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Quand j'ai les yeux fermés, il n'y a personne
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Dossier dramaturgique de la production dirigée par Marie Brassard à l'hiver 2019 à l'École supérieure de théâtre de l'UQAM par James-Élizabeth Filion-Bridgman et Evelyne Londei-Shortall
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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Entretien entre Marie Brassard et les dramaturges
La notion d’acteur-créateur est très importante dans la manière dont tu travailles et ce, incluant ton approche de cette production dirigée. Comment envisages-tu le travail de création avec les acteur-trice-s en rapport avec cette notion ?
J’ai souvent l’impression que le plein potentiel des acteur-trice-s n’est pas utilisé. On les considère beaucoup au théâtre comme étant des instruments pour permettre à un-e metteur-e en scène de transmettre une vision qui existe déjà dans son esprit. Comme je suis actrice d’abord, j’ai conscience du potentiel créatif d’un acteur quand on s’adonne au jeu, et à quel point on peut avoir des idées, des façons très différentes et très étonnantes de proposer des actions sur scène. Sans acteur-trice-s, il n’y a pas de théâtre tel qu’on le connaît. Je n’ai pas inventé cette expression d’acteur-créateur, mais c’est quelque chose que j’ai toujours soupçonné et avec laquelle j’ai travaillé. C’est merveilleux parce que ça demande à l’acteur-trice de se consacrer globalement à un projet, autant avec son intellect, sa sensibilité, son corps. J’ai envie que toutes les personnes s’impliquent d’une façon personnelle, que ça leur donne une responsabilité de ce qu’ils vont présenter sur scène. Dans le cas de Ducharme, que les étudiant-e-s aient choisi eux-mêmes leur partition, c’est précieux parce que ça leur appartient. Déjà, ils ont donné une direction à leur intervention. Avec eux, on a cherché à construire un monde qui va être transmis de la façon dont eux l’ont suggéré. Moi, je suis là comme guide pour les aider à faire en sorte que ça soit cohérent, comme un chef d’orchestre.
Comment ta manière de diriger les acteur-trice-s est-elle influencée par ta carrière solo ?
Je suis ravie de découvrir ce que je soupçonnais, parce que ça fait seulement quelques années que je travaille avec d’autres acteur-trice-s : c’est comme si à l’intérieur de chacun de nous, il y avait le partage d’un langage, qui ne s’exprime pas par les mots. À l’intérieur de nous, il y a une sorte de rythme, de pulsion, qui est toujours en marche, c’est un désir qui nous alimente, dans le sens où on a envie de plonger dans un univers et de le transmettre. Quand tous les éléments s’imbriquent bien, tout à coup ça fait clic, et on le sent. C’est comme si on sentait tout à coup que notre présence devient nécessaire et elle est souhaitée pour qu’il se produise une harmonie entre la matière du spectacle et soi-même. Ça provoque une joie à l’intérieur de soi. On fait : « Wow, donc ce que je fais, ça pourra pas exister sans moi », parce que ça devient le théâtre. Je sens ça chez les autres quand je les dirige et je le vois aussi quand il ou elle ressent que c’est en train d’arriver. C’est assez magique. En général, ce déclic dont je parlais arrive. Des fois très tard. Ça implique aussi que dans le travail, il va y avoir des grands moments d’ennui parfois, et il faut l’accepter. C’est déstabilisant, parce qu’on est habitués, dans un contexte plus officiel, de se faire protéger beaucoup. Les acteur-trice-s, on les considère beaucoup comme des objets fragiles qu’on essaie de rassurer. Moi je fais tout le contraire, je les mets dans une situation d’insécurité totale. Ils peuvent être pendant des semaines à bouger sans trop savoir ce qu’ils font, mais ça leur permet de nager dans une mer houleuse et, petit à petit, ils vont saisir les éléments qui vont leur être utiles pour nourrir cette pulsion intérieure.
Pourquoi as-tu choisi de monter des extraits de romans de Ducharme avec les étudiant-e-s?
J’ai lu L’avalée des avalés, je devais avoir 16 ans. Quand je l’ai lu, j’ai été absolument bouleversée et touchée. Je me reconnaissais dans ce travail, j’ai toujours aimé Ducharme. Je me souviens même d’avoir pris le train à Montréal pour voir une des premières productions de HA ha!... et là aussi, j’avais été intriguée, touchée, bouleversée. Et depuis, je me dis toujours que j’aimerais monter Ducharme sur scène. J’ai tout de suite pensé à lui quand j’ai été invitée à l’Université.
L’écriture romanesque de Ducharme est absolument réjouissante pour quelqu’un comme moi parce qu’elle n’impose pas une théâtralité précise. Dans une pièce de théâtre, les personnages sont souvent décrits au début. On a choisi de donner la permission aux étudiant-e-s de faire une proposition de personnage qui va être porteur de la parole de Ducharme. Ce sont des personnages qui ne sont pas nécessairement conformes à l’image qu’on se ferait de Bérénice, par exemple, mais la parole est forte et intacte et portée de façon très cohérente par chacun des intervenants du spectacle.
D’où vient ce désir d’ancrer le spectacle dans l’époque des années 1970 ?
Tout ce qu’on entend aujourd’hui par rapport à la déclinaison des genres, la liberté sexuelle, tous les mouvements queer, d’une certaine façon ça a pris naissance dans le mouvement hippie. C’était complètement ouvert, accepté, expérimenté de toutes sortes de façons. Au niveau de la politique au Québec aussi c’était très différent parce que ceux qui étaient au pouvoir, c’était Gérald Godin, René Lévesque, c’était des gens inspirés et inspirants, c’était des artistes, des intellectuels, des scientifiques qui avaient un esprit ouvert. On avait l’impression que le monde était pour être renouvelé et que tout à coup on allait justement embrasser cette façon de vivre qui permettait à tout un chacun d’être ce qu’il désirait être, ça c’était une grande révolution. C’est aussi à ce moment que sont nés tous les mouvements écologistes, il y avait des visionnaires, des grands philosophes, des gens qui expérimentaient les drogues, des théoriciens, des gurus de l’Inde, beaucoup qui remettaient en question notre mode de vie, notre relation avec la nature… C’était très beau et on retrouve ça encore aujourd’hui. Quand je regarde la Suédoise à qui on pense décerner un prix Nobel, je vois la petite racine d’elle qui a pris naissance dans le mouvement hippie.
Autant il y avait toute cette lumière, autant chez Ducharme on trouve une grande noirceur, un mal de vivre présent dans le spectacle.
Oui c’est incontournable, ce n’était pas nécessairement un désir de ma part, mais le titre l’augurait. Quand j’ai les yeux fermés, il n’y a personne c’est un beau bout de phrase qu’on retrouve au début de L’avalée des avalés. C’est un mal de vivre qui est assez commun à beaucoup d’artistes parce que c’est très réel et profond de dire « quand j’ai les yeux fermés il n’y a personne ». Au-delà de tous les mouvements, quand on est sensible et qu’on s’arrête un moment, et qu’on ferme les yeux, effectivement, il n’y a personne. Autant dans la naissance que dans la mort, on est complètement confrontés à cette solitude. Ça prend beaucoup d’humour pour accepter la vie telle qu’elle nous est proposée. Et Réjean Ducharme n’en était pas du tout dénué, mais c’est une sorte d’humour du désespoir.
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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« Je ne suis né qu’une fois. Cela s’est fait à Saint-Félix-de-Valois, dans la province de Québec. La prochaine fois que je mourrai, ce sera la première fois. Je veux mourir verticalement, la tête en bas et les pieds en haut.
À l’école, j’étais toujours le premier à partir. Je n’y allais pas souvent et j’y restais le moins longtemps possible. J’ai complété mes études secondaires à Joliette, avec les Clercs de Saint-Viateur.
J’ai souffert six mois à l’École Polytechnique de Montréal. Enfin délivré, je me suis pris pour un commis de bureau et me prends encore aujourd’hui pour tel. Mais ceux qui embauchent des commis de bureau ne veulent pas me prendre pour un commis de bureau. Je ne travaille pas toujours comme commis de bureau. Un mois sur deux, je suis en chômage. J’ai été dans l’Arctique avec l’Aviation canadienne, en 1962. Personne ne veut me croire. Je ne sais pas pourquoi. Je dis “J’ai été dans l’Arctique.” Ils répondent : “Pas vrai.” En 1963, 1964 et 1965, j’ai fait de l’auto-stop au Canada, aux États-Unis et au Mexique. C’est fatigant.
J’ai vingt-quatre ans. Je n’ai plus tous mes cheveux et toutes mes dents. Et cela m’écoeure. Je ne me suis pas marié une seule fois encore. Les femmes ne veulent pas se marier avec moi. Si elles avaient voulu, je me serais marié tous les jours et, aujourd’hui, j’aurais à peu près 5,768 enfants. S’il n’y avait pas d’enfants sur terre, il n’y aurait rien de beau. »
Tiré de la première édition canadienne de L’avalée des avalés.
Réjean Ducharme est mort à Montréal, en 2017, à l’âge de 76 ans.
Ducharme, R. (1967). L’avalée des avalés. Montréal : Les Editions du Bélier.
***
Bibliographie
Livres
●      1966 : L’avalée des avalés
●      1967 : Le nez qui voque
●      1968 : L’océantume
●      1969 : La fille de Christophe Colomb
●      1973 : L’hiver de force
●      1976 : Les enfantômes
●      1990 : Dévadé
●      1994 : Va savoir
●      1999 : Gros mots
Scénarios et théâtre
●      1968 : Le Cid maghané
●      1968 : Ines Pérée et Inat Tendu
●      1970 : Le marquis qui perdit
●      1978 : HA ha!...
●      1980 : Les bons débarras
●      1981 : Les beaux souvenirs
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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Ducharme, le mythe
Est-ce que la prise de parole sur la sphère publique demande nécessairement d’accepter que sa vie privée soit accessible à tous et toutes?
Des journalistes ont appris en 1966 qu’un jeune auteur québécois de vingt-quatre ans allait être publié chez Gallimard. Tout le monde voulait immédiatement savoir qui était ce jeune prodige qui excellait chez nos cousins français. Mais Réjean Ducharme, grand rebelle, ne voulait pas se faire connaître. Tout le monde voulait le rejoindre pour une entrevue, mais celui-ci fuit les journalistes, changeant de domicile à tous les deux ou trois jours. Son ami Gérald Godin réussit à l’avoir en entrevue au magazine Maclean’s où il exprime son désir de rester incognito : « Ma famille dit déjà que je suis un écrivain, qu'il y a un écrivain dans la famille et que je vais être publié à Paris et je n'aime pas ça. Je ne veux pas que ma face soit connue, je ne veux pas qu'on fasse le lien entre moi et mon roman. Je ne veux pas être connu. [...] Je ne veux pas être pris pour un écrivain. » (Godin, 1966: 57)
Ducharme explique aussi dans cette entrevue qu’il avait envoyé un manuscrit au Cercle du Livre de France à Montréal, et que celui-ci avait été refusé par l’éditeur, Pierre Tisseyre. Mais ce manuscrit n’était pas celui de L’avalée des avalés (AA), le premier des romans publiés de Ducharme, plutôt celui de L’océantume. Pierre Tisseyre n’a pas aidé à dissiper le malentendu, en disant que le manuscrit a été largement changé entre sa lecture à lui et la publication chez Gallimard, alors que le seul livre publié à cette date demeurait L’avalée des avalés.
Lorsque la nouvelle sort que deux autre romans seront aussi publiés sous peu, soit Le nez qui voque et La fille de Christophe Colomb, le mystère sur cet auteur virtuose s’épaissit. Dès lors, des « amis » de Ducharme s’expriment dans les journaux en affirmant des choses plus ou moins véritables sur ses publications à venir. L’un serait un recueil de poèmes, l’autre aurait été considérablement édité par Gallimard avant la publication. Les rumeurs vont bon train, et alors, tous se demandent si ce ne serait un canular. L’avalée des avalés a un succès retentissant immédiat, on dit que c’est la « découverte du siècle », il a été lancé dans la course pour l’obtention du Prix Goncourt, on dit même qu’il aurait été retenu en vue du déjeuner final (dernière étape pour le Prix Goncourt).
Alors, en France, un journal d’extrême-droite lance la nouvelle que les photos de Ducharme mises en circulation sont celles d’un étudiant mort, et affirme que L’avalée des avalés est l���oeuvre d’un diplomate ou d’un universitaire. Le Quartier Latin, journal étudiant québécois, mène une enquête et compare la dernière page du roman, signée de la main de Ducharme, avec la signature d’Yvan Mornard, journaliste. Ils en viennent à la conclusion que c’est Mornard qui a écrit le livre.
Dans les Nouvelles littéraires, un article signé par Jean Montalbetti lance la nouvelle que derrière Ducharme serait plutôt l’écrivain Naïm Kattan. Le Devoir reprend même la nouvelle. Puisque Ducharme refuse de révéler son visage et son nom, il doit donc être un masque et un pseudonyme. Et puisque Ducharme en sait tellement sur la religion juive, il doit être juif. L’avalée des avalés a la maturité d’un homme qui est dans la quarantaine. Donc il doit s’agir de Naïm Kattan. Celui-ci aurait utilisé un pseudonyme afin de donner à la littérature canadienne-française un auteur juif. Puisque la littérature canadienne-anglaise a le sien.
C’est officiel, il faut élucider le mystère Ducharme. On le traque, on le cherche. Les journaux publient des entrevues avec sa famille, ainsi que des photos de l’album de famille. La radio d’État diffuse une émission d’une demi-heure en 1967 intitulée « Réjean Ducharme raconté par sa famille » et la télé de Radio-Canada diffuse une émission où s’expriment les parents de Ducharme. On veut absolument savoir pourquoi Ducharme refuse de sortir au public, à la presse.
La maison Gallimard envoie un professeur invité à l’Université de Montréal, Clément Rosset, rencontrer Ducharme en son nom. Celui-ci dit l’avoir rencontré, avoir vu le manuscrit, et qu’il n’y a pas de doute que L’avalée des avalés soit de lui. M. Rosset confirme le fait que Ducharme est un « Québécois de bonne souche ».
L’affaire semble réglée. Mais ça n’empêche pas le ministre des Affaires culturelles du Québec, Jean-Noël Tremblay, d’affirmer à Normand Lassonde, qui le décrit dans un article de La Patrie cité par Myrianne Pavlovic (1980), que les livres de Ducharme ont été complètement refaits avant d’être publiés et que Ducharme est un « adolescent attardé, un névrosé et un déséquilibré mental », que « ses livres n’ont aucune valeur littéraire et qu’au plus peuvent constituer des documents pour psychiatre ».
Il faut croire qu’il s’agissait d’une grave offense que de se retirer de la sphère publique.
Éventuellement, les gens ont laissé Réjean Ducharme tranquille, ont accepté qu’il demeurerait en retrait de la sphère publique. Et dès lors, le mystère autour de Réjean Ducharme demeure et persiste. Mais ce ne fut pas sans une bataille essoufflante de la part de l’auteur solitaire, qui a fait preuve du même acharnement que nombre de ses personnages pour demeurer libre.
La littérature se nourrit de mythes, et au Québec, notre mythe, c’est Réjean Ducharme. - Jacques Pelletier cité par Pascale Millot, 2000
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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Années 1960-1970 au Québec
Le premier roman de Réjean Ducharme, L’avalée des avalés, est publié en 1966. On y reconnaît Ducharme comme un véritable représentant de son époque : il a su à la fois faire dresser un tableau très juste du milieu socio-culturel dans lequel il baignait et y faire sa marque. « [I]l incarne si bien la liberté propre à la nouvelle littérature québécoise qui se met en place durant les années 1960, [...] justement parce qu’il se moque de toutes les hiérarchies symboliques, les anciennes comme les modernes. » (Michel Biron, cité dans Lambert, 2017)
La Révolution tranquille
On appelle les années 1960-1966 au Québec l’époque de la Révolution tranquille. Celle-ci aurait commencé avec l’élection de Jean Lesage, chef du Parti Libéral, après des années de grande noirceur avec Maurice Duplessis à la tête de la province. Le slogan du Parti Libéral, « C'est le temps que ça change », annonçait déjà les temps à venir.
C’est une époque qu’on connaît bien : de grands changements sociaux et institutionnels ont secoué la société québécoise, mais aussi le monde entier. Au mois de mai 1968, le climat est fébrile en France, et il y a des révoltes étudiantes partout en Occident. Pour n’en nommer que quelques unes : le Printemps de Prague, le mouvement pour les droits civiques aux États-Unis, des manifestations massives contre la guerre du Viêtnam. On dénote un mécontentement généralisé envers la société. Pendant ce temps, le Québec vit aussi des bouleversements, et l’Exposition universelle de 1967 mène à une plus grande ouverture sur le monde. Lors de cette période, les baby-boomers prennent en charge la société, mais surtout la culture.
Les romans de Réjean Ducharme sont donc arrivés à la fin de cette période qui a marqué l’imaginaire collectif. Véritables représentants de la littérature de la Révolution tranquille, les romans de Ducharme rejettent néanmoins en grand bloc les changements qui avaient lieu à cette époque. On retrouve ce thème particulièrement dans L’hiver de force, où « Ducharme critique de façon virulente la société occidentale (et surtout montréalaise) pendant la Révolution tranquille » (Ménard, 2004 : 67). Non seulement il y critique la société, mais surtout il fait état des conséquences et des échecs de la Révolution tranquille. Cet aspect de son oeuvre a souvent été évacué des analyses, car on préfère s’attarder à l’esthétique ducharmienne, à ses « jeux de mots », qu’à son esprit politique.
Il n’en demeure pas moins que l’oeuvre de Ducharme est politique : « Les personnages de Ducharme sont tous insoumis. À différents niveaux, ils se révoltent contre les diktats du pouvoir, contre ce qui leur est imposé par l’argent et par les puissants de ce monde. » (Bellehumeur, 2014 : 116). On ne peut ignorer que cette force réactionnaire demeure assez symptomatique de l’époque qui se voulait révolutionnaire. C’était « l’ère d’une tradition à inventer » (Michel Biron, cité dans Lambert, 2017), où il fallait faire table rase de tout. Et inventer, c’est exactement ce que Ducharme a fait, en manipulant la langue comme il le voulait bien. On peut alors peut-être dire que la forme ducharmienne a l’esprit de la Révolution tranquille, alors que son fond, un peu moins.
 Charlebois et Ducharme
Robert Charlebois, figure emblématique de la musique québécoise dès la fin des années 1960, et Réjean Ducharme étaient de grands amis (voir rubrique Parolier). Giroux, dans son mémoire sur la musique contre-culturelle du Québec, dit que Charlebois serait le musicien qui est le plus investi dans la contre-culture, parmi des artistes comme Péloquin, L'Infonie, Raoul Duguay, Walter Boudreau, La Sainte-Trinité, Pierrot Léger et Plume Latraverse. Même si Dicharme a férocement critiqué la contre-culture au Québec, on ne peut nier sa présence, et l’influence qu’il a eu dans le milieu.
Robert Charlebois a été découvert principalement grâce à L’Osstidcho. C’était un spectacle d’humour et de chansons présenté au Théâtre de Quat’Sous à plusieurs reprises en 1968. Il réunissait sur scène Robert Charlebois, Yvon Deschamps, Louise Forestier, Mouffe, accompagnés du Quatuor du nouveau jazz libre du Québec. Quarante-sept ans plus tard, L’Osstidcho est toujours considéré comme un évènement historique mémorable pour la culture québécoise. « Ce spectacle aux qualités de manifeste apparaît comme une violation de la norme instituée et un rejet du conformisme. » (Giroux, 2015 : 101)
 NATIONALISME
Il y a une montée des idées nationalistes politiques dans les années 1960. Alors qu’auparavant le nationalisme était une idée revendiquée par l’Église, il s’agit maintenant d’une préoccupation du gouvernement:
« Les gouvernements québécois [...] n'ont cessé de revendiquer depuis 1960 leur responsabilité nationale. Cette revendication a pris toutes sortes de formes : statut particulier, égalité ou indépendance, souveraineté culturelle, etc. Tous ces slogans revenaient à proclamer la même évidence : le Québec est une société distincte, différente des autres provinces canadiennes, au-delà des régionalismes qui distinguent les neuf provinces anglophones entre elles. »  (Balthazar, 1977 : 276)
Certains groupes politiques commencent alors à se radicaliser. Le Front de libération du Québec, créé en 1963, est un mouvement révolutionnaire qui milite pour l’indépendance du Québec. Il utilise des moyens violents, et pose des bombes dans des institutions qu’il considère comme participant à l’oppression des Québécois-e-s. Le FLQ multiplie ses actions pendant la fin des années 1960, et à l’automne 1970 enlève James Richard Cross, diplomate britannique et Pierre Laporte, ministre québécois des Transports. C’est la crise d’octobre. Robert Bourassa, alors premier ministre du Québec, demande l’aide du gouvernement fédéral. L’armée canadienne envoie des troupes et occupe la ville de Montréal. Pierre Elliott Trudeau met en place la Loi sur les mesures de guerre le 16 octobre 1970. Cinq cent personnes personnes sont arrêtées, incluant des artistes, nationalistes, syndicalistes et des intellectuel-le-s. Pierre Laporte est retrouvé mort, et James Cross est libéré en décembre. Le FLQ perd l’appui du public, mais beaucoup considèrent que les mesures prises par le gouvernement ont été excessives. Le fossé entre les Québécois-e-s et le gouvernement fédéral s’agrandit alors. En 1976, le Parti Québécois est élu, et promet un référendum sur la souveraineté du Québec.
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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L’internationale situationniste
Alors qu’on peut remettre en question les liens entre l’oeuvre de Réjean Ducharme et la contre-culture, il semblerait qu’il existerait une affinité entre son œuvre et les idées d’un mouvement précis, soit celui de l’Internationale situationniste (IS). Guillaume Bellehumeur développe cette idée dans son mémoire intitulé « Discours situationniste dans l’œuvre de Réjean Ducharme ».
L’internationale situationniste est un mouvement contre-culturel français qui a existé entre 1957 et 1972. « [L]es membres de l’Internationale situationnistes résistent à l’organisation capitaliste et hiérarchique de leur époque, lui préférant un idéal social basé sur le jeu, l’amitié et l’amour. » (Bellehumeur, 2014)
Quelques points de rencontre entre l’IS et l’oeuvre de Ducharme :
La place de l’art dans la société de l’époque et de la résistance à son institutionnalisation
D’abord, les situationnistes revendiquent l’importance du plagiat. Ils veulent désacraliser les arts, et s’assurer que les oeuvres d’art demeurent des objets avec lesquelles on peut entrer en dialogue. Ducharme partageait sans doute cette philosophie. Son adaptation du Cid en est une preuve, et les moult références dans ses oeuvres romanesques aussi. Ducharme fait tellement d’allusions à d’autres oeuvres littéraires dans ses romans qu’il est parfois difficile de les reconnaître, puisqu’elles ne sont souvent pas explicites.
De plus, L’IS est critique du spectacle et de l’art institutionnalisé. Ducharme lui-même a toujours refusé d’entrer dans le cirque médiatique qui a été créé lors de la sortie de son premier roman, et a évité la sacralisation et la reconnaissance de l’institution littéraire.
Conception de la ville
L’IS et Ducharme sont tous deux critiques de la ville. « Les Ferron, Mille Milles, Bottom et bien d’autres encore mettent tous de l’avant leur inconfort, voire leur haine de la ville, plus précisément, de Montréal. » (Bellehumeur, 2014 : 67) L’IS dénonce l’organisation de la ville et montre l’absurdité de l’urbanisme de leur époque. Ils parcourent « de manière ludique un environnement qui, dans son ensemble, ne leur convient pas » (Bellehumeur, 2014 : 74). La marche apparaît aux membres de l’IS la seule manière de lutter contre la ville. Les personnages dans les romans de Ducharme, notamment Le nez qui voque et L’hiver de force, utilisent aussi la déambulation comme méthode pour se réapproprier le territoire.
Discours économico-politique
Les membres de l’IS se positionnent contre la société qui se veut productive, contre le travail salarié. Le jeu est leur activité de prédilection, qu’ils définissent comme « dénué de tout esprit de performance et de compétitivité » (Bellehumeur, 2014 : 96). Les personnages de Ducharme n’ont pas de véritable métier, ou s’ils en ont, c’est représenté de façon très négative. (Nous pensons entre autres à Dévadé.)
« Les personnages ducharmiens critiquent sans cesse ce qui les entoure et rejettent radicalement la société telle qu’elle fonctionne. Ils s’isolent chez eux ou au bar du coin, à l’image des situationnistes dans leurs tavernes, et refont le monde sans toutefois jamais agir concrètement pour y arriver. Car soyons clairs: si les situationnistes ont une volonté, un projet révolutionnaire, et qu’ils participent activement aux événements de Mai 68, ils ne passeront jamais vraiment à l’action en ce qui a trait à tous leurs grands projets, se contentant de prophétiser la chute du système capitaliste. [...]
Les personnages ducharmiens se laissent parfois aller à un certain désabusement, un constat d’échec contre lequel ils semblent se sentir impuissants. L’IS et Ducharme semblent user de leur humour acerbe, de leur dérision, pour ne pas se décourager totalement de la tâche colossale à accomplir pour changer l’état du monde. En ce sens les discours ducharmien et situationniste se rejoignent dans un certain désabusement révolutionnaire, un état de lucidité voulant que, avant de changer le monde, il faut réaliser pleinement à quel point son état présent est désespérant. » (Bellehumeur, 2014 : 122-123)
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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Une morale dichotomique
Il y a le vrai et le faux. Le vrai est ce qui me donne envie de rire, le faux, ce qui me donne envie de vomir. L’amour est faux. La haine est vraie. Les animaux sont vrais. Les hommes sont faux. – Bérénice Einberg dans L’avalée des avalés
Les personnages des romans de jeunesse sont marqués par leur caractère extrême et radical. Ils créent le monde qui les entoure, en imaginent la genèse et le réinventent constamment. La lecture des histoires de Bérénice Einberg (L’avalée des avalés (AA)), d’Iode Ssouvie (L’océantume (Oc)) et de Mille Milles (Le nez qui voque (NV)) est truffée de théories sur l’univers, sur les rapports sociaux et sur des phénomènes biologiques et anthropologiques. Parmi ces réflexions se retrouvent des impératifs sur une conduite à adopter afin de vivre librement. Ce code d’éthique, élaboré par les jeunes narrateur-trice-s, se répercute dans tous les livres subséquents.
Dans l’univers de Ducharme, il y a une séparation précise entre le bien et le mal, le beau et le laid, à travers laquelle les protagonistes remettent en cause les valeurs dominantes de la société. La masse sociale, la population générale dont les personnages veulent se dissocier, qu’Iode nomme la Milliarde, se conforme à l’ordre établi et s’en contente. Au contraire, Bérénice s’oppose au bonheur, notamment, puisqu’il nécessite « une compromission avec la société » (Seyfrid, 1993 : 346), qu’elle refuse. Pour elle, le bonheur implique soumission et avilissement, tandis que son rejet mène à la révolte et à la dignité.
Les personnages s’imposent une série de règles, sujettes à changement au fil des romans : ne jamais devenir adulte, aimer sans amour pour ne pas souffrir, vaincre plutôt que d’être vaincu-e… Les exemples sont innombrables. Le respect total de ces règles doit permettre aux personnages d’accéder à un idéal qui reste pourtant inaccessible, car ils dérogent finalement à leurs commandements. L’impossibilité d’atteindre l’absolu tant désiré crée une fracture chez les personnages, placés devant un choix : rester fidèle ou trahir. La première option ne peut mener qu’à la mort – les deux ami-e-s dans Le nez qui voque se promettent d’ailleurs de se « branle-basser », de se suicider, pour rester purs et ne jamais être adultes –, tandis que la survie est fondée sur la trahison de l’Autre et de soi-même.
Les personnages de Ducharme menacent d’être aspirés par le néant. La trilogie des romans de jeunesse met en scène le moment charnière de la capitulation des personnages, tandis que dans les livres subséquents, la trahison a déjà eu lieu. Aussi ignoble soit-elle, rien ne peut l’empêcher d’advenir et de se répéter. Bien que dans L’avalée des avalés et L’océantume, les personnages principaux soient des jeunes filles, la majorité des autres romans ont des protagonistes masculins qui trahissent leur complice féminine. La scission entre le féminin et le masculin, l’enfant et l’adulte, le chaste et le sexuel, la pureté et la souillure, l’individu et le collectif font tout autant partie de l’œuvre de Ducharme et de la répartition de l’ordre symbolique qui la régit.
Enfance
Dans cet ordre du monde expliqué par Bérénice Einberg dès le premier roman de Ducharme, et poursuivi dans le reste de son œuvre, l’enfance est un état à conserver. Elle est associée à tout ce qu’il y a de bon dans l’univers, comme la pureté et la dureté, tandis que l’âge adulte est considéré comme déchéance et souillure : « L’adulte est mou. L’enfant est dur. […] L’enfant n’est pas mou, visqueux et fertile, il est dur, sec et stérile comme un bloc de granit » (AA, 336). Cette sécheresse de l’enfance se transmet notamment dans les émotions vécues, dans la rétention des affects, dans le refus de l’épanchement.
L’aspiration à détenir un cœur de pierre prend racine dans la volonté d’accéder à une liberté intérieure, mais elle permet aussi aux personnages de se protéger : « J’aimerai sans amour, sans souffrir, comme si j’étais quartz. Je vivrai sans que mon cœur batte, sans avoir de cœur » (AA, 41). Malgré les passions violentes qu’ils vivent, les personnages de Ducharme aspirent souvent à l’impassibilité, qui leur permettrait de ne jamais avoir besoin des autres et d’éviter les rapports de dépendance avec autrui. Par contre, ce principe est difficilement applicable et la rencontre fracassante avec l’Autre met ce vœu en péril. Mille Milles, qui passe de l’enfance à l’âge adulte dans Le nez qui voque, témoigne de cette difficulté à résister à l’emprise d’autrui : « Chaque être humain m’affecte; c’est l’affection : l’amitié, l’amour, la haine, l’ambition. Je suis malade d’affection. […] Plus je vieillis, pire c’est » (NV, 31). Même dans l’enfance, les personnages oscillent entre le refus catégorique de l’Autre et l’extase vécue dans l’abandon de soi à l’Autre. La capacité qu’ont les narrateur-trice-s à se contredire, tout en restant radicaux dans chacune de leurs prises de positions, fait d’eux-d’elles des personnages complexes et conflictuels. La force de leur résistance à céder n’a d’égal que la puissance de leurs désirs.
Les enfants ducharmiens se perçoivent comme un lieu, un territoire, de sorte que leur rapport à l’Autre est teinté de métaphores guerrières. Les personnages visitent, conquièrent, vainquent; ils sont dotés d’une armée, et Bérénice a même sa propre langue, le bérénicien, où « le verbe être ne se conjugue pas sans le verbe avoir » (Pavlovic, 1987 : 93). Ce système est mis en place pour protéger les personnages de tout contact avec le monde extérieur : « Un contact est une lézarde, une disponibilité offerte au mensonge, à la déception et à l’amertume » (AA, 188). Si contact il y a, l’enfant doit avoir le dessus, c’est lui ou elle qui doit soumettre l’Autre, et non l’inverse.
Le rapport à l’autre, amoureux, amical, familial, est donc un combat, où il y a des vainqueurs et des vaincus. Ainsi, Iode Ssouvie rencontre sa nouvelle voisine Asie Azothe, du même âge qu’elle, et veut la conquérir, la posséder pour garder sa supériorité. Pourtant, un revirement inattendu a lieu et Iode est soudainement frappée par l’extase de la rencontre avec Asie Azothe : « Je me sens visitée : je me suis laissée entrer en communication avec quelque chose d’aussi terrible que moi-même, avec quelqu’un. Je suis vaincue, et je me laisse envahir de curiosité et de désir » (Oc, 17). Donc, celle qui se donne le plus à l’autre est vaincue, et l’autre possède. Tour à tour, Iode et Asie Azothe se donneront et prendront; le rapport de pouvoir entre les deux sera en constante mutation. Mais se donner à l’Autre signifie ne plus s’appartenir tout à fait, et Iode préfère se garder : « Je n’aime pas qu'on se donne comme Asie Azothe le fait dans chacune de ses lettres. Garde-toi ! […]. Ne te jette pas : tu es tout ce que tu as ! » (Oc, 191). L’indépendance reste une valeur très prisée par les personnages, malgré les amitiés qu’ils forgeront.
Comme tout pays, l’enfant ducharmien relève de légendes, incluant une genèse mythique. Iode Ssouvie affirme appartenir à une dynastie royale, autrefois habitant dans un château. Le récit de sa naissance est aussi terrible qu’extraordinaire, à l’instar des récits mythologiques invraisemblables et sanglants. En plein orage, un feu ravage le domaine tandis qu’un garde du corps devenu fou attaque la famille d’Iode. Sa grande sœur meurt cette nuit-là, tentant de protéger son père de l’homme violent. Iode naît en de telles circonstances, arrachée par le pied du ventre de sa mère, qui l’abandonne ensuite : « Je suis née; j’ai les membres brisés et j’inaugure la branche cadette de la dynastie des Ssouvie, dynastie royale dont personne ne s’occupe » (Oc, 35). Sa mise au monde est une véritable bataille, et la survie du poupon semble relever du miracle. La narration de cette histoire contribue à héroïser Iode, qui a vaincu dès ses premiers moments de vie à multiples attaques.
Bien que les récits de naissance soient parfois relatés dans les romans, les enfants sont surtout intéressés par leur auto-engendrement. L’enfant est celui qui est responsable de sa mise au monde en tant que sujet : « On ne naît pas en naissant. On naît quelques années plus tard, quand on prend conscience d’être » (AA, 192). Il y a donc la naissance du corps et celle de l’âme. La mère est responsable de la première, et l’enfant, de la seconde.
Quoique l’enfant soit, dans l’œuvre de Ducharme, porteur d’une révolte contre l’ordre établi, « sujet souverain » (Nardout-Lafarge, 2001 : 190) dans son propre territoire, hautement créatif et relevant de la légende, son portrait n’est pas que lumineux. L’enfance est aussi un temps des peurs, où les sentiments sont intenses et les angoisses, poignantes. Chez Ducharme, « l’enfance est dotée d’une conscience très intense de la part de négativité inhérente à l’expérience humaine » (Nardout-Lafarge, 2001 : 183). L’angoisse, la peur, la menace de disparition de l’être, la solitude, la souffrance sont autant d’éléments qui menacent les personnages. L’affirmation suivante de Bérénice abonde en ce sens :
Je sais que pour quelques minutes tu pourrais prendre mon fardeau sur ton ventre. Je ne veux pas. Merci quand même. Puisque de toute façon il faudra que tu me le rendes, j’aime autant porter tout le temps mon fardeau […] À qui que tu donnes ton angoisse, elle te revient. Où que tu caches ton angoisse, elle te retrouve. (AA, 310).
Cette angoisse vient aussi d’une conscience aiguë de la solitude que chacun-e vit. Les personnages, tel que l’affirme Bérénice au commencement de L’avalée des avalés, vivent en tentant de ne pas être avalés, engloutis par le vaste monde et tout ce qui le constitue.
Amour
Tiens tiens je te tiens, tiens tiens c’est toi qui t’accroches à la perche et c’est moi qui la tiens. Je veux voir ça sur ton visage, que je saisis entre mes mains, mais il est si puissant avec ces yeux qui vont prendre feu, ces lèvres qui vont saigner, que c’est moi qui suis capturé. Même avec mon armée, la porte se referme sur moi quand j’entre dans ton visage. Même quand je ne t’ai plus dans la peau, tu m’as dans ton visage. – Bottom, dans Dévadé
Le rapport à l’Autre est conflictuel pour les personnages de Ducharme, oscillant entre le refus total de la présence d’autrui et le besoin viscéral d’être avec l’Autre. Cette ambivalence se retrouve dans tous les romans de Ducharme, ainsi que dans ses deux scénarios de films. Les héroïnes des longs métrages « sont des êtres brûlants d’amour, qui vivent leurs sentiments de manière excessive, dévastatrice » (Chamberland, 1983 : 42). Dans Les bons débarras, la jeune Manon s’apparente aux personnages enfants des romans de jeunesse de l’écrivain dans sa volonté de possession de l’Autre, à travers l’amour qu’elle ressent pour sa mère. La voulant pour elle seule, Manon éloigne les personnages masculins de l’univers de sa mère. Pour Manon, comme pour Bérénice et Iode, l’amour reçu doit être entier et exclusif. Si l’Autre ne peut s’offrir complètement à elle, il est rejeté violemment.
Or, l’amour vécu dans les romans de jeunesse se distingue de celui dans les romans subséquents, car ces derniers sont marqués par la sexualité. Le nez qui voque témoigne de ce déplacement dans l’âge adulte; deux personnages amis, Mille Milles et Chateaugué, se promettent de ne jamais dégénérer en devenant adultes et de se tuer avant d’atteindre ce seuil. Puis, ils vieillissent et Mille Milles trahit plusieurs fois Chateaugué : d’abord en éprouvant pour elle un désir charnel, qu’elle ignore qu’elle peut susciter chez lui et qui la souille; puis en lui préférant une autre, Questa, et enfin en la laissant accomplir seule leur projet commun de se « branle-basser », de se tuer pour rester purs. Dans les romans suivants, les narrateurs masculins se succèderont comme autant de Mille Milles vieillis.
L’amour adulte, tel que vécu dans les romans après Le nez qui voque, suit le schéma amoureux de ce livre : « un homme déchiré entre deux femmes et deux amours, l’un fraternel, enfantin et pur, l’autre sexuel, adulte et pervers » (Nardout-Lafarge, 2001 : 195). Les narrateurs seront donc en tension entre une femme associée à l’enfance par sa pureté et une autre, souvent incarnée par une travailleuse du sexe, qui représente la sexualité, la souillure aux yeux des narrateurs. La trahison de la première au profit des pulsions, comme Mille Milles a trahi Chateaugué, est inévitable.
Par ailleurs, la conception ducharmienne de l’amour s’en prend au couple, qu’il soit marié ou en union libre. La notion de couple est malmenée, tant dans les romans d’enfance que dans le reste de son œuvre. Il est traité comme une institution, régi par des règles bourgeoises, comme l’union entre les parents de Bérénice Einberg, mariés uniquement pour des raisons économiques et sociales : se conformer au modèle social de la famille. Par ailleurs, les couples dans Les enfantômes, Dévadé ou Gros Mots se défont, se rendent la vie misérable. Les lecteur-trice-s assistent alors « à la désintégration d’un mariage où les conjoints sont incapables de se quitter, unis qu’ils sont par la haine » (Leduc-Park, 1982 : 137).
À l’inverse des couples dysfonctionnels, défaits, accrochés coûte que coûte l’un à l’autre par leur persévérance à cohabiter misérablement, un autre type d’amour émerge des livres de Ducharme : l’amour-fusion. Ce second type se mêle parfois à la fraternité, parfois à l’amitié, dans lequel des êtres ne font qu’un. Plusieurs duos de personnages se jettent l’un dans l’autre au point d’inventer un nom à l’union qu’ils forment : Iode Ssouvie et Asie Azothe forment Cherchell (L’océantume), Mille Milles et Chateaugué forment Tate (Le nez qui voque). Quant au duo formé par Nicole et André dans L’hiver de force, il est uni par l’amour commun voué au personnage qu’ils nomment la Toune, une actrice d’une grande beauté surnommée Petit Pois, en référence au conte La princesse au petit pois. Fidèle à ses schèmes récurrents, le type d’amour valorisé chez Ducharme est pur, c’est-à-dire chaste, et passionné, véritable, foudroyant.
Tous les protagonistes, qu’ils soient enfants ou adultes, entretiennent un rapport ambivalent avec la solitude. Parfois désirée par eux, elle fait aussi souffrir les personnages, qui souhaitent ardemment vivre en fusion avec l’Autre tout en trouvant insupportables les rapports de dépendance. Pris entre ces deux pôles, les narrateur-trice-s doivent résoudre la tension née de l’entre-deux. Des personnages ami-e-s ou amant-e-s sont alors sacrifiés, ou les narrateur-trice-s acceptent de supporter leur présence et renier en partie leur indépendance. Jusqu’où accepter de perdre des parties de soi ? Comme lors du passage de l’enfance à l’âge adulte, le rapport à l’Autre implique une négociation intime de l’identité. Et ce, pour repousser le moment de l’avalement.
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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« Je fais mon hostie de comique »
L’écriture de Ducharme est truffée de jeux langagiers trafiquant l’orthographe et le sens des mots, de fausses citations d’auteurs connus, ou encore de fausses définitions de termes. Ces éléments constituent une grande part de l’humour dans son œuvre et ajoutent un aspect ludique et créateur au langage. Elle contribue aussi à déformer, voire à violenter, la langue française et la littérature dite classique.
Contrairement aux critiques et à l’institution littéraires, l’auteur met sur un pied d’égalité les références de ses romans, issus des cultures populaire et littéraire. Ainsi, Ducharme mélange des citations (truquées), des proverbes et des paroles de chansons connues. Souvent, il ajoute des calembours à ses manuscrits lors de la deuxième ou troisième réécriture, pour charger le texte et, en quelque sorte, le saboter. De ce fait, il sabote aussi l’étiquette de jeune prodige ou d’homme de lettres qu’il s’est fait accoler dès son premier roman, refusant de se faire brandir en génie.
Sa plume peut alors sembler difficile d’accès pour certain-e-s, puisque le train de pensée des personnages diverge souvent et s’interrompt parfois pour s’attarder sur des blagues. Un des procédés comiques utilisés par Ducharme est l’explication de jeux de mots dans ses textes : « Victor Hugo ? Qui est-ce ? Un misérable. (Jeu de mots avec Les Misérables. Ceux qui connaissent Victor Hugo répondent : Les Misérables.) Pagnol ? Est-ce un chien ? (Jeu de mots avec épagneul) » (NV, 84). L’explication n’est généralement pas nécessaire à cause de la notoriété des exemples d’auteurs choisis; le narrateur semble admettre, parce qu’il sent nécessaire de l’expliquer, l’inefficacité de la farce. C’est donc davantage la maladresse du narrateur qui fait rire que le jeu de mots lui-même.
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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Gymnastique onomastique
L’œuvre de l’écrivain est parsemée de noms propres ludiques, irréels, constitués de jeux de mots. Ces procédés s’observent au théâtre et dans ses romans. Plus largement, Ducharme s’amuse avec les noms de ses sculptures et les paroles de Manche de pelle sont presqu’entièrement composées de jeux sur les noms propres. Dans bien des cas, il est préférable de lire tout haut le nom écrit pour mieux le comprendre, car la graphie se base sur la phonétique plus que sur les règles d’orthographe et de grammaire. Figurent entre autres Ina Ssouvie, Étin Celant, Asie Azothe, Chamomor, Colombe Colomb, Ines Pérée et Inat Tendu.
Puisque les noms renvoient à la nature de leurs personnages, il arrive que ces derniers aient de multiples surnoms ou changent carrément d’appellation au fil des romans. On remarque donc que la nomination détient une place importante dans l’univers de Ducharme; ses romans publiés avant les années 1990 comportent chacun presque deux cents noms. Les narrateur-trice-s ducharmien-ne-s s’insurgent « contre un quotidien qui les anéantit » (Pavlovic, 1983 : 48). Ils résistent à l’ordre établi par la création de leur propre monde, dont la manière de se nommer et de nommer les autres.
Ainsi, chez Ducharme, se nommer, c’est s’appartenir. Les personnages se développent à l’encontre des schèmes dominants de la société. Par le choix de se nommer comme il l’entend, le protagoniste « remet en question la définition de l’individu par l’état social » (Hotte-Pilon, 1992 : 117). L’individu prime sur le groupe social, qui représente tout ce contre quoi les personnages s’insurgent; voilà pourquoi le prénom est infiniment plus important que le nom de famille. Les personnages assument leur identité avec leur prénom, refusant tout lien avec le nom de famille, qui inscrit l’individu dans un lien de dépendance avec autrui.
L’indépendance, valeur prédominante dans les romans de jeunesse, se conçoit dans un rapport de pouvoir et d’assujettissement de l’Autre à soi. Les personnages veulent n’avoir besoin de personne. Or, puisque les rapports interpersonnels sont perçus comme un combat, les narrateur-trice-s préfèrent la domination à la soumission. Ils déploient plusieurs tactiques pour ce faire, dont la renomination de l’Autre. Par exemple, Bérénice affirme que sa mère, magnifique et insaisissable comme un oiseau, la repoussait constamment quand elle était jeune, ce qui la blessait. Un jour, elle décide de changer la manière dont elle perçoit sa mère et la transforme en Chat Mort : « J’exige qu’elle soit une chose hideuse, repoussante au possible. […] Que ma mère ne soit pas vraiment comme un chat mort n’a pas d’importance. Il faut trouver les choses et les personnes différentes de ce qu’elles sont pour ne pas être avalé » (AA, 33). Puis Chat Mort devient ensuite Chamomor. Renommer sa mère ainsi donne une emprise à Bérénice sur elle et lui permet d’avoir le contrôle sur leurs rapports. Bérénice est donc affranchie du besoin de sa mère et son bien-être ne dépend plus d’elle. La renommer lui sert à prendre possession de l’autre à travers son nom et, par le fait même, de reprendre possession d’elle-même.
Les personnages de Ducharme sont fondamentalement ambivalents; autant ils rejettent l’Autre, autant ils souhaitent parfois fusionner avec un-e Autre. Dans certains cas, ce désir de fusion prend forme à travers un nom, une entité regroupant deux personnages, soit « Cherchell » (L’océantume) ou « Tate » (Le nez qui voque). Cette utilisation singulière du prénom va à l’encontre de son usage habituel, puisqu’il sert à rassembler deux personnes, les rapprocher plutôt que de les distinguer. D’ailleurs, « Tate » est le palindrome d’État; ce nom-fusion met littéralement l’état à l’envers.
Se nommer, c’est aussi soumettre l’ordre du monde, ou de son propre monde, à sa volonté individuelle : « Le seul mode d'existence valable, le seul qui préserve de l'annihilation, par la société et par la planète entière, c'est celui de la possession : avaler pour ne pas être avalé » (Pavlovic, 1987 : 93). Les personnages choisissent donc leur nom, mais aussi leur identité sociale, civile; puisque le nom tient une place importante dans l’organisation mentale de l’individu, le fait de se nommer contribue à modeler sa propre organisation symbolique, de restructurer le monde. Avec cette possibilité de (re)définition, cette emprise qu’ils ont sur le monde, tout devient possible.
Quelques noms expliqués (Pavlovic, 1983: 48)
L’avalée des avalés
- Bérénice est juive comme la princesse qu'elle remémore et son nom, en grec (« phérénikê »), la désigne comme « porteuse de victoire »;
- Christian, le frère de Bérénice, n'a de nom que ce fait d'avoir un nom. Christian name signifie « nom de baptême» (Christian est Chrétien);
- Constance Chlore (décoloration, pâleur, transparence);
L’océantume
- Iode, amère et antiseptique, est néanmoins indispensable à un organisme que l'on s'est promis de « nettoyer »;
- Asie Azothe (azote : gaz inactif), qui charrie l'image d'explorateurs (dont c'était la route avant qu'ils ne découvrent le Nouveau Monde) et qui vient, bien sûr, de la fin de la Terre (Fin-Lande).
Le nez qui voque
- Mille Milles est l'homme des distances,
- Chateaugué, noble, enjouée, appelle la conjonction des désirs (« château ») tout en représentant le péril du combat pour le passage (« gué ») d'un monde à l'autre (ici, de celui des enfants à celui des adultes). Fragile, Chateaugué devient château de cartes: ses parents, avec à-propos, se nomment « Brasseur » et se suicider, dans son langage, c'est se « branle-basser »... »
La fille de Christophe Colomb
- Colombe [Colomb] est toute paix, toute pureté, toute douceur et toute tendresse.
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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Théâtre
Le théâtre de Ducharme n'est pas un théâtre littéraire, c'est un théâtre de la victoire sur les mots, un théâtre de la cruauté et de l'innocence, un théâtre complètement théâtral, et qui scandaleusement ne s'en cache pas. – Laurent Mailhot
Connu comme dramaturge principalement pour deux pièces, Ines Pérée et Inat Tendu et HA ha!..., Réjean Ducharme a en fait écrit quatre pièces de théâtre. Les deux autres ont un peu sombré dans l’oubli, probablement en partie à cause du fait que Ducharme a toujours refusé de les publier.
Le cid maghané
Sa première pièce écrite pour le théâtre est une réécriture du Cid de Corneille, créée en 1968 à l’occasion du festival de Sainte-Agathe. Le cid maghané est une « parodie en 14 rideaux écrite pour être jouée en costumes d’époque dans des meubles de 1967 ». Ducharme voulait sans doute mettre en relief les normes littéraires et linguistiques qui sous-tendent la représentation du théâtre classique. Dans le texte, l’auteur souligne des passages qui doivent être dits à la française, avec pompe. Mais ce qui n’est pas souligné devait être dit en québécois. C’est donc du joual sur scène avant Les belles-soeurs! Ducharme a un discours dénonciateur, qui continue d’ailleurs dans Le marquis qui perdit. C’est une « tradaptation » au sens où Ducharme s’approprie le texte du Cid pour le « rendre plus comprenable et plus de par ici, moins sérieuse et plus laide », (Réjean Ducharme, cité par Mailhot, 1970). Mais la pièce a une ambition plus grande que celle de rapprocher le public québécois du grand texte de Corneille : « Non seulement fait-il d'un poème une prose, d'une tragédie au dénouement heureux une farce qui finit très mal, mais il monte un spectacle qui renvoie le spectateur à lui-même » (Mailhot, 1970 : 147). Ce n’est donc qu’un prétexte pour critiquer la société québécoise.
Le marquis qui perdit
Cette pièce s’apparente à une revisite de l’Histoire du Canada français d’avant la Conquête britannique et, plus précisément, de la « fin de la domination française ». Elle revient aux débuts, au temps de la « blessure originelle ». Elle est montée en janvier 1970 au TNM par André Brassard. C’est à nouveau une parodie. Elle a un accueil réservé; on dit du texte qu’il est trop littéraire (qu’il est difficile d’entendre les jeux de mots). Ducharme veut, dans ce texte, avant tout maghaner une histoire connue. Il questionne la « québécitude » ou plutôt la « quéhébétude » ainsi que l’« américanité » d’une communauté francophone dans ses rapports complexes avec un passé de soumission. Les niveaux de langue s’entremêlent pour faire de cette pièce une véritable cacophonie. Le français est châtié, et devient canayen. La langue vulgaire, orale et presque uniquement phonétique apparaît ainsi mise en contraste avec la langue littéraire, poétique et éminemment soutenue (celle de Montcalm). Il n’en demeure pas moins que la réception est d’avis que la pièce « tient plus de la bande dessinée que de la charge historique et politique » (Mailhot, 1970 : 154). Ducharme refusera de publier Le marquis qui perdit, tout comme Le cid maghané, et c’est la fin de sa dramaturgie parodique.
Ines Pérée et Inat Tendu
Créée en 1968 pour le festival de Sainte-Agathe, comme Le cid maghané, la pièce est reprise en 1976 à la Nouvelle Compagnie Théâtrale (aujourd’hui connue sous le nom du Théâtre Denise-Pelletier). Deux enfants-adultes, Ines et Inat, parcourent le monde à la recherche d’une hospitalité, d’une famille d’adoption. Comme les héros romanesques de Ducharme, ils sont épris de valeurs authentiques, d’amour vrai et d’absolu. Leur quête de l’absolu, justement, les mènera à leur perte. Parce qu’ils dérangent, bousculent, n’acceptent rien qui puisse les contrarier. Ce qui fait que personne ne veut d’eux. Ducharme met à nouveau en scène une quête épuisante, laborieuse de liberté. « Leur liberté — élémentaire, comme celle des arbres et des bêtes — est liée à la libération de la terre. Leur humanité également. » (Mailhot, 1970 : 140)
HA ha!…
Mise en scène par Jean-Pierre Ronfard au TNM en 1978, à l’origine le titre de la pièce s’orthographiait « Ah! Ah!… » Deux couples de soi-disant amis, amplement vulgaires, se croisent, s’entrechoquent, se flattent et se griffent, s’attirent et se repoussent, s’entredéchirent dans l’appartement de l’un d’eux. Ils se mettent en scène, font un show d’eux-mêmes. Ducharme, fidèle à son habitude, joue avec la langue, particulièrement chez le personnage de Roger qui travaille à l’effoirement du langage. Il crée une nouvelle langue, dont il est le seul maître, et prend le pouvoir. C’est une pièce où « Ducharme remet en question le théâtre comme art de la représentation illusionniste ». (Lefebvre, 1983 : 136) Les ruptures de ton abondent, et l’on passe du rire au désespoir rapidement. Récipiendaire du prix du gouverneur général en 1982, la pièce a été reprise maintes fois, notamment par Lorraine Pintal et Dominic Champagne. On a dit que c’était « l'une des pièces les plus violentes du répertoire québécois ». (Biron, 1990 : 146)
Ce qui nous apparaît évident, c’est que le théâtre de Ducharme, comme son oeuvre entière, est exigeant. « Ducharme n'a pas envie de plaire: il aspire à la révolte des spectateurs devant ce qu'il montre. » (Lefebvre, 1983 : 136)
Mais ce n’est pas que les pièces de théâtre de Ducharme qui ont été montées dans les théâtres québécois. Quelques adaptations de ses romans ont aussi été faites. Notamment, L’hiver de force, mise en scène de Lorraine Pintal, Dévadé, mise en scène de Frédéric Dubois, L’océantume, mise en scène de Sylvain Scott du théâtre Le Clou, À quelle heure on meurt, montage de textes, La fille de Christophe Colomb et Autour du Lactume tous trois mis en scène par Martin Faucher. Aussi, un spectacle a été créé en 2005 autour des chansons écrites par Réjean Ducharme pour Robert Charlebois. C’était écrit et mis en scène par Sylvain Scott. Et Les bons débarras, film écrit par Ducharme, a aussi eu la chance d’être adapté au théâtre, par Frédéric Dubois. L’univers ducharmien est donc un habitué de la scène. « L'écriture de Ducharme, même romanesque, est faite pour être lue à haute voix. » (Biron, 1990: 148)
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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Parolier
La plume de l’auteur se retrouve dans certaines chansons québécoises. Quelques-unes ont été interprétées par Pauline Julien : Faudrait, Je vous aime et Déménager ou rester là. Robert Charlebois a chanté toutes les autres que Ducharme a écrites.
Charlebois et Ducharme ont collaboré depuis la fin des années 1960, suite à la notoriété de Charlebois avec l’Osstidcho (1968) et de celle de Ducharme avec L’avalée des avalés (1966) et sa candidature au prix Goncourt. Les deux premières chansons que Ducharme a écrites pour Charlebois ont figuré sur l’album Un gars ben ordinaire, sorti en 1970 : Le violent seul (S’Chut tanné) et Mon pays (ce n’est pas un pays, c’t’une job). Puis, Ducharme a écrit quelques chansons dans les disques subséquents de Charlebois au courant de la décennie 1970, mais l’apogée de leur duo se retrouve dans l’album Solide (1979), où presque toutes les paroles viennent de l’écrivain. Peu après le disque Heureux en amour (1981), Ducharme met fin à leur tandem artistique.
Tranche de vie
Dans une entrevue à la radio, Charlebois raconte sa rencontre avec l’écrivain :
Je savais qui il était. Je savais que personne l’avait jamais vu. (…) Et puis, j’ai commencé à recevoir des textes. (…) Il m’envoyait ça dans du papier de toilette, dans des enveloppes scellées avec des plasters, des diachylons (…). Je trouvais ça drôle, je me disais : ‘C’est qui ce fou-là?’. Et là je fais le lien avec Réjean Ducharme. (…) Il me donne rendez-vous sur la rue Mont-Royal, dans un bar de danseuses à la lumière noire, où on voit personne. Et puis je vois un gars qui est au bar, je m’approche, je dis pas un mot et commande une bière. Il me regarde. On savait qui on était, on avait pas besoin de se présenter. On commence à prendre un coup, on était tellement bien qu’on disait : ‘Ça serait pas mal si c’était ça l’éternité’. C’est l’être avec lequel j’ai ri le plus. On avait une zone de communication, la mienne musicale et la sienne poétique, qui était vraiment unique au monde. (…) Mes plus belles années ont été nos aventures musicales.
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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dramaturgducharme-blog · 6 years ago
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