Journaliste toujours accompagnée d'un carnet pour gribouiller mes idées et d'un micro pour capter le monde qui m'entoure. Bienvenue dans mon bric-à-brac d'articles.
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Bienvenue dans ChitChat Podcast ! Le principe est simple : je reçois, sur mon canapé, un.e de mes ami.es pour discuter, papoter d'un sujet. Finalement, c'est ce que l'on fait presque tout le temps mais cette fois-ci c'est enregistré pour le partager avec vous. J'espère que ces conversations vous plairont, vous permettront de vous identifier ou de vous questionner. Si vous voulez réagir aux épisodes ou bien suivre la sortie des prochains, n'hésitez à vous abonner au compte Instagram @chitchat_lepodcast.
💛 Saison 1, des conversations sur l’amouuuuur
Un podcast pensé et animé par Julie Plouvier. Habillage sonore réalisé par 440 Hz.
Tous les épisodes de ChitChat sont à écouter sur Spotify & Deezer
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Bob, la plonge
« Bob, c’est l’icône kabyle de la cuisine ». Les mots de Pierre Gagnaire pour décrire Boualem Chiter, 55 ans, dit Bob plongeur dans les cuisines de ce chef auréolé de 16 étoiles.
L’histoire commence au tout début des années 1990, Bob a alors 25 ans et vient tout juste d’arriver en France, ses souvenirs algériens dans les valises. Il s’installe à Saint- Etienne et passe un jour, par hasard, devant le 7 rue de la Richelandière. Un chantier en est à ses débuts pour transformer un bel hôtel particulier en restaurant gastronomique. Bob, en pleine recherche de travail, saute sur l’occasion : il appelle et propose ses services. Il devient alors plongeur aux côtés de Pierre Gagnaire. Les deux hommes ne se quitteront plus.
Bob suit le chef lorsque la Richelandière fait faillite malgré ses trois étoiles et que Pierre Gagnaire décide de monter à Paris trouver une renaissance. Le plongeur reste dans son ombre, comme un repère, une figure immuable de sa cuisine. Hervé Parmentier, directeur de la salle du restaurant parisien rue Balzac, dit de lui en rigolant, « Bob, quand ils ont construit la cuisine, il était déjà là ».
Car le métier de plongeur est essentiel. C’est lui qui lave les ustensiles utilisés par les cuisiniers avant et pendant le service ; qui maintient la cuisine propre et qui parfois aide à la préparation des plats en épluchant les légumes par exemple. Si le chef quitte ses cuisines un instant, cela n’empêche pas ces dernières de tourner. Mais si le plongeur s’absente, la machine bien huilée se grippe facilement et à coup sûr.
Bob est donc bien en place depuis toutes ces années. Calme mais actif, discret sans être effacé, bien intégré dans le brouhaha des cuisiniers. De nombreux apprentis l’interpellent avec un respectueux mais affectif « papa ». Bob, c’est le chef d’un espace de quelques mètres carrés composé d’un évier, d’une poubelle, d’un lave-vaisselle et d’une multitude de rangements où s’entasse une vaisselle propre et rangée.
Nous avons rendez-vous avec cette force tranquille vers 19h au 6 rue Balzac. Pour plonger le temps d’un service dans l’un des rouages les plus importants d’une cuisine étoilée.
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Maltraitances médicales : mieux vaut enfouir que guérir
par Arthur Quentin & Julie Plouvier 28.11.2021
Du manque de considération à l’atteinte à l'intégrité physique, nombreux sont les ressentis de violences médicales. Une violence qui survit grâce à une omerta et un flou juridique. Toutefois, les lignes commencent à bouger.
30 mai 2014. Bien installée dans une salle de naissance à l’hôpital de Nantes, Morwenna a 20 ans. C’est son premier enfant et la jeune femme tient à accoucher naturellement. Mais à son bras une perfusion lui transmet des antibiotiques et de l’ocytocine. Cette hormone stimule les contractions pour déclencher ou accélérer le travail. Or ces dernières sont souvent plus douloureuses ce qui entraîne un recours à la péridurale. Morwenna n’en souhaite pas mais l’équipe médicale insiste. « Je commençais à être fatiguée et j’avais mal alors j’ai fini par céder ». Mais la douleur ne diminue pas, au contraire, la jeune femme sent son corps exploser. « Quelque chose ne va pas », répète-t-elle plusieurs fois. Mais on la rabroue : « vous faites peur aux autres mamans à hurler comme ça, appuyez sur la péridurale et c’est tout ».
Elle se rendra compte plus tard, lors du changement d’équipe, que ses douleurs n’étaient pas « dans sa tête » car la péridurale avait été mal branchée. Les contractions sont désormais là toutes les minutes et elle sent qu’elle doit pousser. « Ils ne m’ont pas écouté, ils sont partis mais le bébé est arrivé ». En effet, la tête a commencé à pointer, « je l’ai bloquée avec mes jambes et le papa est parti en urgence chercher les infirmières ». L’accouchement se termine normalement mais cette étrange sensation de problème ne quitte pas Morwenna qui sent qu’elle doit pousser, encore. Deux gros caillots de sang sortent alors. « C’était ça le problème que je ressentais depuis le début », conclut la jeune femme.
Elle regrette amèrement cette absence de considération de la part des équipes médicales. « Je pense qu’on est les premiers à savoir ce qui se passe dans notre corps. On ne peut pas toujours mettre des mots dessus mais ça peut aiguiller les docteurs ». Parmi la trentaine de témoignages reçus pendant l’enquête, c’est ce qui ressort. « Je me suis senti comme un objet pour lui », décrit Laura* après un rendez-vous gynécologique. « Je n’étais qu’une statistique », se rappelle Marc* suivi pour un cancer des reins.
La non-écoute, le nerf de la guerre
Rendre plus humaine la relation entre le soigné et le soignant c’est le combat de la professeur Odile Rauzy, cheveux courts et grosses lunettes carrées. Pour cette docteure spécialiste de médecine interne, « le médecin et le patient sont des partenaires ». Alors pour mettre en pratique cette conviction, elle dispense des cours d’empathie et de pédagogie aux étudiants de médecine à l’Université Paul Sabatier de Toulouse.
Lundi 22 novembre, nous assistons à une session d’entretien-diagnostic à l’institut toulousain de simulation en santé. Nous nous dirigeons vers les bas-fonds du CHU et arrivons dans une copie conforme d’un service hospitalier. Dans une des salles, Abdel est face à Valentine. Le premier est un comédien, aujourd’hui il joue un patient qui se plaint d’une douleur dans le bas de dos. La seconde est une étudiante de quatrième année. Son objectif : conduire l’entretien afin d’établir un diagnostic. Abdel est rompu à l’exercice, il fait ça depuis cinq ans. « Je les aide à se rendre compte qu’il y a des gens dans les corps ». En effet, ici ce ne sont pas les connaissances médicales qui sont jugées mais la gestion de l’humain. Car pour Odile Rauzy, « l’empathie n’est pas dangereuse pour un médecin ».
Mais ces cours survivent-ils à la réalité du terrain ? Car 80% de la formation des étudiants se fait en milieu hospitalier au contact des médecins. En effet, ils ont jusqu’à cinq stages par an. Et là, c’est un peu comme jouer au loto : « il y a les médecins qui aiment le patient et ceux qui aiment le diagnostic », théorise Ashley*, étudiante en septième année de médecine.
Si la jeune femme n’a pas été témoin de violences physiques faciles à objectiver, elle parle surtout de « brutalité dans les visites professorales ». Pendant ces dernières, tous les stagiaires, internes et médecin référent passent de chambre en chambre. « Ça peut être hyper impressionnant pour le patient car on arrive parfois à sept ! », décrit Ashley. La plupart du temps, la visite se passe bien : tout le monde se présente et une discussion s’engage. Mais parfois - et plus qu’on ne le pense - le médecin se concentre uniquement sur les externes. Le patient n’est plus alors qu’un cas d’étude.
L’étudiante a de nombreuses fois voulu dénoncer ce genre de comportement. «Mais c’est ton chef et si tu parles tu signes ton arrêt de mort. Il se pense super-héros et se drape dans une cape qui n’est en réalité qu’une blouse blanche », s’emporte la jeune femme qui impuissante, ne peut que sourire au patient.
“On est habitués à ne pas contredire un spécialiste”
Le malade peut aussi ressentir cette position de chef intouchable. Julien* a vu sa fille de quatre ans subir des violences physiques de la part d’un spécialiste dentaire. Les dents de Marie* s’effritaient mais la petite refusait d’ouvrir la bouche, par appréhension. Un rendez-vous est donc allé jusqu’à la contrainte. Trois soignants se sont retrouvés autour de la jeune fille : l’un lui tenant les jambes et les deux autres forçant l’ouverture de sa bouche, déjà très abîmée. Julien et sa compagne sont tétanisés. « On est habitués à ne pas contredire un spécialiste. Le temps de comprendre que malgré qu’il soit médecin, c’est une violence : c’est long », raconte le père. Il faudra encore un an à Marie pour reprendre confiance et se faire soigner.
Pour Benjamin Derbez, cette inertie face à un médecin découle d’une construction sociale. « Il y a d’un côté un acteur vulnérable, dans une situation de dépendance. Et de l’autre un acteur qui a les connaissances et les compétences pour l’aider », explique ce sociologue de la santé. Cette relation asymétrique est encadrée par la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, couramment appelée loi Kouchner. Dans son article 3, elle insiste sur le fait que la personne malade a le « droit au respect de sa dignité ». Marie Bellen-Rotger, avocate au barreau de Toulouse, s'appuie sur cet article pour tenter de définir une violence médicale. « Cela commence très tôt. Ça peut être le fait qu’on nous parle peu, nous infantilise ou ne nous explique pas bien », développe cette spécialiste en droit du dommage corporel.
Hélène* a déjà ressenti une telle atteinte à sa dignité. Suivie depuis douze ans pour un cancer des ovaires, elle a subi de multiples opérations. Après de longues heures passées au téléphone, elle se livre sous couvert de l’anonymat et est presque surprise d’avoir autant d’histoires de maltraitance à raconter. Comme Ashley, elle a peur de possibles représailles car elle est toujours suivie dans le même hôpital.
La quinquagénaire vient d’avoir une énième lourde opération au bas ventre et le sang perle sur l’une de ses cicatrices. Le chirurgien vient donc pour la recoudre et se dit surpris de la qualité des autres et l’interroge. Mais Hélène ne se sent pas à l’aise. « Je veux garder mes trucs de sorcières pour moi », plaisante-t-elle. Devant l’insistance du chirurgien, elle finit par évoquer l’Aloé Vera. « Et il se met à éclater de rire une aiguille à la main », se souvient-elle, indignée. Six ans après l’incident, l’émotion est encore palpable dans sa voix.
La zone grise
Hélène a vécu ce moment comme une vraie maltraitance. Mais aurait-elle pu porter cette affaire en justice ? Pas vraiment, pour l’avocat en dommage corporel Denis Benayoun. « Quand on parle de violence médicale, l’appréciation factuelle du patient et la notion juridique en elle-même sont rarement sur le même terrain » explique ce juriste esthète, affublé d’une paire de lunettes turquoise dont le verre droit est rond, l’autre carré.
Magali Bouteille, maître de conférence en droit privé à l’université du Mans le rejoint « le terme violence médicale ne renvoie pas à grand-chose juridiquement». Mais l’auteure de Les indispensables du droit médical se livre tout de même à une tentative de définition. Elle explique que le médecin détient « le monopole de l’atteinte légitime au corps humain. Un monopole qu’il ne peut exercer qu’à deux conditions : en cas de nécessité et s’il a le consentement du patient. En dehors de ces clous, il y a violence ».
Cette deuxième exigence est une notion fondamentale du droit des patients qui a dû être renforcée en France à travers la loi Kouchner. Celle-ci consacre le consentement “libre et éclairé”. Le médecin se doit d’expliquer suffisamment clairement au patient sa maladie et le bénéfice-risque du traitement pour qu’il sache précisément à quoi il consent. Si le médecin déroge à cela, c’est un manquement au devoir d’humanisme. Un patient peut alors tout à fait engager une procédure civile contre lui. Mais parfois dans ces situations, la relation asymétrique observée entre les deux lors du rendez-vous médical se perpétue.
David contre Goliath
Pour Maître Bellen-Rotger, ce type de procédure s’apparente presque à un combat. « C’est très éprouvant puisque la personne est généralement en situation de convalescence. Et puis il est ardu de s’attaquer aux médecins et institutions qui derrière ont leur assurance couvrant les frais, tandis que le patient doit les payer lui-même ». Installé dans un des fauteuils en cuir type “Le Corbusier” qui ornent son cabinet cossu du centre-ville toulousain, Maître Benayoun se veut plus nuancé car « si la responsabilité du tiers est consacrée, il y a une prise en charge de tous les frais », déclare celui qui estime que plus de trois quarts des procédures qu’il mène aboutissent à des indemnisations.
Ces actions en justice sont toutefois techniques : le plaignant doit se constituer un dossier pour prouver l’existence du dommage qu’il a subi ainsi que la faute du médecin. Pour cela il lui faut notamment récupérer son dossier médical, ce qui est tout à fait légal en vertu de l’article 1111-7 du code de la santé publique. Mais c’est parfois compliqué. Morwenna raconte l’avoir demandé six mois après son accouchement « simplement pour savoir ce qui s’était passé ». Mais l’hôpital lui aurait refusé sous prétexte que « seul le médecin traitant pouvait en faire la demande »… De nombreuses fois sollicitée, la direction du CHU de Nantes n’a pas voulu nous répondre.
L’Ordre des médecins, une “IGPN de la santé”
Outre la procédure auprès d’une juridiction civile qui a une visée essentiellement indemnitaire, une victime de maltraitance médicale peut saisir l’Ordre des médecins. Cet organisme privé financé par l’adhésion obligatoire des quelque 200 000 médecins en France, est chargé d'assurer la régulation déontologique de la profession. Mais il est controversé.
Les chambres disciplinaires chargées de reconnaître la faute d’un médecin lors d’un litige avec un patient sont elles-mêmes composées de médecins (et présidées par un magistrat administratif). Une organisation qui laisse suggérer à Bernard Coadou, ancien médecin aujourd’hui à la tête d’un collectif pour la dissolution de l’Ordre, que ce dernier est une « sorte d’IGPN de la santé ». En décembre 2019, un rapport au vitriol de la Cour des comptes lui donne presque raison. Il fait état d’un « traitement des plaintes des patients non assuré avec suffisamment de rigueur ». Contacté pour réagir sur ce point, l’Ordre des médecins renvoie vers sa réponse de l’époque reprochant à ce rapport de «n’avoir pas reconnu [leur] engagement dans une transformation profonde avec un objectif de modernisation institutionnelle ».
Les violences médicales ne sont pas des cas isolés. Il est cependant difficile de les comptabiliser car difficile à caractériser. Du côté de l’Etat, aucune enquête globale ne semble être en cours. L’Observatoire national des violences en milieu de santé publie certes chaque année un rapport mais ce dernier ne se focalise quasiment que sur celles commises sur le personnel soignant.
Un type de violence commence néanmoins tout juste à sortir de l’omerta : celles sexuelles. Sonia Bisch, présidente de l’association Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques, parle de plus de 3 600 témoignages reçus en un an et demi. Un chiffre qui ne surprend pas au vu des derniers scandales parus dans la presse. Le dernier en date : début novembre trois nouvelles plaintes pour viol visent Emile Daraï, gynécologue spécialiste de l’endométriose à l’hôpital Tenon de Paris. Elles s’ajoutent aux trois déjà en cours et plus de 150 signalements.
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Restaurants virtuels pour profits bien réels
par Sabrina El Mosselli, Sacha Tisic, Julie Plouvier 04.12.2020
La crise sanitaire est un accélérateur de repas livrés à domicile ou au travail, un marché de plus de 3 milliard d’euros. Les champions de la livraison Deliveroo et Uber Eats en profitent pour développer des restaurants virtuels, sans table ni chaise.
Il est midi, c’est le coup de feu des livreurs franciliens à vélo. L’emblématique sac carré sur le dos, le smartphone vissé au guidon, ils pédalent comme des fous pour livrer au plus vite des plats divers et variés. Et notamment, sushis et pokés boll de chez Yoobi, restaurant londonien installé en France début 2019. Installé ? Pas vraiment. Dans l’hexagone, il est possible de déguster les mets japonais de ce restaurant uniquement en livraison. Yoobi est domicilié au 13 rue Latérale à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Or derrière cette adresse se cache le géant britannique Deliveroo qui ne se contente plus de livrer des repas mais a créé de toutes pièces des restaurants virtuels.
Les dark kitchen, également appelées cloud kitchen (cuisine virtuelle) ou ghost kitchen (cuisine fantôme), sont des restaurants sans table ni chaise mais dotés d’une grande cuisine et sont conçus uniquement pour la livraison. Du pain béni pour Deliveroo et Uber Eats qui peuvent ainsi asseoir un peu plus leur hégémonie sur le marché de la livraison de repas. “Aujourd’hui, 6% des restaurants référencés sur Uber Eats sont des restaurants virtuels”, indique Manon Guignard, porte-parole de Uber Eats France. Un pari pour l’entreprise américaine dont la filiale française finissait 2019 dans le rouge, avec un déficit de près de 35 000 €. Du côté de Deliveroo France et ses 2,7 millions d’euros de bénéfice, environ 200 restaurants sur les 15 000 partenaires entrent dans cette catégorie.
Un concept, plusieurs réalités
Imaginez, un restaurateur désireux de créer de nouveaux plats. Il peut les ajouter à la carte de son restaurant ou bien lancer une marque virtuelle, présente uniquement sur les plateformes de livraison. “En 2019, on a reçu un mail de Uber Eats nous incitant à développer ce genre d’initiatives”, raconte Quentin Lacointa, co-gérant de La Manufacture, chaîne de pizzerias toulousaines. Séduit, il lance alors L’Ora della Pizza, Pasta Madre et Salads and the city. Le consommateur trouve ainsi trois marques distinctes sur l’application mais les produits sont tous confectionnés dans les mêmes cuisines. “Ça permet d’amortir les coûts fixes, ce n’est que du bonus”, assure-t-il. Depuis 2019, lui et son associé ont lancé cinq marques virtuelles et deux sont dans les tuyaux.
Autre cas de figure. Un restaurateur veut étendre son rayon de livraison, limité par la situation physique de son établissement. Il souhaite donc fidéliser une nouvelle clientèle. Pour cela, il peut avoir recours à une dark kitchen. À l’image de la trattoria Tripletta, désormais incontournable à Paris et sa petite couronne grâce à Deliveroo. L’enseigne a pris ses quartiers au sein des sites Editions de Saint-Ouen et Courbevoie. “Ça nous permet de couvrir des zones de livraison plus larges, tout en bénéficiant de la notoriété de notre restaurant physique”, atteste Ines Laygoni, responsable d’établissement chez Tripletta. Une enseigne qui s'apprête à ouvrir une nouvelle dark kitchen à Vincennes. “On réduit les coûts, pas de personnel à payer en salle, on fait des économies d’échelle”, fanfaronne Ines Laygoni. Et la qualité dans tout ça ? La responsable est claire, les produits sont similaires. Que ce soit en virtuel ou dans leurs restaurants physiques.
La recette dark kitchen
Une seule cuisine, un seul staff, plusieurs marques virtuelles. Voici l’histoire de l’entreprise sobrement dénommée Dark Kitchen. Jean Valfort, Charles Drouhaut et Jean-François Monfort, les fondateurs sont propriétaires de quatre adresses parisiennes en 2015. Ils veulent alors se lancer dans la livraison. “Nous sommes alors le troisième restaurant à Paris à nouer un partenariat Uber Eats”, précise Charles Drouhaut. Mais l’expérience n’est pas concluante : les plats et le packaging ne sont pas adaptés et l’arrivée des livreurs avec le k-way trempé gêne les clients en salle. Néanmoins les trois entrepreneurs ne veulent pas rater l’eldorado naissant de la livraison : ils achètent alors un local dans le XVème arrondissement et lancent une marque de burgers. Ça fonctionne ! Avec les mêmes ingrédients, quelques ajustements mais toujours dans la même cuisine, ils mettent au point des tacos, puis encore des burgers, du poulet braisé et même des poutines, ce plat québécois à base de frites et fromage. Dark Kitchen prospère et s’installe dans cinq locaux à Paris, Bordeaux et Nice. Après seulement une année d’activité, chaque cuisine envoie en moyenne plus de 100 repas par jour. Mais pour connaître ce succès, il faut s’associer à Deliveroo et Uber Eats. Et les deux champions de la restauration livrée prennent une commission d’environ 30% sur chaque commande. “Un pourcentage énorme”, constate Charles, lucide.
Des taux de commission prohibitifs
“Dans la restauration, l'argent doit circuler autour du restaurateur : vers les producteurs et les salariés. Si on paye des commissions énormes aux plateformes, on est dans l’incapacité de le faire et c’est elles qui s’enrichissent”, dénonce Arnaud Lallement, chef triplement étoilé de L’Assiette Champenoise et signataire d’une tribune parue dans le Journal du dimanche le 28 novembre. Celle-ci est signée par 109 acteurs de la restauration qui réclament une réglementation du marché de la livraison, notamment des commissions. Le taux moyen pour une course Deliveroo comme Uber Eats est de 30%. Ainsi, sur un panier moyen de 25€, 7,5€ vont directement dans la poche des plateformes de livraison. Mais la négociation est possible. « Plus tu es performant, plus tu es en position de négocier », assure Arthur Arlet, responsable développement du Kiosque, restaurant toulousain de nourriture vietnamienne. Cet établissement a rejoint l’aventure de la livraison dès son apparition en France en 2018 et possède désormais sa propre dark kitchen.
“Le fait d’arriver avec ce concept nous donne une force de négociation”, assure Arthur Arlet. En effet, pensée et optimisée pour la livraison, une dark kitchen est une promesse de performance. “À Courbevoie et Saint-Ouen, les commissions y sont cependant plus élevées car le restaurant ne paye ni loyer, ni capitaux”, justifie Damien Stéffan, porte-parole de Deliveroo France. Mais alors pourquoi les restaurateurs continuent-ils à s’associer à Deliveroo et Uber Eats ? Parce qu’elles combinent une puissance marketing énorme et des compétences logistiques que seules elles possèdent. “Avant, Deliveroo cherchait à nous séduire, maintenant c’est l’inverse”, analyse Inès Laygoni, responsable d’établissement chez Tripletta. Des propos confirmés par Chloé Bouilloux, cheffe de projet sur la plateforme Resto.Paris : “Deliveroo et Uber Eats entretiennent des rapports de force disproportionnés avec les restaurateurs”. Resto.Paris propose une alternative plus éthique dans la restauration livrée. Ils ne prennent en effet qu’une commission de 1% sur les commandes. Bien loin des 30% des géants du secteur.
La quantité plus que la qualité
Raffaele Targusi possède six restaurants Forno Gusto : trois adresses toulousaines, deux parisiennes et une bordelaise. Il y propose de la street food italienne traditionnelle et artisanale. En 2018, il tente l’aventure dark kitchen et s’installe sur le site Deliveroo Editions à Courbevoie. “Je voulais tester une nouvelle zone. Ça m'a permis d’ouvrir mon premier restaurant parisien à Puteaux”, partage Raffaele. “On a beaucoup appris notamment sur les cadences”. Mais son ton change rapidement. “On m’a déjà piqué des idées. Ce sont des cuisines ouvertes donc le concurrent peut voir notre organisation. C’est aussi pour ça que j’ai décidé de partir”, avoue-t-il.
Les marges perçues sont plus faibles que dans la restauration classique. Il faut donc faire des économies sur d’autres postes de dépenses. Pour autant, Raffaele Targusi refuse de se séparer de son pétrin lorsque Deliveroo lui demande d’utiliser de la pâte à pizza congelée. S’ajoute à cela, la pression du volume : “Il fallait toujours produire plus, je n’arrivais même plus à dormir la nuit”, se remémore le chef.
Les dark kitchen ne connaissent pas la crise
Des jeunes qui livrent des repas mais sont contraints de se nourrir aux Restos du Coeur ? C’est le constat fait par Patrice Blanc, président de l’association sur France Inter en novembre. "Ça m'a tellement choqué”, confie Stéphane Méjanès, journaliste gastronomique indépendant, auteur de la tribune parue dans le JDD.
“Avant, ce job payait bien. Aujourd’hui, je ne pense plus pouvoir en vivre”, témoigne Yvan Bourrut, 32 ans, livreur chez Deliveroo depuis 2016. Sous le statut d’auto-entrepreneur, les livreurs doivent financer eux-mêmes leur matériel et ne bénéficient pas de protection sociale. Yvan a mis huit mois à amortir le vélo électrique dans lequel il a investi. “Les plateformes dévalorisent le métier de livreur, le précarise en les rémunérant à la course sans compter le temps d’attente”, déplore Chloé Bouilloux, cheffe de projet sur la plateforme Resto.Paris.
A l’image des GAFA, ces plateformes ne payent pas d’impôts en France. Et elles bénéficient régulièrement de levées de fonds de plusieurs millions d’euros. En 2019, Amazon a investi 575 millions de dollars dans Deliveroo. “Les plateformes jouent de manière déloyale. Elles reçoivent des millions et les livreurs sont sous-payés”, dénonce Stéphane Méjanès. “Je pense que ces sociétés profitent du fait que personne n'ait le choix, tout particulièrement à l'heure actuelle”, renchérit le chef étoilé Arnaud Lallement. Néanmoins, il se montre confiant quant à l’avenir des restaurants classiques : “Je pense que cette vie de plaisir n'est pas menacée par les plateformes. Une grande occasion se célèbre difficilement devant des plats à emporter”. Il comprend cependant que les dark kitchen puissent séduire les restaurateurs : “Aujourd'hui c'est si compliqué pour un jeune de s'installer. C'est une bonne façon de se tester”.
Après avoir ubérisé les déplacements en ville et l’hôtellerie, les géants de l’internet s’attaquent désormais à la restauration. Leur recette ne change pas. À eux les profits. Leurs sous-traitants devront se contenter de la précarité.
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Coup de jus pour Tropicana
par Arthur Quentin & Julie Plouvier 30.02.2020
Il suffit de traverser le rayon jus de fruit frais d’un supermarché pour s’en apercevoir : Tropicana remplace ses briques cartonnées par des bouteilles en plastique. Dans un monde où le plastique est décrit comme le plus grand fléau environnemental, ce changement peut paraître saugrenu. Brique cartonnée, bouteille en plastique : qui est le “Champion de la Terre” ?
Pomme Framboise, Pomme Kiwi Concombre, Pastèque Carambole et Ananas pressé : voici les saveurs de la nouvelle gamme Tropicana. Lancé par PespiCo France début 2019, cette nouvelle gamme de jus de fruit s’accompagne d’un tout nouveau packaging. Au revoir l’emblématique brique cartonnée, bonjour la nouvelle bouteille 100% plastique PET (polytéréphtalate d’éthylène). Dans un tweet de PepsiCo France daté du 21 février 2019, Anne-Sophie Carrier, directrice de la division Nutrition du groupe, justifie ce tournant ainsi : « Fort de notre savoir-faire et de notre capacité à anticiper les tendances, nous savons que les consommateurs ont de nouvelles attentes et sont en quête de l’équilibre parfait entre plaisir, goût et transparence ». Transparence est le maître-mot de la communication : les consommateurs veulent voir le produit.
En faisant ce changement, Tropicana s’aligne sur ses deux principaux concurrents Andros et Innocent. Mais se place à contre-courant de la tendance actuelle de rejet du plastique. Près de quatre mois après l’annonce, le hashtag #BoycottTropicana fleurit sur les réseaux sociaux. Ni une ni deux, le groupe met à jour son site et propose une FAQ explicative. Avez-vous pris en compte des critères de durabilité lors de la conception de la nouvelle bouteille ? Oui, répond Tropicana en mettant en avant la composition : 50% de plastique recyclé (rPET). Le groupe affiche aussi son ambition de concevoir une bouteille 100% plastique recyclé d’ici à 2021.
Le recyclage, un critère absolu ?
Une chose est sûre, la brique et la bouteille sont toutes les deux recyclables. « Le PET est un des plastiques qui se recycle le mieux et la filière de valorisation des briques alimentaires est correcte », développe Olivier Chollet, membre du collectif Plastic Attack et formateur sur les questions du développement durable.
La brique alimentaire est en réalité une brique multi-matériaux. Elle contient jusqu’à 75% de carton, 20% de plastique et 5% d’aluminium. Le premier est correctement recyclé, les deux aitres le cont dans une moindre mesure. Sur son site, Tropicana assure que les fibres de sa brique sont réutilisées jusqu’à sept fois. Ce chiffre est à prendre avec des pincettes, car le carton utilisé pour fabriquer la brique n’est pas nécessairement ré-utilisé pour fabriquer une brique. Il peut devenir un mouchoir qui, potentiellement, sera valorisé en compost. Et c’est la fin du cycle. Ainsi, parier que le carton aura sept vies est une manière optimiste de voir les choses.
La bouteille est quant à elle transformée en granulés à la fin du processus de recyclage. Ces derniers deviendront une nouvelle bouteille s’ils suivent une économie circulaire. « Si à chaque fois, les granulés sont revendus à Tropicana pour faire des bouteilles, c’est tout bon ! », éclaire Antoine Coves, ambassadeur du tri au centre de Toulouse (Haute-Garonne). En théorie, ce processus peut être répété à l’infini mais en pratique les granulés perdent leurs qualités de transparence et de r��sistance. Des critères essentiels au marketing d’un produit. De plus, si les granulés sortent du circuit et deviennet un jouet par exemple, ce sera la dernière vie du plastique.
La prise en compte nécessaire de la production
Pour mesurer l’impact écologique de ces deux emballages, il est important de ne pas se limiter au recyclage. La grande différence réside dans le coût énergétique de leur production. Selon l’analyse du cycle de vie - une méthode d’évaluation normalisée permettant de calculer l’impact environnemental d’un produit de sa production à sa fin de vie - une bouteille d’ 1,5 litres en plastique PET génère en moyenne 120 grammes de CO2 au cours de son cycle de vie contre moins de 50 grammes pour la brique alimentaire. Avantage donc pour cette dernière. Ces données sont cependant à nuancer car, même si elles permettent de saisir un ordre de grandeur, elles reposent sur un modèle mathématique qui simplifie des situations complexes.
Le principal avantage de la brique multi-matériaux est la certification FSC (Forest Stewardship Council) de son carton qui reprèsente 75% de sa composition. Selon le site officiel, ce label environnemental repose sur des principes dont l’un d’eux est : « la gestion forestière doit maintenir les services écosystémiques et la diversité biologique ». Autrement dit, la forêt est gérée en ressource renouvelable avec un nombre d’arbres plantés croissant et un respect de la biodiversité.
Après avoir dit tout ça, mi-figue mi-raisin serait probablement notre choix de parfum dans la dernière gamme de Tropicana. Difficile de décerner le prix du « Champion de la Terre » : la bouteille en plastique a certes un coût énergétique de production important mais son recyclage est plus intéressant, surtout si le plastique reste en circuit fermé. La brique, de son côté, a une production plus propre mais son recyclage est difficile de par sa composition multiple.
Tropicana n’est pas bavard sur cette transition. Impossible de trouver un interlocuteur volontaire durant nos longs mois d’enquête. Les sites de production adoptent le même discours, celui du silence. Une question reste alors sans réponse : pourquoi le groupe a-t-il entrepris ce changement ? « Les fabricants qui passent d’un emballage à un autre suivent avant tout une logique économique », nous rappelle Olivier Chollet. Intéressant lorsqu’on sait que le nouveau packaging propose une bouteille plus petite de 100 millilitres et plus cher de 72 centimes.
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Pyr, des étoiles dans le ventre
par Julie Plouvier 07.02.2020
Lundi 27 janvier, le Guide Michelin annonce son palmarès 2020. Py-r, restaurant toulousain, figure parmi les nouveaux deux étoiles. Une semaine après la récompense, le chef Pierre Lambinon et son équipe n’en reviennent toujours pas.
L’allégresse d’une deuxième étoile s’estompe-t-elle au fil du temps ? Sept jours après, la décoration décernée par le célèbre guide rouge continue de faire palpiter les cœurs au 19 descente de la Halle aux poissons. « La réaction de la cuisine était impressionnante. Ils n’arrivaient pas à s’en remettre. Ils ne réalisent toujours pas ! », commente Jeanne, cheffe de rang, en repassant les nappes blanches immaculées des tables rondes. « En voyant mon chef à la télé, ça a été un vrai choc. J’ai même pleuré », raconte Paul, second du chef, concentré sur la découpe des topinambours, pièce maîtresse de l’un des dix services du menu dégustation.
Le chef doublement étoilé Pierre Lambinon peine à trouver les mots pour décrire ce frisson singulier. « C’est un mélange d’émotions, on est secoué intérieurement, avance-t-il exaltant, il y a le parterre de 300 chefs, la télé, c’est exceptionnel, encore plus que pour la première étoile. » Cette dernière, le chef l’obtient en 2016, alors âgé de 29 ans. Une jeunesse qui n’a rien de surprenant compte tenu de l’énergie dont il fait preuve. Celle-ci s’épanouit en cuisine où il est bon de ne pas confondre vitesse et précipitation : le chef étoilé dirige son équipe d’une main ferme pour viser la perfection.
Cette récompense a surpris toute l’équipe. « Ce n’est pas ce qu’on cherchait à tout prix », indique Guillaume, également second du chef. Mais à force de travail et d’envie, la jeune équipe, dont la moyenne d’âge est de 25 ans, s’améliore et côtoie l’excellence. « L’effort est fourni sans forcément y prêter attention. Petit à petit la cuisine augmente en intensité et le service suit », explique Théo, le sommelier assistant.
Et maintenant ? « On continue »
À la question de la pression liée à cette distinction, le chef coupe court : « ça fait 33 ans que je l’ai, ça ne va pas changer ». L’agitation qui règne dans la cuisine illustre ses propos : les gestes sont précis, les mouvements optimisés, le dressage des plats se fait à plusieurs mains dans une chorégraphie millimétrée et efficace. Le tout sous l’œil consciencieux et le verbe critique du chef. La machine est bien huilée et l’équipe n’a qu’un objectif en tête : continuer sur cette lancée. « À chaque fois qu’on sort un nouveau plat, on essaie d’être précis et de faire plaisir », décrit Guillaume, les mains dans le merlu.
Le plaisir est la préoccupation centrale du Py-r. « On peut ne pas aimer mes plats mais on ne peut pas m’enlever la volonté de faire plaisir », affirme le chef étoilé. Pour cela, il mise sur l’anticipation des envies de ses clients en modifiant chaque semaine un des dix plats du menu dégustation. Avant le service du soir, il réunit Guillaume et Paul et expose son idée de plat pour la semaine prochaine. « Moi, je commence par la fin : je dis « on va faire ça » et eux ils m’aident à réaliser le’’ça’’. Ils sont plus techniques que moi », explique Pierre Lambinon. Une complémentarité qui jusqu’ici porte ses fruits, aucune raison de changer. La suite ? « La gastronomie, c’est être là au bon moment », philosophe le chef. Et pour le moment, toute l’équipe savoure sa deuxième étoile.
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24 HEURES AVEC GUILLAUME MOMBOISSE
par Julie Plouvier 05.12.2019
À 29 ans, Guillaume Momboisse a un but précis : une deuxième étoile au guide Michelin. Dans la cuisine de son restaurant, au 7 place Saint-Sernin à Toulouse, le chef cuisinier a réussi à instaurer un état d’esprit léger qui ne dessert en rien l’excellence recherchée.
Il est 9 heures. Le ciel est éclatant au-dessus du bâtiment aux volets bleu pastel. Seuls un menu simplement encadré et une plaque rouge synonyme d’une récompense étoilée signalent que cette jolie maison est un restaurant renommé : SEPT. Au rez-de-chaussée, il y a le salon, sobre et élégant. Les murs sont noirs, les tables blanches et le parquet de bois sombre. La décoration se contente avec justesse d’immenses toiles abstraites et de quelques plantes en pot, ici et là. Sur la droite, deux autres salons à la décoration moderne se font face. Au total, 42 couverts possibles mais le chef l’affirme : « Nous bloquons à 30 pour garder la liberté d’aménager comme nous le souhaitons ». Au sous-sol, il y a la pièce maîtresse : la cuisine. Une enceinte émet un beat sur-vitaminé. La brigade s’active en rythme. Guillaume jongle avec les téléphones : le fixe pour les réservations, le smart pour les livraisons. « C’est ça la vie de chef », avertit-il, le sourire aux lèvres.
Que personne ne s’y trompe, derrière l’ambiance enjouée se trouve une recherche de perfection palpable. « L’objectif, c’est la deuxième étoile », annonce le chef sans détour. Des trois, c’est, selon lui, la plus difficile à atteindre. Car si la première récompense l’assiette et la troisième est synonyme de finalisation, la deuxième est celle qui amène le chef à se réinventer sans oublier ses racines. Ces récompenses, Guillaume Momboisse les assimile à des diplômes. « Un diplôme personnel et collectif », précise-t-il. Pour lequel il est déterminé à s’imposer le niveau nécessaire : il est question d’offrir une expérience qui va au-delà de l’assiette. L’expérience au SEPT est non- conventionnelle, fierté du chef. « Il n’y a pas le triptyque entrée - plat - dessert mais douze plats qui baladent le client à droite à gauche », détaille-t-il.
Le chef s’arme d’un couteau et d’un geste assuré, ouvre la première Saint-Jacques. Tatouage de la croix occitane sur l’avant-bras et accent chantant, le Toulousain ne s’intéresse pas pour autant aux plats typiques de sa région. « La cuisine toulousaine a des richesses qu’il est prétentieux de vouloir retravailler », déclare-t-il. Le cassoulet c’est gras, c’est trop cuit, c‘est comme ça. Pour lui, la reprise des classiques est uniquement technique, comme un clin d’oeil. Le boeuf bourguignon, par exemple : la cuisson singulière est conservée mais le poisson remplace la viande. « La mer, ça m’inspire : le poisson, c’est joueur », justifie-t-il, le regard gourmand. Et l’inspiration, c’est la clé de la réussite.
À 12 h 30, le service bat son plein. « Deux tartelettes en urgence ! » Un AirPod dans l’oreille gauche, Guillaume dirige son équipe avec aisance. Les tartelettes sont dressées puis placées dans le passe, petit ascenseur qui relie la cuisine et le salon, afin de préserver le dressage des plats et d’éviter à l’équipe en salle de descendre. « Ici, on travaille sur la confiance, décrit Guillaume, tous ceux qui sont dans la pièce, à 80%, je ne repasse pas derrière eux ».
Tout a pour but d’offrir aux clients la meilleure expérience qui soit. « On fait le maximum, même si parfois cela ne fonctionne pas », relativise Guillaume. À 108€ le menu dégustation du soir, le coût peut être un frein. Mais c’est aussi un filtre car le client choisit le restaurant. « Un repas dans un étoilé, ça se classe parmi les plaisirs exceptionnels », conclut le chef cuisinier.
Le service de midi se termine, l’heure est au ménage. L’efficacité est reine, la cuisine de soixante mètres carrés est propre en moins d’une heure et l’équipe prend une pause.
17 h 30. « Je vais vous mettre un son ! » Retour énergique du chef en cuisine pour le service du soir. L’enceinte, son poussé à fond, fait trembler la surface en inox. La voix de Maître Gims résonne et Guillaume fait les choeurs, mimiques de rappeur en prime.
Pendant que l’équipe s’attache à la préparation du service, le chef étoilé cherche un nouveau plat. « Je change la carte huit fois par an environ, explique-t-il, mais jamais tout d’un coup ». Après avoir fait cuire une tête d’ail au four, sans résultat satisfaisant, le chef se lance dans une cuisson beurrée à la casserole. Concentré, il se penche pour humer la préparation. « Il faut essayer de retrouver le goût de ce que tu sens », analyse Guillaume. Il découpe le coeur de l’ail pour le hacher finement avec de la truffe blanche. Dubitatif, il propose une cuillère pleine à Sylvain, le sous-chef. « Ça manque de puissance », apprécie ce dernier. Haussement d’épaules en signe d’acquiescement. Nouvel essai : Guillaume mélange dans une casserole de la crème et de l’ail pelé pour en faire une purée. « Pour trouver un nouveau plat, je pars d’un ingrédient que j’ai envie de travailler et je tourne autour. Mais pas plus de quelques semaines, je n’ai pas beaucoup de patience », développe le chef. Il faut que ça aille vite et bien.
Les premiers clients arrivent vers 20 heures. Au détour d’une préparation aillée, Guillaume Momboisse lance : « On fait le même service qu’hier soir, un beau service ! » L’équipe acquiesce, motivée. Les bruits se mélangent : les ustensiles s’entrechoquent, les discussions s’animent, les consignes fusent. L’odeur du poisson qui cuit envahit la cuisine. Chacun est concentré sur sa tâche, attentif au moindre plat. Tout fonctionne comme une machine bien huilée lorsqu’au bout de quelques heures, la gelée qui recouvre le haut des baozi - petit pain japonais - ne tient plus. Il en faut plus pour déstabiliser l’équipe : elle est immédiatement remplacée par des graines de chia saupoudrées sur un beurre travaillé. « Il n’y a pas de problèmes, que des solutions », conclut Emily, la pâtissière. Les plats s’enchaînent, sans précipitation mais avec précision : après le bar posé sur une émulsion de lentilles brunes vient le pigeon rôti et glacé dans son jus accompagné d’une glace amande. Au total, deux amuse- bouches, huit plats salés et trois plats sucrés se succèdent dans une cadence rythmée par les indications d’Océane, cheffe de salle.
Le service se termine vers 23 heures. La cuisine est propre rapidement. L’enceinte est silencieuse, dans l’attente des sons de demain. Et demain encore, Guillaume Momboisse s’imposera le niveau qu’il faut pour aller chercher cette deuxième étoile.
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