#j'adore cette pièce c'est visible là non
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lectures-sur-le-bateau-ivre · 10 months ago
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Sur Tartuffe : adaptations
Commençons donc avec ce qui a le moins à voir avec la pièce, une version écourtée de la pièce, mise en scène par Maurice Béjart en 1981.
Casting : Cléante - Bernard Dhéran, Mme Pernelle - Catherine Samie, Orgon - Michel Aumont, Elmire - Geneviève Casile, Tartuffe - Michel Duchaussoy, Dorine - Virginie Pradal, Valère - Raymond Acquaviva, Damis - Guy Michel, Mariane - Marcelline Collard
Mise en scène classique, mais saupoudrée de Béjart (donc décors un peu spéciaux, maquillage très marqué pour les personnages doubles comme Tartuffe). Super performance de Michel Aumont, qui donne à voir un Orgon complètement hypnotisé par Tartuffe (et c’est là qu’@aramielles me dit que c’est normal d’être hypnotisé par le talent de Michel Duchaussoy). J’avoue que je n’arrivais pas à déterminer si Elmire était un peu intéressée par lui ou si elle était juste extrêmement saoulée (merci m’dame Casile). Une déclaration d’amour à l’acte III qui est désespérée comme je les aime. Oh nevermind ??? Elmire intéressée ??? OH MY GOD. Orgon qui s’agenouille devant Tartuffe et lui baise la main rien que pour lui dire bonjour. Béjart I love you. Imagerie chrétienne homoérotique, on apprécie. Globalement le Tartuffe de Duchaussoy est un bon petit connard manipulateur, il jette un regard méprisant sur Orgon à ses genoux, franchement une excellente pétasse qui sied bien pour le rôle.
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Deuxième version, celle de 1975, mise en scène de Jacques Charon.
Casting : Orgon - Jacques Charon, Robert Hirsch - Tartuffe, Jacques Toja - Cléante, Michel Duchaussoy - Monsieur Loyal, François Beaulieu - L’Exempt, Jean-Noël Sissia - Damis, Bernard Alane - Valère, Denise Gence - Mme Pernelle, Claude Winter - Elmire, Françoise Seigner - Dorine, Catherine Salviat - Mariane, Denise Pezzani - Flipote
Encore une mise en scène classique, on aime. Cet Orgon a l’air un peu con (spécialité de Charon). Tartuffe, coupe au bol absolument ridicule (la laideur comme laideur de l’âme ? C'est un lieu commun que je repère parfois dans Tartuffe, où un Tartuffe moche est souvent joué comme ridicule, alors qu’un Tartuffe qu’on embellit physiquement est joué comme plutôt charmeur). Légèrement précieux, doucereux, on est carrément dans la première façon de jouer le rôle, c’est-à-dire en gros cliché, et on ne comprend presque pas comment Orgon peut être à ce point aveugle pour ne pas voir qu’il est double. Il est aussi carrément graveleux lors de la déclaration d’amour, et franchement il m’évoque plus une espèce de cancrelat qu’on a envie d’écraser qu’un manipulateur de génie (super performance d’Hirsch cependant). Une Elmire magnifique (merci m’dame Winter) et oh ! Un François Beaulieu sauvage apparaît en fin de pièce pour faire L’Exempt.
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Troisième version, de 1960, mise en scène de Louis Seigner (encore une classique).
Casting : Tartuffe - Louis Seigner, André Falcon - Damis, Paul-Emile Deiber - Orgon, Louis Eymond - L’Exempt, Henri Rollan - Cléante, Jean-Louis Jemma - Valère, René Arrieu - Monsieur Loyal, Berthe Bovy - Mme Pernelle, Andrée de Chauveron - Dorine, Annie Ducaux - Elmire, Nagali de Vendeuil - Mariane, Janine Dehelly - Flipote
L’Orgon de Deiber a l’air un peu neurasthénique, sans avoir l’air con il n’a pas l’air complètement dépendant, ça me donne l’impression bizarre que cet Orgon aurait pu se défendre de tout s’il avait prêté un peu plus attention à ce qu’il se passe chez lui (même si Tartuffe, quand on l’accuse une première fois, use énormément d’ironie pour se qualifier de pécheur, et Orgon prend ça premier degré). Tartuffe-Seigner est parfaitement jouissif à regarder, mais on reste exactement dans le schéma classique d’un personnage ridicule. Succulente Elmire, drôle à souhait (merci Annie Ducaux). Bref, ici la bonne vieille pièce familiale, quoi.
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Quatrième version, de 1971, mise en scène de Marcel Cravenne (une autre mise en scène classique)
Casting : Michel Bouquet - Tartuffe, Delphine Seyrig - Elmire, Jacques Debary - Orgon, Luce Garcia-Ville - Dorine, Madeleine Clervanne - Mme Pernelle, Claude Giraud - Cléante, Edith Garnier - Mariane, Bernard Alane - Valère, Jacques Weber (ô surprise) - Damis, Paul Le Person - Monsieur Loyal, Robert Party - L’Exempt, Christine Chicoine - Flipote
C’est marrant, cet Orgon là a plus l’air amusé en début de pièce de Tartuffe, plutôt que de dépendre de lui. Quand on accuse Tartuffe, il réagit plutôt comme si on avait donné un coup de pied dans son chiot préféré. (grmrgmrmg le Cléante de Giraud. Cet homme me rend fou depuis Les Rois Maudits). Petiot Weber, il est pitchoune. Ah, Delphine Seyrig…La fée des lilas à jamais pour moi, mais quelle bonne Elmire (et quelle belle femme jésus seigneur). Un Tartuffe très intéressant, puisqu’il n’est pas ridicule car il n’a pas l’air faux lors de sa déclaration, il a juste l’air un peu dégueulasse ; mais surtout, il brise l’apparent fil rouge de l’interprétation de ce rôle en étant enlaidi par le costume et les postiches, mais en étant totalement manipulateur. 
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Cinquième version, de 1980, mise en scène de Jean Pignol (encore et toujours une mise en scène classique)
Casting : Tartuffe - Michel Galabru, Orgon - Bernard Fresson, Elmire - Yolande Folliot, Dorine - Micheline Dax, Cléante - Pierre Gallon, Mme Pernelle - Germaine Delbat, Mariane - Nathalie Serrault, Valère - Eric Legrand, Damis - Jean-Renaud Garcia, Monsieur Loyal - Georges Montillier, L’Exempt - Pierre Negre, Laurent - Georges Sayad, Flipote - Sonia Laurent
Wow un opening directement sur la petite famille en train de prier avec Tartuffe ? Innovative ! On dirait que Tartuffe est d’abord le dealer d’Orgon parce qu’il est très, très calme au début. Ou alors il est homosexuel, au vu de la façon dont il dit “il venait d’un air doux tout vis-à-vis de moi se mettre à deux genoux”. Le Tartuffe de Galabru est bon mais grâce à l’acteur plutôt qu’au rôle lui-même, parce qu’il lui donne justement ce côté double et ridicule (les cheveux bien gras, on pourrait utiliser la moumoute comme friteuse). Opinion tout à fait personnelle, j’aime pas le jeu de Fresson . Et définitivement, Galabru joue beaucoup sur le côté dégueu et graveleux qu’on peut facilement donner à Tartuffe. Une version, ma foi, pas la meilleure, mais pas un échec non plus. 
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Sixième version, de 1997 (retour au Français !), mise en scène de Georges Bensoussan (à quand autre chose qu’une mise en scène classique ?)
Casting : Dorine - Catherine Ferran, Orgon - Jean Dautremay, Mariane - Anne Kessler, Tartuffe - Philippe Torreton, Monsieur Loyal - Igor Tycska, Elmire - Cécile Brune, Mme Pernelle - Nathalie Nerval, Cléante - Christian Blanc, Valère - Olivier Dautrey, Damis - Eric Ruf, L’Exempt - Bruno Raffaelli, Flipote - Stéphanie Labbé, Laurent - Patrick Olivier
Décors blancs, un peu art contemporain, innovative ! Chaque costume est une couleur vive (sauf Tartuffe et Orgon, en noir, et Cléante, en marron), mais qui permet d’identifier immédiatement les personnages et surtout les fait ressortir sur le fond blanc. Jumpscare de Ruf avec une perruque absolument horrible. Aww, mini Anne Kessler, elle est pitchoune. Ô surprise, Ruf a un jeu décent ? (je le respecte en tant que metteur en scène, et je ne m’y connais pas assez en histoire du Français pour dire si c’est un bon administrateur, mais comme comédien…Il m’excusera mais je ne supporte pas son jeu). Je trouve qu’on revient à l’Orgon soit con, soit qui s’en fout un peu en début de pièce. Quoique, on pourrait dire que c’est un Orgon qui commence à développer un autre courant d’interprétation du personnage, celui de la dépendance affective forte (Tartuffe qui lui fait des petites caresses sur l’épaule ???). Dépendance affective de fou ou homosexualité cachée, c’est vous qui voyez. Torreton est jouissif, pétasse à souhait, ironique quand on l’accuse, au physique affreux avec sa perruque graisseuse (leitmotiv chez les costumiers ?). Chose intéressante, la confession de Tartuffe semble désespérée, mais elle est tellement teintée de fausseté qu’on n’y croit pas du tout. Cécile Brune (dieu quelle femme) fait une Elmire hautaine devant Tartuffe que j’A-DORE. Nouveau jumpscare de Ruf qui sort d’une fenêtre cachée haut dans le mur au lieu de sortir d’un cabinet. Bon dieu Cécile Brune, quelle femme, Elmire joue la carte séduction à fond pour l’acte IV. Tartuffe qui commence à se foutre à oilp ??? Ok why not. Costume très très très pailleté pour Tartuffe en fin de pièce. Écoutez, une mise en scène intéressante, des comédiens pas trop tartes, moi je dis que ça fait une bonne pièce.
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Septième version, de 2022, mise en scène Ivo van Hove (youpi ! une mise en scène moderne, histoire de changer un peu)
Casting : Cléante - Loïc Corbery, Orgon - Denis Podalydès, Mme Pernelle - Claude Mathieu, Damis - Julien Frison, Dorine - Dominique Blanc, Tartuffe - Christophe Montenez, Elmire - Marina Hands, Flipote - Héloïse Cholley, et pas de M. Loyal ou d’Exempt ni de Laurent, apparemment ?
Peut-on vraiment dire que je l’ai vue ? Non, je n’ai pas vu cette pièce au cinéma. Mais j’ai des photos et des extraits, de là je pose mon jugement. J’aime beaucoup les mises en scène de van Hove, qui sont souvent minimalistes et font ressortir tout le jeu des comédiens, aussi en posant une sorte de centre de scène où tout se passe. Les costumes noirs tranchent avec la pâleur des comédiens, et le carré blanc en plein milieu de la scène ressemble à un ring où les personnages s’affrontent. Autre lieu commun chez van Hove, on relève la brutalité et la violence et du texte et des personnages en eux-mêmes : tout le monde s’empoigne, se bat, se hurle dessus, c’est une famille complètement disloquée qu’on nous présente. Dominique Blanc en Dorine est parfaite. Corbery est un Cléante désillusionné, à la limite du désespéré de voir son beau-frère comme ça. Julien Frison, lui, campe un Damis qui semble moins furieux, plus un petit garçon qui voit son père s’éloigner de lui. Ma seule question est : comment envisagent-ils la pièce sans Mariane ? Est-elle juste citée ? Le moment très comique entre Orgon et Dorine serait simplement coupé ? Je n’aurais sûrement jamais la réponse, à moins que cette pièce vienne un jour sur le site de l’INA. Marina Hands est une Elmire qui floute complètement la ligne séparant deux interprétations : Elmire qui joue un rôle pour empêcher le mariage entre Tartuffe et Mariane et  confondre Tartuffe à l’acte IV, ou une Elmire véritablement intéressée par Tartuffe. Une scène assez éloquente est visible dans la bande-annonce, qu’on peut replacer justement à l’acte IV, et Elmire ne semble pas beaucoup se défendre d’un Tartuffe qui lui embrasse la nuque. Mais les deux personnages les plus intéressants sont ici Orgon et Tartuffe. Pour Orgon, Podalydès joue complètement sur l’ambiguïté constante entre Tartuffe et Orgon : apparemment complètement dépendant affectif, le “il en va de ma vie” semble très vrai ; et certaines images donnent à penser que van Hove introduit dans sa mise en scène un certain homoérotisme malsain entre ces deux personnages (et encore de l’imagerie chrétienne mise au service de l’homoérotisme, merci m’sieur van Hove). Mais pour moi, le personnage le plus fascinant est Tartuffe (Christophe Montenez mon dieu quel talent incroyable). Si il est dans “le modèle Jouvet”, c’est-à-dire un Tartuffe charmant, séduisant même, et surtout très sincère dans sa déclaration à Elmire, et qui pense croire à tout ce qu’il dit sur le Ciel, Montenez a une approche différente du personnage. Il est malsain ; quand il rentre dans une pièce, on a comme un frisson de gêne : le costume (chemise blanche, cravate blanche, mais veste noire à certains moments), la coiffure (des cheveux coupés très ras) et le maquillage (qui lui donne une pâleur mortelle et un visage émacié) n’aident pas à nous le rendre sympathique. Le ton doucereux (méprisant lorsqu’il parle à Dorine) contribue à cette impression. Surtout, c’est un Tartuffe violent, qui arrive à l’Acte III la chemise tachée de sang, due à la mortification qu’il s’est imposé (en début de pièce, apparemment ? la bande-annonce ne permet pas de le situer). Bref, une mise en scène brutale et légèrement subversive, typique du metteur en scène, qui je crois serait très intéressante à voir.
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Je vous ai réservé ma mise en scène préférée pour la fin, huitième version, de 2021, théâtre à la table, direction artistique d’Eric Ruf (qui compte comme une mise en scène moderne ?)
Casting : Mme Pernelle - Claude Mathieu, Tartuffe - Eric Génovèse, Elmire - Clotilde de Bayser, Cléante - Hervé Pierre, Monsieur Loyal, Un Sergent, et L’Exempt - Nicolas Lormeau, Orgon - Didier Sandre, Damis - Laurent Lafitte, Dorine - Anna Cervinka, Mariane - Clémentine Billy, Valère - Antoine de Foucauld
C’est pas ma version préférée pour rien : la proximité de la table permet de transformer la pièce en huis clos, les vêtements des comédiens, sombres pour la plupart, permettent de relever leurs visages, et la caméra capture d’autant mieux leurs visages qu’elle est proche. Anna Cervinka est une Dorine hilarante qui tranche avec le sérieux des autres ; le Damis de Lafitte est très abrasif ; Cléante par Hervé Pierre use toujours d’un ton extrêmement raisonnable ; les deux petits jeunes sont un couple prometteur. Comme d’habitude, je me suis concentré sur les trois personnages centraux : Elmire, Orgon, Tartuffe. Didier Sandre, trônant en bout de table en patriarche, est un Orgon qui joue sur son âge pour apparaître peut-être plus fragile, qui s’il est moins dépendant que l’Orgon de Podalydès, lui semble extrêmement attaché ; sa colère à l’accusation de Tartuffe est assez violente. Elmire, elle, si elle n’est absolument pas intéressée par Tartuffe (madame moi je veux bien prendre votre place si vous ne voulez pas de lui), aime jouer la carte de la séduction pour parvenir à ses fins, et disons-le, Clotilde de Bayser est charmante. Et Tartuffe…Là encore, pas mon Tartuffe préféré pour rien. Eric Génovèse reprend un Tartuffe qu’il avait déjà joué de cette manière (je donnerai TOUT pour voir la mise en scène de 2005 de Marcel Bozonnet). Il est tout en douceur, la déclaration à Elmire est MAGNIFIQUE et DÉSESPÉRÉE comme il sait les faire, et il est totalement dans le modèle Jouvet d’un Tartuffe qui croit à 90% ce qu’il dit. Chose que je n’avais jamais vu faire avant, le “je tâte votre habit” et ce qui s’ensuit est joué comme une excuse en mousse, comme s’il n’avait vraiment pas fait exprès de poser la main sur le genou d’Elmire, et qu’il tente de rattraper une bourde faite dans l’émotion de l’instant. Tartuffe mis en opposition d’Orgon dans le placement autour de la table le pose en second maître de maison ; sa réponse à son accusation à l’air tellement sincère qu’on y croirait presque. Retournement de comportement à l’acte IV, regard de braise et scène un peu olé-olé (si sage comparée à la mise en scène de Bozonnet où lui et Florence Viala ont failli faire leur affaire sur scène) ; c’est un autre Tartuffe qui retire son masque, celui d’un homme extrêmement froid et calculateur. Bref, pour moi l’interprétation la plus intéressante (sans prendre en compte mon admiration personnelle pour ce comédien). Une pièce que je trouve “redécouverte” par le biais du théâtre à la table qui donne toujours un éclairage autre. 
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borisdunand · 3 years ago
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Je suis perdu. Ce que j'ai contacté hier. J'y ai encore été attentif. Et je suis avec ces questions : pourquoi je fais ce que je fais ? Pour qui ?Qu'est-ce qui me pousse à les partager ? En ai-je vraiment besoin ? A quel besoin ça répond ? Est-ce que ma façon de les partager peut répondre à ce besoin ? Comment j'ai envie de partager en fait ? Où ? Et je ne sais plus trop. J'ai des bribes. Est-ce que c'est satisfaisant ? Non, oui, parfois. De très rares fois il me semble. Mais quelles autres options ?
Et est-ce que j'aurais parfois envie de monter une vidéo brut, souvenir, de ne rien chercher dedans, bric brac broc, les sons, pas de musique, la vie en brut, et voilà, c'est fait… Comme ces "crêpes en famille"... sans doute, mais est-ce que je peux me permettre de sentir ça ? Je ne crois pas, je devine qu'il y a quelque chose de cet ordre autour des vidéos des vacances, sans en être sûr. Je devine aussi que l'intensité des exigences font que le jeu de construire quelque chose est ruiné, transformé en tâche pénible. Les deux se mélangent.
Et je panique ? Un peu. Tous mes repères s'effondrent. Je dirais que le mot panique est fort, dans le sens où je n'ai pas d'angoisse ou d'anxiété au premier front, mais en fait si je suis très attentif et que je me tourne vers l'intérieur, le non visible, il y a bien de la panique. C'est le coeur de ma vie, ces créations, ma raison d'être. Quand je ne sais plus qu'en faire, comment m'y prendre, c'est assez violent.
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Je sens et sais une chose, une ou deux choses : le plaisir est accessible. Le plaisir de faire, d'avoir un appareil dans les mains, une feuille devant moi, la vibration du chant dans la gorge (même si je ne joue plus). Mais oui, il me vient quelque chose : même ma vidéo que j'estime comme la plus jolie de mes récentes, « la disparition des couleurs », ne passe pas la rampe : j'ai eu pendant, à la fin et encore maintenant, une voix qui me dit : si tu y mettais 3 mois de boulot, si tu prenais le temps, si tu prenais le temps de bien choisir le développement des plans, d'être 100 % sûr des mots que tu as choisi, si tu enlevais chaque plan qui n'est pas absolument impeccable et le remplaçait par un autre plus réussi, ce film serait une perle à présenter de façon plus sérieuse, une pièce à succès, à reconnaissance, une pièce sérieuse. Et je ne sais pas quoi lui répondre à cette voix. Je suis à la fois d'accord et pas d'accord. Encore une fois : j'ai reçu un prix, une troisième place, pour un film infiniment moins abouti en terme de visuels et d'écriture. La valeur n'est pas seulement là où moi je la vois. Je repense à « Le filmeur » d'Alain Cavalier, et je me dis que je suis à côté de la plaque, complètement à côté de la plaque quand je n'élis comme digne de valeur que la qualité des images, le choix des musiques, la qualité du son, la profondeur et la justesse du texte – rien de tout cela n'est au premier plan dans ce film de Cavalier, pourtant il vient me toucher dans une intimité, un lien à l'autre, un cocon à soi, une conscience de la famille, une poésie de chaque instant… Et au fond, est-ce que ce n'est pas exactement cela qui moi m'intéresse aussi, que je trouve beau, important, précieux. Qu'est-ce que j'en ai à foutre du piqué de mon image, sérieux ?! Ce n'est pas mon propos, et c'est comme s'il fallait sans arrêt que je me le rappelle.
(hier, j'ai posté ma diatribe sur tumblr, juste pour voir, je crois que je sais que ça n'intéresse personne, mais moi quand je lis le journal créatif et réflexif du mec de la radio : Jean-Guy Coulange (« je descends la rue de Siam »), je trouve ça passionnant, j'adore, et hormis le fait qu'il soit en train de réaliser des mandats professionnels, que son ouvrage est édité, rassemblé, compact, cohérent, je ne vois pas la différence d'avec ce que je produis en terme d'interrogations sur l'acte créatif.)
J'ai l'impression de faire toujours la même chose.
J'aimerais qu'on m'interroge, qu'on m'oblige à articuler tout ça en parole. Pour que je me rende compte que j'ai des compétences, j'ai une réflexion, j'ai une démarche. Tout seul dans ma bulle, je n'en sais rien. Seul le grand castrateur est là pour me donner des informations sur ce que je fais.
Est-ce un travail que je réalise ? Est-ce que je participe au monde à ma façon ? Est-ce que j'apporte quelque-chose, et si oui, quoi ?
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Sans doute que c'est très très niche. Qui connaît Alain Cavalier, Ross McElwee ? Pas grand monde. Déjà que c'est compliqué d'octroyer de la valeur à ce que je fais, quand je dois en plus en faire la présentation sur les vitrines du web, ça me fout dans une sale position, sérieux. Même si c'est évidemment intéressant, mes tripes ne sont pas ravies.
Je me demande si la perspective de partager ces réflexions (sur tumblr), toute fraîche du moment (je n'ai pas commencé à écrire en pensant le refaire)… en fait non, je ne me demande pas, je découvre que ça me permet de les prendre au sérieux, de les considérer comme quelque chose.. comme quelque chose !! C'est dingue, de les considérer quoi… Et comme quelque chose de... (oh c'est complexe, j'ai plusieurs pensées en parallèle là)… du coup je trouve intéressant, du coup ce n'est plus du temps volé à ma créativité, du coup ça ne sert plus à rien, du coup ça déjoue l'exigence qui veut que chaque minute de cette matinée soit rentabilisée pour avancer mes petites œuvres : ça rendre dans le cadre, ça devient une petite œuvre, du coup ça m'ouvre la voie, du coup besoin, plaisir, envie d'être là-dedans se nourrissent mutuellement et nourrissent ma pensée, mon écriture, ma logorrhée que sans doute entre zéro et 3 personnes liront. Partager, montrer, rendre visible, donne existence. Je dirais quelque chose comme ça.
(il y a sans doute des fautes d'orthographe dans ces textes, je prends le risque de les partager sans en faire une relecture attentive)
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dylan--richardson · 7 years ago
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It feels like love | Addison&Dylan
Où?: Chez Dylan, petit appartement au centre de Seattle.
Quand?: Vers 20h30, ce vendredi soir.
Qui?: Addison Berlinsky et Dylan Richardson (et évidemment son petit chien Myk).
"Myk, assis!" Une voix autoritaire retentit de la gorge de Dylan, à qui on ne connaissait pas ce côté imposant. Visiblement, son chien, Myk avait l'air content d’accueillir une nouvelle personne dans le petit appartement qu'il occupait avec sa maîtresse. Maîtresse qui avait d'ailleurs mit le paquet ce soir. Elle avait rangé l'appartement de sorte à ce qu'il soit impeccable. Addison était habituée au luxe, et déjà qu'elle allait avoir un choc face à cet espace, il fallait au moins qu'elle lui donne l'air bien entretenu. Des bougies parfumées senteur violette étaient répandues sur la petite table qu'elle avait disposé dans son "salon" qui en fait était tout: chambre, pièce à vivre, cuisine, bureau... Elle avait remis droit le paravent qui lui permettait d'avoir une once d'intimité dans son "espace chambre", la multitude de livres qui traînait avait finalement retrouvée une place dans sa bibliothèque. Et les plans de travail de sa cuisine était recouverts d'entrées servies joliment dans des assiettes dorées. Elle n'attendait que la tourte au poulet (qui, elle le savait, était le plat préféré de la belle blonde), qui finissait de cuire dans le four, pour mettre la table. Myk sautait dans tous les sens quand Addison passa la porte. Plaçant timidement une mèche de cheveux derrière son oreille, Dylan dit avec un sourire un peu crispé: "Bienvenue chez moi!" Ne sachant pas vraiment ce qu'Addison allait penser.
Après avoir passé l'après midi à choisir comment s'habiller, Addison avait parcouru la moitié de la ville à la recherche de la bouteille de vin parfaite pour cette soirée. Un vin de France, blanc et doux. C'est au bout d'une heure et demie de recherche qu'elle avait trouvé son bonheur. Le prix importait peu, elle en avait pris donc trois. C'était la première fois qu'elle était invitée chez quelqu'un pour qui elle avait de l'estime, et elle voulait que tout se passe bien. En bas de l'immeuble de la jeune maladroite, Addy ne pouvait plus contenir son stress et elle s'assit sur les marches, en profitant pour griller sa dernière cigarette de la soirée. Elle n'avait qu'une hâte c'était de rencontrer Myk, mais Addison le savait l'appartement de Dylan était exiguë et bien que la taille ne gênait pas, la proximité avec la belle brune risquait de la gêner. La blonde jeta sa cigarette et rentra dans l'immeuble. Appartement 24, Dylan Richardson. La blonde toqua poliment, puis ouvrit la porte. "Myk! Viens par là mon beau!” Addison adorait les animaux, mais son père avait toujours refusé qu'elle en ait un. La blonde s'accroupit, et elle tendait la main afin de se faire accepter sur le territoire du jeune mâle. L'acceptation fût rapide et Addison se releva faisant face à la belle brune. Elle s'approcha et déposa un tendre baiser sur la joue de celle ci. "Merci de ton invitation" dit Addy avant de reprendre "Ton appartement est très charmant". La blonde tendit le sac contenant les bouteilles et une petite surprise. "J'ai pensé que ça lui ferait plaisir, c'est un os à rogner" dit Addison avec un large sourire.
Un sourire tendre prit place sur les lèvres de Dylan, regardant son chien sympathiser de manière si adorable avec son amie. Elle reçut le baiser sur la joue avec un nouveau sourire, mais ses yeux s'écarquillèrent quand elle entrevit les bouteilles de vin qu'Addison avait ramené. Dylan ne s'y connaissait pas beaucoup, mais à en juger par la date sur les bouteilles qu'elle apercevait à l'intérieur du petit sac, ça lui avait l'air hors de prix. Mais elle savait qu'Addison était du genre à faire ces folies, alors elle se contenta de la remercier vivement sans ne rien redire sur le prix. "Wow, c'est génial Addison, merci beaucoup. Ce vin a l'air délicieux." Addison avait l'air honnête, l'appartement n'avait pas l'air de lui déplaire, et il faut avouer que Dylan qui appréhendait en était ravie. "Merci, ça me fait vraiment plaisir." Myk avait l'air aussi ravi qu'elle de la venue de la blonde finalement, il se saisit de son os et partit en courant s'installer dans son panier le grignoter. "Et merci pour lui, il a l'air ravi." Son sourire ne s'estompant pas, elle partit se saisir de son ouvre bouteille. "Et si on se servait un verre? Je ramène l'apéritif sur la table en même temps." Elle posa les trois assiettes, chacune contenant un apéritif différent: pain de campagne grillé recouvert de tapenade provinciale, pain toasté recouvert de caviar d'aubergine, et le dernier étant des amuses bouches feuilletés saucisses. Une fois le tout apporté, elle déboucha ensuite la bouteille pour servir deux verres. "Le plat est dans le four, j'ai fait une tourte au poulet. Tu m'as dis que c'était ton plat préféré la dernière fois."
"Avec plaisir, j'ai passé l'après midi pour trouver ces bouteilles, je pense que ce vin va te plaire" dit Addison en allant s'asseoir. Du coin de l’œil, Addison tout sourire observait Myk grignoter son os. Les yeux de la blonde s'arrondirent en voyant arriver les trois assiettes d'apéritif. "Tu t'es vraiment surpassée, tu n'étais pas obligée de faire autant. Mais je suis heureuse que tu l'aies fait, j'ai vraiment très faim " dit la blonde avec un large sourire, qui s'estompa dès l'annonce du plat. "Merci beaucoup, ça me touche que tu aies préparé ce plat, que tu m'aies écouté." dit-elle en se forçant à sourire. Ce plat avait une grande valeur sentimentale pour Addison. "Oui tu as raison, c'est mon plat préféré à vrai dire, c'est le plat que me préparait ma mère quand j'étais enfant, c'était une sorte de rituel, quand j'étais triste, j'avais droit à une tourte au poulet..." Addison récupéra son verre de vin et le leva "A cette soirée qui ne fait que commencer!"
"Il fallait pas te casser la tête comme ça!" Autant dire que Dylan trouvait plus qu'adorables les efforts qu'avait fait Addison pour lui faire plaisir. Elle avait fait de même à dire vrai, et voir qu'Addison aussi était contente lui faisait encore plus plaisir. "Ca tombe bien alors! J'espère que ça te plaira." Elle rajouta en prenant un amuse bouche en totalité dans sa bouche. En sentant le ton d'Addison devenir un peu frêle, elle avala son roulé-saucisse à peine mâché. Elle sentait que quelque chose n'allait pas et elle pensait trop bien deviner quoi. "Elle le faisait... C'est à dire...? Que?..." Elle demanda hésitante, ne sachant pas trop dans quoi elle mettait les pieds, ayant un peu peur d'éveiller quelque chose de particulièrement difficile. Elle sentait qu'Addison changeait de sujet et esquivait. Mais elle n'arrivait pas à faire comme elle, ignorer ce qu'elle avait dit avant. Alors elle se contenta de trinquer son verre contre le sien sans rien dire de plus.
Addison n'avait pas l'envie de répondre à la question de Dylan. D'une part parce qu'elle savait que ça amènerait d'autres questions, et d'autre part parce qu'elle ne voulait pas que des blessures du passé viennent interférer avec son bonheur présent. Se mordillant les lèvres, Addison regarda Dylan dans les yeux, et acquiesça. Elle savait que la brune comprendrait. "Je crois que Myk a fini son os?" dit la blonde en sentant le chien se coller contre elle. Elle le caressa avant de relever la tête vers sa jeune amie. "Tu as dû mettre un temps fou pour tout préparer... non?" dit Addy avant de prendre une gorgée de vin. Voyant la brune boire sa première gorgée elle s'inquiéta "Alors il te plaît?". Tout en attendant la réponse, Addy prit une tranche pain toasté recouvert de caviar d'aubergine et croqua à pleines dents. Les yeux de la blonde s'élargirent et elle lança: "Mais c'est vraiment trop bon!"
Voyant la réaction d'Addison; qui était trop importante pour qu'elle tente d'en savoir plus, Dylan s'abaissa encore pour cette fois. Si jamais elle devait en savoir plus au sujet de la mère de la belle, ce serait parce que cette dernière le décidait. Elle se contenta de lui lancer un regard compatissant. Elle comprenait mieux maintenant le comportement d'Addison. Au fur et à mesure qu'elle en apprenait sur elle, elle voyait se dessiner les traits d'une jeune femme effrayée par l'amour, parce qu’elle avait du en manquer. Les traits d'une jeune femme qui avait du passer une part de sa vie bien seule. Tout comme Dylan. Mais à la différence, Dylan était restée seule par choix. Addison, elle, n'avait rien choisi. Dylan décida alors de lui laisser l'opportunité de changer de sujet sans subir ses remontrances. Myk venait de tendre la perche parfaite à la belle blonde. "Ca a l'air de lui avoir plu. Et il a l'air de beaucoup t'apprécier." Le chien s'étala un peu plus sur l'amie de Dylan, et un rire s'échappa de cette dernière. "Non c'était pas très long à vrai dire. Puis, vu que je faisais ça pour toi, j'ai pas compté." Elle dit avec un sourire entendu. Buvant une gorgée de vin, ses yeux se mirent à pétiller. Comment ne pas aimer? Le vin était doux, fruité, sucré, et faisait en bouche comme une sorte de caresse. "Mon dieu, oui. J'adore. C'est vraiment délicieux. Merci Addy." Elle dit à la fois très reconnaissante et un peu gênée d'imaginer le prix de la merveille qu'elle venait de boire. Elle allait le savourer, ce vin... Au moins, ça lui éviterait d'être ivre trop vite. Elle prit le compliment qu'envoya Addison avec une certaine fierté, c'est pourquoi elle s'empressa de renchérir: "Meilleur que tes lasagnes, ça c'est sûr." Elle ria, et puis ses pensées repartirent vers une de leur précédente conversation: "Bon et si on commençait le jeu dont on a parlé hier? Tu sais? Celui des questions. On commence sur des trucs basiques évidemment."
Addison était reconnaissante que Dylan accepte de ne pas poser de question sur sa mère. La blonde ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle était heureuse que la brune prenne de son temps pour lui faire plaisir et c'est aussi pour ça qu'elle redoutait tant la réaction de la maladroite face à ce vin. Elle l’apprécie, merci seigneur, pensa la blonde. “Tu as bien raison. Rien n’est pire que ma cuisine, je crois.” dit Addy en riant. "Tu ne veux pas perdre de temps ça me plaît. On a qu'à commencer de suite alors". Addison piocha dans une autre entrée et dégusta avec un certain plaisir le met qu'avait préparé Dylan. "Je commence alors Dylan.. Qui est ton chanteur ou groupe préféré?", un sourire se dessina sur la bouche de la jeune blonde qui appréciait le fait d'en apprendre plus sur la maladroite, pour qui elle était prête à plus qu'elle ne l'avait été envers quiconque.
"Ce jeu pourrait durer très longtemps, alors il vaut mieux." Elle dit avec un léger rire. Dylan s'installa un peu mieux sur le canapé. Elle reprit de quoi grignoter, sirotant en même temps son verre en essayant de ne pas boire trop vite. La question la fit sourire, et bien qu'elle n'ait pas honte de ses goûts, elle le dit avec une petite crainte. "Chanteur j'ai pas. Mais chanteuse oui, sans hésitation Halsey. Et groupe je dirais... Cigarettes After Sex?" Elle rajouta un peu gênée. "Je suis super romantique, d'accord." Elle réfléchit un instant pour la question qu'elle va poser à Addison, question importante pour elle parce que la littérature et la lecture étaient part importantes de sa vie: "Dis moi ton livre préféré."
Addison buvait son vin et à la réponse de Dylan, elle se mit à sourire. "Tu as de très bons goûts." reprit-elle avec un clin d’œil. Elle se replaça afin d'être face à Dylan. “Oui, tu m’as l’air d’être quelqu’un de romantique.” souffla la blonde avec un léger rire. Elle piocha dans la dernière entrée et dégustait chaque bouchée de ce dernier met. Mon livre préféré.. pensa Addy en se mordillant la lèvre. "Eh bien.. je pense que c'est.. La princesse de Clèves de Mme La Fayette" ajouta t-elle avec un sourire. "Ca te surprend?" dit la blonde. Addison réfléchissait à sa prochaine question, "Si tu pouvais vivre n'importe où sur Terre, ce serait où?".
"Ne te moque pas d'accord? Je suis une fleur bleue qu'est-ce-que tu veux!" Elle dit avec les joues légèrement roses. A la réponse d'Addison ensuite, les yeux de Dylan s'ouvrent un peu plus. Addison devait remarquer sa surprise, vu la question qu'elle avait posé. "Oui j'avoue un peu. C'est de très bon goût et j'adore ce roman. Mais je savais pas que tu connaissais un peu la littérature française." Elle dit avec un air très étonné. Mais c'est comme si la réponse la faisait aimer un peu plus Addison, parce qu'elle affectionnait ce roman elle aussi. Le sentiment de partage était agréable, qu'elles avaient quelque chose en commun en plus, qu'elles avaient déjà partagées quelque chose, oui. "Hmm... Actuellement, j'aimerais être en italie, dans un restaurant en bord de mer, en train de manger une énorme pizza." Elle dit en rêvassant. Le téléphone de Dylan vibra 3 fois d'affilées dans la poche arrière de son jean, assez pour la déranger. Elle regarda alors ce qu'il y avait dessus. Trois messages de Michael. "OMG on vient de me dire que ta copine trop canon était en couple" / "Avec une meuf aussi canon qu'elle" / "Mon dieu est-ce-que t'as déjà vu sa copine?? Elle est vraiment trop trop belle! Alexis Miller!! Elle est dans ma filière!" ... Hop! Un quatrième message! "Je suis gay mais sérieux même moi j'aimerais me la faire." Les dents de Dylan se serrèrent très fort ensemble, quand elle tentait de contenir la violente vague de colère qui était montée. Elle avait suivi une vague d'une demie seconde appelée tristesse. Et allait suivre maintenant une vague plus violente qu'on appelait vengeance. Putain, quand est-ce-qu'elle comptait me le dire, Dylan pensa encore plus énervée. Elle ne savait pas si c'était ce qui l'énervait le plus, ou alors le fait que finalement la fille qui ne s'engageait pas s'était engagée avec quelqu'un d'autre qu'elle. Non, ça, ça la rendait surtout affreusement déprimée. "Ma question maintenant, Addison. A combien de filles tu as brisé le coeur?" Son ton était devenu sec maintenant, son énervement était perceptible bien qu'elle le cachait derrière un sourire.
"Je ne me moque pas! Promis." ajouta Addison en souriant. "Un jour tu iras en Italie, et tu mangeras tellement de pizzas que tu pourras même plus y penser." dit la bonde en riant. Le téléphone de Dylan vibra à de nombreuses reprises, et celle-ci sembla étrange après en avoir vu la raison. Addison vit la mâchoire de Dylan se contracter et à l'écoute de sa question elle en avait le cœur net, quelque chose n'allait pas. "Je ne suis pas sûre de bien comprendre la question... Tout va bien?" s’inquiéta la blonde tendrement, elle déposa sa main sur celle de Dylan la serrant pour la réconforter. Dylan semblait lui en vouloir mais la blonde ne comprenait pas pourquoi... "J'ai dit ou fait quelque chose de mal?"
Dylan se contenta de répondre par un hochement de tête froid aux remarques bienveillantes d'Addison. Quant à ses questions... Elles éveillaient encore plus la colère de Dylan, qui tentait de ne pas perdre son calme. Elle jeta un œil noir à la main que la blonde avait posé sur elle. "Répond à la question et après on parlera de ça, d'accord?" Elle dit en tentant d'être un peu moins froide, saisissant la main de son amie gentiment bien qu'au fond elle n'en avait pas envie.
Le regard noir de Dylan n'échappa pas à la belle blonde. Mais Addison décida de laisser sa main où elle était, elle voulait prouver qu'elle était là pour la maladroite quoi qu'il arrive. "Et bien... A vrai dire je ne sais pas... Je ne tiens pas de compte." La froideur dans la voix de Dylan donnait des frissons à la blonde. Elle regarda Dylan: "Ma puce... qu'est-ce-qu'il se passe...?"
C'était en train de bouillir et Dylan était prête à exploser. Tu n'as pas tenu de compte... Mais quelle garce, elle pensa à cet instant. Elle savait bien qu'Addison était manipulatrice avec les filles, mais quand ça lui retombait dessus c'était autre chose. Et pas ce surnom par pitié... Dylan allait sérieusement devenir folle. Et ça commençait maintenant. "Allez, une autre question pour toi Addison. Quand est-ce-que tu comptais me dire que t'étais en couple?" Elle allait la laisser s'expliquer, mais si la réponse qu'elle recevait ne convenait pas, elle allait attaquer. Même si la réponse était recevable, d’ailleurs. En fait, elle allait attaquer quoi qu'il en soit.
La réponse qu'avait donné Addy rendait furieuse la brune, elle le voyait et s'en voulait déjà. La jeune blonde se décomposa quand elle comprit que Dylan savait pour sa relation avec Alexis... Les joies de la popularité, pensa-t’elle. Elle lâcha la main de Dylan et ne sachant plus où se mettre, elle se leva et se rendit vers la cuisine. Elle chercha son sac à main et l'ouvrit en quête d'une cigarette tout en disant: "Je... J'attendais le bon moment pour t'en parler..." Elle se sentait terriblement mal, elle culpabilisait autant que si elle avait trompé la maladroite.
 Oh putain. C'était la seule pensée nette qui traversa le flot de pensées colériques du cerveau de Dylan. Elle allait parler. C'était son moment, et elle espérait qu'Addison allait s'en souvenir. "Non mais tu te fous de moi, Addison?" Elle regardait la blonde, en laissant un temps comme si elle allait lui laisser reprendre la parole. Mais non, elle allait continuer. "Dis, tu te fous de moi? Tu penses que ça me fait quoi déjà de savoir que tu es en couple? Imagine ensuite que je l'apprenne par quelqu'un d'autre." Elle se tut un instant, et finalement la colère s'estompa un peu pour laisser venir la réalité de la situation: qu'elle se sentait surtout très triste parce qu'elle n'avait pas envie qu'Addison puisse s'attacher à quelqu'un d'autre. "Ce qu'on a vécu t'as pas fait prendre conscience de l'ampleur de ce qu'on ressentait l'une pour l'autre? Enfin de ce que je ressens du moins parce que peut-être que je suis qu’un jouet de plus. Un autre truc que tu vas goûter puis jeter. Qu'est-ce-qui me prouve finalement ton honnêteté? Rien."  Elle dit ça tout en appuyant fermement sur le “rien”, regardant Addison  droit dans les yeux. Elle espérait lui avoir fait mal, parce que si Addison avait accordé sa confiance à Dylan, Dylan avait envie de lui montrer que pour l'instant elle n'avait aucune raison d'accorder la sienne. "J'ai presque trompé mon copain à cause de ce que tu provoques chez moi. J'ai passé peut-être la pire journée de ma vie après notre soirée la dernière fois. Et toi, quoi? Tu te mets en couple comme si tout ça était pas déjà assez difficile? Pourquoi bon sang? Tu ressens vraiment quelque chose pour cette fille? Parce que dans ce cas là tu jouerais avec moi donc autant me le dire."
La blonde reçut les paroles les unes après les autres, avec la même intensité. Elle essayait de répondre mais elle comprenait qu'elle n'avait aucune chance de parler avant que Dylan n'ait fini. Addison comprit qu'elle avait merdé et rejoignit la brune sur le canapé. Elle s'assit à ses côtés et l'écouta. Jusqu'à son dernier mot, encaissant chaque phrase sans broncher. Elle n'était sûre que d'une chose, elle avait blessé la seule personne pour qui elle avait jamais ressenti quelque chose. Et au vu de la réaction de Dylan, elle aussi ressentait quelque chose de bien plus fort qu'elle ne voulait l'admettre. Les phrases de Dylan étaient faites pour lui faire mal, elle le savait. Mais bien qu'elle le sache, cela l'affectait terriblement. Elle avait l'habitude d'être critiquée mais jamais par quelqu'un à qui elle tenait. "Dylan, écoute-moi.. je suis vraiment désolée.. S'il-te-plaît... Je sais que j'ai mal agi, mais c’est la première fois que je ressens des sentiments envers quelqu'un. Alors oui j'ai merdé, je suis terriblement désolée de t'avoir fait du mal, mais je ne sais pas comment il faut faire. Non évidemment je ne ressens rien pour elle, il n'y a que toi qui occupe mes pensées. Bien sûr que non, tu n'es un putain de jouet pour moi! Merde tu ne vois pas ce que je ressens pour toi? Je me suis mise en couple parce que tu l'es aussi et que ça me tue de savoir que tu embrasses quelqu'un d'autre et que cette personne te touche." Addy secoua la tête, marqua une courte pose avant de poser ses deux mains tremblantes sur celles de la jeune maladroite. Elle reprit:  "Je ne joue pas avec les sentiments, du moins je n'ai jamais joué avec les tiens.". La belle blonde plaqua ses lèvres contre celles de Dylan, elle n'attendait que cela depuis leur dernier baiser. Addison le savait elle était amoureuse de cette fille. Alors elle souffla à son oreille "Je ..." avant de l'embrasser de nouveau. S’il elle l’avait pu, Addison aurait continué. Mais ces mots n’étaient jamais sorti de sa bouche.
Elle essayait d’y croire, d’encaisser les excuses de la belle blonde, mais c’était difficile. La jalousie s’en mêlait, et même si Dylan voulait absolument croire qu’Addison ne ressentait rien pour cette fille: c’était quand même avec elle qu’elle était. Evidemment, elle voulait être la seule pour Addison. Mais Addison voulait aussi être la seule pour elle. Alors elle comprit quand même ses explications, et au fur et à mesure que les propos d’Addison avançaient, elle se disait qu’à sa place elle aurait fait pareil. Elle avait encore des choses à lui reprocher, et elle était encore méfiante, mais grâce à ses quelques mots Addison avait réussi à faire disparaître sa colère. Et grâce à un geste elle réussit presque à faire revenir une partie de la confiance que Dylan avait placé en elle. A ce baiser, elle s’abandonna. Elle savait pertinemment que c’était mal ce qu’elle faisait, mais ce qu’elle ressentait pour cette fille avait un pouvoir sur elle tellement puissant qu’elle n’arrivait pas à se résoudre à arrêter. Une fois que leurs lèvres se décollèrent elle fit une ultime requête, qui serait la seule réponse à tout ce qu’Addison lui avait dit précédemment. Une requête, qu’elle savait, allait absolument briser la totalité des règles qu’elle s’était fixées et briser la vision qu’elle avait d’elle-même. « Alors maintenant, prouve-le moi. »
Prouve le moi... se répéta Addison, elle n'était pas sûre de bien comprendre mais lorsqu'elle vit la lueur dans les yeux de Dylan, elle sut. Addison continuait d'embrasser la brune lorsqu'elle l'enjamba, se retrouvant à califourchon sur celle-ci. Dans cette position les baisers se firent plus intenses, plus provocateurs. Les vas-et-viens de son bassin contre celui de Dylan, firent pousser un gémissement à la brune. Addison caressait le visage de celle-ci, quand elle passa sa main sous son t-shirt. La belle blonde décrocha ses lèvres afin de regarder Dylan dans les yeux, elle devait savoir si elle était prête, si c'était ce qu'elle désirait. Dylan se cambrait de plaisir, alors Addison l'embrassa, encore et encore. Elle enleva le t-shirt de la jeune maladroite et embrassa son cou, son épaule et elle descendit jusqu'à sa poitrine. Elle l'embrassa et puis elle embrassa plus bas, puis encore plus bas jusqu'à se retrouver au bouton du jean de la brune. Elle le déboutonna, rapidement, aisément. Addison désirait Dylan plus que n'importe qui sur terre, et elle essayait de lui faire ressentir ce désir, ces sentiments qu'elle ressentait. Addison se releva soudain, elle avait envie de lui crier ses sentiments, mais elle en était incapable. La peau d'Addison frissonnait sous les caresses de la brune, et le plaisir unissait les deux corps.
C'était ce qu'elle voulait depuis l'instant où elle avait vu Addison. C'était elle, toute entière. Et même si pendant un instant ses pensées s'évaporèrent vers la culpabilité de l'infidélité qu'elle faisait à Noah, la blonde la ramena tout de suite à elle. Son toucher était comme électrique, plus excitant que ce qu'elle avait jamais vécu, et elle en était presque tremblante. Elle lui laissa prendre les devants, et se laissa aller au plaisir que lui donnait Addison, plaisir qui se faisait croissant au fur et à mesure de ses caresses. Se redressant, elle saisit la main de la blonde pour la conduire jusqu'à son lit. Ses lèvres se retrouvèrent à nouveau sur les siennes, et leurs baisers se faisaient pressant, demandant. Comment quelque chose de mal pouvait-être aussi bon? Rapidement, ce fut au tour d'Addison de se débarrasser de ses vêtements. Les mains de Dylan vinrent faire les contours du corps de la belle blonde, pour le connaître, l'apprendre, le mémoriser. Leurs deux corps se joignirent maintenant sur le lit, pour Dylan les sensations étaient neuves, différentes, mais aussi meilleures. Et tout ça était tellement plein... d'amour. Et elle reconnut à cet instant que c'était ce qu'ils y avaient entre elles, de l'amour, elles s'aimaient, et c'est ce qui rendait tout ça aussi spécial, parce qu'elles faisaient l'amour, et elles s'aimaient. Désespérément, et quand elles se donnèrent l'une à l'autre, tout était désespéré, passionnel, vrai, pensa Dylan. Ce qu'elle ressentait était si réel, si tangible, si incroyable et vivant, qu'elle ne doutait plus maintenant de la nature de ce qu'elle éprouvait pour Addison.Je suis amoureuse de toi, elle pensa sans le dire, les yeux dans les yeux avec la belle blonde nue contre elle.
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somestoriessomewhereelse · 7 years ago
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Le Club
Ce devait être une soirée comme les autres. C'était loin d'être le premier dîner, et a priori ce ne sera pas le dernier.
« Nous sommes à présent au complet. Je suis le Docteur Lenoir, et je vous souhaite la bienvenue chez moi. Vous savez tous pourquoi vous êtes ici, alors profitez de l'excellent repas qui vous sera servi, et... de tout le reste, bien sûr. »
 Et pourtant, cette nuit là fut différente. Pourquoi ? Oh, à vous de deviner.
 ***
 La nuit tombe. C'est le seul point commun à tous les événements du genre : interdiction d'arriver avant le coucher du soleil, et interdiction de repartir après l'aube. Tout se passe la nuit et sur une seule nuit. Le club s'appelle ''Le Club" : inutile de donner plus d'information que cela. D'ailleurs, les membres ne seront pas plus loquaces – enfin, si : ils parleront beaucoup, mais diront peu. La vérité, rien que la vérité, et toute la vérité, on laisse ça sur le paillasson. Tous auront une fausse identité, à commencer par moi. Dame Bianca. Il n'y a qu'une chose à savoir sur moi : c'est moi qui ramène le petit nouveau. Je les aime jeunes, frais, innocents : tout ce que je ne suis plus.
 La recrue du soir, c'est le charmant rouquin au regard émeraude. Monsieur Sapin, à supposer qu'il soit assez vieux pour qu'on l'appelle ''Monsieur''. Il est en charge de nous divertir, de toutes les façons possibles. Et il y arrivera, je me suis chargée personnellement de son recrutement. « Sapin, mon chou, dépêchez-vous ! », et il acquiesce en pressant le pas. Il n'a pas l'air très éveillé, mais je crois en son potentiel.
 « Bienvenue, Madame, Monsieur. », nous accueille poliment un Nestor en gris et blanc. Majordome d'une autre époque, il sera parti après l'arrivée du dernier invité. « Merci mon brave. Monochrome, comme prévu. Je vous félicite. », il s'empare de ma fourrure sibérienne et du ridicule k-way verdâtre de l'apprenti pour les déposer au vestibule, et revient d'un pas pressé pour ouvrir la porte à la nouvelle venue.
 « - Bienvenue, Madame.
- Mademoiselle, je vous prie. », corrige la sublime nymphe d'une voix suave. Mademoiselle Azura, dans une somptueuse robe turquoise dont l'échancrure et le décolleté révèlent des atouts bien trop hâlés pour la saison. Si même leur physique est faux, où va le monde ?
« Dame Bianca, je vois que vous n'avez pas changé : il est à chaque fois de plus en plus jeune, c'est à se demander si c'est encore légal. », avec son petit rire amusé.
« Miss, ne me le gênez pas trop vite ; celui-ci est particulièrement fragile, mais il est plein de ressources. », je vois bien qu'elle est surprise, qu'elle doute. Elle ne doutera bientôt plus. Je ne me trompe jamais.
 « Bienvenue, Monsieur. », ponctué de pas frappant le carrelage d'un rythme endiablé. El Rojo, espagnol de la moustache au bout des orteils. « Ma Dame, quel honor ! Laissez-moi vous baiser la main como il se doit ! », homme à femmes, assurément. Il les fait toutes tomber, aussi sa place ici était amplement garantie. Il siffle déjà la blondasse, qui minaude sans aucune retenue. Le jeunot semble impressionné par tant de charisme. Il peut l'être, El Rojo sait faire son petit effet dans les soirées.
 « Bienvenue, Monsieur. », avec une pointe de surprise : ce bon vieux Professeur Lavande s'est incliné encore plus bas que Nestor. Quel excentrique, mais quelle élégance ! Oser associer un pantalon de velours pourpre avec un gilet indigo tout en restant des plus présentables demande un certain talent. Son haut-de-forme magenta rejoint le vestibule.
« - Professeur, vous ne prenez pas une ride, quel est votre secret ?
- Oh Madame, même si je vous le disais vous ne me croiriez pas. », toujours ce sourire mystérieux. À dire vrai, je connais son secret. Mais je ne le révélerai pas non plus.
 « Bienvenue, Madame. », et voilà la dernière. Orora, habillée de paillettes et de lumière dans un tailleur qui épouse parfaitement ses courbes ; elle brille tellement qu'on pourrait la confondre avec le décor.
« - Nous n'attendions plus que vous ma chère.
- La meilleure pour la fin, comme on dit ! », clame-t-elle en se faisant fusiller du regard par sa rivale. Il y a déjà des tensions, c'est parfait.
 Un grésillement de haut-parleur se fit entendre, et une voix sans âge ni genre retentit dans tout le hall.
« Nous sommes à présent au complet. Je suis le Docteur Lenoir, et je vous souhaite la bienvenue chez moi. Vous savez tous pourquoi vous êtes ici, alors profitez de l'excellent repas qui vous sera servi, et... de tout le reste, bien sûr. »
 Que le dîner commence.
 ***
 Conformément au protocole, Nestor nous conduisit jusqu'à la salle de réception, nous souhaita une agréable soirée, puis s'en alla. Désormais six et seuls, nous prîmes place autour de la gigantesque table ronde où nous attendait un banquet des plus abondants : n'ayant plus personne pour nous servir, tous les plats étaient déjà disposés. Une farandole de mini-bouchées s'étalait au milieu de nombreuses cloches sous lesquelles attendaient les mets les plus raffinés. La discussion s'engagea autour du nouveau : après tout, il était là pour ça.
 « - Alors, Monsieur Sapin, que faites-vous dans la vie ?
- Et bien… je suis biologiste, ma passion ce sont les conifères !
- Ooooh, dites m'en plus… !
- Les conifères, aussi appelés pinophytes, sont des plantes vasculaires dont les graines sont portées par des structures en forme de cônes, d'où leur nom. Elles sont apparues il y a 300 millions d'années, bien avant les feuillus ! J'adore étudier les pommes de pin, elles sont fabuleuses ! J'en ai d'ailleurs toute une collection chez moi, où chacune possède un petit nom qui m'évoque le souvenir de sa découverte.
- Fabuloso !
- Racontez-nous encore quelque chose !
- Les pommes de pin sont des témoins de la suite de Fibonacci, vous savez cette suite mathématique où chaque terme est la somme des deux précédents : 1, 1, 2, 3, 5, 8, et ainsi de suite. Et bien leurs écailles sont organisées en spirales, vers la gauche ou vers la droite, et si on compte ces spirales, quelque soit le sens ou la pomme de pin on tombe toujours sur un terme de cette suite magique !
- Extraordinario !
- Vous êtes génial vous alors !
- Je vous avais bien dit que j'en avais trouvé un bon.
- Mes excuses, Dame Bianca, pour le moment il est parfait. »
 Les anecdotes de Sapin épatent la galerie, mais le véritable centre d'attention est en réalité sous la table. Telle la veuve noire tissant sa toile prédatrice, les mains d'Azura se sont étendues de part et d'autre sous la table : le tailleur d'Orora est déjà remonté jusqu'à mi-cuisse, exacte hauteur où est descendu le pantalon d'El Rojo. Tous trois, aussi captivés qu'ils le laissent montrer, se livrent pourtant à un subtil déshabillage et échange de mille et une caresses bien haut placées. Malgré les infiltrations multiples de phalanges, aucun des trois ne trahit le moindre plaisir ; et c'est avant tout pour leur remarquable discrétion qu'ils ont obtenu leur droit d'entrée.
 De l'autre côté de la table, les autres protagonistes ne sont pas en reste. Dame Bianca a retiré ses souliers de verre pour aller effleurer les mollets du naturaliste, qui commence de plus en plus à bégayer face à ses assauts de plus en plus appuyés. Quant au Professeur, il n'a pour le moment besoin de personne d'autre pour jouir pleinement de ce fastueux dîner – et personne ne viendra lui rappeler que la bienséance exige que les deux mains doivent rester sur la table : ce n'est plus valable pour personne en ce moment précis.
 « - … et c'est ainsi que se reproduisent les conifères ! Oh mais la table s'est bien vidée ! Madame, voulez-vous bien m'aider à ramener les desserts s'il vous plaît ?
- Oh mais avec plaisir, mon enfant !
- Mesdames, Messieurs, nous revenons au plus vite. »
 ***
 « - Pourquoi une si grande cuisine alors qu'il n'y a que six invités ?
- Sapin, cette question a aussi peu de sens que de se demander pourquoi le luxe. La vraie question est : où sont les desserts ?
- Oui Madame, nous ne pouvons pas faire attendre les autres.
- En êtes-vous certain ?
- Qu'est-ce que… ? »
 Derrière lui, Dame Bianca avait défait son chemisier, laissant entrevoir un soutien-gorge de la dentelle la plus fine. Son teint de décembre semblait soudain se réchauffer lorsqu'elle plaqua la main de l'à-peine adulte sur sa poitrine. « Madame ! », tenta-t-il de protester, mais il était clairement visible que son corps ne protestait pas. « Sapin… j'ai si faim… ouvrez-le frigo ! », réclama l'impératrice du Nord en retirant le jean dont la braguette avait cédé depuis longtemps. Inventif, il trouva, en plus des gâteaux à servir, un bol de fraises et de la crème Chantilly. Le cliché a bon goût, décidément. « Oh oui, nourrissez-moi... », implora la gourmande à genoux. Plus sûr de lui qu'il ne l'aurait cru, il nappa les fraises de crème que sa bienfaitrice savoura à grandes bouchées. Un autre rempart de tissu tomba, « Il me faut plus de crème ! », supplia-t-elle en s'agrippant au tronc de son amant. « Je m'occupe de tout. », se résolut-elle en prenant la bombe à pleine mains, l'agitant avec vitesse et méthode. Et ce qui devait arriver arriva : la bombe explosa, aspergeant son visage d'une pluie épaisse et sucrée. « Hmmm… délicieux ! », soupira-t-elle, rassasiée.
« Euuuuuh… je euh, je vous laisse vous rendre présentable, je vais amener les gâteaux là-bas et euh… merci Madame ! », s'enfuit-il aussitôt s'être rhabillé, poussant confusément un chariot rempli de tartes et autres splendides pièces montées.
 ***
 « - Mesdames, Messieurs, nous revenons au plus vite. »
Les portes battantes ne claquent presque pas.
 « - C'est vrai qu'il est pas mal, ce petit. », entame Azura, tout en remontant un peu plus haut vers les objets de son désirs.
« - ¡ Claro que si ! Mais je trouve un peu… coincé.
- Ne t'en fais pas, Bianca va lui faire goûter aux délices de la chair.
- Nous sommes tranquilles pendant un bon moment.
- Vale, on s'éclipse, Azura ? », mais il n'obtient de la beauté qu'un index sur ses lèvres. Elle se lève et se tourne vers sa complice.
« - M'accorderiez-vous une danse ? Il me semble que la salle de bal est juste à côté ?
- Mais avec joie ! », s'exclame la méditerranéenne, en souriant plus de victoire que de plaisir, enlaçant sa partenaire sous le regard frustré de l'espagnol.
 On aurait pu croire que le manoir était le summum de la richesse : c'était sans compter sur la salle de bal. Des cristaux, des peintures, un immense mur rempli de disques en tous genres. Les demoiselles sont aussitôt sublimées chacune dans le cœur de l'autre.
« - Je vous propose une valse.
- J'accepte, à condition qu'elle soit suivie d'un tango. », conclut la brune du tac-au-tac – comme toujours –, tout en retirant son tailleur bien trop serré.
La musique emplit l'espace, pure comme un diamant. Sur le parquet ciré, les volants bleutés  virevoltent autour du corps ébène et or, avec grâce et légèreté. Leurs yeux pétillent comme le meilleur champagne, l'alchimie et là, toute en cambrures et en portés élevés. Avec souplesse, elles se rapprochent et s'emmêlent se respirent l'une l'autre jusqu'à ne respirer que le même air. Soudain, le tempo change, s'emballe. Leurs lèvres se décollent, leur corps devient sauvage. Chocs. Pulsations. Battements de cœur. Attaque. Félines. Le tango le plus chaud de l'histoire des tangos. Le plus intime, aussi. Leurs pupilles se dilatent. Les doigts agiles la blonde font un second round dans la lingerie de son amante. Habile, elle la met K.O. à la dernière mesure, la faisant vaciller au sol sur la dernière note. Malicieuse, elle avait prévu son coup, et une mélodie tribale les enveloppe. Ensemble, conjointes, elles décollent et font des tours du monde en accéléré. Elles visitent des sourires complices, des collines moelleuses et des gouffres humides. Elles surfent sur la vague les fait voyager, vite, toujours plus vite, vers ce soleil qui ne se couche pas sur la salle de bal. Et, synchronisées, elles deviennent la vague, et échouent leur écume sur la plage que forme l'entrecroisement de leurs cuisses. Fin de la musique. Silence.
 ***
 Celui qui s'est improvisé pâtissier entre en trombe dans la salle commune, où l'attend un macho aigri et un doux rêveur. « Où sont parties les dames ? », mais personne ne semble lui prêter attention, tous obnubilés par les effluves de chocolat, de fruits, de caramel. Et puis, les dites-dames rappliquèrent aussitôt, essoufflées mais portées par l'appel du sucré. Il faut attaquer les gâteaux, on ne laisse pas de tels chefs-d’œuvre impunément sur la table. Les coups de fourchette et de petite cuillère sont méthodiques, précis, assassins, et ne laissent aucune chances aux délices sans défense. La pièce montée est démontée sans foi ni loi. « Où est Bianca ? », glisse Lavande d'un air coquin. Il faut qu'on sache les ragots, l'ont-ils fait, ne l'ont-ils pas fait ? « Elle doit être aux toilettes, je vais la chercher ! », se propose Orora, qui s'est contentée d'un simple éclair au café. « Je t'accompagne… euh je dois chercher quelque chose ! », sa virginité, sûrement, se disent les autres.
 Le dessert se poursuit de façon très prévisible : le Professeur ne parle pas beaucoup, mais fixe intensément les deux bêtes lubriques jouer au chat et à la souris, alors que tout le monde sait que la chatte l'emportera sur le rat.
« Allez les tourtereaux, je vous laisse, je vais me balader. Et essayer de croiser l'autre gamin, voir si y a encore quelque chose à tirer de lui, si vous voyez ce que je veux dire. », aucune réponse, tout va bien.
 ***
 Le manoir a beau être éclairé de partout, ce silence, ce vide, c'est très obscur. Mais les hommes de science n'ont pas peur, oh ça non. Je dois rester calme. Et analyser les faits : ce dîner n'est pas comme les autres, je le sens. Et ce Sapin, ouhlà, ce Sapin il est très très suspect. Je vois clair dans son jeu de petit puceau, il joue la blancheur pour plaire à Bianca mais il a la couleur du mouton qui se roule dans la boue.
 Un bruit sourd se fait entendre.
 Hein ? Ça venait de juste à côté. La bibliothèque ?
« - Oh c'est vous Professeur ! Je suis si maladroit ! J'ai laissé tomber ce gros livre par terre.
- Qu'est-ce que vous faites là ?
- Oh euh… et bien, une fois avoir récupéré ma montre dans la cuisine, que j'avais enlevé pour… pour ne pas la salir… enfin vous voyez ! Et bien je suis reparti en direction des toilettes pour retrouver Mesdames Bianca et Orora, mais je ne les ai pas trouvées. Alors j'ai un peu erré jusqu'à trouver cette fabuleuse bibliothèque ! Regardez, plein d'encyclopédies sur les conifères c'est fabuleux !
- Je vois. »
Je vois surtout que c'est très louche. Je vais lui faire cracher le morceau.
« - Dis-moi, Sapin… on est seul, entouré des meilleurs compagnons possibles… on pourrait s'amuser un peu toi et moi.
- Oh ! À vrai dire… je ne suis pas très intéressé…
- Tu n'aimes p-
- Chut. Je sais ce que vous allez me demander. Ne vous embêtez pas, c'est plus compliqué. J'ai fait plaisir à Madame Bianca, mais je n'aime pas le contact physique… avec quiconque.
- Ah.
- Vous comprenez ?
- Ouais.
- Je vous sens déçu… Enfin… il y a quelque chose que j'adore par contre !
- Dis-moi. Dis-moi !
- J'adore attacher les gens ! », me décoche-t-il avec son plus grand sourire. C'est… profondément gênant. En temps normal j'aurai adoré. Mais là… avec lui… Non. Il me fait peur.
« - Je vois.
- Vous voyez beaucoup de choses, Professeur. Que voyez-vous quand vous me regardez ?
- Hein ?
- Est-ce que vous voyez le jeune étudiant timide qui ne sait parler que de nature, ou est-ce que vous voyez l'homme qui à la fois vous attire et vous terrifie ?
- Je… je…
- Si j'enlève mon t-shirt et que je m'en sers pour vous bander les yeux, vers quel organe ira votre sang ? Allez-vous vous gonfler de plaisir ou vous dégonfler et fuir ? 
- … Qui… qui es-tu ?
- Je sais pourquoi j'ai été invité. Sachez que vous m'avez grandement sous-estimé. Et maintenant je vais enlever mon t-shirt, Professeur. »
 ***
 « - Non, El Rojo, je ne veux pas ! Pas ici, pas maintenant !
- Bien. Tu as beau être muy caliente, je respecte les dames. Faisons un duel. Suis-moi. »
 Azura pratique la séduction. El Rojo pratique le sexe. Tous deux excellent dans leur discipline, qu'ils considèrent à juste titre comme les deux facettes du même sport : l'amour. Mais, à côté de ça, ils ont une autre activité en commun, un autre terrain sur lequel s'affronter.
« - Et voilà ! La salle de billard ! Une seule partie, si je gagne je te baise, si tu gagnes… boarf, tu ne gagneras pas.
- Ne sois pas si sûr de toi, El Macho. »
La partie se joue sans intérêt. El Rojo sait qu'il va gagner parce que la flamme du désir dans le regard d'Azura lui confirme qu'elle va faire exprès de perdre. La partie n'est qu'un prétexte pour se donner bonne conscience, et pour se chauffer à coups de maniement de queue et de tripotage de boules. Et puis, une table de billard, que ce soit penché à quatre-vingt-dix degrés ou bien complètement allongé, ça reste fort pratique et confortable. Sous la lumière tamisée, dans l'ambiance feutrée des tournois d'élite, avec du jazz en musique de fond, les bêtes sont lâchées.
« - ¡ Ay ay ay caramba ! Ça va être ta fête ! Mais tu vas devoir contenir un peu ma jolie.
- El Rojo, tu es si crueeeel…
- Héhéhé, tu ne sais pas encore à quel point, bonita. Mais ce ne sera pas long. Juste le temps de t'attacher un peu. Regarde les jolies cordes que m'a passées le gosse. Pratique hein ?
- Hmmm El Rojo, tant de surpriiiiises... »
Pas tant que ça, finalement. Après l'avoir ligotée comme la vulgaire dinde qu'il considère qu'elle est, il s'est empressé de la fourrer le plus possible sans ménagement. Et de finir dans un râle sauvage, sans aucune once d'humanité.
 Panne de courant.
 « Ceci est un message automatique. Veuillez tous vous rediriger vers le hall le plus rapidement possible. »
Docteur Lenoir, qui avait tout prévu.
 « Allez salut poulette ! El Rojo est comme le feu : quand on s'en approche, on en brûle. »
 À peine sorti de la salle de billard, El Rojo croise Sapin et sa lampe-torche.
« Gamin, tu sais revenir au hall ?
- Bien sûr Monsieur, j'avais tout prévu. »
Ils marchent d'un pas pressé, en silence, jusqu'au hall. Où la lumière revient. Où Sapin se retrouve seul. Il rigole, d'un rire étrange.
« Pfiouh, c'est enfin fini. Je me serai bien amusé moi ! »
Il s'étire. Un bruit venant du plafond attire son attention. Il lève les yeux. Le chandelier est en train de lui tomber dessus.
 ***
 La maison a retrouvé son calme. Dans l'intense lumière, une silhouette en noir se découpe.
« Alors. Madame Bianca, dans la cuisine, avec la fiole de poison. Madame Orora, dans la bibliothèque, avec le revolver. Le Professeur Lavande, dans la bibliothèque, avec un t-shirt. Mademoiselle Azura, dans la salle de billard, avec la corde. Monsieur Rojo, dans le couloir, avec le poignard. Et Monsieur Sapin, dans le hall, avec le chandelier. Et Docteur Lenoir… On a qu'à dire que maintenant, c'est moi. Je vais organiser plus souvent des dîners comme ça, pour assassiner dans le plaisir, il faut avouer que c'est très commode. »
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