#les esprits libres brisent les règles
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gendercultures · 8 years ago
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Gender Culture(s) - #1
Malgré une société figée dans des valeurs obsolètes, les esprits évoluent autour de la question du genre social. La nouvelle lignée d’artistes féministes, queer, transgenres… se sert de l’art pour faire entendre leur voix.
Dans un dictionnaire quelconque, le mot « genre » a de multiples significations. Or aujourd’hui, c’est à la référence de la distinction sexuelle socio-culturelle qu’on s’intéresse. A la naissance, qu’on soit fille ou garçon, nous sommes assigné.e.s aux chromosomes suivants : XX pour les femmes, XY pour les hommes. S’en suivent, dès le plus jeune âge, de nombreuses généralités, souvent dévalorisantes. Récemment, trois psychologues américain.e.s – Lin Bian, Sarah-Jane Leslie et Andrei Cimpian - ont publié pour la revue Science, une étude indiquant la construction des inégalités de genre, s’effectuant à l’entrée de l’enfant dans le système scolaire. Ces dernier.e.s démontent que les filles sont convaincues d’être moins intelligentes que les garçons. Le schéma inégalitaire des sexes se dessine donc très tôt, dans de multiples sphères, sociales et intimes.
C’est là que le bal des stéréotypes commence : dans un rapport gouvernemental publié en 2014, coordonné par Vanessa Wisnia-Weill et Marie-Cécile Naves, ce dernier pointe du doigt la discrimination sexualisée entre filles et garçons dans les milieux scolaires. Les filles ont moins d’interactions avec leurs enseignant.e.s - 44% pour elles, 56% pour les garçons - et se penchent davantage pour des activités culturelles – arts plastiques - que sportives – gymnastique, danse - surtout dans la classe ouvrière. Mais les études ne sont qu’une partie du socle inégalitaire : les enseignant.e.s transmettent également tout au long de la scolarité, des savoir-être. On apprend aux garçons à être défenseurs, forts, affirmés ; tandis qu’on demandera aux filles à devenir douces, compréhensives et à faire « le moins de place possible » dans une société fortement marquée par le patriarcat.
Des positions psychologiques qui sont appuyées par les différentes œuvres culturelles destinées aux enfants et aux adolescent.e.s. Du côté des dessins animés, les stéréotypes du genre montrent l’association des séries pour un public féminin avec les clichés de l’apparence physique et les sentiments envers la gente masculine, avec Sailor Moon ou Winx Club ; les garçons sont symbolisés par la force avec Ben 10 ou Les Tortues Ninja. Pire, c’est que cette segmentation psychologique est perçue comme « normale » tout au long de l’existence : les garçons sont courageux et défient l’autorité, contrairement aux filles qui doivent rester dans une certaine retenue. A la moindre transgression des ce stéréotype imposé, le scandale peut éclater. Ce qui est arrivé à l’autrice-compositrice-interprète pop-folk québécoise Safia Nolin lors du dernier gala de l’ADISQ – l’équivalent des Victoires de la Musique en Belle-Province. Sa tenue – t-shirt Gerry Boulet, jean, gilet, sneakers – avait suscité un gigantesque toilé médiatique au Canada. Sa démarche de se présenter à une cérémonie formelle, vêtue comme dans la vie quotidienne, est signe d’insoumission face à un protocole vestimentaire strict autour de ces musiciennes, manageuses... parées de leurs plus beaux atours. Elle dénonce ainsi les inégalités subies par les femmes, que ça soit l’apparence et la posture physiques.
Ces exemples révèlent que ces discriminations sont anormales. Sauf que la société française est avare face aux changements et aux évolutions : "le masculin emporte sur le féminin" est une notion hélas assimilée dans les mœurs. Peu de femmes sont présentes dans les programmes de l’Education Nationale et l’entrée récente de La Princesse de Montpensier de Madame de La Fayette au menu du bac littéraire n’en a pas ravi certain.e.s. Même s’il est à juger que l’institution ne prend que tardivement la conscience du manque phénoménal de femmes ayant marqué l’Histoire dans les enseignements, l’Etat est responsable d’un laisser-aller à propos de la domination masculine étouffante dans la plupart des milieux publics, sur Internet comme dans la vie réelle.
Quoi de mieux que d’évoquer l’Académie Française, qui n’est d'autre que le temple sacro-saint de la langue française ? Dans un système où, contrairement aux langues anglaise ou finnoise, l’adjectif neutre existe, ce dernier n’a pas état de siéger dans le français. Signe que cette langue se repose sur des bases favorisées par le masculin. Plus édifiant : ce n’était pas le cas jusqu’au XVIIème siècle. Les professions et autres fonctions pratiquées par les femmes étaient nommées "avec l’accord le plus proche". Ce qui donnait "autrice", "doctoresse" ou "charpentière". C’est avec l’évolution de la langue – et la création de l’Académie Française en 1635 - que de différentes règles ont été imposées, notamment la règle du masculin. En 1647, un des membres de cette Académie, Claude Favre De Vaugelas, justifie cette réforme en déclarant: "Le masculin est plus noble que le féminin.". Même chose lorsque l’Etat préconisera l’utilisation primaire du masculin dans le cadre des enseignements de l’école publique et obligatoire en 1882.
En plus de considérer que les hommes ont pris les 3/4 du pouvoir dans les institutions et autres, le genre en lui-même n’est finalement qu’accessoire dans notre société vieillissante et psychorigide. Ce qui entraîne malheureusement à une absence de remise en question sur notre modèle sociétaire. A qui la faute ? A la droite conservatrice, supportrice entre autres de La Manif Pour Tous et de sa théorie de genre inventée de toutes pièces. Le retard considérable sur nos voisins anglo-saxons, abordant le genre social depuis les années 1950, contribue à la pénalisation de la compréhension de ces interrogations. Des essais emblématiques et novateurs, rédigés par Margaret Mead, Judith Butler ou Joan W. Scott n’ont eu qu’un moindre impact sur le questionnement du genre social en France. 
C’est dans cette lignée que les mentalités commencent à changer doucement. Une nouvelle génération féministe est arrivée, avec l’avènement des réseaux sociaux, défendant les droits des femmes, des minorités – notamment les LGBTQ+ et les racisé.e.s. La question du genre est également mise en avant. Nombreu.x.ses sont les personnes qui ne se revendiquent pas forcément comme fille ou garçon, cisgenre et « straight » - soit être hétérosexuel.le. Iels peuvent être queer, transgenres. Iels brisent les règles du genre, sont non-binaires, le racontent sous une forme artistique, alors que le monde est en train de se refermer sur le populisme et les forces conservatrices. Iels s’appellent Perfume Genius, ANOHNI, Ezra Furman, Mykki Blanco ou le groupe synthpop MUNA. L’ensemble de ces musicien.nes cité.e.s entretiennent une image libre ; utilisent les réseaux sociaux et la musique pour évoquer les oppressions de ne pas être soi-même, faire passer des messages d’égalité et de tolérance. Dans la chanson iT de Christine and The Queens, la parole percutante "She wants to be a man, but she lies./ She wants to be born again, but she’ll lose." justifie son envie de devenir androgyne, de ne plus avoir peur des objections émises par ses détracteurices.
Le chemin est encore long et semé d'appâts pour le genre social. Cependant, la force des héritages de Prince ou David Bowie, entre autres, ont laissé des traces concernant le combat vers la quête d’identité, tout sexe confondu. En ces temps troubles, où l’art doit être un outil socio-culturel rassembleur, où la rébellion des femmes et des minorités doivent être des fers de lance pour l'avancée de leurs droits, la relève est plus qu’assurée.
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