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bouffar3000 · 5 years ago
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Les Aventuriers de la Pizza aux 22 Fromages
Vous avez dĂ©jĂ  pu, en lisant les lignes de ce blog, croiser le facĂ©tieux Vibescu, jamais Ă  l'abri d'une expĂ©rimentation culinaire sans vergogne. Un beau jour, il me partagea innocemment une capture d'Ă©cran de son jeu vidĂ©o du moment, Les Sims - Les Urbz, oĂč l'on peut possĂ©der dans son inventaire une mystĂ©rieuse pizza 12 fromages.
Notre enthousiasme piquĂ© par une telle surenchĂšre nous amena bien vite Ă  Ă©tablir une liste des fromages Ă  acheter pour Ă©galer cet exploit, et bien vite le dĂ©passer. Les possibilitĂ©s Ă©taient infinies, les combinaisons sans fin. Remplacer la sauce tomate par une base de Boursin permettait d'ajouter un "fromage" Ă  la liste, la croĂ»te pouvait ĂȘtre fourrĂ©e Ă  la mimolette, le morbier copuler avec le cheddar. Telle la rencontre de grands esprits dans un cafĂ© parisien scellant la naissance d'un nouveau mouvement artistique ou philosophique, notre discussion alcoolisĂ©e inscrivait dans le cosmos un funeste destin placĂ© sous le signe du gras et du lait fermentĂ©. Il fut donc dĂ©cidĂ© de viser le cĂ©leste nombre de vingt-deux.
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Attrapez-les tous !
Une fois le rendez-vous pris et les ingrĂ©dients achetĂ©s, il Ă©tait temps de passer les troupes en revue. Les festivitĂ©s se dĂ©rouleraient en la demeure d'Aur'aile de poulet, comparse de Vibescu adepte de la mimolette, des chips au ComtĂ© et du gratin d'oignons. Ses fidĂšles seraient Ă©galement prĂ©sents : ledit Vibescu bien entendu, mais aussi RaclĂ©mence, et le mystĂ©rieux Jer'aime le gras, qui se proposait de faire la pĂąte lui-mĂȘme, lĂ  oĂč moi et Vibescu aurions sĂ»rement recouvert une FraĂźch'up 4 fromages de fromages supplĂ©mentaires. D'autres bouffars avaient Ă©tĂ© invitĂ©s, mais seul FrĂ©dĂ©riche en beurre rĂ©pondit Ă  l'appel, le pauvre bougre ne pouvant se permettre de louper une bouffe vĂ©gĂ©tarienne, pour une fois. Quant au cĂ©lĂšbre Rock de Kebab Passion 72, il nous fit faux bond, que son infamie soit conspuĂ©e Ă  jamais.
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Une préparation mentale de fer et un cadre idyllique.
Il apparut rapidement que la sympathique idĂ©e "pour faire terroir" de Jer'aime le gras n'Ă©tait qu'un vil traquenard : moi-mĂȘme et RaclĂ©mence furent forcĂ©s Ă  pĂ©trir la pĂąte dans la douleur et le servage le plus pur et simple, tandis que Vibescu et Aur'aile de poulet sifflaient toutes les biĂšres en nous dĂ©concentrant. MalgrĂ© tout, aprĂšs un dur labeur, la pĂąte Ă©tait prĂȘte et en quantitĂ© suffisante pour nourrir une famille napolitaine entiĂšre.
Enfin, le temps Ă©tait venu de garnir la premiĂšre pizza : sur une base de Boursin tombĂšrent une pluie de morceaux de cheddar, morbier, mimolette, comtĂ©, camembert, emmental, etorki, pendant que Vibescu plaçait malicieusement des morceaux de Babybel et des Vache qui rit intactes. Score finale : douze fromages, ce qui Ă©tait d’ailleurs le nombre originel dans Les Urbz. Loin des vingt-deux annoncĂ©s, mais tout de mĂȘme pas de quoi jouer les marioles. AprĂšs un passage express au four, la pizza revint cuite Ă  la perfection : la surface avait entiĂšrement fondu et commencĂ© Ă  gratiner. FĂ©briles, nous Ă©tions tous Ă©merveillĂ©s, nous sachant Ă  l'orĂ©e d'un territoire inconnu. Je plongeai le premier. Je pense que ce jour-lĂ , une partie de moi a quittĂ© le monde terrestre et est montĂ©e au paradis. Les fromages avaient fondu ensemble Ă  la perfection, semblaient s'ĂȘtre totalement mĂ©langĂ©s pour ne crĂ©er qu'une saveur unique mais d'une richesse infinie, comme une sorte d'ĂŒbermensch du fromage. L'Ă©quilibre Ă©tait parfait, les fromages les plus forts ne prenaient pas le dessus, la texture Ă©tait incroyablement croustillante sur le dessus et fondante Ă  l'intĂ©rieur. Tout ça Ă©tait Ă©videmment magnifiĂ© par la pĂąte, elle-mĂȘme magnifiĂ©e par notre souffrance. Juste assez Ă©paisse pour soutenir tout le fromage, elle Ă©tait elle aussi parfaitement tendre et croustillante.
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La deuxiĂšme pizza fut l'occasion d'un changement de recette assez drastique : une base sauce tomate fut choisie, mais il fallut alors tout faire pour la recouvrir de fromage, tandis que le bord de la pĂąte fut fourrĂ©, je vous laisse deviner, au fromage. Le rĂ©sultat fut loin d'ĂȘtre mauvais mais l'incommensurable Ă©quilibre de la premiĂšre tentative ne fut pas prĂ©servĂ©. Tout d'abord, la pizza Ă©tait bien plus grasse et huileuse que la premiĂšre. Le papier cuisson sous la pĂąte Ă©tait sec alors que celui de la premiĂšre Ă©tait imbibĂ© de gras. Pourquoi tout ce gras fondu Ă©tait-il restĂ© sur la pizza ? Ses rebords fourrĂ©s au fromage Ă©rigeaient-ils des murailles trop infranchissables ? La sauce tomate empĂȘchait-elle le gras de traverser la pĂąte ? Vibescu avait-il eu la main trop lourde avec la raclette ? MystĂšre. Quoiqu'il en soit, l'alchimie n'avait pas aussi bien fonctionnĂ© : le morbier, la raclette, le gorgonzola, le bleu prenaient souvent le dessus sur les autres fromages, tout ne s'Ă©tait pas parfaitement unifiĂ© en fondant. Bien sĂ»r, cette dĂ©ception n'Ă©tait relative qu'Ă  la perfection insolente de notre premier essai.
AprĂšs cette deuxiĂšme tentative, les troupes essuyĂšrent une considĂ©rable baisse de moral, que nous tentĂąmes de contrecarrer Ă  l'aide de plusieurs substances plus ou moins illicites. Il fut alors dĂ©cidĂ© de tenter de rĂ©pliquer l'exploit de la premiĂšre pizza. HĂ©las, tous les fromages avaient Ă©tĂ© laissĂ©s ouverts Ă  l'air libre dans la cuisine, et certains commençaient Ă  tourner de l’Ɠil. Essuyant une larme, Jer'aime le gras offrit une derniĂšre demeure au gorgonzola, vidant la moitiĂ© du paquet sur la pizza. Cette action eut d'irrĂ©mĂ©diables consĂ©quences : elle fit exploser le caractĂšre de la pizza, qui pour le reste s'approchait effectivement pas mal de la premiĂšre. Mais pendant que Jer'aime le gras susurrait des mots doux Ă  sa part, en esthĂšte du gorgonzola, nous jetions nos derniĂšres forces dans la bataille. Il faut dire que la combinaison hĂ©tĂ©roclite de fromage du deuxiĂšme essai avait Ă©tĂ© particuliĂšrement bourratif, et que comme personne ne m'avait laissĂ© ajouter du Easy Cheese aux recettes, j'en Ă©tais rĂ©duit Ă  finir les croĂ»tes de mes comparses aprĂšs les avoir badigeonnĂ©es du prĂ©cieux fromage en spray. Bref, bien que notre constitution ne fut plus Ă  mĂȘme de nous laisser poursuivre le combat, cette troisiĂšme pizza confirmait tout de mĂȘme les possibilitĂ©s infinies de notre entreprise. Nous n’avions hĂ©las plus tenu le compte des fromages pour chaque pizza, mais le dix-sept reste ancrĂ© dans ma mĂ©moire, sans que je puisse dire s’il s’applique Ă  la seconde ou Ă  la troisiĂšme. L’objectif des vingt-deux ne fĂ»t donc pas atteint, mais l’original des douze, largement dĂ©passĂ©. Nous nous quittĂąmes avec de terribles maux de ventre en faisant le serment de nous retrouver prochainement pour finir les deux kilogrammes de pĂąte restants et la multitude de fromages dĂ©ballĂ©s.
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Le lendemain, alors que le crampes d'estomac m'empĂȘchaient d'apprĂ©cier Apocalypse Now Final Cut Ă  sa juste valeur au cinĂ©ma, le perfide Aur'aile de poulet m'envoyait de nouvelles photos obscĂšnes prouvant que le rite impie se poursuivait dans son antre graisseux. Les lĂ©gendes "La lutte continue", "Toujours plus de fromage" et "Seuls les cheesers les plus intrĂ©pides osent surfer sur pareils rouleaux" accompagnaient ses clichĂ©s scandaleux.
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La perfidie d’Aur’aile de poulet sera un jour punie.
Le surlendemain, je me retrouvai une fois de plus chez le personnage dĂ©rangĂ©, en compagnie de Vibescu ainsi que de son voisin du dessus, dĂ©jĂ  rompu aux bouffes acrobatiques avec Aur'aile de poulet. Ledit voisin se trouvait en possession d'une livre de viande hachĂ©e qu'il fĂ»t convenu de disposer sur une nouvelle pizza (car il restait bien sĂ»r encore de la pĂąte) afin de rompre l'enchantement fromager qui dictait nos vies depuis quelques jours. La pĂąte de lait fermentĂ© fĂ»t tout de mĂȘme ajoutĂ©e Ă  la garniture, n'en doutez pas une seconde, mais elle se trouvait en proportions Ă©gales avec la viande ainsi qu'une pluie de champignons et d'oignons. Le rĂ©sultat s'apparentait plus Ă  des lasagnes qu'Ă  une pizza, mais toujours avec cette pĂąte divine dont le secret nous avait Ă©tĂ© rapportĂ© par l'Ă©nigmatique Jer'aime le gras de mystĂ©rieux temples orientaux.
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Comment conclure une telle aventure humaine ? La confrérie des cheesers formée par un tel challenge lactosé restera à coup sûr solide par-delà nos tombes. Difficile d'en dire autant de nos artÚres.
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Reconstitution vaguement authentique du pendouillage du bébé de Michael Jackson. MJ est incarné par Vibescu et le bébé par mon pot de fromage liquide Squeeze Cheese.
Avant de vous quitter, l’avis de Vibescu sur la soirĂ©e :
La premiĂšre Pizza Ă©tait un bonheur et une rĂ©ussite totale. La quantitĂ© de fromage Ă  Ă©tĂ© calculĂ©e au centimes de microgrammes prĂšs par pas moins de six   chercheurs de la NASA, ce qui a eu pour cause une pizza homogĂšne au goĂ»t tellement fromager qu'il n'en devenait que plus doux Ă  nos papilles qui n'en revenaient pas ! Les glandes salivaires tournaient Ă  plein rĂ©gime face Ă  ce goĂ»t inconnu, incongru et diablement dionysiaque (et aphrodisiaque). Une larme de digestion coula le long de ma joue, lorsque la part fut engloutie... Je me caressais doucement le giron tout en rĂȘvant de la pizza numĂ©ro 2.... Qui fut une Ă©norme erreur ! Les chercheurs de la NASA Ă©taient encore sous le choc de la premiĂšre salve fromagĂšre et ne put effectuer convenablement les calculs : le Morbier ainsi que la raclette formait Ă  eux seuls un nouveau goĂ»t putride qui gĂąchait le reste de la pizza. Un mĂ©lange d’écƓurement et de jus de chaussette toastĂ© s'emparait de moi. Je l'ai terminĂ© Ă  contrecƓur trĂšs lentement. Je n'ai point goĂ»tĂ© Ă  la troisiĂšme. Devons nous  y imputer Ă  la pizza morbiesclette ou Ă  mon estomac de liliput ? Peut ĂȘtre un peu des deux. Ou pas.
Rédigé par Jumbo
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ecoledeschartes · 2 years ago
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Voyage à TolÚde, Cité des trois cultures
 ou comment attraper la grippe espagnole
Marie de Place effectue son stage de 4e année aux Archives historiques de la noblesse, à TolÚde.
« Toledo, peñascosa pesadumbre, gloria de España y luz de sus ciudades. » Cervantes
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TolĂšde, Puerta del Sol – une des portes des murailles de la ville, datant de l’époque oĂč TolĂšde, brillante citĂ© du royaume arabe d’Al-Andalus, s’appelait Tulaytula

Des chats fuient au dĂ©tour d’une ruelle. Encore trois pas vers la lumiĂšre diaphane qui semble filtrer d’un mur de briques : une placette ombragĂ©e, et toute la rocheuse mĂ©lancolie de Cervantes s’étend, de l’autre cĂŽtĂ© du fleuve Tage, derriĂšre les pilastres de San Juan de los Reyes bruissants de colonies d’oiseaux.
C'est aux Archives de la noblesse que j’ai passĂ©, durant deux mois, la premiĂšre moitiĂ© de mes journĂ©es – 9h/14h, rien de plus banal pour des horaires de matinĂ©e espagnole.
Archives de la noblesse ? CompliquĂ© de comprendre, d’abord. Si l’on se place du point de vue de la classe sociale dĂ©tentrice de la production de l’écrit documentaire, les archives d’Ancien RĂ©gime ne sont-elles pas plus ou moins toutes, Ă  l’exception de celles produites dans un cadre religieux, et encore, des archives de la noblesse ? Mais pour comprendre la raison d’ĂȘtre de cette institution fille des archives nationales espagnoles, il faut se placer du point de vue de la collecte, de l’entrĂ©e des fonds.
Les archivistes espagnols, dans un pays plus rompu que le nĂŽtre Ă  la dĂ©centralisation, et dont la noblesse, malgrĂ© une histoire nationale mouvementĂ©e, n’a pas traversĂ© la RĂ©volution française, ont regardĂ© avec d’autres yeux les consĂ©quences de l’émiettement du territoire national aux mains de ces grands propriĂ©taires de terres, dont les descendants vivent encore en tant que tels – plus de 2840 titres nobiliaires sont rĂ©fĂ©rencĂ©s en Espagne Ă  l’heure actuelle. Une section particuliĂšre des Archives nationales espagnoles a Ă©tĂ© dĂ©diĂ©e en 1993 Ă  la collecte des archives de ces familles nobles, sous le nom de SecciĂłn Nobleza del Archivo HistĂłrico Nacional. Son fonctionnement, dĂ©jĂ  indĂ©pendant des Archives nationales, atteignit sa plein maturitĂ© en 2011, et, de maniĂšre effective, en 2017, par un nouveau dĂ©cret royal qui consacrait la fondation des Archives historiques de la noblesse, Archivo HistĂłrico de la Nobleza, une institution se rĂ©clamant comme pionniĂšre et unique en son genre. Le tout fut et demeure placĂ© sous la gestion du ministĂšre de la Culture et du Sport, via la Sous-direction gĂ©nĂ©rale des Archives de l’État.
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Impressionnant cloütre des Archives de la Noblesse, sises dans l’ancien hîpital Tavera
Aujourd'hui, les Archives de la noblesse espagnole sont donc une branche, mais une branche pleinement indĂ©pendante des Archives nationales d’Espagne, s’appliquant Ă  collecter, voire, dans certains cas, acheter des archives documentant avec une prĂ©cision indĂ©passable la vie des territoires de l’ancien temps. De fait, les familles nobles espagnoles dĂ©tiennent souvent encore aujourd'hui des fonds d’archives Ă©normes, contenant des actes notariĂ©s Ă  n’en plus finir, et des informations sur les plus petits hameaux, justement parce qu’ils Ă©taient possessions
 En bref, ces archives en mains privĂ©es sont aujourd'hui reconnues pour ce qu’elles sont, des archives publiques ; et, grĂące aux Archives historiques de la noblesse, leur collecte tout comme leur inventaire se fait en respectant le cadre de leur production, c'est-Ă -dire les baronnies, marquisats, comtĂ©s ou autres qui sont Ă  la fois leur cause et leur contexte. Aujourd'hui, plus de 260 fonds familiaux nobles sont rĂ©fĂ©rencĂ©s Ă  l’inventaire de l’Archivo HistĂłrico de la Nobleza ; les fonds des grands comtĂ©s ou marquisats prĂ©sentent un panel de fonds familiaux diffĂ©rents, eux-mĂȘmes enrichis par le jeu des alliances matrimoniales, qui occasionnent des transferts d’archives d’une famille Ă  une autre. Les ramifications s’étendent, les fonds s’étoffent, des documents en français font leur apparition de temps Ă  autre, au grĂ© des mariages, dont on apprĂ©cie ici mieux que partout ailleurs l’étonnant jeu stratĂ©gique, pensĂ© sur le temps long. Les fonds des Archives de la noblesse portent en eux leur propre renouvellement.
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Murailles de la ville. Allures orientalisantes : les techniques de construction mauresques ont perdurĂ© aprĂšs la reconquĂȘte de la ville par Alfonso VI de Castille, en 1095.
Bien que le roi d’Espagne ait encore le pouvoir d’anoblir, et que des personnalitĂ©s contemporaines puissent ainsi prĂ©tendre au recueil de leurs archives Ă  TolĂšde, la rĂ©alitĂ© est Ă  la collecte d’archives papiers, et, dans la plupart des cas, anciennes, malgrĂ© une bonne reprĂ©sentation du XXe siĂšcle dans la rĂ©partition chronologique des fonds. Actuellement, un peu plus de 3 kms de documents, conservĂ©s dans l’ancien hĂŽpital Tavera, dont les locaux sont partagĂ©s par les Archives avec un musĂ©e et une Ă©cole, attirent un maximum de 5 lecteurs par jour.
AprĂšs un stage aux importantes Archives du RhĂŽne et de la MĂ©tropole de Lyon, ce fut pour moi la dĂ©couverte du fonctionnement d’une institution aux effectifs plus rĂ©duits. A titre d’exemple, on trouve Ă  TolĂšde un unique fonctionnaire chargĂ© de l’ensemble de l’administration, Christian ; comme je m’en Ă©tonnais, on m’apprit que le poste avait Ă©tĂ© ouvert trĂšs rĂ©cemment et qu’auparavant, c'Ă©tait la directrice qui s’en occupait
 sachant que cette derniĂšre, ArĂĄnzazu Lafuente UriĂ©n, une femme de caractĂšre, gĂšre Ă  elle seule toute la partie contact avec les donateurs et collecte des archives, entre bien d’autres prĂ©rogatives.
Comme en tĂ©moigne le nouveau poste d’administrateur crĂ©Ă© pour Christian, il semblerait que le vent tourne. AprĂšs les archives du RhĂŽne oĂč le directeur devait se battre contre les RH du dĂ©partement qui gelaient automatiquement les postes des agents partis Ă  la retraite, il a Ă©tĂ© rĂ©jouissant d’assister, Ă  TolĂšde, Ă  la crĂ©ation de postes et Ă  l’arrivĂ©e de nouveau personnel. Les Archives de la noblesse sont Ă  l’aube d’une phase nouvelle de dĂ©veloppement, en tĂ©moigne Ă©galement la confĂ©rence Ă  laquelle j’ai pu ĂȘtre prĂ©sente, la premiĂšre jamais donnĂ©e aux archives, nĂ©e d’un Ă©lectrochoc : la dĂ©couverte, par des mĂ©thodes dignes de Mabillon, de ce que le document toujours cru le plus ancien conservĂ© dans les fonds, portant la date de 943, est en fait un habile faux, rĂ©alisĂ© par des moines Ă  l’occasion d’un procĂšs, en 1175

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« Mentiras medievales », « Mensonges médiévaux », la premiÚre conférence des Archives de la Noblesse, le 28 novembre 2022. Ici la directrice des Archives, Arånzazu Lafuente Urién.
Ce sĂ©jour en Espagne m’aura fait prendre conscience de la situation privilĂ©giĂ©e des archives en France, en dĂ©pit du faible intĂ©rĂȘt que leur portent encore la plupart des collectivitĂ©s territoriales, Ă  cĂŽtĂ© des musĂ©es et des bibliothĂšques. Je me suis donnĂ©e l’impression d’une enfant gĂątĂ©e, m’attendant Ă  trouver de plus nombreuses manifestations culturelles, de hautes ambitions, des projets ancrĂ©s dans les problĂ©matiques du futur des archives, en particulier autour de la question du numĂ©rique
 Ici la question des archives nativement Ă©lectroniques et de la garantie de leur authenticitĂ© face aux tribunaux relĂšve encore de la fable des habits neufs de l’Empereur, pour citer Édouard BouyĂ© dĂ©crivant la situation en France en 2017. En vĂ©ritĂ©, aux Archives de la noblesse, la problĂ©matique Ă©tait encore tout bonnement absente ; la nĂ©cessitĂ© elle-mĂȘme en la matiĂšre y faisait dĂ©faut, au vu de la nature trĂšs classique des fonds conservĂ©s. Mais ce retard est Ă  mettre en bonne partie sur le compte d’un flagrant manque de moyens dĂ©volus par l’État aux archives – les Espagnols accusent la dĂ©sorganisation de leur systĂšme politique tout entier. Les effectifs des Archives nationales espagnoles sont d’une maigreur Ă  faire pĂąlir. Et comment dĂ©velopper de grands projets si les crĂ©dits ne suivent pas ? Il est probable, Ă©tant donnĂ© que le modĂšle français est la grande rĂ©fĂ©rence espagnole en matiĂšre d’archives, que les choses seront amenĂ©es Ă  Ă©voluer dans un prochain temps.
Un autre point, sur le plan humain
 oĂč la France Ă  l’inverse fait plus triste mine : une remarquable Ă©quitĂ© rĂšgne dans les rapports professionnels, aux archives espagnoles. Aux Archives de la noblesse, les personnels de tous les Ă©chelons de la fonction publique Ă©changent sur un pied d’égalitĂ© et dans une atmosphĂšre dĂ©tendue que je n’ai jamais vue en France, bien que les archives, comparĂ©es aux musĂ©es ou aux bibliothĂšques, aient la rĂ©putation d’une plus grande simplicitĂ©. Cependant, sans crier dĂ©faite pour autant, pour transposer le mot d’Arthur Oldham, musicien anglais, fondateur du chƓur de l’orchestre national de Paris en 1976, on ne peut reprocher aux Français d’ĂȘtre Français

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Callejon, ruelle arabe dans la vieille ville tolédaine.
Par peur d’ennuyer, je ne m’étendrai pas sur mes deux principales missions, description et enregistrement sur PARES, le portail des Archives espagnoles, de deux fonds en français, concernant une famille du sud de la France, les LĂ©zat, seigneurs de Brugnac et de Marquefave, et la comtesse d’el Vado et d’Echauz, MarĂ­a del Pilar de Acedo SarriĂĄ (1774-1865). Je dirais seulement que ces documents attendaient un nouveau stagiaire français pour ĂȘtre dĂ©chiffrĂ©s, et que j’ai souvent eu le plaisir de donner un coup de main aux collĂšgues qui travaillaient dans la mĂȘme salle que moi, pour Ă©clairer la palĂ©ographie d’un nom de noble français (nota : Les ducs d’Agen sont partout !) ou dresser une description rapide, en espagnol, d’une liasse de documents français par eux dĂ©couverte
 En d’autres mots, les archivistes de la Noblesse ont eu l’amabilitĂ© de me permettre de me sentir utile.
Un Ɠil aussi du cĂŽtĂ© de la palĂ©ographie et de la diplomatique : ces deux photos parleront mieux que moi. Bonheur de dĂ©couvrir les traditions de chancelleries voisines, et l’évolution toute diffĂ©rente en Espagne d’un certain type d’écriture.
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Escritura procesal encadenada, XVIe siĂšcle : type d’écriture judiciaire, utilisĂ©e pour les relations de procĂšs (« procesal »), dite enchaĂźnĂ©e car la main ne se dĂ©tache plus du papier.
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Privilegio rodeado royal, dont le type iconographique illustre l’alliance León-Castille
Sous les arcs maures et les clochers romans carrĂ©s en forme de muezzins, au reflet du soleil sur les cĂ©ramiques tolĂ©danes et devant les ferronneries de la capitale de la forge, oĂč tout parle de Dieu et des princes, j’ai Ă©tĂ© rappelĂ©e, moi, les pieds sur terre.       
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Vue du Tage, sous le pont de l’Alcantara
J’ai compris que les archives sont passionnantes par lĂ -mĂȘme oĂč d’aucuns les trouvent ennuyeuses. Ces petits morceaux de papier sont des milliers de solutions apportĂ©es aux problĂšmes des hommes. L’écrit fait des miracles. Ces documents ont Ă©tĂ© longuement pensĂ©s, dĂ©sirĂ©s aussi. Ils sont le condensĂ© de toutes les histoires de la vie. J’ai eu, tenant dans mes mains ces modestes contrats, ces poussiĂ©reuses piĂšces de procĂšs, ces austĂšres dispenses de parentĂ©, le sentiment de la noblesse de l’humanitĂ©, qui a trouvĂ© en adulte ce moyen civilisĂ© de rĂ©gir les rapports sociaux en maintenant la paix. Un papier, un peu d’encre, un ou plusieurs signes de validation, pour prouver l’authenticitĂ©. Quoi de plus simple ? Ces bouts de rien Ă©taient un trĂ©sor pour leurs possesseurs, les garants de leurs droits. Cette valeur parvient jusqu’à nous. MĂȘme morts et inutiles, mĂȘme faux, mĂȘme menteurs, ces documents portent encore les espoirs, les intĂ©rĂȘts, les prĂ©occupations et le soulagement de milliers d’ĂȘtre humains.
Tant pis pour les bibliothĂšques, les merveilles exceptionnelles qui s’y trouvent et qui n’ont pas fini de me sĂ©duire – incroyables fonds des Archives et BibliothĂšque de la cathĂ©drale de TolĂšde, dignes de la capitale que fut cette ville, jusqu’à ce que Philippe II, fils et successeur de Charles Quint, transfĂšre en 1561 la cour Ă  Madrid

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CathĂ©drale de TolĂšde, dite la seconde plus grande d’Espagne, mais la plus belle – dĂ©but des travaux en 1226.
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Visite avec Argan de l’Archivo y Biblioteca capitulares
Les archives sont la vie ordinaire ; mais combien plus puissantes
! Elles sont le support de la vie. C'est justement leur caractĂšre ordinaire qui est prĂ©cieux. Je prĂ©fĂšre inventorier des papiers de familles inconnues plutĂŽt que me pencher sur les documents historiques d’exception achetĂ©s en ventes aux enchĂšres. Je m’intĂ©resse Ă  ce qui n’a d’intĂ©rĂȘt qu’humain.
J’ai fait mon choix. Je serai archiviste, au service des petites gens du passé ; je sauverai du feu, des eaux et du temps dĂ©voreur d’hommes le fragile tĂ©moignage de leur existence. Je ne me glorifierai pas des Ɠuvres d’art des siĂšcles. Je choisis le banal pour ne pas me mentir Ă  moi-mĂȘme. Je ne peux dĂ©pareiller l’histoire. Il n’y a pas d’excuses aux relectures anachroniques des faits. MĂȘme la suprĂȘme culture n’en est pas une. La contemplation de l’extraordinaire renforce la teneur de la vie rĂ©elle. Deux mois Ă  TolĂšde, citĂ© des rois, furent un Ă©blouissement.
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Rue classique de la vieille ville.
Pour les Archives et ses si chaleureux travailleurs, pour ne pas dire amis, je resterai la chica de la mala suerte, la malchanceuse, image de ce gisant de jeune femme qu’on peut encore contempler dans la chapelle dĂ©sacralisĂ©e de l’universitĂ© tolĂ©dane de Castilla-la-Mancha, sous le nom de la Desafortunada

VisitĂ©e par un cambrioleur Ă  rĂ©pĂ©tition, malade pendant la quasi-totalitĂ© de mon stage au point de faire un tour aux urgences, privĂ©e de lumiĂšre et de chauffage, puis de train le jour de mon retour, j’aurais continuellement tirĂ© le diable par la queue.
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Le Pont Saint Martin aux premiĂšres lumiĂšres hivernales.
Pourtant, je garderai toujours en moi l’image du grand tombeau d’Isabelle la Catholique, San Juan de los Reyes dont les pilastres s’allument, au soleil couchant, comme autant de chandelles funĂ©raires, faisant briller une derniĂšre fois et Ă  jamais sur l’empire de Charles Quint les feux de la gloire Ă  jamais reconquise. OĂč pendent les chaĂźnes des esclaves chrĂ©tiens libĂ©rĂ©s de Grenade, Christophe Colomb a trouvĂ© l’AmĂ©rique ; et c'est de l’or maudit des nouvelles Indes qu’il a fondu, pour sa reine, le plus grand des ostensoirs. S’il y a bien quelque chose qu’on apprend, tout lĂ -bas, oĂč l’ombre de Don Quichotte se profile sous les moulins de la Mancha, c'est qu’au grand soleil survit Ă  jamais la race des Conquistadores, et l’orgueil de la langue des hommes qui parlent Ă  Dieu.
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Vue sur San Juan de los Reyes et la vallée du Tage, depuis la Plaza Virgen de Gracia
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ecoledeschartes · 6 years ago
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Quelques archives historiques en français conservées à La Nouvelle-Orléans
Léo Davy effectue son stage de 4e année à la Historic New Orleans Collection. Voir la carte des stages 
Quelques semaines avant le commencement de mon stage, l’Historic New Orleans Collection fit l’acquisition de plusieurs documents d’archives auprĂšs d’un vendeur d’autographes parisien. Elles ont ainsi traversĂ© l’ocĂ©an Atlantique pour rejoindre les collections de manuscrits historiques dĂ©diĂ©s Ă  l’histoire de La Nouvelle-OrlĂ©ans et de la Louisiane, conservĂ©es par l’institution. Jason Wiese, associate curator au Williams Research Center, me proposa alors de rĂ©aliser l’inventaire de trois petits fonds d’archives du XVIIIe siĂšcle, Ă©crits en français.
Avant de dĂ©crire plus en dĂ©tails les fonds concernĂ©s, quelques remarques peuvent ĂȘtre faites sur les mĂ©thodes employĂ©es lors du traitement archivistique, intĂ©ressantes Ă  observer d’un point de vue extĂ©rieur comparativement Ă  celles que pratiquent les services d’archives françaises.
Avec le classement, la rĂ©daction d’un instrument de recherche est le principal travail de l’archiviste. À la HNOC, ces instruments sont rĂ©digĂ©s suivant le DACS (Describing Archives. A Content Standard), Ă©quivalent amĂ©ricain de la norme de description archivistique ISAD (G). L’inventaire s’effectue Ă  la piĂšce et prend donc la forme d’un inventaire dit analytique, dans lequel les informations sont plus dĂ©taillĂ©es que dans un inventaire sommaire. Il s’agit alors d’établir, Ă  partir de l’analyse diplomatique la nature du document, de rapporter son contenu, de citer les personnes et les Ă©vĂ©nements Ă©voquĂ©s, de dĂ©terminer sa date de rĂ©daction et de tous les Ă©lĂ©ments pouvant intĂ©ressĂ©s les chercheurs. La pratique de l’inventaire analytique, rĂ©servĂ©e en France aux fonds d’archives d'importance historique majeure, notamment mĂ©diĂ©vaux, est, Ă  la HNOC, la pratique courante d’inventaire des documents manuscrits[1]. Cela s’explique par la relative modestie des fonds Ă  traiter, mĂȘme si la pratique est Ă©galement employĂ©e pour la description des fonds comptant plusieurs centaines de piĂšces. La notion d’item prime sur la notion d’article, correspondant Ă  une unitĂ© intellectuelle et matĂ©rielle. Chaque item est donc placĂ© individuellement dans une pochette non acidifiĂ©e et comporte un numĂ©ro (accession number) composĂ© de l’annĂ©e d’entrĂ©e dans les collections suivie d’un numĂ©ro dans l’ordre croissant. La cote attribuĂ©e au fonds suit, elle, le modĂšle MSS pour la catĂ©gorie manuscripts, suivie d’un numĂ©ro croissant. Les documents sont organisĂ©s en sous-sĂ©ries mais les principes de provenance et d’ordre primitif (original order) limitent, le plus souvent, le classement Ă  l’ordre chronologique. Enfin sont intĂ©grĂ©s au fonds les documents administratifs qui les concernent, comme les informations fournies par le vendeur d’autographes comportant une premiĂšre analyse. C’est en effet une pratique courante Ă  la HNOC de placer les inventaires dans une pochette Ă  l’intĂ©rieur de la boĂźte Hollinger, aux cĂŽtĂ©s des documents qu’ils dĂ©crivent. Un double de ces inventaires est conservĂ© dans les classeurs accessibles aux chercheurs, en salle de lecture. 
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Les pochettes individuelles dans lesquelles sont placés les documents
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Les documents provenant du vendeur d’autographe intĂ©grĂ©s avec les documents d’archives afin de documenter leur provenance
Le premier fonds traitĂ© a Ă©tĂ© celui de François-Aymar de Monteil (1725-1787), officier de la Marine royale française, dont une partie de sa correspondance a Ă©tĂ© achetĂ©e par la HNOC lors de la mise sur le marchĂ© des archives familiales par les descendants[2]. Malheureusement la mise en vente a entraĂźnĂ© le dĂ©membrement de ce fonds, dont les parties sont dĂ©sormais dispersĂ©es. La partie de la HNOC comprend 42 items datant tous de 1781 et tous relatifs au siĂšge de Pensacola, ville portuaire de l’Ouest de la Floride, par les forces françaises et espagnoles contre les troupes britanniques. La victoire des deux royaumes coalisĂ©s marque un Ă©vĂ©nement important dans la guerre d’indĂ©pendance des États-Unis, en enlevant Ă  l’Angleterre une base stratĂ©gique dans le Golfe du Mexique, et en redonnant l’avantage Ă  la coalition qui enchainera les victoires jusqu’au traitĂ© de paix de Paris de 1783[3].
Ce fonds se dĂ©compose en plusieurs sous-sĂ©ries : les ordres donnĂ©s Ă  son Ă©quipage, la correspondance active avec les autoritĂ©s gouvernementales et diplomatiques, la correspondance active et passive avec les officiers alliĂ©s, et des papiers donnant des listes d’officiers, de noms de navires et de denrĂ©es. Les lettres sont Ă  la fois sous forme de brouillons raturĂ©s et de lettres formelles mises au net par un secrĂ©taire du chevalier. Parmi cette correspondance diplomatique, sept lettres sont adressĂ©es Ă  Charles de La Croix, marquis de Castries (1727-1801), SecrĂ©taire d’État de la Marine entre 1780-1787, une autre est adressĂ©e Ă  Armand-Marc de Montmorin de Saint-Herem (1746-1792), ambassadeur de France en Espagne depuis 1777. À bord de son navire, le Palmier, ou accostĂ© Ă  La Havane, il leur expose dans de longs dĂ©veloppements les problĂšmes qui retardent les opĂ©rations militaires en vue d’assiĂ©ger la ville. Ce sont des retards d’approvisionnement en nourriture et en matĂ©riels, d’argent, des dĂ©gĂąts sur les bateaux causĂ©s par des tempĂȘtes, des problĂšmes de communication et de coordination avec François-Joseph Paul de Grasse (1722-1788), lieutenant gĂ©nĂ©ral de la flotte française, et avec l’escadre espagnole commandĂ©e par les gĂ©nĂ©raux Jose Solano del Socorro (1726-1806) et Bernardo de Galvez (1746-1786). AprĂšs le succĂšs de Pensacola, il dĂ©veloppe des projets d’attaque et de blocus des Ăźles Turques-et-CaĂŻques et de la JamaĂŻque afin de porter un coup Ă  l’escadre anglaise commandĂ©e par l’amiral Georges Brydges Rodney (1718-1792) et le vice-amiral Hyde Parker (1714-1782). Mais les difficultĂ©s contrarient ses plans. L’accumulation des inquiĂ©tudes conduit le chevalier de Monteil Ă  faire preuve d’une grande franchise envers ses correspondants comme en tĂ©moignent les derniĂšres lignes de l’une d’entre elles :
AccablĂ© de fatigues, ruinĂ© par des travaux toujours trop supĂ©rieurs Ă  mon traitement, privĂ© de toutes grĂąces, ne recevant pas mĂȘme l’honneur d’une de vos lettres. Si un autre ramenait la flotte de nos isles, vous ne trouveriĂ©s pas mauvais que j’allasse faire des remĂšdes et vous prier de dĂ©cider si je pourrais espĂ©rer ma part aux faveurs de Sa MajestĂ©, ou si je dois abandonner un service pour lequel j’ai tant travaillĂ©, ou mon avancement me fut ravy aprĂšs la guerre des Indes, ou Mr de Sartine[4] m’a tant de fois trompĂ© depuis par de vaines promesses, un service dans lequel j’eusse pu espĂ©rer quelques progrĂšs si votre silence ne me faisait craindre autant d’indiffĂ©rence de votre part que des autres ministres[5].
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Exemple de lettre Ă  l’état de brouillon. Lettre du chevalier de Monteil Ă  Charles de La Croix de Castries, mai ou juin 1781, MSS 999, 2018.0388.01
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Lettre du chevalier de Monteil à Charles de La Croix de Castries, 7 décembre 1781, MSS 999, 2018.0388.1
Lors de la mĂȘme vente ont Ă©tĂ© acquis les papiers d’Oliver Polock, datĂ©s entre 1766 et 1781[6]. Oliver Polock (1737-1823), marchand et planteur installĂ© aux États-Unis Ă  partir de 1760, aida au financement de l’armĂ©e amĂ©ricaine pendant la guerre d’indĂ©pendance et fut aide de camp du gĂ©nĂ©ral espagnol pendant le siĂšge de Pensacola. Seuls quatre items composent ce fonds mais ne sont pas directement relatifs au siĂšge. Ils concernent un contrat de navigation engageant Polock Ă  commander un navire dans la mer des CaraĂŻbes et deux lettres dans lesquelles celui-ci expose les mĂ©saventures qu’il a vĂ©cues pendant plusieurs mois suite au piratage de son navire et Ă  la perte de ses effets personnels. Le quatriĂšme item est un rĂšglement imprimĂ© de la Ferme gĂ©nĂ©rale, Ă  Paris le 7 aoĂ»t 1766, par lequel elle prĂ©cise les conditions d’expiration des exemptions fiscales dont jouissaient les marchandises en provenance de la colonie de Louisiane depuis 1751, prenant fin suite au transfert de la Louisiane Ă  l’Espagne en vertu du traitĂ© de Fontainebleau de 1762. On comprend que ce rĂšglement avait de l’importance pour tous les marchands louisianais dont faisait partie Oliver Polock.
Il m’a enfin Ă©tĂ© donnĂ© l’occasion de travailler sur des documents de toute premier intĂ©rĂȘt : quatre documents relatifs Ă  John Law (1671-1729) et Ă  son systĂšme financier montĂ© autour de la Compagnie du Mississippi en charge de promouvoir la colonisation de la Louisiane[7]. D’autres archives de John Law ou relatives Ă  ses activitĂ©s Ă©taient dĂ©jĂ  conservĂ©es Ă  la HNOC, chacune constituant un fonds particulier crĂ©e au jour de leur entrĂ©e dans la collection. Ces nouvelles piĂšces sont datĂ©es de 1719 Ă  1720.
Deux lettres sont adressĂ©es par John Law Ă  Gaspard-François Le Gendre de Lormoy (1668-1740), intendant de la gĂ©nĂ©ralitĂ© de Tours. La premiĂšre, datĂ©e du 5 fĂ©vrier 1720, reprend et clarifie les dispositions prises par l’arrĂȘt du Conseil du 31 janvier appelant Ă  dĂ©poser les espĂšces dans les HĂŽtels des monnaies. Dans la seconde, du 6 mars de la mĂȘme annĂ©e, le financier lui demande de faire publier l’arrĂȘt du Conseil d’État de la veille dans toutes les villes et paroisses de sa gĂ©nĂ©ralitĂ© et de faire strictement appliquer les dispositions. La version imprimĂ©e de l’arrĂȘt en 12 articles est jointe Ă  la lettre. L’objectif est alors d’inciter les particuliers Ă  convertir leur argent en monnaie fiduciaire en achetant des actions et des billets de banque. Les deux lettres comportent en marge les mentions hors teneur apposĂ©es par les services de l’intendance, indiquant le jour de leur rĂ©ception.
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Lettre de John Law à Gaspard-François Le Gendre de Lormoy, intendant de la généralité de Tours. 6 mars 1720. Accession 2018.0194.1
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La derniĂšre piĂšce de ce fonds est intĂ©ressante Ă  plusieurs titres : il s’agit d’une lettre signĂ©e par un certain Valin adressĂ©e Ă  une Madame Lambert rĂ©sidant Ă  OrlĂ©ans, place de l’Étape. Celui-ci l’incite Ă  placer son argent dans les investissements outre-Atlantique proposĂ©s par Law en achetant des terres sur le bord du Mississippi et Ă  conseiller ses proches d’en faire tout autant. Au dĂ©tour de la lettre il lui dĂ©taille les nouvelles en provenance de Paris, notamment les tensions religieuses en matiĂšre de jansĂ©nisme entre le Parlement et les Ă©vĂȘques de Soissons, d’Angers et l’archevĂȘque de Paris, et la bĂ©nĂ©diction de Marie-Louise AdelaĂŻde d’OrlĂ©ans, fille du Regent, comme abbesse de l’abbaye de Chelles. Ces dĂ©tails historiques ont permis, en les croisant, de dĂ©duire le mois de rĂ©daction qui n’était pas prĂ©cisĂ© dans la date Ă  la fin de la lettre.  
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Lettre de Valin Ă  Madame Lambert, 14 [septembre] 1719. MSS 1000, 2018.0194.3
Une fois l’inventaire rĂ©alisĂ©, celui-ci a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© aux systĂšmes logiciels Minisis Management for Archives et les numĂ©risations de document Ă  la base gĂ©rĂ©e par Piction. Étant donnĂ© que ces documents intĂ©ressent aussi bien l’histoire de la Louisiane que l’histoire de France, il est important que leur rĂ©fĂ©rencement soit bien fait afin d’aider dans leurs recherches les chercheurs français, amĂ©ricains ou autres. Une partie du travail a donc Ă©tĂ© de trouver et d’indiquer les fonds complĂ©mentaires conservĂ©s dans les autres institutions au sein de l’inventaire. En France, ce sont les Archives nationales, les Archives diplomatiques, et les Archives nationales de l’Outre-mer qui conservent ces fonds. En Espagne ce sont les Archives gĂ©nĂ©rales des Indes qui possĂšdent les archives des colonies amĂ©ricaines. D’autres documents sont conservĂ©s dans des institutions amĂ©ricaines, comme dans les archives anciennes de l’universitĂ© West Florida. La modicitĂ© du volume et l’éloignement gĂ©ographique de ces fonds ne doit pas conduire Ă  la sous-estimation de leur valeur de sources historiques.
Notes
 Sur ce point de la typologie des instruments de recherches : Cf le chapitre 3 de La pratique archiviste française, Direction des Archives de France, Paris, 1993 : « Classement et description : des principes à la pratique » par Christine Nougaret
Correspondence of Francois Aymar de Monteil concerning the Siege of Pensacola, MSS 999, Williams Research Center, The Historic New Orleans Collection
Chaline (Olivier), Bonnichon (Philippe) et Vergennes (Charles-Philippe de) (dir.), Les marines de la guerre d’IndĂ©pendance amĂ©ricaine (1763-1783), Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 2018, 2 tomes
Antoine de Sartine (1729-1801), Ministre de la Marine entre 1774 et 1780
Lettre du chevalier de Monteil à Charles de La Croix de Castries, 7 décembre 1781, MSS 999, 2018.0388.1
Letters regarding Oliver Pollock in New Orleans, MSS 993, Williams Research Center, The Historic New Orleans Collection
John Law and Mississippi Company Collection, MSS 1000, Williams Research Center, The Historic New Orleans Collection.
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ecoledeschartes · 7 years ago
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Portraits de bibliothécaires de la Biblioteca nacional de España (suite)
Jérémy Chaponneau effectue son stage de 4e année à la Biblioteca nacional de España, à Madrid. Voir la carte des stages
María Victoria Salinas Cano de Santayana et la collection des manuscrits médiévaux
En gĂ©nĂ©ral le mot « manuscrit » Ă©voque le latin, le Moyen Âge, le parchemin et les enluminures. Le fleuron de toute bibliothĂšque, c’est sa collection de codices mĂ©diĂ©vaux.
C’est Ă©videmment le cas Ă  la BibliothĂšque nationale d’Espagne, mĂȘme si j’en ai peu parlĂ©. La collection de manuscrits mĂ©diĂ©vaux occidentaux compte environ 2500 piĂšces dont Ă  peu prĂšs un tiers sont enluminĂ©es. C’est la collection la plus importante en volume en Espagne et dans le monde hispanique. Comme pour les autres collections de la BibliothĂšque nationale, le noyau de la collection de manuscrits mĂ©diĂ©vaux vient de la bibliothĂšque royale de Philippe V, enrichie par les confiscations de bibliothĂšques nobiliaires au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle (spĂ©cialement celles des ducs de Mondejar et d’Uceda), par les dĂ©samortissements au siĂšcle suivant (qui font entrer dans les collections nationales les bibliothĂšques de chapitres et monastĂšres importants) et par les achats de bibliothĂšques de particuliers (comme celles de Pascual de Gayangos ou du duc d’Osuna y del Infantado).
L’importance et la variĂ©tĂ© de la collection de manuscrits mĂ©diĂ©vaux rend vaine l’énumĂ©ration des trĂ©sors qu’elle rassemble. La piĂšce la plus ancienne est le CĂłdice de Metz, une compilation carolingienne de traitĂ©s de comput et d’astrologie[1]. Mais les deux piĂšces les plus prĂ©cieuses, du point de vue de l’importance symbolique et de leur rĂŽle dans les reprĂ©sentations de l’hispanitĂ©, sont incontestablement le Codex de Ferdinand Ier et Doña Sancha et le Poema del Cid.
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Beato de Fernando Iy Doña Sancha, « Le dragon transmet son pouvoir Ă  la bĂȘte » (Apocalypse 13, 1-10) [BNE, VITR/14/52, f. 191v]
Le Codex de Ferdinand Ier et Doña Sancha[2] est un Beatus, c’est-Ă -dire un manuscrit confectionnĂ© entre le Xe et le XIIe siĂšcle, contenant, entre autres textes, le Commentaire sur l’Apocalypse composĂ© par le moine lĂ©onais de BĂ©atus de LiĂ©bana au VIIIe siĂšcle et comportant souvent un cycle d’illustrations dĂ©veloppĂ©es sur une page ou sur une double page, sur des bandes de couleurs de fond caractĂ©ristiques. Trente-huit (avec des fragments) manuscrits de ce type subsistent, dont un seul n’a pas Ă©tĂ© produit dans la PĂ©ninsule ibĂ©rique. De cette production typique du nord de l’Espagne mĂ©diĂ©vale, le Beatus de Ferdinand Ier et Doña Sancha, copiĂ© par le scriptor Facundus pour le roi de LĂ©on et sa femme en 1047, se distingue par la richesse de son ornementation. Les feuillets initiaux (f. 10v-17) sont des gĂ©nĂ©alogies rapportĂ©es d’un autre manuscrit. Surtout le texte de l’Apocalypse et du Commentaire de Beatus est illustrĂ© par une centaine de miniatures mozarabes oĂč les spĂ©cialistes discernent des influences romanes, souvent encadrĂ©es et disposĂ©es dans des bandes horizontales colorĂ©es. La vivacitĂ© des couleurs, l’expressivitĂ© des personnages, la virtuositĂ© de l’enlumineur font de ces images de vĂ©ritables chefs-d’Ɠuvre de la peinture mĂ©diĂ©vale.
L’autre vedette de la collection de manuscrits est un petit codex, beaucoup plus fruste que le chatoyant Beato. Il s’agit de l’unique exemplaire conservĂ© du PoĂšme du Cid (El Cantar de mĂ­o Cid) [3], le plus ancien poĂšme Ă©pique castillan dont on possĂšde un texte presque intĂ©gral. On connaĂźt l’histoire de Rodrigo Diaz de Vivar injustement banni par le roi et qui lutte contre les Maures de Valence pour retrouver son honneur et celui de ses filles rĂ©pudiĂ©es par les princes lĂ©onais. Le texte transmis est une synthĂšse de plusieurs versions orales. L’exemplaire est une copie du XIVe siĂšcle d’un texte antĂ©rieur, datĂ© de 1207 et lui-mĂȘme copiĂ© par Per Abat (Pierre l’AbbĂ©), d’oĂč le nom de CĂłdice de Per Abat qu’on donne parfois Ă  ce manuscrit. Le grand nombre des corrections et des annotations de mains diffĂ©rentes et la disparition de quelques feuillets sont des retouches relativement anodines au regard du nombre des pages noircies par des produits chimiques au XIXe siĂšcle pour raviver les encres. Le Poema del Cid a Ă©tĂ© acquis par don en 1960. C’est une des grandes entrĂ©es Ă  la BibliothĂšque au XXe siĂšcle.
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La seule page illustrĂ©e du Poema del Cid [BNE, VITR/7/17, f. 31r]. Les deux visages dans la marge droite reprĂ©sentent peut-ĂȘtre ceux de Doña Sol et de Doña Elvira, les deux filles de Rodrigue.
La collection de manuscrits occidentaux de la BibliothĂšque nationale d’Espagne n’a pas fait l’objet de catalogue sĂ©parĂ©. Il existe de nombreux catalogues spĂ©cialisĂ©s : manuscrits franciscains, manuscrits catalans, manuscrits italiens, manuscrits liturgiques, livres d’heures du XVe siĂšcle, etc. Pour une vue sur l’ensemble de la collection, il faut recourir Ă  l’Inventaire gĂ©nĂ©ral des manuscrits de la BibliothĂšque nationale d’Espagne[4], qui n’est pas un catalogue, qui ne rĂ©pertorie pas seulement les manuscrits mĂ©diĂ©vaux et qui ne couvre que les 11000 premiers manuscrits.
MarĂ­a Victoria Salinas Cano de Santayana est chargĂ©e du catalogage progressif des manuscrits non rĂ©fĂ©rencĂ©s Ă  l’inventaire gĂ©nĂ©ral et de l’intĂ©gration des notices dans la base de donnĂ©es en ligne de la bibliothĂšque. Son travail n’est pas limitĂ© aux seuls manuscrits mĂ©diĂ©vaux mais porte sur tout type de manuscrit hors archives personnelles et fonds spĂ©cifiques (arabe, hĂ©breu, etc.). C’est une entreprise de longue haleine Ă  laquelle elle travaille depuis 1997. AprĂšs des Ă©tudes de gĂ©ographie et d’histoire Ă  l’UniversitĂ© Complutense de Madrid et une maĂźtrise (licenciatura) en Histoire, MarĂ­a Victoria entre Ă  la BibliothĂšque nationale en 1992 comme bibliothĂ©caire au dĂ©partement du Proceso tĂ©cnico, au service de Catalogage et aprĂšs au service des PĂ©riodiques avant d’occuper le poste de jefe de secciĂłn de manuscritos antiguos au dĂ©partement des Manuscrits, Incunables et Livres rares, qui consiste principalement dans le catalogage des collections anciennes. Son expertise technique et professionnelle et sa connaissance des fonds et de l’établissement ont conduit MarĂ­a Victoria Ă  donner une sĂ©rie de cours de formation professionnelle aux bibliothĂ©caires de la BibliothĂšque nationale ou dans le cadre de programmes ibĂ©ro-amĂ©ricains de coopĂ©ration culturelle ou professionnelle. De la mĂȘme façon, elle reprĂ©sente le dĂ©partement des Manuscrits au groupe inter-dĂ©partements de normalisation et au groupe de travail pour l’étude du code de catalogage RDA, tous deux supervisĂ©s par le dĂ©partement du Proceso tĂ©cnico.
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María Victoria Salinas Cano de Santayana, responsable des manuscrits anciens à la Bibliothùque nationale d’Espagne
Cette implication dans les organes de dĂ©finition et de diffusion des pratiques de catalogage dit bien l’importance que MarĂ­a Victoria accorde Ă  la tĂąche du catalogueur qui, pour routiniĂšre qu’elle soit, est une mission essentielle. Au cours de mon stage, j’ai rencontrĂ© bien des personnes heureuses de travailler dans le service des Manuscrits, mais aucune ne me l’a dit de façon aussi explicite de MarĂ­a Victoria. Pour l’étudiante qu’elle fut, habituĂ©e des salles de lecture, passer de l’autre cĂŽtĂ© des banques de salle a Ă©tĂ© comme la rĂ©alisation d’un rĂȘve. Elle reconnaĂźt bien volontiers que c’est un luxe de travailler dans une institution aussi prestigieuse, dans la frĂ©quentation quotidienne d’une collection exceptionnelle, Ă  la diffusion du patrimoine bibliographique de l’Espagne. Personne non plus ne m’a semblĂ© aussi ouvertement consciente et fiĂšre de la mission qu’elle accomplit. Quand je lui demande, un peu vulgairement, de me dĂ©crire en un mot ce que reprĂ©sente pour elle la BibliothĂšque nationale, elle me rĂ©pond qu’un mot n’est pas suffisant ; puis elle insiste pour la dĂ©finir comme la gardienne du patrimoine Ă©crit et sonore de l’Espagne – sobre façon, un peu institutionnelle mais tout Ă  fait mĂ©tonymique, de dĂ©signer son propre travail !
Notes
MSS/3307, consultable en reproduction numérique sur le site de la Biblioteca Digital Hispånica : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000122617&page=1
VITR/14/2, consultable en reproduction numérique sur le site de la Biblioteca Digital Hispånica : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000051522
VITR/7/17, consultable en reproduction numérique sur le site de la Biblioteca Digital Hispånica : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000036451&page=1
Inventario General de Manuscritos de la Biblioteca Nacional, Madrid : Biblioteca Nacional, 1953-2002, 15 vol. La publication sous forme imprimĂ©e de l’inventaire a cessĂ© en 2002. A partir du manuscrit 11001, les notices sont intĂ©grĂ©es directement Ă  la base de donnĂ©es de la bibliothĂšque et consultables en ligne dans le catalogue.
Sergio de Melón Rodilla et les papiers de Rafael del Riego à la Bibliothùque nationale d’Espagne
On finirait par croire qu’il n’y a que des littĂ©raires qui travaillent au dĂ©partement des manuscrits de la BibliothĂšque nationale d’Espagne. Dans les portraits prĂ©cĂ©dents, j’ai prĂ©sentĂ© trois diplĂŽmĂ©es en philologie, une latiniste, une hĂ©braĂŻsante, une hispaniste. VoilĂ  enfin le profil un peu diffĂ©rent d’un bibliothĂ©caire aux goĂ»ts un peu plus proches de ceux des Ă©lĂšves de l’École.
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Sergio Melón Rodilla à son bureau dans la salle de travail du département des Manuscrits
Sergio MelĂłn Rodilla est bibliothĂ©caire au service des manuscrits et incunables oĂč il occupe un poste de jefe de secciĂłn de biblioteca (« chef de section de bibliothĂšque ») qui ici, en dĂ©pit de son titre, Ă©quivaut pratiquement Ă  celui de catalogueur Ă  la BnF : c’est le mĂȘme travail de catalogage, de prĂ©sidence de salle, de rĂ©ponse aux questions des chercheurs, de prĂ©paration des supports techniques des expositions et de responsabilitĂ© de certaines visites. Le dĂ©roulement de la carriĂšre est identique. AprĂšs des Ă©tudes d’archĂ©ologie des mondes antiques Ă  l’universitĂ© de LeĂłn qui ne le prĂ©disposait pas aux bibliothĂšques, Sergio intĂšgre la bibliothĂšque comme auxiliar (magasinier) au SalĂłn general (qui est un peu comme l’ancien « DĂ©partement des imprimĂ©s » parisien) puis au service du site web de la BibliothĂšque nationale, et aprĂšs presque dix ans de mĂ©tier passe le concours de bibliothĂ©caire et obtient en 2013 son poste actuel aux Manuscrits.
Il y a quatre agents titulaires au service des manuscrits et incunables. Ce petit nombre interdit aux bibliothĂ©caires de s’enfermer dans leur spĂ©cialitĂ©, ce qui rend le travail sur les fonds extrĂȘmement variĂ© et certainement fort agrĂ©able par sa variĂ©tĂ©. Ainsi Sergio s’occupe principalement des archives personnelles – c’est l’urgence actuelle au dĂ©partement – mais il travaille Ă©galement Ă  la rĂ©troconversion et Ă  la rĂ©vision du catalogue des manuscrits grecs[1]. Il prĂ©fĂšre cataloguer des manuscrits ou des archives Ă  dimension historique, mais il s’est occupĂ© par exemple des archives du romancier Ángel MarĂ­a de Lera (1912-1984), qui certes Ă©voquent l’histoire de la gauche en Espagne au XXe siĂšcle, mais aussi de la correspondance du critique Guillermo de Torre (1900-1971), familier de Borges, tenant de l’ultraĂŻsme et spĂ©cialiste de l’avant-garde. Cette diversitĂ© qui pourrait ĂȘtre effrayante, Sergio la vit comme une chance qui lui permet le mĂȘme jour de parcourir le Beato de Fernando I y Doña Sancha et une lettre dactylographiĂ©e du XXe siĂšcle et de jouir d’un point de vue privilĂ©giĂ© sur l’immensitĂ© des collections.
Lorsque je lui demande quel est le lieu qu’il prĂ©fĂšre dans le palais de la bibliothĂšque, Sergio me rĂ©pond : « les magasins ». Cela dit beaucoup de l’importance qu’il accorde dans son travail aux papiers, aux collections. Cette prioritĂ© accordĂ©e au contact quotidien avec les documents explique que pour rien au monde il ne changerait de mĂ©tier, ni pour un poste plus Ă©levĂ© dans la hiĂ©rarchie, ni pour une autre bibliothĂšque, pas mĂȘme pour une bibliothĂšque des Asturies d’oĂč il est originaire – et on n’imagine pourtant pas combien en Espagne est fort (et d’une force inimaginable en France) le sentiment d’appartenance Ă  la rĂ©gion natale. Mais le plaisir de manipuler, de lire et de rendre lisible et accessible des documents anciens de grande valeur ou de premier intĂ©rĂȘt vaut tous les attachements, surtout quand, en plus, ces documents rencontrent vos propres curiositĂ©s. Sergio, en effet, a plutĂŽt la fibre historienne. Il s’est ainsi fait une spĂ©cialitĂ© des fonds d’archives relatifs aux acteurs de l’histoire de l’Espagne conservĂ©s Ă  la BibliothĂšque nationale, comme les papiers de Rafael del Riego qu’il est en train de cataloguer.
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Portrait de Rafael del Riego (lithographie de Hippolyte Lecomte, Paris, 1820) [BNE, département des Beaux-Arts, IH/7807/1G]
L’histoire de l’Espagne au XIXe siĂšcle est aussi mouvementĂ©e et violente que la nĂŽtre. Qu’elle nous soit en gĂ©nĂ©ral Ă  peu prĂšs Ă©trangĂšre nous la rend encore plus compliquĂ©e. On me pardonnera de prĂ©senter en quelques lignes, grĂące Ă  Sergio, le gĂ©nĂ©ral Rafael del Riego qui a jouĂ© un rĂŽle de premier plan avant et pendant le Triennat libĂ©ral (1820-1823), brĂšve pĂ©riode de monarchie constitutionnelle imposĂ©e Ă  Ferdinand VII. Riego est nĂ© en 1784 dans les Asturies. Fait prisonnier en France pendant la guerre d’IndĂ©pendance, voyageant en Angleterre et en Allemagne, il y dĂ©couvre les idĂ©es libĂ©rales et s’y initie Ă  la maçonnerie. À partir de son retour en Espagne en 1814, alors que Ferdinand VII restaure la monarchie absolue, Riego conspire pendant plusieurs annĂ©es pour le rĂ©tablissement de la constitution de 1812. Commandant un bataillon de l’armĂ©e rĂ©unie en 1819 en prĂ©vision d’une expĂ©dition en AmĂ©rique, il se joint Ă  une conspiration de gĂ©nĂ©raux libĂ©raux. Il prend la tĂȘte de cette mutinerie aprĂšs l’arrestation des principaux chefs. Le 1er janvier 1820, il proclame le rĂ©tablissement de la constitution dans une dĂ©claration qui est le premier pronunciamiento de l’histoire espagnole[1] et qui aboutit, malgrĂ© l’indiffĂ©rence et les rĂ©sistances et aprĂšs plusieurs revers et tentatives d’insurrection en Andalousie, en Galice et Ă  Madrid, Ă  l’instauration d’une monarchie constitutionnelle en mars 1820. Mais aprĂšs son entrĂ©e triomphale Ă  Madrid, accusĂ© de rĂ©publicanisme, Rafael del Riego est contraint Ă  l’éloignement dont il ne sort qu’en mars 1822 grĂące Ă  son Ă©lection aux Cortes generales dont il fut Ă©lu prĂ©sident. Mais l’obstruction royale et l’intervention française des « cent mille fils de Saint Louis » eurent raison des trois annĂ©es d’expĂ©rience constitutionnelle et libĂ©rale. ArrĂȘtĂ© prĂšs de JaĂ©n en septembre 1823 aprĂšs la dĂ©faite des troupes qu’il commandait, Riego est exĂ©cutĂ© Ă  Madrid en novembre.
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Lettre autographe de Rafael de Riego à sa femme au sujet du départ de celle-ci à Londres, datée de Malaga, le 9 septembre 1823, quelques jours avant sa capture [BNE, MSS/20270/38]
Le rĂŽle historique de Rafael del Riego fait de ses papiers une source essentielle pour l’histoire du dĂ©but du XIXe siĂšcle espagnol. ConservĂ©s et classĂ©s par son frĂšre, puis achetĂ© Ă  un de ses descendants par la bibliothĂšque en 1930, les papiers de Riego sont regroupĂ©s sous les cotes MSS/20270/1 Ă  268 et concernent essentiellement son activitĂ© politique et militaire entre 1820 et 1823, ce qui en fait un fond extrĂȘmement cohĂ©rent et une source fondamentale pour l’histoire du Triennat libĂ©ral. Mis Ă  part les piĂšces relatives Ă  la famille ou Ă  la carriĂšre du gĂ©nĂ©ral, on y rencontre principalement deux types de documents, sous forme d’autographes ou de copies contemporaines : d’une part la correspondance passive de Riego, en particulier avec d’autres libĂ©raux comme l’homme politique AgustĂ­n ArgĂŒelles (1776-1844) ou les gĂ©nĂ©raux Espoz y Mina (1781-1836) et Villacampa (1776-1854), d’autre part les Ă©crits de Riego, mĂ©moires justificatifs, textes de plusieurs dĂ©clarations, rapports de type administratif ou militaire. Le fonds permet ainsi Ă  la fois de saisir sur le vif les ressorts individuels et biographiques de l’action d’un personnage de premier plan et d’apprĂ©hender le contexte et les relations dans lesquelles elle s’inscrit. Mais au-delĂ  de l’importance du fonds comme source de l’histoire, la figure un peu mythologique de Rafael del Riego comme hĂ©ros martyr de la libertĂ© dont le portrait est aujourd’hui accrochĂ© Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s, qui a donnĂ© son nom Ă  l’hymne de la Seconde RĂ©publique[3] et un nom Ă  un mode spĂ©cifique de prise du pouvoir, confĂšrent Ă  ses papiers conservĂ©s Ă  la BibliothĂšque nationale une importance symbolique et sentimentale, une poĂ©sie un peu particuliĂšre qui n’est pas sans Ă©mouvoir celui qui les catalogue aujourd’hui – comme toujours Ă  la bibliothĂšque, mĂȘme sous la poussiĂšre des papiers historiques, voilĂ  revenue la littĂ©rature !
Notes
Le dernier catalogue imprimĂ© des manuscrits grecs de la BNE est le suivant : Gregorio de AndrĂ©s, CatĂĄlogo de los CĂłdices Griegos de la Biblioteca Nacional, Madrid : Ministerio de la Cultura, DirecciĂłn general del libro y bibliotecas, 1987. Le fonds compte 379 codices. Les plus importants de ces manuscrits proviennent de la bibliothĂšque du duc d’Uceda confisquĂ©e par Philippe V en 1711. Le duc d’Uceda fut vice-roi de Sicile en 1687 mais une rĂ©volte le chassa de Palerme en 1698. Il emporta alors avec lui la bibliothĂšque et les archives de la vice-royautĂ© qui contenaient depuis 1674 la bibliothĂšque de la cathĂ©drale de Messine. La collection du duc d’Uceda comprenait ainsi un grand nombre de manuscrits grecs d’une trĂšs grande valeur, comme la trĂšs belle copie enluminĂ©e de l’Historia Byzantina de Joannes Scylitza rĂ©alisĂ©e aux XII-XIIIe siĂšcles (VITR/26/2) ou les manuscrits grecs que Constantin Lascaris (c. 1434-1501) lĂ©gua Ă  sa mort Ă  la cathĂ©drale de Messine.
La dĂ©claration faite par Riego Ă  Las Cabezas de San Juan (province de SĂ©ville) du 1er janvier 1820 n’est pas exactement le premier pronunciamiento de l’histoire espagnole. Le 17 avril 1814, le gĂ©nĂ©ral ElĂ­o (1767-1822) publia une dĂ©claration par laquelle il met ses troupes Ă  la disposition du roi Ferdinand VII tout juste rentrĂ© de son exil en France et dĂ©terminĂ© Ă  ne pas respecter la condition Ă  son retour exigĂ©e par les Cortes : l’acceptation de la constitution de 1812. La dĂ©claration d’ElĂ­o est dans les faits le premier pronunciamiento. Mais celle de Riego est la premiĂšre Ă  ĂȘtre qualifiĂ©e de « pronunciamiento » en raison de l’emploi du mot dans le texte mĂȘme.
Les paroles de l’Himno de Riego ont Ă©tĂ© Ă©crites par Evaristo San Miguel, soldat ami de Riego, Ă  la suite du pronunciamiento de 1820 ; on ignore le nom du compositeur de la musique. L’hymne fut l’hymne officiel de la monarchie constitutionnelle entre 1822 et 1823, de la PremiĂšre RĂ©publique en concurrence avec la Marche royale (1873-1874), et de la Seconde RĂ©publique (1931-1939).
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ecoledeschartes · 7 years ago
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En quĂȘte d'archives. The mysterious workshop from Saint-Porchaire during the French Renaissance
Anne-Claire Bourgeon effectue son stage de 4e année à The Frick Collection (New York). Voir la carte des stages
« Le sphinx de la curiosité »[1].
Comme je vous l'indiquais dans mon précédent article, ma mission principale consiste à faire des recherches sur la céramique de Saint-Porchaire, dont le musée possÚde quelques modÚles. Je m'occupe donc d'étoffer le dossier scientifique de ces objets en vue d'une prochaine exposition.
Bien qu’elle ait Ă©tĂ© le sujet d’exposition et de publications[2], la cĂ©ramique de Saint-Porchaire demeure Ă©nigmatique. Localisation de l’atelier, identitĂ© des artisans, sphĂšre des protecteurs : les donnĂ©es fondamentales sont encore sujettes Ă  discussion.
Reconnaissable par sa couleur blanche et ses dĂ©cors raffinĂ©s, la cĂ©ramique de Saint-Porchaire fut fabriquĂ©e dans la premiĂšre moitiĂ© du XVIe siĂšcle pour une clientĂšle issue de la haute noblesse[3]. DĂšs leur crĂ©ation, ces objets eurent une fonction dĂ©corative et non utilitaire. Ils ont leur place dans un cabinet de curiositĂ©, ou sont exposĂ©s occasionnellement, mais sont rarement considĂ©rĂ©s comme du mobilier de cuisine. C’est du moins ce que suggĂšrent les inventaires qui mentionnent coupes et autre aiguiĂšres « en terre de Saint-Porchaire ».
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Recueil de toutes les piĂšces connues jusqu’à ce jour de la faĂŻence française dite de Henri II et Diane de Poitiers, dessinĂ©es par Carle Delange, Henri et Carle Delange, 1861
Un temps qualifiĂ©e de faĂŻence des Valois, attribuĂ©e mĂȘme Ă  des artistes italiens tels Della Robbia ou Giulio Romano, cette cĂ©ramique est aujourd’hui indissociable du nom de Saint-Porchaire[4], et s’est vue confirmĂ©e son identitĂ© française. On doit l’appellation Ă  Edmond BonnaffĂ©, un historien du XIXe qui retrouve leur trace dans des inventaires aprĂšs dĂ©cĂšs, notamment celui de François de la TrĂ©moĂŻlle[5]. Toutefois les indications ne sont pas suffisantes pour dĂ©terminer la localisation du ou des ateliers de fabrication. On parle souvent dans les inventaires de « terre de Saint-Porchaire », ce qui ne confirme pas que les Ɠuvres aient Ă©tĂ© conçues lĂ -bas. L’atelier pouvait en effet utiliser la terre de Saint-Porchaire, rĂ©putĂ©e pour sa couleur blanche[6], tout en Ă©tant Ă©tabli Ă  Paris. Reste que les heureux possesseurs de cette cĂ©ramique sont presque tous des familles Ă©tablies dans le Poitou au XVIe siĂšcle. Il y a quelques annĂ©es, la piste d’un atelier parisien a Ă©tĂ© relancĂ©e lorsque des fouilles aux Tuileries ont mis au jour, dans l’atelier de Bernard Palissy, des moules aux motifs ressemblant Ă©trangement Ă  ceux de la cĂ©ramique de Saint-Porchaire. Bernard Palissy, le cĂ©lĂšbre auteur des rustiques figulines, pourrait-il ĂȘtre l’émailleur de la dite cĂ©ramique ? Des questions de datation empĂȘchent qu’il en soit l’instigateur, mais il aurait trĂšs bien pu reprendre l’atelier. Vous l’aurez compris, la cĂ©ramique n’a pas livrĂ© tous ses secrets.
Retour aux sources
Aujourd’hui le corpus compte environ soixante-dix Ɠuvres, rĂ©parties dans les collections privĂ©es et publiques. Si l’on a pu suivre le parcours de certaines depuis le XIXe, retracer leur itinĂ©raire depuis la Renaissance est affaire plus compliquĂ©e. Dans un premier temps, je suis chargĂ©e d’établir un Ă©tat des sources : indiquer oĂč sont conservĂ©s les inventaires aprĂšs dĂ©cĂšs qui mentionnent avec certitude la cĂ©ramique de Saint-Porchaire. Mais je suis aussi Ă  la recherche de nouvelles pistes dans les archives. Deux limites confinent ma recherche : celle du cercle de la clientĂšle, puisqu’il ne s’agit que de familles nobles, et celle du cadre gĂ©ographique : je me contente des diffĂ©rents dĂ©partements du Poitou, et bien sĂ»r de Paris.
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DĂ©tail de dĂ©cor d’une coupe de Saint-Porchaire aux armoiries des Montmorency-Laval, conservĂ©e au MusĂ©e de l’Ermitage, Saint-PĂ©tersbourg, NF 422
Il a d’abord fallu identifier et localiser les grands fiefs du Poitou au XVIe siĂšcle. ConnaĂźtre le nom des familles et des chĂąteaux Ă©tait essentiel pour savoir que chercher. Cela permettait aussi de dresser une gĂ©nĂ©alogie, d’établir les alliances et les hiĂ©rarchies des grandes maisons. Il n’est pas rare en effet que les objets se dĂ©placent : ils peuvent ĂȘtre offerts en cadeaux ou Ă©changĂ©s contre des dettes, passer d’une famille Ă  l’autre lors d’un mariage etc.
ParallĂšlement, j’ai dĂ©pouillĂ©[7] les inventaires sommaires des sĂ©ries E et J dans les diffĂ©rents services d’Archives dĂ©partementales, espĂ©rant trouver des IAD, des comptes de dĂ©penses, ou encore des procĂšs qui pouvaient Ă©voquer le mobilier. Titres de fĂ©odalitĂ© et fonds privĂ©s ont pu m’apporter quelques pistes, de mĂȘme que les minutes notariales, lorsqu’elles sont conservĂ©es.
Une deuxiĂšme voie dans cette recherche est l’identification des armoiries apposĂ©es sur un petit groupe d’objets. Certaines sont facilement reconnaissables et dirigent mes investigations d’inventaires, d’autres demandent plus de temps. Enfin, je prospecte aussi dans les inventaires aprĂšs dĂ©cĂšs des figures parisiennes d’importance  sur la pĂ©riode 1530-1570, amatrices d’art et susceptibles d’avoir Ă©tĂ© des commanditaires.
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La bibliothĂšque de la Frick Collection, et le Met Cloisters (merci Ă  Giana et BĂ©rengĂšre pour les photos)
Pour l’heure, j’ai Ă©tabli un sorte de guide de recherche : j’ai sĂ©lectionnĂ© les cotes Ă  consulter et priorisĂ© les dĂ©pouillements Ă  faire, en mettant Ă  disposition les inventaires sommaires. J’ai Ă©galement rassemblĂ© les informations sur les familles poitevines en question. Ce travail est passionnant, et ma seule frustration est de ne pouvoir aller consulter les archives sur place.
Mon cadre quotidien est celui de la bibliothĂšque de la Frick, une des bibliothĂšques d’histoire de l’art les plus importantes Ă  New York. Le systĂšme de l’Interlibrary loan me permet Ă©galement de faire venir nombre d’ouvrages conservĂ©s sur tout le territoire amĂ©ricain, un vĂ©ritable atout.
Quant Ă  mes autres activitĂ©s, elles dĂ©pendent du calendrier new-yorkais et de celui du musĂ©e. À la fin de la semaine se tiendra par exemple la TEFAF, « the world’s leading fair for arts, antiques and design », une foire internationale oĂč s’exposent les antiquaires, et oĂč chacun vient faire son marchĂ©. J’ai la chance de pouvoir y aller en compagnie de Geoffrey Ripert, l’assistant de conservation de ma directrice de stage, qui m’a chaleureusement accueillie depuis le dĂ©but.
Notes
Expression de Louis Clément de Ris, « Les faïences de Henri II », Gazette des Beaux-Arts, 1860, 32.
« Une orfĂšvrerie de terre. Bernard Palissy et la cĂ©ramique de Saint-Porchaire », exposition au MusĂ©e national de la Renaissance, ChĂąteau d’Ecouen, septembre 1997-janvier 1998 ; Saint-Porchaire Ceramics, Daphne Barbour et Shelley Sturman, National Gallery of Art, Washington, 1996.
Citons les La Trémoïlle ou les Montmorency-Laval.
Localité située dans le département des Deux-SÚvres.
Inventaire dressé en 1553, conservé dans le chartrier de Thouars, Archives Nationales, 1AP/253/*.
La couleur de cette terre est due à la forte présence de kaolin.
J’ai d’ailleurs rencontrĂ© des prĂ©noms fĂ©minins qui ne semblent plus ĂȘtre Ă  la mode aujourd’hui, tels Gillette, Robinette, Jacquette, Philippe ou encore Bertrande.
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ecoledeschartes · 7 years ago
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La RĂ©serve des livres rares de la BibliothĂšque nationale de Russie
Élisabeth Sosson effectue son stage de 4e annĂ©e Ă  la BibliothĂšque nationale de Russie, Ă  Saint-PĂ©tersbourg. Voir la carte des stages 
La crĂ©ation de la RĂ©serve des livres rares remonte Ă  la moitiĂ© du XIXe siĂšcle et, plus prĂ©cisĂ©ment, Ă  l’annĂ©e 1857. Aujourd’hui, ce dĂ©partement prestigieux conserve prĂšs de 70 000 volumes, parmi lesquels figurent notamment le premier ensemble de proto-imprimĂ©s russes du pays. Au total, 16 collections occupent les rayonnages de la RĂ©serve. Nous avons choisi d’en prĂ©senter quelques-unes.
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La Réserve des livres rares, un véritable dédale

1) Les incunables. Ils sont Ă  l’origine de la naissance de la RĂ©serve, puisque la crĂ©ation de celle-ci rĂ©sulte de l’extraction des 7 000 incunables conservĂ©s par la BibliothĂšque nationale du fonds gĂ©nĂ©ral. Par ailleurs, ces imprimĂ©s du XVe siĂšcle, principalement italiens et allemands (telle une Ă©dition de l’Histoire de MĂ©lusine de Jean d’Arras), occupent une place de choix, Ă©tant conservĂ©s dans une piĂšce spĂ©ciale baptisĂ©e le « cabinet de Faust ». La dĂ©coration de cette salle au nom Ă©vocateur est typique de la maniĂšre dont la gĂ©nĂ©ration romantique se reprĂ©sentait une bibliothĂšque du Moyen Âge finissant.
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Le cabinet de Faust, reliquaire des incunables

2) Les Ă©ditions europĂ©ennes du XVIe siĂšcle. La RĂ©serve en abrite environ 16 000, issues du DĂ©partement des imprimĂ©s europĂ©ens. Un va-et-vient constant avec cet autre dĂ©partement de la BibliothĂšque s’avĂšre donc indispensable pour remettre cette collection en perspective. Parmi les heureux Ă©lus conservĂ©s Ă  la RĂ©serve, on trouve par exemple une vingtaine de livres d’heures parisiens enluminĂ©s, ou bien un exemplaire de l’Historia de Gentibus Septentrionalibus (ouvrage imprimĂ© Ă  Rome en 1555 par Olaus Magnus) annotĂ© par Le Tasse, l’auteur de la cĂ©lĂšbre JĂ©rusalem dĂ©livrĂ©e.
3) Les publications en alphabet glagolitique. DerriĂšre ce nom exotique pour une oreille française se cache le plus ancien alphabet utilisĂ© par les peuples slaves pour la rĂ©daction des textes liturgiques. Son emploi s’est maintenu jusqu’à l’époque moderne dans quelques rĂ©gions, en particulier les actuelles RĂ©publique tchĂšque et Croatie, rĂ©tives au cyrillique. Point intĂ©ressant : cet alphabet fut aussi bien employĂ© par les orthodoxes que par les catholiques et les protestants ; il n’était donc en rien l’apanage d’une communautĂ© religieuse spĂ©cifique. Le fonds conservĂ© par la BibliothĂšque nationale a Ă©tĂ© constituĂ©e autour d’une petite collection acquise auprĂšs d’un collectionneur en 1874, dont le joyau est un missel imprimĂ© Ă  Prague en 1483.
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Le missel de Prague, premier ouvrage imprimé en caractÚres glagolitiques, en 1483
4) Les ouvrages en cyrillique. Couvrant une pĂ©riode allant des dĂ©buts de l’imprimerie jusqu’à l’annĂ©e 1801, cette collection riche de quelques 7 000 volumes comprend la totalitĂ© des incunables en cyrillique connus. En outre, y sont prĂ©sentes des Ă©ditions du biĂ©lorusse Franzisk Skarina (Ă  qui l’on doit l’impression de la premiĂšre Bible slave Ă  Prague, entre 1517 et 1519) et celles d’Ivan Fiodorov, premier imprimeur russe, dĂ©cĂ©dĂ© en 1583. Enfin, on signalera les nombreux ouvrages issus des presses clandestines contrĂŽlĂ©es par les vieux croyants, dissidents religieux hostiles Ă  la rĂ©forme de l’Église orthodoxe en 1666-1667.
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Une page du psautier d’Ivan Fiodorov (1570)
5) Les tĂ©moins de l’orthographe civile. Pierre le Grand, parmi ses nombreuses rĂ©formes, n’hĂ©sita pas Ă  s’atteler Ă  une modernisation de l’orthographe qu’il imposa, en 1708, aux livres sĂ©culiers. Aussi, la RĂ©serve des livres rares compte parmi ses collections les premiers imprimĂ©s respectant cette nouvelle maniĂšre d’écrire, dont la pĂ©riode de publication s’étend de 1708 Ă  la mort du tzar, en 1725. DĂ©crets impĂ©riaux, titres consacrĂ©s aux mathĂ©matiques, Ă  l’art militaire, Ă  la navigation, mais aussi numĂ©ros du premier journal russe, Vedomosti, font par exemple partie de ce fonds.
6) Les piĂšces relatives Ă  la Commune parisienne. Peut-ĂȘtre inattendue hors de nos frontiĂšres, cette collection d’éphĂ©mĂšres de toutes sortes fut constituĂ©e par EugĂšne Muntz au moment des Ă©vĂ©nements suivant la dĂ©faite de Sedan puis acquise dĂšs 1872 par la BibliothĂšque nationale, grĂące Ă  l’entremise de Pierre Lavrov, qui Ă©tait l’un des chefs de file du mouvement rĂ©volutionnaire Narodnaia Volia (la VolontĂ© du Peuple). Elle illustre en rĂ©alitĂ© parfaitement l’intĂ©rĂȘt portĂ© par les opposants du tsar aux publications rĂ©volutionnaires françaises, que l’on retrouve dans d’autres bibliothĂšques russes.
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La défaite de Sedan déchaßne les opposants au pouvoir de « Napoléon le petit »
7) La bibliothùque de Voltaire, dont nous parlerons plus amplement dans un prochain article car c’est sur cette collection que se concentre mon travail en tant que stagiaire.
8) La collection d’éditions aldines. L’existence d’un tel fonds n’a rien de vraiment original au sein d’un Ă©tablissement tel que la BibliothĂšque nationale, chaque grande bibliothĂšque ayant pour ambition de rĂ©unir la totalitĂ© des livres sortis au XVIe siĂšcle des presses vĂ©nitiennes d’Aldo Manucci et de ses successeurs. Toutefois, l’une des missions qui m’ont Ă©tĂ© confiĂ©es dans le cadre de ce stage consiste Ă  revenir sur l’inventaire des 900 volumes conservĂ©s Ă  la RĂ©serve. Ce document, rĂ©digĂ© dans les annĂ©es 1950, avait fait l’objet d’une vĂ©rification Ă  la fin des annĂ©es 1980, sans que cette opĂ©ration n’ait Ă©tĂ© rĂ©itĂ©rĂ©e par la suite, en dĂ©pit des nouvelles acquisitions effectuĂ©es. Sous l’égide de l’un des bibliothĂ©caires, il me revient donc de confirmer les identifications proposĂ©es dans cet inventaire papier et de le convertir sous format Ă©lectronique, tout en complĂ©tant les informations fournies. Si un tel travail n’a pu ĂȘtre rĂ©alisĂ© jusqu’à prĂ©sent, c’est en partie parce que les bibliothĂ©caires francophones font dĂ©faut au sein du personnel ; or, le principal catalogue des Ă©ditions aldines a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© en français. Ma tĂąche premiĂšre est donc celle d’un traducteur. Cependant, j’ai Ă©galement Ă  mettre Ă  profit d’autres compĂ©tences, allant de la bibliographie matĂ©rielle Ă  la palĂ©ographie, en passant par la lecture du grec ancien. De fait, une attention particuliĂšre est donnĂ©e Ă  la lecture des ex-libris prĂ©sents sur les ouvrages, ainsi qu’à la description et Ă  la datation des reliures ou au signalement de pages manquantes. Ces Ă©lĂ©ments permettent de mettre en avant la circulation importante de ces ouvrages, trĂšs tĂŽt recherchĂ©s par les collectionneurs.
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Au dĂ©tour d’un ouvrage surgit Notre-Dame de Smolensk, l’une des icĂŽnes les plus vĂ©nĂ©rĂ©es de Russie, au milieu d’autres figures moins solennelles

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