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hikarinokusari · 4 years ago
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100 THÈMES - #71 : Obsession
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              Les thèmes se basent sur la liste Variation 1, du groupe DeviantArt : 100 Themes Challenge.
              Ces extraits courts sont de simples exercices, réalisés dans le but de me forcer à ne pas corriger chaque mot pendant des mois. Pour un lecteur extérieur à mon fanon et/ou étranger à la notion d'Invokeur dans la licence FF, ce texte n'a sans doute ni queue ni tête. Je m'en excuse.
              Note : J'ai gardé en mon âme et conscience le terme Invokeur, que je considère comme un terme à part entière dans la licence FF. Je n'arriverai pas à me conformer à l' "Invocateur" du XIV, je m'en excuse si cela gêne votre lecture.
                                       # 071 : Obsession
              - « Je ne veux pas d’une corne ! » hurlait le petit garçon, ses mains résolument appuyés sur le sommet de son crâne.               - « Jeune maître, ce ne sont que des contes. Aucune corne ne va pousser sur votre front. »               - « Qu’est-ce que tu en sais, toi ? » continua-t-il, des larmes de colère perlant au coin de ses yeux.
              Ukiyo vit son serviteur se rapprocher de lui, et lever une main vers les siennes. Restée en l’air en l’attente d’une quelconque approbation, elle n’effleura celles de l’enfant qu’après un semblant de signe de tête approbateur.
              - « Je vous jure qu’aucune corne ne poussera jamais sur votre front … ou ailleurs. » lui répéta le jeune homme en dénouant les deux mains qui protégeaient de manière futile le crâne de son très jeune maître. « Ne croyez pas à ces histoires. Elles n’ont aucun fondement de vérité. »               - « Encore une fois Ren, qu’est-ce que tu en sais ? » insista sèchement le petit garçon, en retirant d’un geste mauvais ses mains de celles de son servant.
              Un sourire discret se dessina sur les lèvres de l’adulte :               - « Voilà des siècles que ma Maison sert la vôtre. Vos parents et leurs parents avant eux n’avaient pas ce genre d’excroissances jeune maître. Nous nous en rappellerions autrement. »
              - « Mes parents étaient bien moins doués que je ne le suis. » claqua férocement l’enfant, les sourcils froncés. « Ils ne risquaient pas d’être concernés par ce genre de problèmes. »
              Du haut de ses six ans, le jeune héritier de la maison Yamato toisa celui qu’il appelait Ren. Malgré son jeune âge, Ukiyo avait déjà une idée très arrêtée sur ce qu’il aimait ou non. Malheureusement pour son entourage, beaucoup de choses se trouvaient déjà dans la seconde catégorie. Parmi celles-ci figurait l’aptitude fatigante de son serviteur à minimiser ses soucis sans jamais perdre le sourire ou à endurer ses lubies d’enfants sans jamais broncher.
              Ren, tout agaçant qu’il était aux yeux de son seigneur, avait toutefois bien conscience de servir un petit garçon. Son rôle s’était vite étendu des simples taches répétitives aux conseils que pourraient donner un confident. À force de veiller sur l’enfant, il avait réussi à trouver comment réaliser ce que personne avant lui n’avait pu. Calmer l’enfant tout en finesse … et garder sa place auprès de lui.
              Si jeune qu’il était, placé sous la garde d’une famille parente à la sienne en attendant qu’il soit en âge d’exercer les fonctions dont il avait hérité, Ukiyo avait vite fait savoir qu’il pouvait se débarrasser de quiconque lui déplaisait autour de lui. Plusieurs serviteurs avaient été gentiment muté dans une autre aile du palais, le temps que le garçonnet oublie jusqu’à leur existence-même ou l’objet de sa colère envers eux. Ren aurait pu faire parti de ceux-là, mais étrangement l’héritier des Yamato ne l’avait jamais congédié. Le serviteur n’avait jamais commis de fautes, et son service était des plus parfaits. Là où ses vassaux avaient failli d’une manière ou d’une autre à ses yeux d’enfants, Ren lui continuait à exceller. Alors, son ressentiment à l’égard de cet intendant parfait avait pris une forme particulière. Puisque son Ren réussissait tout ce qu’il entreprenait, alors Ukiyo trouverait une tâche que Ren serait incapable de réaliser.
              Mais les trois ans de service de Ren à ses côtés avaient été exemplaires et les caprices de son petit maître de plus en plus fantasques. Le jeune homme avait eu tôt fait de comprendre que son seigneur était entêté. Une fois une idée en tête, le garçon ne cessait de vouloir la voir réaliser. Ren avait eu l’habitude d’entendre un ordre fantaisiste lorsqu’Ukiyo n’obtenait pas gain de cause. C’était la seule manière que l’enfant avait trouvé pour congédier son servant sans le renvoyer. Ordonner une tacher ingrate permettait à l’enfant de trouver le temps de se calmer de lui-même, et le temps d’être assouvi, l’enfant avait oublié l’objet de sa frustration en la reportant sur l’efficacité de Ren à réaliser ce qu’il lui avait demandé.
              Aujourd’hui pourtant, son caprice faisait directement suite à son souci principal. Ren avait eu beau tenter d’apaiser les craintes puériles de son jeune seigneur, celles-ci n’avaient pas disparu comme elles en avaient d’habitude.
              Sa peur enfantine reculait pour laisser sa place à la colère d’être désavoué par un simple serviteur. Son angoisse qualifiée d’illégitime et ses certitudes qui venaient d’être niées ne firent que nourrir l’entêtement du petit garçon. Mais aucun ordre ne fut prononcé.
              Son caprice tenait dans l’attachement qu’il portait à une idée résolument ancrée dans son esprit. Aujourd’hui, Ukiyo était frustré de ne pas pouvoir contrôler le destin dans lequel – il semblait en être certain - une corne lui pousserait sur le front. Et Ren, aussi doué qu’il était, ne pouvait pas y faire grand-chose à part finir par admettre la bêtise de son petit seigneur.
              Tout en tournant de manière presque théâtrale le dos à Ren, il s’obstina :               - « Les Grands Invokeurs d’antan avaient des cornes. Je n’en veux pas ! »
              - « Rien ne garantit que vous mériterez un jour ce titre, jeune maitre. Il n’y a donc aucune crainte à avoir jusqu’à ce que cela n’arrive. »
              - « Et rien ne garantit que tu seras encore en vie pour voir ce jour arriver …»Piqué au vif, il s’était à nouveau retourné pour faire face à l’insolence de celui qui le servait. « … si tu continues à oublier ta place. »
              - « Le temps est tel un enfant immature messire. Personne ne peut prédire ses caprices et les ravages qu’ils causeront. »
              Une moue boudeuse de dessina sur les joues gonflées de l’enfant qui ne poursuivit pas la conversation à la plus grande surprise de son vassal.
              Les Invokeurs d’antan – les plus doués d’entre eux – voyaient leur physique changer à force de manipuler le puissant éther des eons. Il n’était pas rare que certains aient des cornes qui finissent par pousser sur leur front. Ukiyo avait même lu que certains d’entre eux naissaient avec de telles excroissances tant leur relation avec le Cristal était forte. Et tout ce que disait Ren ne viendrait pas ébranler la certitude acquise après avoir consulté l’ouvrage qui traitait de l’héritage de sa famille. Ses ancêtres n’étaient pas assez puissants pour se rapprocher de l’éther des Dragons.
              Mais lui … ?
              Un pacte ancestral le liait à Léviathan, et les aléa du destin lui avait fait endosser la charge du dieu bien plus tôt que ses prédécesseurs. Même si son puissant gardien à l’heure actuelle ne pouvait se matérialiser physiquement au risque de passer pour une anguille, Ukiyo devinait que son pouvoir dépassait celui de ses parents.
              Son éther déjà mêlé à celui du Déchaîneur des marées et la magie exceptionnelle qu’il était certain d’avoir à disposition avaient fini de le convaincre qu’il finirait par voir son physique changer lui aussi. Comme ses illustres ancêtres ; ceux qui avaient réussi à parfaire l’art de l’invocation.
              Ukiyo serait Grand Invokeur et au moins aussi puissant que ces maîtres du passé. Quoi qu’en disait Ren.
              Grand Invokeur.               Mais lui, il ne laisserait aucune corne pousser sur son front.
                                                        * * *
              Dans l’environnement sombre de sa chambre, le jeune seigneur des Îles de Jade gémit presque d’inconfort lorsqu’un rayon de soleil perça à travers la fenêtre de sa chambre. Cela faisait des heures que ses maux de tête refusaient de s’apaiser, et ses yeux avaient rapidement commencé à le brûler.               Sans un mot, après avoir renvoyé les chimères qu’il avait appelées une à une pour montrer à son public la domination absolue qu’il exerçait sur les enfants du Cristal, Ren l’avait raccompagné jusque dans cette pièce pour qu’il puisse se reposer en paix. Caché aux yeux du peuple, il était libre de pouvoir laisser l’épuisement briser l’illusion de force qu’il était parvenu à maintenir pendant de très longues minutes. Danser avec l’éther avait beau être sa spécialité, charmer eons et humains être sa seconde nature, Ukiyo n’arrivait jamais à prévenir le contrecoup d’un tel déploiement d’énergie.
              Il en faisait toujours plus que ce que son corps ne pouvait endurer. Pour prouver qu’il était au-dessus de tous ceux qui l’avaient précédé et de ceux qui le suivraient. Un effort déployé dans le seul but de satisfaire sa vanité ; un défaut pourtant proscrit par sa culture et par les Invokeurs eux-même.
              Quand sa fierté avait-elle laissé place à l’orgueil ? Lorsqu’il avait appris à convoquer non pas l’avatar d’une Chimère, mais la Chimère elle-même ? Quand il avait forcé les amants du feu et de la glace à courber ensemble l’échine devant lui ?
              Mais alors, quand l’orgueil s’était mué en vanité ? Quand avait-il commis la faute de privilégier à la qualité son défaut ? Lorsqu’il avait réussi, malgré les avertissements et les dangers, à conjurer et contrôler deux eikons aussi facilement qu’un seul ?
              Ou lorsqu’il avait prouvé à ses détracteurs que ce qu’ils tenaient d’impossible à réaliser, lui Ukiyo, le réalisait tout de même ?               L’impossible était un royaume qu’il s’amusait à conquérir. Faire reculer les frontières tracées par les esprits bornés de ses sujets était un plaisir qu’il ne se refusait jamais. Malheureusement ce plaisir était fugace, et le prix qu’il payait pour y goûter avait tendance à être … persistant.
              Cela avait d’abord commencé par des fourmillements au bout des doigts lorsqu’il avait été plus jeune. L’éther faisant vibrer chaque parcelle de son corps l’avait alors trop excité pour qu’il ne s’inquiète. À cette sensation désagréable s’étaient vite rajoutés les maux de tête puis les vertiges. Il avait d’abord tenté de garder ce contrecoup qu’il percevait comme une faiblesse secret mais Ren avait fini par le découvrir. Quel désolant spectacle avait-il alors montré à son serviteur ; affalé contre un mur à même le sol, menaçant de s’évanouir, presqu’incapable de laisser son esprit vagabonder entre les plans éthéré et corporel.
              Depuis, il s’était résolu à laisser son serviteur rester à ses côtés lorsqu’il conjurait les eons. Par sécurité, ou par crainte que d’autres servants ne découvrent l’état fébrile dans lequel les invocations le laissait.
              À force d’apprentissage, il avait réussi à repousser le moment inévitable où ses jambes cédaient sous le poids de son corps et celui où il sentait que sa conscience lui faisait défaut pour errer dans le flux d’éther de la rivière.
              Aujourd’hui, après une séance de danse publique particulièrement éprouvante, Ren l’avait soutenu – presque porté – dans cette chambre ridicule à l’abri du regard des curieux.
              Une pièce petite – non minuscule – et exiguë. Un endroit indigne de son rang princier. Seulement Ukiyo n’avait pas trouvé la force de s’en plaindre et il savait que, dans un tel contexte, ses demandes pour changer de chambre auraient été entendues mais pas écoutées.
              Ses vertiges avait disparu dans l’heure qui avait suivi sa démonstration, mais le moindre mouvement de tête, la moindre variation dans l’inclinaison de son cou réveillait des douleurs et des nausées insupportables. Son corps, encore affaibli par la quantité d’éther immense qu’il avait consommé, acceptait à peine de répondre mollement aux gestes que son esprit lui intimait. Et pourtant, la sensation d’électricité qui accablait ses muscles à chaque effort, si infime eût-il été, l’empêchait de bouger plus qu’à l’accoutumée.
              Son bras retomba sur le côté de la couche qu’il occupait avant qu’il n’ait pu porter la main sur son visage pour masquer ses yeux brûlants. Il sentait son sang pulser dans tout son corps, un unisson particulièrement déplaisant qu’il était le seul à pouvoir entendre. Cela lui était presque aussi désagréable que l’absence de réponse de ses muscles lorsqu’il chercha à se mettre sur le côté. Un léger roulement de tête vers la droite lui fit presque regretter de ne pas avoir plutôt été écrasé par une horde de Béhémot.
              Comme il détestait l’après qui suivait ses performances scéniques. Cette sensation d’inconfort inexplicable tant elle était désagréable et que lui seul avait encore le luxe de connaître. Sa tourmente physique qui lui rappelait ce qu’il détestait : la douloureuse conscience des limites de son corps humain. Ses faiblesse, morales et physiques, qui martelaient une vérité qu’il s’entêtait à réfuter. Il n’était pas tout puissant et ne pourrait jamais s’affranchir des règles magiques. Il avait beau avoir sous son joug les principales créatures du Rêve, avoir prouvé qu’il était plus puissant qu’elles en remportant les défis qu’il leur avait lancés, Ukiyo n’en restait pas moins qu’un maître désespérément prisonnier de sa condition humaine. Désespérément faible.
              Il se risqua à rouvrir ses paupières lourdes de fatigue, comme pour se prouver qu’il pouvait s’abstenir de payer le prix de ses invocations auprès du Cristal Mère. Un sourire amer étira les lèvres d’Ukiyo alors qu’il abandonnait l’effort que garder les yeux ouverts lui demandait.
              Autour de ses yeux, la sensation de brûlure disparaissait petit à petit, signe que bientôt son inconfort prendrait fin. Son infortune lui ferait-elle retenir la leçon cette fois-ci ? Arrêterait-il enfin de consommer son mana pour des futilités ? Certainement pas. Continuerait-il à pester contre le contrecoup de ses efforts ? Absolument.
              Comment pourrait-il jamais obéir aux limites de son corps lorsqu’il se plaisait à repousser celles de son art ? Il était parvenu à vaincre les principaux Eons selon la loi ancestrale du Pacte. À soumettre à ses moindres caprices des esprits que les siens prenaient pour des Dieux. Ce n’était pas à lui d’écouter son corps, mais bien à son corps à se conformer à ce qu’il souhaitait. Et pourtant, il gisait misérable dans un lit plus adapté à la petite bourgeoisie qu’à la noble lignée princière dont il descendait.
              Il n’était qu’un humain. Ridiculement humain. Faible. Pathétique. Si ses vassaux le voyaient en cet instant, que leur inspirerait-il ? Tout au mieux de la faiblesse, ou un dédain habilement dissimulé dans une pitié à peine sincère.
              Ukiyo soupira faiblement comme pour expulser les maux de crâne qui l’accablaient. Les douleurs s’apparentaient désormais bien plus à une migraine qu’à un simple mal passager. Focalisée derrière ses yeux, la douleur allait croissante contre les parois de son front et de ses tempes.
              Le bruit discret de la porte coulissante ne réussit pas à le faire réagir. Ce n’est qu’après plusieurs secondes qui lui semblèrent de longues minutes que la voix douce et étouffée de son serviteur le tira de ses pensées :
              - « Altesse, je vais vous relever. »               - « Il y a un bombo dans ma tête Ren. »               - « Il n’y a pas plus de bombo dans votre tête que de corne sur votre front messire. » se moqua l’homme alors qu’il s’approchait avec la plus grande des précautions de son maître qui avait brutalement ouvert les yeux en entendant la remarque avant de gémir d’inconfort :               - « Je suis sûre qu’elle est en train de pousser. Ça n’a jamais duré aussi longtemps qu’aujourd’hui. »
              Ren fixa son maître pendant quelques secondes sans un mot puis se décida à relever la bêtise de son seigneur après l’avoir aidé à s’adosser :               - « Ouvrir des brèches entre les plans demande beaucoup d’efforts messire. Demander aux eons de rester à vos côtés pendant aussi longtemps demande plus d’énergie que vous n’êtes capables de consommer. »               Il se saisit d’une tasse de thé tiède posée sur le plateau qu’il avait amené et poursuivit : « En voulant faire une démonstration de pouvoir, vous ne parvenez qu’à faire une démonstration de bêtise.»
              - « Tu oublies ta place, Ren. » grinça Ukiyo. « Ce n’est pas un problème d’énergie. »
              - « En effet messire, c’est un problème de maturité. La beauté ne se trouve pas dans le faste, mais dans la sobriété. » Tout en vérifiant l’infusion des feuilles dans la boisson, il continua : « Vous n’avez pas besoin d’appeler un à un les eons que vous contrôlez pour menacer ceux qui voudraient s’en prendre à votre place lorsque personne ne la conteste. »
              - « Le Nord …. »
              - « Le Nord finirait par se critiquer lui-même s’il ne pouvait plus médire sur la Couronne. » le coupa son serviteur. « Comme les cloches des temples, il ne faut s’en soucier que s’ils restent silencieux durant plusieurs jours. »
              Fait rare, Ukiyo ne trouva rien à redire à cette dernière remarque. Il n’en avait de toute manière pas la force. Entendre Ren critiquer le Nord avant qu’il ne le fasse lui-même était à la fois étrange et plaisant. Sans admettre qu’il ne s’agissait là que d’une ruse verbale de son serviteur pour qu’il se taise, Ukiyo se força à ouvrir les yeux pour observer son plus fidèle vassal en silence.
              - « Que devrai-je faire alors ? »
              - « Ne surtout pas les faire taire. » murmura Ren en approchant la tasse de thé de la bouche d’Ukiyo pour l’aider à boire la boisson. « Mais restez subtils, qu’ils comprennent que vous n’êtes une menace que pour ceux qui veulent s’en prendre à notre territoire. »
              - « Comment pourraient-ils croire le contraire … » Il accepta la tasse et but une gorgée de thé avant de siffler faiblement : « Je ne compte pas ravager mon pays. »
              - « On raconte que certains Invokeurs outrepassaient leurs limites jusqu’à finir épuisés comme vous. L’un deux avait gagné les faveurs de la Furie des Neiges mais il faisait si grand étalage de ses capacités magiques qu’elles finirent par drainer plus d’énergie que nécessaire. Shiva, honteuse d’être liée à un humain qui ne finissait par montrer que de la faiblesse voulut mettre un terme au pacte. Elle provoqua son compagnon lorsqu’il était au plus bas de ses capacités et se libéra sans mal du contrat magique qu’elle avait passé. Lorsque l’éther du maître vaincu et de la déesse se dissocièrent, Shiva fut en toute logique contrainte de repartir dans son monde. Elle n’avait pas encore traversé le voile que la Furie des Neiges se vengea de la honte subie d’avoir son nom associé à un humain trop faible et de son exil forcé vers le Monde du Cristal et piéga dans la glace la moitié nord du pays. L’Invokeur de Shiva n’avait pas l’intention de ravager son pays, seulement de le protéger contre les menaces extérieures. »
              Ren reprit la tasse de thé entre ses mains et après avoir compris que son maître ne poursuivrait pas le dialogue, il s’inclina, prêt à partir :               - « Vous devriez vous reposer désormais, jeune maître. »
              Le serviteur partit aussi discrètement qu’il était venu, laissant Ukiyo à ses pensées. Lui demander, à lui, d’économiser son éther et ne provoquer personne revenait à demander à Chaos de ne pas provoquer la fin des cycles. C’était un conseil contre-nature. Cela revenait à remettre à plus tard la date à laquelle il obtiendrait le titre de Grand Invokeur qu’il briguait. Et ça, il ne pouvait pas se le permettre. Il prouverait aux Eons et aux Hommes ce qu’il valait.
              Et surtout, ça ne l’aidait pas en cet instant à calmer la foreuse qui semblait s’activer à détruire l’intérieur de son crâne.
              Si cette douleur n’était pas la preuve qu’une corne essayait de percer à travers son front …                  Mais il ne laisserait pas ses maux l’empêcher d’atteindre le prochain exploit magique qu’il voulait réaliser durant son Pèlerinage pour être sacré Grand Invokeur. Il contiendrait la douleur autant qu’il le pourrait et il ne la laisserait pas dicter son rythme de progression.
                                                        * * *
                 - « Les serviteurs refusent d’entrer, messire. »
Pitoyables esprits diminués.
                  - « Ils craignent que … »
Encore et toujours la même rangaine.
                 Ukiyo porta la tasse de thé tiède à ses lèvres en se retenant de congédier la femme qui lui parlait depuis derrière la porte coulissante du petit salon privé de thé. Il pressentit qu’elle allait commencer à se confondre en excuses, sans pour autant apporter de solution au problème dont elle était seule responsable. Les servants qu’elle avait sous sa direction ne faisaient pas leur travail. Les minutes s’égrenaient dangereusement alors que son désir n’était toujours pas comblé et sa patience déjà limitée était mise à l’épreuve.
                 Il était leur Seigneur et Maître, et eux de simples roturiers qui devraient se sentir honorés d’avoir le droit de le servir pour une journée dans leur misérable et morne vie. Et ils refusaient cet honneur et cette chance unique. Comme s’ils avaient le luxe de pouvoir prétendre à mieux que servir l’Empereur en personne, ou de risquer son courroux lorsqu’il était leur Grand Invokeur. Il n’était pas simplement leur maître sur le plan terrestre ; il l’était aussi sur le plan spirituel.
                 Ainsi ne refusait-il pas de servir une fois mais deux. Les nordiens étaient-ils d’ingrats imbéciles ou un lot d’impudents demeurés ? Ukiyo n’avait jamais pu se prononcer. Les qualificatifs étaient nombreux pour décrire ce qu’ils lui inspiraient. Tous semblaient aller de pair avec nordien dans la bouche du seigneur des Îles de Jade, pour peu qu’on ait osé aborder le sujet du Nord avec lui. Néanmoins, il y avait toujours cette idée d’intellect amoindri qui revenait régulièrement lorsqu’il parlait du peuple de cette partie de son pays.
              - « … in ! Comprenez que … »
                 La pauvre femme venait de lui fournir une bonne raison pour continuer à penser ainsi. C’était eux, les imbéciles mais c’était à lui de faire des efforts pour comprendre. Quelle fantastique situation.
                 Bêtes.                  Tous autant qu’ils étaient.                  Eux, pour refuser d’entrer et lui déposer les sucreries qu’il voulait déguster avec son thé. Elle, pour préférer perdre son temps en soliloquant sans pour autant apporter les dites-sucreries, alors qu’elle s’était déplacée pour excuser ses travailleurs.                  N’avait-elle pas pensé, si l’effort d’une réflexion était à sa portée, qu’elle faisait preuve de la même insubordination que les autres serviteurs ?                  Elle lui faisait perdre son temps en excusant un refus de servir qui n’avait pas lieu d’être. Et elle n’était même pas fichue de rattraper la faute, pire, elle l’aggravait en cherchant son pardon sans chercher à racheter l’affront qui venait de lui être fait.
                 Cette écervelée ne sentait-elle pas qu’elle était d’empirer l’offense qu’elle tentait en vain d’excuser alors que l’insatisfaction d’Ukiyo allait croissante ?               Ukiyo n’était pas un homme compliqué à comprendre pourtant. Ses paroles faisaient loi depuis qu’il était en âge de parler. Le satisfaire était une priorité absolue ; c’était quelque chose que tout le monde oriental et occidental savait à son sujet. Par un miracle qu’il ne s’expliquait pas, les habitants de cette contrée de sauvages semblaient ne pas en avoir connaissance. Du moins, cela semblait échapper à la servante qui poursuivait son monologue.
                 Comme il regrettait le service de ses propres serviteurs en cet instant. Il pourrait boire un thé chaud, accompagnés des douceurs qu’il souhaitait goûter. Satisfait de leur services au quotidien, il avait accepté de bon cœur leur demande de congé pour la journée, puisqu’il avait à sa disposition les serviteurs du seigneur nordien qui l’accueillait chez lui.
                 Il avait commis la faute de penser que cette tripotée de demeurés seraient assez compétents pour lui apporter les manjû qu’ils avaient oubliés lorsqu’il était rentré dans le petit salon privé pour boire son thé en toute tranquillité.
                 - « Il suffit. » déclara-t-il tout en posant sa tasse calmement sur la petite table en bois.
                 Les limites de sa patience avaient été assez éprouvées pour la journée. Il allait se lever pour signifier à la femme qu’elle aurait eu le temps de confectionner elle-même les pâtisseries depuis le temps qu’il les avait réclamées lorsqu’il reconnut le son des pas feutrés de Ren derrière lui, tandis que la porte coulissante se refermait sur eux deux.
              - « J’ai cru comprendre que les gens de messire Date n’étaient pas à la hauteur. » se justifia-t-il. « J’ai jugé bon de revenir à vos côtés pour limiter les éventuels désagréments. »
                 Ukiyo gratifia son vassal d’un sourire navré :
              - « J’ai bien peur que la seule chose qu’on m’ait servi pour l’instant soient des excuses. »
              - « Permettez-moi de vous faire oublier cette déplorable expérience du nord, altesse. »
                 En quelques gestes vifs et précis, trahissant l’habitude de l’exécution de la tâche, Ren déposa sur la petite table douceurs, théière chaude et thé infusé à la perfection pour satisfaire le palais de son maître. Puis, il fit quelques pas vers l’arrière pour rester hors du champ de vision d’Ukiyo tout en s’inclinant, dans l’attente de nouveaux ordres à prendre.
                 L’Invokeur se retint de ne pas gober comme un enfant l’un des manjû dodu que Ren lui avait apportés et apprécier le goût délicat, frais et liquoreux du thé servi. Réputé pour apaiser l’esprit et favoriser la méditation, c’était le choix parfait après les longues danses qu’il avait exécutées pour apaiser la fureur de Shiva plusieurs heures auparavant.
              - « Suis-je donc terrible à ce point ? » finit-il par demander après un long silence principalement consacré à déguster la boisson.
              - « Les gens du nord sont supersticieux messire. » répondit Ren, avec réserve. « Vous leur rappelez le Dévoreur argenté, ils craignent que vous n’aspiriez leur âme. Ils ne pourraient alors plus rejoindre la Rivière. »
              - « C’est tout ce qu’ils mériteraient pour m’avoir fait attendre à ce point. »fit Ukiyo, d’une voix plus forte dans l’espoir qu’on les entende avant de reprendre d’une voix plus modérée : « S’ils ont peur plusieurs heures après la cérémonie d’invocation, nous allons avoir un problème de taille. »
              - « Sans vouloir vous offenser Altesse, vous ressemblez plus au Dévoreur qu’à un Invokeur à cet instant. »
                 Les yeux brillants d’éther d’Ukiyo s’abaissèrent sur Ren, graves, alors que ce dernier prenait avec délicatesse un tissu blanc enserré autour de cristaux vierges de toute magie. L’empereur s’en empara avec douceur, et laissa le surplus d’éther circuler jusque dans les roches pour les alimenter.
              - « Ca ne servira à rien. Si on veut que les traces disparaissent, il faut que j’arrête la magie. »
              - « Il vous faut vous modérer en premier lieu messire. »
                 Ukiyo croisa le regard inquiet de Ren et baissa le sien, sans savoir pourquoi. Il savait que l’éther tout entier brûlait encore de magie dans chaque parcelle de son corps, il n’avait jamais cessé de croître en puissance durant son pèlerinage. Depuis qu’il avait laissé les eons qu’il contrôlait dévorer son éther personnel pour le remplacer et le mêler avec le leur dans l’espoir de le subjuguer à leur tour.                  Et depuis, il n’avait plus connu les migraines et les pertes de conscience due aux invocations. Lorsqu’il avait laissé tomber toutes les barrières de son esprit pour entrer plus facilement en symbiose avec les eons sortis du Rêve et prendre contrôle de leurs pouvoirs, d’autres symptômes étaient venus remplacer les anciens.
                 Ses yeux sombres avaient commencé par prendre une teinte verte inquiétante, qui demeurait depuis plusieurs années désormais. Ses proches n’avaient commencé à s’en inquiéter que récemment, depuis que la lueur bleutée de magie pure qui bouillonnait au fond de son regard ne disparaissait pas. La Cour avait commencé à répandre des rumeurs, vite propagées auprès du peuple par l’intermédiaire du personnel travaillant au château lorsqu’Ukiyo avait cessé de demander à Ren de prendre soin de maquiller son visage. Les capillaires autour de ses yeux verdis et gonflés par l’éther présageaient de la puissance déployée en permanence par l’Empereur pour satisfaire l’appétit de Leviathan, qui n’avait jamais disparu du ciel et de l’océan des mers cerclant leur territoire depuis bien des années.
                 Depuis quelques semaines, il avait ordonné à Ren de ne plus le maquiller et qu’il souhaitait le faire de lui-même ; ce qui a immédiatement inquiété son serviteur. Ukiyo ne faisait rien de lui-même, s’il pouvait le faire faire par quelqu’un d’autre.
                 Autrement dit, les choses s’aggravaient ; et Ren avait accepté d’être mis à l’écart par son Seigneur jusqu’à aujourd’hui. L’invokeur sentit son vassal s’agiter en silence :
              - « Tout est sous contrôle, Ren. »
              - « Vous n’avez jamais su vous contrôler messire. » lui reprocha son serviteur en se risquant à relever les yeux vers ceux d’Ukiyo.
              - « Ne t’inquiète pas Ren. Ca n’ira pas plus loin. » le rassura-t-il sèchement.
                 La peau durcie sous ses yeux chauffa désagréablement lorsqu’il s’empara d’un autre cristal pour y déposer aussi de l’éther. Sa langue claqua contre son palais alors qu’il serrait la mâchoire par réflexe. Il avait l’impression que quelque chose sous sa chair tentait de se frayer un chemin à l’extérieur.
              - « Et puis, pas de cornes à l’horizon. » se moqua-t-il pour oublier la douleur qui commençait à s’affirmer à mesure que son éther s’écoulait dans la roche.                  Comme frappé par la foudre, Ren acquiesça :
              - « Une corne serait peut-être la solution, Majesté. »
                                                        * -*-*-*-*
                 - « Je ne veux pas d’une corne ! » hurla le jeune homme, se débattant presque alors que Ren tentait de poser sur ses cheveux et son front un bijou stylisé orné de deux cornes fines cristallines. « C’est ridicule ! »
              - « Jeune maître, vous pourriez catalyser l’éther en elle plutôt que d’utiliser votre propre corps. »
              - « Depuis quand tu es devenu un expert en éthérologie ?! » continua-t-il, en se levant furieusement du siège pour mettre une distance certaine entre la couronne dorée et sa tête.
              - « Depuis que des écailles poussent sous vos yeux ! » répliqua sèchement l’homme.
                 Ukiyo serra les dents et articula quelques justifications empreintes de mauvaise foi pour justifier la présence des petites écailles cristallines verdâtres sous ses yeux et dans sa nuque. Ayant reculé jusqu’à être dos au mur, il siffla en vain quelques menaces pour dissuader Ren de s’approcher avec sa couronne de malheur. Sourd à ses ordres autant qu’à ses suppliques, Ren finit par maîtriser l’adulte réticent et à lui poser le diadème sur le crâne non sans soupirer de soulagement lorsque son maître cessa de s’agiter comme un poisson sorti de l’eau.
              - « Je préfère que vous portiez ceci plutôt que de voir le jour ou une paire de cornes réelles poussera sur votre tête. »
              - « Et moi je te dis que cette histoire de corne canalisatrice n’a aucun fondement historique ou scientifique. Ôte moi cette horreur. »
              - « Ces cornes sont des petites épines de Léviathan que nous avions récupérées lorsqu’il était encore minusc… »
                 Voyant un éclair vert de honte mêlé de colère s’illuminer dans les yeux de son maître, Ren se reprit aussitôt : « Lorsque vous vous êtes liés avec lui, lorsque vous étiez enfant. »
                 Avec rapidité il se tourna pour s’emparer des autres parures qu’il destinait à son maître.
              - « C’est la cérémonie de l’eau aujourd’hui. Elle ira parfaitement avec votre tenue, et si vous constatez que son emploi n’est pas efficace, alors vous ne l’utiliserez plus. »
              - « Je. Ne. Veux. Pas. De. Cornes. » martela l’adulte en cherchant de nouveau à enlever le diadème qui ceignait sa tête depuis quelques secondes à peine. Une claque sèche sur ses doigts le fit s’arrêter de surprise.
              - « Considérez-la comme un accessoire pour aujourd’hui. Après, vous ferez ce que bon vous semblera, comme d’habitude. » s’énerva son serviteur en accrochant aux oreilles d’Ukiyo des bijoux dorés imitant les oreilles de Léviathan.
              C’est entre quelques « Si c’est une tenue traditionnelle, pourquoi je dois porter ton horreur cornue, elle n’est pas d’origine que je sache ! » et « Mais Livaiya se fiche bien que je m’habille en vert ou en bleu, tout ce qu’il l’intéresse c’est les offrandes qu’on va lui donner ! » que Ren tenta de terminer la pénible tache qu’était d’habiller son souverain lorsque celui-ci trouvait tout à redire dans les choix de la tenue traditionnelle qu’il avait à porter pour la cérémonie célébrant leur divinité protectrice.
              De mauvais gré, l’Invokeur se soumit au jugement vestimentaire de son serviteur et partit tout en critiquant tout ce qui lui déplaisait sur le moment. Le bijou qui ceignait son front, principalement. Il allait essayer de la retirer de nouveau lorsque dans son dos, Ren lui rappela :
              - « Voilà des siècles que ma Maison sert la vôtre et le Dieu Léviathan. Nous connaissons ce genre de précédents. » Ses yeux descendirent des pommettes écailleuses de son maître jusqu’à sa nuque masquée par le col haut de son habit de cérémonie. « Gardez cette couronne sur la tête, et vous vous sentirez mieux très vite, je puis vous l’assurer. »
              - « Soit. » se résigna Ukiyo. « Mais tu as intérêt à les faire monter sur autre chose que cette horreur. »
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