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Qu’est-ce qu’un Designer ?

Question adjugée insolvable, affaire classée temporairement.

Ré-ouverture du dossier après l’Anthropocène.

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Ligne 9

Dans le métro, un anonyme lit un livre sur l’intelligence émotionnelle, autour de lui le wagon se remplit, se remplit, enfle, jusqu’à ce que les corps, contraints, soient obligés de se toucher, de se brusquer, de se pousser, de se tolérer. 

À la station Jasmin, une femme d’une certain âge fouille de ses mains honteuses le sac de la poubelle publique. Dissimulée sous un fichu jaune elle inspecte rapidement le contenu mais le sac est quasiment vide. Puis elle longe le quai, le métro sonne, puis repart.

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La dormeuse

Elle a la tête penchée sur la droite, les lunettes qui descendent légèrement sur le nez, les mains chargées de dossiers. Ils glissent lentement, elle semble sombrer dans un sommeil de plomb. Fin de journée.

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Usecase

“As-tu décliné ton concept sur tous les usecases ?”

Bienvenue dans un monde de cas ou l’on fait cas de tout.

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Un week-end

Le bus tourne vers la rue George Sand, alors que la rue défile, le bus s’arrête un instant, le temps pour moi d’observer sur la bas côté de la chaussée, un soupirail métallique noir ajouré de motifs floraux, mon imagination s’agite. Les deux portes sont verrouillées par une serrure dont le trou noir béant incite au mystère et au désir profond de les ouvrir. Les deux battants sont finement dessinés et leur partie supérieure est joliment arrondie, à la manière des arcs en ogive des cathédrales. Situé entre deux mondes, le terrestre et le souterrain, le soupirail scelle un passage entre deux possibilités dont la ville, si grande, recèle.

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NIKE HL2017

Mi costume mi bitume, l’Homme Libre 2017 et ses pieds technocratiques courent allègrement vers la tour de bureaux. Étage 27, bureau 425, Nike Free 5.0. Thanks to Nike Free, le pas devient foulée mœlleuse, agile. Le quotidien s’assouplit au contact de la semelle en Lunarlon, se rendre au travail revêt un caractère sportif, challenging. Amorti tendre, la semelle blanche immaculée éloigne de la crasse et de la noirceur du bitume urbain. Être au-dessus de. Antique Nike Zoom Air, matière aérienne d’après la Cushlon Technology qui élève HL2017 so close de Niké, déesse de la Victoire. C’est la slow though performing attitude déclinée en différents modèles de performance ; Nike LunaRacer, Nike LunarSpeed ou encore LunaSpider, un choix tactique en vue de la réunion de travail. HL2017, spécimen supérieur, se sur-dimensionne, surpasse et survole le sol. Loin de lui la réalité, quête d’élévation. Warning HL2017, la récidive icarienne n’est pas loin.

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Plasma

13h31 je presse le bouton ON de la multiprise. La télévision écran plasma s’allume. TF1 nous lance sa déferlante de sourires forcés, de peaux luisantes, de gloss, de rimel, de lipsitck, la litanie de la perfection se joue en boucle. Spot suivant pectoraux nus sinon rien, gomina et démarche assurée, le mannequin avance vers la téléspectatrice blasée. Spot sur spot, vite, publicité suivante, images subliminales pour boulimie de bonheur, il faut abreuver les téléspectateurs de produits de consommation, de beaux et jeunes corps. Overdose de rillettes de poulet, steaks de soja au bifidus, crème fraîche à conservation éternelle, assurances vie. La vie la vraie se joue là. Spot sur spot, les fauves font leur entrée dans l’écran plasma, allure racée, pelage sombre, les enjoliveurs rutilent, 29 999 euros pour cette bête de compétition, le prix glisse, le consommateur succombe.

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Garrigue

C’est un endroit peuplé de formes étranges, d’où jaillissent de part et d’autre du sentier de sable, d’inquiétantes silhouettes torses. Des sorcières échevelées aux mains emmêlés, et sinuées par des veines sombres. Le soleil de plomb y révèle à certaines heures de la journée, une profondeur de champ claire-obscure, dans laquelle se manifestent de nombreuses silhouettes. S’enfoncer dans ce paysage comme pétrifié par la douleur, c’est se livrer au paranormal, c’est être encerclé par des forces qui lentement engloutissent la raison. Les fines herbes sauvages s’enroulent autour des chevilles, alors que les mains biscornues des géantes glissent sur les épaules des randonneurs. Puis le mistral rejoint la horde et l’on peut entendre, entre les branches, son inquiétant cantique. C’est l’instant suspendu et sauvage où la garrigue se métamorphose en une immense présence.

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Souvenirs des Territoires Supérieurs

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Message de Maman

27-08 09:04 Coucou ça va hier papa a prit 20 écrevisses ça lui a fait son repas du soir

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Egien

Mardi dernier tu es tombée.

Cela faisait longtemps,

Que tu n’étais pas venue.

Lentement, tu as effacé la ville.

Tu l’as entièrement couverte, sans exception.

Tu as brouillé les lignes,

Les routes ont disparues.

Dans la ville gommée,

Les piétons ont envahi les voies,

Lentement, sereinement.

Marchant avec hésitation, de leurs pas timides,

Sur l’épiderme glacé que tu venais de déposer.

Ils ont glissé, les bras croisés, la tête baissée,

Jusqu’à la bouche du métro.

À la façon des gamins qui sortent de classe,

Se tenant par la main, se déplaçant en ligne.

Calmes et apaisés,

Tu leur a donné, un peu de paix,

Egien.

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291

8:11

Ouverture des portes.

Trou noir attirant.

Les anonymes se pressent.

Aspiration professionnelle,

les têtes s’inclinent, gauche, droite, face contre terre.

Les visages disparaissent.

Roulement strident, ronflement du moteur,

Désespoir centrifuge.

Corps suspendus aux barres,

ultime effort.

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BLACK HOLE

Last night I had a black hole. Everything was black as I suddenly woke up. My mind, my hands, my room, everything was infinitely black. I could not remember where I was, as if my brain turned off. Impossible to remember where I was. Impossible. Black hole. Black was there, it captured my mind and let me out of nowhere. It was vast and threatening. Black pressured my head, my shoulders, hold back my wrists, left me out of movement. Black attracted me down to its hole. It was deep. I endlessly felt. Yes, I endlessly felt down to the black hole.

  (...) I woke up in the morning. I was not myself. 

Who was I, Majesty Black?

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L’Ordre des Images

Plus que jamais, la société Mondiale est aux prises avec une expansion sans limite des Images. Comptées par milliards, les Images ont depuis bien longtemps répandu une forme de Chaos qui perturbe les champs visuel et psychologique des Individus. La Matière Image est d’autant plus incontrôlable qu’elle est en perpétuelle accrétion et qu’elle seule peut gérer son propre accroissement.

Depuis toujours, les Images fascinent les Individus de la société Mondiale, à tel point que certains Individus se sont organisés pour tenter de les approcher.

Dans cette optique, un Ordre des Images a été fondé par les Manipulateurs (1), des Individus qui ont, au fil des siècles, fait évoluer la problématique de la maîtrise des Images. La plupart des travaux menés par les Manipulateurs d’Images (2) reposent sur l’utilisation de l’Œil, de la Main et de l’Espace pour capter, classer, disposer voire installer les Images, afin de leur donner un Ordre et un Sens.

La question de l’Ordre et du Sens dans la manipulation des Images est récurrente. Elle nécessite la mise en place de différentes étapes expérimentales qui permettent d’avancer vers une Mise en Forme cohérente des Images les unes par rapport aux autres. En pratique, les Images sont une matière qui se travaille dans les trois dimensions de l’espace, et qui nécessite la mise en place de principes permettant de les observer à différentes échelles, de l’Image seule à l’Image en groupe. Dans cette perspective, les Manipulateurs d’Images n’hésitent pas à utiliser différents outils de manipulation pour : capter, capturer, collectionner, réduire, augmenter, lister, trier, classer, énumérer, accumuler, assembler, rapprocher, relier, spatialiser, déplacer, critiquer, édifier, ajuster, articuler, les Images et le Sens qu’elles produisent seules et en groupe.

L’Ordre des Images est au fil de temps devenu une Méta-discipline de la Recherche qui excelle dans la mise en oeuvre de la distance critique et de la rigueur. Cette discipline expérimentale est par ailleurs sans cesse en renouvellement car les Manipulateurs d’Images sont souvent issus de différentes disciplines, ce qui donne lieu à l’existence d’une pluralité des approches. Le Design est à ce sujet, le dernier membre entré au sein de l’Ordre.

Enfin, l’Ordre des Images est une Méta-discipline de la Recherche qui se donne pour but ultime de traduire ce que les Images nous donnent à comprendre de la société Mondiale. Le caractère mouvant de la société Mondiale impose à l’Ordre des Images et aux Manipulateurs d’Images de sans cesse remettre en question les Images et l’Ordre dans lequel ils les ont placé.

Portrait d’Aby Warburg vers 1900.

(1) Aby Warburg, L’Atlas Mnémosyne, Paris, éd. l’écarquillé, 2012.

(2) Jérôme Coignard, Le Vertige des images : la Collection Maciet, Paris, éd. Musée des arts décoratifs, 2004.

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Approaching Tchouri

Le 12 novembre 2014 te voici détaché à la surface de la mystérieuse comète Tchouri ou 67P/Tchourioumov-Guérassimenko comme la nomment les scientifiques, avec pour mission de nous éclairer, nous les terriens, sur les origines de l’Univers, de la vie. Une décennie de voyage interplanétaire à bord de la grande sonde Rosetta t’auras été nécessaire avant ton atterrissage sur le sol inconnu de la proto comète, archive minérale restée presque entièrement intacte depuis le Big Bang. Malgré ce long voyage et ta mauvaise chute sur Tchouri, tu as pu, grâce à ta résurrection technique, réaliser ta mission, celle d’enquêter sur la composition chimique et géologique du corps éternel. Tu n’as pas trouvé de Pierre de Rosette mais tes bons génies ÇIVA, ROLIS, MUPUS, COSAC, PTOLEMY, CONSERT ont eux révélé que la structure interne de Tchouri contient de la glace et que des molécules organiques flottent à sa surface. Tu nous as aussi fait parvenir des messages photographiques émouvants, d’une grâce immense et qui dévoilent à chacun cette étrange créature qui aurait pu figurer au panthéon de la mythologie grecque. 

Merci à ces deux objets.

Copyright ESA/Rosetta/NavCam - Mai 2015

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LE COROT

Bistrot d’angle, enseigne décatie, Le Corot et son empâtement classique, ô mon italique que tu feins bien le nom de Corot. Formidable Formica, tasse aux traits épais, pâte blanche pour céramique made in China. Les Saint-Juniauds pleurent le Kaolin, adieu chère Porcelaine. Anse rose et soucoupe lavande, le chocolat mousse, épais, brume de lait, bruine et humidité. Je porte la tasse à mes lèvres, le liquide aqua-cacaoté m’emmène sur les rives de la Glane. Les simili saveurs s’évaporent, le chocolat coule, je pense à Jean-Baptiste Camille Corot. Les rochers sont Bleus, le bonbon enveloppé de plastique, doré. Je repose la tasse, les Jardins de Tivoli de la Villa d’Este sont loin, je suis au Corot.

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NOTES ON A 0/1 SOCIETY

Zoom in: pixels, zoum out: nothing to see

Pinch once, pinch twice,

Pie menu displays life options

Templated imagination

// grid contains nothingness

If digital,

then think 1 or 0