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Prison et psychiatrie : à l’intersection.
Crédit image : Nina Chanel Abney -2014 Untitled "FUCK T*E *OP"
« Il n'est à mon sens pas possible d'être anti-validiste, de critiquer les institutions d'enfermement tout en défendant le système carcéral (sans voir les liens évidents). » Harriet de Gouge.
Quel lien y’a t’il entre la prison et la psychiatrie, au-delà du fait que ce soit toutes deux des institutions ?
Entre récidives et réhospitalisations, privatisations et investissements de la part de groupes privés, exploitation de la mains d’oeuvre dans les ESAT ou en prison à moindre coût, conditions de vies handicapantes voir mortelles (violences psychologiques et/ou physiques, promiscuité, environnement pathogène, espérance de vie réduite et taux de suicide élevé) la psychiatrie et la prison partagent bien plus que de simples similitudes ; elles sont en réalité les deux faces d’une même pièce qui souvent se substituent l’une à l’autre.
Ces institutions qui dans un cas comme dans l’autre promettent réhabilitation, réinsertion, correction ou soin, peuvent difficilement cacher leur véritable motif : celui d’éloigner du système les personnes les plus en marge afin de maintenir un ordre social capitaliste, supremaciste et blanc.
L’hypothèse de Penrose
Les liens entre le milieu carcéral et la psychiatrie sont étudiés depuis quelques années déjà, notamment dans les pays anglo-saxons dans le cadre des disability studies et/ou disability justice par des activistes anti-validistes et/ou abolitionnistes, noir.es et/ou handicapé.es (Talila Lewis, Jamelia Morgan, Stella Akua Mensah, Liat Ben Moshe…).
Mais déjà bien avant l’avènement d’une sociologie du handicap et des mouvements de lutte anti-validistes, une étude publiée en 1939 mettait en lumière la relation étroite qui lie les populations des hôpitaux psychiatriques et des prisons.
Avec ce que l’on nomme aujourd’hui "L’hypothèse de Penrose" le mathématicien et psychiatre eugéniste Lionel Penrose démontrait il y a plus de 84 ans déjà que la population carcérale dans une localité donnée augmentait ou diminuait en fonction du nombre de lits occupés dans les établissements psychiatriques.
Pour faire plus simple : d’après les résultats de cette étude, lorsque les populations des hôpitaux psychiatriques sont réduites, le nombre de personnes incarcérées augmentent et vice versa.
Aujourd’hui en France alors qu’environ la moitié des lits en psychiatrie ont été supprimés en moins de 40 ans, le nombre d’incarcération à augmenté de 88% dans le même intervalle de temps.
Pour l'anthropologue Didier Fassin : « Ce n’est pas l’augmentation de la criminalité qui explique que l’on enferme plus, mais la moindre tolérance de la société française et la plus grande sévérité de son système punitif [... ] : on criminalise des faits qui ne l’étaient pas auparavant et on sanctionne plus durement les délits et les crimes. »
Les noir.es et racisé.es handicapé.es en prison.
« Le complexe industrio-carcéral renforce le colonialisme, le racisme et le validisme, ce qui conduit à des arrestations ciblées, à la criminalisation et à des taux d'incarcération plus élevés pour les personnes racisées, les personnes handicapées et les personnes racisées handicapées. » Syrus Ware, Joan Rusa et Giselle Dias.
Si le système judiciaire durcit sa politique en matière de délinquance et de criminalité, il vise évidemment certains groupes en particulier.
Ainsi en France «77 % des personnes détenues appartiennent à des minorités ethniques, se répartissant en 35 % de noir.es, 32 % d’arabes et 5 % de Roms.» et la majorité des détenu.es sont des hommes* présentant dans 55% des cas au moins un trouble psychiatrique et dans 45% des cas un handicap psychique à leur arrivée.
Pour la chercheuse américaine en justice sociale Leah Pope « Si les noir.es et racisé.es sont plus susceptibles d'être impliqué.es dans le système de justice pénale, il est prouvé qu'iels sont moins susceptibles d'être identifié.es comme ayant un problème de santé mentale. De plus, iels sont moins susceptibles d'avoir accès à un traitement une fois incarcérés. »
Les noir.es et racisé.es handicapé.es se retrouvent davantage en prison qu’en psychiatrie tout d’abord parce qu’iels ont moins accès au service de soins psychiatriques et donc au diagnostic que les blanc.hes.
L’incarcération massive de noir.es et racisé.es handicapé.es, s'explique aussi par le fait que certains comportements ou délis, alors qu’ils seront pathologisés chez les blanc.hes handicapé.es seront criminalisés et pénalisés chez les noir.es ou racisé.es handicapé.es.
De plus ces personnes -du fait du racisme systémique- se trouvent placées (ghettoïsation, gentrification, discriminations sur le marché du travail et de l’immobilier, ZEP, centre de détention pour migrant.es…) dans des environnements ou situations accentuant la précarité, la marginalité, l’exclusion et les menant sur la voie de la délinquance.
Ce sont aussi des populations davantage surveillées et controlées (concentration de l’action des forces de l’ordre dans les quartiers populaires et banlieues , politiques strictes sur l’immigration des personnes non-blanch.es, profilage racial…) et les délits qu’elles commettent sont plus sévèrement punis. Ainsi elles ont plus de chance de se voir condamner à une peine de prison ferme que d’avoir accès à des soins adaptés et réguliers ou un suivi psychiatrique.
La violence de la prison et de la psychiatrie.
« La prise en charge institutionnelle est de par sa conception même une forme de violence. » Kate Rossiner et Jen Rinaldi
Au-delà des violences policières parfois mortelles qui peuvent précéder l’incarcération, le milieu carcéral est un lieu qui contribue à créer, entretenir ou accentuer les handicaps psychiques (anxiété, dépressions, addictions, troubles psychotiques…) et/ou physiques (violence, négligence des soins, innaccessibilité ) et/ou les maladies (VIH, hépatite C, tuberculose, diabète…). La promiscuité, l’insalubrité et la surpopulation des prisons, en font des lieux extrêmement pathogènes et les conditions de détention jouent sur la santé mentale et physique des prisonnier.es
En psychiatrie aussi les conditions de détention (isolement, contention, soins sans consentement, violences physiques/psychiques/sexuelles…) accentuent les maladies, les handicaps et/ou la détresse psychologique des populations incarcérées.
Les noir.es et racisé.es sont davantage vulnérables face à ces violences institutionnelles. Puisqu’en plus du classisme propre à la prison et de la psychophobie inhérente aux hôpitaux psychiatriques, ces dernier.es expérimentent aussi le racisme. Iels ont par exemple plus de chances que les blanc.hes d’être placé.es en psychiatrie sans leurs consentements et d'être catégorisé.e comme «personne à haut risque» mais aussi moins de chance de recevoir des soins adaptés (cf syndrome médittéranéen).
Enfin, ces lieux de détentions en plus d'être handicapants et propices au développement de maladies et troubles, sont aussi mortels : l’espérance de vie y est réduite et les morts par suicide y sont extrêmement fréquentes.
Récidives et réhospitalisations.
Pour les défenseur·euses de l'institutionnalisation, la prison et la psychiatrie permettraient d'offrir un contexte et des ressources aux individu·es marginalisé·es et inadapté·es, afin qu'iels puissent se (ré)insérer dans la société. Mais la réalité est tout autre.
La réhabilitation, la réinsertion ainsi que le soin qui devraient être des priorités, sont délaissés au profit de pratiques violentes et punitives.
D’après les chiffres, la prison crée des conditions (précarité, isolement, handicap…) propices aux récidives : 63 % des personnes condamnées à une peine de prison ferme sont à nouveau condamnées dans les 5 années suivant leur libération.
La psychiatrie est elle aussi un lieu propice aux réhospitalisations ( cf syndrome de la porte tournante). Plus on passe de temps en psychiatrie plus on à de chances d’être à nouveau hospitalisé.e : après trois mois de détention un·e patient·e à une chance sur cinq d'être à nouveau hospitalisé·e, au bout de vingt-quatre mois, la probabilité est de une chance sur deux.
Les institutions participent à la reproduction et même l’aggravation des inégalités, en contribuant à la stigmatisation, le développement de handicaps, de troubles et/ou de maladies, la précarisation et l’isolement des populations incarcérées.
Alors pourquoi donc entretenir et renforcer des institutions aussi inefficaces en termes de réhabilitation/réinsertion ?
Privatisation et exploitation
« L’emprisonnement de masse génère des profits en même-temps qu’il dévore la richesse sociale. » Angela Davis
Au-delà de la condamnation des conditions d'incarcération appauvrissantes, handicapantes et violentes qui sévissent au sein des institutions, le lien entre la lutte anti-validisme (pour la désinstitutionnalisation) et la lutte anti-carcérale repose aussi sur la volonté d’en finir avec l’exploitation des personnes institutionnalisées.
Car avec l’émergence des complexes carcéro-industriels et médico-industriels, les institutions sont en passe de devenir de véritables entreprises. Entre la privatisation des hôpitaux psychiatriques et des prisons et la sous-traitance de la main d'œuvre dans les prisons et ESAT par des entreprises publiques et/ou privées, les populations institutionnalisées sont envisagées comme un véritable marché propice aux investissements.
« L'objectif a toujours été de faire du profit sur le dos de celleux qui sont jugé·es sans valeur, par tous les moyens. Le profit ne provient pas seulement de l'extraction de la main-d'œuvre, mais aussi de la marchandisation de leur incarcération, institutionnalisation […] » Talila TL Lewis
C’est aussi pour ces raisons que le système à tout intérêt à ce que ces institutions ne désemplissent pas.
Ainsi 30% de la population carcérale travaillent pour un salaire mensuel moyen de 280 euros alors que les frais de vie en prison s’élèvent en moyenne à 200 euros par mois.
En psychiatrie, il n’y a pas de travail à proprement parler, mais bien des frais d’hospitalisation qui peuvent monter jusqu'à 450 euros dans le public et encore davantage dans le privé auquel s'ajoutent des frais de vie. Même si le travail en psychiatrie n’existe pas, le travails des psychiatrisé.es lui existe : une partie des patient·es ayant été incarcéré·es pendant une longue période bénéficient du statut de travailleur·euses handicapé·es et sont orienté·es pour travailler au sein d’ESAT, où le salaire moyen est de seulement 750 euros.
La main-d’œuvre carcérale et psychiatrisée en plus d'être bon marché ne bénéficie pas de droit du travail, ce qui avantage encore les entreprises.
« Le fait que de nombreuses entreprises présentes sur le marché mondial s’appuient aujourd’hui sur la prison en tant que source non-négligeable de profits explique la rapidité avec laquelle ces prisons se sont mises à proliférer alors que les études officielles montraient un taux de criminalité en baisse. » Angela Davis
La lutte anti-validiste doit être anti-carcérale et anti-raciste.
Alors que la désinstitutionnalisation est défendue par pratiquement l’ensemble des militant.es handi.es et anti-psychiatrie (et soutenue par l’ONU), le cas de la prison n'est ni compris ni discuté au sein des luttes anti-validistes blanches en France.
La prison, qui compte un nombre extrêmement élevé de personnes handicapées et poly-handicapées se trouve dans l’angle mort de la lutte anti-validiste française.
Et il y a une explication simple à cela : l'écrasante majorité des détenu·es sont des personnes noires, racisées, des migrant·es, des roms, des sdf et le mouvement anti-validiste français est sans surprise blanc, raciste et classiste.
Prôner la désinstitutionnalisation sans soutenir l’abolition de la prison, c'est promouvoir la criminalisation du handicap, la transinstitutionnalisation** et l’incarcération d’un nombre toujours grandissant de personnes noires/racisées/pauvres et/ou handicapées.
Les oppressions systémiques créent et/ou accentuent la précarité et donc par découlement le handicap et la criminalité.
Ainsi les luttes anti-validistes doivent se dresser contre toutes les formes de discriminations (racisme anti-noir.es, classisme, putophobie, transphobie, grossophobie, psychophobie…) et d’exploitations capitalistes (emplois précaires, institutionnalisations, écocides, colonialisme, traite d’êtres humains…) qui amènent les individu.es (en particulier noir.es et racisé.es) à subir la précarité et/ou le handicap ou à se diriger par défaut vers la voie de la délinquance.
*Le terme homme est utilisé ici en tant que catégorie sociale
** Un processus par lequel des individu.es, soi-disant désinstitutionnalisé.es en raison des politiques de soins communautaires, se retrouvent dans des institutions différentes. Par exemple, les personnes qui sortent des hôpitaux psychiatriques ou qui n'y sont plus admis.es se retrouvent fréquemment dans des prisons, foyers, établissements médico-social, maisons de retraite...
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La folie est une construction sociale
(Et un outils d'oppression psychophobe)
Qu'est ce que la folie ?
La folie est un terme polysémique mais globalement elle représente la marginalité, l'anormalité, l'irrespect des règles sociales établies.
Dans son sens philosophique la folie est définie comme l'incapacité pour une personne de penser, d'agir et de se comporter comme les autres. Ce stéréotype tend à regrouper toutes les pathologies psychiques en une forme unique, une espèce commune, connotée négativement. Alors qu'elle est stigmatisée, au sein des groupes minorisés. Elle est parfois valorisée comme si elle dévoilait une profondeur cachée, une sagesse supérieure ou du génie mais uniquement lorsqu'il s'agit d'homme blanc cisgenre, hétéro riche ou reconnu socialement.
Troubles mentaux ≠ Folie.
Il faut différencier les troubles et les maladies mentales de la folie.
Les maladies et les troubles mentaux sont des “réalités” scientifiques et médicales qui servent au diagnostic. Alors que la folie est une construction sociale, qui se mesure selon l'irrespect plus ou moins marqué des codes sociaux dominants. On peut être considéré.e comme fou.olle et n'avoir aucuns problèmes psychologiques. Et inversement, on peut avoir des problèmes psychologiques et ne pas être considéré.e comme fou.olle. Par exemple, les homosexuels/ transgenres/lesbiennes/féministes/colonisé.es/ handicapé.es/gros.ses/racisé.es... sont selon l'époque, le lieu, le climat social et politique considéré.es comme inadapté.es, anorma.ux.les, fou.olles.
Qui sont les fou.olles ?
La folie est une idée qui évolue au fil du temps, qui se façonne au contact de l'environnement social et politique, tout comme la race et le genre...
Ainsi certains groupes de personnes sont fou.olles selon les époques ou le pays où iels se trouvent : Pendant longtemps les sourd.es étaient interné.es dans des instituts psychiatriques car considérés.es comme déficient.es intellectuellement et incapables de s'intégrer socialement. Pour de nombreu.x.ses autistes et personnes neuroatypiques la même chose est toujours d'actualité. L’hystérie, aussi appelée “maladie de l’utérus”, a longtemps été diagnostiquée comme une névrose chez des fxmmes dont les comportements ne correspondaient pas à ce que la société patriarcale attendait d’elleux, et concernant donc souvent les féministes, les lesbiennes ou les hommes transgenres. Elle ne sera retirée de la classification internationale des maladies qu'en 1952.
Les fou.olles sont toujours les margina.ux.les, celleux qui vivent, s'expriment, se comportent différemment de ce que le système attend d'elleux.
Durant l'époque coloniale, les colonisé.es accusé.es de perturber "l’ordre public colonial" se retrouvaient si ce n'est en prison, interné.es au sein d'asiles coloniaux qui virent le jour dès le début du XIX e siècle, avec l'essor institutionnel de la psychiatrie coloniale. Alors que l'OMS n'a dépsychiatrisé l'homosexualité qu'en 1990, il faudra attendre le 1er janvier 2022 pour que la transidentité ne soit plus considérée comme une pathologie mentale dans la classification internationale des maladies.
Catégoriser pour mieux stigmatiser.
L'utilisation de termes de la même famille que le mot folie est un moyen de catégoriser et donc de stigmatiser davantage les populations déjà oppressées.
i Les mots hystériques, sauvages, assisté.es, mongolien.nes, zoulou.es, incivilisé.es, sourdingues, malades , bêtes, teubés, idiot.es, attardé.es...sont autant de synonymes du mot fou.olles qui cachent à peine le sexisme, le colonialisme, le classisme, le racisme, le validisme, l'agisme et le spécime qui en sont à l'origine. Ces mots sont des étiquettes posées sur des individu.es à partir desquels se construisent progressivement des catégories de plus en plus différenciables et donc stigmatisables. Et ces termes psychophobes nourrissent les oppressions systémiques. Toutefois la réappropriation par certain.es de ces termes qui visaient à les oppresser peut-etre un moyen d'émancipation.
La psychophobie : moyen d'oppression extreme.
Dans le paradigme psychophobe : une personne classifiée comme folle ne peut pas prendre de décisions censées, une certaine forme d'autorité se doit donc de décider pour elle.
La folie prétendue de certains groupes permet de justifier la colonisation, l'esclavage, le sexisme, la transphobie, le racisme...
Dans le paradigme psychophobe : une personne classifiée comme folle ne peut pas prendre de décisions censées, une certaine forme d'autorité se doit donc de décider pour elle. Ainsi, les colonisé.es n'étaient pas assez civilisé.es pour s'occuper elleux-même de la politique et de l'économie de leurs pays. Les femmes pas assez équilibré.es pour voter, acquérir l'autonomie corporelle, avoir des postes à responsabilités ou être cru au sujet des violences sexuelles qu’elles aurait subis. Les personnes transgenres pas assez stables ou rationnel.les pour transitionner sans l'avis d'un.e psychiatre (et sans l'accord parental pour les mineur.es), fonder une famille ou changer de nom ou d'état civile sans passer par de multiples procédures... Les enfants intersexes pas assez matures pour que l'on respecte leur droit à l’autodétermination et leur intégrité physique.
La psychophobie moyen d'oppression extreme.
Sous prétexte de vouloir conserver un certain ordre social et à force de pathologisation on retire à toute une partie de la population l'accès à l'autonomie corporelle et l'autodétermination (justice reproductrice, traitement hormonal, soins, accès à l'information, intégrité physique, mariage pour toustes, éducation...) qui sont les fondement même de tout droits humains.
Et bien plus grave, on retire aux fou.olles leurs libertés individuelles avec des mesures de privations de libertés : emprisonnement, astreinte à résidence, interdiction de se déplacer, hospitalisation sans consentement, stérilisations, interdiction du droit de vote etc...
Sources
"La surdité, quelle histoire !" Christophe Dodier Surdité et santé mentale (2013), pages 45 à 50
"Histoire de l'hystérie, cette excuse pour contrôler les femmes" Elise Lambin, rédactrice Feminists in the City (Mai 2021)
René Collignon, « La psychiatrie coloniale française en Algérie et au Sénégal : esquisse d'une historisation comparative », Revue Tiers Monde, 2006 (n° 187), p. 527-546.
Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans- solidarites-sante.gouv.fr (Janvier 2022)
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Racisme anti-noir.es et santé en France :
L’importance des statistiques ethniques.
Dans un Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, l’ONU incitait la France (il y a presque deux ans déjà) à recourir aux statistiques ethniques afin de lutter contre la xénophobie et le racisme d’État.
Aujourd’hui, la France n’autorise toujours pas la prise en compte des catégories ethno-raciales et laisse planer le doute sur les conditions de santé des noir.es et des racisé.es en France.
Souvent “L’usage criminel du fichier juif par le régime collaborationniste de Vichy à été invoqué pour justifier le refus des catégorisations renvoyant à l’origine des personnes”.
Certain.es pensent que l’instauration de statistiques éthniques pourrait conforter le discours raciste et xénophobe des partis d’extreme droite et raviver le souvenir douloureux d’une France antisémite et nazie.
Mais selon l’ONU elles sont essentielles pour “remédier à la culture du déni” en mettant en lumière l’aspect systémique du racisme et de la xénophobie.
Car les statistiques ethniques -interdites (ou extrêmement encadrées) en France par la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978- pourraient offrir des preuves tangibles et chiffrées des conséquences du racisme sur la santé des racisé.es afin que l’on n’ait plus à se reposer uniquement sur des ressources testimoniales.
La demande d’autorisation de statistiques ethniques est beaucoup défendue par celleux qui souhaitent dénoncer le racisme des institutions françaises, notamment des forces de l’ordre et de la police.
Mais pas uniquement : le racisme anti-noir.es touche à tous les aspects de la vie sociale et économique des noir.es et les statistiques ethniques sont essentielles -voire vitales- pour elleux à tous les niveaux, notamment en ce qui concerne la santé.
Ne pas vouloir faire face.
Des chiffres représentatifs de l’accès aux soins, de la qualité des prises en charge mais aussi de la disparité de l’espérance de vie et de la prévalence de certaines maladies chez les noir.es seraient essentiels pour fournir un lecture juste de la conditions des noir.es en France.
Aux États-Unis où les statistiques ethniques sont autorisées, des études mettent en lumière les disparités raciales qui touchent les domaines de la santé, des maladies et du handicap...
Notamment une étude menée par le The Office of Minority Health qui démontre que les noir.es sont généralement plus à risque que les blanc.hes de souffrir de maladies cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux, de cancer, d'asthme, de grippe et de pneumonie, de diabète et de VIH/sida. D’autres études indiquent que les noir.es américain.es ont deux à trois fois plus de risque de mourir durant un accouchement que les blanc.hes et que les enfants noir.es sont 18% plus susceptibles que les enfants blanc.hes d'avoir des complications des suites d’une opération et trois fois plus susceptibles d’en mourir.
Le système de santé français, diffère du système de santé américain (principalement du fait de l'absence de couverture santé universelle aux États-Unis) mais les défis auxquels ils sont tous deux confrontés en termes de racisme systémiquesont en partie similaires. Pourtant en France, l’absence de chiffres empêche d’établir des corrélations avec les chiffres étrangers.
De plus la rhétorique universaliste bien française du “on ne voit pas les couleurs”, qui justifie cette absence de donnée à un coût pour les noir.es, pour qui “l'invisibilisation raciale” sous couvert d'égalité, silencie la violence des oppressions dont iels sont victimes.
Comme le disait le militant noir américain Julien Bond “Être aveugle à la couleur, c’est être aveugle aux conséquences de la couleur”.
Pour lutter contre le racisme présent au sein du système de santé français, il faut pouvoir prouver qu’il existe bel est bien, et donc mettre en évidence les discriminations vécues par les individu.es en fonction de leurs couleurs de peau, en matière de santé.
Selon la statisticienne Monique Meron, là où “les statistiques sexuées ont permis de mettre en évidence certaines discriminations vis-à-vis des femmes et d’appuyer les luttes contre ces inégalités, des statistiques sur la diversité seraient donc attendues pour mesurer les discriminations [...]. ”
Recensement ethniques et échantillonnages.
En France les défenseur.sses des statistiques ethniques se trouvent dans deux camps politiquement opposés. À gauche, les revendications portent principalement sur la nécessité de proposer des études statistiques à partir d’échantillons de personnes sur la base de leurs origines ethniques afin de prouver l’ampleur du racisme systémique qui sévit au sein des institutions françaises. Alors qu’à droite il y a celleux qui souhaitent prouver qu’un “grand remplacement” à bien lieu grâce à des recensements ou “fichiers ethniques” qui fourniraient des chiffres sur l’immigration...
L'interdiction des statistiques ethniques n'empêche pas la manipulation des chiffres par les médias et les politiques qui tiennent des discours xénophobes et racistes, comme certain.es l'affirme, mais permet au contraire l’ instrumentalisation politique et électorale du doute et de l’absence de données. Cette interdiction nuit autant au principe d'égalité qu'il sert les discours racialistes en avantageant la droite.
Selon le sociologue et politologue Vincent Geisser il faut «faire clairement la distinction entre l’établissement de “fichiers ethniques” qui sont et doivent demeurer proscrits et sévèrement réprimés par la loi (“loi cnil” de 1978, révisée en 2004) et l’utilisation de catégories temporaires construites à des fins d’enquêtes sociologiques garantissant l’anonymat.»
Les deux camps n’ont ni les mêmes demandes, ni les mêmes objectifs et l’interdiction des recensements ethniques ne devrait pas faire obstacle à l’autorisation d'échantillonnages ethniques à des fins statistiques.
Une question de santé publique.
Le débat n’est pas seulement social, il est aussi sanitaire. L’autorisation des statistiques ethniques permettrait de mettre en place des actions de prévention, mais aussi des politiques publiques de santé et d’organisation des soins et du système de santé où la race serait prise en considération.
Car le racisme et les oppressions systémiques ne s'arrêtent pas aux portes des hôpitaux. On l’a vu notamment avec la pandémie du Covid, qui fut particulièrement violente pour les minorités et à mis en évidence le classisme, le validisme, l'âgisme, la xénophobie ainsi que le racisme d’État en France et partout dans le monde.
Les noir.es ont été beaucoup plus touché.es par la pandémie, avec un taux de mortalité deux à trois fois supérieurs à celui des blan.ches selon une étude américaine et une étude anglaise. Ces disparités, dues aux conditions structurelles inhérentes au racisme d'État n’ont pas pu être avancées en France, faute de statistiques ethniques.
Et aucunes mesures particulières n’ont donc pu être mises en place pour la prise en charge des populations racisées durant la pandémie.
Mais déjà avant le Covid, la mort de Naomie Musenga, avait mis en lumière la différence de traitement, connue sous le terme de “syndrome médittérannéen” dont sont régulièrement victimes les noir.es dans le monde médical.
Une nouvelle fois l’absence de statistiques nous empêche de prouver que les mauvais traitements réservé aux patient.es noir.es ne sont pas des cas rares et isolés commis par un personnel négligeant mais que ce sont au contraire des actes qui s’inscrivent bel et bien dans une dynamique de racisme systémique.
Sources :
1. Conseil des droits de l’homme-Quarante-septième session- 21 juin-9 juillet 2021 Points 2 et 9 de l’ordre du jour “Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général”
https://undocs.org/fr/A/HRC/47/53
2. Pfefferkorn, R. (2019). Retour sur la controverse française autour des « statistiques ethniques ». Raison présente, 211, 5-15. https://doi.org/10.3917/rpre.211.0005
3. Office of Minority Health Resource Center. “Profile: Black/African Americans.” Black/African American - The Office of Minority Health, 22 Aug. 2019, www.minorityhealth.hhs.gov/omh/browse.aspx?lvl=3&lvlid=61.
4. Petersen EE, Davis NL, Goodman D, et al. Racial/Ethnic Disparities in Pregnancy-Related Deaths — United States, 2007–2016. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2019;68:762–765. DOI: http://dx.doi.org/10.15585/mmwr.mm6835a3
5. Olubukola O. Nafiu, Christian Mpody, Stephani S. Kim, Joshua C. Uffman, Joseph D. Tobias; Race, Postoperative Complications, and Death in Apparently Healthy Children. PediatricsAugust 2020. Race-Postoperative-Complications-and-Death-in
6. Meron, M. (2009). Statistiques ethniques : tabous et boutades. Travail, genre et sociétés, 21, 55-68. https://doi.org/10.3917/tgs.021.0055
7. Geisser, V. (2007). “Statistiques ethniques”, statistiques éthiques ?. Migrations Société, 114, 3-11. https://doi.org/10.3917/migra.114.0003
8. Vasquez Reyes M. The Disproportional Impact of COVID-19 on African Americans. Health Hum Rights.
2020 Dec;22(2):299-307. PMID: 33390715; PMCID: PMC7762908. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7762908/
9. White,C & Nafilyan, V. Coronavirus (COVID-19) related deaths by ethnic group, England and Wales: 2 March 2020 to 15 May 2020.
https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/deaths/articles/coronaviruscovid19relateddeathsbyethnicgroupenglandandwales/2march2020to15may2020
10. LE BRETON David, « Éthique des soins en situation interculturelle à l'hôpital », dans : Emmanuel Hirsch éd., Traité de bioéthique. II - Soigner la personne, évolutions, innovations thérapeutiques. Toulouse, Érès, « Espace éthique - Poche », 2010, p. 106-119. DOI : 10.3917/eres.hirsc.2010.02.0106.
https://www.cairn.info/traite-de-bioethique-2--9782749213064-page-106.htm
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Définition du Validisme par Talila Lewis
Traduction de la définition du Validisme de Talila Lewis, en cours de développement.
Publiée en 2022 et développée avec des personnes noires et racisées handicapées.
Validisme (va.li.dism\nom)
Système d'attribution de valeur au corps et à l'esprit des personnes basé sur des idées sociétales de normativité, de productivité, de désirabilité, d'intelligence, d'excellence et de forme physique. Ces idées construites sont profondément enracinées dans l'eugénisme, le racisme anti-noir.es, la misogynie, le colonialisme, l'impérialisme et le capitalisme.
Cette oppression systémique conduit les populations et la société à déterminer la valeur des personnes en fonction de leur culture, de leur âge, de leur langue, de leur apparence, de leur religion, de leur lieu de naissance ou de leur lieu de vie, de leur "santé/bien-être" et/ou de leur capacité à (se) re/produire de manière satisfaisante, à "exceller" et "se comporter".
Vous n'avez pas besoin d'être handicapé.e pour faire l'expérience du validisme.
La définition originale peut-être consulté sur le blog de l'ingénieur.e en justice sociale Talila A. Lewis.
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