#adorez
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vinstinx · 10 months ago
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Pistes pour le tome III jvlivs(not srs)
1. Comes out as gay. Lives his best life with his boyfriend in marseille. Et fuck guilty qui je le headcanon as homophobic that’s why he left SCH in 2021. Man said I hate gay people. (Nah more srsly I really hope guilty/sch duo isn’t dead yet we need him)
2. Il se tue. Genre derniĂšre track sur une instru bien mafieuse t’as captĂ© ET BOOM gunshot.
Ou 3. Il dĂ©cide d’aller refaire sa vie au nord de la France dans la rĂ©gion de la Normandie, plus prĂ©cisĂ©ment vers Alençon oĂč il fait la rencontre d’un certain AurĂ©lien avec lequel ils s’auto nomment “les Neptunes de Caen” (fuck Skread)
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solaaresque · 2 years ago
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ok im off to bed. gn gays <3
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lilias42 · 2 years ago
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Un autre UA en cours et qu'on tente de garder sous contrĂŽle : "Tout ce que je veux, c'est te revoir..." (ou Lambert survit), acte 1.
Bon, j'ai un nouveau UA qui est arrivĂ© dans ma tĂȘte... donc, le voici. ça fait une petite pause avec CF vu que bon, au bout d'un an, j'avais vraiment besoin d'une pause... et qui finit en moins "et tout le monde crĂšve, pis y a la rĂ©volution et les mĂ©chants sont fini avec tout le monde qui est heureux dans la rĂ©incarnation" , lĂ , mĂȘme si ça va ĂȘtre un peu long, on a une fin heureuse en moins de dix ans pour la relation principale, et moins de soixante pour la fin heureuse pour tout le monde. LĂ , c'est moins d'un an pour l'avoir !
Pour que tout le monde s'y retrouve :
-on est dans le mĂȘme contexte que dans le prĂ©-canon de CF. Comme pour ma voie dorĂ©e en AM, je garde les mĂȘmes rĂšgles et Ă©lĂ©ments que dans ma fanon sauf qu'on est Ă  un moment diffĂ©rent.
-Pour le contexte de mon pré-Duscur, il est déjà posté sur ce blog alors, vous pouvez vous référer à ce billet si vous voulez plus de détail.
-ici, on est pile aprÚs la Tragédie sauf que contrairement au canon, Lambert survit. Je ne vous donne pas plus de détail, tout est dans ce qui suit.
-deux points de vocabulaires : "bled / bleds" est l'ancienne orthographe du mot "blé" et jusqu'au XIXe siÚcle, on utilisait ce mot aussi pour parler toutes les céréales panifiables, rien à voir avec le "bled" contemporain, et une "géline" est l'ancien nom des poules, ce qui est également un mot médiéval / moderne (on pouvait par exemple devoir un quart de géline tous les ans à son seigneur alors, on lui ramenait une poule tous les quatre ans). Les personnages vivants dans un univers de fantasy, je trouvais que cela collait d'utiliser des mots de vieux français.
Comme toujours, si vous avez des questions, vous pouvez me les poser sans problĂšme.
Je vais essayer de faire tenir cette histoire en 3 parties (qui s'appelle acte ici car j'avais envie et que ça sonnait bien avec le dĂ©coupage de l'histoire Ă  mon avis). Je vais essayer de garder ça sous contrĂŽle et ne pas trop exploser les compteurs avec une histoire interminables alors, je vais essayer de me limiter Ă  3 (ou au pire, je couperais l'acte 2 ou l'acte 3 en deux, mĂȘme si j'aimerais Ă©viter mas bon, on verra bien).
Donc ! C'est parti pour ce dérivé de CF ! Pour rester dans mes anciens titres qui sont des descriptions, il s'appelle "Lambert qui survit" et sinon, je pense que ce serait "Tout ce que je veux, c'est te revoir..." (si je ne change pas d'avis entre temps).
Et un grand coucou à @ladyniniane ! C'est ce dont je t'avais parlé et merci pour tes conseils !
Avertissement ! Si vous aimez Lambert, passez votre chemin ! Je ne vais pas ĂȘtre tendre avec lui !
+mĂȘme si c'est plus dans la seconde partie, il y a des situations de dĂ©pression et de dĂ©sespoir avec quelqu'un qui se sent vraiment au plus profond du trou. Ce n'est surement pas aussi fort que pour Dimitri mais, je prĂ©fĂšre vous prĂ©venir au cas oĂč vous ĂȘtes sensibles Ă  ses sujets.
Acte 1
Rodrigue tenait FĂ©lix par les Ă©paules alors qu’ils avançaient difficilement entre les autres familles dĂ©jĂ  arrivĂ©es, cherchant des nouvelles, des informations, des confirmations de leur inquiĂ©tude ou le miracle d’une angoisse infondĂ©e mĂȘme si personne n’en avait, quelque chose
 cela faisait une semaine, mĂȘme moins pour l’arrivĂ©e des nouvelles et personne n’arrivait encore Ă  y croire
 enfin, Ă  part tous ceux qui savait que cela tournerait mal, l’avait hurlĂ© Ă  corps et Ă  cri, tout fait pour l’empĂȘcher mais, mĂȘme eux n’auraient pas imaginĂ© un fiasco pareil

« Rodrigue ! On m’a annoncĂ© votre arrivé ! La DĂ©esse soit louĂ©e ! Vous ĂȘtes là !
Le pĂšre leva la tĂȘte et vit Gustave arriver Ă  grands pas vers eux, l’air grave et sombre, visiblement Ă©puisĂ©, un paquet dans ses bras.
– Oui, nous avons sautĂ© sur notre monture dĂšs qu’on a su, Alix s’occupe de Fraldarius et de gĂ©rer les Ă©missaires de l’Alliance. Quelles sont les derniĂšres nouvelles ? Le questionna-t-il, mort d’inquiĂ©tude. Le messager s’est Ă©vanoui de fatigue avant de nous dire quoi que ce soit
 et

– OĂč est Glenn ? Le devança FĂ©lix. Il n’est pas là ? Et oĂč est Nicola ? Et Jacques ?
– Merci pour votre vitesse
 il glissa son regard vers le louveteau, hĂ©sitant avant de dire quoi que ce soit devant lui. Je prĂ©fĂšre vous en parler entres adultes pour les informations plus
 sensibles

– Glenn, c’est pas sensible. OĂč est mon frĂšre ?! OĂč est Nicola ? OĂč est Jacques ? Pourquoi personne du convoi n’est là ? Et Dimitri ?
– Son Altesse est revenue, tout comme Sa MajestĂ©, tenta de le rassurer Gustave. Ils sont gravement blessĂ©s mais heureusement, ils ont Ă©tĂ© rapidement pris en charge par les villageois des environs qui ont Ă©tĂ© alertĂ©s par l’incendie, ce qui leur a surement sauvĂ© la vie. Cependant, Son Altesse a Ă©tĂ© blessĂ©e par nos hommes pour dĂ©fendre le fils de la maison qui les a recueillis, ils ont cru que cette famille les avait pris en otage. Heureusement, le Flutiste des Glaces soit louĂ©, Areadbhar est arrivĂ©e Ă  le maintenir en vie, il va s’en sortir.
Rodrigue eut un petit soupir de soulagement, rassurĂ© de savoir Dimitri en vie mĂȘme si du peu qu’il savait sur ce qui s’était passĂ©, seulement survivre serait une Ă©preuve trĂšs difficile pour lui
 pour n’importe qui faisant partie du convoi et qui Ă©tait revenu d’ailleurs
 Glenn, Nicola et Jacques auraient besoin de beaucoup de repos et de soin pour s’en remettre. Il ferait tout pour qu’ils puissent se rĂ©tablir en paix Ă  Fraldarius, l’eau du lac les soignerait et les protĂ©gerait
 
 
 et se serait plus sĂ»r pour le Royaume d’avoir un roi majeur au lieu d’un rĂ©gent, encore moins un comme Rufus. Les mois qui venaient s’annonçaient trĂšs difficiles, surtout du point de vue diplomatique, il avait besoin de stabilitĂ© pour Ă©viter un autre bain de sang

– Je m’en fiche de Lambert ! S’écria d’un coup FĂ©lix, furieux avant que Rodrigue ne puisse ne l’en empĂȘcher, occupĂ© par ses pensĂ©es. C’est pas Glenn, Nicola et Jacques ! Pourquoi tu ne dis rien sur eux Gustave ?!
– FĂ©lix, calme-toi
 le reprit un peu Rodrigue, moins Ă©nergique qu’il n’aurait dĂ» l’ĂȘtre normalement mais, il n’en avait ni la force, ni l’envie, avant d’ajouter malgrĂ© cela. Gustave. Je comprends que vous soyez dĂ©bordĂ©s et que vous voulez que nous nous mettions au travail, ce que je ferais sans dĂ©lai aux vues de la situation. Cependant, pour l’instant, ce qui me prĂ©occupe le plus est d’avoir des nouvelles de mon fils, de mon compĂšre, et de tous mes hommes. C’est ce qui m’inquiĂšte le plus, tout comme mon cadet. Je vous le demande de pĂšre Ă  pĂšre. Dites-nous comment vont-ils, je vous en prie

Gustave se ferma encore plus, se murant dans le silence, mal Ă  l’aise, avant d’avouer, la voix brisĂ©e.
– Ils
 ils ne sont pas là
 Sa MajestĂ© Lambert et Son Altesse Dimitri sont les seuls Ă  ĂȘtre revenu de Duscur vivants
 tous
 tous les autres membres du convoi sont morts. Nous avons pu ramener le corps de Jacques mais, pas celui de Nicola
 il Ă©tait bien trop endommagĂ© pour ĂȘtre ramené  et pour Glenn
 on ne l’a pas retrouvĂ©. Il fait partie des disparus

– Alors, il n’est pas mort ! RĂ©torqua FĂ©lix en essayant de sortir de l’étreinte de son pĂšre. Il doit ĂȘtre encore quelque part ! Vous n’avez juste pas assez bien cherché ! Il a surement dĂ» tomber Ă©puisĂ© quelque part et d’autres duscuriens l’ont recueilli ! Juste pas ceux de ce village ! Ils ont sauvĂ© Dimitri alors, ils ont dĂ» le faire aussi pour Glenn ! Mon frĂšre ne peut pas ĂȘtre mort ! Pas comme ça ! Pas pour

– Je suis dĂ©solĂ©, le coupa Gustave en leur tendant le petit paquet qu’il tenait. C’est tout ce qu’on a retrouvĂ© de lui pour le moment

Rodrigue le rĂ©cupĂ©ra, dĂ©faisant la corde qui tenait le tout ensemble en tremblant de tous ses os, les mĂȘmes mots que ceux de FĂ©lix tournant dans sa tĂȘte. Non
 non
 non
 ce n’était pas possible
 il devait y avoir une erreur
 Glenn ne pouvait pas ĂȘtre mort
 pas lui
 pas lui aussi
 il Ă©tait si fort
 encore plus qu’eux tous
 le meilleur des chevaliers de sa gĂ©nĂ©ration
 il ne pouvait pas
 pas pour

« Il ne peut pas ĂȘtre mort pour Lambert lui aussi ! »
Cependant, le tissu dissimulait le reste d’un plastron explosĂ© par un puissant sort de magie noire, un trou en plein milieu de la poitrine au niveau du cƓur, ainsi qu’une Ă©pĂ©e brisĂ©e en mille morceaux, qu’il reconnaitrait entre mille aprĂšs l’avoir vu brandi des centaines de fois Ă  la maison, pour s’entrainer avec son petit frĂšre
 non
 pas ça
 pas lui
 ça ne pouvait pas

Mais, le pĂšre ne pouvait pas nier la rĂ©alitĂ© de ce qu’il tenait entre les mains
 ce
 Glenn

– Glenn est

– Non ! C’est pas possible ! Il n’est pas mort ! Il n’est pas mort ! Il va revenir ! Il va revenir papa ! Il ne peut pas ĂȘtre mort comme ça ! Il ne peut pas  » S’écria encore FĂ©lix, mĂȘme si ses yeux se teintant de rouge ne pouvaient se dĂ©tacher du peu qu’il restait de son frĂšre
 il ne restait que ça
 c’était tout ce qu’il restait de Glenn
 son louveteau
 son fils
 il n’en restait

« Il n’en reste rien
 ! OĂč est mon fils ?! Tu avais dit que tu ramĂšnerais tout le monde en vie de ta folie ! Ils devaient tous rentrer Ă  la maison ! Et tu rentres tout seul ! »
Rodrigue sentit ses jambes trembler mais, il se força Ă  rester stable alors que FĂ©lix fondait en larmes contre lui, s’accrochant Ă  son manteau pour tenir droit. Le pĂšre se baissa Ă  sa hauteur, serrant son fils restant dans un de ses bras et les restes de son ainĂ© dans l’autre, contre son cƓur alors qu’il pleurait aussi silencieusement, la gorge serrĂ©e de chagrin
 mĂȘme eux pourraient s’y noyer
 mais il ne devait pas faillir, il ne devait pas tomber maintenant, il devait tenir
 il devait tenir pour FĂ©lix et le Royaume
 mĂȘme si

« Glenn
 Nicola
 je suis dĂ©solé  tellement dĂ©solé  tout ceci n’aurait jamais dĂ» arriver
 si seulement nous avions pu
 mais aucun regret ne vous ramĂšnera
 je vous en supplie, de lĂ  oĂč vous ĂȘtes en attendant la rĂ©incarnation, protĂ©gez-nous  »
*
FĂ©lix finit par s’endormir en pleurant, accrochĂ© Ă  son pĂšre comme toujours. Confiant Ă  regret les restes de Glenn Ă  Gustave, Rodrigue porta son fils dans ses bras vers leur chambre habituelle. Elle Ă©tait toujours en ordre au cas oĂč il devait se rendre d’urgence Ă  la capitale pour plusieurs jours.
« Nous devons nous mettre le plus rapidement possible au travail. Avec la convalescence de Sa MajestĂ© et la mort d’une grande partie de la tĂȘte du Royaume et d’autant de membres de l’administration, Faerghus va surement entrer dans des temps trĂšs instable, surtout que ce voyage Ă©tait trĂšs impopulaire. AprĂšs tout ce qui s’est passĂ© et autant de mort, la colĂšre sera d’autant plus forte partout et il nous sera difficile de l’apaiser, dĂ©clara Gustave. Dans un moment de conscience en revenant, Sa MajestĂ© a jurĂ© que

– Gustave, par pitiĂ©, laissez-moi coucher FĂ©lix et le confier Ă  quelqu’un de confiance avant de me raconter tout ceci, le reprit Rodrigue en serrant son louveteau contre lui, ce dernier accrochĂ© Ă  son cou. Il a toujours entendu dans son sommeil, et il a vĂ©cu bien assez de choses horribles pour aujourd’hui
 il ajouta Ă  voix plus basse avant que Gustave ne puisse ajouter quoi que ce soit. Je sais
 mais laissez-moi le traiter comme l’enfant qu’il est encore, mon fils aussi a besoin de soin.
– Je comprends votre envie de vous occuper de lui dans un moment aussi difficile mais, le Royaume aussi a besoin de vous
 et mĂȘme plus que jamais le temps de la convalescence de Sa MajestĂ©. Il doit passer avant tout pour tout faerghien respectable.
Rodrigue entendait d’ici la remarque d’Alix Ă  ses mots, qui sonnait plus horriblement juste que jamais Ă  prĂ©sent
 mĂȘme s’il ne devait jamais dire de telles choses Ă  voix haute, encore plus Ă  prĂ©sent
 ce serait bien trop dangereux pour eux
 il demanda Ă  une de ses Ă©pĂ©istes dont il Ă©tait sĂ»r de la fidĂ©litĂ© en toute circonstance de veiller sur lui puis, alla coucher son petit dans son lit. Cependant, FĂ©lix ne le lĂącha pas, s’accrochant solidement Ă  son cou. À regret, Rodrigue souffla Ă  son fils, en priant pour que sa voix ne tremble pas.
« Je suis dĂ©solĂ© mon louveteau mais, il faut que je te laisse
 j’ai beaucoup de travail
 je dois faire en sorte que tout tienne
 je ne veux pas que tu grandisses dans un chaos encore plus grand que celui va arriver
 je te protĂ©gerais FĂ©lix, je te le promets
 je reviens dĂšs que possible  »
Heureusement ou non, FĂ©lix le lĂącha, le laissant partir. Posant un dernier baiser sur le front de son fils, le pĂšre rejoignit Gustave en lui demandant le moindre dĂ©tail des Ă©vĂšnements pour tenter de comprendre ce qui s’était passĂ© et quel scĂ©nario ils n’avaient pas anticipĂ©.
Une fois dans un bureau Ă  part oĂč le dĂ©sordre ambiant signalait un passage important de jour comme de nuit, Gustave trouva un petit espace oĂč Ă©taler une carte de Faerghus et Duscur oĂč Ă©tait reprĂ©senter les principales routes, les villes, les lieux-dits et les Ă©lĂ©ments particuliers permettant de s’orienter ou de faire les itinĂ©raires. Gustave pointa une vallĂ©e Ă©troite du doigt, sur le chemin des PĂšlerins. Il s’agissait d’une voie sacrĂ©e de pĂšlerinage vers la capitale et le Grand Temple de Duscur, ainsi que le chemin le plus court pour s’y rendre
 mais aussi un des plus dangereux pour un convoi de la taille du leur
 Myrina avait prĂ©venu mille fois qu’un tel chemin serait bien trop risquĂ©, l’idĂ©al pour une embuscade oĂč il serait trĂšs difficile de se dĂ©fendre
 comme la grande majoritĂ© d’entre eux, dont les jumeaux, ils avaient tous soutenus de passer par la cĂŽte
 ça aurait Ă©tĂ© bien plus long mais aussi plus prudent
 sauf que Lambert Ă©tait du parti d’aller au plus vite

« Le convoi s’est engouffrĂ© dans ces gorges mais, il a pris du retard Ă  cause d’une route en mauvaise Ă©tat. Les chariots s’embourbaient dans des nids de poule et ont retardĂ© l’arrivĂ©e Ă  l’étape suivante. Comme le ciel et la nuit Ă©tait sombre, ils ont levĂ© le camp pour faire une halte et reposer les chevaux, contrairement Ă  ce qui Ă©tait prĂ©vu.
– Une route aussi frĂ©quentĂ©e et entretenue en mauvaise Ă©tat pile au bon moment
 gronda Rodrigue, peu dupe de tout ça, le cƓur de plus en plus lourd en devinant exactement ce qui s’était passĂ© cette nuit-lĂ .
Il mettrait mĂȘme sa main au feu que c’était ce qu’avait anticipĂ© Myrina

– C’est vrai que c’est Ă©trange. Ensuite, du peu que nous savons, des troupes habillĂ©es en noir et en rouge sombre les ont encerclĂ©s et les ont attaquĂ©s par surprise. Le prince a parlĂ© de « corbeaux humanoĂŻdes » alors, on se demande s’ils ne portaient pas des masques, si ce ne sont pas ses blessures et l’horreur de la situation qui l’ont fait cauchemarder tout Ă©veillĂ©. À cause de la fatigue de la marche, de l’obscuritĂ© et de l’enclavement de la gorge, la garde a Ă©tĂ© dans l’impossibilitĂ© de s’organiser et s’est retrouvĂ©e dĂ©border par des troupes bien supĂ©rieures en nombre

– «  Ils attaqueront aussi surement l’intendance depuis les hauteurs des gorges. Il leur suffira de disposer des archers, des magiciens et des lanceurs de javelots ici
 ici
 et Ă  cet endroit. Ils pourront ainsi cibler l’intĂ©rieur mĂȘme de nos dĂ©fenses. Ce passage est un vĂ©ritable piĂšge et un lieu parfait pour les embuscades. Si vous voulez vraiment passer par ici, il faudrait entrainer nos troupes Ă  se battre spĂ©cifiquement dans un environnement pareil et que nous soyons beaucoup plus de militaires que le nombre prĂ©vu pour le moment. Il faudrait Ă©galement beaucoup plus d’unitĂ©s volantes ou d’homme sachant escalader des pentes abruptes, mes hommes des piĂ©monts ne suffiront pas. Non, traverser ses gorges est une folie [
]. Si vous tenez tant que ça Ă  y passer, faites-les nous traverser de jour et allez immĂ©diatement nous barricader dans le village fortifiĂ© un peu plus loin. Il ne faut absolument pas que nous y passions de nuit, ce serait comme demander Ă  ce que nous nous fassions exĂ©cuter avec le sourire aux lĂšvres »  
 
 Rodrigue hĂ©sita Ă  finir la dĂ©claration de Myrina, encore parfaitement claire dans son esprit mais, s’y rĂ©solut, en Ă©cho avec ce qu’il n’avait cessĂ© de rĂ©pĂ©ter. «  et je suis comme tout le monde, je tiens Ă  ma vie et je veux revenir entiĂšre chez moi auprĂšs de ma famille  ». C’était une des prĂ©visions des dangers qui arriveraient sur la route. Myrina avait utilisĂ© les cartes et les descriptions du terrain pour tenter d’anticiper les menaces qui pourraient planer sur le convoi. Est-ce bien ce qui s’est passé ? Le questionna-t-il pour ĂȘtre sĂ»r.
Gustave baissa les yeux en hochant la tĂȘte, tout aussi conscient de la situation que lui
 Rodrigue sentit son poing se serrer, le sang gelĂ©, la morsure glaciale de la colĂšre dĂ©vorant son cƓur endeuillĂ©.
– Tout ceci aurait pu ĂȘtre facilement Ă©viter avec plus de prĂ©paration. C’était Ă©vitable. Mais

Il se força lui-mĂȘme Ă  se taire, sachant que cela ne rĂ©soudrait rien et que cela les mettrait tous en danger, surtout que tout le monde devait chercher des coupables
 l’occasion de rĂ©gler ses comptes avec son voisin et rival Ă©tait bien trop belle
 tous les coups Ă©taient permis dans ces cas-là
 l’homme avala donc bon grĂ© mal grĂ© ce qu’il avait envie de cracher, laissant le duc parler et donner une rĂ©ponse plus convenable.
– Qu’avez-vous commencĂ© Ă  faire ?
– Je vais vous expliquer. Mais nous devons ĂȘtre extrĂȘmement prudent, les murs ont des oreilles. De plus, les grands seigneurs de l’Ouest ont dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  battre la campagne pour convaincre leurs sujets de lancer une vendetta contre Duscur, avec Kleiman Ă  leur tĂȘte qui hurle qu’il faut « purger les hĂ©rĂ©tiques de cette Terre »  autant dire qu’il n’a jamais ouvert une seule fois les Écritures pour dĂ©clarer des choses pareilles.
– Et il n’a pas vu non plus l’état de nos comptes et du trĂ©sor
 nous sommes en pleine cĂ©sure, et de la nourriture a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© rĂ©quisitionner pour le convoi, nous allons surement devoir la rationner et en acheter encore plus Ă  nos voisins
 de plus, le voyage a coutĂ© trĂšs cher, et L
 Sa MajestĂ© a utilisĂ© les fonds des rĂ©serves de la couronne pour le financer, et une partie des grands seigneurs. On n’avait pas le temps de prĂ©lever un impĂŽt exceptionnel en deux lunes, et il aurait rendu le voyage encore plus impopulaire qu’il ne l’était dĂ©jĂ . Si l’instabilitĂ© perdure, il sera difficile de lever les impĂŽts et les taxes afin de renflouer les caisses
 on va surement devoir faire payer le don gratuit aux Ă©glises en fixant le montant nous-mĂȘmes, et une redevance exceptionnelle Ă  la noblesse tellement les caisses sont vides
 une opĂ©ration militaire, mĂȘme Ă  titre privĂ©e serait suicidaire pour tout le royaume
 enfin, ils doivent penser que les mines de Duscur constituent une raison suffisante pour saigner encore plus Faerghus Ă  blanc.
– Je le pense aussi, mĂȘme si je vous conseillerais de vous mĂ©fier. Les seigneurs de l’Ouest ne vous portent guĂšre dans leur cƓur et risquent de faire barrage Ă  vos actions », dĂ©clara Gustave, et Rodrigue nota avec mĂ©fiance le fait qu’il ne se soit pas inclus dans la prise de dĂ©cision. Lui aussi n’était guĂšre aimĂ© des trĂšs grands seigneurs de l’Ouest qui le voyaient comme un cadet parvenu, bien que ce soit moins pire que leur mĂ©pris pour Nicola. Cela voulait surement dire quelque chose s’il ne s’incluait pas ainsi, mieux valait ĂȘtre prudent. « De plus, mĂȘme si Sa MajestĂ© vous a confiĂ© le Royaume le temps du voyage, maintenant qu’il est terminĂ©, la loi donne le pouvoir Ă  Son Altesse Rufus. Il faudra attendre que Sa MajestĂ© soit rĂ©ellement en pleine possession de ses moyens, s’il en dĂ©cide ainsi, pour qu’il lui ĂŽte la charge de rĂ©gent Ă  son frĂšre et vous la reconfie
 surtout que je ne pense pas que le rĂ©gent vous Ă©pargnera
 nous savons tous les deux que votre relation avec le frĂšre du roi est
 compliqué 
« Si les premiers veulent l’obligation d’envoyer leur enfant Ă  la mort ou c’est la tĂȘte coupĂ©e collective, le second ĂȘtre orphelin dĂšs l’enfance, et tous autant qu’ils sont avoir une espĂ©rance de vie qui dĂ©passe pĂ©niblement la trentaine dans leur famille, je leur offre ma place avec joie
 comme ça, je rentre chez moi avec mon fils m’occuper de mes terres et de ma famille  »
Rodrigue fit taire cette voix sombre au fond de lui. Penser Ă  des choses pareilles n’aiderait personne, autant lui que le Royaume. Il n’avait pas de temps Ă  perdre en rumination ou avec sa colĂšre, il devait ĂȘtre efficace pour Faerghus. S’il se perdait lĂ -dedans, il ne vaudrait surement pas mieux que ces vengeurs qui semblaient dĂ©terminer Ă  achever leur propre pays. De plus, une fois que Lambert aurait retrouvĂ© ses esprits et se serait remis, s’il n’avait pas enfin retenu la leçon aprĂšs ce qui s’était passĂ©, il essayerait encore de mĂ©nager la chĂšvre et le chou, ce qui rendrait la situation encore plus confuse et explosive qu’elle ne l’était dĂ©jà
 dĂ©jĂ  que l’adhĂ©sion du peuple Ă©tait surement rĂ©duit en poussiĂšre aprĂšs ce qui s’était passé  c’était Lambert qui avait tout manigancĂ© pour ce voyage, c’était connu, son peuple ne l’oublierait pas de sitĂŽt et risquait de lui faire sentir
 Non
 Il devait tout faire pour Ă©viter que le chaos ne s’installe et garder le Royaume en ordre, au moins pour que son fils ne grandisse pas pendant une guerre civile.
Le pĂšre pensa Ă  FĂ©lix, Ă  la conversation qu’il avait eu avec son ainĂ© ce soir-là
 Glenn avait raison quand il disait que les joues de son petit frĂšre Ă©taient encore toutes rondes
 il n’avait mĂȘme pas commencĂ© Ă  muer
 il Ă©tait tout petit... son corps ne se transformait mĂȘme pas encore pour devenir celui d’un homme
 ses rĂ©actions et sa maniĂšre d’agir
 il Ă©tait si jeune
 ce n’était pas encore un adolescent
 ce n’était qu’un enfant
 son enfant
 son louveteau
 il refusait de laisser quoi que ce soit le menacer de prĂšs ou de loin. Il ferait tout pour le protĂ©ger ! MĂȘme du roi lui-mĂȘme si nĂ©cessaire !
– Mais ça, je dois le garder pour moi et ne rien dire en toutes circonstances
 se souligna le pĂšre Ă  lui-mĂȘme avant d’ajouter en duc du Royaume, prenant son chapelet entre ses doigts pour se calmer. Faisons en sorte d’éviter que la situation ne se dĂ©grade encore plus qu’elle ne l’ait dĂ©jĂ .
*
Quand Alix sut ce qui s’était passĂ© une fois le messager remis sur pied, puis ses informations complĂ©tĂ©es par la lettre de Rodrigue, il ne put s’empĂȘcher de bouillir de colĂšre. Oui, pour le Royaume, c’était mieux que le roi majeur survive, ça aurait Ă©tĂ© encore plus un merdier sans nom si on avait eu une rĂ©gence jusqu’à la majoritĂ© de Dimitri, encore plus une de Rufus, et encore bien plus d’arguments raisonnables
 mais par la DĂ©esse ! Sur les deux survivants qu’il y avait eu, c’était Dimitri – les Braves en soient louĂ©s et remerciĂ©s pour l’éternitĂ© – et Lambert, et est-ce qu’il devait « remercier » NĂ©mĂ©sis en personne pour ça ?! C’était lui le responsable de ce fiasco ! Il n’avait tuĂ© personne de leur camp lui-mĂȘme mais, c’était lui qui avait poussĂ© tout le convoi Ă  la mort avec ses conneries ! ça n’aurait pas pu ĂȘtre Glenn ou Nicola ou les deux l’autre survivant ?! Tout le monde mais pas lui ! Pas ce connard ! S’il y avait une seule justice divine dans ce foutu monde, il serait curieux de voir la gueule des juges et des jurĂ©s !
Cependant, l’homme fit tout pour se ressaisir immĂ©diatement. La situation Ă©tait critique, ça allait ĂȘtre un dangereux jeu d’équilibriste et un bras de fer permanent pour maintenir le Royaume en un seul morceau
 enfin bon, ils avaient quatorze ans d’expĂ©riences sous Lambert, plus dix-neuf sous Ludovic avec Rodrigue, ça valait toujours mieux que zĂ©ro Ă  quelques mois maximum comme ce chien idiot. Ça les aiderait Ă  s’en sortir et tant pis s’ils devaient l’abandonner sur le bord de la route au passage.
Bon, le connard Ă©tait en vie, et quand ils Ă©taient conscients, autant Lambert que Dimitri juraient devant la DĂ©esse que les duscuriens n’y Ă©taient pour rien, d’accord
 il fallait faire en sorte de faire tourner cette nouvelle, afin d’étouffer dans l’Ɠuf toute envie de vendetta. Il faudrait encore quelque chose pour concentrer la colĂšre face Ă  ce fiasco mais, le peuple Ă©tait trĂšs conscient que ce voyage Ă©tait nĂ© de la volontĂ© de Lambert seul. S’ils se dĂ©brouillaient correctement, le roi pourrait devenir le centre de cette colĂšre et la concentrer sur lui
 ce n’était pas l’idĂ©al mais, c’était toujours mieux que la guerre avec Duscur
 avec de bons agents qui courraient de ville en ville pour Ă©parpiller les bonnes informations, ça devrait le faire.
Si elle ne finissait pas par pĂ©ter une amarre pour de bon et par faire le doigt d’honneur que Lambert mĂ©ritait, Alix pourrait surement demander l’aide de Fregn. Les srengs n’attaquaient pas les gens Ă  terre, sauf les ĂȘtres les plus mĂ©prisables, et pas de doute que le chien idiot en faisait partie maintenant. Il pourrait s’en servir pour la convaincre de l’aider dans cette tĂąche, en plus de renouveler leur aide pour Ă©loigner Sylvain de Miklan
 mĂȘme si les srengs n’étaient pas un Ă©lĂ©ment Ă  nĂ©gliger. Lambert avait surement perdu toute dignitĂ© Ă  leurs yeux, et les traitĂ©s de paix avec les srengs prenaient en compte la respectabilitĂ© des deux partis, ils Ă©taient surement tous Ă  refaire maintenant
 Thorgil ne laisserait jamais passer une telle occasion, comme tous les autres rois srengs avec deux sous de jugeote. LĂ  aussi, il ne faudrait pas se louper mais, il y rĂ©flĂ©chirait Ă  ce moment-lĂ  avec Rodrigue et les Charon.
Il faudrait aussi qu’ils se mĂ©fient des seigneurs de l’Ouest. Alix voyait d’ici ces chiens errants se lĂ©cher les babines, utiliser le deuil et la souffrance de tout le Royaume pour en provoquer encore plus. Les filons duscuriens valaient bien encore plus de sang versĂ© et encore plus de mort
 ils devaient les neutraliser au plus vite.
Enfin, et le plus important, son rĂŽle Ă  Egua serait surtout de protĂ©ger leur fief, en particulier leur rĂ©serve loogienne
 lors de la fondation du Royaume, le roi Loog avait accordĂ© Ă  la famille de tous ses compagnons de construire une rĂ©serve de nourriture inaliĂ©nable, mĂȘme sur ordre de roi Ă  part si le seigneur rĂ©gnant en cĂ©dait une partie au roi en Ă©change de contrepartie, en remerciement de tous les services rendus pendant la guerre, et parce qu’il ne les considĂ©rait pas comme acquis ou de la merde. Normalement, elle Ă©tait censĂ©e ĂȘtre juste pour conserver assez de bled pour nourrir leur capitale un mois mais, il Ă©tait devenue de coutume de demander d’agrandir la rĂ©serve loogienne Ă  chaque fois que le seigneur en cĂ©dait une partie Ă  la couronne
 Ă  force, la leur Ă©tait devenue immense, assez pour qu’Egua tienne un an de siĂšge sans ravitaillement
 Ă©videmment, les jumeaux n’avaient pas Ă©tĂ© assez cons pour donner un grain de bled de cette rĂ©serve pour le convoi, comme tous les gens avec deux neurones actives. Lambert les avait dĂ©jĂ  quasi forcĂ©s Ă  lui avancer de l’argent qu’il ne rembourserait jamais, il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin.
Mais bon, Alix voyait dĂ©jĂ  les chiens errants venir gratter Ă  sa porte, tout ça pour le supplier de leur donner l’aumĂŽne avec des yeux de chiot suppliant
 puis japper et de montrer leurs petits crocs en menaçant de le mordiller avec

« Qu’ils essayent, et je leur montrerais ce que c’est de vraiment mordre. Un chien errant ne fera jamais le poids face Ă  un loup, » gronda-t-il intĂ©rieurement, se tendant comme un arc prĂȘt Ă  envoyer une flĂšche, son regard s’affutant dans le reflet de l’eau de son verre
 il voyait presque le portrait effrayant de Guillaume Ă  l’intĂ©rieur.
Il la but d’une traite, n’essayant mĂȘme pas de calmer le torrent furieux en lui. Au contraire, qu’il l’alimente. Cette colĂšre lui donnait de la force, la rage de protĂ©ger leur fief et de tout faire pour que ce dĂ©sastre n’ait pas plus de consĂ©quence sur lui et encore moins sur sa famille, mĂȘme s’il devait Ă©gorger Lambert lui-mĂȘme pour sa connerie
 il n’en avait plus rien Ă  foutre de ce connard Ă  ce stade, mĂȘme s’il avait intĂ©rĂȘt Ă  ĂȘtre discret pour ne pas finir la tĂȘte sur le billot le premier.
« Pour l’un ou l’autre
 abusez de mon frĂšre et de sa patience, ou que qui que ce soit utilise le louveteau pour le forcer Ă  se tuer au travail, que ce soit Lambert ou Rufus, et je jure que je finis le travail des comploteurs Ă  leur place  »
*
Les nouvelles de Fhirdiad arrivĂšrent d’abord par les marins Ă  Gautier, puis avec les cadavres de leurs hommes pour les annonces officielles trois semaines aprĂšs la TragĂ©die. Sylvain n’en croyait pas ses yeux. Tant
 tant de corps et de morts ! Il sentait que c’était la pire idĂ©e du siĂšcle comme tout le monde mais, il n’aurait jamais imaginĂ© que ce serait Ă  ce point-là ! Il n’y avait que la famille royale qui avait Ă©chappĂ© par miracle Ă  ce massacre ! Dire que Dimitri Ă©tait lĂ -bas ! Il avait surement tout vu en plus ! Non, il avait tout vu tout court ! C’était impossible qu’il n’ait rien vu
 par les dieux d’Asgard, il devait ĂȘtre dans un Ă©tat !
« Faudra que je nĂ©gocie pour me rendre Ă  la capitale dĂšs que l’occasion se prĂ©sentera, songea-t-il, sachant dĂ©jĂ  qu’il ne pourrait pas aller Ă  Fraldarius pour la morte saison aprĂšs tout ceci, les routes Ă©taient bien trop dangereuses, encore plus maintenant qu’il Ă©tait majeur Ă  Gautier. Dimitri doit ĂȘtre en miette Ă  l’intĂ©rieur en plus de l’extĂ©rieur
 par les Ases et les Vanes, tout ça car Lambert n’a Ă©coutĂ© ni Snotra ni Odin ! C’est vraiment un roi sans yeux ! RĂ©sultat, il a emmenĂ© tout le monde Ă  la mort et traumatisĂ© Ă  vie son propre fils ! Si ses blessures ne le tuent pas aussi ! Dimitri
 je t’en supplie, survie  »
« Quel gĂąchis
 grogna son pĂšre en lisant la lettre l’informant de ce qui s’était passĂ©. Toutes ses vies perdues pour rien
 apparemment, dans un Ă©clair de conscience, Sa MajestĂ© et Son Altesse auraient dit que ce n’étaient pas des duscuriens qui les ont attaquĂ©s
 Son Altesse parle de corbeau Ă  forme humaine ou d’humain Ă  tĂȘte de corbeau

Il jeta un regard suspect Ă  Fregn, Miklan grognant Ă  leur mĂšre Ă  la suite de leur pĂšre.
– C’est bien une attaque de sauvages ce genre d’embuscade, surtout pour des lĂąches comme les srengs. En plus, les autres magiciens comme ta sƓur-lĂ , Huld, couverts de tatouages de la tĂȘte au pied, c’est pas une de leur spĂ©cialitĂ© de se transformer en monstre ? Surtout que vous montez dĂ©jĂ  des monstres Ă  tĂȘte de corbeaux

– Si c’était des mĂ©tamorphes srengs, on ne vous aurait pas attaquer en pleine montagne, ce genre de terrain n’est clairement pas Ă  notre avantage, mĂȘme avec nos valravens, rĂ©torqua-t-elle sans trembler. On aurait voulu vous attaquer malgrĂ© les traitĂ©s, on aurait juste remontĂ© le fleuve pour piller Fhirdiad puis se tirer ensuite. Ça aurait Ă©tĂ© bien plus rentable et moins dangereux. De plus, personne n’a intĂ©rĂȘt Ă  la mort de votre roi chez nous. Si on veut un bon dĂ©fi, on va voir les Loups InsĂ©parables ou la Grande Famille. De plus, quand on attaque, on a le courage de le faire chez vous, et aucun souverain raisonnable ne se serait faufiler ainsi en pleine montagne. LĂ , il n’y avait pas assez de bled pour que le dĂ©fi en vaille la chandelle, c’est bien trop dangereux pour peu de rĂ©sultat. Personne Ă  part un roi sans yeux n’y serait allĂ© pour la beautĂ© du geste, et ils ne sont pas assez puissants pour se permettre une telle expĂ©dition, ou ils se feraient renverser Ă  la seconde mĂȘme oĂč ils proposeraient l’idĂ©e Ă  leurs concitoyens. »
Isidore fronça le nez Ă  sa rĂ©ponse, avant de demander Ă  ce que quelqu’un effectue des recherches sur les magies permettant de se mĂ©tamorphoser, puis donna ses ordres pour qu’on s’occupe des morts. Sylvain resta prĂšs de sa mĂšre, l’aidant Ă  poser ce qui restait de leurs armes dans les mains des dĂ©funts ou contre leur cƓur pour ceux qui n’avaient plus de bras. C’était autant la coutume sreng que celle de Gautier pour les morts au combat aprĂšs tout, mĂȘme si les formules diffĂ©raient.
« Merci pour tout ce que tu as fait, tu as bien mĂ©ritĂ© de te rendre au Valhalla accompagnĂ© des valkyries, soit fier de toi pour ta force et tout ce que tu as apportĂ© Ă  ce monde. Repose en paix jusqu’au Ragnarök  » souffla Fregn Ă  chacun, imitĂ© par Sylvain. Isidore Ă©tait occupĂ© Ă  autre chose qu’eux, et Miklan Ă©tait dĂ©jĂ  parti de l’autre cĂŽtĂ© de la forteresse, aucun des deux ne l’entendrait utiliser les formules srengs.
Quand ils eurent fini, ils se lavĂšrent les mains puis, Fregn alla ouvrir un tonneau rempli d’hydromel. Elle en remplit deux grands gobelets puis, deux bassines avant de rĂ©pandre son contenu entre les morts, pour leur offrir un dernier verre chez les vivants et abreuver les chevaux des valkyries, aidĂ© par son fils. À la fin, ils burent tous les deux leur propre verre en leur compagnie pour leur souhaiter un bon voyage.
« Personne n’est devenu un berserkr pendant les combats on dirait
 commenta Fregn en finissant son hydromel.
– Un berserkr ? S’étonna Sylvain en se rappelant de cette lĂ©gende. Ce sont les guerriers-fauves d’Odin en personne
 pourquoi l’un d’entre eux apparaitrait chez les fodlans qui croient en Seiros et Sothis seule ?
– Hum, je ne t’en ai pas parlé ? Enfin, c’est vrai que c’est trĂšs rare. Exceptionnellement, des magiciens peuvent devenir des berserkir quand ils sont au plus profond du dĂ©sespoir, ou quand ils n’ont pas d’autres choix pour survivre. Ils entrent alors en transe et se transforme en bĂȘte pour survivre Ă  la menace, mĂȘme si la plupart d’entre eux restent bloquĂ© sous cette forme. Quand ils meurent en sachant se retransformer ou au combat, Odin les intĂšgre dans son armĂ©e de berserkir oĂč lĂ , ils peuvent entrer en transe Ă  volontĂ©. On reconnait le corps d’un berserkr par la prĂ©sence de fourrure ou d’attribut animal, un peu comme pour le Bavard, mĂȘme si lui n’était pas un berserkr, bien trop pacifique pour ça. C’est justement en s’inspirant de ces guerriers que nos ancĂȘtres ont mis au point la mĂ©tamorphose animale. Étant donnĂ© la violence des combats, j’ai pensĂ© qu’on pourrait en croiser un, et il aurait fallu une cĂ©rĂ©monie funĂ©raire spĂ©ciale pour lui alors, je faisais attention Ă  tout signe Ă©trange

– C’est pas faux. Hum
 j’ai vu personne ressembler Ă  ça en tout cas
 mais tu en as dĂ©jĂ  vu ?
– Non, le dernier berserkr connu Ă©tait justement le dernier Gautier avant que cette famille ne jure allĂ©geance Ă  Loog et Ă  Fodlan. Gylfe Olofosson Gautier se serait transformĂ© plus d’une fois en un Ă©norme renard pendant qu’il combattait l’Empire, au dĂ©part pour empĂȘcher l'annexion de ses terres Ă  Adrestia, Ă©tant donnĂ© qu'il Ă©tait du peuple sreng, puis pour le roi Loog qui lui avait prouvĂ© qu’il mĂ©ritait son dĂ©vouement. Les membres de sa famille se faisaient rĂ©guliĂšrement exĂ©cuter pour rĂ©bellion et dĂ©sespĂ©rait souvent mais, c’était le seul qui Ă©tait aussi un magicien alors, il Ă©tait parvenu Ă  se transformer alors qu’il Ă©tait sur le point de se faire capturer et couper la tĂȘte, raconta-t-elle.
Sylvain se souvient un peu alors de l’avoir aussi lu dans un livre d’histoire fodlan mais, qui disait que ces transformations n’étaient qu’un ajout de la lĂ©gende pour embellir ou tĂąchĂ© son histoire selon les auteurs. DĂ©jĂ  qu’il ne fallait pas dire trop fort que Gautier avait Ă©tĂ© sreng et pas un territoire fodlan autonome toujours dressĂ© contre l’empire, dire qu’en plus qu'un des fidĂšles compagnons du roi Loog Ă©tait tellement sreng qu’il Ă©tait aussi un berserkr des lĂ©gendes, c’était un peu trop pour plusieurs personnes de Fodlan, Isidore le premier. Fregn but une gorgĂ©e d’hydromel avant de reprendre, pensive.
– Hum
 j’ai aussi entendu parler de deux jumeaux de la mĂȘme Ă©poque plus au sud qui aurait fait la mĂȘme chose, l’un magicien, l’autre lancier mais, je suis moins sĂ»r que c’était bien deux berserkir
 aprĂšs tout, il n’y en a qu’un des deux qui Ă©tait magicien
 enfin, on en a pas rĂ©entendu parler depuis chez nous
 pour dire Ă  quel point c’est rare
 enfin, encore heureux Ă©tant donnĂ© qu’on peut trĂšs difficilement revenir en arriĂšre. Pour Gylfe le Berserkr, il fallait plusieurs jours pour se retransformer et ça aurait Ă©tĂ© trĂšs douloureux, et je n’ai pas d’autres informations pour ces jumeaux, surtout que d’autres sources disent qu’ils ne l’étaient pas vraiment. Ça aurait Ă©tĂ© un frĂšre et une sƓur du mĂȘme pĂšre mais, de mĂšres diffĂ©rentes qui seraient nĂ©s le mĂȘme jour et auraient dĂ©veloppĂ© un lien fusionnel semblable celui entre des jumeaux.
– On dirait l’histoire de Torf et Poppa Daphnel
 se rappela Sylvain. Enfin, c’est surement mieux que ce soit aussi rare si c’est difficile de redevenir humain, encore plus vu comment on peut en devenir un. En plus, les berserkir deviennent des animaux Ă  taille humaine mais, sans un esprit humain alors, ça doit ĂȘtre facile de les prendre pour de vraies bĂȘtes sauvages. MĂȘme s’ils sont fĂ©roces, ils peuvent toujours ĂȘtre pris pour des cibles par des chasseurs une fois la fureur du combat passĂ©.
– Oui, encore plus s’ils ne se calment pas
 encore heureux dans un sens, cela n’est pas arrivĂ©. Ils ont dĂ©jĂ  dĂ» tous sombrer au plus profond du dĂ©sespoir, et aucun n’aurait dĂ» se rendre dans ce convoi digne d’un roi sans yeux, ils ne mĂ©ritaient pas de finir leur vie comme une bĂȘte sans conscience ni Ăąme Ă  part l’idĂ©e de survivre

Sylvain hocha la tĂȘte en finissant son verre. MalgrĂ© tout ce qui s’était passĂ©, c’était surement mieux qu’aucun berserkr ne soit apparu

Fregn observa le champ de mort Ă  leurs pieds, pensive. Tout ça pour un roi sans yeux
 quel gĂąchis et quelle honte
 c’était des personnes compĂ©tentes qui tenaient le gouvernail en ce moment avec les Loups InsĂ©parables et la Grande Fratrie mais, ce n’était surement qu’une question de temps.
« Il faudra que j’essaye ce dont m’a parlĂ© Huld, histoire de parer Ă  toutes Ă©ventualitĂ©s
 ce n’est pas garanti que ça marche mais, ce sera toujours mieux d’essayer que rien. »
*
« Tu vas voir avec Ingrid ?
Francis regarda sa femme Diane, accompagnĂ© d’Hector et Colin, tous aussi inquiet que lui, tous portant leurs habits de deuils noirs et blancs. Plus de quinze jours aprĂšs le dĂ©part du convoi et Ă  peine une semaine et demie aprĂšs leur retour sur leurs terres, ils avaient appris ce qui s’était passĂ© lors du voyage
 la lettre Ă©tait arrivĂ© avec le corps de FrĂ©dĂ©rique et tous leurs hommes. A part le prince et le roi, tout le monde Ă©tait mort et depuis, Ingrid s’était enfermĂ©e dans sa chambre en refusant de sortir ou de prononcer un mot quand elle ne pleurait pas
 ça faisait deux semaines maintenant

– Oui
 au moins lui faire dire quelque chose ou manger un peu

– Et toi papa, tu as mangé ? Lui demanda Hector.
– Et toi maman ? Ajouta Colin. Vous n’étiez pas Ă  table avec nous Ă  midi

Les deux parents Ă©changĂšrent un regard mal Ă  l’aise, avant que Diane n’ellipse la question, s’étant mis d’accord pour ne pas dire qu’ils ne mangeaient qu’une fois par jour Ă  prĂ©sent, pour donner leur nourriture Ă  leurs enfants.
– Oui, ne vous en faites pas, nous sommes simplement dĂ©bordĂ©s. On pourra remanger avec vous quand la situation se sera un peu calmĂ©e
 on va essayer d’au moins ĂȘtre lĂ  Ă  midi.
Elle ne mentait pas complĂštement, ils Ă©taient dĂ©bordĂ©s et savait Ă  peine oĂč donner de la tĂȘte, surtout que leurs caisses Ă©taient presque vides. La santĂ© financiĂšre n’était dĂ©jĂ  pas trĂšs bonne de base – c’était mĂȘme pour ça que FrĂ©dĂ©rique avait insistĂ© pour aller en Duscur, parce que la compensation Ă©tait trĂšs intĂ©ressante tellement personne ne voulait y aller – mais c’était encore pire maintenant
 il avait dĂ» contribuer un peu pour financer ce voyage et ils s’étaient saignĂ©s pour bien Ă©quiper leur fils ainĂ©, en se disant que son gambison et son bouclier de voyageur pourrait toujours servir ou ĂȘtre revendu. La couronne n’avait surement pas les moyens de leur payer la somme promise, leurs terres Ă©taient pauvres, et tout le Royaume allait surement devoir mettre la main Ă  la poche pour le tenir debout et rembourser ce voyage
 et Francis se maudissait de penser directement Ă  tout ceci mais, il pouvait aussi faire une croix sur l’argent promis en dot par les Fraldarius pour le mariage d’Ingrid et Glenn
 il savait que c’était la mort de son frĂšre et de son fiancĂ© qui avait poussĂ© sa fille Ă  s’enfermer mais, il devait aussi penser Ă  comment s’occuper de son fief ou mĂȘme de sa propre famille

« J’y penserais une fois qu’elle ira mieux, c’est trop tĂŽt  » dĂ©cida-t-il en reprenant le chemin vers la chambre de sa petite.
La porte Ă©tait fermĂ©e, comme toujours depuis qu’ils avaient su pour
 dire qu’avant, Ingrid passait son temps dehors et ne restait dans sa chambre que pour dormir

Toquant lĂ©gĂšrement Ă  la porte, Francis s’annonça, espĂ©rant ne pas trop entrer dans son espace mais, elle devait manger un peu.
« Ingrid ? C’est moi, je t’apporte ton repas. C’est de la soupe Ă  l’oignon, tu aimes bien ça  » Pas de rĂ©ponse. « Elle est bien chaude, tu devrais la manger maintenant, ça te rĂ©chauffera aussi un peu
 on n’aura surement pas les moyens de se procurer du bois  » Toujours pas de rĂ©ponse. Il ajouta alors. « J’entre.
Doucement, presque sur la pointe des pieds, le pĂšre ouvrit la porte de la chambre. Il trouva sa fille roulĂ©e en boule dans sa couverture, cachĂ©e dans un coin avec un livre dans les mains. Il le reconnut tout de suite comme le cadeau que lui avait fait Glenn pour son anniversaire, un recueil de lĂ©gende de chevalerie
 elle le lisait en boucle Ă  chaque fois qu’il venait la voir depuis

Francis l’approcha prudemment, avant de se baisser vers elle en demandant, tñtant le terrain.
– Cette histoire raconte quoi ?
– L’histoire de deux chevaliers
 l’un disparait alors, l’autre se transforme en chien pour le retrouver
 il n’arrĂȘte pas de chercher jusqu’à le retrouver, mĂȘme s’il doit mourir d’épuisement
 Ă  la fin, ils se retrouvent et l’amour du disparu permet Ă  sa fiancĂ©e de redevenir humaine
 tu crois que ça peut arriver ? Peut-ĂȘtre que si ça arrive, je pourrais
 je pourrais peut-ĂȘtre
 moi aussi, je
 je

Elle se remit Ă  pleurer, Francis abandonnant le bol sur le sol pour tenir sa fille dans ses bras en essayant de la consoler. Elle appelait Glenn, elle appelait FrĂ©dĂ©rique, elle appelait tout le monde
 elle voulait revoir tout le monde, quitte Ă  devoir s’enfermer dans le corps d’une bĂȘte mais, c’était impossible
 complĂštement impossible

– Je suis dĂ©solé  je suis dĂ©solĂ© ma chĂ©rie
 tout ça n’aurait jamais dĂ» arriver  »
Ce fut les seuls mots qu’il trouva Ă  dire, n’ayant aucune idĂ©e de ce qui aurait pu dire d’autres dans une telle situation, Ă  part soutenir sa famille et ses enfants dans cette Ă©preuve avec tout ce qu’il avait en lui

*
Quatre semaines aprĂšs leur arrivĂ©e Ă  Fhirdiad, les funĂ©railles collectives pour tous les morts et autant de nuit pratiquement sans dormir, Rodrigue arriva Ă  prendre quelques minutes pour diner avec FĂ©lix. Ils mangĂšrent leur soupe coupĂ©e avec du pain pour la rendre plus consistante en discutant tous les deux, ayant peu d’occasion de le faire sans que le pĂšre ne soit Ă©puisĂ©. Il faisait tout le travail des personnes mortes avec les Charon, mĂȘme si Rufus semblait vouloir faire le mĂ©nage dans sa premiĂšre belle-famille en en Ă©loignant plusieurs ou en les sĂ©parant, surement par peur d’une alliance familiale, voir avec les Fraldarius Ă  cause des derniers Ă©vĂšnements. Aux vues de l’instabilitĂ© qui s’étaient installĂ© Ă  l’Ouest, mĂȘme si les seigneurs Ă©taient des alliĂ©s de Rufus, ce dernier ne devait pas vouloir que l’Est devienne une force d’opposition, mĂȘme si sa maniĂšre de faire les rendait bien moins efficace pour pallier aux difficultĂ©s actuelles. Le seul qui pourrait faire quelque chose pour contrer les actions du rĂ©gent, c’était Lambert mais, si Dimitri se rĂ©veillait parfois quelques heures grĂące Ă  la protection d’Areadbhar, son pĂšre ne l’avait pas encore fait. Le prince ne serait pas aussi fragile, il aurait donnĂ© la Relique au roi mais, ce n’était pas le cas. Quand bien mĂȘme, lors d’un moment de conscience Ă  leur retour, Lambert aurait interdit d’enlever la protection physique de Blaiddyd Ă  son fils, de peur qu’il ne survive pas sans elle. Au moins une chose de raisonnable de sa part

Rodrigue fit tout pour Ă©loigner ses pensĂ©es de lui. Il se mĂ©nageait dĂšs que possible quelques minutes Ă  partager avec son louveteau et pour Ă©crire Ă  Alix mais, c’était toujours si peu
 il ne voulait pas gĂącher ses instants si prĂ©cieux avec FĂ©lix
 sa petite forteresse de chaleur dans cette pĂ©riode si sombre

Leur ordinaire Ă©tait plus frugal que ce Ă  quoi ils Ă©taient habituĂ©s mais, pour Ă©conomiser la nourriture et mieux la gĂ©rer, toute la ville Ă©tait rationnĂ©e depuis le dĂ©but de la semaine Ă  l’exception des blessĂ©s et des malades, mĂȘme pour les nobles. Ils ne mangeaient mĂȘme plus de viande, Ă  part le dimanche pour le jour de la DĂ©esse, comme aujourd’hui.
« Tient FĂ©lix
 Rodrigue lui donna sa part carnĂ©e, la posant dans son assiette.
– Et toi papa ? Tu aimes bien la viande aussi

– Tu en as plus besoin que moi pour grandir correctement. Si tu ne manges pas assez, tu resteras tout petit, lui expliqua-t-il en se souvenant des histoires de Nicola, leur racontant que leur pĂšre Ă©tait trĂšs petit car, devant courir dans tout son fief pour Ă©chapper Ă  ceux qui voulaient lui voler son hĂ©ritage et ses terres alors, il n’avait pas forcĂ©ment accĂšs Ă  une bonne nourriture.
– Oui mais toi, tu es aussi trĂšs fatiguĂ©, tu travailles beaucoup, et c’est pas grand-chose, alors
 il coupa la petite tranche de maigre pour lui en donner la moitiĂ©. Tient, pour toi.
– Merci mon louveteau », lui sourit-il.
Ils piquĂšrent tous les deux leur moitiĂ© et n’en firent qu’une bouchĂ©e en mĂȘme temps, se faisant rire un peu tous les deux de leur synchronisation. Rodrigue passa un doigt affectueux sur la joue de son fils, le cƓur plus lĂ©ger d’ĂȘtre avec lui
 ces rares petits moments de lumiĂšre avec les lettres d’Alix
 il ne les Ă©changerait pour rien au monde

Ils finissaient de nettoyer leur assiette quand un serviteur entra dans l’étude. Rodrigue s’attendit Ă  un nouvel appel Ă  la vengeance contre Duscur mais, l’homme leur annonça Ă  la place :
« Sa Majesté a repris connaissance. Il est encore faible mais, ses jours ne sont plus en danger. On vous demande immédiatement dans ses appartements.
Au lieu d’ĂȘtre soulagĂ©, Rodrigue sentit tout son corps se tendre, comme avant un combat difficile. À part par l’entrebĂąillement de la porte, il n’avait pas vu et n’était jamais allĂ© au chevet de Lambert, n’ayant tout simplement pas le temps de le faire entre toutes ses obligations et le peu de temps qu’il pouvait accorder Ă  FĂ©lix ou pour Ă©crire Ă  Alix. Il avait Ă  peine pensĂ© au moment oĂč Lambert se rĂ©veillerait ou si on lui annonçait sa mort
 ce qu’il devait faire ou non, comment agir
 il n’avait pas envisager que la simple pensĂ©e de le voir vivant l’angoisserait autant, pas au point de vouloir refuser
 mais il devait bien obĂ©ir

Le pĂšre sentit le poing de FĂ©lix se serrer sur sa manche, son petit grognant en s’accrochant Ă  lui.
– T’as pas à le voir si t’as pas envie
 pas aprùs

Rodrigue le fit taire en posant sa main sur ses Ă©paules et en lui faisant non de la tĂȘte, un avertissement silencieux avec son air grave. Évidemment, son fils avait senti son apprĂ©hension
 il devait faire plus attention Ă  mieux cachĂ© ce qu’il ressentait
 de plus, ils devaient faire trĂšs attention Ă  ce qu’ils disaient, c’était dangereux. Rufus avait dĂ©jĂ  jetĂ© un noble au cachot pour avoir osĂ© dire tout haut que Lambert Ă©tait indigne de son statut de roi
 un roturier aurait eu droit Ă  la corde
 il fallait ĂȘtre extrĂȘmement prudent, mĂȘme ses lettres avec Alix Ă©taient codĂ©es quand ils se plaignaient l’un Ă  l’autre de la situation, ce qui Ă©tait un des rares moments oĂč ils pouvaient vraiment vider leur sac sur cette farce grotesque
 le pĂšre avait dĂ©jĂ  prĂ©venu son fils mais, c’était difficile pour quelqu’un d’aussi jeune de mentir autant sur ce qu’il pensait vraiment, encore plus aprĂšs ce que Lambert avait fait Ă  leur famille
 mieux valait prendre les devants.
– C’est un ordre, je dois y aller. Mais tu peux rester ici si tu veux, tu n’es pas obligĂ© de venir si tu ne veux pas voir Lambert tout de suite. D’accord ?
FĂ©lix fit la moue mais, accepta d’un hochement de tĂȘte. Rodrigue le remercia en passant sa main sur sa tĂȘte, avant de suivre le domestique jusqu’aux appartements de Lambert.
Plus ils se rapprochaient, plus le nƓud de ses entrailles se resserra, l’apprĂ©hension montant Ă  chaque pas, l’empĂȘchant de plus en plus de respirer, comme si ses poumons avaient gelé  mais ce fut pire quand le pĂšre entra dans la chambre de son roi.
Il Ă©tait lĂ , allongĂ© dans son lit, une de ses Ă©paules complĂštement bandĂ©e Ă  cause d’un coup de hache qui aurait surement pu le dĂ©capiter, si le coup avait Ă©tĂ© plus prĂ©cis. Des brĂ»lures de magie noire le recouvraient de toutes parts (mais il Ă©tait encore en vie contrairement Ă  Glenn, dont le torse avait Ă©tĂ© explosĂ© par un sort), plusieurs de ses os Ă©taient cassĂ©s (mais il Ă©tait encore en vie contrairement Ă  Nicola, dont tous les os avaient Ă©tĂ© si disloquĂ© qu’on n’avait pas pu le ramener), ainsi que des coupures et une contusion Ă  la tĂȘte
 
heureusement sans gravitĂ© (mais il Ă©tait encore en vie contrairement Ă  Jacques dont le crĂąne avait Ă©tĂ© explosĂ© Ă  coup de masse)
 cela ne devrait pas le tuer (contrairement Ă  tous les autres membres du convoi). Il avait l’air hagard, le teint gris, les yeux ternes et cernĂ©s mais, il bougeait encore

Lambert bougeait encore lui

Rodrigue n’avait rien ressenti de tel quand Dimitri avait entrouvert les yeux. Pour lui, cela n’avait Ă©tĂ© que du soulagement de le voir bouger, parler un peu, de le voir demander comment allait les jeunes duscuriens dont la famille les avait sauvĂ©s, l’ayant accompagnĂ© Ă  Fhirdiad, son sourire de voir le frĂšre et la sƓur vivants Ă  ses cĂŽtĂ©s. Cela sonnait parfaitement juste de le consoler quand il s’était excusĂ© que tout le monde soit mort, surtout Glenn qui serait mort Ă  sa place
 c’était normal et la vĂ©ritĂ© de lui dire que ce n’était pas de sa faute
 ce n’était pas sa faute, c’était une victime de toute cette histoire lui aussi

LĂ , quand Lambert tourna son regard bleu terne vers lui, l’air dĂ©solĂ©, perdu, Rodrigue ne ressentit rien de tout cela, juste un vide profond qui transperçait sa poitrine, un torrent furieux rempli de mĂ©pris se dĂ©versant Ă  l’intĂ©rieur. Il savait qu’il n’en restait plus grand-chose, encore plus du cĂŽtĂ© d’Alix mais, ils avaient Ă©tĂ© amis tous les trois, ils avaient mĂȘme grandi ensemble, cĂŽte Ă  cĂŽte pendant des annĂ©es
 mais lĂ , en le voyant ici, allongĂ© dans ce lit et en vie alors que tant de monde Ă©tait mort
 alors que Glenn, Nicola, Jacques et tellement d’autres de ses proches et sujets Ă©taient morts comme ils l’avaient tous anticipĂ©s
 quand Lambert les avait tous jetĂ© Ă  la mort sans rĂ©flĂ©chir
 son esprit ne put penser qu’à une seule chose quand son roi bafouilla, ne pouvant ne rien dire d’autre de toute façon :
« Je suis dĂ©solé  »
« Tu es tellement pathĂ©tique
 tes excuses ne me rendront jamais mon fils et mon compĂšre, ni aucun autre enfants, parents, frĂšres, sƓurs, cousins, tantes, oncles, amis et mĂȘmes rivaux et ennemis de personne
 tu ne ramĂšneras jamais personne avec tes excuses, il fallait y penser et Ă©couter ce que tu ne voulais pas entendre avant chien idiot  »
Cependant, Rodrigue se força Ă  dire avec soulagement, mĂȘme s’il devait en vomir aprĂšs. Il devait dire ceci, pour le bien de sa famille et pour protĂ©ger ce qui lui restait.
« Je suis heureux de vous voir hors de danger Votre Majesté  J’espĂšre que vous vous rĂ©tablirez vite  »
Ses mots creux semblĂšrent contenter Lambert, qui arriva Ă  grimacer un sourire triste et rassurĂ© en le voyant mais, cela ne fit que donner un haut-le-cƓur Ă  Rodrigue. Il ne voulait pas ça, il voulait son fils ! Son compĂšre ! Ses sujets dont il avait trahi la confiance en Ă©tant obligĂ© de les envoyer Ă  la mort ! Rodrigue sentait la colĂšre d’Alix d’ici, savait exactement Ă  quoi il penserait s’il Ă©tait Ă  sa place comme s’il Ă©tait Ă  cĂŽtĂ© de lui
 ils Ă©taient toujours blessĂ©s en mĂȘme temps, mĂȘme en ne recevant aucun coup
 l’autre Ă©tait l’un et l’un et l’un Ă©tait l’autre, depuis toujours

« Mais quel connard
 il gobe tout ce qu’on lui raconte sans hĂ©sité  comme s’il n’avait pas envoyĂ© tout le monde Ă  la mort lui-mĂȘme
 c’est de sa faute si on est dans la merde jusqu’au cou ! Alors, tu ranges tes excuses, vire Rufus et tu nous laisses gĂ©rer avec des gens compĂ©tents ! »
Rodrigue savait que ce serait ce Ă  quoi penserait Alix en voyant tout ceci
 les jumeaux seraient aussi inconscients que lui, ils lui enverraient surement tous leurs reproches dans la figure avant de le laisser se dĂ©brouiller seul
 mais pour garder la tĂȘte sur les Ă©paules dans tous les sens du terme et pour le bien du Royaume, ils devaient garder le silence

Le duc Ă©changea alors des banalitĂ©s avec Lambert, lui demanda comment il se sentait, puis l’informa de l’état de Dimitri et du Royaume, ainsi que les premiĂšres actions qu’ils avaient fait avec Gustave, LachĂ©sis et ThĂšcle Charon maintenant qu’elles Ă©taient Ă  la capitale
 quand Rufus les laissait travailler en paix et sans dĂ©tricoter tout ce qu’ils faisaient quand ça ne lui plaisait pas, c’était lui le rĂ©gent officiel aprĂšs tout
 cependant Gustave l’empĂȘcha de lui en parler, Lambert Ă©tait trop fatiguĂ© pour ça
 ils purent discuter que quelques minutes avant que le blessĂ© ne se rendorme

Quand il ressortit enfin de cette chambre et retourna mĂ©caniquement dans son bureau pour se remettre au travail, Rodrigue avait toujours ce mauvais gout dans sa bouche, sa gorge serré  tellement que le nƓud fissurait tout ce qui l’entourait, sa magie rĂ©agissant bizarrement Ă  tout ceci
 il voudrait tellement qu’Alix soit là

« Et bien, quelle tĂȘte d’enterrement

Le duc fit tout pour ne pas montrer quoi que ce soit en entendant Rufus l’approcher, le coupant sur le chemin de son Ă©tude. Il regarda le
 rĂ©gent l’approcher, la seule personne de tout le palais Ă  peu prĂšs en forme et de relative bonne humeur, mĂȘme s’il agitait les envies de revanches des seigneurs de l’Ouest. À ses joues bien pleine et son Ă©nergie, il ne devait pas respecter le rationnement mais bon, c’était le cadet des soucis de Rufus de respecter les rĂšgles et il ne s’en cachait pas
 si Lambert ne tarderait surement pas Ă  ĂȘtre l’un des hommes les plus dĂ©tester du Royaume, Rufus l’était dĂ©jĂ  aux vues de son comportement et de ses propres prises de position
 discrĂštement, Rodrigue rĂ©pondit en respectant l’étiquette.
– Veuillez m’excuser, je suis simplement trĂšs fatiguĂ©, mes devoirs me prennent Ă©normĂ©ment de temps et d’énergie.
– Bien, on aurait dit que vous Ă©tiez déçus de voir mon frĂšre en vie, gronda-t-il avec un sourire qui devait se vouloir menaçant mais, qui n’impressionnerait pas Rodrigue si ce n’était pas le rĂ©gent, il avait vu largement pire comme adversaire. J’avoue que je trouvais ça suspect aprĂšs ce qui s’est passĂ©, encore plus quand je vous voie ĂȘtre contre la guerre contre les duscuriens, alors qu’ils sont Ă©videmment coupables.
– Je ne songerais Ă  rien de tout cela envers Sa MajestĂ©, lui assura-t-il en repoussant son malaise de tout Ă  l’heure, ne devant rien montrer Ă  Rufus s’il tenait Ă  sa tĂȘte. Et je ne fais qu’écouter les dires de Sa MajestĂ© et de Son Altesse, toutes deux jurent que les duscuriens ne les ont pas attaquĂ©s, mais sauver au contraire. Ils doivent surement la vie aux villages voisins, en particulier la famille Molinaro qui se sont occupĂ©s d’eux. Son Altesse Ă©tait dĂ©vastĂ©e quand il a appris ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă  ce village Ă  qui son pĂšre et lui doivent la vie. Si l’enquĂȘte prouve la culpabilitĂ© des duscuriens, je reverrais mes positions mais pour le moment, nous devons surtout penser au maintien du Royaume dans cette pĂ©riode de cĂ©sure et de deuil. Les Charon, les Gautier, mon frĂšre et moi-mĂȘme pensons prĂ©fĂ©rables d’épargner une guerre Ă  nos finances, et d’orienter le maximum de nos fonds vers le maintien des aides aux nĂ©cessiteux, l’achat de vivres de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, de l’administration, la justice, la protection des routes et la lutte contre le brigandage, expliqua-t-il encore en faisant tout pour ne pas se tirer une flĂšche dans les pieds au passage.
– Hum
 bien, mĂȘme si cela me semble bien lĂąche et facile. Cependant  », Rufus lui attrapa le bras, serrant comme il pouvait malgrĂ© son absence totale d’entrainement, sauf Ă  celui des plaisirs, «  vous n’ĂȘtes pas sans ignorĂ© que mon pĂšre Ludovic vous portait en haute estime, et mĂȘme bien trop si vous voulez mon avis. Vous avez intĂ©rĂȘts Ă  ĂȘtre Ă  la hauteur des louanges que le vieux vous faisait, me suis-je bien fait comprendre ?
– Bien Ă©videmment, mon seul dĂ©sir est la survie du Royaume et de son peuple, comme feu Sa MajestĂ© le roi Ludovic l’avait toujours Ă  cƓur. Je me dĂ©voue corps et Ăąme Ă  cet objectif de bien commun.
– Tant mieux, cela vaut mieux pour votre tĂȘte. Ne vous prenez pas pour plus que vous n’ĂȘtes, surtout que vous semblez assez lent Ă  la tĂąche alors que le pire a Ă©tĂ© Ă©vitĂ©. Lambert et Dimitri sont en vie, c’est tout ce qui compte. Vous devriez vous en rĂ©jouir.
Rodrigue se mordit la langue, faisant tout pour ĂȘtre aussi impĂ©nĂ©trable que possible. Rufus le rĂ©pĂ©tait souvent celle-là

« ArrĂȘtez d’ĂȘtre triste car, des membres de votre famille et de votre peuple sont morts pour rien dans une boucherie Ă©vitable. Soyez plutĂŽt heureux et parfaitement satisfait car, mon frĂšre et son fils sont encore en vie. Si ça va pour la famille royale qui est MA famille, cela va pour tout le monde alors, retournez au travail sans vous plaindre. »
Enfin
 c’était comme ça que ça sonnait dans les oreilles de tout le monde. Les sƓurs Charon Ă©taient les premiĂšres Ă  vouloir l’étrangler pour ça, ayant perdu treize frĂšre, sƓur, beaux-frĂšres, belles-sƓurs, neveux et niĂšces dans la TragĂ©die, comme pratiquement tout le palais et la ville mais, tous savaient que la phrase suivante Ă©tait l’ordre de se taire sinon, c’était la corde.
Le duc rĂ©pondit alors, faisant tout pour ĂȘtre parfaitement dans son rĂŽle de subordonnĂ©.
– Je remercie tous les jours la DĂ©esse pour la survie de la famille royale. Ma lenteur et celles de mes associĂ©s s’expliquent par la surcharge de travail et le manque de mains, plusieurs d’entre nous sont morts pendant la TragĂ©die. Nous travaillons Ă©galement Ă  rĂ©soudre ce dernier problĂšme avec les sƓurs Charon. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser Votre Altesse, je me dois de retourner Ă  mes tĂąches », dĂ©clara-t-il avec une rĂ©vĂ©rence respectueuse et en soulignant le « Votre Altesse » en se montrant le plus soumis possible au rĂ©gent afin de respecter ses dĂ©sirs et ne pas s’attirer ses foudres.
Rodrigue s’esquiva pour se rendre dans son bureau aprĂšs avoir vu le sourire satisfait de Rufus. S’il se montrait suffisamment docile envers lui, il devrait plus facilement pouvoir manƓuvrer dans l’administration et refuser des choses Ă  ses fidĂšles, arguant qu’il n’était pas contre lui mais, juste en dĂ©saccord. C’était humiliant de s’aplatir devant un homme tel que Rufus, et ça n’arrangeait pas cette impression de vide interne en lui mais, cela en vaudrait la peine si cela pouvait protĂ©ger des vies et le Royaume, en particulier si ça protĂ©geait sa famille.
Le duc travailla jusqu’à tard, cette sensation dĂ©sagrĂ©able ne le quittant pas une seconde jusqu’à ce qu’il arrive Ă  se trainer jusqu’à ses appartements, Ă  bout de force, comme si voir Lambert puis Rufus l’avait vidĂ© de son Ă©nergie.
Cependant, quand il entra, il fut accueilli par FĂ©lix, encore debout malgrĂ© l’heure tardive, un chat tricolore Ă  cĂŽtĂ© de lui, appelĂ© « Fleuret » Ă  cause de ses tĂąches ressemblant Ă  des fleurs et en rĂ©fĂ©rence Ă  Fleurette. C’était un des errants qui parcouraient le palais, son fils l’avait pratiquement adoptĂ© depuis qu’il Ă©tait ici, il lui tenait compagnie. Les cahiers de FĂ©lix Ă©taient entassĂ©s sur le bureau, ses mains couvertes d’encre indiquant qu’il avait bien travaillĂ© pendant la journĂ©e. Rodrigue faisait attention Ă  ce qu’il ne nĂ©glige pas trop ses Ă©tudes, il aurait toujours besoin d’une tĂȘte bien faite, encore plus dans une pĂ©riode aussi incertaine qui s’annonçait. Deux assiettes aussi pleines que le rationnement le permettait les attendaient aussi.
Son louveteau sauta du banc quand il le vit rentrer, se prĂ©cipitant vers lui pour enrouler ses bras autour de sa taille. Il ne dit rien mais, Rodrigue comprit oĂč il voulait en venir. Son inconfort d’avoir revu Lambert s’envola, chassĂ© par son envie de serrer FĂ©lix dans ses bras, comme si c’était un miracle de le voir en vie
 c’était un miracle qu’il soit en vie, il Ă©tait nĂ© si faible
 il Ă©tait encore si fragile, qu’un enfant
 mais il Ă©tait aussi si fort, ne tombant pas
 comme sa mĂšre
 comme toujours
 Rodrigue ferait tout pour qu’il ne risque rien

« Je suis un pĂšre horrible, je m’appuie plus sur mon fils que l’inverse
 je suis dĂ©solĂ© FĂ©lix
 mais merci pour tout
 merci d’ĂȘtre là
 je t’aime mon louveteau, plus que tout
 je te protĂ©gerais  »
Ils mangĂšrent tous les deux avant que FĂ©lix n’aille dormir, Fleuret contre sa poitrine. Allumant une petite sphĂšre de feu au-dessus de sa feuille, Rodrigue Ă©crivit Ă  Alix pour raconter tout ce qui s’était passĂ© aujourd’hui, tout en codant leur lettre personnelle, Ă©crivant Ă  l’ammoniac entre les lignes ordinaires. D’habitude, il Ă©crivait leurs codes dans une autre encre invisible qui se rĂ©vĂ©lait Ă  la chaleur, il pourrait feindre que ces mots n’étaient que des grognements entre frĂšres et de la prudence excessive mais lĂ , c’était des Ă©tats d’ñmes plus dangereuses pour eux
 mieux valait utilisĂ© une encre sympathique nĂ©cessitant un rĂ©actif, mĂȘme s’il devait l’économiser
 il voulait juste en parler plus avec Alix que seulement en devinant ce qu’il pensait.
Une fois sa lettre scellĂ©e et avoir rĂ©citer ses priĂšres pour sa famille, le Royaume et les morts, Rodrigue alla se coucher aprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© que son fils allait bien, s’enfonçant dans un sommeil agitĂ©, sa magie picotant dans ses veines Ă  cause de toutes les Ă©motions de la journĂ©e.
*
« Grmph
 il ne manque pas de culot celui-là  »
Rufus descendit un verre de vin dans ses appartements, repensant Ă  sa confrontation avec Rodrigue plus tĂŽt. Il savait qu’il mentait, ce type mentait mal et cela se voyait. Il disait se rĂ©jouir de la survie de la famille royale et pour Dimitri, le rĂ©gent voulait bien y croire mais, pour Lambert, il savait que c’était faux, mĂȘme si rien ne l’indiquait sur son corps quand il parlait, Rufus le sentait ! De quoi il se plaignait ?! Lambert Ă©tait en vie et Dimitri aussi, le Royaume qu’ils aimaient soi-disant tous allaient survivre, pas la peine de faire des tĂȘtes d’enterrement Ă  chaque fois qu’il voyait leur roi ! ça devrait les rassurer au contraire ! Ils cachaient tous quelque chose, c’était sĂ»r ! Tous ! Tous ! Et ce loup enragĂ© le premier ! Mais c’était impossible de le prouver ! Son visage Ă©tait aussi impĂ©nĂ©trable que celui de ce glaçon de Ludovic !
« Foutu loup enragé ! »
Enfin bon, il avait pu voir Rodrigue s’aplatir et ça, Rufus ne pourrait jamais s’en lasser. Voir l’un des favoris Ă©vidents et avĂ©rĂ©s de son pĂšre devoir admettre ce qu’il Ă©tait, qu’un simple vassal dont il pouvait demander et obtenir la mort quand il voulait, c’était satisfaisant.
« La prochaine fois, je le fais s’agenouiller devant moi, qu’il apprenne enfin oĂč est sa vraie place. »
Sortant la clĂ© de sa chemise de corps, Rufus ouvrit doucement sa cassette oĂč il gardait le testament de son pĂšre, le lisant encore, se rappelant de ce vieux lion Ă©dentĂ© et essoufflĂ©, en train de dĂ©pouiller son propre fils de son hĂ©ritage avec sa stupide idĂ©e de monarchie Ă©lective, tout ça pour choyer les rejetons de son « grand frĂšre » adorĂ©.
«  ainsi, Ă©crivait la main tremblante de Ludovic, secouĂ© de toux et de crachat de sang tuberculeux, les tĂąches rendant le parchemin presque illisible Ă  plusieurs endroits Ă  prĂ©sent mais, Rufus le connaissait par cƓur Ă  ce stade, en mon Ăąme et conscience, je me dois de l’admettre et reconnaitre que dans la situation actuelle, si je devais voter pour Ă©lire le prochain roi, ma voix irait aux jumeaux Rodrigue Achille Fraldarius et Alix PersĂ©e Fraldarius. Selon mon expĂ©rience, mon esprit et ma propre rĂ©flexion, ainsi que l’observation de leurs parcours et dĂ©cisions antĂ©rieurs, ils sont les plus Ă  mĂȘme de prendre soin du Royaume pour le mener vers un jour meilleur.   »
Rufus froissa le papier entre ses mains, maudit les noms encore parfaitement visibles malgrĂ© le sang qui noircissait de jour en jour, mĂȘme s’il n’arriva toujours pas Ă  le jeter au feu. Ce vieux lion
 il le voyait encore, le teint gris, les joues creuses, les yeux mort
 un squelette vivant juste rempli de maladie, vidĂ© de vie et de force mais, qui en trouvait encore assez pour affirmer qu’il ne laisserait jamais Lambert devenir roi, qu’il n’était pas fait pour ça et qu’en substance, il Ă©tait indigne de cette tĂąche
 il serait encore lĂ , Ludovic s’en donnerait surement Ă  cƓur joie pour dire qu’il avait raison
 aprĂšs tout, ce n’était qu’un bloc de glace insensible avec juste le Royaume et la famille de son « grand frĂšre » Guillaume en tĂȘte

« Alors pĂšre ? Ils s’en sortent comment tes petits favoris ? Si intelligents, si habile, si comprĂ©hensifs des besoins du peuple, si raisonnables et avec la tĂȘte sur les Ă©paules ? Et la famille de ta petite crĂ©ature HĂ©lĂ©na qui Ă©tait – oh ! – bien plus douĂ©e que Lambert en politique, tout comme le reste de sa fratrie ? Qui mettrait Lambert sur le droit chemin en Ă©tant sa petite femme ? Tu dois te sentir bien con de les voir tous Ă©chouer comme ça et d’avoir provoquĂ© toutes ses morts, avec l’aide des duscuriens. Ils auraient prĂ©parĂ© ce voyage sĂ©rieusement, rien de tout ça ne serait arrivĂ©. Enfin, te connaissant, tu dirais Ă  Lambert qu’il est trop naĂŻf et borné  grogna-t-il tout seul en renfermant les documents volĂ©s Ă  double tour dans sa cassette. S’ils sont si forts, je peux bien les titiller un peu, ils s’en sortiront bien
 DĂ©esse, j’aimerais tellement voir ta tĂȘte ! »
*
« Derdriu ! Derdriu Ă  l’horizon capitaine ! Cria le marin au nid-de-pie.
– Aaaaah ! C’est bon de revenir à la maison !
– Surtout qu’on a fait de bonnes affaires !
Ivy sourit en voyant ses hommes s’agiter tout en travaillant, nouant et dĂ©nouant les bons nƓuds, veillant aussi Ă  ce que les voiles tiennent correctement le vent. Elle-mĂȘme tenait la barre, son navire volant sur les vagues alors qu’elle aussi voyait leur port d’amarrage, bien protĂ©gĂ© par la mer au fond de sa lagune. AprĂšs six mois Ă  commercer en Almyra, ça faisait du bien de retrouver leur Alliance bien-aimĂ© Ă  la plupart d’entre eux, mĂȘme Ivy avait dĂ©jĂ  hĂąte de reprendre la mer pour se rendre en Faerghus. Ça faisait une Ă©ternitĂ© qu’elle n’avait pas rendu visite aux jumeaux, Glenn et FĂ©lix, elle avait plein de choses Ă  raconter aux garçons ! Elle avait aussi mis la main sur un thĂ© que FĂ©licia aurait surement adorĂ© si elle Ă©tait encore parmi eux, elle voulait aussi passer lui dire bonjour et le partager avec elle, mĂȘme si Ivy Ă©tait bien moins bec sucrĂ© qu’elle. Enfin, avant ça, fallait dĂ©jĂ  qu’ils passent les bancs de sable recouverts par la marĂ©e haute, puis dĂ©chargent leurs marchandises
 Ivy devait aussi payer ses marins, mettre l’argent dont ils n’avaient pas besoin pour leur prochain voyage Ă  la banque, aller refaire leurs passes-ports et papiers officiels pour cette annĂ©e car, l’administration adorait les Ă©pices
 bref, autre chose Ă  faire que rĂȘvasser avant de retourner voguer sur les flots !
– Vous discuterez Ă  terre ! Passons le Croche-Navire et on parlera en descendant notre butin ! Ordonna-t-elle alors que Noce s’envolait de son Ă©paule pour ajouter.
– Passage dangerrrreux ! S’exclama le perroquet gris à la queue rouge en volant tout autour des marins. Tout le monde sur le pont !
– Bien capitaine ! »
Habilement, ils passĂšrent le banc de sable piĂ©geux puis, arrivĂšrent Ă  bon port. Une fois les formalitĂ©s administratives rĂ©glĂ©s, leurs cargaisons en lieu sĂ»r, les rendez-vous pris et les intermĂ©diaires payĂ©s, ils allĂšrent tous fĂȘter leur retour Ă  leur taverne habituelle, buvant Ă  leur santĂ© une grande chope de biĂšre.
« Et bien Ivy, ça fait un moment qu’on ne vous avait pas vu ! S’exclama la taverniĂšre, une bonne connaissance Ă  eux Ă  force. Vous ĂȘtes allĂ©s plumer qui cette fois pour ramener un pactole pareil ?
– Almyra pendant six mois et on a fait des affaires complĂštement lĂ©gales Tessa, lui assura-t-elle avec un sourire. C’est pas ma faute si les gens sont nuls pour nĂ©gocier. En tout cas, ressert moi une bonne choppe, ça me changera du jus de fruit !
– À la vitesse oĂč vous videz vos verres, je parie que vous Ă©tiez dans la partie oĂč ils n’ont pas le droit de boire de l’alcool, ria la taverniĂšre en devinant dĂ©jĂ  qu’elle allait faire une excellente recette ce soir.
– Ouais, loi divine du coin. Ils fument pour se mettre la tĂȘte Ă  l’envers eux. J’ai essayĂ© quand je suis allĂ©e lĂ -bas la premiĂšre fois mais, c’est pas Ă  mon gout. Rien ne vaut la bonne biĂšre derdrienne pour nos palais leicesters !
– Tu m’étonnes
 et vous ramenez quoi de lĂ -bas ?
– De belles Ă©toffes, des pigments, des Ă©pices qui se mangent, des livres de tout et n’importe quoi, de l’encens, de l’ivoire, de l’or
 la routine habituelle pour un petit voyage en Almyra orientale
 lista-t-elle en prenant une autre gorgĂ©e du liquide ambrĂ© et rond sur sa langue. Et ah ! Du thĂ© aux aiguilles de pins d’Almyra et du sucre au thé 
– Du sucre au thé ? RĂ©pĂ©ta Tessa en en croyant pas ses oreilles.
– C’est du thĂ© mais horriblement sucrĂ© mais que veux-tu, ma FĂ©licia adorait le sucre alors, quand je rentre, je lui en ramĂšne pour le partager avec elle sur sa tombe et lui raconter mes derniers voyages comme au bon vieux temps. Son mari et ses gosses adorent les trucs avec du piquant par contre alors, je leur ramĂšne du thĂ© aux aiguilles de pin qu’il adore. Je voulais aussi leur ramener un chat avec le nez tout Ă©crasĂ© vu que ce sont des grands amoureux des chats mais, son proprio n’a pas voulu me le vendre, et comme j’avais rien fait d’illĂ©gal en six mois, je me suis dit que j’allais pas tenter d’avoir une prime sur ma tĂȘte dans un autre port, surtout qu’ils n’auraient pas apprĂ©cié  donc bon, pour une prochaine fois
 prochaine arrĂȘt : chez eux ! Je me remplierais aussi les poches au passage, c’est un des coins les plus riches du Royaume !
– Euh, ta petite FĂ©licia ? C’est la petite malade des Lebur non ? C’est pas elle qui a Ă©pousĂ© un grand noble du Royaume ? La questionna la taverniĂšre, un air sombre passant sur son visage. Je me souviens qu’une fois, des crĂ©tins t’ont attaquĂ© ici pour te prendre en otage et la faire chanter

– « Tenter » de me prendre en otage, corrigea-t-elle sans louper la gravitĂ© sur son visage. C’est finalement moi qui aie fait jurer Ă  ses marins de latrine d’ĂȘtre gentils avec les demoiselles, en particulier celles de Faerghus et si je les prenais Ă  piller les cĂŽtes de Fraldarius, c’est moi qui allait les envoyer par le fond pour jouer avec les poissons, si c’est pas sa belle-famille qui le faisait en premier. Je suis une Drake, j’ai une rĂ©putation Ă  tenir, et FĂ©licia et sa famille sont mes petits protĂ©gĂ©s, on touche avec les yeux et de loin. Donc oui, c’est ma FĂ©licia, et prochaine destination, le Fort Egua par les voies fluviales. Pourquoi ? Il s’est passĂ© quelque chose ?
– T’es pas au courant ?! Ah non, attend, c’est vrai que vous ĂȘtes revenus qu’aujourd’hui et que l’info est arrivĂ©e y a trois jours, ça n’a pas eu le temps d’arriver plus loin
 marmonna-t-elle avant de lui apprendre. C’était le mois dernier, le roi de Faerghus s’est rendu en catastrophe Ă  Duscur. Mais quand je te dis en catastrophe, c’est vraiment en deux lunes, le voyage a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© par le roi puis, ils sont tous partis et ils ont raclĂ© partout oĂč ils pouvaient pour avoir les fournitures nĂ©cessaires pour le voyage ! T’as ratĂ© un bon marchĂ© si tu avais des bleds ou des fĂšves Ă  vendre d’ailleurs, ils prenaient tout ce qu’il trouvait ! Le convoi s’est fait attaquer sur le chemin et ils se sont fait Ă©craser ! Seuls le roi et le prince s’en sont sortis vivants, tous les autres sont morts sur place !
– Attends
 quoi ?! S’étrangla Ivy, l’inquiĂ©tude lui serrant la gorge. Tu sais qui Ă©tait dans ce convoi ?! Et ils sont partis en deux mois pour un voyage pareil ?! Pourquoi ils ont fait ça ? Il s’est passĂ© quoi ?
– Apparemment, y a un des petits chatelains de la frontiĂšre qui voulait agrandir son fief en conquĂ©rant des terres duscuriennes alors, crise diplomatique et le roi a dĂ©cidĂ© de se rendre en Duscur en signe de bonne volonté 
– Quoi le roi a dĂ©cidé ? Il doit se concerter avec les grands pour faire quoi que ce soit normalement, sauf Ă  ĂȘtre un Clovis le Sanglant ou l’empereur d’Adrestia. Le roi de Faerghus doit s’appuyer sur les autres seigneurs pour prendre des dĂ©cisions pareilles, et je les connais ceux-lĂ . J’ai Ă©tĂ© Ă  Garreg Mach avec eux et je les ai revus plusieurs fois. Ok, le Lambert, il a clairement pas inventĂ© l’eau tiĂšde et c’est un bel idiot que mĂȘme Noce pourrait vaincre dans une nĂ©gociation mais, ses seconds, les jumeaux Fraldarius, ils en ont dans le crĂąne ! Ils n’auraient jamais laissĂ© faire ça !
– Ah pour le coup, le travail en Ă©quipe avec les grands et leur accord, il s’est assis dessus le roi, c’était sa dĂ©cision seule et tout le monde le sait. C’était le voyage du roi et point, ça la rendu trĂšs impopulaire d’ailleurs vu que c’était fait dans une telle prĂ©cipitation que personne ne voulait y aller. Apparemment, les seigneurs de l’Ouest ont trouvĂ© leur intĂ©rĂȘt vu qu’ils Ă©taient tous derriĂšre le roi mais, Ă  l’Est, c’était une vĂ©ritable levĂ©e de bouclier mais bon, ils ne pouvaient pas trop l’ouvrir car sinon
 tu sais ? Haute trahison, obĂ©issance au seigneur suzerain, les devoirs du vassal, devoir d’obĂ©issance, tout le monde fait la mĂȘme chose et y a pas de table ronde pour dĂ©cider Ă  plusieurs ce qu’on fait, et tous uni ensemble devant l’adversitĂ©, tout ça

– Tous unis devant l’adversitĂ© et derriĂšre la connerie oui
 grogna Ivy. Les nobles se foutent peut-ĂȘtre sur la gueule quand ils ne sont pas d’accord dans l’Alliance mais, ça lui aurait fait les pieds au Lambert de se prendre une rĂ©volte nobiliaire dans la gueule
 enfin, en deux mois, ils n’ont pas dĂ» avoir le temps de s’organiser
 et tu sais qui Ă©tait lĂ -bas ? Au moins les bataillons de troupes envoyĂ©s ? Insista-t-elle avant de prĂ©ciser, morte d’inquiĂ©tude. La jeune garde princiĂšre, elle y Ă©tait ? Elle est directement affectĂ©e Ă  la protection du prince.
– Alors, elle devait y ĂȘtre. Comme personne ne voulait y aller, ils ont dĂ» prendre de gens au hasard alors, s’il pouvait prendre des rĂ©giments qui doivent suivre quelqu’un comme des toutous pour la surveiller comme le lait sur le feu, tu penses bien qu’ils n’allaient pas cracher dessus, rĂ©torqua la taverniĂšre avec un air blasĂ©, avant de demander, plus inquiĂšte. Tu connais quelqu’un dedans ?
– Oui, le fils ainĂ© de FĂ©licia fait son service lĂ -dedans

– Ah
 alors
 Tessa se tut une seconde, remplit un verre d’eau qu’elle posa sur le bar devant la marchande puis, marmonna, sincĂšre. Je suis dĂ©solé  surtout qu’il ne devait pas ĂȘtre bien vieux
 si
 si t’as besoin de parler, n’hĂ©site pas, je t’écouterais sans problĂšme

– Ivy
 parrrrdon
 babilla Noce en prenant une de ses courtes mùches dans son bec.
La marin les remercia d’un regard, passant sa main sur les plumes bien entretenu de son compagnon de toujours, puis en buvant doucement l’eau offerte par Tessa. Ça faisait du bien
 et refroidissait un peu ses nerfs
 DĂ©esse, fallait pas que ce crĂ©tin de Lambert lui tombe dessus ! Enfin, avec un tout petit peu de chance

– Merci Ă  vous deux
 elle finit son verre d’une traite avant de dĂ©clarer, dĂ©terminĂ©e. Raison de plus pour que je me rende Ă  Fraldarius. Va leur falloir des vivres et des fournitures, et ça me permettra d’avoir des infos de premiĂšre main. Qui sait ? Peut-ĂȘtre que quelques soldats ont survĂ©cus dans le lot ? C’est pas possible qu’il ait tuĂ© tout le monde jusqu’au dernier mais, qui ait loupĂ© la famille royale alors que c’était surement les plus important Ă  descendre du convoi
 j’ai dĂ©jĂ  pris mon rendez-vous et payez mes Ă©pices Ă  l’administration pour refaire mes papiers. Je les ai, et je file lĂ -bas.
– Comme tu veux, mais mĂ©fie-toi un peu, y a le vieux Riegan qui est en train de chercher des navigateurs pour se rendre en Faerghus. T’es une des meilleurs de toute l’Alliance, il risque de te demander de l’accompagner lĂ -bas. En plus, voyager Ă  bord du navire d’une Drake, c’est l’assurance d’avoir une paix royale pendant toute la traversĂ©e.
– Merci du compliment, je sais me faire respecter. Et c’est clair, ce vieux cerf est douĂ© pour dĂ©barquer avec juste l’argent pour acheter un rouleau de tissu mitĂ©, et repartir avec une cargaison de soierie, marmonna Ivy, connaissant – et respectant – la ruse de son grand-duc qui les avait tirĂ©s de pas mal de pĂ©trin, et elle prĂ©fĂ©rait ça Ă  un crĂ©tin fini.
– Ouais, et il est encore en forme pour son Ăąge. Il a
 quoi ? Quatre-vingts ans cette annĂ©e ? Et pas plus tard qu’y a trois mois, il avait le projet de rendre visite Ă  sa fille mais bon, quand tu pars avec un arc et une Ă©pĂ©e dans les bagages, les retrouvailles familiales n’allaient pas forcĂ©ment ĂȘtre des plus chaleureuses, c’est moi qui te le dis. C’est encore le meilleur archer de toute l’Alliance.
– Comme quoi, commencer Ă  rĂ©gner avec un tarĂ© assoiffĂ© de sang comme Clovis juste Ă  cĂŽtĂ©, ça forge le caractĂšre. Enfin
 s’il me laisse mettre les voiles pour Fraldarius, ça vaudrait le coup de jouer les passeuses pour lui. Pour le moment, tout ce que je veux, c’est savoir comment va la famille de FĂ©licia. Je leur en dois plusieurs en plus, je peux bien leur offrir un petit coup de pouce

– Capitaine
 grrrrand cƓurrrrr ! Babilla Noce.
– Oh la ferme, faut bien que j’entretienne mes relations commerciales, rĂ©torqua-t-elle alors que son compagnon de toujours se serrait effrontĂ©ment contre sa tĂȘte. Et je tiens quand mĂȘme un peu Ă  eux

Ivy se mit Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  son organisation dans les prochains jours. Avec un peu plus d’épices que nĂ©cessaire, elle aurait ses autorisations en deux semaines au lieu d’un gros mois, et encore plus si le grand-duc lui demandait de l’emmener Ă  Faerghus. Non pas qu’elle ait trĂšs envie d’ĂȘtre le toutou des nobles mais, ce ne serait que pour une fois, et Geoffrey Ă©tait Ă©galement quelqu’un de bien Ă  l’acadĂ©mie, contrairement Ă  sa sƓur alors, si ça pouvait arranger le grand-duc et son hĂ©ritier, ça pouvait l’arranger elle aussi
 et lui ouvrir de nouveaux marchĂ©s avec de nouveaux clients potentiels Ă  la cour de Derdriu.
« Bref, j’ai plus d’opportunitĂ© de me faire du blĂ© pour retourner naviguer comme je veux oĂč je veux, et je peux aller voir les Fraldarius et savoir comment tout le monde va, c’est tout bĂ©nĂšf’ pour moi
 faudra juste que je me retienne de baffer Lambert, ça devrait aller comme condition. »
*
«  c’est une honte ! Quel genre de pĂšre ĂȘtes-vous ?!
– Un qui ne veut pas salir la mĂ©moire de son fils avec du sang d’innocent.
Rodrigue fit tout ce qu’il pouvait pour garder son calme, les mains posĂ©es sur son bureau pour qu’elle ne trahisse aucun Ă©tat d’ñme, bien malgrĂ© sa fatigue et celle d’Alix. Tout un groupe de nobles se faisant appeler « les vengeurs » venaient de pratiquement dĂ©foncer sa porte, l’interrompant alors qu’il rĂ©digeait un ordre d’arrestation pour Kleiman avec LachĂ©sis et ThĂšcle, ce dernier ayant provoquĂ© toute cette situation. Il savait que Rufus allait le casser, comme le procĂšs lancĂ© par Lambert contre lui pour avoir attaquĂ© Duscur sans sommation et tuĂ© vingt-et-un d’entre eux. Kleiman avait rĂ©ussi Ă  se faire trĂšs apprĂ©cier par le rĂ©gent, en appelant Ă  la contre-attaque immĂ©diate contre les duscuriens mais, au moins pour la forme et pour les on-dit, ils devaient le faire. Les serviteurs Ă©taient au courant que Lambert et Dimitri n’avaient vu aucun duscurien, ils avaient dĂ©jĂ  fait tourner l’information en discutant en ville et mĂȘme si beaucoup Ă©tait persuadĂ© du contraire, le doute permettait de juguler l’envie de vengeance de beaucoup. Une fois l’état de choc passĂ©, Lambert serait surement haĂŻ et sa parole caduque mais, il devait en profiter tant qu’elle avait encore de la valeur. Ça leur ferait gagner du temps et pour ça, c’était tout ce dont ils avaient besoins. S’ils arrivaient Ă  instiller suffisamment de doute dans la certitude que les duscuriens avaient organisĂ© ce fiasco, ils pourraient peut-ĂȘtre empĂȘcher la guerre
 enfin, il priait la DĂ©esse pour que ça marche dans les milieux roturiers.
Par contre, pour les nobles, ce serait mission presque impossible, ils avaient bien trop Ă  gagner dans une guerre avec Duscur, que ce soit en butin ou en possible annexion. Encore, Ă  l’Est oĂč la zone d’influence des Charon et des Fraldarius Ă©tait forte, ça allait, leurs vassaux et mĂ©tayers Ă©taient plus remontĂ©s contre le roi Ă  force. Gautier Ă©tait surtout occupĂ© Ă  faire en sorte que les srengs respectent leur tradition de ne pas attaquer un adversaire Ă  terre. Les GalatĂ©a Ă©taient peut-ĂȘtre fous de rage contre les duscuriens et voulaient les faire tous payer jusqu’au dernier, le comtĂ© Ă©tait coincĂ© entre les Charon et les Fraldarius, et il Ă©tait pratiquement ruinĂ©. Francis ne pouvait pas se permettre de perdre d’argent dans une telle expĂ©dition, autant Ă©gorger son peuple lui-mĂȘme, ce serait plus court que les faire mourir de faim.
Mais Ă  l’Ouest, c’était une tout autre paire de manche
 Ă  part Rowe qui Ă©tait une seigneurie assez importante en termes de taille et de puissance, et un peu Mateus derriĂšre, les autres Ă©taient bien plus petites et morcelĂ©es. D’un cĂŽtĂ©, s’était trĂšs pratique pour profiter de leurs divisions internes, ils avaient beaucoup de mal Ă  s’organiser entre eux sans se manger le bec les uns des autres, mais de l’autre, beaucoup nourrissaient l’ambition d’agrandir leurs terres ailleurs et d’augmenter leurs revenus et leur influence par tous les moyens possibles, et la guerre Ă©tait un excellent moyen d’accĂ©der Ă  cet objectif
 surtout face aux duscuriens bien plus faibles militairement qu’eux

Alors, autant les deux sƓurs que lui-mĂȘme se retrouvaient pĂ©riodiquement avec des reprĂ©sentants des « vengeurs » venant les exhorter de dĂ©clarer la guerre aux duscuriens, officiellement pour venger leur mort et leur faire payer leur crime, officieusement pour rĂ©cupĂ©rer des terres. Alix et les autres Charon recevaient Ă©galement les mĂȘmes demandes mais, ils les repoussaient tous autant qu’ils Ă©taient. Mais ceux qui restaient Ă  la capitale semblait dĂ©terminĂ© Ă  les faire plier et accepter. Ils avaient tentĂ© de le convaincre en le traitant de lĂąche et de mauvais seigneur au dĂ©but, mais maintenant, ils allaient mĂȘme jusqu’à fouler aux pieds le cadavre de Glenn pour le pousser Ă  faire une erreur ! StratĂ©gie trĂšs grossiĂšre mais, la fatigue ne l’aiderait pas Ă  garder son calme
 encore plus avec sa magie aussi instable, elle le pompait aussi ses forces
 Rodrigue avait trop peu de temps pour s’entrainer alors, elle s’accumulait en lui
 le tout ensemble, elle devenait plus difficile Ă  contrĂŽler, mĂȘme si ce n’était pas dangereux pour les autres

– Hors de question de leur donner la satisfaction d’arriver Ă  avoir mon parti sur un coup de sang ou la fatigue
 se jura Rodrigue avant de continuer. Sa MajestĂ© et Son Altesse jurent toutes deux que l’armĂ©e les ayant attaquĂ©s portait de l’écarlate et du noir, et que les soldats avaient la peau blanche comme de la craie pour ceux qui avait le visage dĂ©couvert. Nous ne sommes pas sĂ»r de l’identitĂ© de leurs agresseurs, et les duscuriens n’auraient rien Ă  gagner Ă  provoquer une guerre contre nous, Ă  part une guerre qu’ils sont sĂ»rs de perdre. De plus, ce que vous me demandez est de vous aider Ă  lever une armĂ©e destinĂ©e Ă  ravager Duscur jusqu’au moindre village. Vous me demandez de faire subir Ă  d’autres parents d’enfants innocents de vivre le mĂȘme cauchemar Ă©veillĂ© que moi. Comme vous le dites, j’ai aussi perdu mon enfant, mais aussi mon compĂšre, plusieurs proches et des personnes dĂ©pendant de ma protection. Je connais cette douleur et cette peine tout autant de vous, et je refuse de faire subir un tel sort Ă  quelqu’un d’autre. Les coupables devront ĂȘtre punis Ă  la mesure de leur crime, je suis tout Ă  fait d’accord sur ce point, mais la justice des hommes et de la DĂ©esse nous ordonne de mener l’enquĂȘte afin de dĂ©terminer qui sont les vrais coupables. Vous invoquiez Glenn, je sais que mon fils ne voudrait pas que des innocents soient tuĂ©s dans une soif de sang incontrĂŽlĂ©.
– Dites-vous cela par crainte de l’erreur ou par lĂącheté ? Piqua l’un des vengeurs. AprĂšs tout, vous n’ĂȘtes qu’un bouclier et un gratte-papier. Vous passez plus de temps dans cette Ă©tude Ă  Ă©crire qu’à vous entrainer pour dĂ©fendre nos terres et notre honneur ces derniers temps.
– Je prĂ©fĂšre ĂȘtre un lĂąche qui n’a pas tuĂ© un innocent, qu’un soi-disant brave massacrant tout sur son passage par vengeance. Je ne ferais que cracher sur tout ce que j’ai appris de mon compĂšre et de mes parents, puis que j’ai transmis Ă  mes fils. Un crime a Ă©tĂ© commis, laissons la justice faire son office et chercher les coupables. Faire justice nous-mĂȘmes n’amĂšnera qu’à plus de souffrance inutile, ainsi qu’un sentiment d’injustice qui ne fera que se transformer en envie de vengeance Ă  terme. Et en effet, j’écris des lettres Ă  envoyer dans tout le Royaume pour savoir oĂč en sont les diffĂ©rentes mesures locales visant Ă  Ă©viter une disette et que l’anarchie ne s’installe. Vous n’ĂȘtes pas sans ignorĂ© nos difficultĂ©s monĂ©taires, mĂȘme la noblesse doit participer alors que nous payons habituellement l’impĂŽt du sang, et nous avons pour la plupart dĂ©jĂ  dĂ» contribuer financiĂšrement Ă  ce voyage. Nous engager dans une campagne militaire ne ferait que gaspiller l’argent destinĂ© au peuple, ce qui serait fatale pour une grande partie d’entre eux, ce qui crĂ©erait encore plus d’endeuillĂ© faerghiens, et j’ose espĂ©rer que cela n’est point votre objectif.
Rodrigue les laissa s’énerver tout seuls face Ă  lui, rĂ©pondant Ă  leurs arguments ressemblant de plus en plus Ă  des insultes par des remarques calmes, gardant complĂštement le contrĂŽle de lui-mĂȘme. Sa mĂšre avait toujours agi ainsi dans la plupart des situations tendues, tout comme son pĂšre : gardez son calme et faire en sorte de rester en contrĂŽle, mĂȘme quand il s’échappait. La façade de contrĂŽle permettait souvent de repousser les chiens errants, dĂ©stabilisĂ©s en voyant que leurs petits jappements n’avaient pas l’effet escomptĂ©.
Comme prĂ©vu, ils finirent par jeter l’éponge pour la plupart d’entre eux, mĂȘme si l’émissaire de Rowe et quelques-uns de ses sous-fifres tentaient encore leur chance. Le duc Ă©tait sur le point de les faire sortir quand on frappa Ă  la porte, avant que FĂ©lix n’entre, un plateau avec leur repas Ă  la main en appelant, Fleuret sur son Ă©paule et avec l’épĂ©iste qui veillait sur lui.
« Papa ! Tu viens manger ?!
– J’arrive FĂ©lix, lui sourit-il, heureux de le voir aprĂšs avoir subi les « vengeurs » toute la matinĂ©e. Pars devant. Je les fais sortir et j’arrive

– Attendez ! Nous n’avons pas
 commença un d’entre eux, avant que l’émissaire de Rowe ne l’arrĂȘte.
– Non, laisse-le. Nous ne sommes quand mĂȘme pas au point de l’empĂȘcher de profiter de la famille qui lui reste, glissa-t-il avec un sourire, jetant un Ɠil au pĂšre puis au fils, son sourire s’étendant aprĂšs avoir scrutĂ© FĂ©lix. Nous sortons.
Rodrigue se tendit Ă  ces mots, mĂ©fiant. C’était trop beau et trop facile
 et cette expression
 elle faisait crĂ©piter le surplus de magie en lui, prĂȘt Ă  tonner au moindre danger menaçant son petit
 il les fit sortir en verrouillant sa porte, posant mĂȘme un sceau sur la serrure au cas oĂč. La libĂ©ration de magie lui fit du bien
 ses veines s’allĂ©geait un peu du surplus
 il fallait vraiment qu’il trouve quelques minutes pour s’entrainer
 le pĂšre allait rejoindre son fils quand l’émissaire le retient une seconde en dĂ©clarant, un sourire entendu aux lĂšvres.
– Votre fils est adorable avec vous, on voie combien il vous aime, et Ă  quel point vous tenez Ă  lui Ă©galement.
– J’ai toujours Ă©tĂ© trĂšs attachĂ© Ă  ma famille, rĂ©pondit-il en restant dans ce qui Ă©tait connu de tous et le plus vague possible, ne devant pas donner trop d’information Ă  cet homme.
Rodrigue voyait bien qu’il tentait de lui tendre un piùge, et il ne devait surtout pas tomber dedans.
– Cela se voie et c’est touchant. C’est admirable d’entretenir des liens aussi forts dans une famille, mĂȘme si c’est surement aussi un hĂ©ritage pour la vĂŽtre. AprĂšs tout, vous ne vivez pas trĂšs longtemps chez vous, il est logique que vous profitiez autant que vous risquez de vous perdre les uns les autres Ă  la moindre mission pour le Royaume. Il doit ĂȘtre votre soleil en ses temps difficiles, surtout que c’est un enfant plein de vie et de ressources
 malgrĂ© toutes ses horreurs, il garde toute sa force et continue Ă  avancer.
– C’est le cas dans la plupart des familles, et FĂ©lix a toujours Ă©tĂ© un battant. Il tient de sa mĂšre, louvoya-t-il encore sans rĂ©pondre directement Ă  la remarque sur leur courte durĂ©e de vie, mĂȘme s’il sentait les poils de sa nuque s’hĂ©risser, craignant ce que l’émissaire allait dire aprĂšs avoir plantĂ© un tel dĂ©cor.
– Peut-ĂȘtre pas Ă  ce point
 enfin, j’imagine que vous voulez le meilleur pour votre enfant, et c’est Ă©galement extrĂȘmement louable de votre part. Il serait d’autant regrettable qu’il lui arrive quoi que ce soit, encore plus si peu de temps aprĂšs que son frĂšre ait perdu la vie. AprĂšs tout, nous serons d’accord que tout parent veut le meilleur pour son enfant, en particulier pour sa sĂ©curitĂ©. En une pĂ©riode aussi trouble, cela doit beaucoup vous

L’émissaire se tut d’un coup en sentant le regard acĂ©rĂ© de Rodrigue braquĂ© sur lui, dur comme de l’acier alors qu’il exprimait Ă  peine sa mĂ©fiance l’instant d’avant. Rien dans son expression ou son attitude n’exprimait la moindre agressivitĂ© ou colĂšre mais, son regard Ă©tait comme des crocs pressĂ©s contre sa gorge, prĂȘt Ă  lui arracher s’il commettait la moindre erreur. Le duc n’avait fait que changer lĂ©gĂšrement d’expression, redresser lĂ©gĂšrement les Ă©paules en les tendant et Ă  relever le menton pour le toiser avec mĂ©fiance, un avertissement tacite. Il en semblait mĂȘme plus grand alors qu’il Ă©tait de taille moyenne et qu’il avait perdu pas mal de poids en quelques semaines, surement Ă  cause des rationnements de nourriture. Au moins un noble qui le respectait
 mais sa face un peu Ă©maciĂ©e rendait ses arĂȘtes plus aigĂŒes, plus dures, aiguisant encore plus son regard comme des crocs.
« Ça se voie qu’il a Ă©tudiĂ© la politique avec sa mĂšre
 cette maudite AliĂ©nor pouvait menacer quelqu’un d’avoir sa tĂȘte d’un regard ! »
– Effectivement, tout parent veut le meilleur pour ses enfants et qu’ils vivent en toute sĂ©curitĂ©. Je serais prĂȘt Ă  tout pour protĂ©ger FĂ©lix et ne pas le perdre lui aussi. Alors, ne vous en faites pas, la moindre personne qui aurait l’audace de lui faire le moindre mal le paiera trĂšs cher, dĂ©clara le pĂšre d’un ton glacial, ses mots coulant le long de l’échine de l’émissaire comme une pluie insidieuse qui glaçait jusqu’aux os, d’une froideur que n’aurait pas renier le roi Ludovic. D’aprĂšs notre cher Nicola, je ressemble comme deux gouttes Ă  mon pĂšre pour ce qui est de ma
 dĂ©termination Ă  protĂ©ger notre famille. Cela est dĂ©jĂ  un avertissement en soi.
C’était peu de le dire aux vues du sort que Guillaume avait rĂ©servĂ© Ă  ceux qui avaient tentĂ© de lui ravir son hĂ©ritage, ou de s’en prendre Ă  ses fils, surtout qu’une fois qu’il mordait, il ne lĂąchait plus. Celui qui avait Ă©tĂ© le plus proche d’arracher les jumeaux Ă  leurs parents avaient fini sans terre, ni titre, ni noblesse, ni fortune, ni alliĂ©, ni rien alors que c’était un noble de premier plan au dĂ©part, mais qui avait voulu rĂ©cupĂ©rer de riches terres appartenant Ă  Fraldarius. Dans cette optique avait pensĂ© que c’était une bonne idĂ©e de tenter d’enlever les enfants des ducs pour en faire une monnaie d’échange sĂ»re. Les parents des jumeaux l’avaient complĂštement dĂ©truit, arrachĂ© Ă  coup de crocs tout ce qu’il avait morceau par morceau. Cette affaire leur servit d’avertissement Ă  tous leurs ennemis, et la DĂ©esse savait que Guillaume en avait beaucoup : le moindre ennemi qui s’approchait de leur taniĂšre et de leur portĂ©e serait dĂ©chiquetĂ© sans la moindre pitiĂ©.
L’émissaire ne put empĂȘcher un frisson d’agiter tout son corps. Il savait qu’Alix Ă©tait le portrait de son pĂšre mais, il ignorait que Rodrigue pouvait ĂȘtre aussi impitoyable, ou au moins menacĂ© de l’ĂȘtre de maniĂšre aussi convaincante. Il Ă©tait plus apprivoisĂ© que son frĂšre en apparence mais, il Ă©tait tout aussi sauvage que lui finalement
 il sentait presque la magie crĂ©pitĂ©e dans les veines du duc, prĂȘte Ă  le balayer comme une pauvre branche dans des rapides s’il s’approchait un tant soit peu de son fils. Son maitre devait ĂȘtre bien plus prudent qu’il ne le pensait de base avec lui !
– Je comprends parfaitement, et je prie pour que cela n’arrive jamais. Sinon, vous pourrez compter notre soutien pour obtenir justice. Nous cherchons la mĂȘme chose.
– Bien, je vous saurai grĂ© de faire passer ce message, afin de prĂ©venir tout intention malveillante de la part de vos camarades. Je ne doute pas de votre bonne foi mais, qui sait s’il n’y a pas parmi vous quelques Ăąmes perdues ou corrompues qui serait prĂȘte Ă  employer de telles mĂ©thodes. Toutes nos forces doivent ĂȘtre entiĂšrement tournĂ©es vers le maintien du Royaume, surtout que les rĂ©coltes s’annoncent mauvaises cette annĂ©e. Je suis sĂ»r que vous avez Ă©galement Ă  cƓur que le pays oĂč vit votre famille ne sombre pas, n’est-ce pas ?
– Cela va de soi. Si vous voulez bien m’excusez Votre Grñce

L’émissaire fit une petite rĂ©vĂ©rence en guise de salut avant de s’enfuir, ne voulant pas rester aussi proche d’une bĂȘte qui risquait de le mordre. Tant pis pour l’accĂšs au marchĂ© noir, il ne voulait pas risquer de se faire Ă©gorger par un loup enragé ! Son maitre devrait se montrer prudent avec lui s’il ne voulait pas finir comme un liĂšvre broyĂ© sous ses crocs !
« Cependant, il avait l’air
 Ă©trange
 il est fatiguĂ© et il perd du poids, c’est Ă©vident et en plus, il n’a pas l’air de pouvoir beaucoup s’entrainer
 pour un magicien aussi expĂ©rimentĂ© que lui, ça pourrait s’avĂ©rer dangereux pour sa santé  cela intĂ©ressera surement le Seigneur Rowe  »
Rodrigue se frotta la main en voyant l’homme partir, mal Ă  l’aise en rejoignant FĂ©lix qui l’attendait Ă  l’angle du couloir. Heureusement, il Ă©tait loin et du cĂŽtĂ© de son dos quand il parlait Ă  l’émissaire
 aux vues de son visage, son expression devait ĂȘtre monstrueuse et il ne voulait pas montrer ça Ă  son fils.
Sa magie s’agitait dans tous les sens dans son corps, tapant contre les parois de ses veines. Sa colĂšre avait dĂ» la rendre plus instable, prĂȘte Ă  ĂȘtre utiliser mĂȘme s’il n’en avait pas l’intention. Il fallait vraiment qu’il se trouve un moment pour s’entrainer un peu et l’utiliser, le pĂšre allait encore plus se ruiner la santĂ© qu’il ne le faisait dĂ©jĂ  en dormant aussi peu
 au moins, l’avertissement Ă©tait passé  mĂȘme s’il n’aimait vraiment pas ĂȘtre aussi agressif, il n’avait pas pu s’en empĂȘcher
 ce n’était peut-ĂȘtre que l’émissaire et le comte Rowe l’affirmerait surement s’il le confrontait mais, les vengeurs Ă©taient prĂȘts Ă  tout pour commencer cette guerre, mĂȘme aux manƓuvres les plus basses

« Papa ? L’appela FĂ©lix en lui prenant la main, le plateau appuyĂ© sur sa hanche. Tout va bien ?
– 
 oui, ne t’en fais pas. Les vengeurs viennent souvent rĂ©clamer beaucoup de choses Ă  mon Ă©tude. Je leur refuse tout ou presque car, c’est dangereux pour le Royaume, mĂȘme si Rufus est avec eux. Il faut simplement que je fasse attention quand je choisis mes mots

– Rufus est un crĂ©tin, il sait rien faire Ă  part rĂąler. Mais j’ai entendu qu’il parlait de moi
 et tu t’es figĂ© quand le type de Rowe te l’a dit avant qu’il n’ait l’air d’avoir peur

– Ta langue FĂ©lix et

Rodrigue hĂ©sita, ne sachant pas s’il devait lui dire ou non. Il faisait tout pour Ă©pargner autant d’horreur et difficultĂ© que possible, mĂȘme si son louveteau en Ă©tait trĂšs conscient, c’était impossible de tout lui Ă©pargner. Il ne voulait pas dire Ă  FĂ©lix que l’émissaire venait de le menacer pour faire plier son pĂšre mais d’un autre cĂŽtĂ©, il devait Ă©galement le prĂ©venir des dangers qui planaient autour de sa tĂȘte. Lui mettre des ƓillĂšres ne le prĂ©parerait pas Ă  affronter les difficultĂ©s non plus
 aprĂšs ce qu’il venait d’entendre, Rodrigue devait redoubler de prudence
 les vengeurs ne reculerait devant rien

– Je t’en parlerais quand on sera dans nos appartements, dĂ©clara-t-il alors en le dĂ©barrassant du plateau de nourriture. D’accord ? »
FĂ©lix dut sentir la gravitĂ© dans sa voix car, il accepta d’un hochement de tĂȘte sans discuter, prenant Fleuret dans ses bras. Ils traversĂšrent le palais en silence puis, une fois seuls, ils s’assirent cĂŽte Ă  cĂŽte sur le banc, le pĂšre reprenant lĂ  oĂč il s’était arrĂȘtĂ©.
« Tu sais que beaucoup de seigneurs de l’Ouest veulent provoquer une guerre avec Duscur pour se venger officiellement.
– Oui, je l’ai entendu mais, Dimitri et le chien idiot ont encore dit que c’était pas leur faute ! RĂ©torqua FĂ©lix. Dimitri dit que c’était des gens avec une peau blafarde qui faisait beaucoup de magie avec leur main ! Alors que chez les duscuriens, leur magie est dans des objets ! C’est pas eux !
– Je sais, et eux aussi certainement. En rĂ©alitĂ©, il est fort probable que leur principale motivation soit de rĂ©cupĂ©rer des terres et les mines duscuriennes afin de s’enrichir, quitte Ă  utiliser la TragĂ©die Ă  leur avantage mais, pour cela, ils doivent normalement obtenir l’aval du roi. Ni Rufus, ni les Charon, ni moi ne pouvons provoquer une guerre tant que Lambert est en vie, c’est lui seul qui a ce pouvoir
 cependant les vengeurs ne reculeront devant rien pour provoquer une vendetta sanglante, notamment en recevant le plus de soutien possible. Ils sont prĂȘts Ă  tout pour ça, surtout que Rufus est de leur cĂŽtĂ©, mĂȘme s’il n’a pas rĂ©ussi Ă  convaincre son frĂšre de commencer une guerre, la DĂ©esse soit louĂ©e
 Étant donnĂ© qu’ils pensent que j’ai beaucoup d’influence sur Lambert, ils essayent de me pousser Ă  les soutenir afin de le faire plier. C’était ce que tentaient de faire ces Ă©missaires quand tu es arrivĂ©.
– Sauf que c’est pas le cas sinon, tout le monde serait encore là
 gronda FĂ©lix avec un regard noir, serrant un peu Fleuret dans ses bras. Les chiens idiots, ça n’écoute personne
 mais pourquoi il te parlait de moi alors ?
– 
 ils cherchent un moyen de pression sur moi et
 et il y a des chances qu’ils s’en prennent à toi afin de me forcer à faire tout ce qu’ils veulent.
– Quoi ?! Hoqueta FĂ©lix avant de montrer les dents. N’ai pas peur papa ! Je ne me laisserais pas faire ! Je me dĂ©fendrais ! Et ZoĂ© est avec moi ! Ils ne m’auront jamais !
– J’en suis sĂ»r, tu es trĂšs fort mais, je m’inquiĂšte quand mĂȘme pour ta sĂ©curitĂ©. S’ils dĂ©cident de te faire du mal ou de t’enlever, ils viendront bien plus nombreux que tu ne pourras pas les repousser malgrĂ© ta force, mĂȘme avec ZoĂ©. Je te l’ai dit, ils ne reculeront devant rien pour dĂ©clencher une guerre
 Rodrigue fit une pause avant de souffler. Cela devient beaucoup trop dangereux pour toi
 il vaudrait mieux que tu rentres Ă  la maison

– Ah non ! Je rentre pas ! Refusa-t-il d’un coup sans hĂ©siter une seconde. Tu resterais tout seul ici avec les chiens idiots sinon ! Je te laisse pas tout seul ! Je reste avec toi ! Tu sais pas rester tout seul en plus ! Laisse-moi rester encore un peu papa !
Les mots de son fils furent comme une couverture qu’il serrait sur son cƓur, autant un rĂ©confort qu’une attache infernale l’empĂȘchant de faire ce qu’il devrait faire. Rodrigue le serra alors dans ses bras, ne sachant pas comment lui refuser cela aprĂšs ses mots
 il voulait juste garder son fils Ă  ses cĂŽtĂ©s malgrĂ© tout

– Comment je suis censĂ© ĂȘtre raisonnable aprĂšs des arguments pareils ? Je suis dĂ©solĂ© FĂ©lix

– T’excuse pas, tu l’es tout le temps toi. Tu peux ne pas l’ĂȘtre de temps en temps

– Je ne peux pas vraiment me le permettre
 souffla-t-il avant d’accepter. D’accord, tu peux rester encore un peu mais, si tu es en danger ou que les choses s’aggravent encore, tu rentreras à la maison. Ce sera moins dangereux pour toi dans notre fief, d’accord ?
– 
D’accord
 mais si ça arrive, tu rentres Ă  la maison pour voir Alix et la tombe de Glenn. Tu ne t’arrĂȘtes pas depuis des semaines
 toi aussi tu dois te reposer

– Tu es aussi dur en affaire que ta mĂšre, arriva Ă  sourire Rodrigue avant d’hocher la tĂȘte en priant pour que cela soit possible. C’est d’accord, on fera ça
 mais soit prudent FĂ©lix.
– Promis papa ! »
Rodrigue lui embrassa le front en priant, la magie brûlant ses veines devenant légÚrement moins douloureuse quand il était avec son fils.
« DĂ©esse, MĂšre de toute vie, toi qui connais la douleur des parents perdant un enfant quand les tiens te rejoignent, protĂšge mon fils du mal, je t’en supplie  »
*
« Estelle ! Bernard !
Les deux soldats levĂšrent la tĂȘte en entendant l’appel d’Alix, leur deuxiĂšme duc arrivant vers eux. Il avait l’air encore plus mal que d’habitude, plus agitĂ©, et cela se confirma quand il dĂ©clara.
– Rodrigue a des problĂšmes Ă  la capitale. J’aimerais que vous vous rendiez Ă  ses cĂŽtĂ©s pour l’épauler et l’aider Ă  se dĂ©fendre. Ma main au feu que ce sont des chiens errants qui tentent de profiter du deuil de tout le monde pour se remplir les poches. Je m’inquiĂšte pour lui et FĂ©lix, ces vautours seraient capables d’enlever le louveteau pour arriver Ă  leurs fins.
– Bien sĂ»r, rĂ©pondit sans hĂ©siter Estelle aprĂšs avoir consultĂ© son second d’un regard, ce dernier acceptant aussi d’un hochement de tĂȘte. Vous avez reçu une lettre ?
– Non mais, j’ai senti qu’il se tendait et s’énervait vraiment. Je sais qu’il lui ait arrivĂ© quelque chose ou qu’il a Ă©tĂ© menacĂ©, je le sens d’ici et aux vues de ses derniĂšres lettres, c’est surement ces chiens errants de vengeurs qui sont revenus gratter Ă  sa porte. En plus, le connaissant, il ne s’inquiĂšte pas pour lui alors, ça doit ĂȘtre pour le louveteau, et ça pue encore plus. Alors, je prĂ©fĂšre prendre des prĂ©cautions.
– On ne vous a jamais dit que vous Ă©tiez des vrais jumeaux jusqu’au bout tous les deux ? LĂącha Bernard, s’étonnant toujours de ce genre de chose malgrĂ© l’habitude. Enfin, c’est normal que vous vous inquiĂ©ter pour lui vu la situation.
– Il est moi et je suis lui, ça ne change pas. Il a le flanc ouvert en pleine tempĂȘte pendant la compagne sreng, je le retrouve dans le blizzard, c’est pratique. Je m’inquiĂšte surtout que les deux connards n’abusent encore plus de lui en plus des vengeurs. Rufus ne change pas ses bonnes habitudes de lui laisser faire tout le boulot sans qu’il puisse dire trop non car bon, on ne refuse rien Ă  la famille royale, et mĂȘme si Lambert Ă©tait en Ă©tat, j’ai pas envie que le Royaume subisse encore ses dĂ©cisions connes.
– On comprend, et nous aussi, on voudrait que le pays continue Ă  tourner, surtout que de ce qu’on a compris, Rufus passe son temps Ă  lui mettre des bĂątons dans les roues alors, du renfort ne sera jamais de refus, dĂ©clara Estelle sans hĂ©siter.
– Merci beaucoup, les remercia Alix avec soulagement.
– Par contre, vous devriez vous reposer un peu, fit remarquer Bernard. Vous ĂȘtes blafard avec des cernes de dix cordĂ©es de long, et vous avez maigri avec ça. Je sais que vous ĂȘtes dĂ©bordĂ© au point de ne plus avoir beaucoup de temps pour vous entrainer, mais ça n’aurait pas dĂ» vous faire perdre autant de poids en si peu de temps

– J’ai pas vraiment le temps pour ça
 heureusement, dans notre fief, c’est Lambert qui a cristallisĂ© la colĂšre autour de la TragĂ©die et pas les duscuriens mais, y a quand mĂȘme beaucoup de paysans qui ont dĂ» finir la cĂ©sure en volant
 c’est chez nous que les marchands de Leicester arrivent, il faut que les routes soient sĂ»res

– Oui mais, si vous tombez, vous ne pourrez pas continuer Ă  travailler. En plus, vu que vous sentez ce qui arrive au seigneur Rodrigue, il doit aussi sentir votre Ă©tat, et il doit aussi s’inquiĂ©ter en sentant votre fatigue. Si ce n’est pas pour vous, faites-le au moins pour lui
 je suis sĂ»r qu’au moins cinq minutes de sieste le rassureraient beaucoup !
Alix fit la moue mais, finit par grogner.
– Bon, d’accord mais, cinq minutes et pas une de plus, et parce que je sais que si je le fais, Rodrigue sera un peu moins inquiet.
– D’accord, c’est dĂ©jĂ  ça ! Sourit l’adjudant.
Le second duc marmonna dans sa barbe avant de repartir, la fatigue se lisant dans chacun de ses mouvements. AprĂšs avoir prĂ©parĂ© ce foutu voyage en deux mois Ă  peine, puis ces derniĂšres semaines Ă  travailler d’arrache-pied pour que leur fief ne meure pas de faim, ce n’était guĂšre Ă©tonnant, encore plus sĂ©parĂ© de son frĂšre.
« Allez, vient, allons faire nos bagages. Le Seigneur Rodrigue doit ĂȘtre dans le mĂȘme Ă©tat que lui, lui ordonna Ă  moitiĂ© Estelle en se redressant.
– Faut qu’on trouve une idĂ©e en chemin pour rĂ©unir toute la famille, ils ne vont pas bien du tout loin les uns des autres, mĂȘme si ça va ĂȘtre compliqué  ce n’est pas le roi qui va nous tirer de ce bourbier, c’est plutĂŽt nos ducs et les Charon

– J’ai aussi plus confiance en eux. Et le Lambert, il nous a poussĂ©s dans ce merdier en souriant que tout se passerait bien, grogna Estelle avant d’ajouter, serrant le poing autour de la poignĂ©e de son poignard. On a pas un roi, juste un chien. Il pourra dire ce qu’il veut, les ordres des seigneurs Alix et Rodrigue passeront en premier pour moi. Eux au moins, ils ont tout fait pour empĂȘcher ce fiasco. Et toi ?
– Idem honnĂȘtement, rĂ©pondit sans hĂ©siter Bernard, imitant le geste de sa supĂ©rieure en serrant le manche de sa masse. J’ai dĂ©jĂ  deux ducs, pas besoin d’un roi.
*
«  donc, pour la levĂ©e de l’impĂŽt extraordinaire, nous devrions faire appel Ă  des agents du Royaume directement plutĂŽt que des intermĂ©diaires qui avancent l’argent et se rembourse aprĂšs, proposa ThĂšcle aprĂšs avoir calculĂ© le montant dont ils avaient besoin pour le restant de l’annĂ©e, plus Ă©levĂ© que prĂ©vu Ă  la base.
– Je suis d’accord, la soutient LachĂ©sis. Ces agents sont largement dĂ©testĂ©s et ne s’encombrent pas de scrupule. Ils ne feraient que jeter encore plus d’huile sur le feu, on en a clairement pas besoin, sauf si on veut anĂ©antir ce qu’il reste de respect envers le roi.
– Nous sommes donc tous du mĂȘme avis, conclut Rodrigue en finissant de noter ses calculs. Nous risquons de manquer de bras par contre alors, il faudra soit faire appel Ă  des agents de nos fiefs ou en recruter
 cela serait peut-ĂȘtre Ă  jouer, marmonna-t-il pour lui-mĂȘme. MĂȘme si ce sont des dĂ©penses en plus, si les brassiers trouvent un moyen d’avoir une paie rĂ©guliĂšre, ils n’auront pas Ă  recourir au brigandage pour se nourrir, ce qui rĂ©duira la dangerositĂ© des routes pour les marchands. Par contre, il faudrait des personnes avec un minimum d’éducation, on n’a pas vraiment le temps de les former au calcul

– Nous pourrions alors faire appel Ă  des gens de nos fiefs respectifs. Autant les vĂŽtres que les nĂŽtres sont tous passĂ© par l’école, et ils seront plus fiables que des personnes venant d’autres fiefs, fit observer LachĂ©sis.
Rodrigue hocha la tĂȘte, pensif. Des bras supplĂ©mentaires ne seraient pas de refus, ils n’étaient clairement pas assez nombreux. À eux trois, ils effectuaient au moins le travail d’une dizaine de personnes, une bonne partie des responsables Ă©taient morts Ă  Duscur
 en plus, comme l’avait fait remarquĂ© l’ainĂ©e des Charon, ils seraient bien plus fiables et fidĂšles Ă  leur nom directement, ce serait toujours utile pour mieux contrĂŽler l’administration et s’assurer que tout se passe bien. Les seigneurs de l’Ouest tenteraient Ă©galement de mettre leurs propres sujets ïżœïżœ ses postes mais, ils ne devaient surtout pas gagner encore plus d’influence et de pouvoir qu’ils n’en avaient dĂ©jĂ . Ils s’emparaient de l’administration, la guerre Ă©tait assurĂ©e, autant avec Duscur qu’interne, les « vengeurs » n’auraient aucun scrupule Ă  rĂ©cupĂ©rer les fonds pour leur « vengeance » directement sur les cadavres des paysans molester pour leur prendre leurs derniĂšres piĂšces
 et ça, c’était si l’Église Occidentale n’envoyait pas ses clercs lettrĂ©s par « solidaritĂ© confessionnelle »  non, les seigneurs de l’Ouest qui n’étaient pas de confiance ne devaient jamais mettre le moindre pied dans l’administration, c’était une question de vie ou de mort Ă  ce stade ! Par contre

– Sa MajestĂ© risque de les croire quand les vengeurs diront qu’ils veulent aider
 et le rĂ©gent va vouloir placer ses propres proches, leur fit remarquer Rodrigue.
– Oui, il va falloir les prendre de vitesse tous les deux, et l’église occidentale au passage. Je leur opposerais bien l’ordonnance contre les sectes et le fanatisme mais bon, est-ce qu’il reste quelque chose du roi Ludovic que Lambert n’a pas massacrĂ©, je vous le demande
 grogna ThĂšcle.
– C’est bon pour celle-ci, elle est Ă  peu prĂšs sauve, on pourra leur mettre sous le nez pour faire barrage, leur rappela LachĂ©sis avant d’ajouter avec dĂ©pit, mĂȘme si Rufus s’assiĂ©ra surement dessus. Quand il s’agit de son pĂšre, il se comporte encore plus comme un adolescent attardĂ©. Cependant, pour le moment, les vengeurs et lui semblent surtout se concentrer Ă  se faire un rĂ©seau et ne pensent pas trop aux petites mains. C’est l’occasion de renforcer nos positions avant qu’ils ne s’en rendent compte et ne puissent riposter.
– Vous n’avez pas tort
 j’ai dĂ©jĂ  plusieurs personnes en tĂȘte, mĂȘme si elles risquent de ne pas venir pour le roi mais, seulement par fidĂ©litĂ© envers ma famille
 les prĂ©vient Rodrigue. Enfin, aprĂšs ce qui s’est passĂ©, ça va ĂȘtre compliquĂ© de rallier les gens autour du nom de Lambert une fois l’état de choc passĂ©.
– Ne vous en faites pas, on comprend et de toute façon, cela risque d’ĂȘtre la mĂȘme chose de notre cĂŽtĂ©. Enfin, l’important, c’est qu’ils arrivent Ă  travailler ensemble. La question de leur hommage importe peu pour le moment

LachĂ©sis laissa la fin de sa phrase en suspens, tous sachant parfaitement ce Ă  quoi elle pensait : « si cet hommage est envers nous, cela nous arrange, mais nous devons nous montrer fins et discrets pour que cela marche. » Elle n’avait pas tort
 ce n’était pas trĂšs respectueux pour la famille royale mais pour le moment, ils devaient avant tout consolider leur propre position pour tenir face Ă  Rufus. À eux trois pour le moment, ils tenaient toutes l’administration, une partie de la justice et le pouvoir officieux qui les accompagnaient, mais c’était assez faible face aux pouvoirs d’action du rĂ©gent, officiel et plus coercitif. Eux pouvaient agir dans tout le Royaume grĂące Ă  leur place au conseil, mais elle Ă©tait rĂ©vocable Ă  tout moment sur le moindre mot de Lambert, ou s’ils en Ă©taient Ă©cartĂ©s petit Ă  petit par Rufus pour placer ses proches, et lui ne perdrait jamais sa place dans la famille royale
 non
 les trois conseillers marchaient sur des Ɠufs
 la prudence devait rester leur mot d’ordre

– Alors, mĂȘme si nous devons agir vite, faisons-les arriver petit Ă  petit
 proposa Rodrigue. Une armĂ©e qui se dĂ©place se voie et les dĂ©fenseurs s’adaptent pour les repousser. Des petites incursions rĂ©guliĂšres devraient ĂȘtre plus efficaces et passer inaperçues. Une fois qu’ils seront assez nombreux, nous pourrons peut-ĂȘtre avoir l’occasion d’en faire venir plus sous couvert de l’efficacitĂ© des premiers, et pour que les diffĂ©rents services s’entendent bien entre eux pour travailler.
– Comme les srengs, fit remarquer ThĂšcle sans louper l’ironie. On envoie les Ă©claireurs, puis les espions, puis les saboteurs, on soudoie les gens qu’on ne peut pas tuer tout de suite ou on les Ă©gorge, puis le gros de l’armĂ©e dĂ©barque en un Ă©clair quand la cible est dĂ©stabilisĂ©e. Enfin, on est en guerre contre les vengeurs pour Ă©viter un vrai bain de sang alors, ce n’est pas inappropriĂ©.
– D’ailleurs, Fregn est bien silencieuse ses derniers temps
 honnĂȘtement, je pensais qu’on verrait ses sƓurs dĂ©barquĂ©es dans le dernier mois Ă  Fhirdiad, afin de renĂ©gocier les traitĂ©s de paix, avec leur flotte et leur hache si nĂ©cessaire
 ils ne conviennent surement plus Ă  Lambert vu ce qu’il a fait
 apparemment, elle est toujours dans le nord mais, nous devions nous mĂ©fier, cette femme est comme une ombre qui se glisse n’importe oĂč
 pensa Ă  voix haute LachĂ©sis avant de se tourner vers Rodrigue. Vous avez des nouvelles d’elle de votre cĂŽtĂ© avec Alix ?
– A part qu’étant donnĂ© les Ă©vĂšnements, elle comprend pourquoi nous ne pourrons pas accueillir Sylvain pendant la morte saison, surtout qu’Isidore y Ă©tait rĂ©ticent de base Ă©tant donnĂ© qu’il est majeur Ă  prĂ©sent, pas grand-chose. Elle ne laisse rien paraitre et ne lĂąchera surement rien
 pas officiellement en tout cas
 hum
 Rodrigue fouilla dans ses souvenirs des lettres, mĂȘme si les mots se mĂ©langeaient dans sa tĂȘte Ă  cause de la fatigue et un fond de migraine qui ne le quittait pas depuis sa confrontation avec l’émissaire Rowe, quand il se souvient d’un dĂ©tail. Cependant
 peut-ĂȘtre qu’elle est plus de notre cĂŽté  mais sans ĂȘtre de celui de Lambert ou de Faerghus
 mĂȘme si ce n’est surement pas une bonne nouvelle pour nous vis-Ă -vis de la famille royale

– C’est-à-dire ? Explique-toi ? Le poussa à continuer Thùcle.
– Les srengs ont beaucoup de mal Ă  comprendre notre monarchie hĂ©rĂ©ditaire, ainsi que la vassalitĂ©. Ils raisonnent plus en clans, en peuples et en alliances occasionnelles, et surtout par respect qui suit un code de l’honneur assez strict, tout en jouant les arbitres les uns pour les autres. Ça n’a aucun sens pour eux d’obĂ©ir Ă  quelqu’un simplement parce qu’il est nĂ© dans la bonne famille, ni que nous lui devions nos terres et notre pouvoir dans la loi. Nous vivons sur ses terres, ses terres nous appartiennent, et nous n’avons pas Ă  Ă©couter quelqu’un qui n’est pas Ă  notre hauteur, ce n’est qu’une insulte fait Ă  soi-mĂȘme. Fregn l’a bien exprimĂ©e lorsque nous avons appris pour ce voyage : « Respecter des personnes irrespectables revient Ă  s’insulter soi-mĂȘme. Cela signifie que vous considĂ©rez comme Ă©gale ou supĂ©rieure une personne infĂ©rieure Ă  vous. Je refuse de me rabaisser car, il a une couronne dans les veines ».
– Hum
 ce n’est pas faux, surtout qu’elle Ă©tait particuliĂšrement bavarde ce jour-lĂ , mĂȘme si je comprends d’oĂč ça vient. Mais justement, Lambert n’a pour le moment que son sang pour faire respecter son autoritĂ©, ce que les srengs mĂ©prisent. Raison de plus pour venir renĂ©gocier ses traitĂ©s en vitesse, fit observer LachĂ©sis avant d’ajouter avec pessimisme, sauf si elle est en train de rassembler toute la pĂ©ninsule pour lancer une attaque sur Fhirdiad. Ils n’attaquent pas les gens Ă  terre mais, Lambert n’est pas assez digne de respect pour qu’ils appliquent cette rĂšgle.
– C’est justement lĂ  oĂč on entre en scĂšne. Dans les lettres que nous a Ă©crites Fregn, elle fait souvent rĂ©fĂ©rence Ă  nos yeux, que ce soit les nĂŽtres ou ceux de votre famille mais, jamais avec Lambert ou Rufus. Elle utilise plutĂŽt des phrases ou des mĂ©taphores pour dire qu’ils n’y voient rien, qu’ils sont « sans yeux ».
Lachésis se redressa en entendant ce détail, comprenant aussi ce que cela voulait dire.
– Les srengs appellent leur mauvais roi « les rois sans yeux ». Le vrai mot est intraduisible mais, ils utilisent ce genre d’expression pour expliquer leurs pensĂ©es. Pour elle et surement pour ses sƓurs et confrĂšres, Lambert est un roi sans yeux et Rufus ne vaut pas mieux mais, s’ils parlent de nous en dĂ©signant nos yeux, c’est que nous sommes assez dignes de respect pour que les traitĂ©s tiennent.
– C’est de la maniĂšre dont j’interprĂšte les choses en tout cas, confirma Rodrigue. Pour elle, tant que nous sommes en bonne position pour agir et de dĂ©cider pour l’ensemble du Royaume, Fregn considĂšre qu’elle ne s’insulte pas en nous respectant. Cependant, elle ne fera surement pas la mĂȘme chose avec Lambert et Rufus. Si elle les dĂ©crit comme des rois sans yeux, elle ne s’abaissera pas Ă  leur obĂ©ir, et les autres srengs aussi.
– Et bien, on n’est pas dans le sable jusqu’au cou
 c’est bien gentil qu’elle nous respecte, ça nous fait une alliĂ©e relativement fiable, mĂȘme si je suis sĂ»re qu’elle a quelques oreilles Ă  gauche Ă  droite dans la capitale, elle ou ses sƓurs. En plus, si vous arrivez Ă  l’aider Ă  protĂ©ger son fils, elle vous sera surement redevable. Cependant, nous, on est aussi les plus instables au conseil. Nous, on peut nous renvoyer, Lambert et Rufus, non. Si on est renvoyĂ©s, la « gentillesse » des srengs part avec nous, et ils ne vont pas se gĂȘner de rappeler un roi sans yeux Ă  l’ordre. C’est comme ça qu’ils font, un roi mĂ©prisable ne mĂ©rite que de se faire renverser ou plumer.
Les trois se regardĂšrent, mal Ă  l’aise avec cette information. Cela les arrangeait, Ă©videmment que cela les arrangeait que les srengs se tiennent tranquilles s’ils Ă©taient lĂ . Ça pourrait mĂȘme leur donner un peu plus de pouvoir contre Rufus mais bon, ils agitaient cette menace, c’était leur tĂȘte qui tombait
 le rĂ©gent n’était pas assez bĂȘte pour leur laisser un pouvoir aussi important, mĂȘme si ça voulait dire que les srengs viendraient frapper Ă  leur porte le lendemain, ainsi que leur famille
 ils devaient ĂȘtre trĂšs prudents et faire avec ce qu’ils avaient

Ils discutaient d’une tournĂ©e des deux sƓurs dans le domaine royal pour assurer la cohĂ©sion interne, ainsi que se trouver des alliĂ©s en interne du cƓur du Royaume, quand une petite fille entra en trombe dans la piĂšce en criant. Rodrigue reconnut tout de suite la petite sƓur duscurienne qui avait suivi Dimitri avec son frĂšre, la petite Sasiama qui vient tout de suite lui tirer la manche, complĂštement affolĂ©e en dĂ©bitant dans sa langue, rĂ©pĂ©tant en boucle pour bien se faire comprendre.
« Dmitrios ! Dmitrios ! 
 
 
 
 mal ! Dmitrios ! 
 
 
 le
 
 
 mauvais ! Aidez-le ! Aidez-le ! Dmitrios !
– Dimitri ?! Il va mal ?! S’alarma tout de suite Rodrigue en comprenant les bouts de phrases. J’y vais !
– On va chercher les mĂ©decins ! » S’exclamĂšrent les deux sƓurs.
L’homme suivit en courant la petite fille dans les couloirs du palais jusqu’à la chambre du prince. Il le trouva allongĂ© sur le cĂŽtĂ©, tenu par Dedue et FĂ©lix alors qu’ils le faisaient vomir, son fils utilisant sa magie sur lui pour l’aider. Il le rejoignit pour l’aider en demandant, comprenant ce qui se passait.
« Qu’est-ce qui s’est passé ?
– Il a mangĂ© sa soupe et il n’y avait pas de problĂšme mais, il a eu mal au ventre et Ă  la poitrine juste aprĂšs alors, on le fait vomir ! J’ai utilisĂ© Soin pour l’aider Ă  tenir !
– Vous avez bien fait, lui assura-t-il en tentant de garder son calme pour ne pas les affoler encore plus, devinant ce qui avait provoquĂ© ses symptĂŽmes d’un coup. On va Ă  utiliser Vitalis et s’il s’affaiblit, on utilisera Reconstitution. Il a toujours Areadbhar ?
– Oui, j’y ai fait trùs attention !
– C’est trĂšs bien FĂ©lix. On reprend un autre Vitalis ensemble Ă  trois. Un
 deux
 trois !
Ils envoyĂšrent une nouvelle vague de magie de foi en Dimitri qui purgea les derniĂšres gouttes de poison, le prince finissant de rendre son repas, l’estomac vide. Les Fraldarius se mirent alors Ă  utiliser un « soin » pour lui rendre un peu de force et l’aider Ă  retrouver ses sens, alors qu’il hacha difficilement aprĂšs s’ĂȘtre rincĂ© la bouche sans rien avaler, histoire de ne pas diluĂ© ce qui lui restait de suc gastrique.
– R
Rodrigue
 FĂ©lix
 Dedue
 Sasiama

La petite fille tenue par son frÚre pépia en pleurant quelque chose que le pÚre et le fils ne comprirent pas, mais le blond essaya de sourire en assurant dans sa langue, avant de traduire.
– Elle est trĂšs inquiĂšte, elle a eu trĂšs peur en me voyant comme ça
 mais
 mais qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai mangĂ© et d’un coup, j’ai eu mal au ventre, Ă  la gorge et Ă  la poitrine
 ça m’a donnĂ© envie de vomir

Dedue dit aussi quelque chose en montrant sa bouche, dĂ©clarant avec des mots simples Ă  comprendre pour mieux expliquer ce qu’il voulait dire sans savoir le dire en fodlan.
– Beaucoup
 
 beaucoup d’eau blanche
 
 
 
 pas normal alors, demander Ă  Sasiama courir au
 au
 [aide ? MĂ©decin ?]
– Tu as bien fait Dedue, lui assura-t-il avant de chercher comment le traduire en duscurien, parlant assez basiquement cette langue alors, il lui dit simplement pour ne pas faire d’impair. Merci beaucoup
 pour
 votre aide de
 à tous les deux. Et de beaucoup salive ? Hum

Rodrigue regarda les vomissures au sol, verdĂątres avec quelques gouttes de sang, les yeux tous rouges de Dimitri. Et il s’était senti mal dĂšs qu’il avait avalĂ© son repas sans temps de latence
 Cela ressemblait Ă  un empoisonnement Ă  l’arsenic
 mais il ne pouvait pas en ĂȘtre sĂ»r

Quand la mĂ©decin arriva enfin avec ThĂšcle et LachĂ©sis, mĂȘme si cette derniĂšre repartit assez vite en voyant la scĂšne, comprenant ce qui se passait. Elle ausculta et donna un antidote au prince puis, souffla aux adultes qu’ils devaient parler, laissant le prince avec ses amis qui s’occupaient de lui. La femme lui confirma alors.
– Il prĂ©sente tous les symptĂŽmes d’un empoisonnement Ă  l’arsenic. Heureusement qu’ils l’ont fait vomir tout de suite et utiliser la magie de guĂ©rison pour le faire tenir avec sa Relique, puis que vous ayez eu recours Ă  Vitalis, cela lui a surement sauvĂ© la vie. Quelqu’un a dĂ» le mĂ©langer Ă  sa nourriture
 mais c’est aussi un poison virulent qui agit trĂšs vite, son gouteur aurait dĂ» avoir les mĂȘmes symptĂŽmes que lui dĂšs qu’il a avalĂ© le bouillon

– C’est le cas, mais il n’a pas eu autant de chance que Son Altesse, il est mort.
LachĂ©sis revient vers eux avec un autre domestique, horrifiĂ© par ce qu’il venait de se passer alors qu’elle expliquait.
– Voici Florien Seite, le collĂšgue de travail de Didier Lonfain, le gouteur de Son Altesse. Ils ont apportĂ© son repas Ă  Dimitri ensemble. Ils n’ont pas encore montĂ© le repas de Sa MajestĂ© alors, ils sont en train de vĂ©rifier en cuisine si sa nourriture n’est pas empoisonnĂ©e.
– D’accord, merci beaucoup LachĂ©sis, la remercia Rodrigue, avant de se tourner vers le domestique, essayant de rester calme malgrĂ© la situation. Je suis dĂ©solĂ© pour votre collĂšgue, surtout que nous avons tous perdu bien trop de monde en trop peu de temps.
– M
 merci beaucoup Votre GrĂące
 je
 ĂŽ DĂ©esse
 ça faisait cinq ans que je travaillais avec lui ! Il Ă©tait comme tout le monde Didier, il adorait le petit prince ! M
 que cela reste entre nous, moins le roi depuis ce foutu voyage mais, le petit prince ? DĂ©esse toute puissante ! Il l’aimait beaucoup ! Qui ne pourrait pas aimer un gamin aussi adorable ?! Je
 je ne comprends pas ce qui a pu se passer !
– Je comprends votre trouble, surtout si vous le connaissiez depuis trĂšs longtemps, c’est une lourde perte. Cependant, nous devons vous poser quelques questions sur ce que vous avez vu, afin de mieux comprendre ce qui s’est passĂ©. Pouvez-vous rĂ©pondre maintenant, ou prĂ©fĂ©riez-vous attendre un peu pour vous calmez ?
– Je
 je prĂ©fĂšre rĂ©pondre maintenant
 ça doit ĂȘtre important
 rien que pour aider le petit prince

– D’accord, merci beaucoup Ă  vous, n’hĂ©sitez pas Ă  nous dire si cela devient trop pour vous et que vous voulez faire une pause. Pour commencer, pouvez-vous nous raconter ce que vous avez fait aujourd’hui ?
– On
 comme tous les jours, on a montĂ© le bol de soupe de Son Altesse dans sa chambre, vu qu’il ne peut pas quitter son lit
 Didier a goutĂ© le repas de Son Altesse devant lui comme d’habitude, n’a rien senti de bizarre, puis on est retournĂ© en cuisine pour prendre notre repas Ă  nous mais, il s’est senti mal, puis il s’est mis Ă  vomir
 le
 le temps que je trouve quelqu’un pour le surveiller, il Ă©tait dĂ©jĂ  mort !
– Vous ĂȘtes retournĂ©s en cuisine ? Il s’est senti mal quand ? AprĂšs combien de temps aprĂšs avoir goutĂ© le plat ? Le questionna la mĂ©decin.
– Je
 je sais pas trop ! Dix minutes, peut-ĂȘtre ? Le temps de redescendre les Ă©tages, d’aller en cuisine et de mettre nos couverts sur la table avec les autres
 il demanda au mĂ©decin en la voyant froncer les sourcils. Qu’est-ce qu’il y a ? Il y a un problĂšme ?
– PlutĂŽt
 l’arsenic est un poison foudroyant, il aurait dĂ» ressentir les symptĂŽmes dĂšs qu’il a avalĂ© la nourriture empoisonnĂ©e, sauf s’il avait pris un antidote ou qu’il Ă©tait protĂ©gĂ© par un sort qui, pour une raison quelconque, a arrĂȘtĂ© de fonctionner, ce qui a surement provoquĂ© sa mort. Votre collĂšgue est de quel corpulence Ă  peu prĂšs ? Il est mince, commune, enveloppĂ©e ? Cela pourrait peut-ĂȘtre expliquer la lenteur du poison. En plus, Ă©tant donnĂ© qu’il est gouteur, il doit ĂȘtre assez rĂ©sistant, mĂȘme si contre l’arsenic, aucun ĂȘtre vivant ne tient trĂšs longtemps.
– Un peu enveloppĂ© mais bon, il a toujours Ă©tĂ© trĂšs gourmand et il gouttait tous les plats de Son Altesse
 on l’a mĂȘme traitĂ© de fou plus d’une fois aux cuisines car, il adorait dĂ©penser tout son salaire pour de la nourriture bizarre, il Ă©tait toujours en train de courir aprĂšs l’argent
 il se plaignait aussi du rationnement, il disait qu’il ne devrait pas se priver comme ça
 mais je vous jure ! À part sa gourmandise et que l’argent lui brĂ»lait les doigts, c’était quelqu’un de bien ! Il n’a jamais rien fait de mal Ă  personne ! Pourquoi il voudrait faire du mal au petit prince ?
Rodrigue et les deux sƓurs Ă©changĂšrent un regard en Ă©coutant la discussion. Il tenait peut-ĂȘtre le mobile, ou au moins ce qui avait permis de pousser le gouteur Ă  cacher que la soupe de Dimitri Ă©tait empoisonnĂ©e
 Florien avait raison, son collĂšgue n’avait aucune raison de vouloir la mort du prince plutĂŽt que celle du roi mais, si des comploteurs voulaient achever ce qu’ils avaient commencĂ© Ă  Duscur avec du poison, il devait impĂ©rativement mettre le gouteur de leur cĂŽtĂ©, mĂȘme s’ils devaient s’en dĂ©barrasser aprĂšs
 l’épĂ©e n’avait pas fonctionnĂ© et ils Ă©taient tous plus mĂ©fiant depuis la TragĂ©die alors, il passait Ă  plus discret

– D’accord, reprit la mĂ©decin. Merci beaucoup pour votre franchise. Je vais devoir inspecter le corps pour confirmer nos soupçons mais avant ça, il faut que quelqu’un surveille le prince, au cas oĂč il ferait une rechute. Le poison a dĂ» l’affaiblir Ă  nouveau, mieux vaut ĂȘtre vigilant. Il ne doit pas non plus s’éloigner d’Areadbhar. Elle lui donne de sa force, mĂȘme s’il n’en aura surement plus besoin dans peu de temps. Et appelez aussi quelqu’un pour nettoyer mais, qu’elle soit prudente, le poison est surement encore virulent. Il ou elle devra porter des gants, faire tout brĂ»ler avec un torchon le visage puis bien se laver les mains, les bras et la face aprĂšs sa besogne, et l’eau qu’elle a utilisĂ©e devra ĂȘtre jeter en-dehors de la ville. Les risques sont faibles mais, nous ne sommes jamais trop prudents en ce moment.
– Da
 d’accord
 ce sera fait selon vos ordres

– Je vais trouver quelqu’un de confiance pour le surveiller, assura Thùcle.
– De mon cĂŽtĂ©, je vais aller prĂ©venir Gustave de ce qui s’est passĂ©, au cas oĂč un accident similaire aurait dĂ©jĂ  eu lieu pour quelqu’un d’autre, continua LachĂ©sis. Nous devons explorer toutes les possibilitĂ©s.
– Oui, surtout qu’ils ont l’air de ne pas ĂȘtre Ă  leur coup d’essai si la mort de Didier n’est pas accidentelle, ajouta Rodrigue. Je m’occupe des enfants, ils risquent d’avoir aussi Ă©tĂ© en contact avec le poison. »
Ils se sĂ©parĂšrent sur ses mots, chacun prenant sa tĂąche. La servante chargĂ©e de nettoyer arriva vite. Rodrigue porta Dimitri avec Areadbhar le temps qu’elle change les draps maculĂ©s, ce dernier tremblant un peu avant de se stabiliser. Il remerciait la grande lance de ne pas le geler, mĂȘme si son poids le faisait trembler un peu, il fallait bien la force des Blaiddyd pour la manier

« Rodrigue ? C’est toujours toi ? Demanda le blessĂ©, Ă  peine conscient.
– Oui Dimitri, je suis là, lui confirma-t-il. Tu es hors de danger maintenant mais, il faut que tu te reposes.
– Tu sais Rodrigue
 il y a quelqu’un dans Areadbhar
 il est trùs grand
 avec une trùs longue tresse blonde
 avec un Ɠil comme ceux de papa, et l’autre est bleu comme le tien, d’Alix et celui de Glenn
 et une peau noire
 et des morceaux de glace partout
 il me tient sur ses genoux
 et quand j’ai peur, il
 il joue de la flute
 tu
 tu crois que c’est Blaiddyd ?
– Oui, j’en suis sĂ»r. Le Flutiste des Glaces est trĂšs attachĂ© Ă  sa famille, comme tous les Braves. Il doit vouloir te protĂ©ger plus que tout au monde, autant toi que ton pĂšre, mĂȘme s’il ne peut le montrer que si tu touches son arme.
– Tu es sĂ»r ? Le questionna-t-il en se recroquevillant un peu, dĂ©voilant ses cicatrices de glace, trace du miracle de son ancĂȘtre, alors que FĂ©lix s’approchait d’eux.
– Bien sĂ»r. Ne t’en fais pas, Blaiddyd veille sur toi et sur ton pĂšre, lui promit-il pour le rassurer.
– T’en fais pas, les Braves, ils ne te lĂąchent jamais. En plus, c’était l’ami de Fraldarius et de Dominic non ? Si c’était l’ami de grand-pĂšre, c’était quelqu’un de bien, assura FĂ©lix.
Dimitri hocha la tĂȘte avant de se blottir contre Rodrigue en soufflant.
– Je veux voir mon pùre

– BientĂŽt Dimitri, quand vous serez tous les deux en Ă©tat de bouger un peu plus, lui assura-t-il alors que le prince se rendormait.
Le duc laissa le blessĂ© sous la garde d’une Ă©pĂ©iste de confiance, puis emmena FĂ©lix, Dedue et Sasiama Ă  la piĂšce d’eau pour qu’ils se lavent, avec des habits propres au cas oĂč. La lavandiĂšre Ă©tait devenue amie avec plusieurs de ses hommes alors, si Rodrigue lui demandait, elle devrait accepter de s’occuper du frĂšre et la sƓur duscurienne.
Dedue s’occupa de sa sƓur afin de bien enlever tout le poison, pendant que Rodrigue faisait de mĂȘme avec son fils dans le mĂȘme but. AprĂšs un dĂ©but en silence quand il lui rĂ©curait le visage, il lui demanda, inquiet. Il avait failli voir son ami mourir aprĂšs tout

« Comment te sens-tu ?
– Ça va
 Pourquoi ils ont fait du mal à Dimitri ? Gronda-t-il. Il n’a rien fait de mal !
– Hum
 il vise la famille royale, surement pour prendre leur place. C’est pour ça qu’ils s’en prennent à lui.
– Et y a pas moyen de les empĂȘcher ?
– Nous devons ĂȘtre trĂšs vigilants afin de le protĂ©ger et Ă©touffer tout ce qui pourrait le menacer, mĂȘme si c’est difficile d’avoir des yeux et des oreilles partout. La zone d’ombre est toujours prĂ©sente, mĂȘme quand on essaye de la rĂ©duire au maximum
 souffla-t-il en chassant de mauvais souvenirs de son esprit. Heureusement que vous Ă©tiez lĂ . Vous l’avez bien protĂ©gĂ©.
– D’accord
 en tout cas, ils ne lui feront rien, je te le promets ! Lui jura-t-il sans hĂ©siter.
– J’en suis sĂ»r mais, n’en fait pas trop. Tu es encore un enfant, tu n’as pas Ă  te mettre en danger comme ça. On va trouver des personnes de confiance pour le protĂ©ger

– Et si c’est comme tout Ă  l’heure et qu’ils n’y arrivent pas ? En plus, pourquoi c’est toi qui t’en occupes ? ça ne devrait pas ĂȘtre Rufus ? C’est son neveu et il tient Ă  lui alors, pourquoi il ne le protĂšge pas autant que toi ?
Rodrigue ne sut pas quoi rĂ©pondre Ă  cette question, il se posait la mĂȘme
 pourquoi Rufus n’agissait pas ? Il montrait qu’il s’inquiĂ©tait pour sa famille, ce qui Ă©tait surement sincĂšre d’ailleurs mais, au lieu de la protĂ©ger, il voulait Ă  tout prix se venger, mĂȘme s’il devait jeter son propre peuple Ă  la mort
 et Rufus ne lui dirait surement rien, la meilleure stratĂ©gie qu’il avait trouvĂ©e pour avancer Ă©tait d’affecter la soumission, il devait trouver le bon angle pour arriver Ă  obtenir quoi que ce soit dans les domaines que Rufus contrĂŽlait
 il semblait attendre d’eux une soumission total et ambitionnait d’avoir un pouvoir tout aussi grand

« Alors pourquoi ne t’en sers tu pas pour vraiment protĂ©ger ceux qui te sont chers ? »
– Je ne sais pas
 hacha-t-il honnĂȘtement. Je ne sais vraiment pas

– 
 C’est qu’un chien idiot  » gronda FĂ©lix.
Rodrigue rĂ©pondit en passant une main dans ses cheveux, avant de poser un doigt devant sa bouche pour lui rappeler qu’il devait rester silencieux Ă  ce sujet. Son fils bouda un peu mais, il ne dit rien de plus.
Une fois sĂ»r que plus aucune trace de poison n’était sur les enfants, chacun retourna Ă  ses tĂąches, mĂȘme si Gustave vient voir le duc et les deux sƓurs avant qu’ils ne retournent Ă  leur Ă©tude. Il n’avait pas connaissance d’autres assassinats suivant ce mode opĂ©ratoire mais, ses hommes chercheraient plus rigoureusement dĂšs qu’ils en auraient l’occasion. Il leur avait aussi conseillĂ© de ne pas parler de tout ceci au roi, pour ne pas encore plus le fatiguer d’inquiĂ©tude pour son fils. Lambert Ă©tait encore trĂšs faible, et toute Ă©motion forte Ă©tait Ă  proscrire pour ne pas aggraver son Ă©tat. Quand le chef de la garde leur avait dit ça, Rodrigue entendit parfaitement ce Ă  quoi penserait Alix Ă  ses mots, tout comme son ton cassant et ironique.
« Il avait l’air de vachement s’inquiĂ©ter pour son gosse quand il l’a emmenĂ© dans un piĂšge Ă©vident, alors que tout le monde lui hurlait que c’était un piĂšge Ă©vident. »
Il n’en dit rien Ă  personne, mĂȘme si aux commentaires de LachĂ©sis et ThĂšcle une fois Gustave parti, elles pensaient la mĂȘme chose qu’eux
 enfin bon, mieux valait Ă©viter de donner un bĂąton Ă  Rufus pour les battre avec, mĂȘme s’il tirait ses excuses de quelqu’un d’autre.
Rodrigue s’attaquait Ă  une demande d’arbitrage assez complexe d’un petit fief de l’Ouest, quand un serviteur vient le chercher pour le mener Ă  Lambert. Le roi voulait souvent le voir quand il Ă©tait suffisamment conscient pour parler. Il mettait beaucoup de temps Ă  se remettre mais, ce n’était pas trĂšs Ă©tonnant aprĂšs tout ce qu’il avait enduré 
« Dommage que la famille royale n’ait pas d’arme sacrĂ©e comme nous avec Moralta, ce serait bien utile dans cette situation
 songea-t-il sur le chemin, mĂȘme si sa migraine s’aggravait. Enfin, c’est ainsi, il faut faire avec
 et c’est peut-ĂȘtre mieux s’il met du temps Ă  se remettre, les mĂ©contents viendront peut-ĂȘtre moins vite lui demander des comptes personnellement  »
« Ah
 Rodrigue
 je suis content de te voir

Lambert avait Ă  peine repris des couleurs ses derniĂšres semaines, toujours aussi vidĂ© de ses forces. D’aprĂšs CornĂ©lia et les autres mĂ©decins du palais, c’était dĂ» au choc physique bien sĂ»r, mais aussi psychologique de la TragĂ©die. Dimitri tenait lĂ©gĂšrement mieux uniquement grĂące Ă  Areadbhar, bien qu’il soit dans le mĂȘme Ă©tat que son pĂšre
 enfin, si la DĂ©esse le voulait bien, il serait bientĂŽt suffisamment remis pour pouvoir se passer de sa Relique et il pourrait la donner au roi.
Cependant, d’aprĂšs les serviteurs qui le veillait, le visage de ce dernier s’animait toujours un peu plus quand Rodrigue venait le voir, bien plus que quand c’était Gustave ou Rufus. Cela lui faisait toujours plaisir de le voir
 lui parlait toujours comme avant
 comme si rien ne s’était passé  que tout Ă©tait encore normal

« Mieux vaut que je garde pour moi ce que je ressens vraiment  »
– Bonjour Lambert
 lui rĂ©pondit-il sur un ton de conversation normal. Comment te sens-tu ?
– Comme toujours, un peu cassĂ© mais, je n’ai pas Ă  me plaindre
 comment va Dimitri ? Je ne l’ai pas vu depuis que nous sommes au palais

Rodrigue repensa Ă  ce qui s’était passĂ© aujourd’hui, ce qui risquait d’arriver, au corps meurtri du petit garçon qui tremblait dans ses bras Ă  cause du poison, alors qu’il peinait dĂ©jĂ  Ă  se remettre de la TragĂ©die, les cicatrices gelĂ©s recouvrant tout son corps
 mais il ne pouvait toujours pas ĂȘtre honnĂȘte

– Il se remet lentement malgrĂ© tout
 d’aprĂšs la mĂ©decin Hersend, les blessures sont profondes et il lui faudra encore plusieurs lunes pour se remettre, surtout qu’il a respirĂ© beaucoup de fumĂ©e. Cependant, il ne devrait plus avoir besoin d’Areadbhar pour tenir dans peu de temps.
– D’accord
 tant mieux, ça veut dire qu’il sera bientĂŽt guĂ©ri
 mĂȘme si
 rrhaaa
 l’air de Fhirdiad ne doit pas aider pour ses poumons
 il a toujours Ă©té  mauvais et humide
 mĂȘme si CornĂ©lia a beaucoup aidé  c’est pas
 c’est pas un air pour un petit garçon
 il a mĂȘme affaibli
 HĂ©lĂ©na
 sans lui
 elle
 elle ne serait pas

Il se tut, se refermant un peu. Rodrigue resta le plus vague possible en rĂ©ponse, mordant de toutes ses forces ce qu’il voulait vraiment dire
 fit disparaitre les souvenirs de la femme Ă©puisĂ©e, Ă©reintĂ©e d’angoisse et de tension Ă  force de devoir toujours passer derriĂšre son mari, afin de le raisonner quand il s’entĂȘtait par pĂ©chĂ© d’optimisme et de naĂŻveté  ça l’avait mĂȘme empĂȘchĂ© de tomber enceinte pendant longtemps, jusqu’à ce que FĂ©licia prenne soin d’elle et l’aide Ă  se dĂ©tendre
 enfin, ce n’était pas le moment de trop critiquer le roi

– Peut-ĂȘtre
 l’air n’est jamais trĂšs bon en ville. Il voulait te voir aussi, tu lui manques.
– Je le comprend
 j’ai hĂąte aussi de le revoir, il me manque
 pre
 kof ! PremiĂšre chose que je fais en me levant
 je vais l’embrasser
 mais
 peut-ĂȘtre que ce serait mieux si
 s’il allait loin de la capitale
 l’air de la campagne est
 est bon

Rodrigue crut rĂȘver quand il entendit ses mots. Rufus ne les laisserait jamais faire sans l’aval de Lambert mais DĂ©esse, ce serait l’idĂ©al ! Il serait loin de la capitale et protĂ©ger en cas de rĂ©volte. Entre les morts, les impĂŽts, les restrictions et le rationnement, Fhirdiad se transformait petit Ă  petit en une vĂ©ritable poudriĂšre prĂȘte Ă  exploser. Plus Dimitri serait loin, mieux ce serait.
– Ce serait une trĂšs bonne idĂ©e, rĂ©pondit-il honnĂȘtement Ă  Lambert pour la premiĂšre fois depuis la TragĂ©die. Hum
 pas Ă  Fraldarius Ă©tant donnĂ© qu’Alix est dĂ©jĂ  dĂ©bordĂ© et que beaucoup de nos hommes sont ici, et Rufus refuserait de nous confier Dimitri. Par contre, les Charon sont assez nombreux pour s’occuper de lui. Leur fief semble assez calme, est loin des troubles de l’Ouest, et leur forteresse Lokris est situĂ©e dans le piĂ©mont de la montagne de Garreg Mach, l’air y est trĂšs sain. De plus, je suis sĂ»re que la famille d’HĂ©lĂ©na sera plus rassurĂ©e de savoir leur neveu loin de l’agitation de la capitale.
– Surement
 mĂȘme s’il sera
 tout seul lĂ -bas
 sans ses amis

– Peut-ĂȘtre mais, il sera aussi entourĂ© par ses cousins, plusieurs ont son Ăąge. Je sais qu’il les connait beaucoup moins que FĂ©lix, Ingrid et Sylvain mais, ce serait bien le diable NĂ©mĂ©sis s’il ne s’entendait pas avec au moins un d’entre eux. De plus, je pense que Dedue et Sasiama le suivront tous les deux, ils sont dĂ©jĂ  trĂšs amis tous les trois.
Lambert n’avait pas l’air trùs convaincu par son affirmation, jetant son regard au plafond alors qu’il marmonnait.
– Ils ne seraient encore que trois
 tu peux et Ă©crire Ă  Ingrid et Sylvain et demander Ă  FĂ©lix s’ils
 s’ils peuvent l’accompagner en Charon s’il te plait ? Ce serait
 mieux pour lui si
 rhaaaa
 ces amis Ă©taient avec lui

C’était un ordre malgrĂ© le ton alors, l’homme n’avait pas d’autre choix que d’accepter, mĂȘme s’ils connaissaient dĂ©jĂ  les rĂ©ponses : Ingrid s’était enfermĂ©e et ne sortait plus Ă  cause de la mort de Glenn, et Sylvain ne pourrait pas quitter Gautier, les routes Ă©taient trop dangereuses et maintenant qu’il Ă©tait majeur, Isidore n’hĂ©siterait pas Ă  l’emmener sur le champ de bataille. Et FĂ©lix
 Rodrigue avait honte mais, il ne voulait pas le laisser partir
 mĂȘme maintenant qu’Estelle et Bernard Ă©taient arrivĂ© Ă  la capitale avec des renforts, qu’il avait toute confiance en les Charon, et que c’était peut-ĂȘtre mieux pour Dimitri, le pĂšre ne voulait pas voir son fils loin de lui
 son louveteau qui lui donnait tant de force
 il ne pourrait le confier qu’à Alix mais, seulement parce que son frĂšre Ă©tait lui et qu’il Ă©tait son frĂšre et que c’était la personne en qui il avait le plus confiance au monde

– Ce sera fait, rĂ©pondit-il tout de mĂȘme.
Lambert sourit à sa réponse avant de souffler en tournant à nouveau son regard vers lui, plein de reconnaissance.
– Merci beaucoup de t’en occuper
 je ne sais pas ce que je ferais sans toi en ce moment
 et que tu sois toujours Ă  mes cĂŽtĂ©s
 je ne pourrais jamais assez te remercier Rodrigue

L’homme aux cheveux noirs retient une grimace quand sa migraine s’intensifia d’un coup, lui faisant souhaiter n’importe quoi. Il rĂ©pondit de maniĂšre plus raisonnablement, Ă©touffant comme il pouvait cette pensĂ©e sombre.
– Je ne fais que mon devoir envers le Royaume et la famille royale.
« Alors, rend-moi Glenn et Nicola
 rends-les moi
 rends-moi tout le monde. »
Il Ă©trangla cette pensĂ©e folle qui hurlait encore plus fort en dĂ©bitant d’autres horreurs ensuite, alors que Lambert sourit Ă  nouveau.
– Merci pour tout mon ami
 je sais que je peux te faire confiance pour tout

« C’est bien pour ça que je te hais chien idiot. »
*
Il faisait froid
 tellement froid
 si froid
 il n’avait pourtant pas froid comme d’habitude
 pas au corps
 il avait froid au cƓur
 si froid
 il faisait glacial
 tellement qu’il sentait à peine ses membres
 avait du mal à respirer
 avait mal partout
 mais il ne tremblait pas, il ne devait pas

La seule source de chaleur Ă©tait dans ses bras
 son trĂ©sor serrĂ© contre son cƓur
 son petit soleil
 sa seule lumiĂšre dans cette tempĂȘte

« Ne t’en fais pas
 je vais te sortir de là
 ça va aller
 ça va aller
 je te protĂ©gerais
 je vais te protĂ©ger
 ça va aller
 je t’en supplie mon petit, tiens bon  »
Son visage Ă©tait couvert de glace, comme un grand masque tordu, figeant ses traits mais, il s’en fichait
 tant que son soleil restait en sĂ©curitĂ©, Ă  l’abri de cette tempĂȘte de neige
 tant que sa fourrure restait toujours aussi chaude
 tant que son petit Ă©tait en sĂ©curitĂ©, rien d’autre ne comptait
 il pouvait tout endurer tant qu’il allait bien
 il serait prĂȘt Ă  tout pour le protĂ©ger !
« Ça va aller
 ça va aller
 ça va aller
 on est bientĂŽt arriver  »
Cependant, alors qu’ils arrivaient prĂšs de la prĂ©sence aqueuse toute semblable Ă  la sienne devant eux, son pied se prit d
 non, quelque chose le prit
 quelque chose venait de lui attraper la jambe ! Le tirait sous la neige ! Non ! Non ! Laissez-moi ! Il ne voulait pas ! LĂ  aussi, cela brillait dans la tempĂȘte mais, au lieu d’éclairer les lieux, tout devenait plus sombre et flou dans son sillage, le masque s’enfonçant dans sa chair et la neige tranchant tout son corps.
« Je ne veux pas ! Lùche-moi ! Laisse-moi partir ! »
Il serra son petit encore plus fort, fit tout pour le protĂ©ger de cette lumiĂšre sombre en cherchant un endroit oĂč le mettre loin d’elle mais, tout Ă©tait exposĂ© Ă  la tempĂȘte ! Et son soleil qui devenait de plus en plus froid ! Non ! Non ! Pas ça !
« Non
 non ! Par pitié ! Pas ça ! Pas toi ! Par pitié ! Ne meurs  »
« Papa ! Réveille-toi ! Papa ! »
Rodrigue se redressa d’un coup Ă  l’appel, tremblant et en sueur. DĂ©esse, quel cauchemar ! Cela faisait des annĂ©es qu’il n’avait pas fait de pareil
 depuis la mort de son pĂšre il dirait
 surement Ă  cause de ses migraines
 mais ce n’était pas important.
FĂ©lix Ă©tait Ă  cĂŽtĂ© de lui, les mains en l’air aprĂšs l’avoir remuĂ© dans tous les sens pour le rĂ©veiller, le clair de lune dĂ©voilant l’inquiĂ©tude qui creusait ses traits. Oh, non, non, non
 il n’avait pas voulu ça ! Il fit tout ce qu’il put pour retrouver son calme et contrĂŽler son souffle avant de dire, espĂ©rant ne pas aggraver les choses.
« FĂ©lix
 je
 je suis dĂ©solĂ© de t’avoir rĂ©veillé 
– T’excuse pas, c’est pas ta faute. Tu faisais un cauchemar ?
– Oui, mĂȘme si c’est rare que ça m’arrive
 merci beaucoup de m’avoir rĂ©veillĂ©. Enfin, ne t’en fais pas pour moi, ça va aller
 tu devrais aller te recoucher, il est tard

– J’allais pas te laisser comme ça ! Et d’accord ! Mais pour que tu ne fasses plus de cauchemars
 humf !
Il attrapa d’un coup son oreiller sans rĂ©veiller Fleuret, puis monta sans hĂ©siter sur le lit de Rodrigue, avant de se pelotonner sous sa couette en marmonnant.
– Comme ça, si tu refais un cauchemar, je te rĂ©veille d’un coup de pied.
Vaincu par la fatigue de la journĂ©e, Rodrigue se contenta de le reprendre sur ses mots sans le chasser, sentant son mal de tĂȘte s’apaiser un peu.
– Ta langue FĂ©lix, on ne frappe pas les autres
 il laissa Ă©chapper un rire en se souvenant. Tu fais comme quand tu Ă©tais petit
 mais dans ses moments-lĂ , c’était quand toi tu faisais un cauchemar, tu venais toujours finir ta nuit avec moi dans ses moments-là

– Car c’est toi maintenant qui fait un cauchemar
 marmonna-t-il, les paupiùres de plus en plus lourde. Bonne nuit

Son louveteau se rendormit tout de suite, vaincu par la fatigue et l’heure tardive. Rodrigue eut un sourire, puis lui caressa les cheveux en soufflant quelques notes, sa voix n’étant heureusement pas trop enrouĂ©e Ă  force de ne plus chanter.
« Dors, dors, mon tout petit,
Quand le jour se change en nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Quand dans le ciel, la lune luit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je veillerais sur toi toute la nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je jure, de toute ma longue vie

Tu es mon plus grand trésor,
Alors mon tout petit, dors. »
Il se rendormit aussi assez vite, tombant dans un sommeil profond et sans rĂȘve, Ă  son grand soulagement
 FĂ©lix rentrouvrit les yeux, sentant son pĂšre plus calme
 c’était dĂ©jĂ  ça

« C’est bizarre
 il a le cƓur qui bat Ă  peine
 comme pour
 
 
 ça doit ĂȘtre la fatigue  »
Il mordit son envie d’aller taper Rufus jusqu’à ce qu’il arrĂȘte d’exploiter Rodrigue, pour le forcer son travail Ă  sa place, en se rendormant Ă  ses cĂŽtĂ©s.
*
« Quoi ?! Qu’est-ce que tu dis Lambert ? Tu veux envoyer Dimitri Ă  Charon ?! Mais tu t’es pris un autre coup sur la tĂȘte ?
– De mĂ©moire, pas plus que ceux que j’ai dĂ©jĂ  pris
 mais ce sera mieux
 l’air de la montagne lui fera du bien
 et c’est la
 la famille d’HĂ©lĂ©na
 ils prendront bien soin de lui
 Rodrigue pense que c’est une bonne idĂ©e
 et
 et LachĂ©sis et ThĂšcle sont d’accord
 ils
 ils sont habituĂ©s Ă  ĂȘtre nombreux
 et en bateau sur le fleuve, le
 le voyage sera
 rhhaaa
 sera calme et rapide
 surtout maintenant que
 qu’il peut se passer d’Areadbhar

Rufus se frappa le front devant la dĂ©cision de son frĂšre. Ouais, le bon air de la montagne
 c’était surtout l’occasion pour les Charon de rĂ©cupĂ©rer un argument de poids pour faire pression sur eux
 et Ă©videmment, Rodrigue Ă©tait d’accord
 encore ce loup enragé  il Ă©tait docile face Ă  lui, mais avec son petit frĂšre, il remontrait ses crocs
 et il n’hĂ©sitait pas Ă  profiter de son Ă©tat de faiblesse l’animal, comme ses deux comparses de sƓurs Charon
 sa main au feu qu’il avait agitĂ© HĂ©lĂ©na en plus
 malgrĂ© le fait qu’il ne l’aimait pas autant que Patricia, la simple mention de la petite crĂ©ature de Ludovic suffisait parfois Ă  le faire changer d’avis en ce moment
 il fallait vraiment qu’il trouve une idĂ©e pour leur rappeler qui Ă©tait le vrai rĂ©gent Ă  ces trois-là

– Je comprends que tu veuilles le meilleur pour Dimitri mais, je doute que ce soit une bonne idĂ©e de l’envoyer aussi loin de toi. Imagine ce qui pourrait arriver pendant le voyage ? Il serait bien mieux qu’il reste ici avec nous, ça le fatiguera moins.
– C’est pour ça que j’ai
 demandĂ© à
 rrhhaa
 Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle de tout organiser
 ils savent s’y faire
 surtout que c’est
 c’est une route fluviale trĂšs frĂ©quenté 
– Tu parles, ils n’ont mĂȘme pas Ă©tĂ© fichu de bien organiser le voyage Ă  Duscur ! Ils n’ont fait aucun effort et voilĂ  le rĂ©sultat !
Son frĂšre dĂ©tourna les yeux en l’entendant, marmonnant avec honte.
– C’est
 c’est plutĂŽt moi qui aurais dû  les Ă©couter
 ils avaient dit que ce serait trĂšs dangereux
 ils l’ont dit
 mĂȘme Areadbhar l’a dit
 si je les avais Ă©coutĂ©s
 alors

– Alors rien, tu as fait ce que tu devais faire et c’est eux qui n’ont pas Ă©tĂ© Ă  la hauteur de tes ordres. T’es le roi, c’est normal que ce soit toi qui prennes les dĂ©cisions, et tes conseillers sont tes serviteurs qui doivent exĂ©cuter tes ordres.
– Ludovic ne faisait pas ça

– Car le vieux dĂ©testait la monarchie
 et il te mĂ©prisait assez pour vouloir mettre ses favoris sur le trĂŽne Ă  ta place, alors qu’il te revient de droit, quoi qu’il dise pour se justifier. Tu te prĂ©occupes trop de ce qu’il pense. Il est mort ce salopard, oublie-le, c’est tout ce qu’il mĂ©rite. T’as juste fait un voyage qui a mal tournĂ© car, l’administration et tes conseillers Ă©taient incompĂ©tents. Lui, il a fait un coup d’État, oĂč lui et tous ses complices auraient eu la tĂȘte coupĂ©e s’il avait ratĂ© son coup. T’es plus prudent que lui, quoi que les gens en pensent.
–
 je me le demande

– Oublie, c’est pas le moment de rĂ©flĂ©chir Ă  ça alors que tu es encore en train de te remettre. Repose-toi petit frĂšre, tu mĂ©rites bien aprĂšs tout ce qui t’es arrivé  »
Malheureusement, Lambert n’avait pas l’air trĂšs convaincu mais, il se rendormit vite, trop fatiguĂ© pour rester Ă©veiller plus de quelques minutes Ă  chaque fois. Il avait dĂ©jĂ  dĂ» y laisser toutes ses forces en parlant autant

« Repose-toi bien et reste avec nous Lambert
 je ne veux pas te perdre  »
Il embrassa son petit frĂšre et le reborda avant de s’en aller, mĂȘme s’il laissa exploser sa colĂšre une fois seule. Maudit Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle ! Ils poussaient encore Lambert Ă  faire n’importe quoi ! Et Lambert semblait s’ĂȘtre mis en tĂȘte qu’ils avaient raison en plus ! L’épuisement et les blessures le rendaient plus manipulable que d’habitude
 encore plus quand ça venait de son « meilleur ami » Ă  sens unique
 lui qui Ă©tait toujours si dĂ©terminĂ© Ă  faire ce qu’il avait Ă  faire, voilĂ  que trois mots suffisaient Ă  le convaincre de faire quelque chose de stupide !
« S’ils ne lui ont rien fait
 aprĂšs tout, c’est des magiciens, tous autant qu’ils sont
 faudrait que je demande à  »
« Votre Altesse ? Puis-je me joindre à vous ?
CornĂ©lia se tenait sur le pas de la porte, une bouteille de vin Ă  la main
 il ne l’aurait pas imaginĂ© ĂȘtre du genre Ă  aller au marchĂ© noir mais bon, la connaissant, elle pouvait aussi l’avoir tirĂ© de sa rĂ©serve
 Rufus s’en fichait en fait, cela avait l’air d’ĂȘtre du bon vin et il avait envie d’avoir quelqu’un Ă  qui se plaindre.
– Entre, Ă  condition que tu me laisses la moitiĂ© de la bouteille.
– Merci et telle Ă©tait mon intention, sourit-elle en refermant la porte derriĂšre elle, pendant que Rufus sortait deux verres.
CornĂ©lia les remplit en gazouillant, toute contente et presque pimpante. Ça faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vu aussi guillerette, depuis son accident dans les escaliers en fait
 il avait toujours mis ça sur le compte du coup Ă  la tĂȘte, elle s’était enfoncĂ© le crĂąne et avait survĂ©cu de peu.
– Quel bonheur de voir Son Altesse retrouver peu Ă  peu la santé ! Je suis sĂ»re que ce sera bientĂŽt la mĂȘme chose pour Sa MajestĂ© dans quelques temps !
– Enfin quelqu’un d’autre de raisonnable en plus de Gustave
 oui, Dimitri se sent bien mieux, grĂące Ă  tes soins surtout. Cette maudite lance n’y a pas fait grand-chose
 tout ce qu’elle lui a fait, c’est le transformer en abomination en le couvrant de givre, et lui faire voir un soi-disant Blaiddyd mais bon, ça se voie qu’il a reçu quelques coups sur le crĂąne. Imagine, il rĂȘve que Blaiddyd en personne Ă©tait noir comme un duscurien ! On n’a jamais entendu une absurditĂ© pareille ! Enfin, c’est pas le seul qui s’est pris des coups sur la tĂȘte

– Hum
 vous semblez bien troublé  puis-je vous prĂȘter oreille ? Lui proposa la guĂ©risseuse avec attention. Cela vous fera sans doute beaucoup de bien de vous confier Ă  quelqu’un.
Rufus rĂ©flĂ©chit une seconde, puis finit par accepter de parler. AprĂšs tout, CornĂ©lia n’avait jamais trahi Lambert, mĂȘme quand Areadbhar avait commencĂ© Ă  lui geler les doigts et Ă  le rejeter, alors que ça pouvait ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une dĂ©faveur divine
 comme le vieux l’avait fait avec Clovis d’ailleurs pour dire qu’il avait bien fait de comploter contre lui
 elle Ă©tait de confiance.
– L’état de Lambert m’inquiĂšte
 il va mieux mais d’un autre cĂŽtĂ©, il se met tout le blĂąme de la TragĂ©die sur ses Ă©paules
 et il Ă©coute de plus en plus Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle
 alors que ce sont les mĂȘmes qui sont Ă  l’origine de ce fiasco
 un autre Charon ou Alix arrive, et il va finir par leur lĂ©cher les bottes comme un toutou
 je sais que Lambert tient beaucoup aux jumeaux mais, Ă  ce stade, ce serait lui rendre service de les dĂ©gager de son entourage ! Ils profitent tous de sa faiblesse pour lui faire faire n’importe quoi, comme cette idĂ©e stupide d’envoyer Dimitri en Charon car, l’air est meilleure et que c’est la famille de cette crĂ©ature d’HĂ©lĂ©na. Le gosse serait bien mieux ici, mais non ! Parce que ces trois-lĂ  et surtout Rodrigue ont dit que c’était une bonne idĂ©e, faut le faire ! Il est trop faible pour s’opposer Ă  eux !
– Hum
 je comprends, vous avez peur qu’il se fassent manipuler par ses « proches », devina CornĂ©lia.
– C’est pas que j’ai peur, c’est le cas ! RĂ©torqua-t-il sans hĂ©siter. Et je ne peux mĂȘme pas les chasser avec ça ! MĂȘme si c’est Ă©vident qu’ils le manipulent, ils se sont soumis assez vite Ă  mes volontĂ©s et font tout leur travail. C’est brouillon et bĂąclĂ© mais, je ne peux pas trop me passer de leurs connaissances, mĂȘme si bon, si j’avais la bonne occasion, je le ferais et mettrais mes hommes Ă  leur place
 En plus, ça me permet de les avoir Ă  l’Ɠil, plutĂŽt qu’ils complotent tranquillement dans leur fief avec le restant de leur famille et leurs fidĂšles. J’ose mĂȘme pas imaginer ce que sont en train de combiner le reste de la fratrie ou les fraldariens en ce moment, encore plus s’ils Ă©taient au complet
 je peux mĂȘme pas les faire exĂ©cuter
 j’ai pas de preuve qu’ils tentent de manipuler Lambert, ils font leur boulot, et je le fais, leurs petits moutons de sujets vont se rĂ©volter car, le vieux Ă©tait assez con pour laisser des seigneurs fidĂ©liser autant leurs sujets et leurs vassaux.
– C’est vrai que la situation est Ă©pineuse
 souffla la magicienne, pensive et prudente. Je ne veux pas m’immiscer dans ce qui ne me regarde pas, je ne suis pas faerghienne mais une simple roturiĂšre adrestienne aprĂšs tout mais, le nƓud des problĂšmes semble ĂȘtre le duc de Fraldarius et les sƓurs de feu la reine HĂ©lĂ©na, ai-je tort ? Et bien, mĂȘme s’il est vrai que cela est risquĂ© de les laisser rentrer chez eux, ils peuvent aussi y retourner sans avoir la possibilitĂ© de faire quoi que ce soit ?
– Comment ? Avec la tĂȘte sous le bras ? C’est pas que je n’ai pas envie de mettre la tĂȘte des putains de fils prĂ©fĂ©rĂ©s de Ludovic sur sa tombe, pareil pour ses petites crĂ©atures mais, je fais ça, j’ai tout le duchĂ© de Fraldarius et le comtĂ© de Charon qui vont marcher sur la capitale
 et vu qu’entres bĂȘtes, soit on s’entre-dĂ©vore, soit on s’entend, cette sauvage de Fregn serait capable de sortir du bois avec toute sa famille pour nous plumer, vu qu’elle s’entend bien avec les jumeaux.
– Non, c’est clair que cela ne ferait que mettre de l’huile sur le feu. Cependant, il y a d’autres façons de les rendre inoffensifs

– C’est-à-dire ?
– Et bien, mĂȘme si c’est surement une idĂ©e assez faible, je les Ă©puiserais petit Ă  petit, afin de les pousser lentement dans leurs derniers retranchements et les rendre inoffensifs Ă  cause de la fatigue. Cela serait vu comme la consĂ©quence logique de l’envergure de leur tĂąche, mais aussi qu’ils n’en sont pas dignes s’ils n’arrivent pas en venir Ă  bout malgrĂ© leur statut. De plus, quelques humiliations et rappels Ă  leur rang de subordonnĂ© devrait user leurs nerfs plus vite mais, submergĂ© par la tĂąche, ils ne devraient pas avoir le temps de penser Ă  prendre leur revanche Ă  cause de la surcharge de travail. Il faudrait y aller progressivement mais, cela devrait fonctionner.
PĂ©riandre cacha son sourire satisfait en voyant la joie de Rufus devant son plan. AprĂšs l’idĂ©e stupide d’empoisonnement d’un de ses anciens collaborateurs, tout le palais Ă©tait sur ses gardes, elle devait rester sur ses gardes pour ne pas se faire prendre. Non pas qu’elle n’avait pas essayĂ© de lui inoculer petit Ă  petit un poison de sa fabrication indĂ©tectable par ses infĂ©rieurs mais, ce maudit rejeton Ă©tait rĂ©sistant et protĂ©ger par son ancĂȘtre Simplex
 alors un poison humain, mĂȘme pas la peine d’y penser, mĂȘme Ă  forte dose. Elle rĂšglerait le sort de cette vermine aprĂšs. Pour le moment, l’important Ă©tait de se concentrer sur la dĂ©stabilisation du Royaume. Ce pays se transformait petit Ă  petit en vĂ©ritable poudriĂšre prĂȘte Ă  exploser mais, les quelques grands seigneurs compĂ©tents encore en vie l’étaient trop et limitaient bien trop le chaos
 c’était eux dont elle devait obtenir la peau ou la dĂ©mission, pas celle de Lambert finalement. Lui, il semblait mĂȘme devenir le centre de la dĂ©testation au fil des jours
 non, s’ils voulaient ruiner la crĂ©ation de Sothis pour replonger Sphigxi dans le chaos originel, mieux valait le garder en vie, histoire de provoquer une guerre civile ou exciter les ambitions de toutes parts.
Par contre, PĂ©riandre devait se concentrer sur l’élimination de deux familles-clĂ©s pour atteindre son objectif dans le Royaume : les Charon et les Fraldarius. Ces deux familles constituaient la colonne vertĂ©brale de Faerghus ces derniĂšres annĂ©es, avec la famille royale quand un roi Ă  peu prĂšs compĂ©tent Ă©tait sur le trĂŽne. Si elle voulait le briser en mille morceaux, elle devait impĂ©rativement Ă©liminer ces deux colonies de parasites.
« Autant commencer par les Fraldarius
 ils sont les moins nombreux, et ceux qui semblent tenir la mort loin de la famille royale. Glenn a tout de mĂȘme rĂ©ussi Ă  tuer plusieurs des nĂŽtres Ă  lui tout seul et Ă  sauver la vie de Dimitri mĂȘme si c’était au prix de la sienne – il faudra que je pense Ă  dire Ă  Myson de me garder son corps de cĂŽtĂ© pour quand je rentrerais, je veux aussi voir de moi-mĂȘme comment il a fait pour ĂȘtre aussi rĂ©sistant pour un insecte sans emblĂšme ! – FĂ©lix est toujours sur les talons du prince et est capable de le soigner, Alix arrive Ă  maintenir les relations commerciales avec l’Alliance et tient les vassaux de tout l’Est en respect, et Rodrigue fait le travail du rĂ©gent sans l’ĂȘtre, tout en semblant redonner de l’énergie Ă  Lambert Ă  chaque fois qu’il le voie
 en plus, mĂȘme s’ils meurent jeunes dans cette famille, ils ont aussi la vie chevillĂ©e au corps, ils sont aussi difficiles Ă  Ă©craser que ce sauvage de Pertinax
 son obstination est jusque dans son sang visiblement
 mais bon, c’est aussi leur point faible  »
Elle proposa alors, toute innocente comme la vraie CornĂ©lia l’aurait Ă©tĂ© avec sa trop grande modestie.
– Si vous voulez vous dĂ©barrasser de Rodrigue en l’épuisant, je pense qu’il a dĂ©jĂ  fait une bonne partie du travail seul en ne pouvant plus s’entrainer. Sa magie a dĂ» s’accumuler en lui et l’affaiblir. Toutefois, je vous conseillerais aussi de briser en mille morceaux ce qui le tient entier

– A quoi pense-tu exactement ? » Demanda-t-il, mĂȘme si PĂ©riandre savait qu’il lui demandait surtout pour se faire une joie de l’entendre. Rufus semblait toujours se faire une joie de dĂ©truire tout ce que son pĂšre chĂ©rissait et pour le coup, cela l’arrangeait.
« C’est bien simple, volez-lui ce Ă  quoi il tient le plus au monde : son fils. »
*
Quelques semaines plus tard, Dimitri fut assez remis pour pouvoir se rendre Ă  Charon, afin de se reposer en paix. Comme il l’avait anticipĂ©, Ingrid et Sylvain ne pourraient pas venir, il n’avait mĂȘme pas eu de rĂ©ponse de Gautier, et FĂ©lix avait refusĂ© de partir de Fhirdiad alors, il serait juste accompagnĂ© de Dedue et Sasiama. Ce serait sans doute mieux pour eux deux aussi, il y aurait peut-ĂȘtre moins de vengeurs prĂȘts Ă  les passer Ă  tabac dĂšs qu’ils Ă©taient isolĂ©s
 Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle finissaient de boucler les derniers prĂ©paratifs pour le voyage du lendemain, quand un serviteur vient les chercher. Apparemment, Rufus les rĂ©clamait dans la cour centrale.
« Qu’est-ce que ce s
 que souhaite nous dire le rĂ©gent ? Demanda LachĂ©sis, sa petite nuit de la veille ne l’aidant pas Ă  ĂȘtre patiente. Nous sommes encore plus dĂ©bordĂ©s que d’habitude, Sa MajestĂ© nous a chargĂ©s personnellement de tout organiser, afin d’ĂȘtre certain que le voyage soit sĂ»r, et le grand-duc Riegan doit nous rendre visite dans peu de temps. On n’a pas de temps Ă  perdre.
– Si c’est par rapport au fait que Son Altesse aille se soigner chez nous, le rĂ©gent s’est dĂ©jĂ  expliquĂ© avec son petit frĂšre. Nous ne faisons qu’obĂ©ir Ă  la volontĂ© royale, rĂ©torqua ThĂšcle.
– Il a dit que cela avait un rapport mais, il n’a pas exprimĂ© prĂ©cisĂ©ment sa pensĂ©e
 il veut juste que vous veniez dans la Cour Centrale afin de vous donner quelque chose
 dĂ©clara-t-il Ă  mi-voix avant d’ajouter de lui-mĂȘme, mort de peur lui aussi de ce qu’il allait arriver s’il n’obĂ©issait pas et Ă©puisĂ©. S’il vous plait

Rodrigue ne put qu’avoir de l’empathie pour lui, Rufus usait tout le monde jusqu’à la corde depuis qu’il Ă©tait rĂ©gent, en particulier quand il Ă©tait de mauvais humeur
 il tendit alors un gobelet rempli d’eau au serviteur pour qu’il se pose une seconde, puis ils le suivirent tous les trois jusqu’au rĂ©gent et ses alliĂ©s. Cela sentait mauvais
 Rodrigue passa ses doigts derriĂšre lui, sentit son poignard Ă  sa ceinture, sur ses gardes, tout comme les deux sƓurs qui firent de mĂȘme
 mieux valait qu’il l’utilise avant sa magie, il avait trĂšs peur qu’elle explose s’il en utilisait trop d’un coup tellement elle s’était accumulĂ©e dans ses veines ces derniĂšres semaines
 l’homme n’avait aucune idĂ©e de ce qui les attendait alors, mieux valait ĂȘtre prudent.
Quand ils arrivĂšrent dans la cour centrale, Rufus bavardait avec ses principaux partisans, soit des vengeurs dans la trĂšs grande majoritĂ© et des membres intĂ©gristes de l’Église Occidentale

« Si le roi Ludovic voyait tout ceci
 songea tristement Rodrigue. Lui qui a tout fait pour endiguer les sectes de l’Église Occidentale
 voilĂ  que son fils les encourage maintenant

– 
et ça ne m’étonnerait mĂȘme pas qu’il fasse ça juste pour faire chier son pĂšre, » poursuivrait surement Alix.
« Nous voici Votre Altesse, s’annonça LachĂ©sis. Que souhaitez-vous nous annoncer ? Nous aimerions pouvoir rapidement regagner nos Ă©tudes, afin de finir d’organiser le voyage de son Altesse vers Lokris.
– Ne vous en faites pas, ce ne sera pas long, leur sourit-il Ă  pleines dents, ses partisans gloussant comme des gĂ©lines derriĂšre lui. On attend plus qu’une seule personne et tout le monde sera là

Rodrigue se mit d’autant plus sur ses gardes, gardant prudemment ses doigts vers l’endroit oĂč Ă©tait son poignard, tout comme les deux sƓurs qui gardaient leur main sur leur hanche. Ils Ă©taient loin de la chambre de Lambert et dans son Ă©tat, quoi qu’il se passe, il n’entendrait rien
 DĂ©esse, qu’est-ce que Rufus pouvait bien leur vouloir ? Surtout pour rire comme ça ? Si c’était une humiliation, ce serait le moins grave, sa fiertĂ© pouvait le supporter
 ce serait mĂȘme presque la meilleure option plutĂŽt qu’il n’impose une autre de ses dĂ©cisions brillantes
 il ne voyait pas Gustave, il devait ĂȘtre occupĂ© Ă  vĂ©rifier que le bateau du prince Ă©tait en parfait Ă©tat. De plus, il faisait tout pour prĂ©server Lambert des consĂ©quences de Duscur et de ses actes, trop mort de honte et de culpabilitĂ© pour dire quoi que ce soit au roi. Rufus devait le voir comme un allié  son absence annonçait d’encore plus mauvaises choses

Cependant, il arrĂȘta d’y penser quand il entendit des Ă©clats de voix puis vit FĂ©lix et ZoĂ© ĂȘtre emmenĂ©s dans la cour, son fils allant tout de suite vers lui alors qu’il demandait ce qui se passait. Rufus le prit de vitesse en souriant, Rodrigue se mettant par rĂ©flexe entre lui et son louveteau pour le protĂ©ger.
– Un peu de patience, vous le saurez bientît.
– Votre Altesse, allez-vous enfin nous dire à quoi rime tout ceci ? Demanda Thùcle, à bout de patience.
– Bon, bon, puisque vous ĂȘtes si pressé  voyez-vous, Sa MajestĂ© est revenue trĂšs affaiblie de Duscur, et il est aisĂ© de le manipuler. Les temps sont durs, je dois tout faire pour prĂ©server mon petit frĂšre et mon neveu des mauvaises influences. Alors, afin que tous ici compreniez bien que je ne ferais pas de quartier avec les ambitions mal placĂ©es
 il lança un sourire grotesque dans la direction du trio, essayant sans doute d’ĂȘtre menaçant et Ă©chouait mais, l’apprĂ©hension de ce qu’il allait faire les gelait tous. Autant faire un exemple

– Un exemple ? RĂ©pĂ©tĂšrent-ils avec apprĂ©hension, alors que des Ă©clats de voix leur parvenaient.
Rodrigue eut le rĂ©flexe de prendre FĂ©lix contre lui, entourant sa tĂȘte avec sa cape pour lui Ă©pargner quoi qu’il puisse arriver, les mains sur ses oreilles quand les Ă©clats se transformaient en suppliques. Deux des gardes du corps de Rufus arrivĂšrent en maintenant un homme qui se dĂ©battait, mort de peur, habillĂ© comme un condamnĂ© Ă  mort dont on n’avait pas encore fait la toilette, suivit d’un bourreau qui semblait assez jeune, tenant sa hache Ă  deux mains, surement inexpĂ©rimentĂ© s’il se fiait aux tremblements qui l’agitait et saoul Ă  l’odeur de vin qui le suivait. Ils reconnurent le captif comme un noble qui avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© peu de temps aprĂšs la TragĂ©die, au motif d’avoir dit trop fort que Lambert avait envoyĂ© le convoi Ă  la mort, Rufus l’avait immĂ©diatement fait incarcĂ©rer. Comprenant tout de suite ce qu’il allait se passer, LachĂ©sis intervient, gardant sa colĂšre cachĂ©e en elle alors qu’elle dĂ©clarait sur un ton professionnel.
– Que pensez-vous faire Ă  cet homme ? De ce que nous savons, sont seul tort est d’avoir exprimĂ© son opinion, ce qui est permis par la libertĂ© d’expression. Cette opinion peut entrer dans le cadre du dĂ©lit de calomnie mais, il n’est pas puni de la peine de mort dans le domaine royal, lieu oĂč le crime a Ă©tĂ© commis. De plus, pour toute peine et en particulier la peine capitale, il doit passer devant un tribunal pour dĂ©terminer sa peine. Si cela a Ă©tĂ© fait, est-ce que vous avez les minutes du procĂšs et le procĂšs-verbal de la sĂ©ance ? Le questionna-t-elle, Rodrigue voyant l’espoir briller dans les yeux du pauvre homme. J’aimerais le consulter afin de vĂ©rifier si toute la procĂ©dure a Ă©tĂ© respectĂ©e, afin que la peine soit appliquĂ©e dans les rĂšgles fixĂ©s par la loi et ne pas risquer des reprĂ©sailles et autres procĂ©dures pour dĂ©ni de justice.
– Un procĂšs est inutile et ce n’est pas de la diffamation. Il s’agit de trahison. Cet homme a osĂ© critiquĂ© le roi et ses dĂ©cisions en pleine pĂ©riode de crise, c’est une menace Ă  l’unitĂ© nationale. En ces temps difficiles, cela revient Ă  trahir Sa MajestĂ© mon frĂšre, et donc tout le Saint-Royaume de Faerghus. Dans le cadre du droit de justice seigneurial et surtout royale, j’ai donc dĂ©cidĂ© de faire un exemple de cet homme et de le faire exĂ©cuter pour trahison.
– Sauf que cela, c’était la loi avant la Grande Ordonnance de Justice, le roi Ludovic III votre pĂšre a interdit qu’une personne seule dĂ©cide de la vie ou la mort d’un condamnĂ©, quel qu’il soit et qu’importe la position de la personne dĂ©cisionnaire, lui rappela ThĂšcle malgrĂ© l’apprĂ©hension d’évoquer Ludovic en la prĂ©sence de Rufus. Vous devez impĂ©rativement passer devant un conseil composĂ© de juges et de jurĂ©s afin de valider cette dĂ©cision.
– Je n’ai que faire des dĂ©cisions de mon pĂšre. Il n’a fait qu’affaiblir le pouvoir de la famille royale dans la folie causĂ©e par la tuberculose, et il ne pouvait pas savoir que nous allons finir dans une situation bien pire que tout ce qu’il a pu connaitre. Il a eu un rĂšgne assez tranquille aprĂšs tout, il ne pouvait pas se douter que l’incompĂ©tence de son conseil nous mĂšnerait Ă  un tel fiasco. Ne vous souciez plus de toutes ses ordonnances mais, seulement celle de mon frĂšre et celles des rois prĂ©cĂ©dant mon pĂšre.
Les trois conseillers Ă©changĂšrent un regard tendu. Les ordonnances prĂ©cĂ©dant Ludovic
 avec ce qu’il allait faire, autant dire tout de suite qu’il allait suivre la politique de Clovis, il s’était octroyĂ© les pleins pouvoirs et l’impunitĂ© la plus complĂšte tout au long de son rĂšgne, jusqu’à ce que Ludovic ne casse toutes ses dĂ©cisions qui les avaient fait rĂ©gresser au niveau de l’Empire. Et ils ne pouvaient mĂȘme pas lui remarquer Ă  cause des mĂȘmes lois qu’ils appliquaient, dire quoi que ce soit en sa prĂ©sence pourrait ĂȘtre utiliser pour les condamner au mĂȘme sort que cet homme dans les bonnes conditions

– Papa
 marmonna FĂ©lix, la voix Ă©touffĂ©e dans le manteau de son pĂšre, Rodrigue le tenant toujours contre lui pour lui cacher ce qu’il allait arriver. Papa ? Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi Rufus va le faire t

– Chuuut FĂ©lix
 il ne faut rien dire, il en profiterait, lui murmura son pĂšre en priant pour que personne d’autre ne l’entende, avant de se redresser pour demander. Pourquoi faire venir mon fils ? C’est encore un enfant, il n’a rien Ă  faire dans une exĂ©cution publique. Laisse-le partir.
– Au contraire, cela lui rappellera oĂč est sa place et ce qu’il risque s’il parle en mal de la royautĂ©, ce qu’il a tendance Ă  trop oublier. Et le fifils Ă  son papa a-t-il peur du sang ? Ce serait plutĂŽt un agneau tout faiblard qu’un louveteau, les nargua Rufus, faisant glousser ses partisans. C’est pas comme si les exĂ©cutions publics n’étaient pas ouvertes Ă  tous, et il devra se battre quand il sera grand – sauf si ça devient un gratte-papier comme ma charmante belle-famille car, tu trouves que ton fils chĂ©ri est fragile comme du verre – autant qu’il s’habitue tout de suite.
DĂ©esse, ça se voyait qu’il n’avait jamais mis les pieds sur un champ de bataille ! Quel rapport entre une exĂ©cution et une guerre ? Surtout une exĂ©cution pareille complĂštement illĂ©gale ?! Était-il hors sol ou comme Clovis Ă  ce point ?! Cependant, aller contre lui ne lui donnerait que plus de grain Ă  moudre pour obtenir sa tĂȘte. Alors, Rodrigue rĂ©pondit simplement, sur la dĂ©fensive alors que FĂ©lix serrait les poings dans son manteau, fou de rage Ă  ses mots.
– Je ne pense pas que lui faire vivre de telles choses soient bon pour lui. Comme vous le dites, je tiens Ă  lui alors, je veux le protĂ©ger aussi longtemps que possible des horreurs de la mort, surtout aprĂšs une TragĂ©die aussi atroce qui nous a arrachĂ© son grand frĂšre et son grand-compĂšre. Y ĂȘtre confrontĂ© ainsi aussi jeune est trĂšs mauvais pour un enfant, je parle d’expĂ©rience. Alors, Votre Altesse, je vous demande de le laisser partir et retourner Ă  ses Ă©tudes.
Rufus ne rĂ©pondit pas tout de suite, mĂȘme si c’était Ă©vident Ă  son visage que ce n’était qu’une manƓuvre pour le faire espĂ©rer en vain mais, cela permit Ă  plusieurs partisans du rĂ©gent de murmurer leur lĂ©ger accord avec Rodrigue : une place d’exĂ©cution n’était pas un endroit pour un enfant aussi jeune. Les Braves en soient remerciĂ©s, il y avait des personnes raisonnables dans le lot, ou alors d’autres parents
 Rufus cĂ©da donc Ă  moitiĂ© en marmonnant.
– Il reste ici mais, tu peux le garder emmailloter comme un nourrisson dans ta cape.
– Merci, souffla Rodrigue, avant de se tourner Ă  nouveau vers son fils en soufflant, espĂ©rant que cela le protĂ©gerait un peu. Il faut que tu te bouches les oreilles
 je suis dĂ©solĂ© de t’imposer cela

– C’est pas ta faute à toi
 Pourquoi il fait ça ?
Le pùre le serra un peu plus dans ses bras en restant muet, ne devant surtout pas montrer ce qu’il ressentait. Montrer à Rufus que son plan pour les terrifier fonctionnait ne ferait que l’encourager à recommencer et aggraverait la situation.
En les voyant tous se taire, le régent eut un sourire trop semblable à ceux de Clovis dans les chroniques, puis se tourna vers le condamné en déclarant.
– Tu sais maintenant ce qui t’attend sieur
 quel est ton nom dĂ©jà ? Ah oui, Acace Adenet Dadvisard, es-tu prĂȘt Ă  mourir pour expier ton crime ?
– Non ! S’écria-t-il, mort de peur en cherchant de l’aide dans l’assistance du regard, dĂ©sespĂ©rĂ©. Pitié ! Je jure que je regrette ! Je veux bien faire n’importe quoi pour me repentir ! Tout ce que vous voulez mais par pitié ! Je ne veux pas mourir !
– Tu as pourtant osĂ© dire que le roi Ă©tait en partie responsable de la TragĂ©die, alors qu’il n’y ait pour rien. C’est la plus grande victime de toute cette histoire avec le prince. Et toi, tu as osĂ© le transformer en coupable !
– C’était un instant de faiblesse ! Un simple Ă©garement ! J’étais mort de chagrin ! Comprenez-moi ! Plusieurs de mes proches sont morts dans ce convoi ! Tenta de se justifier l’homme, mort de peur devant la mort qui arrivait. Je me suis trompé ! J’aurais dĂ» dire que c’était ces diables de paĂŻens duscuriens qui Ă©taient les vrais coupables ! Ils mĂ©ritent de tous mourir jusqu’au dernier pour leur crime ! J’en suis sĂ»r ! Ce serait mĂȘme rĂ©compensĂ© par la DĂ©esse et c’est ce que Blaiddyd, Brave de la justice, rĂ©clame haut et fort ! À mort les duscuriens ! Je vous aiderais ! Je mettrais mon bras vengeur Ă  votre service ! Je ferais tout ! Je vous en supplie

– Et bien, l’offre est allĂ©chante mais, c’est bien trop tard, rĂ©torqua Rufus. Mais ne t’en fais pas, tu vas me servir. AprĂšs avoir vu ce qu’ils risquent, beaucoup de traitres et de comploteurs comprendront qu’il n’est que folie de s’en prendre Ă  la famille royale. Tu devrais ĂȘtre fier de servir le Royaume ainsi.
Acace en devient muet d’horreur, tĂ©tanisĂ© jusqu’à ce que les gardes de Rufus commencent Ă  lui raser le crĂąne, afin de ne pas gĂȘner le passage de la hache du bourreau, puis Ă  trancher le col de sa chemise dans le mĂȘme but. Il se mit alors Ă  se dĂ©battre comme il pouvait, recriant sa repentance et en appelant Ă  la pitiĂ© royale, hurlant Ă  quel point il ne voulait pas mourir.
« Pitié ! Pitié ! Par pitié ! Votre Majesté ! Votre MajestĂ© Lambert ! Je vous en supplie ! Aidez-moi ! » Finit-il par hurler mais, d’ici, le roi ne pourrait jamais l’entendre.
Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle serrĂšrent les poings, se retenant de toutes leurs forces d’intervenir. Tout ce qui se passait ici Ă©tait illĂ©gal, c’était une violation du droit royal et des idĂ©aux de Roi des Lion Loog mais, tant que Rufus Ă©tait rĂ©gent et se donnait le pouvoir d’ĂȘtre la loi, ils ne pouvaient rien faire Ă  part regarder impuissants, sinon

Les gardes du rĂ©gent finirent par ligoter Acace sur le billot pour l’empĂȘcher de se dĂ©battre, mĂȘme s’il semblait s’ĂȘtre rĂ©signĂ©, pleurant ses derniĂšres suppliques alors que le bourreau se mettait en place.
« Pitié  pitié  je n’ai rien fait
 c’est injuste
 je suis dĂ©solé  tellement dĂ©solé  ayez pitié  ma famille
 elle m’attend
 elle s’inquiĂšte
 je vous en supplie
 pitié  je
 je ne veux pas mourir  »
FĂ©lix se serra encore plus contre son pĂšre. Il n’entendait presque plus rien des cris de cet Acace, juste des Ă©clats de voix, des gĂ©missements, et des pleurs. Il ne comprenait rien Ă  ce qui se passait
 qu’est-ce que ça apportait Ă  Rufus d’agir comme ça Ă  part de faire comme les traitres qui avait tuĂ© Glenn ?! Il enfonça sa tĂȘte dans le ventre de Rodrigue, serrant les poings de rage autour de ses oreilles. Il voulait juste sortir de lĂ  et tirer ce pauvre homme de ce foutu billot oĂč il n’avait rien Ă  y faire ! Mais, son pĂšre le tenait trop fort et il lui avait dit de ne pas bouger

« Papa tremble aussi  » Sentit-il, prenant Rodrigue dans ses bras pour l’aider Ă  tenir aussi plutĂŽt que de tout faire pour ne rien entendre.
Le petit garçon sursauta quand un nouveau cri se fit entendre, Rodrigue le serrant encore plus contre lui, les mains sur ses oreilles, mĂȘme s’il lui souffla, FĂ©lix arrivant Ă  entendre toute son inquiĂ©tude dans sa voix.
« Il faut que tu te les bouches, je t’en prie. Ne t’en fais pas pour moi, je ne veux pas que tu entendes ça. »
FĂ©lix obĂ©it Ă  contre-cƓur, mettant ses mains sous les paumes de son pĂšre, mĂȘme s’il perçut le cri horrible Ă  travers, suivit de plusieurs autres de plus en plus faible avant de complĂštement disparaitre mais, l’immobilitĂ© de son pĂšre lui apprit avec horreur que ce n’était pas fini. Par les Braves ! Combien de fois cet incompĂ©tent de bourreau allait devoir s’y reprendre ?! Il sentait son pĂšre se crisper un peu Ă  chaque cri alors, s’il se fiait Ă  ça, il avait fallu onze coups pour que le condamnĂ© ait la tĂȘte tranchĂ©e
 onze
 c’était Ă©norme

Enfin, aprĂšs trop de temps, FĂ©lix entendit la voix Ă©touffĂ©e de Rufus mais, il perçut malgrĂ© tout Ă  quel point il Ă©tait satisfait
 comment pouvait-il ĂȘtre content de ça ?! Il avait agi comme un vrai monstre assoiffĂ© de sang !
« C’est mĂȘme plus un chien errant Ă  ce stade ! C’est qu’une bĂȘte ! Et il a tous les pouvoirs en plus ! Si jamais
 ses mains se crispĂšrent en devinant ce qui allait se passer si son pĂšre faisait la moindre chose qui ne plairait pas Ă  la bĂȘte. Oh non
 non
 non
 pas ça ! Papa ! »
Il sentit les mains de Rodrigue se desserrer un peu de sa tĂȘte, mĂȘme s’il garda sa cape tout autour de sa tĂȘte, lui soufflant doucement malgrĂ© sa voix tremblante.
« Partons
 mais ne sors pas de là
 il ne faut surtout pas que tu voies ça  » souffla-t-il, FĂ©lix devait avoir devinĂ© ce qui s’était passĂ© aux vues du temps qui s’était Ă©coulé 
L’exĂ©cution avait Ă©tĂ© une vraie boucherie
 aprĂšs la passe pour mesurer s’il avait le bon angle, le bourreau avait touchĂ© plusieurs fois le crĂąne et les Ă©paules au lieu de la nuque, avant d’enfin l’atteindre mais lĂ  aussi, il avait fallu plusieurs coups avant que la tĂȘte ne tombe
 quelle mort horrible
 le bourreau semblait complĂštement inexpĂ©rimentĂ©, il avait dĂ» boire pour se donner du courage mais, cela avait fini en vrai massacre de ce pauvre homme
 FĂ©lix ne devait surtout pas voir cela
 DĂ©esse
 il ne devait surtout pas voir une horreur pareille !
« Et ça risque de se reproduire
 devina sans problĂšme Rodrigue, sa magie palpitant encore plus fort dans ses veines comme si elle voulait en dĂ©border, son emblĂšme se dĂ©versant dans ses veines avec cette rĂ©solution. Je dois mettre FĂ©lix en sĂ©curitĂ©. Il faut qu’il parte, il faut qu’il quitte la capitale ! Il faut qu’il quitte ce coupe-gorge ! Il faut qu’il s’éloigne Ă  tout prix de Rufus et ses partisans ! »
AprĂšs s’ĂȘtre mis d’accord pour se donner une heure afin de faire le point tous les trois, les deux sƓurs Charon retournĂšrent dans leurs propres appartements, murmurant entre elles quelques choses. Elles devaient Ă©galement s’adapter. Rodrigue tient FĂ©lix au plus prĂšs, gardant juste sa main dominante libre au cas oĂč, terrifiĂ© Ă  l’idĂ©e de croiser un partisan trop zĂ©lĂ© du rĂ©gent, avant de ne vraiment pouvoir souffler qu’une fois dans leur chambre, la porte fermĂ©e Ă  clĂ© et dans un endroit oĂč ils ne pourraient pas ĂȘtre Ă©piĂ©s par les murs.
Il allait demander Ă  son fils comment il allait, quand FĂ©lix se prĂ©cipita sur lui pour le serrer dans ses bras. C’était prĂ©visible mais, cela lui faisait toujours mal, le persuadait encore plus de mettre son louveteau en sĂ©curitĂ©.
« FĂ©lix
 je suis dĂ©solĂ© que tu ais dĂ» assister Ă  ça

– ArrĂȘte de t’excuser quand c’est pas ta faute. Rufus est complĂštement fou ! Il n’a pas le droit de faire ça ! C’est juste une bĂȘte !
– Oui mais, il s’est accordĂ© les pleins pouvoirs en s’appuyant sur les textes de Clovis, ce qui nous empĂȘche de dire quoi que ce soit. Nous allons devoir ĂȘtre encore plus prudent
 alors

– Alors, tu rentres Ă  la maison ! S’écria tout de suite son fils. Rufus te dĂ©teste ! DĂšs qu’il pourra, c’est toi qu’il tuera papa ! Je veux pas que ça arrive ! Il faut qu’on rentre Ă  la maison ! Il ne pourra rien te faire lĂ -bas et il se dĂ©brouillera tout seul pour une fois ! Il te fait dĂ©jĂ  beaucoup de mal en te donnant tout son travail ! Dimitri va en Charon en plus, y a plus personne qui te mĂ©rite ici Ă  part ThĂšcle et LachĂ©sis ! Il faut qu’on parte !
FĂ©lix Ă©tait mort de peur pour lui
 il n’avait mĂȘme pas peur pour lui-mĂȘme mais, juste pour Rodrigue
 il ne pouvait que comprendre sa terreur. Il savait aussi bien que lui que Rufus lui ferait couper la tĂȘte dĂšs qu’il en aurait l’occasion, ou au moins l’éloigner en l’épuisant
 c’était surement une partie de sa stratĂ©gie Ă©tant donnĂ© qu’il profitait du moindre prĂ©texte pour lui donner des tĂąches en plus
 cependant

– C’est impossible
 je dois rester à Fhirdiad

– Quoi ?! Mais pourquoi ?! Rufus te traite mal comme tout le Royaume et Lambert, c’est pas mieux ! Tu risques d’y rester pour toujours ! Je ne veux pas te perdre ! S’exclama-t-il en lui donnant des petits coups frustrĂ©s sur sa poitrine avant de rĂ©pĂ©ter. Je ne veux pas te perdre ! Pas comme Glenn ! Je veux pas que tu meures ! Alix doit vouloir te revoir en plus ! Toi aussi tu veux le revoir ! Ne mens pas, t’es pas douĂ© pour ça !
– Je sais que c’est dur mais, c’est justement parce que Rufus traite mal le Royaume que je ne peux pas partir, tout comme LachĂ©sis et ThĂšcle, tenta-t-il de lui expliquer en lui prenant les mains pour tenter de le calmer. Si nous partons, plus personne ne dirigera le Royaume et il sera laissĂ© Ă  l’abandon par Rufus. Il ne pense qu’à se venger des duscuriens, et les seigneurs de l’Ouest l’encouragent dans cette voie car, ils ont des intĂ©rĂȘts Ă  annexer Duscur. C’est pour cela que nous devons rester tous les trois, pour protĂ©ger le Royaume et faire en sorte qu’il ne s’effondre pas. Il s’agit mĂȘme d’une disposition du Kyphonis Corpus, nous sommes obligĂ©s de nous y tenir. C’est mon devoir de veiller sur lui

– Merde au devoir ! Et merde au Kyphonis Corpus !
– FĂ©lix ! Le reprit-t-il mĂȘme si son fils ne le laissa pas continuer.
– C’est ce que Glenn dirait ! Tu restes plus longtemps, Rufus va te tuer ! Alors que tu peux partir ! Rufus se dĂ©brouillera tout seul, se prendra le mur et c’est tout ce qu’il mĂ©rite pour avoir encouragĂ© ce voyage et vous avoir tous traitĂ© comme ça ! Il a mĂȘme tuĂ© quelqu’un qui n’a rien fait de mal car sa tĂȘte ne lui revenait pas alors, tu es le prochain sur sa liste ! Il te dĂ©teste car t’es plus compĂ©tent que lui ! MĂȘme Lambert s’en fiche du Royaume ! Il s’en fiche si Dimitri devient orphelin alors, il ne doit pas se prĂ©occuper de grand monde Ă  part lui ! MĂȘme Glenn en a eu marre des conneries de ces deux chiens errants et idiots et voulait partir ! Il serait parti dĂšs qu’il aurait pu s’il n’avait pas Ă©tĂ© obligĂ© de rester ici ! Tout ça Ă  cause de son foutu service et devoir envers le pire crĂ©tin de Faerghus Ă  cause de foutus rĂšgles du Kyphonis Corpus ! Et Ă  cause de ça, il est
 rha ! Pourquoi c’est plus important de respecter ce devoir et de travailler pour un chien idiot que de rester en vie ?!
– Je comprends que ce soit dur Ă  accepter mais, cela ne concerne pas que moi. Le mur dont tu parles, c’est Faerghus tout entier et si Rufus est au pouvoir seul avec ses sbires, il va le considĂ©rer que comme un moyen de faire un nouveau bain de sang. Cela touchera aussi notre fief
 je refuse que tu vives dans un pays encore plus dĂ©vastĂ© qu’il ne l’ait dĂ©jà
 moi aussi, je ne veux pas te perdre, pas aprĂšs Glenn
 mĂȘme si tu n’as pas tort, cela devient beaucoup trop dangereux, admit-il avant de balayer les espoirs de FĂ©lix que son pĂšre entende enfin raison. Il faut que tu rentres Ă  la maison, tu seras bien plus en sĂ©curitĂ© lĂ -bas

– Alors tu rentres aussi Ă  la maison ! Lui rappela-t-il alors sans hĂ©siter. C’est ce que tu m’avais dit ! Tu avais dit que si je rentrais, tu rentrerais aussi avec moi et que tu te reposerais un peu ! Surtout vu ta tĂȘte ! MĂȘme Alix ne te reconnaitrait pas ! Donc, je rentre et toi aussi et Rufus ne te tuera pas Ă  la hache ou en t’exploitant !
Rodrigue baissa alors les yeux avec honte, FĂ©lix devinant que lĂ  aussi, son pĂšre serait trop idiot pour partir deux secondes de la capitale car, ils avaient des chiens idiots comme roi et rĂ©gent ! Il le savait pourtant, il le savait ! Tout ça Ă  cause de fichus mots sur des bouts de parchemins vieux de quatre cents ans ! Et Ă  cause de ça, Glenn avait Ă©tĂ© obligĂ© de suivre ce crĂ©tin de Lambert et maintenant, c’était son pĂšre qui restait Ă  cause de ces foutus devoirs ! Alors qu’à cause de ses devoirs, presque personne n’avait de cheveu gris dans la galerie des portraits, tandis que chez les rois, ils avaient presque tous des cheveux blancs ! À cause de ça, sa famille
 son grand frĂšre Ă©tait
 son pĂšre allait
 et pourtant, pourtant, ils
 !
FĂ©lix se dĂ©gagea de l’étreinte de son pĂšre en criant. Il ne laissa mĂȘme pas le temps Ă  Rodrigue de rĂ©pondre, il se dĂ©tourna et s’enfuit sans demander son reste.
– T’es qu’un idiot et un menteur ! Menteur ! Je te dĂ©teste ! Reste-lĂ  Ă  mourir pour ses chiens errants si c’est si bien de te faire Ă©craser chien idiot ! »
Il courut dans les couloirs en essayant de croiser personne sans trop rĂ©flĂ©chir oĂč il allait, Ă  part qu’il ne voulait pas aller ni chez les copains de Rufus, encore moins prĂšs des deux frĂšres stupides, ni retourner dans sa chambre
 il ne voulait pas voir le futur cadavre
 si c’était si bien de se tuer au travail pour des crĂ©tins comme un petit toutou, qu’il le fasse tout seul.
« Pourquoi il s’en fiche de mourir pour ce crĂ©tin alors qu’il pourrait ĂȘtre Ă  la maison avec Alix ?! Il veut dĂ©jĂ  m’y envoyer alors, pourquoi pas lui aussi ?! C’est lui le plus en danger ! » N’arrĂȘtait-il de se demander en dĂ©ambulant dans les cours.
« Miaou ! »
FĂ©lix se tourna en entendant miauler, puis vit Fleuret trotter vers lui avant de se frotter contre ses jambes.
« Fleuret
 il le prit dans ses bras, pressant la boule de fourrure toute chaude contre lui, content d’y trouver une cachette pour ses yeux qui piquaient depuis tout Ă  l’heure. Toi aussi, t’as pas envie d’ĂȘtre avec cet idiot, hein ? »
Le chat rĂ©pondit en ronronnant, avant de se draper comme un foulard sur ses Ă©paules
 Écharpe faisait toujours ça avec Glenn
 il adorait le mordiller mais, il avait aussi dĂ©primĂ© quand il Ă©tait Ă  Garreg Mach, comme ses frĂšres et sƓurs
 Lunaire, GlaĂŻeul, Bouclier et Écharpe adoraient Glenn, c’était vraiment avec lui qu’ils restaient. Pour eux aussi, ce serait dur

Il Ă©trangla un sanglot en pensant Ă  son frĂšre souriant, incapable de bouger sous ces Ă©normes chats comme celui de leur mĂšre sur ses genoux
 le trĂšs vieux souvenir de son pĂšre avec Fleurette et lui sur les genoux, parlant surement de FĂ©licia

FĂ©lix fit tout pour chasser ses souvenirs de sa tĂȘte, et se rappeler que son vieux Ă©tait juste un crĂ©tin qui voulait juste se faire Ă©craser

Il dĂ©ambula sans faire attention oĂč il allait, jusqu’à arriver dans la chapelle du palais. Avant, son pĂšre s’y rendait presque tous les jours pour y chantait des hymnes Ă  la DĂ©esse, et ses amis et lui se glissaient dans un coin pour l’écouter
 Rodrigue avait une si belle voix

« Sauf maintenant qu’il cire les bottes de chiens idiots avec sa langue  » Cracha-t-il dans sa tĂȘte, ignorant le souvenir de la derniĂšre fois qu’il avait entendu son pĂšre chanter, la berceuse toute douce malgrĂ© le voile de tristesse au fond de sa voix usĂ©e de fatigue, repoussant l’inquiĂ©tude de sentir son cƓur aussi lent. « De toute façon, c’était qu’un ramassis de mensonge
 si c’était vrai, il resterait avec moi et rentrerais Ă  la maison
 et ça doit pas ĂȘtre si grave que ça
 s’il continue Ă  travailler pour ces cons, ça ne doit pas ĂȘtre assez grave pour qu’il s’arrĂȘte deux secondes  »
La chapelle Ă©tait pratiquement vide, seuls des personnes trop vieilles pour aider au palais priant avec ferveur pour les Ăąmes des morts, la paix dans le Royaume et avec ses voisins, ainsi que pour la misĂ©ricorde divine
 comme si ce n’était pas Ă  cause de Lambert au dĂ©part si tout allait mal maintenant et que la seule grĂące divine qu’il aurait, ce serait le sang et l’épuisement de son pĂšre, de son oncle et des Charon
 il aurait fallu que ce ne soit pas le roi dĂšs le dĂ©part, point.
« Si la Déesse est si forte que ça, pourquoi elle nous a collé un abruti pareil ?! »
Il n’y avait pas de vengeur ici Ă  premiĂšre vue, ils n’aimaient pas aller ici, mĂȘme le dimanche. Le prĂȘtre de la chapelle ne voulait pas la guerre avec les « paĂŻens », pour ceux qui allait prier tout court
 et aprĂšs, ça se disait suivre la volontĂ© de la DĂ©esse
 au moins, il n’aurait pas Ă  les supporter.
Le garçon marcha le long des murs sans se faire remarquer, ne voulant de toute façon personne, glissant Ă  cĂŽtĂ© bas-reliefs racontant les exploits des Braves et des Saints. Au fond de la chapelle, de chaque cĂŽtĂ© du transept, il y avait Ă  gauche une sculpture reprĂ©sentant tous les Braves rĂ©unis, et de l’autre les Saints et les ApĂŽtres entourant la DĂ©esse, toutes deux prĂ©cĂ©dĂ©s des statues Ă  l’effigie de chacun d’entre eux. S’engouffrant du cĂŽtĂ© des Braves, FĂ©lix s’avança jusqu’à celle reprĂ©sentant Fraldarius, tout au fond au cĂŽtĂ© de Dominic et face Ă  Blaiddyd. Son ancĂȘtre Ă©tait reprĂ©sentĂ© assis, son Ă©pĂ©e sur ses genoux, son bouclier posĂ© Ă  cĂŽtĂ© de lui, alors que son visage semblait chanter, lĂ©gĂšrement penchĂ© vers ceux qui le regardaient. Cela ne ressemblait pas du tout Ă  son vrai visage, grand-pĂšre le Brave Ă©taient couverts d’écailles des pieds Ă  la tĂȘte, avaient des branchies sur la gorge, des iris blanches, un chignon tressĂ© interminable, des mains palmĂ©es, des dents de poissons, et il Ă©tait minuscule. Pour la statue, ses traits auraient Ă©tĂ© recopiĂ©s sur ceux de Kyphon alors, ils ne risquaient pas de se ressembler tous les deux mais, les yeux restaient les mĂȘmes
 ils les avaient tous des yeux en forme d’amende ou d’Ɠil de chat dans la famille, bleu d’eau en gĂ©nĂ©ral Ă  part de rares exceptions comme lui

Fraldarius-Kyphon semblait le regarder, alors que le souvenir des notes s’échappait de la bouche de pierre, entrouverte pour laisser s’envoler la mĂ©lodie, figĂ©e dans une expression douce, heureux de pouvoir chanter
 comme son p
 son vieux quand il fredonnait pour eux tous
 Face Ă  lui, Blaiddyd jouait de la flute pendant que Dominic dansait
 certains disaient que quand leurs Reliques Ă©taient toutes rĂ©unies dans la chapelle, on pouvait les entendre Ă  nouveau s’adonner Ă  leur passion pour la musique tous ensemble

Cependant, mĂȘme si aucune de leurs armes Ă  part Areadbhar n’était prĂ©sente Ă  la capitale, une berceuse se rejouait Ă  nouveau dans les souvenirs de FĂ©lix
 il n’en comprenait pas un mot, ne parlait pas du tout latin Ă  part pour le lire un peu dans les vieux traitĂ©s, encore moins Ă  l’oral mais, le sens Ă©tait difficile Ă  ignorer

« Tu chantais pour que je survive et pour me rassurer  »
MĂȘme s’il ne croyait pas beaucoup en la DĂ©esse, il croyait en leurs ancĂȘtres. Il avait vu le sien dans ses rĂȘves et il lui avait sauvĂ© la vie aprĂšs tout
 alors, le cadet de sa famille posa sa main sur la base de pierre froide, la voix tremblante alors qu’il demandait, la voix plus brisĂ©e qu’il ne l’aurait voulu

« Dites
 autant l’un que l’autre
 ils Ă©taient comme ça avant ? Est-ce que Blaiddyd et Loog Ă©taient aussi idiots ? Est-ce qu’ils vous prenaient tout aussi ? Est-ce qu’ils vous considĂ©raient tellement comme acquis qu’ils vous traitaient comme ça ? Est-ce qu’ils vous Ă©puisaient comme ça ? 
 si c’était le cas, pourquoi vous ĂȘtes avec eux ? Vous Ă©tiez aussi bĂȘte que mon vieux qui va se tuer pour ce chien idiot ? Et si c’était des personnes de confiance, pourquoi on doit faire tout ça pour leurs descendants car, il y en avait quelques-uns qui en valaient la peine ? Pourquoi t’as acceptĂ© ces privilĂšges et obligations Kyphon ? Et pourquoi on doit tous mourir comme ça ? Pourquoi chez nous, on meure presque tout le temps avant quarante ans d’un coup de poignard pris pour le roi alors que de leur cĂŽtĂ©, ils meurent de vieillesse ? Pourquoi tu ne peux pas toujours nous protĂ©ger comme tu l’as fait avec moi Fraldarius
 ? Pourquoi on doit constamment passĂ© derriĂšre eux
 et pourquoi
 il commença Ă  renifler alors que son poing se serrait contre le granit. Pourquoi mon pĂšre doit
 pourquoi il doit encore travaillĂ© pour Lambert alors qu’il a provoquĂ© la mort de mon frĂšre ? Pourquoi il fait ça ? 
 Pourquoi il fait ça alors que
 tout le monde voie bien
 Ă  quel point ça le fait souffrir
 et que Rufus veut le tuer
 pourquoi il s’inflige tout ça
 ?
Il sentit alors que des larmes inondaient ses yeux, dĂ©valant ses joues Ă  toute vitesse comme des rapides alors que ses reniflements faisaient trembler ses Ă©paules. Fleuret se serra un peu plus contre lui, un gros ronronnement rĂ©sonnant dans ses oreilles. FĂ©lix le prit alors dans ses bras, l’enlaçant pour tenter de retrouver un peu de calme
 non
 il ne devrait pas pleurer comme ça
 il ne tiendrait pas aussi bien que Glenn s’il pleurait comme un bĂ©bĂ© tout le temps ! Pas en public en tout cas
 il grimpa alors sur la statue, puis se glissa dans l’interstice entre le bouclier et la hanche de Fraldarius, Ă©tant encore assez petit pour le faire
 on ne pouvait pas le voir depuis l’allĂ©e centrale, personne ne le trouverait bien cachĂ© ici
 il se ferait gronder d’avoir grimpĂ© comme ça sur une statue vieille de quatre cents ans mais, il voulait juste un endroit oĂč personne ne le trouverait

La pierre Ă©tait glaciale contre lui, bien diffĂ©rente de la prĂ©sence de son grand-pĂšre
 de Fraldarius. Elle Ă©tait comme l’eau du lac, aqueuse, vive et insaisissable mais, aussi toujours chaleureuse, mĂȘme quand l’onde Ă©tait sur le point de geler

« Comme celle de  »
FĂ©lix se força Ă  ne pas penser Ă  la fin de cette phrase, ne voulant pas en entendre plus alors qu’il cherchait de la chaleur dans la fourrure de Fleuret, restant lovĂ© dans ses bras, tout sage et ronronnant
 il ne devait pas y penser, il ne devait mĂȘme pas penser Ă  cet idiot qui se mettait en danger tout seul et refusait de se mettre Ă  l’abri. Tout ça parce qu’il Ă©tait un
 un

« Pourquoi je n’arrive plus Ă  l’appeler « chien idiot » ? Je viens de le faire ! S’il se met en danger comme ça, c’est qu’il
 qu’il est  »
LĂ  encore, le garçon n’arriva pas Ă  finir sa phrase, grognant de frustration et d’incomprĂ©hension
 les notes s’imposant Ă  la place des reproches.
« Dors, dors, mon tout petit,
Quand le jour se change en nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Quand dans le ciel, la lune luit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je veillerais sur toi toute la nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je jure, de toute ma longue vie

Tu es mon plus grand trésor,
Alors mon tout petit, dors. »
« Alors pourquoi tu ne restes pas avec moi et ne rentres pas à la maison ? »
Il continua Ă  tremper la fourrure de Fleuret, les notes le rassurant et le poignardant en mĂȘme temps de frustration et de rage. Pourquoi son pĂšre pouvait dire ça et ne pas le faire pour lui-mĂȘme aprĂšs ? Pourquoi lui, il ne pouvait pas le faire aussi ? Pourquoi Rodrigue devait rester ici et lui pouvait rentrer ? FĂ©lix avait presque l’impression d’ĂȘtre chassĂ© alors qu’il voulait juste rester ici ! C’était pas juste ! Et en plus

« Ça sert Ă  rien
 c’est un idiot qui fait des trucs idiots
 idiot, idiot, idiot  »
« Eh ! Qu’est-ce que tu fais lĂ -dedans ?! Sors de lĂ  tout de suite !
FĂ©lix se rĂ©signa Ă  obĂ©ir en entendant Gustave commencer Ă  le gronder, se trainant hors de sa cachette pour voir le maitre d’arme au pied de la statue. Son expression passa de la colĂšre Ă  la peine en voyant son visage. Le petit garçon devinait qu’il avait surement ses yeux tout rouges d’avoir autant pleurĂ© mais, quand il tendit la main pour essuyer ses larmes, FĂ©lix le repoussa. Lui, c’était pire qu’un chien idiot, c’était un vrai tapis qui faisait tout pour dorloter Lambert et lui cacher Ă  quel point tout le monde le dĂ©testait maintenant, il obĂ©issait presque tout le temps Ă  Rufus, et empĂȘchait souvent les sƓurs Charon et Rodrigue d’informer l’idiot des mĂ©faits de son frĂšre sous prĂ©texte de ne pas l’épuiser. Comme si le travail de son pĂšr
 de son vieux n’était pas assez pĂ©nible comme ça !
– FĂ©lix, qu’est-ce que tu fais là ? Lui demanda la carpette. Rodrigue sait que tu Ă©tais ici ?
– Ça ne te regarde pas, grommela-t-il en Ă©vitant ses yeux, gardant toujours Fleuret entre lui et Gustave.
– Hum
 je ferais mieux de te ramener Ă  ton pĂšre, il se fait tard et aprĂšs ce qui s’est passĂ© aujourd’hui
 mieux vaut que tu sois avec lui, dĂ©clara-t-il, mal Ă  l’aise.
– Quoi ? T’étais au courant qu’il allait massacrer quelqu’un et t’as rien fait ?! Mais t’es vraiment un tapis ou quoi ?! Et aprĂšs, ça se prĂ©tend chevalier alors que tu laisses R
 grah ! Vous valez pas mieux l’un que l’autre ! Mordit-il tout de suite, mĂȘme s’il ravala la fin de sa phrase, ne voulant pas lui dire Ă  lui. Tu ne mĂ©rites pas mon pĂšre et tu ne lui arrives mĂȘme pas Ă  la cheville ! Aide-le au lieu d’aider Rufus !
– Non, je ne savais pas ce qui allait se passer, et mĂȘme si je l’avais su, je n’aurais pas eu le pouvoir de l’en empĂȘcher. Rufus est le rĂ©gent, et moi qu’un fils de baron secondaire qui a montĂ© en grade grĂące Ă  ses efforts. Je suis peut-ĂȘtre leur maitre d’arme et le chef de la garde mais, je n’ai guĂšre plus de pouvoir que celui d’ĂȘtre un proche et je n’ai pas de gros appui

– Tu aurais pu en parler Ă  Lambert, l’engueuler, lui dire que c’était un monstre, interdire Ă  tes hommes de l’aider, libĂ©rer cet homme, soutenir mon pĂšre, taper du poing sur la table
 c’est juste que t’es aussi lĂąche que Rufus est feignant. Sauf que contrairement Ă  lui, tu sais faire des efforts quand ça t’arrange ! LĂ , ça t’arrange pas car, ça blesserait le chien idiot qui a tuĂ© mon frĂšre de savoir que son grand frĂšre massacre des gens pour lui et ça, tu ne veux pas que ça arrive car, t’es un gros lĂąche !
– FĂ©lix, ça suffit, je ne tolĂ©rerais pas que tu me parles sur ce ton ! Le gronda-t-il tout de suite. Je sais que tu parles comme le faisait Glenn mais

– Ne parle pas de Glenn ! T’as pas le droit ! Pas quand tu aides autant celui qui l’a envoyĂ© Ă  la mort !
– Je ne fais que mon devoir FĂ©lix, comme ton pĂšre.
– Alors, vous ĂȘtes deux idiots.
Gustave se contenta de froncer les sourcils avant de l’entrainer vers la sortie sans rien dire pendant un moment, FĂ©lix non plus. Il ne voulait pas en entendre plus de sa part. Bon, il n’avait pas envie de voir Rodrigue se faire du mal tout seul, c’était Ă  peine mieux que rester avec Gustave le tapis

– Je prĂ©fĂ©rerais voir Dimitri
 finit-il par marmonner pour lui-mĂȘme.
– C’est vrai que tu ne pourras plus le voir Ă  partir de demain, souffla Gustave en tentant d’ĂȘtre comprĂ©hensif. Il ne va pas revenir avant longtemps de Lokris.
– 
 je pourrais aller avec lui alors
 il ajouta en voyant le regard Ă©tonnĂ© de Gustave. Penses pas que je le fais parce que Lambert le veut, c’est juste pour ne pas laisser Dimitri presque tout seul et parce que je veux rester avec lui.
Le visage du tapis passa de l’étonnement au soulagement, alors qu’il dĂ©clarait, comme si FĂ©lix venait de lui enlever un gros poids des Ă©paules.
– On devrait trouver une place pour toi et ton chat sans souci, surtout que ce n’est pas la premiĂšre fois que tu voyages en bateau. Merci beaucoup, Sa MajestĂ© Ă©tait vraiment inquiĂšte Ă  l’idĂ©e qu’il n’ait aucun de ses amis de longue date Ă  ses cĂŽtĂ©s, Ă©tant donnĂ© qu’il est rarement allĂ© aussi longtemps dans sa famille maternelle

– Je te l’ai dit, je ne le fais pas pour ce chien idiot, juste pour Dimitri. Pas pour lui, rĂ©pĂ©ta-t-il en se fermant complĂštement autour de Fleuret, chassant le souvenir de la derniĂšre fois qu’il avait vu quelqu’un soulagĂ©.
« Papa ? Qu’est-ce que tu Ă©cris ?
FĂ©lix regarda au-dessus des mains de son pĂšre, assis Ă  son bureau dans leur appartement. Il grattait encore du papier alors que le soleil Ă©tait couchĂ© depuis longtemps mais, pas dans son Ă©tude contrairement Ă  d’habitude, et ça ne ressemblait pas Ă  ses lettres pour Alix. Rodrigue leva le nez de son travail, lui expliquant.
– J’écris Ă  Francis et Ă  Fregn et Isidore
 enfin Sylvain maintenant qu’il est majeur. Lambert voudrait que Dimitri aille Ă  Lokris pour se reposer, l’air y sera bien plus sain en montagne que dans la capitale et il y sera plus tranquille

Le fils vit qu’il ne disait pas tout, devinant qu’il essayait de ne pas l’inquiĂ©ter, mĂȘme si FĂ©lix n’était pas aveugle. Il savait que tout le monde Ă©tait mĂ©content en ville, surtout contre Lambert alors, cela pouvait ĂȘtre dangereux pour la famille royale. Encore, il se fichait du sort du roi, mais il ne voulait pas que Dimitri subisse encore plus la connerie de son pĂšre
 ni que son propre pĂšre ou les personnes de son fief soit en danger

– Mais alors, pourquoi tu Ă©cris Ă  Fregn et Francis ? Demanda-t-il.
– Il y irait avec Dedue et Sasiama mais, Lambert voudrait qu’Ingrid, Sylvain et toi l’accompagnent si possible. Je dois alors Ă©crire des lettres pour leur demander. Je ne pense pas qu’ils acceptent, surtout que Sylvain surement devoir aider ses parents avec la frontiĂšre mais, c’est notĂ© que je l’ai fait
 il hĂ©sita un peu avant de demander, un peu nerveux, il Ă©tait encore plus facile Ă  lire Ă  cause de sa fatigue. Et toi ? Tu voudrais accompagner Dimitri Ă  Charon ?
– Hum
 j’aime bien Dimitri mais non, je ne vais pas te laisser tout seul ici.
Rodrigue avait souri Ă  sa rĂ©ponse, le « merci » sortit presque par accident au lieu d’un « d’accord » dans sa fatigue
 il avait l’air tellement soulagĂ© de l’entendre dire qu’il resterait avec lui et qu’il ne partirait pas avec Dimitri. Il faisait confiance aux Charon mais, son pĂšre ne voulait pas le voir loin de lui

« Ça va lui faire de la peine quand je lui dirais que finalement, je pars  »
FĂ©lix se força Ă  chasser cette culpabilitĂ© de sa tĂȘte, ne voulant rien ressentir de tout ça et se persuadant tout seul qu’il prenait la bonne dĂ©cision. Il ne voulait pas le voir encore plus s’écraser devant Lambert et Rufus, il ne le verrait pas faire s’il Ă©tait loin en Charon, et il serait avec Dimitri. Il n’avait mĂȘme pas envie de rentrer pour voir Alix s’angoisser pour son frĂšre
 non, ce serait mieux de partir loin.
Le garçon sentit sa marque rĂ©agir dans son dos, le picoter comme pour lui dire quelque chose qu’il traduisit sans problĂšme
 elle ne semblait mĂȘme pas en colĂšre, juste rĂ©probatrice et lui conseillant de rester auprĂšs de sa famille, dĂ©versant l’énergie de son grand-pĂšre et de son emblĂšme dans ses veines
 lĂ  aussi, FĂ©lix nia encore et encore, rejetant les mots silencieux de Fraldarius comme il ne l’avait jamais fait auparavant

« Je ne veux pas le voir devenir le toutou de deux chiens idiots ! Pas question de le voir s’abaisser comme ça ! Si t’es pas content, dit-le Ă  lui et pas Ă  moi ! 
 mais par contre, ne le marque pas comme ça, ça voudrait dire que tu as fait un miracle  »
FĂ©lix dĂ©testait Ă  quel point cette Ă©nergie dans son dos Ă©tait familiĂšre, s’entĂȘtant de toutes ses forces alors qu’il marchait dans le palais, refusant de changer d’avis ou de voir son pĂšre dans cet Ă©tat plus longtemps

*
« Place ! Place ! Voici le courrier de Fhirdiad !
– Ah ! Enfin ! Vous avez une semaine de retard !
– Les routes sont encore plus mauvaise que d’habitude, la neige est retombĂ©e, c’est difficile de circuler, rĂ©pondit le messager en se laissant tomber de sa selle.
Sylvain tendit l’oreille depuis l’autre cĂŽtĂ© de la cour, allant retrouver sa mĂšre pour l’aider dans ses tĂąches une fois ses Ă©tudes terminĂ©es. Fregn sortit Ă©galement de la forteresse en entendant l’appel du messager, des petites plaquettes de bois entre les doigts, un message venant de Sreng arrivĂ© quelques heures plus tĂŽt. Isidore comprenait Ă  peine la langue de sa femme, encore moins les termes spĂ©cifiques Ă  sa culture ou les runes alors, elle avait dĂ» tout lui traduire pour qu’il puisse savoir ce que le grand thing lui voulait. Le jeune homme regarda l’épaule gauche de sa mĂšre, rassurĂ© de la voir bouger avec moins de peine que ses derniers jours. Elle avait glissïżœïżœ et percutĂ© un meuble avec elle peu de temps aprĂšs le rapatriement des corps alors, elle avait eu un peu de mal Ă  l’utiliser. Heureusement, elle guĂ©rissait petit Ă  petit.
Le margrave prit la pile de lettre, tria rapidement, puis appela.
« Sylvain. Ici. »
ObĂ©issant, le jeune homme rejoignit son pĂšre qui lui tendit deux lettres avec un cachet de cire sarcelle sans le regarder, continuant de feuilleter le tas de missives. Reconnaissant l’écriture de FĂ©lix et l’emblĂšme des Fraldarius, il fit sauter le sceau de celle qui semblait la plus officielle et la lut en vitesse. Fregn s’approcha, silencieuse comme une ombre pour voir de quoi cela parlait.
« C’est FĂ©lix, lui indiqua-t-il en sreng par rĂ©flexe avec elle. Il m’explique que Dimitri part demain pour Charon afin de se reposer dans la famille de sa mĂšre, l’air y sera meilleur pour ses poumons brĂ»lĂ©s, et il y sera plus en sĂ©curitĂ© qu’à Fhirdiad. Il y va avec les duscuriens qui l’ont suivi aprĂšs la TragĂ©die, Dedue et Sasiama mais, Lambert voulait qu’on l’accompagne tous les trois aussi, mĂȘme si on n’est pas obligĂ©. FĂ©lix a Ă©crit cette lettre Ă  la place de Rodrigue pour l’aider. L’autre est personnelle Ă  mon avis.
– Il a bien d’étranges prioritĂ©s ce roi sans yeux, grogna Fregn dans sa langue maternelle, personne ne la comprenant dans les environs. Qu’il se prĂ©occupe de son fils est tout Ă  son honneur mais, c’est un peu tard, et le loup sage a certainement d’autres occupations en ce moment. Il est tellement occupĂ© que son petit doit l’aider

– Sylvain, je t’ai dĂ©jĂ  dit de ne pas parler sreng sauf si cela est vraiment nĂ©cessaire, tu n’en es pas un. Toi aussi Fregn, gronda Isidore en parcourant une missive qui, Ă  la cire, arrivait de l’administration royale directement. Qu’est-ce que cela dit ?
« Peut-ĂȘtre que si tu me parlais plus pour me faire autre chose que des reproches, ce ne serait pas la langue qui vient plus naturellement, » songea Sylvain mais, il affecta la soumission, c’était le mieux Ă  faire avec le margrave. Il lui expliqua alors de quoi il en retournait, son pĂšre dĂ©crĂ©tant un « non » catĂ©gorique avant mĂȘme qu’il n’ait eu fini. Sylvain s’en doutait, mais mĂȘme s’il aurait pu lui dire qu’il Ă©tait majeur Ă  prĂ©sent et donc, il pourrait dĂ©cider de quand mĂȘme aller auprĂšs de Dimitri, il Ă©tait du mĂȘme avis qu’Isidore pour une fois. Il Ă©tait bien plus utile ici, surtout avec les srengs qui commençaient Ă  s’agiter et avait dĂ©jĂ  mis au point leur marche Ă  suivre, que ce soit dans leur coin ou pendant le thing.
Son pĂšre fronçait de plus en plus les sourcils au fur et Ă  mesure qu’il lisait sa propre lettre, soupirant en la refermant. Il regarda Fregn de travers en ordonnant, mĂ©fiant.
« Fregn, va ailleurs, et toi Sylvain, ne t’avise pas de raconter quoi que ce soit de cela Ă  ta mĂšre. »
Ça ne sentait pas bon. Sa mĂšre obĂ©it tout de mĂȘme, retournant de lĂ  oĂč elle venait, avant que Sylvain n’accepte Ă  moitiĂ©, bien qu’il ne jurĂąt pas. Il verrait selon le contenu de la missive.
« C’est une lettre Ă©crite sur ordre du rĂ©gent. Il nous demande de mettre une partie de nos rĂ©serves loogiennes de cĂŽtĂ© pour la capitale en cas de besoin, mais aussi de leurs envoyer des soldats et de l’argent. Les fhirdiadais sont trĂšs agitĂ©s ces derniers temps, et il a peur d’une rĂ©volte contre l’autoritĂ© royale. Il est sĂ»r de la fidĂ©litĂ© de nos troupes alors, il nous demande de leur envoyer un bataillon complet de renfort avec les vivres et l’équipement nĂ©cessaire.
– Un bataillon complet ?! Mais ça fait plus
 ! Se rendit-il compte Ă  mi-voix Sylvain, mĂȘme s’il baissa encore plus le ton, sachant qu’il n’était pas seul. PĂšre, on ne peut pas envoyer les gardes-frontiĂšres alors, nous devrons prendre des soldats gardant la ville. Eux aussi sont en colĂšre aprĂšs avoir perdu des proches et des camarades Ă  Duscur, ils ne sont peut-ĂȘtre pas les plus sĂ»rs pour cette mission, lui fit-il remarquer. De plus, si nous devons leur fournir des vivres et de l’équipement, nous risquons de ne pas en avoir assez pour finir la soudure ou en cas de mauvaises rĂ©coltes, surtout si nous leur prĂȘtons encore de l’argent. On pourrait ne pas avoir les moyens d’acheter des complĂ©ments Ă  Leicester ou Almyra. C’est vraiment risquĂ© de nous priver de nos vivres comme ça.
– Peut-ĂȘtre mais, cela reste un ordre royal, il est de mon devoir d’y rĂ©pondre au mieux. Dans chaque ville de notre fief, vingt soldats devront ĂȘtre choisis pour se rendre Ă  la capitale, avec leurs vivres et Ă©quipement. Pour ce qui est de la rĂ©serve loogienne, nous allons voir ce que nous pouvons mettre de cĂŽtĂ© pour Fhirdiad, commanda Isidore Ă  voix haute, sachant que Fregn n’entendrait rien de lĂ  oĂč elle Ă©tait, puis il ajouta plus durement Ă  l’attention de son fils. Nous devons envoyer ce que nous demande le roi. Les descendants de Loog sont les seuls souverains lĂ©gitimes de Faerghus et nous nous devons l’obĂ©issance en tant que vassal, ne l’oublie pas.
– J’obĂ©is sans problĂšme au(x) digne(s) hĂ©ritier(s) du Roi des Lions », rĂ©torqua-t-il en louvoyant un peu, Ă©vitant de dire Ă  qui il pensait prĂ©cisĂ©ment. Aux yeux de son pĂšre, il se comportait dĂ©jĂ  comme un sreng Ă  part entiĂšre, mieux valait Ă©viter de l’énerver en faisant le difficile sur qui il reconnaissait comme roi avec ou sans yeux. Pour le coup, le fodlan Ă©tait pratique pour ne pas prononcer les pluriels.
« Bien, ne commence pas Ă  penser comme ta mĂšre que la fidĂ©litĂ© doit ĂȘtre sur commande. Il s’agit de la famille royale, nous nous devons de lui rester fidĂšle et de veiller au maintien de la frontiĂšre. La dĂ©fense du Royaume par le nord est entre nos mains, c’est un devoir qui demande le plus grand zĂšle et une fidĂ©litĂ© sans faille, il ajouta en voyant son fils hocher la tĂȘte. Maintenant, voyons ce que les srengs prĂ©parent encore.
Ils allĂšrent ensemble dans l’étude de Fregn, cette derniĂšre relisant sa traduction en les attendant. Elle donna la lettre originale Ă  Sylvain pour qu’il puisse la lire lui-mĂȘme, la traduite Ă  Isidore, puis expliqua pour ĂȘtre sĂ»r que son mari comprenne.
« Il s’agit d’une lettre de Thorgil le Kaenn, qui nous a Ă©crit en tant que reine et non en tant que sƓur, belle-sƓur et tante. Le Grand Thing s’est tenu Ă  la premiĂšre pleine lune aprĂšs la TragĂ©die, sous le regard de Tyr et d’Odin.
– Oui, l’assemblĂ©e des notables de votre ville, marmonna Isidore.
– Pour Gautier, c’est l’assemblĂ©e des notables d’une ville, et ça c’est le thing normal. Chez nous, c’est l’assemblĂ©e de tous les membres de la communautĂ© pour prendre une dĂ©cision importante, que ce soit pour l’élection du roi ou pour nĂ©gocier avec un royaume voisin. Ici, il s’agit du Grand Thing, qui rĂ©unit des reprĂ©sentants et les rois de tous les Royaumes Srengs. Il ne se rĂ©unit que lors des grandes crises. Par exemple, la coalition que vous avez affrontĂ©e il y a quelques annĂ©es, s’était formĂ©e lors d’un Grand Thing, mĂȘme s’il n'avait pas Ă©tĂ© suivi par les grands Royaumes. La situation aprĂšs la TragĂ©die Ă©tait tellement exceptionnelle que plusieurs rois ont voulu qu’ils se rĂ©unissent, afin de se mettre d’accord ensemble sur la marche Ă  suivre vis-Ă -vis des traitĂ©s, dont Thorgil le Kaenn.
– Bien, et qu’est-ce que ta sƓur a dĂ©cidĂ© avec ses comparses ?
– Les rois pensent que les faerghiens sont Ă  terre alors, ils n’attaqueront pas. Cependant, ils considĂšrent que les traitĂ©s doivent ĂȘtre modifiĂ©s pour s’adapter Ă  la nouvelle situation. Pour citer le Kaenn et d’autres rois et reines, « les diffĂ©rentes dispositions du traitĂ© ne conviennent plus au roi Lambert Egitte Ludovicosson Blaiddyd. »
– Les corbeaux se prĂ©cipitent dĂ©jĂ  sur les restes des morts.
– Votre roi serait mort, nous n’aurions rien fait, il ne serait restĂ© que des victimes Ă  terre et aucun dĂ©cideur. Cependant, la dĂ©cision d’aller en Duscur lui revient Ă  lui et Ă  lui seul, nous ne pouvons que changer notre apprĂ©ciation aprĂšs tout ce que cette dĂ©cision Ă  provoquer. Pour faire montre de leur bonne volontĂ©, ils demandent que deux rencontres aient lieu : une avec un reprĂ©sentant de Gautier pour dĂ©cider de mesures plus locales et voir ce que Faerghus a encore Ă  proposer, puis avec Fhirdiad directement. Leur niveau d’exigence avec la capitale dĂ©pendra du dĂ©fi que nous nous leur opposerons pendant la premiĂšre rencontre. Thorgil le Kaenn nous conseille que ce soit un membre de notre famille qui soit envoyĂ© Ă  la premiĂšre rĂ©union, et me demande de l’accompagner pour Ă©viter les impairs. Si l’émissaire est douĂ© et compĂ©tent, ils seront dans de meilleurs dispositions pour encore nous considĂ©rer comme digne de respect. Dans le cas contraire, ils ne s’encombreront pas de maniĂšre avec nous.
– Hum
 toujours deux allures avec vous, gronda Isidore en analysant sa femme du regard. Je m’y rendrais, afin qu’ils ne pensent pas que tout est permis Ă  prĂ©sent.
– C’est toujours mieux qu’une ou rien. Et je ne pense pas que ce soit une trĂšs bonne idĂ©e que ce soit toi qui t’y rendes, le contredit Fregn.
Le margrave fronça les sourcils, mĂ©content de la contradiction. C’était rare qu’elle s’oppose aussi directement Ă  lui mais, Sylvain se tut, sachant que sa mĂšre agissait ainsi pour une bonne raison. Elle expliqua alors, calme et froide, comme toujours dans ce genre de discussion.
– Tu ne parles pas un traitre mot de vrai sreng, la langue du commerce et le langage militaire ne suffiront pas dans les discussions qui seront toutes en sreng. Tout le monde ne parle pas fodlan et nous serons entre srengs. Il y aura probablement des duels oratoires pendant les sĂ©ances de discussions, et les diffĂ©rents reines et rois vont surement faire appel Ă  des concepts typiquement srengs, surtout que nous parlons souvent par pĂ©riphrase pour dĂ©signer certains dieux et concepts. Si c’était toi qui venais, il te faudrait que je te serve d’interprĂšte et te traduise tout, ce qui rallongerait et hacherait les discussions. Vous trouviez que nous allions trĂšs vite et que nous dĂ©gainons nos arguments et positions Ă  la mĂȘme vitesse pendant les nĂ©gociations aprĂšs le conflit frontaliers, nous allons encore plus vite dans notre langue maternelle. Il arrive mĂȘme que nous nous dĂ©fions Ă  des combats oratoires et physiques, oĂč on doit se combattre Ă  l’arme blanche tout en argumentant sur notre position, afin de montrer notre habilitĂ© dans les deux domaines. Il faut impĂ©rativement quelqu’un qui parle couramment sreng et connait trĂšs bien nos coutumes. C’est le minimum Ă  respecter pour ces nĂ©gociations.
– Alors, je peux y aller.
Isidore tourna son regard froid vers Sylvain, ce dernier continuant en espérant ne pas avoir commis un impair.
– Je parle couramment sreng, MĂšre m’a appris les diffĂ©rents pans de sa culture, je maitrise les figures de styles, et vous m’avez autant appris Ă  nĂ©gocier qu’à me battre tous les deux. Je devrais convenir un minimum Ă  leurs attentes. De plus, je suis adulte Ă  prĂ©sent, je me dois d’en faire encore plus pour aider notre marche et le Royaume. Tu me disais l’autre jour de me prĂ©parer Ă  faire mes preuves au combat. MĂȘme si ce n’est pas un combat physique, je dois aussi ĂȘtre capable d’affronter des adversaires dans un duel verbal. Je sais que ce serait ma premiĂšre mission officielle, et qu’elle est de la plus haute importance mais, je ferais tout pour dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de Gautier et Faerghus.
Isidore le jaugea du regard, avant de marmonner, impénétrable.
– Je vais y rĂ©flĂ©chir

Il s’en alla sans rien dire de plus, les laissant seuls. Fregn attendit qu’il soit parti pour souffler, sĂ»re d’elle.
– Ce sera toi qui iras lĂ -bas. Il ne peut pas y aller car il ne parle pas sreng, Miklan non plus et l’un ou l’autre s’y rend, c’est l’accident diplomatique assurĂ©, ils sont tout sauf des nĂ©gociateurs. Tu as Ă©tĂ© formĂ© Ă  discuter uniquement parce que je l’étais aussi et parce que le roi Ludovic l’a imposĂ© de base, il Ă©tait furieux en voyant Miklan n’ĂȘtre formĂ© qu’aux armes, et ce n’était pas le genre de roi Ă  qui on tenait tĂȘte. MĂȘme Isidore sait que si c’est un Gautier qui doit s’y rendre, c’est toi ou personne. Il va surement chercher quelqu’un pour nous chaperonner mais, le plus sage est de t’envoyer avec moi.
– Si tu le dis, rĂ©pondit son fils, sachant que mĂȘme si ces parents se mĂ©fiaient l’un de l’autre comme de la peste, Fregn Ă©tait aussi une des personnes qui lisait le mieux le margrave. Je n’ai pas envie qu’il arrive quoi que ce soit Ă  mes amis et aux gens de notre fief, on est dĂ©jĂ  assez affaibli comme ça.
– C’est sĂ»r que nous avons perdu beaucoup trop de monde ces derniers temps
 elle laissa sa phrase en suspens, avant de demander. Qu’est-ce que le rĂ©gent nous demandait dans la missive ?
Sylvain hĂ©sita un peu. Isidore lui avait interdit de parler du contenu de cette missive Ă  sa mĂšre mais, il savait aussi qu’elle Ă©tait de bon conseil quand il avait l’impression d’ĂȘtre en dĂ©calage avec le margrave. AprĂšs tout, c’était elle qui l’avait Ă©levĂ©, pas son pĂšre, il se sentait plus proche de sa maniĂšre de pensĂ©e que celle typique de Gautier, notamment avec tout ce qui tournait autour de Sreng. Il se dĂ©cida alors Ă  en parler avec elle, lui expliquant les derniĂšres demandes de Fhirdiad. Fregn l’écouta attentivement, gardant pour elle son mĂ©contentement devant les derniĂšres « demandes » de la capitale.
« Si Rufus voulait faire exploser le Royaume volontairement, il ne s’y prendrait pas mieux. Encore plus de soldats, de nourriture et d’argent pour eux sans rien en retour Ă  part leur approbation
 il ne faut vraiment pas qu’on s’énerve sinon, dans ses conditions, ce serait facile de faire tomber Gautier mais bon, ça, c’est la spĂ©cialitĂ© de Thorgil et Huld
 en tout cas, ça a fonctionnĂ© on dirait
 ça valait le coup de gratter tout ça Ă  l’aiguille. »
*
Gustave fit craquer un peu son Ă©paule, Ă©puisĂ© par sa journĂ©e. Les enfants Ă©taient partis ce matin pour Duscur et la sĂ©paration fut difficile. Sa MajestĂ© avait Ă  peine assez de force pour tenir son fils dans ses bras avant son dĂ©part, encore moins pour l’accompagner jusqu’au port et le saluer une derniĂšre fois avant qu’on ne largue les amarres
 enfin, vu l’agitation dans les rues ses derniers temps, ce n’était peut-ĂȘtre pas plus mal
 rien de bien violent mais, mieux valait prĂ©server le roi de tout ceci, cela risquait de le fatiguer
 cela avait Ă©tĂ© difficile pour le petit prince aussi mais, ce serait bien mieux pour sa santĂ© et moins dangereux pour lui, surtout que FĂ©lix Ă©tait avec lui. Il pourrait le soigner en cas de besoin, Dedue resterait Ă  ses cĂŽtĂ©s pour s’occuper de lui et Sasiama aussi.
« Il est bien entouré, et les Charon ne sont pas en reste, ça devrait bien se passer. »
Pour les Fraldarius aussi, la sĂ©paration avait Ă©tĂ© difficile. Rufus avait commentĂ© en se moquant que Rodrigue voulait se coller Ă  son fils, et que mĂȘme s’il semblait un peu rĂ©ticent au dĂ©but Ă  l’idĂ©e d’enlacer son pĂšre, FĂ©lix restait tout de mĂȘme un bĂ©bĂ© accrochĂ© au sein de son pĂšre plutĂŽt qu’à celui de sa mĂšre.
« Ah, j’oubliais, c’est vrai qu’il a tuĂ© sa propre mĂšre en arrivant. Quel charmant enfant. »
Heureusement, ni le pĂšre ni le fils ne l’avait entendu, encore heureux mais, Gustave avait Ă©tĂ© obligĂ© de leur rappeler que le bateau attendait FĂ©lix pour partir. Le petit avait semblĂ© hĂ©siter un peu mais, Ă©tait finalement parti sans trop se retourner, son chat serrĂ© contre sa poitrine.
« Je comprends que vous vouliez le meilleur pour Son Altesse Dimitri, je le souhaite aussi mais, s’il vous plait Gustave
 l’avait presque suppliĂ© Rodrigue peu avant le dĂ©part. Laissez-moi garder mon fils  »
Sa dĂ©tresse faisait mal au cƓur mais, le capitaine de la garde avait Ă©tĂ© obligĂ© de refuser. C’était difficile pour tout le monde mais, la prĂ©sence de son meilleur ami serait mieux pour Son Altesse

« Vous ĂȘtes fier de vous on dirait.
Le chevalier fut tirĂ© de ses pensĂ©es par le grognement d’Estelle, appuyĂ©e contre un mur avec son bras droit Bernard. Les deux semblaient sur le point de le mordre
 le second envoya Ă  son tour, les bras croisĂ©s devant lui.
– Profitez d’une dispute en famille pour sĂ©parer un pĂšre et son enfant
 un comportement digne d’un chevalier, vraiment. Tu m’étonnes que le Seigneur Terrail n’ait jamais voulu se faire adouber, il ne se serait jamais abaissĂ© Ă  de tels sournoiseries pour satisfaire un caprice. On est vraiment chevalier quand on n’en a pas le titre pour parader avec.
– Je comprends que vous n’apprĂ©ciez pas que FĂ©lix quitte son pĂšre ainsi, surtout s’ils se sont disputĂ©s peu de temps avant, mais il est maintenant trop tard pour changer les choses. Je ne lui ai rien proposĂ©, c’est FĂ©lix lui-mĂȘme qui a demandĂ© Ă  accompagner Son Altesse. C’était son propre choix.
– C’est ça, c’est ça, courrez dans la boue jusqu’au cou, grogna Estelle. Il est vachement en Ă©tat de prendre des dĂ©cisions posĂ©es le gamin. Mais le roi a ce qu’il veut, j’imagine que cela vous suffit pour avoir bonne conscience. Bravo pour votre exploit et vous pouvez ĂȘtre trĂšs fier de vous, vraiment.
Elle fit alors un signe Ă  son second et ils s’en allĂšrent sans lui laisser le temps de rĂ©pondre. En ces temps difficiles – et surtout avec Rufus – de tels propos seraient condamnables mais, Gustave n’en fit pas grand cas, c’était juste de la colĂšre mal contrĂŽlĂ©e dans une situation compliquĂ©e. Tant que Rodrigue restait du cĂŽtĂ© du roi, ces hommes aussi, c’était tout ce dont il avait besoin pour le moment

De leur cĂŽtĂ©, Estelle et Bernard durent remplir leurs obligations mais, dĂšs qu’ils purent s’absenter, ils arrivĂšrent Ă  convaincre le cuisinier de les laisser se servir un peu dans la montagne de victuaille que se rĂ©servait Rufus, afin de prĂ©parer un grog Ă  leur duc. Une boisson chaude lui ferait du bien

Les deux soldats le trouvĂšrent dans son Ă©tude, en train de rĂ©pondre Ă  des demandes et des requĂȘtes qu’évidemment, le rĂ©gent refusait de traiter, ne voulant pas s’abaisser Ă  gratter du papier, les moins titrĂ©s ou nobles que lui pouvaient s’en charger. Lors d’une patrouille avec quelques soldats de Rowe pas trop endoctrinĂ©s par l’église occidentale et leur seigneur, plusieurs d’entre eux avaient dit que si Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle tombaient, c’était tout le Royaume qui tombait avec eux. Au moins, il y avait des personnes lucides dans le sud, mĂȘme si on ne les entendait pas beaucoup sous les hurlements des chiens errants
 mĂȘme s’ils en payaient tous les trois le prix, ils Ă©taient Ă©puisĂ©s

« Seigneur Rodrigue ?
Leur duc leva les yeux de son travail Ă  l’appel de Bernard. Ils Ă©taient rouges et gonflĂ©s, comme s’il avait pleurĂ©, profondĂ©ment enfoncĂ©s dans ses orbites et les cernes. Son teint trĂšs pale de base devenait complĂštement cireux, effleurant encore plus les contours de son visage maigre. Ses veines ressortaient de plus en plus Ă  cause de la magie qui s’accumulait dans son corps. Ils l’avaient trainĂ© chez un mĂ©decin pour trouver une solution mais, il Ă©tait aussi dĂ©bordĂ© que les autres et devait Ă©conomiser leurs remĂšdes pour les cas trĂšs graves alors, Ă  part continuer sa routine de travail avec quelques amĂ©nagements rapides, il fallait qu’il serre les dents et tienne le temps que la crise politique passe
 ou que son Ă©tat s’aggrave encore et qu’il s’effondre au mauvais moment
 lĂ , les guĂ©risseurs daigneraient lui donner un congĂ© et les soins dont il avait besoin
 Rodrigue ne leur aurait pas interdit, les deux soldats auraient Ă©tĂ© prĂȘt Ă  soudoyer le mĂ©decin pour avoir ces foutus mĂ©dicaments, et il aurait eu des problĂšmes s’ils lui avaient pris de force
 Rodrigue releva un peu plus la tĂȘte, tentant de donner le change malgrĂ© sa voix enrouĂ©e.
– Oui ? Que se passe-t-il ? Vous avez besoin de quelque chose ?
– Ce n’est rien, Ă  part que vous devriez boire ça, ça vous fera du bien, dĂ©clara Bernard en lui tendant le verre.
Estelle ajouta en voyant son duc reconnaitre la mixture.
– On s’est arrangĂ© avec le cuisinier, il nous a laissĂ© nous servir dans la rĂ©serve de Rufus.
Il arriva à sourire en prenant une premiÚre gorgée brûlante, buvant lentement.
– Merci

Les deux soldats lui laissĂšrent le temps de boire son verre, le vidant complĂštement. Il souffla, serrant sa tasse pour se maintenir.
– Merci beaucoup
 ça fait du bien
 il hĂ©sita un peu avant d’avouer, la fatigue le rendant plus bavard. Il me manque dĂ©jà
 je sais que c’était son choix mais, j’aurais prĂ©fĂ©ré 
– Est-ce que c’était son choix ou est-ce qu’il a pris sa dĂ©cision sur un coup de tĂȘte et de colĂšre ? Marmonna Estelle.
Rodrigue baissa les yeux en soufflant.
– Je le sais
 j’ai essayé  mais rien Ă  faire
 tout ce que je peux faire maintenant, c’est espĂ©rĂ© que cela se passe bien et que je pourrais vite le revoir
 soupira-t-il avant de marmonner en se pinçant l’arĂȘte du nez, essayant de se convaincre lui-mĂȘme. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ© qu’il soit Ă  la maison, je me serais moins inquiĂ©tĂ© mais, les Charon sont de confiance, ils le protĂ©geront trĂšs bien et FĂ©lix sera plus en sĂ©curitĂ© lĂ -bas qu’à la capitale
 le grand-duc Riegan va bientĂŽt nous rendre visite, j’aurais surement Ă  peine eu le temps de m’occuper de mon louveteau
 les vengeurs lui voulaient du mal ici, les Charon sont bien assez nombreux pour veiller sur lui
 et les srengs ne vont surement pas tarder Ă  venir renĂ©gocier les traitĂ©s entre nous et eux
 ils doivent dĂ©jĂ  se concerter entre eux alors

– Seigneur Rodrigue
 Bernard posa sa main sur son Ă©paule, attentif. Vous avez aussi le droit de craquer de temps en temps en temps, surtout aprĂšs tout ce que vous avez vĂ©cu ces derniers temps
 personne ne vous en voudra.
Leur duc eut un regard triste et un sourire tordu, dĂ©sabusĂ© alors qu’il grinçait, mĂȘme si les larmes se remettaient dĂ©jĂ  Ă  couler.
– Tout le monde n’est pas d’accord

Il n’avait pas besoin de prĂ©ciser de qui il parlait. Estelle et Bernard restĂšrent Ă  ses cĂŽtĂ©s le temps que la crise passe, avant de discuter un peu avec lui afin de l’aider Ă  se sentir mieux. Ce n’était pas grand-chose mais, c’était mieux que rien.
Quand les deux militaires durent reprendre leur poste, ils croisĂšrent Rufus, bouffi d’orgueil et fier de lui, se moquant encore de leur duc et des deux sƓurs Charon. Ils rĂȘvaient de lui arracher ce sourire arrogant de son visage
 enfin bon, c’était le rĂ©gent et eux des roturiers, et il s’était accordĂ© tous les pouvoirs dont celui de vie et de mort. Son frĂšre n’était dĂ©jĂ  pas bien utile mais lĂ , il l’était encore moins. Un mot de travers, les deux soldats se retrouvaient suspendu Ă  une corde par le cou, et leur duc la tĂȘte sur le billot
 ils devaient ĂȘtre prudents, ravalĂ©s leur colĂšre et ne pas faire de vagues, mĂȘme si c’était rageant. Enfin, eux au moins, ils pouvaient toujours se soulager Ă  la taverne le soir. On n’y servait plus rien Ă  prĂ©sent, et elles avaient Ă©tĂ© recyclĂ©s en point de rationnement mais, cela restait un lieu de rencontre oĂč on pouvait dire Ă  peu prĂšs tout, tant qu’ils n’allaient pas dans les mĂȘmes que les vengeurs ou des partisans de Rufus. C’était mieux que pour leur duc qui n’avait surement que ses lettres Ă  son frĂšre pour parler de tout ça Ă  quelqu’un, et encore, en les codant surement.
« Tient ? Deux toutous de Fraldarius ? Vous n’ĂȘtes toujours pas retournĂ© Ă  votre place ou dans votre niche ? Oh, j'oubliais, c'est la mĂȘme chose pour vous ! » Leur lança Rufus en les voyant, faisant glousser ses oies de partisans autour de lui.
Vraiment une belle situation de merde

Estelle et Bernard s’inclinĂšrent respectueusement sans rien dire, gardant leur colĂšre en eux, bien qu’ils se jurĂšrent tous les deux de rester au cĂŽtĂ© de leurs seuls seigneurs dignes de ce nom.
« Moque-toi le petit roquet, rira bien qui rira le dernier. Un jour, on trouvera un moyen de te la faire boucler. »
(suite)
3 notes · View notes
urween · 8 months ago
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If Erik Lehnsherr/Magneto was your partner english version here
note : GN!reader et quelque peu de sub!erik
⚠ warnings : caractĂšres sexuels (soumission, kink), insĂ©curitĂ©s, dĂ©cĂšs
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Global
il a besoin de contact physique et dans n'importe quelle situation. Lorsque vous sortez, il vient souvent t'enlacer sans raison apparente, juste pour te sentir contre lui. En public il doit toujours avoir sa main sur toi, que ce soit ta cuisse, ton Ă©paule, ta main, ton genoux ou mĂȘme juste ton bras, il faut qu'il ait un contact avec toi. Tu as mis du temps Ă  t'habituer complĂštement Ă  ses cĂąlins surprises, mais maintenant c'est mĂȘme toi qui va le rassurer en prenant sa main.
vous ressemblez un peu Ă  un vieux couple : vous sortez vous promener dans la forĂȘt, vous restez quelquefois une semaine entiĂšre juste tous les deux chez vous, vous ramassez des pommes de pins. Mais vous ĂȘtes comme ça, et vous adorez l'ĂȘtre.
vous habitez loin de la ville, dans une forĂȘt, et grĂące Ă  ça vous passez beaucoup de temps dehors Ă  juste regarder la nature vivre autour de vous.
c'était inattendu mais tu as remarqué qu'il avait un corps assez frais. Il n'est pas le genre à te servir de chauffage en hiver par exemple, c'est plutÎt toi qui peut prendre cette fonction. Par contre en été c'est assez pratique, ses mains sont toujours froides.
Petites choses du quotidien
lorsqu'il te prend dans les bras il te berce toujours contre lui, que vous soyez debout ou allongés.
de la mĂȘme maniĂšre il passe constamment la main dans tes cheveux, sans forcĂ©ment les caresser, juste pour sentir la douceur de ces derniers entre ses doigts. Il s'endort d'ailleurs trĂšs souvent comme ça, la main dans tes cheveux.
tu aimes beaucoup faire des bouquets de fleurs sauvages, parfois tu les offre à Érik, parfois tu les mets juste dans un joli vase chez vous.
Ă  son tour, il aime beaucoup ramasser des feuilles ou pommes de pin dans la forĂȘt pour aprĂšs te les montrer et les mettre dans des bocaux, pour faire de la dĂ©coration.
tu gardes toujours une bague, un bracelet ou un collier sur toi pour qu'il puisse t'attirer contre lui s'il en a le besoin, et il le fait plus que souvent.
parfois lorsqu'il a du mal à te dire quelque chose alors il va te le dire en allemand, et à cause de ça tu as dû apprendre quelques bases de cette langue. Lors de vos premiÚres années ensemble, il te disait qu'il t'aimait seulement en allemand, car c'était encore trop dur pour lui de le dire autrement.
Vie sexuelle
il n'a pas une libido d'adolescent, en fait il est mĂȘme assez rarement le premier Ă  engager l'acte. Il t'admire Ă©normĂ©ment, il a littĂ©ralement des coeurs dans les yeux lorsqu'il voit ton corps mais c'est quelque chose de plus profond qu'une excitation sexuelle, il trouve vraiment ton corps magnifique, tellement qu'il veut juste l'admirer en premier et qu'aprĂšs oui peut-ĂȘtre il aura une Ă©rection naissante.
il a tout de mĂȘme des envies, elles sont juste moins frĂ©quentes que toi.
quelquefois tu vas le regarder avec ces yeux et il comprend immédiatement le message, mais ça ne veut pas dire qu'il a toujours envie, c'est variable en fait.
tu respectes toujours ça. S'il n'a pas envie, il n'a pas envie et c'est tout.
mais il sait aussi que son excitation peut monter avec un peu de temps, et dans ces moments-lĂ  tu es toujours lĂ  pour l'aider Ă  se sentir Ă  l'aise et en confiance.
c'est aussi pour cela que vous passez beaucoup, beaucoup, de temps sur les prĂ©liminaires. Il a besoin de prendre son temps pour ĂȘtre pleinement prĂ©sent et aussi excitĂ© que toi. Mais honnĂȘtement, ça te va. GrĂące Ă  ça tu as repris goĂ»t aux prĂ©liminaires qui Ă©tĂ© un peu nĂ©gligĂ©s dans tes relations prĂ©cĂ©dentes.
il arrive que tu te fasses plaisir par toi-mĂȘme, et il a toujours un grand sourire aux lĂšvres en entendant tes gĂ©missements depuis l'autre bout de la maison. Parfois il toque mĂȘme Ă  la porte et glisse un petit "je peux te rejoindre ?".
Ă  ton tour, tu lui as appris quelque chose : la masturbation. Ça peut paraĂźtre simplet Ă  dire comme ça, mais il n'a jamais pris le temps de le faire, ou s'il le faisait c'Ă©tait juste mĂ©canique mais jamais pour lui. Alors tu lui as expliquĂ© de nombreuses choses et petit Ă  petit vous avez rĂ©introduit ce plaisir dans sa vie.
peut-ĂȘtre que c'est dĂ» Ă  la mort prĂ©maturĂ©e de sa mĂšre, ou Ă  son besoin de toujours tout contrĂŽler, mais il a un petit fantasme pour la soumission. Tu l'as remarquĂ© pour la premiĂšre fois lorsque tu lui as demandĂ©/ordonnĂ© de te regarder dans les yeux pendant qu'il venait sur toi. Depuis, tu t'amuses Ă  le menotter au lit (pauvre menottes en fer qui ont fini ratatinĂ©es), lui mettre la main sur la gorge ou attraper son visage entre deux doigts, et mĂȘme toi tu aimes beaucoup ça.
il a assez peu de pĂ©nĂ©trations dans vos moments intimes, du moins pĂ©nĂ©tration "traditionnelle", mais Érik peut te faire jouir de nombreuses fois juste avec ses doigts, il a un peu un don pour ça d'aprĂšs toi. Tu aimes aussi beaucoup garder tes sous-vĂȘtements et le sentir Ă  travers, c'est encore plus excitant pour vous deux.
Entourage
il ne lui reste plus personne Ă  part toi, et quand tu essaies de lui parler de Charles il se ferme tout de suite.
tu sais qu'il a une grande amitiĂ© avec Charles Xavier et tu as essayĂ© pendant longtemps de les raffistoler mais mĂȘme toi tu sens que la situation est trop compliquĂ©e. De ce que t'as dit Érik, lui et Charles n'ont fait que de se rĂ©concilier pour mieux se disputer pendant plusieurs annĂ©es.
tu as dĂ©jĂ  rencontrĂ© Raven, ou Mystique, comme elle prĂ©fĂšre ĂȘtre appelĂ©e. HonnĂȘtement vous pourriez bien vous entendre, mais elle est un peu distante envers toi, et envers tout le monde en gĂ©nĂ©ral. MalgrĂ© ça elle envoie souvent des lettres chez vous, et parfois Érik dit la voir dans la rue, mĂȘme si toi tu ne vois personne, ou justement trop de monde.
vous n'avez pas vraiment d'amis, donc pas de soirée le samedi soir ou restaurants, du moins pas avec des gens, juste vous deux et ça vous va trÚs bien.
Vulnérabilité
il a des phases oĂč il devient trĂšs froid et distant. Dans ces moments-lĂ , tu sais qu'il vaut mieux ne pas essayer de forcer les choses au risque de la braquer davantage.
il a constamment peur de te perdre, de ne pas te protéger suffisamment, et parfois cette peur est plus forte que certains jours alors dans ces cas-là il est persuadé qu'il vaut mieux qu'il te quitte et qu'il parte. Au début, tu as eu beaucoup de mal avec ça, tu avais des difficultés à lui refaire confiance aprÚs cette phase paranoïaque, mais le temps a apaisé les choses. Il lui arrive encore d'y penser, de penser à partir pour te protéger de tout potentiel danger qu'il pourrait attirer, mais maintenant il essaie de t'en parler au lieu de psychoter tout seul dans son coin.
tu as appris Ă  utiliser les bons mots pour le rassurer, et surtout Ă  bannir certains mots.
mais il n'est pas le seul Ă  avoir des moments difficiles, il t'arrive aussi d'imaginer le pire ou d'ĂȘtre simplement Ă  plat. À son tour, il est lĂ  pour toi comme tu l'es pour lui. Souvent il sait que tu n'as pas envie de parler alors il te forcera Ă  rien, il restera juste avec toi, une main sur ton corps pour te montrer qu'il ne part pas.
Phrases typiquement Érik
À quoi tu penses ?
Fais attention/Ne te brûle pas/Doucement quand tu te lÚves/Laisse-moi le faire ok ?
Ça m'a fait penser à toi
Ich liebe dich bÀrchen
Je veux juste te protéger, tu es si agréable, beaucoup trop pour ce monde
Je ne suis pas cruel mon coeur, simplement rĂ©aliste. Regarde autour de toi, des enfants sont tuĂ©s pour leurs simples ADN, alors pourquoi je devrais ĂȘtre comprĂ©hensif envers leurs meurtriers ?
Je ne ferais rien que tu n'acceptes pas
SEXUALITÉ
Je devrais te mettre des fils de fer aux chevilles pour pouvoir contrĂŽler ton joli corps mein schatz
Tu vas encore venir n'est-ce pas ? Oh sweetie ne me regarde pas avec ces yeux-lĂ , tu sais que tu as tout ce que tu veux
Tu savais que ta peau avait un goĂ»t sucrĂ© ? Non ? Maintenant tu le sais, mein sĂŒĂŸes lieblingsdessert
Darling, tu sais que je pourrais briser ces menottes en un claquement de doigt ? Bien sûr que tu le sais, tu es magnifique, si minuscule dans mes bras et so sehr bezaubernd sur mon torse
trad allemand/français : ich liebe dich bĂ€rchen -> je t'aime petit ourson ; mein schatz -> m.a.on chĂ©ri.e/mon trĂ©sor ; mein sĂŒĂŸes lieblingsdessert -> mon dessert sucrĂ© prĂ©fĂ©rĂ© ; so sehr bezaubernd -> tellement envoĂ»tant.e
° x-men masterlist
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gif : Binar on pinterest
banniĂšre : @/saradika-graphics
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moustik80 · 3 months ago
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Le Lys et Le Lion : l'Armée de Dumbledore (Fleurmione) - Chapitre 4 (on Wattpad) https://www.wattpad.com/1491166851-le-lys-et-le-lion-l%27arm%C3%A9e-de-dumbledore-fleurmione?utm_source=web&utm_medium=tumblr&utm_content=share_reading&wp_uname=moustik80 nos héroïnes sont de retours ! voici la suite des aventures de Fleur Delacour et Hermione Granger dans cette réécriture de l'Ordre du Phénix vous avez adorez le tome 1 j'espÚre que le tome 2 répondra à vos attentes :) si vous n'avez pas lu le tome 1 il est ici : https://www.wattpad.com/1393465420-le-lys-et-le-lion-le-tournoi-des-3-sorciers
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phinjeet · 3 months ago
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* a particular kind of phinjeet i lov 2 draw iz where 1 of them iz staring at the other who doeznt Know like . phin yapping abt smth n looking elsewhere while jeet starez right at him . jeet looking up at the starz while phin lookz only at Him . both a little oblivious 2 how much the other really adorez and admirez them in silence . yk
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cherish--these--times · 6 months ago
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Je partage cette vidĂ©o ici au cas oĂč vous ne l’avez pas vu. Une formidable interprĂ©tation du personnage de GueniĂšvre et de la place toute particuliĂšre qu’elle tient auprĂšs d’Arthur. A voir si comme moi vous adorez ces deux-lĂ . đŸ„°
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equipe · 2 years ago
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Mes chers compatriotes,
Vous n'ĂȘtes pas sans savoir que j'ai quittĂ©, il y a quelques mois de cela, mes quartiers privatifs situĂ©s sur l'Ăźle ensoleillĂ©e de Crabiland afin de reprendre du service chez Tumblr en tant que PrĂ©sident IntĂ©rimaire des Produits et Objets (ou P.I.P.O., pour les intimes). J'ai mĂȘme ouvert pour l'occasion mon propre blog - sobrement intitulĂ© Emporium - et je peux vous dire en toute modestie que, grĂące Ă  moi, les ventes dĂ©collent !
Les affaires fonctionnent si bien que, la nuit derniĂšre, j'ai pris quelques instants introspectifs pour contempler ma rĂ©ussite. Aucune concurrence Ă  l'horizon, croissance Ă  deux chiffres (aprĂšs la virgule), des clients satisfaits de leur nouveau mug/pin's/t-shirt, et moi au sommet de cette montagne de succĂšs
 "Tout va pour le mieux, hein Brick ?", me suis-je dit (je me parle souvent Ă  moi-mĂȘme).
Il fallait pourtant me rendre à l'évidence : tous ces produits, bien physiques, c'est créatif et c'est fun. Oui. Mais ça manque d'un petit quelque chose. D'un zeste de clics. Oui, de clics. Et Brick adore les clics.
Je me suis alors souvenu avec Ă©motion de la popularitĂ© de mes petits crabounets qui venaient envahir par centaines les tableaux de bord en mon absence. Et ne niez pas leur attrait : vous les aimiez tellement, vous aussi, que vous Ă©tiez mĂȘme prĂȘts Ă  les offrir Ă  vos amis. Je suis au courant.
La question était trÚs simple : comment faire pour combiner une fonctionnalité qui vous fait cliquer à tout va (vous adorez ça), avec un concept novateur ? Un truc JAMAIS VU !?
Ils ont alors dĂ©barquĂ© dans ma tĂȘte sans crier gare :
đŸŠ€đŸ›đŸ§€đŸ‘»đŸŽđŸȘ !!!!!!!!!!!!
Je vous annonce solennellement mon départ (temporaire) du poste que j'occupe en tant que P.I.P.O. sur Emporium pour enfiler ma nouvelle casquette de Président Intérimaire des Réactions Emojiesques - ou P.I.R.E.
À compter de ce jour, vous pourrez donc utiliser ces boutons de rĂ©actions dans la partie basse de chaque billet Tumblr pour y exprimer vos Ă©motions. Enfin, juste sur le Web. Pas dans l'application. (Je n'avais pas un budget illimitĂ© en tant que P.I.P.O, mais lĂ , c'est P.I.R.E.).
Et sachez que tout ça m'a demandĂ© bien des efforts. Je n'en ai pas dormi de la nuit, Ă  devoir tout remettre en ordre dans ma tĂȘte aprĂšs ce temps introspectif sur mes brillants choix de vie. Alors, ne m'en voulez pas si les rĂ©actions disponibles pour l'instant sont assez restreintes. Il s'agit tout bonnement des derniers emojis que j'ai utilisĂ©s sur mon smartphone.
Je suis sĂ»r que vous les aimerez quand mĂȘme. MĂȘme s'ils ne cassent pas des briques parce qu'ils viennent de BRICK, voyons !
Cliquement vÎtre, 
Brick Whartley Président Intérimaire des Réactions Emojiesques - P.I.R.E. Président Intérimaire des Produits et Objets - P.I.P.O. (sur le départ)
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nathanparisi · 3 months ago
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English : Hello everyone. I drew Ariel from The Little Mermaid, the animated film by John Musker and Ron Clements which celebrates its 35th anniversary this year.
I did this by getting closer to what Glen Keane and Mark Henn, the animators of the character, were doing.
I hope you will love it.
Français : Bonjour tout le monde. J'ai dessinĂ© Ariel de La Petite SirĂšne, le film d'animation de John Musker et Ron Clements qui fĂȘte cette annĂ©e son 35Ăšme anniversaire.
Je l'ai fait en me rapprochant de ce que fessaient Glen Keane et Mark Henn, les animateurs du personnage.
J'espÚre que vous adorez ça.
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voidzphere · 10 months ago
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this will mostl kely be my last ask. for today. maybe. (its like 11pm rn im so tired)
what r ur outer hcs
.
bc
outer is my second fav sans
first one being classic and my other favs being error, geno, blueberror and fatal (unoriginal i know. glitchy skeletons are just really likeable)
and i want to know :3
flutters syelashes
GO TO ZLEEP DUDE !!! GO FUCKING EEPERZ !!!!!!11
ur favz are so real .. love me some glitchy skeletonz !! anywayyy
outer can be pretty artistic when they want to be ! he enjoyz painting and uzing glitter (they remind him of starz :3)
autiztic ASSSS. imagine having astrology and rhe study of starz and the galaxy as ur special ineterzt. fucking NERD !!!!11 (/pos)
expandin on that; outer lovez colorful visualz and different texturez. they will NOT pass on an opportunity to go stargazing
zpeakin of !!! stargazing is their fav hobby x] he has a bunch, but this one is special. sitting under the starz, it can really put you at peace.
chill dude ! pretty calm and doezn't break eazily under pressure or overwhelming situationz,, even if he doez, he triez not to show it.
he abzolutely ADOREZ aquariumz, especially the jellyfish exhibitz !
THATZ ALL 4 NOW TRYNA FOCUZ ON WORK SO x3 !!!
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aurevoirmonty · 8 months ago
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« Pourtant, j'essaierais de leur enseigner quelque chose [aux chrĂ©tiens], bien qu'ils soient lents d'esprit : Si l'on ferme les yeux aux choses des sens et essaie de voir avec l'Ɠil de l'esprit, et si l'on se dĂ©tourne de la chair vers le soi intĂ©rieur, l'Ăąme, lĂ  il verra Dieu et connaĂźtra Dieu. Mais pour commencer le voyage, il faut fuir les trompeurs et les magiciens qui paradent des fantasmes devant vous. Vous serez la risĂ©e tant que vous rĂ©pĂ©terez le blasphĂšme que les dieux des autres hommes sont des idoles, tandis que vous adorez effrontĂ©ment comme Dieu un homme dont la vie Ă©tait misĂ©rable, qui est connu pour ĂȘtre mort (dans des circonstances honteuses), et qui, selon votre enseignement, est le modĂšle mĂȘme du Dieu que nous devrions considĂ©rer comme notre PĂšre. »
Celse, La VĂ©ritable Doctrine, 9
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coolvieilledentelle · 2 years ago
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Parfois, l'amour est la rencontre de deux solitudes qui se rapprochent, se comprennent, s'Ă©treignent et s'unissent pour apprendre l'inconnu, se complĂ©ter, se quereller, s'amuser et s'aimer... ensemble sous la pluie , attendant le coucher du soleil , vous adorez ce bonheur tant attendu !... Bonne soirĂ©e chers amis ❀
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moustik80 · 5 months ago
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elles sont de retours !!
Le Lys et Le Lion : l'Armée de Dumbledore (Fleurmione) - Chapitre 1 (on Wattpad) https://www.wattpad.com/1473549676-le-lys-et-le-lion-l%27arm%C3%A9e-de-dumbledore-fleurmione?utm_source=web&utm_medium=tumblr&utm_content=share_reading&wp_uname=moustik80 nos héroïnes sont de retours ! voici la suite des aventures de Fleur Delacour et Hermione Granger dans cette réécriture de l'Ordre du Phénix vous avez adorez le tome 1 j'espÚre que le tome 2 répondra à vos attentes :)
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cricxuss · 7 months ago
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Monsieur, notre envie de Martini est de circonstance . Je vous attends, votre verre est servi et je le tiens Ă  l'endroit oĂč vous aimez vous promener. Il est rouge, le blanc manque mais peu importe pourvu que l'ivresse des sens soit prĂ©sent.
Vous pouvez le boire Ă  votre convenance, je suis prĂȘte.
Je vous donnerai la satisfaction escomptée pour nous plaire.
L'appétit ainsi ouvert, il ne vous restera, aprÚs m'avoir bue ( pardon, aprÚs l'avoir bu :D ) à déguster votre plat du jour.
Je ne vais pas le détailler, je vous en laisse la surprise bien entendu. Je sais que de toute maniÚre vous allez l'agrémenté à votre façon et j'en suis déjà heureuse.
Je peux déjà vous dire que les fruits seront à volonté et accompagnés de chantilly.
Je vous ai mis l'eau à la bouche monsieur ? alors venez déguster ce met que vous adorez et qui comblera votre gourmandise.
Bon appétit Monsieur le gourmand .
MartyWha@20240418
Belle journée à toutes et tous -
Ceci est un message personnel ;)
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uncountry · 8 months ago
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Bonjour, 
Vous avez mal dormi ? Moi aussi. Je me suis demandĂ© pourquoi le prĂ©sident de la RĂ©publique avait fait un pari aussi risquĂ© avec des lĂ©gislatives qui pourraient envoyer Jordan Bardella Ă  Matignon. Puis j’ai compris qu’Emmanuel Macron cherche Ă  provoquer un effet de rĂ©el, pour obliger les Français Ă  assumer la responsabilitĂ© de voir le RN accĂ©der au pouvoir – ou Ă  refuser nettement cette perspective. Mais son plan comporte un point aveugle et trĂšs lourd de consĂ©quences.
La dĂ©cision solitaire, sidĂ©rante et parfaitement contingente de convoquer des Ă©lections dans moins de trois semaines est taxĂ©e depuis hier soir de coup de poker, de pari Ă  haut risque, voire de coup de folie. Au lieu d’accueillir, sourire aux lĂšvres, les chaleurs de l’étĂ© et la flamme olympique, les Français sont replongĂ©s dans une nouvelle rĂ©alitĂ© fiĂ©vreuse et angoissante. Le RN n’a jamais Ă©tĂ© aussi haut, mĂȘme dans des rĂ©gions et parmi des catĂ©gories sociales qui ne votaient guĂšre pour lui. Bardella est une idole des jeunes, tandis que Marine Le Penincarne, pour beaucoup, la chaleur populaire contre les manƓuvres Ă©goĂŻstes des Ă©lites. Emmanuel Macron a-t-il perdu les pĂ©dales au point de jouer Ă  quitte ou double l’avenir de la France ?
Il s’agit en rĂ©alitĂ© d’un calcul. Le prĂ©sident craint par-dessus tout de devoir transmettre le pouvoir Ă  Marine Le Pen en 2027. Il constate que la progression du RN est constante depuis plusieurs dĂ©cennies, qu’il ne parvient pas Ă  l’enrayer, et que le parti d’extrĂȘme droite Ă©vite tous les piĂšges tout en profitant de toutes les crises. Macron sait qu’aprĂšs les Gilets jaunes, le Covid-19, les manifestations contre la rĂ©forme des retraites ou la loi immigration, les Ă©meutes des banlieues, la rĂ©volte des agriculteurs, le conflit civil en Nouvelle-CalĂ©donie, de nouvelles convulsions vont advenir. Il tente donc le tout pour le tout. Il prend le RN – et tous les autres partis – de vitesse. Admirateur de NapolĂ©on, il entend, tant qu’il lui reste des forces, briser cette ligne ascendante et enfoncer l’armĂ©e adverse alors qu’elle ne s’y attendait pas. Et il est persuadĂ© de gagner Ă  tous les coups. Soit, grĂące aux voix modĂ©rĂ©es de tous bords, face Ă  une gauche divisĂ©e, il regagne une majoritĂ© absolue. Soit il retrouve une majoritĂ© relative et essaie de s’allier Ă  la droite. Soit le RN arrive Ă  passer de 88 Ă  289 dĂ©putĂ©s et le prĂ©sident appelle Bardella Ă  Matignon. Il cherchera Ă  le pousser Ă  la faute, convaincu que l’extrĂȘme droite ne rĂ©sistera pas Ă  l’épreuve du pouvoir et Ă©chouera aux prochaines prĂ©sidentielles.
Le plan macronien se veut imparable parce qu’il est guidĂ© par un postulat simple : l’effet de rĂ©el. Selon le prĂ©sident de la RĂ©publique, le vote RN est surtout l’expression d’une pulsion de transgression, d’un dĂ©sir d’ailleurs. Mais proposez Ă  une personne qui rĂȘve de vivre dans un pays lointain si elle veut y dĂ©mĂ©nager pour de bon, vous verrez qu’elle y rĂ©flĂ©chira Ă  deux fois. C’est ce raisonnement que tient Macron : vous adorez voter RN pour rĂąler et vous dĂ©fouler, mais avez-vous rĂ©ellement envie qu’il s’installe au pouvoir ? Il est sĂ»r qu’une majoritĂ© de Français ne le souhaite pas. C’est pourquoi il a conclu son annonce hier soir par les mots “C’est maintenant”, supposĂ©s monter au cerveau de ses incorrigibles compatriotes incapables de comprendre qu’ils ne vont pas si mal.
Mais – outre que le cĂŽtĂ© paternaliste et jupitĂ©rien du procĂ©dĂ© risque d’en incommoder plus d’un – le raisonnement du prĂ©sident pĂšche sur un point. Il n’est pas du tout impossible qu’une grande partie des Ă©lecteurs dĂ©sire la victoire du RN de maniĂšre tout Ă  fait rĂ©aliste. Le parti de Marine Le Pen, depuis plus de dix ans, cherche Ă  Ă©pouser les convictions, les passions et les humeurs populaires, plaçant le “bon sens” au sommet de ses prĂ©occupations. Et ça fonctionne. Le vote RN n’est plus tant un vote protestataire qu’une adhĂ©sion totale, un projet assumĂ© de voir le parti gouverner le pays.
C’est plutĂŽt le prĂ©sident qui se place du cĂŽtĂ© du fantasme. Il se prend pour un personnage de roman, qui accepte le dĂ©fi lancĂ© par son jeune rival. Emmanuel Macron se voit en d’Artagnan, bretteur qui gagne grĂące Ă  son audace. S’il Ă©choue, il se prendra pour Cyrano et perdra, mais avec panache. Et s’il doit cohabiter avec Bardella, il sera un rĂ©sistant Ă  la Jean Moulin. Or, si le RN gouverne, il se montrera d’abord doux et toujours proche du peuple. Il proposera une contre-rĂ©forme des retraites, histoire de cornĂ©riser la gauche ; il renverra quelques imams et dĂ©linquants Ă©trangers avec l’assentiment gĂ©nĂ©ral ; il freinera l’aide Ă  l’Ukraine au nom de la vie des jeunes Français. Et prĂ©parera tranquillement 2027 pour pouvoir faire adopter par rĂ©fĂ©rendum les modifications de la Constitution qui lui permettront d’appliquer son programme sans entraves.
En concluant son discours, Emmanuel Macron dĂ©clare qu’il faut “choisir d’écrire l’histoire plutĂŽt que de la subir”. Mais il pense surtout Ă  lui, Ă  la fois auteur et hĂ©ros du roman national. Finalement, il restera peut-ĂȘtre dans les mĂ©moires comme un autre personnage cĂ©lĂšbre : celui d’Érostrate, Grec de l’AntiquitĂ© qui incendia le temple d’ArtĂ©mis afin que personne n’oublie jamais son nom. Il aura alors Ă©tĂ© le scĂ©nariste d’une dystopie française, dont personne ne saura plus comment sortir.
Michel Eltchaninoff
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solaaresque · 2 years ago
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fine. FINE. maybe i’ll talk about anzureze and adoreze and chiasol. maybe.
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