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bergeandtheverve · 5 years
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Ardéchoise Jour 3
Vendredi 21 Juin 2019
156km - 3248m D+ /  https://www.openrunner.com/r/10109333
7H00, après une nuit en mobil-home au camping de Belos, on s'équipe de nos vêtements les plus secs et on file au petit-déjeuner. L'unique radiateur grille pain du bungalow n'a pas permis de totalement sécher nos affaires trempées de la veille alors tant pis, on fait nos bagages et le linge humide qu'ils contiennent sera étendu ce soir en espérant qu’il fasse plus beau 155km plus loin à Lachamp Raphaël.
Aujourd’hui c’est la journée redoutée, annoncée la plus coriace de notre périple. On attaquera par un profil en dent de scie avec quelques petits cols à passer puis la longue -mais régulière- ascension de 21km jusqu’au col de Meyrand qui nous hissera jusqu’aux crêtes, au km 85 après quoi on restera au dessus de 1000m et il nous restera 1300m de D+ à plier.
Il fait 15°c mais le soleil est présent, Jean-Claude est en cannes ce matin - comme souvent en début d’étape -  il mène notre petite troupe jusqu’au village de Jaujac, km 15, où on est accueilli par un homme en habits de curé qui nous promet l’enfer si l’on ne s’arrête pas prendre un petit café à son banquet. Café donc, et quelques madeleines /‌ tranches de quatre-quarts. On enchaîne jusqu’au prochain ravito : 3km plus loin dans le amo de Saint-Cirgues-de-Prades.‌‌ On est accueilli très chaleureusement sous le soleil par quelques locaux qui avaient préparé un superbe décor rétro, des antiquités à moteurs: vieilles mob’ et anciennes bécanes entre voitures à pédales vinyles et minitel.
Nous arrivons à Prades à 9h10, ravito ici aussi et leur spécialité à eux c’est l’eau minérale, on ne peut pas s’y tromper, il y a des panneaux en forme de gouttes d’eau tout le long de la route depuis 5km. On enchaîne par le premier col de la journée : le Col de Farges, 3km à 7%. A‌ 10h40,  Km 49, nous traversons le splendide village de L’Argentière avec ses vieilles pierres et son centre historique.
Au km 63, 3h35 après notre départ ( oui on n’est pas des ingrats, nous on prend le temps de discuter aux ravitos ! ) nous attaquons le dur. Comme toujours dans les montées, chacun est à son rythme et on se retrouvera au sommet.‌ Gilles - alias socquette légère - n’est déjà plus en vue après quelques virages.‌ Jean-Claude est quelques centaines de mètres derrière et je roule en compagnie de Daniel; depuis deux jours - 280km - que nous roulons ensemble, il semble que nous ayons tous les deux la même allure et quand ce n’est pas le cas, le moins en forme des deux parvient tout de même à prendre la roue de l’autre. La route est déserte, je ne me souviens pas avoir croisé plus de 10 voitures en 21km d’ascension. Le soleil qui brillait depuis ce matin s’est caché derrière un gros paquet de nuages noirs qui menacent.‌ On espère que ça passera à côté. Après une photo au sommet du col de Meyrand on enquille histoire de faire le plus de distance avant que ça ne nous tombe dessus.‌
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Nous passons le col de Bez et 1km avant l’arrivée au col du Pendu le ciel s’abat sur nous, une rincée au moins aussi franche que celle qu’on a pris la veille sur le finish avant le camping de Beloc. Au moins 70 cyclistes se sont abrités dans l’épaisse forêt qui borde la route au sommet du col. On décide de s’y réfugier avec Daniel et on y retrouve Gilles puis on fait signe à Jean-Claude de nous rejoindre. Nous sommes à 1400m d’altitude, mon GPS indique 9°c alors qu’il faisait 21°c 30 min auparavant, dans l’ascension. On patiente en se disant que ça va se calmer mais l’heure tourne et il pleut toujours autant.
On se décide donc à repartir malgré la flotte et le vent qui nous fouette le visage. On ne voit pas loin devant soi, crispés sur les poignées de frein dont l’efficacité a totalement disparue on repère le tracé de la route grâce aux trajectoires des vestes de pluie fluo des cyclistes devant nous. Après 2km à peine de descente la pluie nous a glacé je ne sens plus mes doigts, mes chaussures sont gorgées d’eau froide, Gilles appuie fort sur les pédales probablement pour se réchauffer et il file loin devant, Daniel et Jean-Claude sont derrière, j’apprendrais pas la suite que Jean-Claude n’avait pas de vêtement de pluie, il ne parvenait plus à contrôler ses grelottements qui secouaient son guidon. A 3km du sommet, toujours dans la descente, la providence place sur notre route une auberge “Le Mas du pas de l’âne” où je decide de m’arrêter, j’attends Daniel et Jean-Claude qui ne se font pas prier non plus. On espère y retrouver Gilles à qui on envoie un SMS pour qu’il ne nous attende pas dans le cas où il aurait tracé jusqu’au prochain ravito.‌ En passant le portail on comprend qu’on ne sera pas seuls.‌ Plus d’une centaine de vélos entreposés partout dans la propriété et autant de cyclotouristes qui ont trouvé refuge, entassés ici. Les aubergistes nous accueillent chaleureusement et nous prenons place sur les longues tablées où l’on nous sert des pâtes bolognaise qui sur le coup m’ont paru être les meilleures de toute ma vie. Nous nous réchauffons au coin du feu et on fait sêcher tout ce qu’on peut.‌ Les serveuses nous offrent même un sac poubelle pour en faire une cape de pluie - et une jupette- à Jean-Claude.
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Après presque 1h passée dans cette auberge, la pluie a pratiquement cessé dehors et nous nous motivons pour repartir. Encore 60km et 1000m pour aujourd’hui. Nous avons convenus avec Gilles - qui nous a patiemment attendu de longues minutes au ravito avant de voir notre SMS‌ - que nous nous rejoindrions directement au gîte du soir autour d’une bière.
Le reste du parcours s’effectuera dans les nuages jusqu’à l’arrivée. La vue depuis ces routes désertes perchées en haut des crêtes est vraiment belle.‌ Nous avons le droit à de longs tapis de bitume tout neuf à travers la campagne, entrecoupé ça et là de quelques coups de cul. Les effets conjugués de la fatigue des jours précédents, des ascensions du jour, de la pluie et du froid commencent à se faire sentir à l’approche des 30 derniers km.‌ Daniel et moi sommes moins bavards, on avale des pates de fruits quand on sent venir la fringale, vivement la bière et la nuit de ce soir. On trouve quand même encore la force de faire les cons et de taper un sprint là au milieu de nulle part devant une petite maison blanche à l’endroit où déjà l’an dernier Daniel avait joué le sprint avec les Tigers de l’ardéchoise.
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Presque 10h après notre départ, nous arrivons au gîte, une ferme entourée de chevaux.‌ Gilles, arrivé depuis déjà un sacré bout de temps nous raconte sa fin de parcours et nous présente Jacques, son compagnon de route du jour : un belge fraîchement retraité, qui en a encore sous la pédale et qui n’a pas sa langue dans sa poche. On fera une bonne partie de la route du lendemain avec lui. Place à l’apéro, pas de bière ce soir finalement mais c’est tout comme : Pastis ou Muscat et en prime un bel orage qui nous plongera quelques minutes dans le noir.‌ On débriefe tous ensemble autour d’un bon dîner et on file se coucher pour être en forme pour le finish demain sur Saint Félicien.
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bergeandtheverve · 9 years
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La partition est une chose, le chant en est une autre
Lundi 2h du mat' par un de ces beaux soirs d'été où tu restes immobile, lutant contre la chaleur, de ceux où il te peine même de plier ton coude de crainte de sentir la peau de ton avant-bras coller à celle qui recouvre ton biceps. La sueur irriguant les plissements de ton épiderme sèche sous l'effet de ta chaleur corporelle et quand tu déplies ton bras tu reconnais le bruit que faisaient les scratch de tes baskets quand tu étais gosse. C'est bien l'été. Alors on était là, chacun rangé dans sa case, fenêtre sur cours ouverte, à chercher le sommeil. Et là il y en a deux qui ont dit non. Ils ont baissé les bras, se sont résignés, ils ont dit merde, merde à la chaleur, merde au sommeil... merde aux voisins, aussi.
Au début tu n'y crois pas, tu te dis que c'est un de ces bruits que le centre-ville glousse de temps à autre, une sortie de bar, une lointaine soirée d'anniversaire qui se termine... Et puis ça revient, en cadence, tu le connais ce chant du cygne mais tu ne veux pas t'y résoudre. Tu ne peux pas croire que ton quadragénaire de voisin du dessous, bien sous tous rapports - même s'il a refusé de te passer le mot de passe de son wifi quand t'as emménagé dans l'immeuble - ait décidé de limer sa femme et le sommeil de ses voisins à deux heures du mat' par un doux soir de semaine et 35 degrés. Et pourtant si, nous y sommes, ils montent dans les tours, ils ont décidé de combattre le mal par le mal, fenêtres ouvertes. Et plus elle râle, et plus il en redonne.
Mais comme leurs fréquentes engueulades le laissait transparaître, tout n'est pas rose. Et ça s'entend, ça s'entend comme un mécano reconnaît à l'oreille une courroie de distribution qui va péter. Madame s'ennuie, madame encaisse mais surtout madame diffuse. Oui car les vocalises de celle qui vous dit timidement bonjour dans la cage d'escalier, nous mettent à tous présentement très cher dans les tympans. Toutefois le prosaïsme et la monotonie de l'interprétation ternissent ce tableau qui aurait pu tous nous distraire ou à minima offrir un sujet intéressant à l'ordre de la prochaine réunion du syndic de copropriété. Nous voilà donc bercé au tempo des coups de boutoirs de monsieur. Cet homme outrage la nuit et viole mon sommeil, cela sans même honorer sa femme.
Je vois bien que je ne suis pas le seul déçu par la prestation, on entend des fenêtres qui se referment, ce n'est encore pas ce soir qu'on nous verra aux balcons pour acclamer le bouquet final, applaudir à l'unisson en s'exclamant "encore". Pas de ola donc, pas de vivats, on est resté bien bas. Tout du moins ceux qui ont décidé de s'offrir l'un à l'autre, ou plutôt aux autres, semblent conscient de la qualité de leur performance et ne feront pas de zèle ils auront eu la noblesse de boucler l'affaire en moins de 8 minutes. Un finish sans panache, comme lors de ces modestes feux d'artifices de village, où l'on ne sait trop si le meilleur reste à venir ou si le spectacle est terminé.
Alors si vous aussi il vous prenait l'envie de vous donner dans la nuit, si jamais il vous venait la superbe idée un soir de canicule de l'enjamber, fenêtres ouvertes. N'abolissez pas le charme d'une si belle entreprise et mettez-y du coeur, donnez une âme à l'ouvrage. Flattez votre auditoire, il ne vous en sera que plus reconnaissant.
"La partition est une chose, le chant en est une autre. Ce qu'il faut, c'est avoir la musique en tête et la chanter avec le corps."  . Luciano Pavaroti
B.B.
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