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L'arbre qui cache la forêt
Dear Jackie
FILM par Henri Pardo
2021
En 1946, un joueur de base-ball prometteur signe un contrat avec les Royaux de Montréal: Jackie Robinson. Il devient la star de la saison, portant le club aux sommets de la 'Minor League' pour la première fois de son histoire. Détail: Jackie Robinson est Noir américain. Son passage à Montréal est destiné à le préparer à rejoindre la Major League américaine dans un environnement moins raciste que les Etats-Unis de l'époque. Mais comme nous le raconte ce documentaire, il y avait bien et il y a encore aujourd'hui un racisme envers les Noirs au Canada aussi, et singulièrement à Montréal - et Jackie Robinson pourrait bien être l'arbre qui cache la forêt. Ce film noir-et-blanc mêle, dans un magnifique montage, images d'archive et interview d'activistes - jeunes et moins jeunes - qui sont autant de portraits intimistes. Les ségrégations, passées et présentes, sont racontées, ainsi que les chemins de résistance, de lutte, et parfois d'abattement. Le coeur battant de cette histoire est le quartier de Little Burgundy qui, pendant des décennies, fut le seul endroit où les Noirs de Montréal pouvaient habiter, selon une tacite entente entre les propriétaires et les politiciens. Ce fut donc un ghetto, avec une vie culturelle riche et une réelle fraternité. Jusqu'à ce que l'autoroute urbaine déchire tout, entrainant la chute du principal lieu communautaire. L'émotion est dans chaque instant de ce film, brûlant d'humanité, de la petite fille qui rêve à la fin du racisme, au vieil homme frippé qui cherche toujours des raisons d'espérer. La projection au Cinéma du Musée (Montréal) était suivie d'un débat avec le public et le réalisateur Henri Pardo ainsi que sa productrice. D'une puissante beauté, 'Dear Jackie' parle au coeur des douleurs dues à une violence profonde toujours à l'oeuvre. Il ouvre les yeux sur une réalité que ce pays (tout comme la France et d'autres) met beaucoup d'efforts à ignorer.
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Tout laisser
Hit the road
FILM de Panah Panahi
2021
Une famille de classe moyenne en voiture en Iran. Sur la route. Les kilomètres passent. Les montagnes défilent, ils s'arrêtent pour une pause, un repas. Ils se disputent souvent. Le fils aîné est au volant. L'air sombre, fermé. Son jeune frère, d'au moins 10 ans son cadet, est un trublion, farceur, agité, adoré de ses parents qui lui passent tout. Le père est assis à l'arrière, une jambe plâtrée traversant l'habitacle jusqu'au levier de vitesse. Et dans le coffre, un pauvre chien malade. Où vont-ils ainsi, semblant avoir tout laissé derrière eux? Lors d'une pause, la mère enterre son téléphone portable dans le sable. Son mari lui recommande de bien se souvenir où elle le met, pour pouvoir l'y retrouver à leur retour. De chuchotements en allusions, on comprend qu'ils se dirigent vers la frontière, que leur fils aîné va traverser, aidé par un mystérieux passeur. Cela ressemble à une comédie de cris et de fracas, mais une angoisse profonde s'instille entre non-dits et paranoïa. Ce voyage est un traumatisme, celui de la fuite, de la séparation, de la détresse. Les parents veulent, devant leurs enfants, garder la face, mais leurs enfants n'ont pas ce vernis. Le fils aîné fuit le pays, c'est cela, il part, caché, secret, comme passé en contrebande dans la brume d'un haut col. Une fenêtre sur le destin d'errance des réfugiés, des émigrants - drôle, dramatique et touchant.
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Paradis perdu
Paradise Square
SPECTACLE par Christina Anderson, Larry Kirwan, Craig Lucas
Ethel Barrymore Theatre (New York, 2022)
New York au XIXème siècle. Une ville en ébullition, en perpétuelle réinvention, destruction-reconstruction. Beaucoup d'argent, beaucoup de pauvreté. Dans le petit quartier de Five Points, deux communautés vivent en voisinage harmonieux : des Noirs fraîchement libérés de l'esclavage, et des immigrants irlandais nouvellement arrivés. "Paradise square" est leur lieu de rencontre ... et de débauche. Tenu par l'énergique Nelly, femme noire mariée à un soldat irlandais, Willie. Ici, on boit, on rit, on discute, on flirte, on danse. On s'unit, peu ou prou, on s'entraide, car les duretés de la vie ne laissent pas de répit. Un esclave fugitif demande refuge. Nelly l'accueille, même si c'est un risque car l'homme est recherché pour avoir tué son maître. Les tensions montent avec la guerre de Sécession qui se poursuit, et avec la crise de l'emploi. En survie, tout est électrique. L'unité des gens de peu pourra-t-elle tenir ? C'est tout le défi de cette comédie musicale, qui fait revivre un paradis perdu, celui d'une Amérique où le peuple se serrait les coudes, solidaire au-delà des préjugés et des différences. Un spectacle nostalgique mais entrainant grâce à une musique et à des danses excellentes.
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Cohabitation
... What the end will be
SPECTACLE par Mansa Ra
Roundabout Theatre Company (New York, 2022)
Il y a la famille, l'amour, la mort. La trilogie humaine, fondamentale, simple. Trois générations d'hommes noirs, tous homosexuels, se retrouvent sous le même toit, celui de Maxwell, cadre travailleur et ambitieux à qui tout réussit. Sauf sa relation avec son père et avec son fils. Celle avec son amant tient encore. L'assurance professionnelle et le bien-être matériel ne sauraient être suffisants pour faire tenir une vie entière, y compris les délicates relations humaines. Le grand-père, gravement malade, s'installe et fait vaciller le semblant d'équilibre si délicatement forgé. Le petit-fils, qui s'avère aussi homo que ses aïeux, va devoir, tout comme eux, se battre pour trouver reconnaissance et dignité. Ainsi va la vie ... Une pièce sensible qui dépeint formidablement les relations père-fils, la masculinité, l'homosexualité, et de façon plus générale, le défi que nous vivons tous en nous regroupant sous le même toit: celui de la cohabitation des coeurs, des âmes, des énergies. Après les effusions et les fracas vient, sans l'ombre d'un doute, la mort, la grande pacificatrice.
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Solitudes
A case for the existence of God
SPECTACLE par Samuel Hunter
Signature Theater (New York, 2022)
Keith est un courtier qui négocie des prêts immobiliers avec les banques. Ryan fait appel à ses services pour acheter un terrain et y construire, dans cette petite ville de l'Idaho où il a passé toute sa vie. Ryan n'entend rien à la finance. Il a peu de ressources, et sans doute peu de chances d'obtenir un prêt. Mais il insiste auprès de Keith. La discussion s'allonge jusque tard dans la soirée. Autour d'un - ou plusieurs - verre(s) de whiskey, les deux hommes parlent, partagent, se confient. Leur point commun : chacun est père élevant seul un jeune enfant. Et le même goût pour l'introspection, jusqu'aux profondeurs abyssales du doute. Une pièce qui, de façon impressionniste, parvient, s'appuyant sur l'anecdotique, à atteindre son ambitieux titre. Qui sommes-nous, humains, perdus dans les énigmes de nos vies et de nos relations? Les deux hommes s'écoutent et, malgré ou grâce à leurs différences, construisent quelque chose de fragile et de précieux: une amitié. Sensible, simple, profond.
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Folie douce
The Spirit of Science Fiction
LIVRE par Roberto Bolaño
Penguin Books (2016-2019)
Ce roman, qui n'a qu'un lointain rapport avec la science-fiction, narre la vie nonchalante et néanmoins bouillonnante d'une créativité en général assez fumeuse - de deux jeunes artistes en devenir qui partagent une chambre de bonne dans le Mexico City des années soixante-dix. Leur quotidien rayonne autour de littérature et de filles. Dans les deux cas il s'agit d'aspirations vaguement illusoires, même si le héros, Remo, finit par trouver en Laura une partenaire sûre pour visiter tous les bains-douches de la métropole. On refait le monde chez eux, en buvant et fumant autour d'une table entièrement faite de livres en équilibre. Puis la paire va 'enquêter' auprès d'obscurs personnages sur les plus de six-cents revues littéraires que compterait la capitale mexicaine. De temps à autre, Remo envoie une missive où la vénération emberlificotée le dispute à l'ironie et à la grossièreté, aux plus grands auteurs américains de science-fiction. Ce livre est une fête de fantaisie rebelle et d'absurdité bohème. On rit, on grince, on s'ébaubit devant une telle créativité narrative. Ce pourrait être le génial manuel potache d'un étudiant révolutionnaire soft, qui court un chemin de folie douce au coeur de la tragédie de l'Amérique latine, pauvre et révolutionnaire, qui regarde avec jalousie et dégoût le grand voisin du Nord plongé dans un opulent ennui. Un petit chef d'oeuvre inventif et radical, toujours décalé et gracieux.
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Comment on s'aime
Great Freedom
FILM par Sebastian Meise
(2021)
Allemagne, 1945. Des hommes, libérés des camps de concentration nazis, sont encore pourchassés : les homosexuels. Surpris lors de rencontres clandestines dans des toilettes publiques, ils sont condamnés à de la prison ferme pour actes contre nature, selon le paragraphe 175 de la Constitution, datant de 1871. Hans est l'un d'eux. Pris, il purge sa peine, est libéré, puis est repris et reconduit en prison. Il y côtoie des criminels de droit commun, comme Viktor. Malgré les mondes qui les séparent tous deux, la promiscuité les amène à se rejoindre, peu ou prou, à se respecter, se protéger et s'aimer. Un beau film âpre où, même dans la permanence grise des prisons percent l'étincelle de l'humanité, la fleur d'un coeur qui s'ouvre.
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La lutte transfigurée
Tina
SPECTACLE par Phyllida Lloyd
Lunt-Fontane Theater (New York, 2022)
Tina Turner fut la lionne des années 80, crinière dorée, jupe courte, roulant des hanches en hurlant 'Simply the best!'. Battante, oui, quand, quelques années auparavant, elle décidait de quitter son mentor et mari, Ike Turner, qui la rouait de coups. Elle se retrouva seule, alors, dépossédée même du droit de chanter les multiples chansons qu'il avait écrites pour elles, et qui avaient fait leur gloire à tous deux. La seule chose qui lui restait était son nom 'Tina Turner', ce nom légendaire qui lui permit de se relancer, seule cette fois-ci, pour un ultime tournant dans sa carrière. Cette comédie musicale nous entraine dans le sillage de cette vie, commencée dans les collines rurales du Tennessee, et qui se termine en un concert hors norme au Brésil, devant 180 000 personnes. Une prodigieuse histoire de survie, de douleur et de lutte transfigurées sur scène. Un très beau spectacle, aimant, fidèle et intense, avec une performance musicale, théâtrale et physique à couper le souffle par le rôle-titre, Nkeki Obi-Melekwe.
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Passion bleue
Little Girl Blue
SPECTACLE par Laionna Michelle
New World Stages (New York, 2022)
Nina Simone. Une artiste au sens le plus fort du terme. Perfectionniste, torturée, tyrannique, passionnée. D'un concert dans l'Etat de New York en 1968, juste après l'assassinat de Martin Luther King, au concert du festival Jazz à Montreux en 1976, en Suisse où elle s'est finalement établie, on la suit, de chanson en chanson, de contradiction en contradiction, de névrose en névrose. Nina Simone, celle qui se qualifie de musicienne 'classique' et s'envole avec la musique de Bach, celle qui refuse d'être rattachée au 'jazz' car c'est le ghetto musical des Noirs, celle qui, de sa voix sombre et traînante, dramatise encore plus 'Strange Fruit', 'Little Girl Blue' ou 'Ne me quitte pas'. Celle qui ne peut se laisser aimer, et qui ne se libère que sur le clavier de son piano. Un immense talent, battu par l'époque, une force de lutte, acharnée, jamais vaincue. Un remarquable spectacle, écrit et inteprété par l'excellente Laionna Michelle, dans une ambiance profondément intimiste.
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Complétude
Oasis Immersion
EXPO par Denys Lavigne
Palais des Congrès de Montréal (2022)
Et si l'art devenait entier? Et si l'on s'immergeait, en corps et en esprit, dans la création artistique? C'est ce défi magnifique que relève 'Oasis Immersion', un parcours en 3 étapes centré autour des créations numériques d'artistes canadiens, français, turcs, polonais et hollandais. Une expérience unique où l'on se laisse porter par la danse des images qui nous entourent des quatre coins et du sol au plafond, qui tournent, fleurissent, se font vagues, séismes, saisons, créatures ou abstractions. Les bandes sonores ajoutent à une sensation méditative hypnotique qui apaise, émeut, rend heureux.
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Réverbérations
Drive my car
FILM par Ryusuke Hamaguchi
(2021)
Un couple fait l'amour. Elle parle, raconte une histoire. Le sexe est ce qui nourrit son imagination. Après, son compagnon, conduisant la voiture, continue son histoire. Otto et Yusuke sont tous deux des artistes, lui au théâtre, elle à la télévision. Otto meurt brutalement, quelques jours après que son conjoint l'a surprise en train de faire l'amour avec un autre homme. Appelé pour un festival de théâtre à Hiroshima, il confie sa voiture à la jeune Misaki, sa chauffeur désignée. Portés par le souple roulis du vehicule, malgré leur pudeur réciproque, chacun au plus profond de sa douleur va finir par aller à la rencontre du mystère de l'autre. On se laisse conduire au gré des rues, des paysages, des saisons dans ce lent road movie où tout est à la fois sensuel et métaphysique. C'est un chef-d'oeuvre artistique, riche, profond, qui explore les innombrables réverbérations des émotions qui hantent nos vies : l'amour, la mort, l'art. Langoureux, silencieux et néanmoins intense.
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Survivants de l'impossible
Kamik
LIVRE par Markoosie Patsauq
Dépaysage, 2020
Chez des Unuits, aux confins du grand Nord. Tout semble invivable. Le froid, la faim, la solitude. Et la mort, partout. Un ours blanc, enragé par la maladie, attaque et tue les chiens du village. Une expédition part à sa poursuite dans le but de le tuer avant qu'il ne nuise à nouveau. Kamik, jeune adolescent, en fait partie. Comme les autres hommes, il a son harpon. Il apprendra tout de cette aventure, la lutte implacable pour survivre dans la nature, la précarité de chaque instant, de chaque vie, le courage et, parfois, l'abandon. Ce livre, partiellement autobiographique, publié en anglais en 1970, fut écrit en langue inuit, l'inuktitut. Il nous prend par la main dans les pas de ces hommes et femmes, chasseurs, nomades, survivants de l'impossible. Leur drame se déroule dans le contexte d'un exode forcé voulu par le gouvernement canadien, des bords plus cléments où ils vivaient, vers les terres terriblement inhospitalières de Quausuittuq (Resolute). On chemine avec anxiété et admiration dans ce voyage au bout de la vie - où l'humain, que tout semble broyer, trouve encore la ressource inespérée de se battre encore pour quelques mètres de plus.
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L'appartenance
L'arbre ou la maison
LIVRE par Azouz Begag
Julliard (2021)
Azouz et son frère Samy, venus de Lyon, sont de retour à Alger, la ville où vécut leur famille. Ils sont "bi", bi-nationaux, regardés avec envie ou aversion par les locaux. Les voici dans l'ancienne maison de leurs parents dans le quartier Beaumarchais, squattée par des locataires qui n'honorent plus leurs loyers et par un bataillon de chats haineux. Et par un peuplier qui, doucement, glisse ses racines et son tronc contre la bâtisse, au risque d'achever sa ruine. Et puis il y a Ryme, jeune fille solaire malgré son lourd passé. Azouz en est amoureux - avec distraction et égoïsme. Ce trio va partir pour un road-trip sur la tombe des parents, brinquebalant dans une voiture de location trafiquée. Ils s'engueulent, et pourtant ils s'aiment. Le roman d'Azouz Begag, partiellement autobiographique, est drôle de bout en bout, et c'est avec grâce que l'auteur aborde les sujets de l'immigration, de la perte des racines, de l'incompréhension culturelle, sur fond de vagues espoirs démocratiques à la faveur du mouvement du Hirak (2019-20). Le séjour sera l'occasion pour les deux frères, opposés dans leurs tempéraments, de décider où leur vie - et leurs espoirs - se trouvent. L'appartenance est, pour eux comme pour beaucoup d'entre nous, une équation difficile et imparfaite.
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Lâcher prise
Ultramarins
LIVRE par Mariette Navarro
Quidam (2021)
Un porte-conteneurs file à travers l'Atlantique. Vingt hommes à bord, et une femme, la commandante. Au centre du bateau, les machines battent, vibrent, coeurs vivants du voyage. Un jour, l'équipage décide d'arrêter tout et de plonger à l'eau. La commandante accepte et reste seule à bord. Les hommes se laissent aller à la mer, nus, émus, portés. Ils touchent une dimension autre, où ils sont plus fragiles et plus vrais. La commandante les regarde de loin, visite leurs cabines, frôlant leurs vies, leurs vêtements, leurs lits. Au retour à bord, on s'étonne du comptage : vingt-et-un. Comme si un invité s'était glissé dans le canot du retour. 'Ultramarins' est une fable belle et déliée, où les Sirènes de l'Odyssée ne sont pas loin. Une métaphore sur la rencontre avec l'inconscient, la plongée en plein océan résonne et réverbère longtemps. Comme s'impose l'évidence du lâcher prise. Mais conquérir une nouvelle liberté c'est aussi sortir de la quiétude.
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L'oppresseur en sa prison
Clyde's
SPECTACLE par Lynn Notage
The Helen Hayes Theater (New York) (2021)
Dans la cuisine d'un fast-food routier. Vitesse, précision, méthode sont de rigueur. La patronne, Clyde, veille sur le bon travail avec férocité. Elle qui a fait de la prison n'emploie que d'anciens détenus. Elle les tient, de ce fait, d'une main de fer : à la moindre récrimination elle les menace de les renvoyer à la rue. Les quatre employés, Jason, Rafael, Letitia, Montrellous, oscillent entre terreur, révolte et espoir. Leur rêve : inventer de nouvelles recettes de sandwich qui vont rendre le restaurant célèbre - et les libérer, espèrent-ils de l'aliénation. 'Clyde's' est une comédie grinçante de bout en bout, sur la domination et la soumission. Cette pièce nous force aussi à affronter le regard que nous portons sur les anciens détenus ; comme Clyde, la société leur fait payer encore leurs fautes bien après leur libération. Clyde, dans ses outrances non seulement verbales mais aussi physiques, recrée dans sa propre entreprise des conditions carcérales, où le sadisme et la menace s'imposent. Mais elle sous-estime les ailes qui poussent sur le dos de ses employés : ils se rêvent ailleurs, libres. Ils s'envoleront, la laissant attachée à sa névrose comme à un boulet.
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Au marché des bonnes intentions
Trouble in mind
SPECTACLE par Alice Childress
American Airlines Theatre (New York) (2021)
Peut-on être acteur et se mentir? Se plier aux injonctions du metteur en scène alors qu'on les désapprouve? Ces questions doivent résonner en nombre de comédiens au cours de leur carrière. Elles sont mises à nu dans cette pièce sur l'Amérique ségrégationiste des années 50. Un auteur blanc supervise les répétitions de sa pièce, qui veut précisément dénoncer le racisme dont les Noirs sont victimes. L'actrice principale, Wiletta Mayer, est la mère noire d'un jeune homme qui veut aller voter et risque, pour cela, le lynchage. La vie des comédiens en répétition s'étale avec naturel, leurs rêves, leurs doutes, leurs confidences, le partage de ce qui fait leur vie et leur art - mais aussi les tensions autour d'une pièce au sujet lourd. L'ambiance s'assombrit lorsque l'auteur, Al Manners, insiste jusqu'à l'inflexibilité pour que Wiletta mette plus de naturel et de motivation dans son jeu. Wiletta, cette fois-ci, ne semble pas décidée à plier : elle ose affronter l'arrogance bien-pensante. Son rôle n'est pas juste, la pièce, qui se veut antiraciste, sonne faux. 'Trouble in mind' est une oeuvre brillante, magistralement interprétée, qui regarde en face le racisme et l'hypocrisie d'un certain antiracisme tout en condescendance, aveuglé par ses bonnes intentions. L'ironie c'est que la pièce, prévue pour être jouée à New York en 1955, était si audacieuse pour l'époque qu'elle avait dû être édulcorée sous la pression des producteurs, qui craignaient les réactions du public et de la critique. Il s'agit donc de son retour, pour la première fois en version intégrale et originale, après un silence de plus de 70 ans. C'est dire la puissance du sujet, dont les braises fument encore.
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L'abus de rouge nuit
Moulin Rouge!
SPECTACLE par John Logan
2018, Al Hirschfeld Theatre (New York)
Le film de Baz Luhrmann de 2001 était, sans nul doute, un spectacle de Broadway sur pellicule : grandiose, exubérant, ountrancier dans la débauche de couleurs, de sons, de lumières. Surréel et follement enjoué. Ce spectacle se prête donc naturellement aux planches du Al Hirschfeld Theatre de New York. Le rouge vif se déploie du sol au plafond, Satine descend du ciel, sombre et scintillante, gracieusement juchée sur un trapèze. La revue Moulin Rouge s'est fondue dans la musique pop des années récentes, de Madonna à Queen en passant par Rihanna et David Bowie. Les morceaux s'entremêlent les uns aux autres, leur alliage formant une bonne partie de la narration. C'est un grand spectacle, excessif et dégoulinant, dont on sort ébouriffé et dodelinant, un brin abruti. La crise de foie n'est pas loin.
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