#retour d'ostracisme
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Mercredi 29 mars 2023 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque autour du retour de Jean Patin à Toulouse après un exil parisien de quatre ans. Il s'agit des derniers documents, bandes annonces de films, textes choisis par des collaborateurs parisiens sur le départ, et musiques importantes de cette période.
Cette émission a été enregistrée et montée au studio de RadioRadioToulouse et diffusée en hertzien, Toulouse : 106.8 Mhz ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.
Programmation musicale : 1) Bacche, bene venies tiré de Carmina glutatorum et potatorum par le Clemencic consort 2) Barcelone d'Yves Simon par Juliette Armanet 3) Brandeburg gate (Lou Reed avec Metallica) 4) Die junge nonne (Franz Schubert transcrit par Franz Liszt) Muza Rubackyté 5) Suite n°2 de l'Arlésienne (Georges Bizet) Orchestre symphonique de Montréal / Charles Dutoit 6) Marouchka (Arthur H.) 7) On the level (Léonard Cohen) + les bandes annonces de Family romance de Werner Herzog, Gloria mundi de Robert Guédiguian, Le lion est mort ce soir de Nobuhiro Suwa, Le sel des larmes de Philippe Garrel, Portrait d'une jeune fille en feu de Céline Sciamma, Petite maman de Céline Sciamma, Si c'était de l'amour de Patrick Chiha et Reine d'un été de Joya Thome v+ deux lectures, Instructions de montage et Le bon endroit au bon moment tiré de Peregrins d'Olga Tokarczuk, lues par Juliette + lecture de Toulouse de Big Flo et Olli toujours par Juliette
Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/potatorum-et-alii-la-petite-boutique-fantasque/
Sus aux Béotiens !
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Et voilà : je relis cet article publié par Tilly sur la jeune étudiante turque battue en public parce qu'elle portait un short et un décolleté et je me dis encore une fois qu'en tant que féministe, j'arrête de porter des vêtements supposément féminins et du maquillage le jour où des femmes arrêtent de se faire tabasser et violer parce qu'elles avaient voulu s'habiller pour l'été et/ou se décorer un peu.
Je n'ai jamais entendu parler d'une femme frappée parce qu'elle était mal attifée ou ne portait pas de rouge à lèvres. Ça ne rend pas le maquillage féministe pour autant et ça n'enlève rien aux arguments des féministes qui se battent pour que la féminité, au sens strict du terme, ne soit pas considérée socialement comme le résultat d'un bon fond de teint. Non, une femme n'a pas à se vêtir comme pour aller au bal pour être une femme, elle n'a pas à attendre qu'un homme la trouve baisable pour s'autoriser à vivre.
Et alors ?
D'un autre côté, je m'inquiète d'une certaine tendance contemporaine parmi les tenantes d'un certain féminisme militant en ligne qui tend trop souvent à s'en prendre aux femmes qui voudraient de parer des atours plus communs de la féminité, au motif que telles femmes se rendent coupables de rendre des comptes au Patriarcat et se font traîtresses à leur classe et à leur cause.
Et moi je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'une version de la féminité où il faudrait se rendre aussi peu décorative que possible pour signaler son féminisme n'est au fond pas plus libérée et libératrice qu'une féminité seulement exprimée par des stéréotypes socialement plus convenus… D'une part, qu'y a-t-il de criminel dans le fait de vouloir se parer pour paraître en société, mais surtout, où serait le crime dans le désir de plaire… à des hommes ?
Les différentes classes sociales n'abordent pas du tout le maquillage et les décolletés de la même façon, d'ailleurs, ni parfois les rapports entre les sexes. Il n'y a pas que cela. Il y a davantage dans la superficialité qu'une idée de séduction sexuelle effective, et plus dans le refus d'être vu décoré qu'une simple question de naturel. Plutôt que de reprocher aux femmes de souligner leurs caractéristiques sexuelles secondaires en public, pourquoi ne pas s'attaquer à la racine du problème patriarcal… le fait que les hommes, eux, ne se maquillent plus, et ne portent plus de vêtements aguichants ?!
Maquillage, épilation et habits compliqués ont accompagné les civilisations humaines depuis leurs commencements, seules des dictatures les ont supprimés, de manière certes temporaire. Il importe aussi de comprendre leurs sens, apparents ou cachés. De nos jours, il n'est pas inutile d'interroger le fait que la masculinité publique s'est figée avec la Révolution industrielle dans une vraie-fausse sobriété décorative qui a creusé un écart artificiel encore plus grand entre les sexes, mais que cette austérité relative (l'épilation fait son grand retour chez le mâle occidental, à ce qu'il semblerait…) est un fait récent.
Une question que je me pose toujours, c'est que si l'absence de maquillage est un distinguo fondamental entre les hommes et les femmes et que la bonne féministe est censée refuser de se décorer parce qu'elle doit refuser de paraître désirable aux yeux de ce qui passe aujourd'hui pour une sorte de tradition occidentale… Dites, ce ne serait pas une façon de déclarer encore une fois le masculin humanité par défaut ?!
Combattre l'injonction à la consommation dans notre société ultra-libérale, s'attaquer aux géants capitalistes des cosmétiques, cela relève du bon sens militant. S'attaquer aux femmes que l'on soupçonne de vouloir paraître séduisantes aux yeux de partenaires masculins potentiels, ça commence à virer au problème. En premier lieu parce qu'un certain nombre de femmes désirent ou vont désirer des hommes et qu'il importe assez, dans une perspective féministe, de ne pas leur déclarer que la bonne féministe doit s'abstenir de sexe ou de flirt avec tout ce qui ne serait pas féminin. Ensuite, parce que s'il y a une chose que les libéraux ont compris, pour une fois, c'est que l'individualité est une composante primordiale de l'être humain... Oui, le conformisme tue, et l'esprit, et à l'occasion le corps. Oui, injonction est faite aux femmes de se conformer à des rôles sociaux prédéterminés sous peine d'ostracisme (de plus en plus relatif). Cela étant dit, l'expression superficielle de la féminité n'en constitue pas le socle ou l'absolu. En d'autres termes, il y a plus contraignant, plus assujettissant, que le mascara ou les jupes courtes. Il est surtout des formes d'oppression plus marquées et plus dangereuses. Le secret étant que le maquillage et les décolletés ont toujours relevé du choix individuel ; ce sont les éventuelles injonctions qui ont été collectives.
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Et pendant ce temps-là...( II )- La campagne présidentielle
La France traverse en ce moment de bien tristes heures de son histoire pourtant riche en périodes débordant d'absurdité. On nous empoisonne avec la rengaine ''Il faut tuer le soldat Fillon'', un très vilain ''remake'' du vieux ''tube'' de Ray Ventura ''Tout va très bien, Madame la Marquise''. Après sa femme, ses enfants, ses costumes, (ses slips bientôt, on n'y échappera pas !) ou les plats qu'il préfère au restaurant, le prochain couplet va s'appeler : ''continuer à faire croire aux français que ces ''attrape-couillons'' sont les seuls ''problèmes'' dont ils soient dignes'' !
Je suis convaincu que la tragi-comédie qui mine et ronge la France en ce moment restera dans l'Histoire de notre pays comme une tache sur son honneur, pas très belle ni très propre : tout est trop violent, trop exagéré, trop moche, d'une laideur qui saute aux yeux dès que l'on met les faits reprochés en balance avec les enjeux. Les premiers sont anecdotiques, un amalgame qui ne saurait être dû au hasard. Ils ne sont ni avérés, ni prouvés, ni vérifiés, mais ils se résument à des accusations floues, et démontrées fausses pour la plupart... Les seconds sont du domaine du fondamental : d'un côté le sauvetage encore possible (mais dans les termes proposés par François Fillon) de notre pays gravement mis à mal par 5 années d'un socialisme rétrograde, et de l'autre la perpétuation de la main-mise sur le pouvoir d'une ''camarilla'' qui s'est emparé de tous les leviers... précisément dans le but de se prémunir à jamais contre le retour éventuel d'autres que eux-mêmes. Et c’est là que Fillon est la pire des menaces.
Il doit donc disparaître. Ce n’est même pas un mot d’ordre politique, c’est un ''allant de soi'', un ''acte de foi'' (laïc, bien entendu !), une ''mesure de salubrité publique'' (et républicaine, vont-ils oser ajouter !), un ''must''... car il y a plus, et pire, dans sa présence à cette élection, et ''Libé'' ne s'y est pas trompé en titrant, le 24 novembre dernier : "Au secours Jésus revient ". Et ça, c’est inacceptable, car parmi les ''ennemis'' que cette secte a frappés d'ostracisme, il y a les chrétiens et tout particulièrement les catholiques, qu'ils ont pris en haine au point d'aller jusqu'à favoriser l'islam, en un mortifère (pour eux !) ''tir de balles dans son propre pied''. Le résultat de cette erreur criminelle à terme est l’immense clameur qui occupe la totalité des médias et du discours politique depuis un mois. Jamais homme politique n’avait mobilisé contre lui une telle fraction de la classe politico-bobo-médiatique, plus quelques traîtres, des Ganelon ou Cauchon se disant de droite. Mais Cartago delenda est, disait Caton (l'ancien)... et le fait que Fillon n’ait commis aucun délit n'a aucune importance, pas plus que toute une vie politique qu'aucun nuage n'a jamais terni : c'est sa seule existence qui est un ''crime'' (comme le dit Sidney Touati -dans Dreuz), c’est lui, le délit... ce qui nous fait revivre les procès staliniens ou robespierristes, où accusation valait condamnation. Au pilori, les innocents ! Il EST l'ennemi, et sa famille avec lui, pour faire ''bon poids''.
Ce qui est véritablement en cause dans cette litanie de calomnies, c'est que Fillon a commis une insulte aux ultimes survivants de ce qui se croyait une intelligentzia : ''Je suis chrétien''... On a du mal à réaliser la gravité de cet outrage à l'intelligence et aux libres penseurs réunis ! Il est chrétien ? Clouons-le en croix ! Pourquoi ? Parce que, dans l'ambiance actuelle, où règnent en maîtres absolus un athéisme, un agnosticisme, un anti-christianisme et un laïcisme d’Etat qui ont atteint des niveaux pathologiquement sectaires, les ''meneurs'' (qui se sentent à juste raison protégés par le pouvoir en place), croient qu'ils ont raison d'avoir un comportement dégueulasse : pour eux, il s'agit d'une mesure d'hygiène publique. Etre ouvert aux religions ? Bien sûr, mais, à condition qu'elles soient hostiles au christianisme !
On affirme généralement que l'anti-sémitisme de certains trouverait une origine dans l’apostrophe des hiérosolymitains à Pilate : ''Et tout le peuple répondit : ''Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants'' -Matt 27-25. On prétend aussi (mais sans aucune preuve convaincante) qu'il aurait commencé à l'extrême droite (ce qui est, d'après moi, une lecture extrêmement anachronique car elle ramènerait toute l'histoire de l'anti-sémitisme à l'affaire Dreyfus, alors qu'on peut la faire remonter... à Nabuchodonosor ou aux Pharaons !). Ce dont on est certain, en revanche, c'est qu'il a maintenant émigré vers l'extrême gauche (soutien inconditionnel de la cause palestinienne) et l’islam (et plus encore sur la caricature qu'est l'islamisme !).
Le pauvre Fillon n’imaginait pas quel ''tabou'' il transgressait en étant simplement ce qu'il est, ni le caractère explosif de ses positions (qui occupent pourtant une toute petite place dans son discours). En osant dire les mots qui tuent, ''je suis chrétien'', dans la France d’aujourd’hui qui n'est plus que haine primaire de ce mot, en osant mettre son identité religieuse chrétienne en avant dans le domaine politique, il a commis plus qu’une faute : un crime ! Dans l'optique orientée des fanatiques d'un laïcisme militant, ''Fillon le Chrétien'' méritait d'être soumis à la redoutable machine à exclure et à tuer qu'est le triptyque Justice-médias-Pouvoir socialiste (le dernier mot étant fortement redondant avec les deux qui le précèdent).
Quoi qu'il en soit, je suis maintenant en mesure de révéler qu'aucune nouvelle accusation ridicule, sordide, minable et/ou mensongère n'a été sortie par le Canard, Mediapart ou le Monde, pendant les deux bonnes heures que j'ai passées à écrire ce ''billet''. Et il n'y a pas eu de nouvelle mise en examen ! C'est un ''scoop'', et un record : cela fait plus d'un mois qu'un temps si long s'écoule sans qu'ils aient fabriqué une fausse information dont ils espèrent seulement qu'elle laissera ses sales traces, une fois qu'elle aura été rejetée dans les décharges publiques où ces journalistes intègres, démocrates et tellement respectueux de la présomption d'innocence avaient été la déterrer... Quelle belle campagne présidentielle on a !
H-Cl.
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(...) Et cette année-là où aucune femme ne conçut d'enfant, où les hommes allaient deux par deux dans les rues et les cafés en se crachant au visage mais chacun semblait cracher sur lui-même, puis ils partaient enlacés s'accoupler dans des sous-sols obscurs ou des tièdes buanderies où ne pouvaient les retrouver les femmes frénétiques, l'épidémie de la stérilité bien enfoncée dans leurs entrailles - elles les cherchaient dans les bordels et dans les bars, et cette recherche vaine les rendait plus belles encore, plus attirantes, plus fascinantes, plus femmes, plus à même de provoquer des passions effrénées, plus douces, elle enveloppait leurs travaux d'approche d'un scintillement de désespoir qui se gravait dans l'esprit du spectateur et ne le quittait plus, car au cours de cette recherche les femmes avaient compris que les formes de désespoir sont nombreuses, mais que l'une d'entre elles leur appartient en propre dans les siècles des siècles -, c'est cette année-là qu'eurent lieu la plupart des conspirations dans les plus hautes sphères de l'État, des paquets de députés se vendaient, passaient en se pavanant dans le parti diamétralement opposé dans le seul but de satisfaire des ambitions personnelles ou familiales (l'un d'entre eux, dit-on, accepta de devenir ministre pour donner une dernière joie à sa vieille mère mourante car elle se rongeait les sangs de voir son fils vieillir député), les patriotes et nationalistes fanatiques mettaient à l'abri des fortunes entières à l'étranger avec l'aide de régimes se reflétant mutuellement, que certains d'entre eux maintenaient au pouvoir par leur argent et leurs relations, (...) les gouvernements changeaient à une allure vertigineuse dans une succession d'échecs, de crimes et d'innombrables formes d'impuissance, qui menait au bord de l'effondrement spirituel, des partisans enragés de politiciens défunts les sortirent de leurs tombes, et les soulevant dans leurs cercueils boueux, les promenaient dans les rues, réclamant par des slogans extrémistes leur retour à la vie politique, prétendant qu'eux seuls pouvaient sauver le pays de la disparition totale, (...) des intellectuels fanatisés, du haut de leurs balcons, exhortaient les foules stupéfaites à renier la vie, à ne se nourrir que de racines, à se reproduire en couchant avec des statues mutilées, dans un égarement sentimental et idéologique semblable à celui de ces gens qui s'efforçaient d'intervenir dans la brûlante réalité, d'imposer un changement radical en appliquant des programmes politiques issus d'autres époques - démarches qui ont reçu le nom de «Métaphysiques du Dogme», et passent pour l'un des crimes avec préméditation les plus barbares -, (...) les meurtres atteignirent une fréquence, une cruauté inconcevables, des gens disparurent à jamais pendant la nuit et nul n'entendit plus parler d'eux ; des fosses communes s'ouvrirent dans les cimetières des faubourgs des villes, où l'on jeta des masses de corps fauchés aux heures d'aveuglement partisan, on constitua partout des pelotons d'exécution improvisés qui fusillaient au nom de l'intégrité territoriale, de l'indépendance nationale et de la grandeur de la race, (...) et P. Karayànnis supprima H. Karayànnis, Vassiliàdis supprima Nikolaìdis, Andrikòpoulos supprima Solomonìdis et ses frères, Dròssos supprima Kèllis, Ferendìnos supprima Goùmas, Zikìdis supprima Smyrnèoglou et ses fils, M. Hadziprodròmou supprima F. Hadziprodròmou, Kostòpoulos supprima Delipètrou, Pagoulàtos supprima Fotiàdis et Ghèlekas et Dimitrìou, Vlassòpoulos supprima Apostolòpoulos, Constandinìdis supprima Matthèou et ses frères, A. Melas supprima D. Melas, Simeònoglou supprima Yatrou et ses fils, B. Notaras supprima P. Notaras et E. Notaras..., les prédictions les plus sombres des médiums commencèrent à se réaliser, dans toutes bibliothèques les dialogues platoniciens disparurent, (...) dans les morceaux de musique on n'entendait plus jamais de violon, les projecteurs de cinéma ne laissaient plus passer la lumière, (...) les romans se réduisirent à leurs dialogues et les pièces de théâtre à leurs didascalies, (...) les diagnostics des médecins se révélaient toujours faux, (...) des cimetières entiers partirent dans les airs comme des nuées d'oiseaux, phosphorescents, des hommes couraient les rues en riant sans cesse comme on rit dans son sommeil, et une lumière pleine de douleur et d'amour inemployé planait en permanence au-dessus de toutes les maisons, donnant au paysage entier l'allure d'un visage crispé de jeune fille qui, voulant sauter la barrière de sa virginité mais craignant le contact avec l'homme, enfonce avec la rage incontrôlée, sismique du désespoir une barre de fer dans son sexe en hurlant «mon Dieu, mon Dieu», tournant la tête comme une perdrix vers le ciel, mêlant les deux extrémités de la vie dans la fontaine bouillonnante, embaumée, de son sang. Car il s'était accumulé tant de choses dans le cœur des hommes, que les cœurs ne parvenaient plus à tout contenir. L'avancée de l'ennemi hâta ce qui se préparait depuis des siècles, et attisa des espoirs que les autorisés locales avaient tant de fois déçus. L'heure ultime approchait. Tandis que les armées ennemies s'enfonçaient dans le pays, des réarrangements historiques ramenaient, plein de vigueur après des siècles d'ostracisme, le royaume de l'imaginaire aux multiples faces qu'on réinstaura dans toutes les têtes, inaugurant le nouveau cycle historique. (...) Les lois se supprimant elles-mêmes furent abrogées. Les institutions furent inversées, leur exact opposé entra en vigueur. (...) En un seul instant se réalisa le rêve inavoué de tant de générations, à savoir le passage au millénaire de la Schizophrénie Multiforme Consciente (que s'accomplisse la parole du Seigneur annoncée par la bouche du prophète : telle sera la santé de l'avenir, ce qui signifie, en d'autres termes, la fin de l'homme unidimensionnel). (...) Le droit des mélancoliques s'imposa. Les taciturnes et les solitaires se mirent à légiférer. Tout le monde écoutait religieusement l'opinion de ceux qu'on rangeait auparavant dans la catégorie des anormaux. (...) De nouveaux délits d'instincts se créèrent, tandis que les anciens, séculaires, cessant de susciter les railleries, étaient reconnus comme soutien de l'État dans sa politique tant intérieure qu'extérieure. (...) Le crime devint légal, constituant désormais la clef de voûte de toute manifestation publique. (...) On vit se multiplier les cas de passion amoureuse, les déclarations d'une franchise vertigineuse, les cadeaux. (...) Tous les humains furent déclarés saints et entreprirent de se vénérer les uns les autres. Les mots acquirent une intensité sans précédent, au point que tout le monde réfléchissait longtemps avant de les choisir, car certains d'entre eux pouvaient maintenant brûler la langue à jamais. (...) L'Église publia une encyclique imposant les plus sévères sanctions à tous les hommes et toutes les femmes qui n'osaient pas révéler publiquement l'autre sexe en eux, lequel se trouve enclos par la nature et par Dieu dans la constitution de tout être humain, instituant le mystère de sa dualité, ce qui eut pour effet immédiat de remplir les rues d'hommes en vêtements de femme ostentatoires, profondément convaincus d'être porteurs d'un don divin, qui se firent preneurs et dispensateurs d'élans inouïs tandis que des femmes, affranchies du désir des hommes et s'adonnant aux joies de la procréation mentale, poursuivaient d'autres femmes jusque dans les églises, à l'heure de la messe (dans le rite ambrosien, vu le déchaînement du rut), que célébraient des prêtres rasés de la tête aux pieds dans des soutanes arachnéennes, nus en dessous, (...) le voile de la Vierge dans les cheveux, des insignes atroces accrochés au cou, avec des airs de Médée, de Messaline et de Brunehilde au moment de bénir, pris de spasmes sacrés, le pain et le vin sur les autels où passait chaque dimanche une boue sanglante, transformant les fidèles en assemblée d'élus qui voyaient enfin Dieu de leurs propres yeux, extasiés, grâce aux nouveaux codes régissant sa révélation. (...) Une prière : «Ô semence humaine, toi qui es la source de tous relâchements vitaux et profanations, ô salive au doux parfum sur la chair où frémissent, où se dressent la beauté renversante et la folie érotique, ô corps qui me fais souhaiter pour ultime cercueil un corps semblable palpitant pour que respire autour de moi ton sang et que la fureur de te conquérir soit l'apothéose et le couronnement de ma mort, ô labyrinthe de mon âme immense et ramifiée dont les foules voraces me tourmentent, combien de temps, bête bourbeuse, mangeuse de racines, éprise de l'humus, t'enfermeras-tu dans la pourriture et les remous des échanges creux, combien de temps m'empêcheras-tu de bon ou de mauvais gré d'atteindre ce point où j'aurai la force de donner une voix à tous les visages, un visage à toutes les voix ? Ô silence vaste comme le scintillement profond des étoiles, sauve-moi...» (...) (...) La stérilité des femmes et l'imagination fiévreuse de tout un peuple, l'effondrement définitif de la dignité et de l'intégrité nationales, et le nombre sans cesse croissant de malades et de désespérés qui faisait penser au fameux «mal du dérèglement» ou à ces mots : «Ce mal ne se pouvait décrire par des mots, pour ce que ses douleurs outrepassaient les forces humaines», préparèrent un accueil triomphal aux troupes ennemies dans la capitale où s'étaient repliés tous ceux qui avaient tenté de se réfugier dans les provinces lointaines (mais qui donc leur avait fait croire soudain qu'il en existait ?), car tous les fronts cédant, tout espoir de fuite où que ce soit s'envolait. Tous, malades et vieux (seules ces deux catégories subsistaient), attendaient de l'ennemi tous les bienfaits - si grands étaient le trouble et la déception face à la fourberie, la mesquinerie, la dévorante frénésie qui avaient prévalu jusqu'alors, combinées à une fixation maladive sur des mécanismes bloqués de l'Histoire. C'est pourquoi il était hors de doute que cette fois l'occupation serait bien plus durable que la résistance engagée de temps immémorial, qui avait nourri légendes, contes, chansons, épopées, romans, ballets, trilogies et tétralogies théâtrales, revues, études scientifiques, films et opéras, qui chantaient des héros et de grandes victoires insurpassables. Et maintenant tout cela était englouti, à jamais, dans une boue noire. (...) Des arbres généalogiques foisonnants, aux racines profondes furent jetés au feu. Des bureaux d'état-civil furent soufflés par des bombes. Les plus grands pillages eurent lieu dans les musées et les archives de l'État. Des fortunes fabuleuses furent confisquées. On dévoila scandale après scandale, dans un délire d'autopunition collective. (...) La vie amoureuse de quatre cents Premiers ministres au moins servit de matière à des films orgiaques s'appuyant sur des éléments irréfutables. Des hommes publics, n'ayant pas eu le temps de déguerpir à l'étranger, furent contraints d'abandonner les plus hautes fonctions et de passer aux aveux devant des masses écumantes qui les lynchaient puis les mangeaient avec la rage vengeresse des victimes d'injustices. De vénérables membres du Saint-Synode furent acculés par leurs propres crimes inavouables à de spectaculaires suicides (ils furent nombreux à se trancher la gorge ou avaler du cyanure en lisant l'Évangile, sous les applaudissements enthousiastes des fidèles qui s'en allaient soulagés, délivrés des péchés d'autrui dont on les accablait depuis la fondation de l'Église). (...) On redessina le plan des villes, tout fut rasé puis reconstruit. L'exploitation du sous-sol passa dans d'autres mains. (...) Le nom du pays changea. Le nouveau ne rappelait en rien l'ancien...» (...) L'occupation en effet dura des siècles. Le temps nécessaire à ce que les frontières traditionnelles du pays disparaissent, absorbées au sein de la vaste ordonnance qui désormais recouvrait toute la planète - car la langue cessa un jour, comme on l'avait projeté, d'être parlée, et se mit à exister comme une relique, un concentré d'époques révolues, dont la valeur est proportionnelle à celle des œuvres écrites dans cette langue. Il s'agit d'une masse compacte et labyrinthique, où se trouve un nombre incalculable de pages entourées désormais du cercle infrangible du temps qui les protège dans une lumière de paix surnaturelle. Certaines décrivent la stérilité des femmes de cette année-là. Ce sont les pages d'un chapitre pléthorique et polyphonique où l'on peut lire, sous le titre «Témoignage du temps de la Grande Défaite», divers documents (lettres, journaux, récits de témoins oculaires, à la première ou la troisième personne, et même des descriptions littéraires, ou à prétention littéraire, photographies, statistiques, etc.) sur cette année qui est passée avec ses horreurs dans le domaine de l'imagination la plus cruelle, et bien qu'elle reste totalement inexplorée, personne n'entreprend de l'étudier scientifiquement - on s'en remet au fait qu'elle s'est terminée de façon assez probante pour satisfaire absolument, du moins selon les historiens, aux exigences de la science, comme une mort qui vient vérifier l'exactitude de sa prévision, et cela suffit à tous ceux qui voient dans l'humanité ce phénomène universel qui produit des cycles éternellement, des cycles qui dès qu'ils se referment, suffisent à justifier leur producteur, étant l'expression suprême de sa destination en ce monde. Dans ces cycles, on le sait, les cris individuels ne sont pas entendus. (...) «... Je hais ce pays. Il m'a dévoré les entrailles. Je t'écris à toi parce que nous désirions ensemble que ces entrailles soient fécondes, et ce désir nous a unis pendant des nuits et des nuits... et à d'autres heures du jour, quand un miracle soudain nous faisait oublier la terreur qui courait dans les rues comme dans nos veines... les bulletins d'informations de cauchemar qui nous empêchaient même de nous regarder... lus par des présentateurs totalement fous... les hurlements qui couvraient jusqu'aux sirènes des ambulances... Jamais je n'aurais cru que la voix humaine puisse atteindre de telles hauteurs... être si insondable... s'imposer au point de tout bouleverser... Enfin, je n'ai jamais pu m'habituer aux humains, mais c'est là une autre de mes infirmités. Maintenant je me dépêche de te dire certaines choses et ces mots seront les derniers que tu recevras de moi. Je hais ce pays. Il m'a dévoré les entrailles. Dévoré. Je le hais. Oui, je le hais, je le hais. Une femme ne peut pas vivre avec de telles entrailles en elle. Plus j'y pense, plus j'ai envie de me vomir. Je me sens comme du vomi. J'en suis peut-être. Une femme... ce n'est pas comme un pays qui met en valeur ses ruines, ses tombes... les brade contre des devises... qui en vit. Moi je ne veux pas être un pays. Je ne suis pas un pays. Je ne veux pas être ce pays. Ce pays est nécrophile, gérontophile, coprophile, sodomite, putain, maquereau, assassin. Moi je veux être la vie, je veux vivre, je voudrais vivre, je voudrais pouvoir vivre, je serais heureuse maintenant si je voulais vivre... mais ce pays ne me laisse pas vouloir, ne me laisse pas être la vie, donner la vie. Comme un cancer il a dévoré mes seins, mon cerveau, mes boyaux, il a roulé toutes ses pierres dans mes reins et les a dévastés, il a souillé toutes les sources par où devait couler mon lait, il a rassemblé toute sa terre dans mes veines et m'a pourri le sang, il s'est posé tout entier sur mon cœur et l'a ravagé à coups d'infarctus et d'embolies, toute loi étant un infarctus, toute institution une embolie, ses coutumes m'ont démoli les poumons, son histoire me fait trembler sans arrêt tout entière comme si j'avais un parkinson, sa civilisation m'a exténuée, m'a défoncée, je n'en peux plus, sa position géographique est mon asthme, sa configuration tantôt s'allonge sur mon corps comme un zona géant et me rend folle, tantôt prend la forme d'un râteau qui se plante dans mes yeux, d'une énorme aiguille qui me perce le crâne, d'un rocher qui pend au bout de mes cheveux et m'entraîne dans une mer de larmes... et je sens toujours son joug sur ma nuque, ma langue est toujours nouée par son bégaiement, j'ai des sueurs froides en voyant sa vulgarité... son attachement à ses fantômes, ses faux-fuyants, ses plagiats, sa cervelle bloquée, ses cadavres, ses cercueils, ses crimes... Ce pays est notre peste. Il nous tuera, nous liquidera. Comment échapper ? Il boit notre sang. Il ne me laisse même plus dormir, il m'a volé mon sommeil. Comment vivrai-je sans sommeil ? Nous ne vivrons pas... tout le sperme de tous les hommes de la terre ne pourrait pas ranimer ce creux de mon corps d'où part la vie humaine... Tu as vidé toute ta vie en moi mais tu m'as laissée sans vie... Toi non plus tu ne peux pas. Tu m'as ensemencée mais ta semence ne fécondera jamais, votre semence ne peut plus féconder... plus jamais la vie ne sortira de nous... Salaud de pays. Je ne souhaiterais qu'une chose, l'avoir devant moi et l'égorger de mes propres mains. Mon Dieu, si je pouvais le tuer ! Il est parvenu à ce que ses tueurs atteignent nos matrices et les creusent comme des tombeaux, les porcs, ah les porcs, c'est tous des porcs, par quel bout que je commence, tous des tueurs, tous, à cause d'eux je ressens le besoin du plus grand des crimes, d'un massacre sans fin, sans fin... ah, comment résistons-nous ici, comment ne sommes-nous pas encore devenus fous avec ce chien, ce garrot, ce strangulatorium, cette potence... avec ses égorgeurs officiels qui font des discours officiels dans des cérémonies officielles devant d'autres égorgeurs officiels... Chacun de ses pores est un stylet, chacun de ses coins un poignard, chaque millimètre de sa peau un piège, il est couvert de gluaux de mort et de couteaux tranchants, ce repaire d'assassins, d'escrocs, d'imbéciles, ce refuge de baiseurs lâches et de souteneurs impuissants, il nous fourre la tête dans sa merde, nous donne des coups de pied furieux dans les couilles, tu nous écrabouilles, salope, tu nous vides, nous ravages, nous divises, nous étrangles, tu nous condamnes, tu nous tues, fumier, vendue, ordure, pouilleuse, empoisonneuse, nœud de vipères, chienne, bohémienne incestueuse, qui ne fais que tout singer, que jacasser, calamité, diablesse, oiseau de malheur, je ne te supporte plus, je ne la supporte plus, la tueuse, l'infanticide, la tordue, la pestiférée, la boiteuse, la bigleuse, la poissarde, la vieille bique, la sale vieille, qu'il aille se faire voir, je ne peux plus rien supporter de lui, plus rien, plus rien, je le hais, je le hais, je le hais, ah, ah, je te hais, je te hais, je te hais, je te hais, je vais mourir, monstre, et je te haïrai toujours, oui, la haine bouillonne en moi, je veux écrire des hymnes contraires à ceux qu'on a écrits jusqu'à présent sur lui, le fusiller à chaque mot et l'enterrer comme un chien de mes propres mains... Je ne suis plus femme... Et toi, tu n'es plus un homme... Il nous a tout pris... Mais que restera-t-il de lui sans nous ? Que sera-t-il quand il ne restera plus rien de nous ?... Sa terre a pris ma forme... Mon corps a désormais ses dimensions... J'ai en moi son destin... Je meurs comme un pays...» (...) * * * Je meurs comme un pays de Dimìtris Dimitriàdis paru en 1980 aux éditions Agra traduction française de Michel Volkovitch parue en 1997 aux éditions Hatier rééditée en 2004 aux Solitaires intempestifs
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Mercredi 4 octobre 2022 à 19H, nouvelle émission de La Petite Boutique Fantasque en direct des studios de Radio-Radio avec Jeanne Tympa, Jean Patin et des invités. Le fil conducteur sera le retour à Toulouse après un exil à Paris. L'émission sera construite à partir de musiques et de livres découvertes lors de ce passage de 4 ans dans la Capitale. Tout sera improvisé : on piochera un texte que l'on fera suivre d'une musique et ainsi de suite tout le long de cette émission, la deuxième sur le retour d'ostracisme. Vous pouvez nous écouter sur 106.8 Mhz à Toulouse ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ Pour les podcasts il va falloir patienter un peu...
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Mercredi 21 septembre 2022 à 19H, nouvelle émission de la Petite Boutique Fantasque qui traitera du départ de Paris vu par les collaborateurs parisiens de l'émission. Ils ont choisi et lu un texte en rapport avec ce que l'on pourrait appeler Retour d'ostracisme pour mon retour à Toulouse. Les aléas du montage et la disponibilité permettent de diffuser cette émission avec seulement un an de retard. Mais ne le faisons pas trop remarquer et disons que cela correspond à la première bougie. Cette émission est montée au studio de RadioRadioToulouse mais enregistrée un peu partout à Paris. Elle est diffusée en hertzien à Toulouse sur le 106.8 Mhz ou en streaming https://www.radioradiotoulouse.net/ et pour tout le reste du temps sur les podcasts de mixcloud.
Programmation musicale : 1) Adagio du concerto pour clarinette (W.-A. Mozart) Orchestre du XVIIIème siècle, Franz Brüggen, Eric Haeprich 2) Pavane (Gabriel Fauré) Thomas Enhco, Vassileva Serafimova 3) Underwater (Ludovico Einaudi) 4) Shadow of walk (Yoran Herman trio) 5) Deux extraits de Loops II (Philippe Hurel) Adelaïde Ferrière + la lecture d'extraits de Détective des sons (Luisa Etxenike) choisi et lu par Sophie Peregrins (Olga Tokarczuk) choisi et lu par Juliette L'énigme du retour (Dany Laferrière) choisi et lu par Sophie L'enfant noir (Camara Laye) choisi par Guillaume et lu par Jeanne
Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/retour-dostracisme-la-petite-boutique-fantasque/
Allons-y gaiement et sans mollir !
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