Tumgik
#mais la répartie que j'avais à l'époque me manque
norellenilia · 4 months
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Bonjour ! C'est le Mois des Fiertés ! 🌈 Est-ce que je vous ai déjà parlé de la fois où j'ai été accusée de propagande LGBT par une admin de Beemoov ? :'D
Bon je grossis le trait mais pas tant que ça, j'y ai juste repensé l'autre fois et ça m'a énervée :')
Disclaimer, c'était il y a 7 ans maintenant, début 2017, et je ne suis même pas sûre que l'admin en question travaille encore à Beemoov depuis le temps, donc bon.
C'était sur Ma Bimbo, car oui mon aventure avec Beemoov a commencé avec ce site, quasiment 5 ans avant Eldarya :') Bref, après 2013, traumatisée que j'étais (littéralement) par la manif pour tous, j'avais commencé à recenser les "arguments" homophobes que j'entendais le plus, et dans un texte, je les démontais un à un, et j'avais publié ce texte dans mon profil de Ma Bimbo, parce que c'était un site que je fréquentais beaucoup à l'époque, j'avais pas de blog ou de réseau social, bref, j'avais besoin d'un endroit où mettre ça, et ma description était déjà bien complète, un peu plus un peu moins, hein x)
Le temps passe et régulièrement je recevais des messages de gens qui me disaient "omg j'adore ta description, merci pour ce texte c'est hyper important" etc. Ca fait chaud au cœur et je me dis toujours que c'est important qu'en effet les gens aient ce son de cloche, qu'il faut jamais laisser des propos homophobes (ou autre hein mais c'était pas le sujet) sans réponse, sans rien pour contrebalancer. Tout allait très bien, je faisais ma vie sans m'en soucier plus que ça.
Puis un jour, je reçois un MP d'une pote qui disait texto : "Tu as vu ta description ??" Avec un screen de mon profil où tout ce qui restait de ma description c'était un "EDIT MODO" en très gros suivi d'un message dont j'ai oublié le contenu, ça devait dire que je respectais pas les règles du site ou jsp.
Et effectivement, y'avait PLUS RIEN. L'edit modo était tout ce qui restait de mon profil travaillé avec soin, j'avais même fait des petites bannières pour séparer les catégories, avec des chibis dessinés à la main et tout, j'étais dégoûtée, et bien sûr complètement interloquée.
Je m'en vais trouver une modo en ligne, je lui explique la situation, elle me donne alors le nom de la modo qui avait été chargée de l'affaire. Je contacte donc la modo en question, et elle me dit qu'une bimbo avait apparemment signalé ma description pour contenu inapproprié ou un truc du genre, et je comprends pas ce qui a bien pu justifier ça. La modo me dit alors... Que c'est parce que j'ai parlé de sexualité.
J'ai fait ça, moi ???
Le seul truc que je concède, c'est une citation de l'article Wikipédia sur la sexualité animale, que voici (peut-être que l'article a été modifié depuis, mais la citation c'était peu ou prou ces mots-là) : La sexualité animale ne se limite pas toujours à des rapports monosexuels ou hétérosexuels à intention reproductive. Ainsi, les comportements sexuels animaliers peuvent avoir différents objets et revêtir de multiples formes. Les spécialistes ont noté divers comportements analogues aux comportements humains non reproductifs comme la masturbation, ou d'autres qui pourraient évoquer de l'homosexualité, bisexualité.
Je dis à la modo qu'à part ça je vois rien, plusieurs fois elle me dit "mais tu te rends bien compte qu'il y a pas le droit de parler de sexualité ?" Je lui dis que oui et que c'est pour ça que j'en ai pas parlé mdrrr, que si c'est à cause du mot "masturbation" je veux sincèrement bien l'entendre (y'avait pas encore l'interdiction de la plateforme Beemoov aux moins de 16 ans, du coup les modos s'en donnaient à coeur joie pour pousser des cris d'orfraie quand quelqu'un disait des trucs comme "je lui fous de l'eau dessus pour la rafraîchir" car "foutre" c'est vulgaire :') ), mais quand bien même, pourquoi TOUTE ma description a-t-elle été effacée ? Pourquoi le passage concerné seul n'a-t-il pas été édité ? Pourquoi n'ai-je été prévenue à AUCUN moment de la procédure ?? J'aurais pu recevoir un MP m'avertissant du propos à retirer, ou quitte à tout retirer, m'envoyer un MP en m'expliquant pourquoi ça a été fait ? (En y repensant, je ne sais même pas combien de temps s'est écoulé entre l'effacement et le message de ma pote...)
Et là, la modo finit par m'expliquer un truc... Je me souviens plus du délire exact parce que malheureusement j'ai pas conservé les MP, mais en gros la modo a demandé son avis à l'admin sur la démarche à effectuer, et l'admin lui aurait dit de tout effacer parce que je parlais de sexualité et qu'une partie de mon profil pouvait être assimilé à de la propagande et que ce n'était pas un lieu pour parler de ce genre de trucs.
(Je tiens également à faire remarquer que la modo aura jusqu'au bout été incapable de me dire ce qui m'avait valu d'être accusée de parler de sexualité sur mon profil exactement, tout simplement parce qu'elle l'a supprimé sans se poser de questions après la directive de l'admin et n'a donc jamais vraiment lu ce qui était écrit.)
J'ai voulu écrire à l'admin pour avoir des explications parce que je trouvais (et trouve toujours) ça hyper grave de parler de "propagande" pour un texte qui avait pour but de remettre les points sur les i par rapport à des postures fausses, dégradantes et discriminatoires, mais ses MP étaient fermés. La modo m'a proposé de revoir mon texte avec moi pour le soumettre à l'admin et pouvoir le remettre dans ma description, mais je ne l'ai jamais fait. J'étais trop dégoûtée et je n'avais pas envie de devoir me censurer pour une personne qui pensait que de toute façon, le concept même de ce texte était de la "propagande".
Et entre nous je pense que j'aurais perdu mon temps parce que la suite a montré que, sur beaucoup de sujets, la discussion n'était pas très possible avec cette personne, que ce soit sur MB ou sur un autre jeu Beemoov sur lequel elle avait travaillé mdr 🙄
Enfin voilà c'était mon aventure. Ca me fait doucement rigoler avec la politique de pinkwashing que Beemoov a fini par adopter :')
(Et t'façon ma description -que j'avais refaite en entier juste sans le texte de propagande lol- n'existe plus, je viens de revérifier y'a plus rien, mais je pense qu'il y a eu des bugs parce que j'arrive même pas à modifier, le lien ne semble pas marcher mdr, du coup c'est foutu pour de bon vu que le site est à l'abandon comme Eldarya.)
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Première diffusion : Février 2015. La semaine dernière a été diffusé un reportage sur le harcèlement scolaire, qui en a secoué pas mal, ne connaissant probablement pas l'ampleur du phénomène ni les conséquences que celui-ci peut avoir sur une personne. (chose que je reproche pas, je précise.) Je me permet de vous partager mon histoire à cesujet, qui n'est qu'un témoignage, parsemé parfois d'analyses personnelles, mais qui n'a pas la valeur d'un article analytique du phénomène.
Le 11 Février 2014, un article parlant d'un adolescent ayant très violemment agressé deux jeunes filles a circulé sur Internet. Je me suis démarqué d'une grande partie des gens en disant ouvertement que je comprenais la folie de son geste, ce qui a choqué, énervé quelques personnes. Pourquoi en étais-je arrivé à dire ça ? Parce que cet adolescent subissait du harcèlement scolaire. Tout comme moi à son âge. Tout d'abord, il convient de cadrer précisément le sujet : qu'est-ce que du harcèlement scolaire ? Scolaire,pas besoin de préciser, harcèlement cela reste à préciser. Selon Marie-France Hirigoyen, psychanalyste, le harcèlement se définit comme tel : «conduite abusive qui se manifeste notamment par des comportements, des paroles, des gestes, des actes, des écrits pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique d’un personne ». A cela il convient de rajouter que ces conduites sont répétitives, chroniques : si un enfant se fait emmerder une fois ou deux à l'école, ce n'est pas du harcèlement. Le harcèlement, c'est quotidien. Et les jours où je ne le subissais pas, je les marquais d'une pierre blanche. Né dans une famille marquée par l'une des pires tragédies possible, je n'étais pas un enfant-roi : j'étais un enfant-dieu. Fatalement, en arrivant à l'école, j'étais un casse-couilles notable. Et la réaction s'est vite faite sentir : au bout de quelques mois, j'étais totalement ostracisé, seul. Pour tout enfant, aller à l'école, c'est pas la montagne du fun, pour moi, ça tenait plus de la punition qu'autre chose. Là je suppose que certains se disent que c'était de ma faute. Et bien, il s'agit là d'une grande question qu'on se pose quand on est harcelé : est-ce ma faute ? Suis-je responsable de tout ça ? À l'époque, je ne me posais pas ces questions : j'étais plus intéressé de savoir comment les Power Rangers allaient sauver le monde, comment Jerry allait encore piéger Tom. Finalement, la maternelle se passa sans vraiment me marquer l'esprit au moment même. Vint l'école primaire. Où j'étais avec les même enfants qu'en maternelle. Cependant, je n'étais plus seul. Peut-être m'étais-je calmé, peut-être que les autres avaient été invités par des adultes à m'accepter parmi eux, bref, je n'ai aucun souvenir de cette transition. J'avais donc des copains. Mais j'étais très faible physiquement, très mauvais en sport. Et je faisais partie de ce groupe de garçons qui «dominaient» un peu le tout, les coolkids qui font des conneries. Et c'est là que j'ai commencé à servir de souffre-douleur. J'étais celui qui était simple à emmerder, à taper, le mauvais de service. Même si des fois, ça me mettait en larmes et je passais de très mauvaises journées, de façon générale, la situation ne me dérangeait pas : c'était un mieux par rapport à ce que j'ai vécu avant. Et surtout, je n'ai jamais rien connu d'autre. Pour moi, c'était ça, avoir des copains. Qu'on se moque de moi, qu'on me tape dessus à l'envie, qu'on m'humilie, c'était ma place, c'était normal. Je n'étais pas mis à l'écart, je jouais avec eux, j'étais invité à des anniversaires : j'existais. Et c'était tout ce qu'il fallait pour me satisfaire. Je pense pouvoir dire qu'ils ne me haïssaient pas. Durant deux ans, j'étais dans cette vie un peu étrange. J'ai même osé fêter mon anniversaire, tous sont venus, on s'est bien amusés. Et vint le CE2, où, encore une fois, nous avions bien grandi. Mais cette fois, ça n'allait pas être pour le mieux. De nouveaux arrivèrent, et intégrèrent directement le groupe des coolkids. Ce fut ma première expérience de nouvelles personnes, la première fois que je découvris la perception que les gens avaient de moi via le traitement que les autres me faisaient subir. Tous me connaissaient depuis que nous avions deux ou trois ans. Et là, ces enfants arrivaient, à sept ou huit ans, et se retrouvaient face à un groupe où l'un des enfants était le harcelé. Très rapidement, ils prirent le pli, mais avec bien moins de subtilité : ce fut le début de ma prise de conscience. Ils intégrèrent le groupe, et le traitement que je subis durcit très clairement.
Je tentai de fêter mon anniversaire de nouveau, ce fut un échec total : nous étions cinq. Je me souviens encore d'une des mères venant chercher son enfant, en voyant combien nous étions «Ah, nous sommes les derniers ? -Non, vous êtes la première.» lui répondit mon mère. Le regard qu'elle m'a lancé m'a glacé, et m'a fait comprendre que quelque chose n'allait pas. La discussion qui s'ensuivit avec mon père, où ils évoquèrent à demi-mots la tristesse totale de l'évènement, sans doute pour éviter que je comprenne. Mais, comme beaucoup de gens le font avec les enfants, ils ont sous-estimé ma capacité de compréhension. Ce jour-là, je pris conscience de ma place : celle du type qu'on appréciait pas. Qu'on tolérait, sans plus. Plus personne ne m'invitait à des anniversaires. Quand on me laissait jouer, cela finissait souvent en humiliation, moqueries. Mais plutôt ça que la solitude. Je pris également une habitude stupide afin d'essayer de changer un peu la vision qu'on avait de moi : mentir en racontant des histoires extravagantes pour me rendre intéressant. Faire en sorte que je sois intéressant, pas juste un punching-ball sur pattes qui se mettait à pleurer de temps à autre. Ça fonctionnait un peu, mais les retombées furent bien pires. Perdu et cherchant de l'aide, je ne savais pas quoi faire. Je me savais plus faible qu'eux, n'osait pas remettre en question cet ordre des choses qui me rendait bien malheureux, et que je tentais à tout prix de cacher à mes parents. Mais il ne fallait pas non plus chercher l'aide des adultes : c'était la pire honte possible, et ça allait empirer les choses. Donc je tentai de chercher l'aide des adultes de façon détournée : qu'ils voient que je souffrais énormément, que j'avais besoin d'aide, mais sans formuler ouvertement ma demande. Cela passait par deux choses : des mises en scène où j'aggravais les séquelles des coups que je prenais (par exemple, boiter plus longtemps que nécessaire quand on me frappait aux jambes, me tenir le bras même si je n'avais pas mal, etc), et me plaindre, (Chose que je fais encore énormément aujourd'hui, et qui rend dingue mon entourage.) dans l'espoir que des adultes entendraient mon mal-être, sans que les autres enfants ne se rendent compte qu'ils étaient les personnes que je voulais faire réagir. Ce fut un bide total, au point que les adultes eux-même se mirent à me reprocher mon comportement. Devinez comment les autres enfants ont réagi ? Sauf que les autres enfants comprirent mon jeu : je devins alors le menteur, qui en faisait des caisses pour faire punir les autres enfants exprès, tout en pleurnichant sans cesse. Donc j’étais le pleurnichard : Pierre et le Loup dans ma gueule. De plus, étant donné que mes seuls copains, que je regardais avec admiration tant ils étaient plus intelligents, aimés, bons en sport, etc, étaient ceux qui faisaient des conneries et emmerdait le monde, et bien … je les imitais. Je voulais vraiment m'intégrer, et je pensais que c'était la bonne stratégie : montrer que j'étais «en haut», avec eux. J'étais clairement un suiveur, jamais un meneur. Cependant, une situation pareille amène à une forte frustration. Et la frustration amène à ressortir des aspects très négatifs de notre personnalité : en l'occurrence, j'ai parfois fait subir mon mal-être à plus faible que moi en étant d'une méchanceté qui m'effraie encore aujourd'hui. La chose la plus atroce de l'histoire, c'est pas que je me sentais mieux, mais presque. Être purement méchant, gratuitement, procurait une sensation de satisfaction perverse. Le harcèlement changea alors dans un aspect bien plus pervers, parce qu'il prit une toute nouvelle dimension, que j'ai abordé plus haut : celle de la responsabilité personnelle. J'étais quelqu'un qui se comportait mal, donc je méritais ce qu'il m'arrivait. Les adultes ? Ils avaient bien vu ce qu'il se passait. Mais ils ont également vu que je suivais un groupe d'emmerdeurs, que j'emmerdais des petits dans mon coin, que je jouais la comédie parfois. J'étais très loin d'être un ange, et c'est probablement pour ça qu'ils n'ont rien fait.
Du coup, leur manque de réaction a appuyé l'idée que je méritais ce qu'il m'arrivait, autant pour moi que pour les autres. Mais le pire restait à venir. Nous sommes tous allés au collège. Et jusqu'ici, je n'avais côtoyé que les même enfants, une cinquantaine, depuis ma petite enfance. Or, à présent, nous étions plusieurs centaines, répartis dans plusieurs villes aux alentours. Naïf que j'étais, je pensais que la situation resterait la même, ou même changerait, étant donné qu'il y aurait d'autres personnes ! Dans les films (que je regardais à un rythme effrayant), les séries, les dessins animés, un enfant à toujours des copains fidèles, avec qui il passerait d'excellents moments. Peut-être ne les avais-je pas encore trouvés, et que ça allait enfin arriver. C'est l'inverse qui s'est passé. Vous vous souvenez de ma première expérience avec de nouvelles personnes par le prisme des gens qui me harcelaient ? Et bien là c'est la même chose. Mais avec plusieurs centaines de personnes. (L'un de ceux que je connaissais depuis mon enfance, lors d'un voyage scolaire, m'a annoncé qu'ils m'avaient crée une sale réputation dans le coin où on vivait à cause de la façon dont ils me traitaient en primaire, puis au collège. Ensuite il quitta la chambre de l'Auberge de Jeunesse où on se trouvait, pour aller avec TOUS les autres ados dans une autre chambre passer une chouette soirée, sauf moi et une autre personne ayant subi les même choses dans son école. Celui-ci a d'ailleurs décidé de mal se comporter avec moi, espérant gagner grâce à leurs yeux. La dernière fois que je l'ai vu, on avait 19 ans : il continuait de le faire.) Le harcèlement changea de forme et s'étendit clairement : à présent, ce n'était plus des gamins de mon âge qui me mettait des coups de temps à autres, c'était des adolescents de 15 ans. Je me suis rarement fais taper par eux, pour une raison simple : ça a été tellement violent les premières fois que je me pliais à absolument toutes leurs exigences ensuite. Le harcèlement était justifié, à leurs yeux. Des ados (je n'ai jamais connu le nom de certains)me frappaient,, m'insultaient, m'humiliaient, parce que ça les amusait. Mais ce harcèlement était également justifié aux yeux du personnel du collège. Qui estimait que j'étais un branleur qui méritait ce qui m'arrivait. (Tiens, ça me rappelle quelque chose.) Étant donné que je ne me privais pas d'emmerder à mon tour d'autres gens ou à participer aux conneries de mes camarades. Parce que oui, en plus de ces défauts crées par le harcèlement, j'avais les miens -comme tout le monde. J'étais parfois colérique et mauvais joueur, principalement. Donc tout le monde, adultes y compris, en déduisaient que je n'étais pas quelqu'un de bien, que mon sort ne valait pas la peine qu'on s'y penche. Le prof de sport a même déclaré à la classe, un jour où j'étais malade, que le cours était bien mieux sans moi. Plusieurs élèves me l'ont annoncé, amusés, le lendemain. Néanmoins, tout n'était pas si noir : j'avais quand même réussi à me faire des copains. Mais cela restait superficiel, tant mon statut de paria à ne pas côtoyer était marqué. Et puis ma personnalité était déjà tordue par tout ce que j'avais subi, donc j'imagine que je ne devais pas être la personne la plus intéressante avec qui rester. Ma mesquinerie et mon envie de faire du mal à plus faible grandissait en même temps que ma frustration et le désespoir face à cette situation : seul face à une centaine d'adolescents, sans espoir qu'un adulte vienne m'aider un jour. Un jour, j'ai craqué : un adolescent de 15 ans, l'un de ceux qui me harcelait le plus, m'a insulté devant toute sa classe et la mienne. Ce à quoi j'ai répondu un simple, mais efficace «Oh, ta gueule!». Les rires de sa classe, les regards surpris de la mienne, tout ceci m’a remplit de fierté. Pendant un après-midi, j'étais content : j'avais tenu tête, les choses pouvaient changer ! Le début de la fin ! Si j'avais réussi à faire taire l'un d'entre eux, on commencerait à me respecter. Peut-être que je pourrais venir au collège sans être constamment terrifié, peut-être que je serais même apprécié, voir populaire ! Et encore une fois, c'est l'inverse qui se produisit.
J'ai rarement eu aussi peur de ma vie. Cet adolescent vivait dans le même village que moi. Nous étions dans le même car pour le retour. L’un d’entre eux m’a vu, a annoncé à l’adolescent où j’étais. Celui-ci est venu, a menacé de «m’éclater pour de vrai» si je montrais le moindre signe de rébellion. Toute envie de tenir tête à qui que ce soit venait de disparaître. (D’ailleurs, mon père s’est bien rendu compte qu’il s’est passé un truc étrange, m’a proposé d’aller voir au collège en parler avec des personnes compétentes (un bien grand mot.) : j’ai refusé. Par peur que tout empire. Tout aurait pu se terminer là.)
Le collège était devenu un lieu de pure terreur où je ne voulais plus mettre les pieds. Autant en maternelle je m'ennuyais, en primaire on m'emmerdait, là j'avais peur pour mon intégrité physique. Il m'arrivait fréquemment de me prendre des coups de tête, des coups de pieds, les fameuses «béquilles». Et aucun adulte ne voulait m'aider. Je me souviens encore de la CPE qui, une fois, à donné du grain à moudre à mes harceleurs : ceux-ci venaient de me frapper à plusieurs, j'étais au sol, j'avais vraiment mal partout. Je ne jouais pas du tout la comédie : mes membres me lançaient comme rarement. Et elle crut intelligent de crier, durant une récréation, que je faisais semblant d'avoir mal. Elle venait, sans s'en rendre compte, d'autoriser tous les ados de me taper dessus, en montrant à tous qu'elle ne m'aiderait pas. Ce qu'ils ne se privèrent pas de faire. Pierre et le Loup, de nouveau. Et inconsciemment, je me suis mis de leur côté. Ce qui faisait qu'elle avait raison. Et que je méritais toujours ce qui m'arrivait. (peut-être la haine de soi qui en arrive à un niveau si élevé qu’on se comporte comme étant un être différent de soi-même ? Allez savoir. Je suis pas psychologue et je fréquente bien trop les comptoirs.) Je me suis posé une question à cette époque : et si en fait, j'aimais ça ? Et bien en fait, non, mais c'est un des aspects les plus odieux du harcèlement : le premier harceleur du harcelé, c'est le harcelé lui-même. Ce questionnement perpétuel sur la responsabilité, qui se termine quasi systématiquement par un «C'est de ma faute» (les harceleurs se justifient toujours très bien de ce qu'ils font, le harcelé a bien souvent une piètre image de lui, du coup…), couplé à une expérience sociale composée uniquement de harcèlement, faisait que j'allais automatiquement me mettre dans cette position. Je ne l'ai compris qu'à 11 ans : si les autres enfants avaient contribué à ce que les autres me harcèlent, moi aussi. Par pure habitude. Mon estime pour moi-même s'est effondrée. Quand les autres m'insultaient, je m'insultais volontiers avec eux, dans une sorte de trouble de personnalité multiple où j'essayais de me détacher de ce personnage de harcelé. Une sorte d'évolution glauque de ce que j'essayais de faire plus tôt : m'intégrer, être normal. Et c'est également au collège que ce harcèlement a passé les frontières de l'école : dans un rayon de 15km, à peu près tous les adolescents connaissaient mon nom, qui était désormais associé à un être laid, stupide, méchant, la personne que l'on adorait détester. Un nouveau arrivait en classe ? «Il faudra qu'il tape Stéphane!» Ce qui a fait que j'avais désormais peur de sortir de chez moi. Peur qui est restée jusqu'à mes 21-22 ans. J'étais haï par la grande majorité des gens autour de moi, alors que je n'avais même pas adressé la parole à la moitié d'entre eux. Certains disaient/faisaient des choses stupides, et pour éviter d'être ridicule aux yeux de tous, me les imputaient : personne n'allait les remettre en question, et ma réputation s'empirait, ainsi que mon moral. C'est à cette période que mes envies de suicide sont apparues. Ma mère m'a envoyé chez des psys, qui ont eu une conclusion simple : «Il est hyperactif, c'est pour ça que ses notes baissent.» J'étais si seul et désespéré que j'en vins à faire des choses d'une idiotie folle, comme par exemple saccager volontairement mes notes dans une matière. J'ai toujours été plutôt bon en mathématiques, et en quatrième, je me suis pris une mauvaise note. J'avais pas compris un truc, j'étais surpris, mais c'était pas grave en soi. Sauf que j'ai fais une blague, toute la classe a rit. C'est la première fois que ça arrivait. Je tenais le moyen de m'en sortir : ne plus travailler en maths, faire n'importe quoi, avoir des mauvaises notes et faire rire tout le monde. J'étais passionné d'astronomie, géologie et paléontologie, à l'époque. Avant d'entrer au collège, j'aspirais à devenir un scientifique, et tous les adultes hors cadre scolaire trouvaient ça normal, possible : j’étais toujours fourré dans des bouquins de vulgarisation scientifique, enfant, et j’étais doté d’une culture sur la question supérieure aux enfants de mon âge. (la tendance s’est inversée ensuite) Je venais d'achever cette possibilité dans un souci d'intégration. Mais j'ai également failli faire une immense erreur. Un soir, à bout, j'ai pris un couteau de cuisine pour le mettre dans mon sac. Mon frère m'a vu, m'a engueulé comme rarement il l'a fait.
J’ai même tenté les menaces de plainte chez les flics, et même les menaces de mort. (Jeu : Essayez de deviner la réaction d’un groupe d’adolescents que tu menaces de mort quand tu es tout frêle.) Le collège continua dans cette ambiance glauque, terrible, où je voyais les autres adolescents heureux en apparence, avoir des copains, faire des choses entre eux en dehors du collège, tout en sachant que ça m'était interdit. C'est à cette période là que je commença à développer une sorte de vision fantasmée de la vie d'autrui, en opposition à l'horreur complète qu'était la mienne. Aujourd'hui encore, j'ai ces visions, tout en sachant très bien la stupidité totale de celles-ci. Mon père fit également une erreur à cette époque, en voulant m'apprendre quelque chose de la vie : selon lui, ce qu'il y a de plus important dans la vie, c'est l'amour. Tu peux être dans la merde la plus noire, si en amour ça va, alors tout va bien. Du coup, je me suis dis «Hey, quand ça m'arrivera, tout ira mieux!». Or, avec ma réputation, c'était bien évidemment cuit d'avance. Ce qui n'est pas important en soi, on n'a pas besoin de ça, étant ado. Mais mon père m'a montré qu'il restait une possibilité de bonheur, mes espoirs sont montés, et se sont écrasés aussitôt. Il ne me restait donc plus rien. Juste à me lever, chaque jour, à devoir aller dans le pire endroit du monde, à subir saloperies sur saloperies, à faire subir saloperies sur saloperies. Des fois, certains élèves un peu populaires prenaient ma défense. Mais c'était relativement rare. Et la plupart du temps, ils se faisaient engueuler par le personnel du collège, et ne s'y risquaient plus. Je peux faire comprendre l'horreur que c'était via un ressenti que j'ai eu en regardant une série. Une excellente série, mais qui m'a provoqué une sensation de malaise et de «déjà-vu» très étrange pendant le premier épisode, jusqu'à ce que je comprenne pourquoi. Il s'agissait d'Oz. Oui oui, Oz, la série carcérale ultra-violente. La terreur constante, cet enfermement parmi différents groupes de gens qui semblent te haïr et risquent de te faire du mal gratuitement à n'importe quel moment, la peur d'être au contact d’autrui, les menaces, etc. Ça peut paraître ridicule et exagéré, mais encore une fois, il s'agit d'un ressenti personnel, sur lequel je n'ai aucun contrôle. Et systématiquement, les séries/films carcéraux me donnent cette sensation. Mais heureusement, tout s'est terminé avec le passage au lycée. Cette fois, c'est bon, c'est la fin. On va tous être répartis dans différents lycées, certains iront dans des lycées pros, d'autres vont déménager, et moi je serai dans un lycée chouette, avec des gens sympas, intéressants, drôles, ayant envie de me voir : bref, le bonheur, une vie normale. Ce fut la dernière fois de ma vie que je fus optimiste sans retourner la question des jours durant. Nouvelle leçon du harcèlement : si tu arrives dans un tout nouveau cadre, mais qu'une seule personne de ton ancien cadre de harcèlement est présente, ça va également infecter tous les autres, comme un fruit pourri. En seconde, j'ai été présenté comme la personne à taper quand on s'ennuie. Mais ça s'est clairement calmé par rapport au collège : il m'arrivait de me faire frapper, mais c'était bien moins fréquent. Et les personnes qui me harcelaient le plus était encore une fois ceux qui avaient subi les même traitements que moi, ceux qui n'avaient pas confiance et la prenaient (souvent par le biais de la musculation, d'ailleurs) : je constituais pour eux un marche-pied parfait pour leur permettre d'accéder à la «classe sociale» supérieure. (ça m'est arrivé 4 fois ensuite, et encore à mon âge, des gens tentent de le faire. Mais ça fonctionne beaucoup moins bien, heureusement.) J'ai passé ma première journée avec deux harceleurs, que je connaissais depuis la primaire, dont l'un m'a dit «Ah, on sera pas dans la même classe. Ça nous empêchera pas de te taper !» en riant. C'était quelqu'un de bien plus intelligent de moi, mais je ne sais toujours pas s'il a compris la portée de ce qu'il disait. Mes harceleurs sont devenus populaires, ont eu plein d'amis, et cette seconde qui m'avait tant fait espérer était une horreur totale. J'ai totalement lâché prise. Je ne travaillais plus. Je ne voulais plus rien, plus aucun contact avec personne. Ma façon de penser était en total décalage avec le reste des gens. Je m'en suis rendu compte en regardant Elephant : le film parle de la tuerie de Columbine. J'étais pour les tueurs. J'étais bien plus compréhensif envers une personne qui tenait un pistolet et allait s'en servir qu'envers une personne terrifiée qui ne voulait pas mourir. Ma solution a été de me couper intégralement du monde, des gens autour de moi, en m'immergeant totalement dans un MMORPG. C'était le seul endroit au monde où on m'acceptait, où des gens s'amusaient avec moi, où des gens étaient sympas, où je pouvais faire rire des gens, où mes efforts étaient récompensés. L'été de mes 15 ans, je suis resté enfermé 6 semaines de suite sans sortir.
Nous avions deux chiots et un chaton que j'adorais, mais dont je ne m'occupais plus du tout. Ils venaient souvent chercher un compagnon de jeu, un peu d'affection, mais ne le trouvèrent pas pendant des mois. Je me suis tellement immergé dans cet autre monde où tout allait merveilleusement bien que j'ai été jusqu'à ignorer la mort de proches. J'ai donc redoublé, étant un spécialiste de la sieste et de la non-écoute en cours. De toute façon, je suis idiot, laid, méchant alors pourquoi essayer quoi que ce soit, vu que ma vie est vouée à l’échec ? Paradoxalement, c'est de là qu'est venu mon salut. En redoublant, je me suis retrouvé avec des gens plus jeunes que moi, sans harceleurs directs, mais juste des gens ayant connaissance de ma réputation. Le prisme ne fonctionna pas, cette fois. Ces même personnes faisaient partie de notre groupe d'amis, mais gardaient des réserves quant à ma personne : je savais très bien qu'on ne pouvait plus être amis, que j'étais comme marqué au fer rouge de la honte à leurs yeux. C'est d'ailleurs la première fois de ma vie que je faisais vraiment partie d'un groupe d'amis. Je faisais de temps en temps rire ma classe. J'ai fais pleurer aux larmes une prof avec une blague. Je m'entendais avec tout le monde. J'avais désormais des amis. J'avais la sensation qu'on m'autorisait désormais à faire partie du monde, que j'y avais ma place. Mais ce n'était que le début de processus de réhabilitation, qui allait prendre beaucoup de temps. J'étais devenu tordu, mesquin, paranoïaque, sans aucune confiance, addict à un MMORPG, feignant, très plaintif, ayant un gros souci avec la responsabilité personnelle (je ne savais jamais vraiment ce qui relevait de ma responsabilité, de celle des autres.) et avec une confiance dans le négatif absolu. Je lassais donc rapidement les gens. Et personne n'ira le leur reprocher. Après une année de fac, j'ai déménagé : mes amis de fac ne me parlent plus parce que je n'ai pas maintenu le contact. Tout simplement parce que, malgré tout le temps passé ensemble, je restais convaincu que mon absence ne les choquerait pas, qu'ils ne voulaient pas de nouvelles de moi. Ils l'ont mal pris, à raison. Même extirpé de cet enfer, certains tentaient de le faire perdurer. Lors des soirées étudiantes de ma ville, des gens que je ne connaissais pas venaient me provoquer en sachant qui j'étais, que j'étais selon eux une victime facile à cibler. L'un d'eux a annoncé en hurlant qu'il m'avait tapé : je ne savais absolument pas qui c'était. Mais il avait très probablement raison. Aujourd'hui, il me reste quelques séquelles physiques mineures, mais ma personnalité est énormément marquée par ces années, et le sera sans doute jusqu'à ma mort. Je n'ai absolument aucune confiance, je me refuse d'être optimiste de peur d'être encore déçu, j'ai des relations sociales compliquées étant donné que je ne comprend pas toutes les subtilités qu'on apprend naturellement en grandissant, je ne sais plus du tout gérer la notion de responsabilité, les rapports de domination dans un groupe m'obsèdent autant qu'elles m'effraient, je suis d'une rare paranoïa, etc, etc Certains de mes amis, de façon totalement inconsciente et pour protéger leur estime quand ils font des erreurs, en prennent avantage. (Ce que je ne leur reproche pas, c'est juste un des effets secondaires de ma personnalité.)
A chaque situation sociale, je passe mon temps à me poser énormément de questions sur ce que pensent les autres de moi, à me projeter, et à créer tous les scénarios possible. Donc il m'arrive très souvent de me retrouver à perdre totalement le moral, souvent sans raison, parce que j'ai suivi la route d'un scénario qui se termine très mal. La photo la plus connue de moi, qui a fait rire beaucoup de gens, est d'ailleurs née d'une de ces réflexions. (et en effet : elle est hilarante.) De plus, tout ceci ayant duré jusqu’à très tard, je n’ai eu accès aux relations sentimentales que TRÈS tard («Ah ouais, t’as 10 ans de retard sur tout le monde» s’est exclamé un pote quand je lui ai expliqué ma situation.), donc je suis désormais une sorte d’inadapté social ne comprenant absolument pas comment tout ceci fonctionne, et cette solitude entrave également le chemin de la «guérison». Mais, au milieu de tous ces souvenirs atroces, des bons moments me font me poser une question : est-ce que tout ceci s'est vraiment passé ? Est-ce que je ne grossis pas les pires moments pour faire de mon existence une tragédie ? C'est désormais les questions qui me tourmentent, et qui font que je ne sais absolument plus qui j'étais à l'époque, que je ne sais plus vraiment ce que j'ai vraiment vécu. Ceci est sans doute le résultat de l'auto-lavage de cerveau que je me faisais pour leur donner raison. (par exemple : j'ai retapé pas mal de passages de ce texte, en me disant que j’exagérais. Et je ne sais pas si je le faisais ou non : mes pensées et souvenirs sont constamment sujets au doute.) Étais-je vraiment une petite ordure insupportable, ou un garçon relativement normal qu'on emmerdait et qui réagissait comme il le pouvait ? Dans ce texte, j'ai défini un portait que j'estime être le plus objectif, basé sur mes souvenirs et sur les observations de certaines personnes de mon entourage. Mais en réalité, cette perception de moi-même change tout le temps. Parce que cette notion de mérite et de responsabilité du harcèlement ne m'a pas quitté. La plupart me disent que non, je n'ai pas mérité tout ça. Mais cela fait bien trop longtemps que c'est planté dans mon crâne : je continue à être du côté de mes harceleurs, à subir leur influence sur ma pensée.
J'aimerais désormais préciser deux choses, à propos des harceleurs. Tout d'abord, le cliché de série télé qui veut que le harcelé est un nerd à lunettes qui deviendra milliardaire alors que les harceleurs deviendront des toxicos au chômage à 16 ans : dans mon cas, c'est l'inverse qui s'est produit. Quasiment tous ont fait de bonnes études, s'en sortent beaucoup mieux que moi désormais. Et ceux qui m'ont suivi de la primaire jusqu'au lycée, n'étaient pas des monstres. Des enfants emmerdeurs comme il y en a beaucoup, à la limite. Avant de quitter cet endroit où je ne pouvais plus vivre, j'ai fais une dernière soirée étudiante dans ma ville natale, la veille de mon départ. En quittant mes amis et en rentrant chez moi, j'ai croisé mes harceleurs, qui sont venus m'interpeller en me provoquant un peu. Mais j'ai répondu simplement, comme à des anciens copains. Et nous avons discuté comme ça, normalement. Je leur ai d'ailleurs ouvertement pardonné ce qu'ils avaient fait, estimant que nous étions simplement des gamins, tous aussi stupides les uns que les autres. On s'est retrouvé à parler de nos études, de notre avenir. Une vraie discussion. C'était les dernières personnes de mon âge à qui j'avais parlé avant de quitter ma ville. Au collège, au milieu de tout ce merdier, une journée me paraît un peu joyeuse. Ce jour-là, je me suis senti proche des gens qui me détestaient, me frappaient. Ils m'ont même laissé manger avec eux, étaient sympathiques. Je me souviens qu'on a tous levé notre verre d'eau, qu'on a trinqué, qu'il y avait une bonne humeur palpable dans l'air. Pour quelle raison ? La CPE venait tout juste de mourir.
La mort d'une personne m'a permis d'avoir la paix et la bonne humeur durant une journée. Mais le souvenir qui fait que je ne peux pas ouvertement dire que j'étais haï de tous et qu'ils étaient monstrueux (ce qui serait bien plus facile pour moi), c'était en CM2, quand des professeurs ont réuni ce groupe de coolkids pour nous calmer et nous dire d'arrêter d'emmerder les autres élèves. Tous les garçons se sont tournés vers moi, et ont dit aux professeurs que j'étais innocent dans cette histoire. Sans aucune raison, ils m'ont tous innocenté et m'ont laissé partir. La question de la responsabilité reste en suspens. Mais cette question possède une réponse relativement simple, en théorie : je pense que les adultes sont responsables. Ceux qui voyaient ce qu'il se passait, mais ne se posait pas de questions, n'essayaient pas de comprendre pourquoi les choses se passaient comme ça, et ont donc laissé continuer cette horreur. Maintenant, je ne vais pas totalement les blâmer non plus : une fois, j'ai été cet adulte. Alors que j'étais animateur, un enfant de 9 ans, en larmes, m'a expliqué qu'il subissait également ça à l'école. J'étais désemparé, je ne savais pas quoi lui dire. Lui partager mon expérience ? Ça lui aurait fait une belle jambe. Je lui ai dis de ne pas se laisser faire (ce que j'ai tenté, et m'a traumatisé quant à la résolution de problèmes), de prendre confiance en lui, qu'il était un être qui méritait qu'on le traite bien. Je me suis trouvé atrocement nul dans ce rôle. Néanmoins, dans le centre, là où j'avais un vrai pouvoir, j'ai clairement expliqué à ceux qui l'emmerdaient les conséquences de tels actes. Ils jouaient ensemble après, semblaient plutôt bien s'entendre dans ce cadre. C'était ma petite victoire. Je n'ai eu aucune nouvelle ensuite. Je fais partie de ceux qui s'en sont bien sortis. J'ai une personnalité tordue, mais j'ai réussi à me réintégrer socialement, malgré d'énormes défauts, beaucoup issus de ces années difficiles. Je pense même pouvoir dire sans me tromper que j'étais populaire dans ma promo en école supérieure (en plus d’avoir des potes par ci par la dans les autres sections). J'ai réussi à me réorienter sur une autre passion. Je n'ai pas de graves séquelles physiques. Je n'ai pas violemment agressé quelqu'un, ni fini dans un centre de redressement. Je ne suis pas devenu un monstre, comme ça aurait pu être le cas. Le jour où j'ai appris qu'un de mes harceleurs avait perdu son enfant de quelques mois, je ne me suis pas dis que c'était un retour de karma : je ne sentais vraiment désolé pour lui. Néanmoins je galère encore énormément à me remettre sur les rails d'une pensée normale, rationnelle, parfaitement adulte, et le bonheur n'est pas encore un concept avec lequel je suis familier, malgré tous les aspects positifs de ma vie. Mais au moins, je suis encore en vie. Ce qui est un luxe dont beaucoup de personnes ayant vécu des choses similaires aux miennes ne peuvent malheureusement plus se vanter.
Ce que j'espère avoir vraiment montré avec mon texte, ce n'est pas qui m'a fait quoi, qui est coupable, qui est responsable.
Le point qui m'intéressait le plus était de montrer à quel point une situation pareille peut modifier notre esprit en profondeur et vraiment nous marquer à vie. Vous montrer la portée et la violence que peuvent avoir de tels actes. Montrer qu'une fois que c'est terminé, ça continue encore.
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