Vous ne lirez ces extraits nulle part ailleurs qu'ici, puisqu'ils n'existent pas. Ailleurs qu'ici. Un extrait en remplace un autre, l'un après l'autre, de temps en temps...
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- Merci, merci. Merci pour vos applaudissements. J’aimerais conclure avec l’éminent professeur-lecteur Duchamp. Nous avons beaucoup de chance de l’avoir avec nous aujourd’hui. C’est un honneur. Professeur, s’il vous plaît. Je vous laisse le micro. (Larsen et bruit sourd). (Applaudissements). - Merci. Mesdames et Messieurs, merci pour ce bruit de mains qui ira droit aux oreilles des oubliés. Vous le savez, ma spécialité, la lecture disparue, me permet de faire revenir, par quelques mots, ces malades qui, sans souffrance, quittent notre monde, ou plutôt notre vision. J’aimerais, si vous le permettez, commencer mon quart d’heure d’intervention par un témoignage. Celui du patient Girard. Il est rare. Car malheureusement, les malades perdent souvent les moyens de communication qui, de fait, les empêchent d’exprimer ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent. Fabrice Girard est un de ceux dont la bouche s’est fermée en dernier. Juste avant que sa tête ne disparaisse et qu’il meure d’Oubli. Permettez-moi de lire ses quelques mots, retranscrits par un infirmier du centre hospitalier des Oubliés de Besançon. (Chuchotements dans la salle, mouvements bruyants) (Le professeur se racle la gorge et commence sa lecture) « Voilà. Je suis arrivé à la fin. Ce que certains pourraient appeler une mort par transparence. Nous, les Oubliés, sommes finalement un détail de l’humanité. Un détail léger. Je ne comprends pas pourquoi on s’occupe de nous plutôt que nous parquer dans ses sous-sols sales et humides, loin des derniers regards qui nous croisent. Je ne me supporte pas, comment le feriez-vous ? J’ai perdu en tout premier mon auriculaire droit. C’était un mardi matin. C’est drôle quand on y pense. Parce que je ne m’en servais pas. Il ne m’a pas manqué puisque je ne l’ai à peine remarqué. Ce fut bien plus gênant quand il ne resta que deux doigts à chacune de mes mains, à peine quelques semaines plus tard. Je devenais illisible et personne ne me lut plus. A moins que ce ne soit l’inverse. Quand la moitié de ma jambe droite, décidément mon droit maladroit, disparut à son tour, je ne sortis plus. La peur de croiser un cul de jatte, bien visible, alors qu’il me restait une jambe entière rendait mes promenades douloureuses et angoissantes. Je finis donc dans un fauteuil, sans roues, ce qui fut, avec le recul, une erreur. Je ne pus bientôt plus me mouvoir et ma télé resta en permanence sur l’émission débile de C8. Elle tourne plus en boucle que les chaines d’infos. Je faillis devenir fou. Ne pas pouvoir raconter à qui que ce soit quelque chose d’intéressant est bien moins pire que d’écouter ce que certains racontent sans intérêt. Heureusement, mon oeil droit, encore, se cacha derrière ma paupière pendante avant de disparaitre à jamais. Je devins borgne, ce qui me permit de ne voir les choses qu’à moitié. Ce fut un soulagement. Bref. Pardon de vous ennuyer. Je suis bavard. C’est ce qu’il me reste. J’étais écrivain. Les mots n’avaient aucun secret pour moi. Mais ils s’effacèrent avec le temps, n’étant plus lus par aucun lecteur, connu ou inconnu, ami ou étranger. Sans réaction, sans émotion, le mot n’est rien. Il n’avance plus. Sans même un soupir ou un murmure, il devient silence. Et dans tout ce bruit que le monde agite, je disparus aux yeux de tous. J’aurais pu raconter des histoires. Mais comme je ne sortais plus, je n’avais plus rien à dire. On vint me chercher pour disparaitre. Il était temps de terminer ma visibilité. Gerber, mon poète préféré a dit « Nous sommes tels les feuilles d’automne qui glissent sur le souffle du vent sans pouvoir empêcher de finir sur un trottoir où un balai ou un souffleur nous entasseront avant qu’on nous embrase. » L’hôpital était ce tas de feuilles où on nous empilait. Seule ma tête ronde aux yeux cernés dépasse d’un lit plat puisque je n’ai plus de corps. Je riais quand madame Godard, l’infirmière, mettait des oreillers sous les draps, juste en-dessous de ma tête. Au moins, plus de douleurs, de souffrances, rien d’autre que mes mandibules qui articulent. Mon oeil gauche s’est fermé hier pour la dernière fois. Un clignement discret, mais éternel. Dans quelques heures, c’est ma bouche qui la fermera. J’aime faire claquer ma langue. Je sais combien cela vous agace, Lucius, mais vous ne savez pas ce que c’est que de ne plus pouvoir faire du bruit en secouant une jambe qui fourmille ou en remuant un bras engourdi. Moi, je claque ma langue. Je n’ai pas à dire au revoir, et tant mieux. Tout le monde m’a oublié. Nous n’aurons donc pas à nous revoir. C’est ainsi. Ceux qui pensent encore à moi le font en pensant à un mort. Bien que je ne sois pas encore totalement disparu. C’est injuste, non ? Vous regardez votre montre. Le temps file et les minutes, elles aussi, disparaissent sous le poids des heures. On oublie leurs tours. Merci d’avoir pris mes notes. J’espère qu’elles ne seront pas trop lourdes. L’encre pèse, parfois. Dites au revoir pour moi aux médecins et aux personnes qui sont venues gentiment me voir ces derniers jours. Ils ne m’ont pas vu, évidemment, mais j’ai apprécié leurs visites à l’invisible. J’ai parfois l’impression que ceux qui voit l’absurde invisible aperçoit les vivants transparents. Merci. Je sens que mes dents partent. Et mon palais tombe, s’écroule. Je vais bientôt faire plus de bruits que de sons. Je m’en excuse par avance. Je vais donc me taire, pour changer. Je m’appelle Fabrice Girard, j’ai quarante-cinq ans, divorcé, un enfant, dont j’ai oublié le prénom et je disparais, malade d’Oubli. Adieu. Et pas à bientôt.
Celui qui voit l’absurde invisible aperçoit les vivants transparents, Pierre Quiroule, 2015
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- Tu sais ce qui est chiant avec toi ? C’est que tu n’es jamais bien. Tu as toujours mal quelque part. A la tête, au pied, à la gorge, au pli de la cuisse ou du genou. C’est chiant, Roger. C’est vraiment chiant. Pardon. Désolé. Ben oui. On ne se rend pas compte comme on peut faire chier les gens quand on est mal. Quelque chose en nous pue, ça dérange et met mal à l’aise les gens qui vont bien. Les gens qui vont mal aussi, sans doute. Mais eux, croient qu’ils dérangent ceux d’en face, sans savoir que la réciproque est vraie. Vous me suivez ? Je veux dire, c’est comme les morts. C’est quand même très égoïste de mourir. Plus encore quand ce n’est pas volontaire. Vous ne vous rendez pas bien compte du bordel que vous laissez derrière vous quand vous partez. Les poètes parlent du vide, mais on oublie le trop-plein. Les gens qui vont mal sont chiants à aller mal. Il ferait mieux d’aller bien. Ce serait plus simple pour tout le monde.
Adrien ou le complexe du non emmerdeur, François Alandert, 2012
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Ma chère Eliane, Je ne t’oublie pas. Ni tes yeux brillants d’espièglerie, ni tes colères, parfois justifiées. Et surtout pas tes étreintes fragiles et tes baisers sur mes joues piquantes. Leur douceur ne pourra jamais être plagiée. Je n’oublie rien.
Ni la femme que tu as été, ni la femme que tu es devenue, bien avant d’être mon amie. Tu as été de toutes les fêtes, de tous les nuits, blanches ou magiques, et jamais un carnet d’adresses n’a été aussi rempli de ceux qui t’appelaient avant de vouloir être rappelés. Mais c'est en famille, la nôtre, que tu m'as raconté tes plus belles histoires que je veux enregistrer, pour qu'elles se racontent éternellement. Et nous n’oublierons jamais. Hommes, femmes, enfants, nous sommes tous marqués à jamais de ta gentillesse, de tes gestes, de tes sourires qui nous ont rassurés, rajeunis, pour toujours. Personne ne pourra en hériter, mais chacun la garde en lui, pour ne jamais oublier. Ma chère Eliane, n’oublie pas que je t’aime.
Lettres d’Amour, Dominique de Otinp, 2006
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Ce matin, on m’a donc conseillé de laisser tomber l’adolescent et d’abandonner ses rêves. Les grands projets de vie qui étaient les miens n’auraient donc jamais eu pour autre but que de me torturer. Je ne serais donc pas artiste, n'en aurais que la mélancolie et les apitoiements. Les mots ne seraient qu'un appel à paracétamol, tramadol. Mieux, à n’importe quel placebo en phase avec mon escroquerie.
Le talent ne se fabrique pas, pas même en formation Pôle Emploi de désespoir longue durée. Adieu veau, vache, cochon, couvée. Perrette et moi aurions cassé le pot au lait. Don't count your chickens before they are hatched. Je suis plutôt la poule que le renard, finalement. La vie est une garce, profil plutôt escort girl à la vue de ses tarifs.
Placebo, David Charolles, 2017
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Je me souviens, Marie, de nos râles, jouisseurs et tremblants, dans un lit bruyant de première fois. Je me souviens, Roksan, de tes longs cheveux sur ton dos nu, dans une chambre au soleil levant. Nous n’avions pas dormi de la nuit. Et je me souviens, maman, de ton absence répétée, de ces silences froids qui m’obligent à tant aimer. Je me souviens, Eva, des cris de nos enfants, à peine nés, encore humides de ton ventre, rougis par la vie. Et nous, heureux. Je me souviens, de tout, mais surtout de toi. Que j’ai rencontré par hasard. A qui j’ai écrit tant de lettres, de mots, enflammées pour réchauffer mes silences et ma froide solitude. Je me souviens de toi, de ton sourire, de tes yeux, de tout ce que j’y ai vu, même lorsqu’ils étaient fermés. Je me souviens de tout. J’ai tout gardé. Puisque c’est cela qu’il me reste de toi. J’ai pour toujours ce sourire en moi. A jamais ce regard d’envie. Cette main levée pour un adieu éternel. Tes longs doigts que je fantasme sur mon corps, ma peau, mon visage. Caresses bien trop légères aux notes délicates des musiques que mes tympans dévorent, encore et encore. Je me souviens, Inconnu, de la vie que nous n’avons pas vécue. Je me souviens de rien. Ce qu’il me reste maintenant dans cette chambre vide où je n’ai pas froid. Puisque je me souviens de toi.
Pour la terre et les pierres., Arthur Philippe, 2009
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Je sortis de l’autoroute trop tôt. Je décidai de rester sur la départementale au lieu de retourner vers le péage. Je roulais lentement, comme pour repousser encore l’instant des retrouvailles. La pluie avait cessé mais le ciel était encore lourd, sombre et gris. Il ne me restait que dix litres d’essence, mais cela suffirait pour arriver à notre rendez-vous. Un feu m’arrêta dans un village fantôme et j’en profitai pour allumer une cigarette après avoir entrouvert la fenêtre. L’air froid me saisit mais sa vivacité accéléra mon pouls. J’avais envie de te voir.
Je pris la petite route au bitume troué de nids de poule bien plus nombreux que les poulaillers du coin. Combien de fois avais-je remonté cette pente ? Je savais qu’après la première côte, le goudron disparaissait pour laisser une terre sableuse prendre le relais. Nos roues de vélo patinaient à l’époque mais nous riions à nous couper le souffle et nous devions descendre de vélo pour finir par tomber dans l’herbe haute qui caressait nos visages d’enfant. Après la seconde côte, je devrais laisser la voiture au bout du chemin. Mais je savais aussi que je te verrais enfin, au loin, à quelques minutes de marche. Tu serais sur la plus haute colline qui dominait la vallée.
Je descendis de la voiture et partis directement dans ta direction, sans même fermer les portières. Je ne pouvais plus attendre. Plus de vingt ans avaient passé depuis la dernière fois que j’étais venu ici. C’était en été, il faisait chaud et je n’avais pas osé enlever mon tee-shirt car j’étais venu avec ma belle et tendre épouse qui ne l’était pas encore. Elle avait rougi quand j’avais pris sa main pour l’emmener près de toi, en accélérant le pas. Je sentais encore la chaleur de sa main quand, vingt ans plus tard, j’accélérai encore le pas à ta vue. Je te voyais enfin, là-haut, à quelques centaines de mètres. Le vent te remuait doucement, comme s’il jouait en se balançant entre tes branches comme je l’avais fait avec mes frères pendant tant d’années.
Nous étions tous les trois partis bien loin de tes terres, l’un de nous ne reviendrait plus jamais après qu’il ait quitté une route de campagne un soir de printemps bien arrosé. Et pas de pluie. Je m’arrêtai quelques instants pour te regarder, si haut, si puissant. Avais-tu encore grandi ces dernières années ? Je ne connaissais pas ton âge, mais il imposait le respect de tout être vivant qui passait près de toi, de l’abeille au paysan qui labourait ses terres…
Enfin, je fus à tes côtés. Je m’assis contre ton tronc puissant et posant doucement ma tête contre toi, je fermai les yeux. Tes feuilles jouaient une symphonie tel un orchestre de milliers de musiciens et je retins mon souffle pour en entendre chaque note.
Quand je rouvris les yeux, la respiration lente, protégé par tes centaines d’années, j’avais toute la vallée sous les yeux. Je pouvais voir la maison du vieux Louis, aujourd’hui abandonnée, la ferme des Ernault et ses tracteurs flambant neufs et pourtant si sales de labeur et encore plus loin, minuscule, la maison de mes parents où seule ma mère vivait aujourd’hui au rythme de la vieille horloge qui tic-tacquait en égrenant chaque seconde d’une vie bien pénible depuis que l’Amour l’avait quittée… Il n’était pourtant pas bien loin puisque le cimetière était de l’autre côté du bois, un peu plus bas à ta droite. Je le voyais d’ici. Ce que je ne voyais pas, c’était la terre fraîche autour de la tombe de celle que j’aime et qui m’a quitté il n’y a que quelques jours. Cette larme qui coule si lentement sur ma joue est-elle causée par le froid ou par le manque que je ne ressens pas encore ? Je ne crois pas qu’elle est partie, tu sais. J’ai encore l’impression de devoir me presser pour aller la voir à l’hôpital cet après-midi comme tous les jours depuis huit mois et trois semaines. Et même si je n’y vais plus depuis dix jours, je me presse encore à déjeuner pour pouvoir la rejoindre et lui prendre la main, comme la première fois que nous sommes venus ici et que nous nous sommes assis tous les deux ici, contre toi.
Je l’ai embrassée devant toi. Tu nous protégeais de tous les regards et je n’aurais jamais voulu poser mes lèvres sur les siennes ailleurs qu’ici. Mon dernier baiser, je lui ai donné alors qu’elle ne pourrait pas me le rendre… mais en fermant les yeux, j’ai senti ton écorce contre mon dos, et la larme qui a coulé n’était pas dû au froid de l’hôpital cette fois-ci.
Je soupirai et souris. Elle m’a dit de venir te voir après l’enterrement. Je serais de toute façon monté te voir mon vieil ami, mais je sais qu’elle est avec nous, là, maintenant et qu’elle sera encore décoiffée par le vent de la colline…
Le vieux. Colleen Harris. 1983. (musique : Ólafur Arnalds – Beth’s Theme)
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Carl disparut au volant de son 4x4. Il était seul, vapotant sans y penser, lorsque, sans conducteur, la voiture dévia légèrement vers la droite, comme si elle allait prendre la sortie pour Chantilly. À la place, elle percuta violemment les plots de sécurité situés entre les deux voies avant de s’écraser dans un bruit métallique sur les barrières en ciment. Simon, lui, disparut dans l’ascenseur de la tour dans laquelle il travaillait. Il portait deux dossiers en plus de sa serviette de cuir marron offerte par sa femme pour son anniversaire. Il ne l’aimait pas vraiment. La serviette. Ses pensées s’égaraient entre sa voiture qu’il avait dû garer sur une place qui n’était pas la sienne, puisque quelqu’un d’autre s’était garé sur une place qui n’était pas la sienne, le week-end à venir avec un repas de famille où il devrait supporter personne de sa famille, et la petite nouvelle de l’accueil qui était quand même très très mignonne. Quand les portes s’ouvrirent, l’ascenseur était vite. Seuls les dossiers, et leurs contenus vidés étaient sur le sol. Au milieu, trônait la serviette marron, bien droite. Michel lui tentait désespérément de descendre l’escalier de la maison familiale quand il a disparu. En entendant le bruit de la canne qui cognait contre les marches avant de s’immobiliser sur le carrelage 33x33 de l’entrée, sa femme, Simone, crût qu’il avait encore fait un malaise et que cette fois, il allait y passer. Non pas qu’elle l’aurait souhaité bien sûr, mais elle ne put s’empêcher de penser que, malgré tout, elle pourrait enfin arrêter de supporter ses râleries quotidiennes et ses changements de couches. Quant à Thomas, lui, au moment où 99,9999% de la population masculine disparut soudainement de la planète sans explication, il était en train de regarder un tuto sur son téléphone quand le bus percuta la voiture arrêtée devant eux au feu. Le téléphone s’envola, retenu par le cordon des oreillettes vissées dans ses conduits auditifs à un volume non recommandé. Il releva la tête brutalement, cherchant à comprendre ce qui venait de se passer. Ce qu’il remarqua, c’est que le chauffeur avait disparu. Par contre, il ne vit pas qu’il était le seul mâle restant dans le bus, alors que quelques secondes plus tôt, deux ados discutaient devant lui et un grand-père habillé comme en hiver malgré les 26° était encore au fond du bus. Il était le seul mâle restant, tout court. Et ces problèmes ne faisaient que commencer dans une société nouvelle où les femmes, sans forcément qu’elles le demandent, allaient se retrouver à la tête d’une planète entière. Foetus, retraité, beau gosse ou beauf, tous les hommes de 0 à 114 ans avaient disparu sur un claquement de doigt. Sauf un ado de dix-sept ans, au visage bouffé par l’acné, une casquette rouge à la visière bien droite pour aplatir ses cheveux trop longs et une obsession-clichée pour le sexe opposé. Il allait être servi.
Une bonne et une mauvaise nouvelle, Aline Maillant, 2016
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Mes chers enfants, Emilie, mon aimée, Je sais combien ces moments passés dans un bureau de notaire sont longs, trop longs, surtout après un repas bien arrosé ou avant une sortie en boite pour oublier. Oublier que je vous ai, encore, abandonnés mais cette fois, je le crains, ce sera définitif. Alors ce testament, je le veux, sera bref. Emilie le sait, je sais faire court quand il le faut. Parfois même sans bruit. Enfin, j’espère qu’elle s’en souvient. Allons-y : A Félix, mon petit bonhomme, je lègue mon mauvais caractère, mes colères, mes incompréhensions. Oui, Félix, tu maudiras le monde comme je l’ai maudit, éternellement et avec douleurs, souffrances. Beaucoup. Mais tu en sortiras grandi, et je ne parle pas ici de ta taille mon grand. Mais de toutes ces étincelles qui illumineront ton crâne et ceux qui seront près de toi. Sois grand, Félix le conquérant. Que toi et tes Playmobiles puissiez conquérir ce monde aux milles trésors cachés, enfouis dans des salles de cinéma, des galeries d’artistes ou dans tous ces livres qui sont dans ma bibliothèque au nom suédois. Ce seront, avec ceux que tu ajouteras tout au long de ta vie, ta plus grande richesse. A Léa, ma belle et précieuse Léa, tu auras le droit de t’évader. Loin, là où personne ne te fera plus jamais chier, comme tu le dis si bien à ta mère. Va-t-en, fuis et découvre. Ne sois plus jamais cette ado enfermée dans une chambre bien trop petite pour tes fringues, ton maquillage et tes peines. Que le vent d'Ushuaia essuie tes larmes, que le soleil du désert les sèche. Monte les plus hautes montagnes de ce globe illuminé et plonge dans les profondeurs du Pacifique pour y trouver ce que personne d’autre ne pourra jamais explorer. Toi, ma chère et tendre Léa. PS : n’oublie pas le coton dans ta valise. Pas sûr que le drive te livre au bout du monde. Emilie. Mon Emilie. Oui je sais, un papier d’un obscure tribunal devrait m’empêcher d’utiliser un quelconque article possessif puisque nous ne sommes plus, ni devant Dieu, ni devant la Nation, mari et femme. Peu m’importe. Je t’ai suffisamment fait souffrir pour que tu sois à jamais mon Emilie. Même loin et effacé de ton coeur. Il faut bien être blessé avant de mourir. Notre séparation aura été cette plus grande blessure. Mais je suis heureux que la vie ait pu t’offrir d’autres soirées que celles que nous avons partagées. Tu mérites bien mieux que l’alcool et la folie. Je sais combien ce petit con de dix ans de moins que toi sait prendre soin de toi, de ton corps, de ton intelligence. Je te lègue ce que je t’ai pris il y a plus de vingt ans. Ta liberté. Nous ne nous sommes jamais véritablement séparés. Un petit bout de quelque chose nous a retenus, l’un et l’autre, l’un contre l’autre. J’ai gardé tous tes SMS, tous tes emojis, tes coeurs, tes « tm » et les autres bien sûr. Ils m’ont permis de me rappeler régulièrement combien j’étais un « enculé », « un sale con » et finalement, tu vois, j’ai suivi tes conseils. Je suis allé crever. Ils m’ont permis aussi de vivre quelques anniversaires loupés, grâce à une photo sans légende ou un audio coupé trop vite. Emilie, mon Emilie, sois libre de moi, heureuse, épanouie. Je ne peux emmener avec moi dans la tombe tes emmerdes, tes collègues, tes impôts et ton contrôle technique. Ma voiture est pire que la tienne. Mais profite de la maison de pêcheur s’il te plait. Profitez-en tous. Ouvrez cette foutue fenêtre, laissez tomber le volet rouillé et laissez rentrer l’odeur de l’océan. Respirez la, cette liberté. Elle ne paiera aucune de vos factures, mais emmènera bien loin vos esprits et vos poumons pollués. Ah j’oubliais, n’oublie pas de dire à madame Vegas, cette connasse, que je l’emmerde, même mort. Dis lui aussi que c’est moi qui ai ouvert la cage de ses perruches à cette vieille peau. Un des rares trucs dont je me souviens alors que j’étais bourré. Mais c’était un beau souvenir, cet envol. Voilà, c’est tout. Ce n’est pas grand chose bien, je vous l’accorde. Emilie, tu as tous mes comptes, mes biens. J’ai dû régler tous mes derniers prêts. J’espère ne rien avoir oublié, la tumeur est joueuse. Je vous aime. Et ce n’est pas près de s’arrêter.
Il est bien trop tôt pour partir, Jérôme Keller, 2018
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Les lèvres se collent. Les langues se cherchent. Il pose sa main sur son sein, délicatement. Elle ferme les yeux. Soupire. Elle se laisse enfin aller. Il serre plus fort sa poitrine. Elle gémit, à peine. Il tire son pull, avec maladresse. Elle est à deux doigts de lui faire remarquer que c’est du cachemire, mais elle accepte finalement de faire disparaitre cette pensée déplacée dans les limbes du plaisir. Surtout qu’il vient de poser sa bouche sur son cou et que sa langue suit lentement sa jugulaire. L’excitation la fait frissonner. Elle a terriblement envie de lui. Pourtant, elle fait un pas en arrière. - Déshabille-toi. Il la regarde, un peu perdu, partagé entre le reptilien qui lui ordonne de lui sauter dessus et son cortex qui le rappelle à l’ordre en lui promettant de bien plus belle chose à venir. Il sourit, le regard brûlant et s’exécute. Il part de l’autre côté de la pièce, près du lit. Elle a déjà commencé à laisser glisser sa jupe sur la moquette aiguilletée, celle qui est toujours en promotion dans tous les magasins de bricolage. Il enlève sa chemise mais garde le petit tee-shirt blanc. Quelque chose lui dit que c’est mieux comme ça. Il déboutonne son jean et pousse le tout vers le bas. Finalement, la raison lui impose de s’asseoir pour tirer le reste plutôt que de s’écrouler lamentablement, l’alcool de la soirée n’aidant pas. L’âge non plus. Il jette un dernier coup d’oeil pour ne pas laisser filer l’excitation. A son âge, ce serait dommage de finir la soirée comme ça. Elle est là, les bras croisés, soutien gorge bien accrochée et culotte en dentelle prête à filer. Enfin, le jean est à terre. Il se redresse, fièrement. - Putain mais qu’est-ce que c’est ça ? Panique. - Ah merde, j’ai gardé mes chaussettes. - Des chaussettes, ça ? Mais c’est quoi ça, bordel ! Sa voix monte dans les aiguës, entre fou rire et maitrise. - Des chaussettes de contention, putain. Ça va. C’est juste des chaussettes de contention. J’ai des problèmes de circulation. Du coup, je suis obligé de les mettre. - Putain, mais t’es grave toi ! Tu as gardé tes chaussettes de vieux, pour notre troisième rendez-vous. - Ecoute, j’ai plus vingt ans et contrairement à toi, les petits problèmes de tous les jours ont commencé tu vois. Mais on s’en fout, je vais les enlever. - Je crois que je vais garder cette image de toi en caleçon XL et chaussettes remontées jusqu’au genou toute ma vie. Oh bordel ! - Oh ça va, c’est bon. Et puis c’est pas un XL mon caleçon. - Tes problèmes de circulation, c’est du surpoids mon chéri. Et vu ce que tu as mangé ce soir, ça va pas s’arranger tu sais. Il la regarde fixement, se demandant si elle se fout de sa gueule ou pas. Apparemment, il hésite. Elle aussi. - Bon tu sais quoi. Je t’emmerde. Et je vais les garder mes chaussettes. On baisera avec mes chaussettes. Et puis c’est tout. Elle éclate de rire. Elle n’hésite plus. - Mais oui papy, tu peux même garder ton caleçon et ton tee-shirt blanc si tu veux. Comme ça je ne verrai ton petit bidou. Elle est morte de rire, mais s’approche de lui en enlevant son soutien-gorge. Il est furieux, mais ses yeux n’en perdent pas une miette. Elle est juste magnifique. Et le désir lui fait pomper son muscle cardiaque bien au-dessus de la moyenne. - Et maintenant tu me dis que je suis gros. C’est top. Merci, hein. Génial. Elle se colle contre lui et lui pose la main sur le ventre, la petite bosse sous le tee-shirt tremble. - Je sens que je vais beaucoup l’aimer ce petit ventre. Elle descend lentement. Il la relève. - Putain mais arrête. Sérieux, c’est pas drôle. Moi je te fais pas de remarque sur ton cul. Elle s’assoit sur le lit, silencieuse, sans le quitter des yeux. - Pardon ? - Non mais je veux dire… La situation lui échappe. Il a voulu jouer au mâle. Il sait instantanément qu’il n’aurait pas dû. Avec elle, il va prendre cher. - Ton cul est parfait, je l’adore. - Tu adore mon cul ? - Oui, mais oui ! - T’es vraiment trop con. T’as tellement envie de me sauter que de toute façon, même ton égo démesuré fermerait sa gueule. - Mon égo démesuré ? Mais t’es dingue ! - Ouais, il est énorme. Elle se lève et part en direction de sa robe, toujours au sol. - Bien plus gros que ta queue, je parie. - Putain mais hé, ça va pas bien ! Elle ramasse son soutien gorge en passant. - Mais dommage, ce soir tu baiseras pas la petite jeune. Mais tu peux toujours te servir de tes chaussettes. Chérie. Elle se rhabille si rapidement, qu’il n’a même pas le temps de réagir. La porte claque. Il est tout seul dans la chambre. Son jean à ses pieds. Et ses chaussettes remontées jusqu’aux genoux. La porte s’ouvre soudain. Elle rentre dans la chambre, la tête haute. Elle se baisse pour ramasser son pull. Elle s’approche de lui, l’embrasse goulument, et lui tape sur les fesses. - Mais t’as de la chance. J’aime bien les gros culs. Connard.
Trop jeune pour toi, Philippe Baratelli, 2016
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- Est-ce que des gens t’ont manqué ? - Des gens ? Comme qui ? - Comme moi, des gens qui ont compté, qui t’ont permis d’être ce que tu es. Il réfléchit. - Non. Pas vous. Pas vraiment. Ceux qui me manquent, ce sont ceux qui m’ont aimé, et qui ont su me le montrer. Avec leurs mots, leurs gestes. Je me souviens de caresses, de doigts qui jouent. Je me souviens de mots, de lettres, de SMS, de cachettes et de secrets. Ils me donnent encore tellement d’émotions aujourd’hui alors qu’ils ne sont que des souvenirs. Je ne pourrais pas continuer sans eux. Et ces yeux… ces yeux qui p��tillent, ces lèvres qui brillent. Des rires, des sourires, des sous-entendus que personne ne peut comprendre. Voilà ce qui me manque. Pas les pères, les mères, la famille, les titres d’ascendants ou de descendants, les amis qui s’imposent et qui n’en sont plus vraiment. Ça, je m’en moque. Car ils ne sont rien d’autres que des ombres, des moments, des endroits où je me suis arrêté. Et puis je suis reparti, en oubliant. Et en pensant encore et encore à tous les autres, à eux, à elles.
Un vieux Monsieur, Antoine Derieux, 2015
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Je ne voudrais pas remercier ma mère qui, en dehors de la souffrance de m’éjecter de son utérus rapidement, n’a jamais été là pour moi. Aujourd’hui ou hier. Je ne souhaite pas remercier mon père. De toute façon, il est mort il y a des années, donc il n’entendra rien. Je ne crois pas à l’au-delà, ni aux fantômes. Je pourrais remercier ma femme, certes. Pour avoir supporté mes angoisses, mes mélancolies, mes crises, diverses et variées. Mais c’est tellement attendu. Mes enfants peut-être ? Mouais. Ces chiards se vanteront sûrement d’avoir gagné cette récompense à ma place auprès de leurs potes, qu’ils soient boutonneux, en pleine mue ou en surpoids de Mc Do. Je ne peux évidemment pas remercier ma maitresse, ce petit arc-en-ciel qui illumine les quelques heures d’oubli que je passe dans ses bras, entre ses jambes ou ma tête contre la sienne. Ou entre ses jambes. Non. Ça ne se fait sans doute pas.
Alors qui remercier ? Mon agent, cet enfoiré qui prend un pourcentage tellement important que je ne m’en souviens même pas. Par survie. Le réalisateur ? ce fils de pute à la bouche sale et aux insultes créatives. Oui ok, il a un sacré talent cet enfoiré et je suis intimement persuadé que même ce crétin de Serge, aussi mauvais qu’il soit, aurait pu gagner ce prix s’il avait eu un vrai réalisateur de l’autre côté de la caméra. Alors bon. Oui. Remercier sans doute aussi les scénaristes. Deux beaux mâles blancs, mariés, oui, un peu de folie, merde, qui ont su écrire une histoire avec des dialogues. Des vrais dialogues. Plein de mots qui doivent porter par les émotions de mon visage, les mouvements de mon corps. C’est sympa d’y avoir pensé quand vous l’avez écrit. Vraiment. Merci. Comme j’aurais aimé être une femme, ou de couleur pour avoir autre chose à raconter que ma mélancolie, ma tristesse et mon ennui. Je n’ai plus la force de m’engager, plus l’envie. Et les pilules bleues ne peuvent rien y faire. Voilà. J’ai sans doute dépassé le temps imparti, mais comme il y a peu de chances que je revienne sur scène dans les prochaines années. J’arrête ce métier parce que je suis épuisé. Epuisé d’attendre. Attendre avec violence les scénarios, attendre avec colère l’appel de mon agent, attendre avec folie que les textes rentrent dans mon cerveau usé. Et attendre que le plateau soit prêt, la lumière au bon endroit, la focale choisie. Attendre le « action » prononcé avec plus d’attente et de respect qu’aucun homme ou aucune femme ne pourrait en donner. Et puis attendre le montage. La première version. La seconde. Celle du réalisateur, des producteurs. Je vous passe l’horreur des interviews, des questions connes pour ne pas poser les mêmes que celles de ces confrères. « Vous avez vraiment pleuré dans cette scène. Ça se sent. Ça se voit ». Oui. C’est du cinéma. Au revoir. Bonne soirée.
Fin de carrière, Paul Carriere, 2016
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- Kiss me. - … - That was really good. - Indeed. - Now, fuck me. - … - That was so good. - Indeed. - Just, love me. - … - … - Indeed.
A life to love, Patrick Benedict, 2020
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Je suis mort à deux ans. La mort m’a saisi à la gorge et a commencé à serrer, lentement, pour me voir partir. J’ai pu profiter de chaque seconde de vie qui quittait lentement mon costume d’enfant. Elle ne m’a, depuis, jamais quitté. Les cris de ma soeur devant mes lèvres bleues permirent à un médecin de venir me trancher la gorge, de haut en bas. L’air qui s’est mis à pénétrer à nouveau mes poumons qui se sont urgés à renvoyer de l’oxygène à mon cerveau capté par mon agonie, n’a pas suffi à me faire vivre. Les années qui ont suivi n’ont été qu’une initiation longue et pénible à mon extinction. Je ne l’attendais pas, elle était là. En moi. Dans mes viscères douloureux, mon crâne migraineux, mon poids bien plus lourd sur mes épaules que sur la balance. Je suis mort à deux ans, mais je suis mort des dizaines de fois ensuite. À répétition. Ma première résurrection n’était qu’un fake, une imposture, de vie, de mort, et j’étais devenu le Sisyphe de ma mort sans avoir la noblesse du Phénix, ni la chaleur des flammes où mourir. Tout, ensuite, ne fut que souffrance et douleurs, pour moi, mort-vivant et bientôt pour ceux qui croyaient aimer ma survie.
Te souviens-tu de ton dernier souffle ?, Eric B., 2017
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Il n’aura fallu qu’un courant d’air, un simple souffle pour que la porte se claque, avec violence et sans question. Je suis resté d’un côté de la porte, toi de l’autre. J’ai regardé à travers, pour te voir réagir, tendre la main, tourner la poignée et ouvrir à nouveau ton coeur. Mais la porte est restée fermée. J’ai eu beau sourire, d’abord, frapper doucement, ensuite, et cogner durement, enfin. Tu n’as pas bougé, une balayette dans la main droite, la pelle dans la main gauche, tremblante, faisant remuer les morceaux brisés qui tentaient de rester bruyamment à l’intérieur. Il faisait froid dans le couloir. Je ne portais qu’une chemise et pourtant la sueur mouillait mon front. La fièvre sans doute. Une maladie sombre et sans nom m’emportait déjà loin de toi. Je prendrai bientôt la route de la solitude, essoufflé, écrasé sous le poids du vide, foutue loi de Newton. Je reviendrai de temps en temps sur mes pas, surveillant discrètement au coin d’une rue tes allers et venus, seule ou accompagnée, peu importe. Car c’est toi que j’avais besoin de voir. À travers une porte fermée ou le flou du début de soirée.
Les souvenirs d’un coeur, Mathieu Gerber, 2016
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Bonjour. Je m’appelle Frédéric. N’ayez pas peur. De toute façon, il ne peut plus vous arriver grand-chose n’est-ce pas... Ouh la la, pas si vite. Pas si vite. Laissez-moi parler d’abord. On échangera ensuite, d’accord ? Non, non. Écoutez-moi, c’est important. Voilà. Merci. Je ne peux évidemment pas imaginer ce que vous ressentez. Vous êtes mort. Je suis vivant. C’est une sacrée différence. Le problème, c’est que nous n’avons que quelques minutes. Je n’ai pas le temps de vous expliquer le pourquoi du comment, mais il se trouve que je peux vous entendre. En moi. Dans ma tête. Dans les premières minutes de votre mort. Je ne sais pas pourquoi et vous ne savez pas non plus. Ce n’est pas ça qui est important. Ma frousse et mes angoisses du début datent un peu maintenant. J’ai toujours entendu les gens qui venaient de mourir. J’ai choisi ce métier à l’hôpital quand j’ai compris que personne ne pourrait jamais comprendre et maitriser ce don qu’on m’a donné. Alors pendant que je prépare les personnes qui viennent de mourir, je prends les dix minutes où je suis seul avec eux pour juste leur dire ce qui s’est passé, et écouter ce qu’ils ont envie de me dire. Vous comprenez ? Attendez, attendez... Vous allez pouvoir me parler, mais soyez bref, concis. Ça va s’interrompre doucement. Comme si je m’éloignais de l’antenne. Et à la fin, vos mots ne seront plus que des murmures. Alors dites-moi le plus important au début. D’accord ? Allez... allons-y. Je vous écoute. Regardez, j’ai un carnet pour noter. J’ai des centaines de carnets chez moi. Et je vais tout faire pour que ce que vous allez me dire puisse être entendu ou vécu par ceux que vous aimez. Ou pas. Oui... j’aimerais vous raconter ce que j’ai fait depuis toutes ces années. Pas toujours de quoi être fier, mais je le ferai, tant que je ne finis pas en prison hein ! Je vous écoute. Je note. Allez-y.
Vos dernières volontés. Henri A. Lhermitte. 1998
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- Popa ? - Hmmm - J’ai une question. - Ok. Je t’écoute. - Pourquoi personne n’a le droit de venir dans notre pays ? Sur l’île ? Popa posa son magazine sur ses genoux et fixa sa petite fille par-dessus ses lunettes. - On ne t’apprend pas ça à l’école ? Annìa remua vigoureusement sa tignasse rousse. - Hum. Ok, répondit-il, vaincu. - Je trouve ça triste que personne ne puisse venir chez nous. Je veux dire… Elle s’interrompit, son cerveau à peine vieux de huit années en ébullition. - Je veux dire, c’est comme si on était… comme si on était malade, où qu’il ne fallait pas nous approcher. J’aime pas ça. Popa acquiesça. - Je comprends. Alors je vais essayer de t’expliquer. Il se tourna vers elle et s’installa contre un énorme coussin. - Tu vois ta chambre ? - Euh, oui. - A ton avis, combien de personnes pourrait tenir dans ta chambre ? - Beaucoup. - Ok, disons, je ne sais pas cinquante personnes. - Ça fait beaucoup ? - Ça fait beaucoup. Elle fronça les sourcils, comme l’aurait fait sa mère. Quand ils retrouvèrent leurs places d’origine, il put continuer. - Maintenant, imaginons que ta chambre ait un pouvoir magique. Annìa se redressa immédiatement. Le tremblement de ses jambes traduisait combien elle avait bien reçu l’image. - C’est quoi son pouvoir magique ? - Je ne sais pas. Ça pourrait être, disons, qu’elle transforme les dessins en réalité ? - Hein ? - Imagine que tu dessines une fée. Tu déposes le dessin dans ta chambre, sur ton lit, et hop, au bout de quelques minutes, la fée devient vivante ! - Ça pourrait pas plutôt être qu’elle transforme les trucs qu’on pose sur le lit en bonbon ou en gâteau ? - Ok. Va pour les bonbons. Donc, maintenant, tout le monde sait que ta chambre est magique. Alors une amie vient te voir, et puis une autre, une autre, une autre, et puis un ami d’une amie, et une amie d’amie d’amie… Les yeux de Annìa s’agrandissait au fur et à mesure de la phrase. - Et encore, et encore. Nous sommes à quarante-neuf personnes dans cette chambre. Vous ne pouvez plus bouger. Vous ne pouvez même pas manger vos bonbons magiques tellement vous êtes serrés ! - Wouah. J’aime pas être serrée. - Mais il y a encore des dizaines et des dizaines d’enfants qui sont dans le couloir et qui veulent rentrer dans la chambre ! Ils veulent aussi leurs bonbons magiques ! - Mais non ! Il n’y a plus de place ! - Alors que ferais-tu, petite Annìa ? - Je ferme la porte ! - Exactement. Tu fermes la porte. Et bien c’est pour ça qu’on ne peut plus, que plus personne ne peut plus venir sur notre île. On a fermé la porte. Car elle a un pouvoir magique. Un pouvoir unique au monde. Et c’est un pouvoir qui rend les choses encore plus compliquées. - C’est quoi le pouvoir de notre île ? Pourquoi c’est compliqué ? - Parce que figure-toi que depuis maintenant cinq années, on ne meurt pas sur l’île. - Quoi ! Elle serrait contre elle ses deux énormes doudous dont l’un avait été plus rapiécés que n’importe quelle vedette de cinéma, esthétiquement parlant. - Oui, petite fille. Depuis cinq ans, personne n’est mort ici. Même les gens qui ont eu un accident grave, ou qui sont tombés, ou… - Ou qui ont été tués ? Popa la regarde fixement. Il lui prit délicatement la main. - Oui. Même ceux qui auraient dû mourir ne sont pas morts. Il n’y a plus de morts. - C’est magique ! - Oui. C’est magique parce que personne ne sait pourquoi. Personne ne comprend pourquoi. Mais beaucoup de gens voudraient venir vivre ici car ailleurs, on continue de mourir. De vieillesse ou d’accident. Elle se laissa tomber en arrière. - Et ben, ça alors ! Il s’approcha pour l’embrasser sur le front et lui sourit. Il se leva en direction de la cuisine. - Popa ? - Oui ? - Quand est-ce qu’elle est morte maman ? Il s’arrêta, une tasse vide suspendue au-dessus de l’évier. - Popa ? - Cinq ans. Ta maman est morte il y a un peu plus de cinq ans. - Papa ? - Oui, petit Ange. - Et moi ? Pourquoi je ne suis pas morte avec maman dans l’accident ? Les larmes étaient là. Un clignement d’oeil, et elles viendraient rouler sur ses joues. - Parce que ta maman a été la dernière à mourir sur l’île, Annìa. Et il ne put pas lui dire qu’elle était morte juste après. Avant de rouvrir les yeux quelques minutes plus tard. Devenant la première insulaire à ne plus mourir.
L’ile des Immortels, Arnald Hildarsson, , 2014
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Cet homme était mon mari. Ces enfants étaient les miens. Cette cuisine, avec ces portes en bois massif d’un marron douteux était la mienne. Evidemment, je ne reconnais rien. Ni cet homme. Ni ces enfants. Encore moins cette cuisine. Pas même le troisième garçon à l’étage qui faisait trembler murs et plafonds grâce à une paire d’enceintes sacrement bien montées. Son regard rempli de pitié condescendante quand j’ai passé la porte d’entrée avait quelque chose de malsain. Après tout, c’était un adolescent. Et si je ne me souvenais pas de mon adresse, mon âge, mon prénom ou ceux de mes enfants, quelque chose d’inné me soufflait gentiment à l’oreille que les ados, c’était chiant. Ce qui fut confirmé par un laconique : « salut, moi c’est Yoann, ton fils. Ton. Fils.» avec petit sourire en coin et un index pointé vers moi, puis vers lui. Son père lui signifia que j’étais amnésique, pas débile. Ce qui eut pour effet d’agrandir la grimace souriante avant une montée d’escalier vitesse grand V suivie par la mise en route des basses et batteries de l’Enfer. Ce trou du cul était donc sorti d’un autre trou il y a dix-sept ans. J’étais sincèrement heureuse de l’avoir oublié. Et de ne pas avoir effacé ma vulgarité salvatrice. Trois garçons. Pas une fille. Tous nés d’une union de vingt-et-un an avec ce petit homme à moitié chauve, sauvé par les côtés, dont je n’avais pas le moindre souvenir. J’avais balancé le tout contre un camion sur l’autoroute du nord à un peu plus de cent vingt kilomètre heure. Apparemment, il ne me laissait jamais conduire. Apparemment, il avait eu raison, sauf ce jour-là. Il prit le temps de m’expliquer l’emplacement de chaque chose. Il insista lourdement sur la porte du dressing. Elle se tirait et ne se poussait pas. Il semble que déjà avant mon amnésie, j’oubliais douloureusement ce détail. J’étais heureuse de me souvenir comment tenir une fourchette. Je n’aurais pas supporté qu’il m’explique pendant douze minutes quatorze secondes comment la tenir et la porter jusqu’à ma bouche, en répétant minutieusement les mêmes choses. Amnésique. Pas débile. Je n’eus bientôt qu’une envie. Ne plus les voir. Les toilettes furent un fantasme. Je m’y enfermai enfin, Dieu merci, il y avait un verrou, et pus retourner à mes oublis. A part les sursauts et tremblements créés par le monstre de l’étage, j’étais enfin seule, certes dans un endroit inconnu et à l’odeur de lavande un peu trop présente, mais sans rien à apprendre, retenir ou détester. J’avais besoin de cette coupure temporelle avant de les retrouver. Surtout le petit dernier qui n’avait rien fait d’autre que me fixer, morve au nez et tee-shirt tâché de matières inconnues.
Introduction, Sylvie Szauniac, 2011
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