Depuis l’Ancien Régime et tout particulièrement au XIXème siècle, les ouvrier·es et les artisans de nombreux pays d’Europe avaient l’habitude de chômer volontairement le lundi. Le Blauer Montag (Saint Lundi en France) était synonyme de fête, de sorties culturelles et d’activités politiques et syndicales. Cette journée constituait une alternative au repos dominical, caractérisé par les célébrations religieuses et les obligations de la vie familiale. Blauer Montag est un espace indépendant, à mi-chemin entre lieu de vie et project room. Blauer Montag échappe à la logique du productivisme artistique néolibéral, aux impératifs d’efficacité et de visibilité, au nom de l’autonomie et de l’indiscipline. Blauer Montag défend l’idée d’expérimentation et de recherche comme principes fondamentaux de l’art contemporain et du partage comme aventure collective.
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Dressing, exposition personnelle d’Anna Meschiari du 10 mai au 7 juin 2021 Commissariat: Stefania Meazza Vues d’exposition www.annameschiari.com
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Anna Meschiari, Dressing
Jacques de Voragine raconte dans La Légende dorée que Cécile, jeune issue d’une noble famille romaine convertie au Christianisme, fut condamnée à la décapitation au début du IIe siècle av. J.-C. pour avoir refusé de renier la foi chrétienne. Malgré les coups assénés avec son épée, le bourreau n’arrive pas à la décapiter. En 1599, lors de la restauration de la basilique de Sainte Cécile de Trastevere, à Rome, son corps est exhumé: on raconte qu’il a été retrouvé intact et dans la même position d’origine, à savoir allongé sur un flanc, les jambes pliées et les poignets liés, le visage tourné vers le sol et le cou montrant une profonde blessure. Le cardinal Sfondrati passe commande à Stefano Maderno, sculpteur, pour la réalisation d’une statue qui représente la martyre dans cette même attitude et qui se trouve aujourd’hui encore dans la basilique. Saint Cécile, la sainte sans visage.
Dans son oeuvre philosophique, Nikolaï Fiodorov prône l’immortalité et la résurrection de tous les ancêtres comme objectif ultime pour l’humanité. Pour ce faire, il théorise une série d’avancées technologiques visant la domination et l’asservissement de la Nature, parmi lesquelles la colonisation d’autres planètes représente une des solutions privilégiées. Sa philosophie a donné lieu à un courant de pensée appelé « cosmisme », né à la fin du XIXème siècle en Russie et redécouvert dans les années 1980 en concomitance avec l’époque des conquêtes spatiales soviétiques.
L’univers comme voie d’issue pour une nouvelle humanité immortelle.
En 1927, l’architecte autrichien Adolf Loos développe un projet d’habitation pour Joséphine Baker, qui reste inachevé et visible aujourd’hui sous la forme d’une maquette et quelques dessins. En forme de bloc à trois étages, avec une façade parcourue de bandes horizontales en marbre noir et blanc et pensée autour d’une piscine monumentale surmontée d’une verrière, cette maison est conçue pour mettre en valeur le corps de la danseuse, répondant à un voyeurisme assumé.
Le pouvoir de contrôle du regard, dont l’étendue dessine l’intimité des intérieurs, structure l’espace comme principe fondateur dans les architectures de Loos. La fenêtre, avec sa transparence, est négligée, au bénéfice d’un espace intime et privé, telle une véritable scène où se produit le théâtre de la famille (qu’il appelle la Theater box). Théâtre: du grec θέατρον (theatron), de θεάομαι (theaomai), voir.
L’écrivain Aleksandr K. Gorsky imagine, à la fin du XIXè siècle, une nouvelle humanité, pourvue d’un corps « modernisé », caractérisé par une extraordinaire hypersensibilité qui lui permet une interaction intense avec le monde, grâce à l’échange d’énergie et à l’affranchissement de la tyrannie de l’instinct sexuel.
Il s’inspire à la notion de vision paroptique, découverte de l’écrivain français Jules Romains, à savoir l’éventualité que le corps humain soit recouvert de milliers de petits yeux (ocelles) lui permettant d’accroître sa sensibilité et sa réponse aux stimulations extérieures, afin de pouvoir s’adapter à des contextes de vie interstellaires.
Expérimenter l’altérité avec les yeux.
Dans son texte « Vogel’s net », l’anthropologue Alfred Gell trace un parallèle entre les pièges à animaux des pays extra-occidentaux et les objets d’art: les deux artefacts peuvent être apparentés puisqu’ils dévoilent des idées et intentions complexes qui parlent de la condition humaine. Les pièges, notamment, incarnent un scénario se jouant entre chasseurs et proies: elles sont à l’image de leur créateur et de leur victime, leur facture permet de lire le comportement des uns et des autres. Ce ne sont donc pas les qualités esthétiques, comme la notion de beauté, qui définissent l’essence d’une oeuvre d’art. Au contraire, cette définition est élargie, dans la théorie de Gell, à tous ces objets pourvus d’un pouvoir de séduction, indépendamment de leur nature intrinsèque, leur fonction, leur époque ou société.
L’art comme une technologie de l’enchantement.
Anna Meschiari sème notre chemin de pièges, qui capturent notre regard, telles des attrape-mouches. Elle tisse une toile de correspondances par sérendipité, à partir d’images habitées par des récits. Au final, la photographie, bien qu’absente dans cette exposition en tant que médium pur, n’est jamais trop éloignée.
Stefania Meazza
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Née en Suisse en 1987, Anna Meschiari vit (dans un ancien hôtel des années 50) et travaille (dans un temple sécularisé et transformé en atelier) à Saint-Pierre-de-Trivisy, dans le Tarn, depuis 2014.
Elle est diplômée de l’École supérieure des arts appliqués de Vevey, Suisse (2014). Son travail a été montré dernièrement au Kunsthaus Zürich (2019), au Museum der Moderne Salzburg (2019), aux Garage Studios de Moscou (2019) ou encore à la Fondazione Ratti à Côme (2018).
www.annameschiari.com
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Anna Meschiari, Dressing
Exposition personnelle du 10 mai au 7 juin 2021
Commissariat: Stefania Meazza www.annameschiari.com
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