Une âme à la recherche de la lumière d’un phare qui puisse éclairer son destin.
Tête appuyée contre le hublot, je ne me doute pas à ce moment là qu’une nouvelle page se tourne, la page de ma vie toute entière.
J’observe le tarmac, le va-et-vient des voiturettes, les visages, tous si différents, avec des traits qui me sont si méconnus. Puis, j’ignore si je me rappelle vraiment de la suite ou si c’est simplement mon esprit qui a créé ce souvenir, mais le premier vrai souvenir qui me vient à l’esprit c’est une fois sortie de l’aéroport quelqu’un nous attend et nous invite à entrer dans sa voiture. Elle était propre, elle sentait si bon. Je dois mettre ma ceinture, et c’est une grande première dans ma vie de petite fille de dix ans! Je n’ai jamais eu a mettre une ceinture de sécurité, peut importe la place que j’occupais dans la voiture de mon grand-père, jamais il ne m’avait demandé cela.Drôle d’exigence de la part de cette personne que je ne connais pas.
Et en écrivant ceci je me revois couchée à l’arrière du pick-up de mon grand-père, rouler à toute vitesse pour n’importe quelle direction, mais moi, toujours à l’arrière du pick-up, à rire avec mes cousins ou les copains du quartier. Je peux encore sentir la froideur du metal contre mon corps, je ferme les yeux et je peux en sentir l’odeur. Bien souvent nous rentrions de nuit, et si je me concentre bien, je peux revoir la lumière jaunâtre de l’éclairage public éclairer l’arrière de cette Chevrolet poussiéreuse, je peux entrevoir le visage joufflu de mon cousin Bastian, ces lumières dansent sur nous et rendent ces moments encore plus uniques.
Cette fois je n’ai plus la tête appuyée contre le hublot mais j’ai à nouveau le regard perdu au loin, tantôt à observer ce qui m’entoure ou simplement à me concentrer sur ces nombreuses gouttes de pluie qui font la course sur ma vitre. La vitesse de la voiture les fait tremblotter, avancer puis s’avaler l’une l’autre et prendre encore plus de vitesse. Une fois disparues de mon champ de vision, mon regard vient à nouveau se poser sur l’horizon. Je croise le regard du conducteur dans le rétroviseur. Il me sourit avec ses yeux. Je sais qu’il compatit. Mais à ce moment là, je suis en refus total de compassion, d’empathie, d’amour ou d’un regard amical. Je me sens comme un animal abandonné mais qui aurait moi-même cherché l’abandon. Je suis un animal sauvage sur le qui-vive. Je me sens vide d’émotions. Apeurée et émerveillée par tout ce que je vois. Je crois que ma mère, assise à côté de moi, essaie de communiquer avec moi. Je l’ignore.
Le ciel est toujours aussi gris et mon avenir est toujours aussi brumeux.
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