23 printemps • Paris la montagne, Jacques Demy, le clafoutis au prune, le café, la glycine, Le Grand Meaulnes, les marinières, la mer, le silence, les feux d'artifice, Saint-Exupéry, les pieds nus, les rivières, les églises et les croissants
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11.08.2021
yesterday, i went to Paris on my own in order to start my move for next year. honestly, i can not wait to explore the city, to look for hidden bookshops, drink coffees with friends and do draw in museums. i will study french literature and latin, which fascinate me. however, i'm a bit stressed. i'm afraid of having panic attacks and social anxiety. I can't stand crowds, pollution and confinement. I really like nature and silence: I think I will miss it. we'll see, it's a new adventure that I can't wait to start anyway!
Alice.
photo :
- iced coffeeeee
- le jardin des tuileries
- la fête dieu, alexandre antigna, au Musée d'Orsay
- little postcards i bought
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Jan De Vliegher (Belgian, b. 1964), Garden 6, 2014. Oil on canvas, 100 x 100 cm.
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Trois ans de prépa et beaucoup de joie
TW : Cet article est LONG. Allumez votre bouilloire et prenez votre temps, ou prenez ce qui vous intéresse. Bonne lecture !
L'expérience
Février 2018. J'ai de bonnes notes en Terminale L, je suis passionnée par tout ce que j'apprends et encore bien indécise dans mes choix d'études supérieures. C'est simple : j'aime toutes les humanités que l'on me présente. La philosophie, l'histoire, les langues, la littérature. Quand je rentre chez moi je ne travaille pas, je me fais plaisir. Mais Parcoursup me presse et je dois me dépêcher de trouver une voie qui serait la plus à même de me correspondre. Je me destine au départ pour la LLCER Anglais - je viens de découvrir Jane Austen et les soeurs Brontë, et je m'oppose farouchement à l'idée de mes parents qui est de m'inscrire en prépa littéraire. Dans ma tête, je ne veux pas m'accabler de travail dans les années à venir, ni mettre en péril ma santé et ma vie sociale. Pourtant, quelques rencontres me font flancher, réfléchir. Je prends conscience que la pluridisciplinarité me plaît énormément et que je ne vois pas abandonner l'étude de la littérature française, ni celle de la philosophie. Un peu au hasard et peu confiante, je rentre donc mes voeux dans la prépa la plus proche...Et surprise, je suis acceptée du premier coup. Septembre 2018, je rentre en hypokhâgne.
L'hypokhâgne (première année de CPGE A/L. Langue ancienne choisie : Latin. Option : Histoire des Arts).
L'hypokhâgne, c'est un peu le coup de vent puissant que l'on prend face à l'océan. On est décoiffé, presque déshabillé devant la force de l'immensité qui nous fait face. Mais alors, quand le vent tombe, on est heureux, pleinement heureux. En quelques mois, j'ai l'impression que toutes les (maigres) connaissances que j'avais jusque là en littérature sont remises en cause. J'apprends de nouveau à écrire, à "vraiment écrire", comme dit mon professeur de français. Celui-ci exige de nous une quizaine de lignes quotidiennes, sur le sujet qui nous plaît. J'apprends à choisir les mots exacts, à prêter attention à ma syntaxe, à différencier les synonymes selon les nuances. L'exercice me plaît. Dans les autres matières, l'exigence est similaire : la philosophie me plonge directement dans Plotin dont je n'ai jamais entendu parler, en Histoire, le prof ne répète pas deux fois les dates d'écriture des livres apocryphes de la Bible dans le cours sur le Christianisme Antique, et je dois redoubler d'effort pour mémoriser déclinaisons et conjugaisons latines en peu de temps. Pourtant, tout m'étonne et tout me passionne. Chaque jour apporte son lot de découvertes et de surprises et je me dis "C'est bien là que je dois être". De petits détails me paraissent immensément beaux : mon professeur de français n'utilise jamais deux fois le même mot dans un cours, celle de latin nous déclame du Racine et du Camus dès que l'envie lui prend, et celui d'Allemand connaît aussi bien le grec que l'hébreu. En histoire des arts, je me réjouis à chaque colle passée. La prof nous laisse choisir nos oeuvres. Je lui parle des Nymphéas de Monet, de la Marquise de Pompadour de Delatour, et du travail de Robert Doisneau, le photographe. Nous partons chaque mois au musée. La prof de culture antique nous emmène au cinéma. Je rencontre des auteurs chaque semaine, toujours avec la même ardeur. Mes camarades de classe, eux, sont tout aussi fascinants. Nulle compétition dans cette prépa de province et pour cette première année. Chacun d'entre eux est pleinement engagé dans un loisir, une beauté qu'il aime plus que les autres : le cinéma, la photographie, certains font de la musique, d'autres apprennent la langue des signes en parallèle, certains sont sportifs, et d'autres engagés dans des associations caritatives. Au déjeuner, au self, nous parlons et échangeons beaucoup. Néanmoins, cette frénésie culturelle n'est pas vierge de toute douleur. De l'hypokhâgne, je retiens surtout de longues soirées passées en ma seule compagnie devant mes fiches d'histoire. Des invitations déclinées, des week-ends ensoleillés enfermée dans ma chambre, des passions qui peu à peu s'éloignent. La violence de la nécessité liée à la rigueur me frappe de plein fouet. Quelques uns de mes camarades partent dès le début, d'autres attendent la fin de l'année. Je pleure plusieurs fois en cours. D'autres fois encore à la fin de mes colles. Je m'épuise, je ne vois plus personne, et les mauvais résultats n'ajoutent rien de bon. Je tombe malade. La fin de l'année s'achève sur un doute. Je me suis fait si mal, cette année. Est-il bon de continuer ? La question se pose, je ne veux pas mettre ma santé en danger. Finalement, je me décide à poursuivre, mais en gardant en tête des principes simples : Je ne veux pas ce concours, je ne travaillerai donc pas d'acharnement pour lui. Je ne me refuserai rien et verrai du monde. Si je veux partir, à n'importe quel moment, je partirai.
La khâgne (deuxième année CPGE A/L. Langue ancienne : Latin. Spé : Lettres modernes).
Durant la khâgne, je reste attachée à cette mentalité. Et heureusement pour moi : avec le concours en vue, le rythme de travail demandé me cravache l'esprit. Les professeurs redoublent d'attentes. Plus de sortie au musée organisée ni de séances de cinéma. Chaque semaine, l'on répète le même slogan "Il faut avancer". La réduction des effectifs est aussi particulièrement pesante. De 37 élèves en début d'hypokhâgne, nous sommes une vingtaine le premier jour de septembre. Les mois suivants, je vois mes amis partir, et d'autres souffrir de graves dépressions, que, le plus souvent, les professeurs ignorent volontairement. Cette attitude me dégoûte au plus profond de moi-même. Je prends peu à peu conscience du microcosme dans lequel je suis enfermée, et des implicites sociaux dissimulés derrière la jolie étiquette de "CPGE". Je me refuse à reproduire ce schéma et me décide à ne tirer de cette année que ce que j'ai envie. Je ne travaille donc jamais le week-end et la semaine, je m'occupe du strict nécessaire. Je prends des verres, je ne lis que du hors-programme, je regarde des séries, je reprends le scoutisme que j'avais abandonné plus tôt et dont je me rends compte de la nécessité, je rencontre une flopée d'hypokhâgnes tout aussi drôles les uns que les autres. En Novembre, je pars à Berlin avec ma classe d'allemand. Je tombe amoureuse de la ville et me promet d'y retourner le plus rapidement possible. Je passe des moments incroyables avec ma coloc que j'aime de tout mon coeur. Nous riions de nos journées, nous nous soutenons mutuellement, regardons Netflix et écoutons les vidéos INA tous les soirs. En février, je tombe amoureuse. Pour de "vrai", cette fois. Le confinement est marqué par de multiples échanges de lettres, d'appels, et lorsque l'on se retrouve en mai, je comprends qu'il y a bien plus grand, bien plus beau, certainement bien plus important que ces études. Je me rends au concours sans trop de conviction, ma tête est ailleurs.
Cependant, alors que j'étais certaine de quitter cet enfer quelques mois plus tôt, la question se pose de nouveau. Que faire l'an prochain ? Ai-je vraiment choisi ma filière ? Avec le contexte sanitaire, je pressens une année de cours à distance pour les élèves d'université. Alors je me lance, encore une fois, dans une "L3 vécue en prépa".
La khûbe (redoublement de la deuxième année. Même langue ancienne, même spécialité).
Tout change cette année. Je suis acceptée à l'internat de mon lycée, avec des amis qui débordent de blagues et d'énergie. Des amis qui font de grands gestes quand ils parlent, rigolent sans prendre peur, et osent être eux-mêmes. Pendant l'année, certains ne manquent pas d'avoir de porter de faux et mauvais jugements à notre égard. Nous sommes le groupe que personne n'aime, et pourtant, nous nous aimons tellement, tellement. Ça court dans les couloirs, ça crie en-dessous des fenêtres, ça danse dans les chambres et la nuit, ça explore les caves du lycée. Je travaille de moins en moins et passe la majeure partie de mes week-ends à courir en forêt, à faire des feux de camps ou à faire de la randonnée. Mon amoureux me fait découvrir un nombre incalculable de films. Nous nous échangeons des livres, faisons du sport et du yoga ensemble. Il nous arrive aussi d'écrire à deux. Après les cours, je passe le plus souvent prendre un café chez une copine, un café qui s'étire, s'étire, pour rentrer avant que ne ferme l'internat. Bref, je vois de plus en plus de monde et mon coeur me remercie. Mes résultats ne sont pas si mauvais. Plus encore, j'arrive dans le premier tiers et rapidement, dans le "top 3" (cette idée de classement me RÉPUGNE, mais c'est peut-être plus significatif pour certain.e.s). Je m'entends bien avec mes professeurs et me retrouve souvent interrogée pour un exposé de plus, une colle supplémentaire, à cause de ce redoublement. En parallèle, je suis déléguée de classe, et fait tout mon possible pour apporter mon soutien à ceux qui se sentent fléchir en cette deuxième année. Je me répète : "Si tu ne vas pas bien, va t-en. Ne va pas mettre ta santé en danger pour eux". J'ai une chance immense à suivre l'ensemble de mes cours sur place, alors je persiste, et fais des choix. Je commence à distinguer les matières qui me plaisent le plus. Je me détache des personnes qui ne me font pas profondément du bien. Je passe le concours avec une once d'espoir. Une sous-admissibilité, peut-être, pour l'ego ? Mais rien, et cela me va très bien. Mes professeurs ont plus espéré en moi que je n'y ai cru, c'est ainsi. Je ne suis pas faite pour cette école, c'est tout ! À partir d'avril, le trop-plein se fait sentir. Il me devient insupportable de croiser certains visages ou d'entendre certaines réflexions. J'ai besoin de concret, d'autonomie, et surtout, de banal, de trivial. Je n'en peux plus de cette prise de sérieux générale et je suffoque. Cette prétendue supériorité intellectuelle me repousse de plus en plus. Heureusement que je suis bien entourée mais malgr�� tout, j'attends la fin de l'année avec impatience. Et quand elle arrive, je suis libre, enfin LIBRE !
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Les questions
L'organisation
Elle a considérablement changé durant trois ans ! Je suis une vrai girouette en manière de planification. Néanmoins, je gardais une certaine habitude. Adepte des to-do lists, je me faisais une liste par semaine dans un carnet, et des listes plus restreintes pour chaque jour où je répartissais en même temps les tâches de la semaine. Pour une dissertation, j'écrirai le I) le lundi, le II) le mardi, et ainsi de suite. J'y ajoutais des révisions de vocabulaire, quelques lectures de cours, des exercices plus concrets, des préparations de colle, et surtout, des temps de sport ! En hypokhâgne, cette liste quotidienne était hachée par heures. Cela marchait plutôt bien, mais plus je sortais les années suivantes, plus l'emploi du temps se voyait modifié. Je travaillais tout la semaine, et me reposais complètement le week-end. Je vidais mon esprit et dormais beaucoup, beaucoup. Pour maintenir ce rythme, je ne repoussais aucune échéance. Dès que l'on me donnait une dissertation à faire, je commençais à y réfléchir pendant la semaine, un peu chaque jour. En fin de semaine, j'avais mon plan, et dès le lundi suivant, je commençais à rédiger. J'essayais de calculer à chaque fois mon temps de travail. En temps réel, une dissertation n'excède pas les 6 heures. Je m'attelais donc à respecter cet horaire. Pas besoin de se fatiguer plus qu'il ne le faut. En général, chaque jour, je travaillais deux à trois heures par soir. Je privilégiais mon sommeil. Si non, je ne tenais pas la journée. Par exemple, si je terminais à 16h, je travaillais jusqu'à 19h sans trop de pauses et après, me relâchais complètement pour prendre du temps pour moi. Je sais que certains prennent une coupure en sortant des cours. Personnellement, j'aime bien continuer sur ma lancée.
En ce qui concerne l'organisation par matière :
Histoire : Je tapais mes cours à l'ordi. J'attendais la fin de la leçon pour faire une lecture complète et réduire au maximum mon cours pour ne retenir que les informations TRES importantes. J'enlevais plein de chiffres, ne gardais qu'un exemple. S'il fallait expliquer, reformuler ou faire des liens, je faisais quelques ajouts. Si la leçon faisait une trentaine de pages, mon but était de la réduire à 15, voire 10 si c'était possible. Sur mon document, je mettais beaucoup de couleurs et d'images. Ensuite, de l'apprentissage, par coeur par coeur. Pour moi, la récitation à haute voix marche parfaitement : je prends mes feuilles et les répète, les crie, les explique comme si je me parlais à moi-même. En parallèle, j'écoutais des podcasts, regardais des émissions. J'avais aussi une grande frise chronologique qui m'a beaucoup aidée en fin d'année, et si je faisais des fiches, celles-là étaient thématiques, afin de croiser les leçons. La religion, le commerce, le système scolaire...
Français : Le français, c'est un grand plongeon dans les oeuvres du programme il me semble. Je passais du temps dans les bouquins et dans les autres livres des auteurs choisis. Je relisais mes cours, apprenais des éléments plus théoriques, et mémorisais surtout des citations. Pour Bérénice, j'ai adoré réviser les vers à haute voix. En plus des oeuvres au programme, je fichais aussi d'autres exemples. Le thème de cette année était "Le lyrisme" : je ne me suis pas gênée pour étudier avec amour Louise Labé, Desnos ou Marceline Desbordes-Valmore. À mon sens, le français se travaille de manière très personnelle. Il s'agit surtout d'assimiler certains concepts et de retenir des références précises. La langue compte pour beaucoup aussi !
Philosophie : Peut-être la matière que j'ai le plus travaillé cette dernière année puisque j'étais une véritable BOUSE. Pour la philosophie, j'étais très méthodique, histoire de me donner envie d'apprendre. Je mettais en forme et réduisais mon cours, que je relisais de temps à autres, je tenais un carnet conceptuel (Pour "La Politique", une page pour la loi, une pour la démocratie, une pour le droit...), et remplissais des fiches de référence, c'est-à-dire de livres, avec des citations, des exemples... Tout au long de l'année, je complétais aussi des flash-cards, dont je me souviens encore très bien aujourd'hui.
Latin : "Sans le petit latin, point de salut", répétait formellement ma prof. Le latin, c'est du travail régulier et de l'application, malgré tout. Je me suis rendue compte que je ne m'améliorais que lorsque je bossais vraiment. Le latin est une langue très logique : il est impératif d'en connaître donc les fondements pour pouvoir ensuite mettre en place cette logique. Chaque jour, je faisais une dizaine de minutes de petit latin : j'empruntais un livre au CDI, tentais de traduire quelques phrases en faisant simplement la construction dans ma texte, et regardais ensuite la traduction. Après les cours, je m'appliquais également à retraduire l'extrait étudié et lorsque j'avais le temps (et la motivation), j'apprenais du vocabulaire. Mon professeure nous faisait retraduire au début de chaque cours, et ré-expliquer les points de grammaire vus. Parfois, nous récitions les conjugaisons ou déclinions des groupes nominaux à haute voix. On ne peut plus stressant, mais on ne peut plus efficace.
Allemand : Je n'ai jamais été excellente en allemand, et pourtant Dieu seul sait combien j'aime cette langue, sa culture et sa littérature. Pour l'allemand, je révisais les versions et les thèmes, et essayais, comme le latin, de retraduire. Je tenais aussi un carnet avec des photos, des images, où je mettais des couleurs et du joli scotch pour les éléments plus culturels, les mouvements littéraires, quelques biographies d'auteurs. Je remplissais ce carnet à l'année quand l'envie me prenait. Si non, Quizlet marchait vraiment pour moi. Nous nous échangions nos listes avec mes camarades et j'apprenais le vocabulaire de chaque jour. Quand je l'oubliais une à deux semaines après, je la reprenais. J'écoutais aussi beaucoup de musique (surtout du rap) allemande, la radio de temps en temps, je lisais des contes de Tieck ou de la littérature plus contemporaine et regardais des séries. Druck, la version germanique de Skam, est SACRÉMENT chouette pour ça. J'adore l'allemand. Vraiment.
Spé Lettres modernes : La plus passionnante de mes matières. En particulier cette année, avec Ronsard, Laclos et Aragon au programme. Les lettres modernes, c'est de la relecture, de la relecture, et encore de la relecture des oeuvres (ce que je n'ai pas vraiment fait, si ce n'est pour Aragon). Il faut connaître en profondeur les intrigues, les personnages, et le système d'écriture de chaque auteur. Après, c'est surtout la maîtrise de l'exercice qui fait la chose. En lettres modernes, c'est un commentaire de texte, mais les attentes sont très hautes. Même au concours je n'ai pas dépassé la moyenne (à ma plus grande tristesse, j'avoue).
2. Par rapport au lycée ?
Il y a bien-sûr quelques ressemblances. La prépa garde une structure très scolaire avec une classe, un corps enseignant défini, un système de notes et de bulletins, des conseils de classe...D'un côté, cette structure est un avantage. Certains des professeurs s'attachent à la personnalisation du parcours, et l'on créé facilement de belles amitiés, avec notre filière ou celle des autres. J'ai eu la chance de nouer également de fortes relations avec le personnel de mon lycée, surtout la dernière année en internat : les cantiniers, les pions, la documentaliste...Tout un tas de gens qui connaissent votre situation et qui restent disponibles pour vous. Après, selon moi, la prépa reste tout même radicalement différente du lycée. Parfois, on en vient même à se demander si l'on étudiait les mêmes matières...Plus revêches et vieilles écoles que d'autres, certains professeurs n'attendront pas si vous êtes en retard, ne répèteront pas deux fois et vous donneront une large part d'autonomie ; on reste dans un cadre d'étude supérieur. Rapidement, cela peut devenir "chacun pour soi" si des liens ne se créent pas entre élèves. Le rythme de travail est bien-sûr beaucoup plus soutenu, et même si une pause s'impose, vous savez pertinemment qu'elle ne peut durer éternellement. Ce n'est plus votre travail qui dépend de votre quotidien, mais l'inverse. (En tout cas, si vous tenez vraiment à suivre la rigueur type concours !). Il faut s'attendre également à de "mauvaises" notes par rapport au lycée, mais qui sont en réalité très bonnes en prépa. J'ai dit au revoir aux notes supérieures à 15/16 dès l'hypokhâgne et l'on s'y fait rapidement, je vous assure. De plus, acharnement dans le travail ne signifie pas nécessairement réussite. J'avais beau apprendre par coeur certains cours, mes notes restaient médiocres. On le dit assez peu, mais la prépa, c'est quand même une LARGE part de réflexion et de compréhension. Certains réussissent très bien sans être scolaires ! L'un de mes amis avait une moyenne de 11/20 au lycée. En prépa, il est devenu l'un des meilleurs de la classe car sa capacité à raisonner était exceptionnelle. Tout peut changer.
3. Et la compétition ?
Dans ma classe, durant trois ans, elle était quasi absente. Bien peu d'entre nous visaient l'ENS et comme chacun avait son projet dans sa tête, il n'y avait aucun besoin de se comparer aux autres. Néanmoins, il n'est pas rare que certains soient encore très attachés aux notes, le lycée nous formate de cette manière. Comme je n'avais pas envie que ces personnes influent sur mon moral, je ne regardais jamais mes notes en cours et ne les partageais à personne d'autre que moi. Après tout, j'avais mon parcours, ils avaient le leur, point barre. Si quelques uns vivaient en effet d'un esprit un peu plus compétitif (il y en a eu peut-être deux ou trois, dans toutes mes années), je préférais les ignorer, n'étant pas intéressée par l'ENS.
4. Réussir en prépa
À mes yeux, la plus grande réussite que l'on puisse avoir est de passer par la prépa. Il faut le dire : c'est une filière difficile, extrêmement rude pour la confiance en soi, impardonnable et violente. Bon nombre ne peuvent suivre car leur corps le refuse. Si vous êtes en prépa, ou que vous vous arrêtez, bravo. Et si vous n'y êtes pas, bravo aussi ! Il n'y a pas de parcours plus important que d'autre.
Cela dit, si vous voulez réussir, hé bien il me semble qu'il faille déterminer votre objectif. Pour ma part, je voulais simplement obtenir mes équivalences en licence de Lettres. Il me suffisait d'être présente tout au long de l'année et de me présenter au concours. Étrangement, c'est quand j'ai cerné cet objectif que mes résultats ont augmenté car j'ai évacué le stress et repris passion pour ce que j'étudiais. La réussite est déjà énorme si vous venez en cours, maintenez une moyenne honorable (oui, 9 de moyenne en prépa c'est BIEN, sérieusement) et rendez les devoirs demandés. On ne vous en demande pas plus si vous ne présentez pas de concours particulier.
Si votre but est d'obtenir l'ENS, je n'ai qu'un mot : accrochez-vous. C'est un travail de longue haleine. Je ne peux parler que maladroitement de ce cas, étant donné que je ne suis absolument pas concernée. Néanmoins, une amie qui a intégré l'an dernier m'a dit la chose suivante : "Je travaillais toute la journée, tous les jours de toutes les semaines. Même dans la pause entre midi et deux. À la fin de l'année, si un cours était moins intéressant que d'habitude, je séchais pour travailler autre chose. Et surtout, bosser toutes les matières en profondeur, sans en négliger une seule. Une mauvaise note au concours peut faire chuter toutes les autres car les coefficients sont les mêmes partout".
5. Du temps pour soi
Il en faut. En tout cas, je n'aurai pas pu continuer sans. Ma réflexion ne vaut rien si je ne suis pas apaisée et de bonne humeur. La prépa m'a permis de me rendre compte que j'ai besoin d'être entourée, et surtout d'être entourée de personnes joyeuses. J'ai besoin également de temps de solitude, j'ai besoin de camper de temps à autre dans la nature, de me dépenser dans le sport, de voir ma famille, de lire du YA sans culpabiliser, et d'avoir une vie spirituelle. J'ai besoin de toutes ces choses qui font du bien à mon coeur pour affronter la difficulté. Je me sens plus forte, et surtout, ce temps pour soi me permet de prendre du recul sur ce que je vis en prépa ! C'est tellement important de prendre de la distance avec cet univers : vous valez tellement plus que ce que disent vos bulletins. Je suis heureuse, aujourd'hui, d'être autant sortie cette année et d'avoir rencontré autant de monde. Car je me sens pleine : autant sur le point de vue social que mental et intellectuel. Alors on ne se refuse rien. On part courir, on regarde un film, un épisode, on va à un concert. Ne vous arrêtez pas de vivre pour quelque chose que vous ne voulez pas.
6. Le concours
Je l'ai beaucoup plus ressenti lors de ma khûbe. Ménageant une grande espérance dans mes capacités (que je n'avais pas du tout, perso), mes profs me rajoutaient des colles et me demandaient plus d'entretiens personnels. Évidemment, cette surcharge a légèrement augmenté ma dose de stress. Pourtant, comme l'an dernier, j'abordais les choses avec beaucoup de distance. La même évidence venait à moi : Je ne veux pas ce concours. Je n'ai que faire de réussir ou non ! À la limite, il m'était un peu plus important d'avoir de bonnes notes dans les matières qui comptaient vraiment pour moi et que je voulais approfondir par la suite, c'est-à-dire la littérature, le latin et un peu l'allemand. Les multiples DS et concours blancs préparent suffisamment à l'épreuve pour qu'il n'y ait pas de surprise lors du concours, je vous assure. Alors pas de stress. Pendant les semaines de révisions, je me suis autorisée quatre jours de marche en montagne avec mon copain pour prendre l'air : j'en avais besoin, et encore une fois, cette sortie m'a offert un élan et une motivation nécessaires aux dernières séances de travail. Ce concours, c'est un simple bulletin de notes, une fois dans votre vie, sur vos capacités lors de cette année A durant ce mois d'avril précisément. Entre autres, ce n'est pas VOUS entièrement.
7. Les débouchés
Alors là, étonnement. Je ne pensais pas qu'il était possible de faire tante de choses après une A/L. Évidemment, la PACES ou l'école d'ingénieur sont peut-être un peu plus éloignés, mais enfin. Si vous aimez les humanités de manière générale, vous trouverez votre compte. Je pense donc :
aux métiers de l'enseignement, évidemment (professeur des écoles, de collège, lycée, d'université) , et même l'enseignement à l'étranger !
aux métiers du livre (éditeur, libraire, auteur, illustrateur...)
au journalisme
aux écoles de commerce (oui oui, elle recrute des littéraires, sans passer les maths ou statistiques)
aux écoles d'art et de cinéma (Le Louvre par exemple)
aux écoles de management
aux écoles de mode, de marketing, de communication et d'information
aux Instituts d'Etudes Politiques
aux écoles de traduction
aux métiers relatifs aux ONG, à l'aide humanitaire
aux écoles militaires (Saint-Cyr par exemple)
8. Comment s'y préparer ?
En se reposant. L'année qui va suivre va être chargée. Si vous arrivez en hypokhâgne et encore plus si vous vous lancez dans la deuxième année, donc cet été, pensez à vous avant tout. S'il y a des livres nécessaires à lire pour la rentrée, lisez-les, et si un devoir est à rendre, faite-le. Si l'on vous demande des révisions précises et que vous souhaitez vous y mettre, prenez-le temps et assimilez en profondeur mais ne vous surchargez pas avant que l'année commence ! Vous aurez le temps de travailler dès le mois de septembre. Pour ma part, je ne lisais les oeuvres de français au programme que pendant l'année : les cours venaient éclaircir ma lecture et j'assimilais beaucoup mieux le contenu. Si vous tenez à être tout à fait prêt, faites ce que l'on vous demande mais REPOSEZ-VOUS. Lisez également des classiques, petits ou gros peu importe, auteur français ou étranger peu importe, mais lisez tant que cela vous donne du plaisir. J'ai relu mes déclinaisons et conjugaisons la vieille de ma rentrée de khâgne, et tout allait bien.
9. Le bilan personnel, le ressenti général et l'enrichissement
Quelles montagnes russes ! Quand je repense à mon entrée en hypokhâgne et à mon état actuel, je me dis que l'attraction fut longue et périlleuse, mais tellement enrichissante. Certainement que je ne m'attendais pas à autant changer en "si peu" de temps. La prépa m'a apporté beaucoup de choses, de différentes manières c'est certain, mais enfin, je ne regrette pas mes choix, et notamment celui d'avoir suivi une troisième année. J'insiste une fois encore : j'ai poursuivi parce que j'avais la force mentale de le faire, mais la santé est une priorité inaltérable sur tout le reste. Je termine ce parcours plus heureuse et épanouie que je ne l'ai rarement été. Je me suis découverte et je sais désormais exactement ce que je veux. Ce que je veux faire de ma vie, ce que je veux devenir et ce que je veux entreprendre.
L'enrichissement intellectuel/culturel : Une explosion de feux d'artifices ! J'ai énormément appris au cours de ces trois ans et la pluridisciplinarité fut une vraie aubaine. Croiser une notion que l'on retrouve en latin, plus en allemand et en littérature, c'est terriblement stimulante. La prépa m'a ouvert sur l'histoire et l'étude de l'histoire. Le travail de mémoire, le recul, et avec, l'ouverture au monde et aux civilisations. Je suis incollable sur la Chine du XIXème siècle et croyez-le ou non, cela m'est plus utile qu'on ne le pense. J'ai considérablement enrichi ma connaissance des cultures grecques et latines et de leurs mythologies, ma maîtrise de l'anglais et de l'allemand, et mon amour de l'art, sous toutes ses formes. Quel plaisir de pouvoir aller à Orsay, se mettre devant un tableau, et le décrire en pensant aux heures de cours. Ou encore d'aller au cinéma et d'apprécier un film, vraiment. La prépa m'a également ouvert à la géographie, à la sociologie, et même à la politique. Mes premiers cours de français en hypokhâgne me restent encore en mémoire et je reste assez rigoriste quant à l'utilisation de certains mots (c'est peut-être un défaut, oupsiiii). À l'oral, je suis passée de la plus grande timide de ma classe de terminale à la comédienne de théâtre de mes colles. J'ai acquis une assurance que je pensais absolument inatteignable et une large confiance malgré mes peurs et appréhensions, qui restent présentes.
L'enrichissement mental : La prépa, ça forge. Ça forge un moral de béton pour avoir le courage de se dire "Oui, ça fait la cinquième fois que j'ai 2/20 en français. Mais c'est pas grave. Je vaux tellement mieux que ça". C'est un gain de confiance, une prise de recul sur la réalité, et paradoxalement, une prise de recul sur ce qui vous paraît important et sur ce qui ne l'est pas. J'ai découvert, par exemple, que le jardinage était mille fois plus important à mes yeux que la philosophie. La prépa oblige également à faire des sacrifices et des choix qu'il faut assumer dans les moments les plus chargés, où les doses de travail se remplissent brutalement. C'est apprendre à prendre du temps pour soi et à s'aimer malgré les mauvais commentaires que l'on peut recevoir au quotidien.
L'enrichissement moral, relationnel : L'enrichissement est aussi passé par tous ces yeux, ces visages avec lesquels j'ai passé tant de temps. Ces soirées à se remonter mutuellement le moral, à pleurer dans les bras les uns des autres, à danser jusqu'à une fatigue extrême, ces journées à hurler de rire au CDI et à se tordre sur nos traductions en allemand. J'ai rencontré de multiples personnalités qui m'ont toutes apporté quelque chose de particulier, sans le vouloir. Le meilleur d'elle-même, le meilleur qu'elles avaient à donner. J'ai partagé des voyages et échangé de longues discussions, j'ai été à la plage et en maraude, j'ai sauté sur les toits du lycée et aie dîné au restaurant. J'ai rencontré des personnes en dehors de la prépa, avec lesquelles j'ai noué des liens très forts. J'ai rencontré mon copain, sans qui, au moment où j'écris cet article, je ne serais rien, tout à fait rien. (C'est niais mais vrai). J'ai osé assumer ma passion pour la littérature et celle du latin. Je n'ai désormais plus peur de dire que je fais des études de lettres, que je vais avoir un métier que j'aime, et que je me sens bien. J'ai appris à me séparer des personnes qui me faisaient du mal. J'ai réussi à me détacher d'un genre de soirée qui ne me correspondait plus, dans lequel je ne me reconnaissait pas. Je suis parvenue à m'habiller comme j'aime réellement : avec les longues jupes de mon arrière grand-mère et les casquettes/bretelles de mon oncle. J'ai retrouvé ma vie spirituelle, mes croyances, mes heures de méditation et ma pratique du yoga. Le sport est aussi devenu une activité beaucoup plus fréquente, comme l'écriture, dans laquelle je m'épanouis de jours en jours. Je redécouvre les mondes imaginaires de mon enfance avec mon copain, je dessine des sirènes et des elfes sans honte, on pense des aventures, des histoires et des personnages hauts en couleurs.
Cet été, je compte bien profiter du mieux que je le peux de la route. Partir seule ou à deux ou à trois et fouler les chemins qui se présentent à moi. Il y a tant de choses à voir en dehors des livres, et j'aime tout autant les lignes d'un poème que les lignes d'horizon.
J'espère que cet article vous aura été utile. Si vous avez des questions, je vous invite à me les poser en commentaires. Portez-vous bien.
Bien à vous,
Alice.
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Gustav Klimt, Farmhouse in Upper Austria, 1911
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Jean-Baptiste Mondino, Charlotte Gainsbourg, 1994
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detail of hands from guercino’s the return of the prodigal son (1619)
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Breakfast - Lars van Wieren , 2020.
Dutch, b. ?
Oil on canvas, 70 x 80 cm.
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John Berger, Will it be a Likeness? from The Shape of a Pocket
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René Groebli, Das Auge der Liebe/ The Eye of Love, 1953
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