#adorez
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Pistes pour le tome III jvlivs(not srs)
1. Comes out as gay. Lives his best life with his boyfriend in marseille. Et fuck guilty qui je le headcanon as homophobic thatâs why he left SCH in 2021. Man said I hate gay people. (Nah more srsly I really hope guilty/sch duo isnât dead yet we need him)
2. Il se tue. Genre derniĂšre track sur une instru bien mafieuse tâas captĂ© ET BOOM gunshot.
Ou 3. Il dĂ©cide dâaller refaire sa vie au nord de la France dans la rĂ©gion de la Normandie, plus prĂ©cisĂ©ment vers Alençon oĂč il fait la rencontre dâun certain AurĂ©lien avec lequel ils sâauto nomment âles Neptunes de Caenâ (fuck Skread)
#deux des prompts câest juste fuck les meilleurs producer français LMAO#vous inquiĂ©tez pas jâvous reviens avec mes prediction bien rĂ©elle bientĂŽt. vous allez adorez#sch#JVLIVS tome 3
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ok im off to bed. gn gays <3
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Un autre UA en cours et qu'on tente de garder sous contrĂŽle : "Tout ce que je veux, c'est te revoir..." (ou Lambert survit), acte 1.
Bon, j'ai un nouveau UA qui est arrivĂ© dans ma tĂȘte... donc, le voici. ça fait une petite pause avec CF vu que bon, au bout d'un an, j'avais vraiment besoin d'une pause... et qui finit en moins "et tout le monde crĂšve, pis y a la rĂ©volution et les mĂ©chants sont fini avec tout le monde qui est heureux dans la rĂ©incarnation" , lĂ , mĂȘme si ça va ĂȘtre un peu long, on a une fin heureuse en moins de dix ans pour la relation principale, et moins de soixante pour la fin heureuse pour tout le monde. LĂ , c'est moins d'un an pour l'avoir !
Pour que tout le monde s'y retrouve :
-on est dans le mĂȘme contexte que dans le prĂ©-canon de CF. Comme pour ma voie dorĂ©e en AM, je garde les mĂȘmes rĂšgles et Ă©lĂ©ments que dans ma fanon sauf qu'on est Ă un moment diffĂ©rent.
-Pour le contexte de mon pré-Duscur, il est déjà posté sur ce blog alors, vous pouvez vous référer à ce billet si vous voulez plus de détail.
-ici, on est pile aprÚs la Tragédie sauf que contrairement au canon, Lambert survit. Je ne vous donne pas plus de détail, tout est dans ce qui suit.
-deux points de vocabulaires : "bled / bleds" est l'ancienne orthographe du mot "blé" et jusqu'au XIXe siÚcle, on utilisait ce mot aussi pour parler toutes les céréales panifiables, rien à voir avec le "bled" contemporain, et une "géline" est l'ancien nom des poules, ce qui est également un mot médiéval / moderne (on pouvait par exemple devoir un quart de géline tous les ans à son seigneur alors, on lui ramenait une poule tous les quatre ans). Les personnages vivants dans un univers de fantasy, je trouvais que cela collait d'utiliser des mots de vieux français.
Comme toujours, si vous avez des questions, vous pouvez me les poser sans problĂšme.
Je vais essayer de faire tenir cette histoire en 3 parties (qui s'appelle acte ici car j'avais envie et que ça sonnait bien avec le dĂ©coupage de l'histoire Ă mon avis). Je vais essayer de garder ça sous contrĂŽle et ne pas trop exploser les compteurs avec une histoire interminables alors, je vais essayer de me limiter Ă 3 (ou au pire, je couperais l'acte 2 ou l'acte 3 en deux, mĂȘme si j'aimerais Ă©viter mas bon, on verra bien).
Donc ! C'est parti pour ce dérivé de CF ! Pour rester dans mes anciens titres qui sont des descriptions, il s'appelle "Lambert qui survit" et sinon, je pense que ce serait "Tout ce que je veux, c'est te revoir..." (si je ne change pas d'avis entre temps).
Et un grand coucou à @ladyniniane ! C'est ce dont je t'avais parlé et merci pour tes conseils !
Avertissement ! Si vous aimez Lambert, passez votre chemin ! Je ne vais pas ĂȘtre tendre avec lui !
+mĂȘme si c'est plus dans la seconde partie, il y a des situations de dĂ©pression et de dĂ©sespoir avec quelqu'un qui se sent vraiment au plus profond du trou. Ce n'est surement pas aussi fort que pour Dimitri mais, je prĂ©fĂšre vous prĂ©venir au cas oĂč vous ĂȘtes sensibles Ă ses sujets.
Acte 1
Rodrigue tenait FĂ©lix par les Ă©paules alors quâils avançaient difficilement entre les autres familles dĂ©jĂ arrivĂ©es, cherchant des nouvelles, des informations, des confirmations de leur inquiĂ©tude ou le miracle dâune angoisse infondĂ©e mĂȘme si personne nâen avait, quelque chose⊠cela faisait une semaine, mĂȘme moins pour lâarrivĂ©e des nouvelles et personne nâarrivait encore Ă y croire⊠enfin, Ă part tous ceux qui savait que cela tournerait mal, lâavait hurlĂ© Ă corps et Ă cri, tout fait pour lâempĂȘcher mais, mĂȘme eux nâauraient pas imaginĂ© un fiasco pareilâŠ
« Rodrigue ! On mâa annoncĂ© votre arrivĂ©Â ! La DĂ©esse soit louĂ©e ! Vous ĂȘtes lĂ Â !
Le pĂšre leva la tĂȘte et vit Gustave arriver Ă grands pas vers eux, lâair grave et sombre, visiblement Ă©puisĂ©, un paquet dans ses bras.
â Oui, nous avons sautĂ© sur notre monture dĂšs quâon a su, Alix sâoccupe de Fraldarius et de gĂ©rer les Ă©missaires de lâAlliance. Quelles sont les derniĂšres nouvelles ? Le questionna-t-il, mort dâinquiĂ©tude. Le messager sâest Ă©vanoui de fatigue avant de nous dire quoi que ce soit⊠etâŠ
â OĂč est Glenn ? Le devança FĂ©lix. Il nâest pas lĂ Â ? Et oĂč est Nicola ? Et Jacques ?
â Merci pour votre vitesse⊠il glissa son regard vers le louveteau, hĂ©sitant avant de dire quoi que ce soit devant lui. Je prĂ©fĂšre vous en parler entres adultes pour les informations plus⊠sensiblesâŠ
â Glenn, câest pas sensible. OĂč est mon frĂšre ?! OĂč est Nicola ? OĂč est Jacques ? Pourquoi personne du convoi nâest lĂ Â ? Et Dimitri ?
â Son Altesse est revenue, tout comme Sa MajestĂ©, tenta de le rassurer Gustave. Ils sont gravement blessĂ©s mais heureusement, ils ont Ă©tĂ© rapidement pris en charge par les villageois des environs qui ont Ă©tĂ© alertĂ©s par lâincendie, ce qui leur a surement sauvĂ© la vie. Cependant, Son Altesse a Ă©tĂ© blessĂ©e par nos hommes pour dĂ©fendre le fils de la maison qui les a recueillis, ils ont cru que cette famille les avait pris en otage. Heureusement, le Flutiste des Glaces soit louĂ©, Areadbhar est arrivĂ©e Ă le maintenir en vie, il va sâen sortir.
Rodrigue eut un petit soupir de soulagement, rassurĂ© de savoir Dimitri en vie mĂȘme si du peu quâil savait sur ce qui sâĂ©tait passĂ©, seulement survivre serait une Ă©preuve trĂšs difficile pour lui⊠pour nâimporte qui faisant partie du convoi et qui Ă©tait revenu dâailleurs⊠Glenn, Nicola et Jacques auraient besoin de beaucoup de repos et de soin pour sâen remettre. Il ferait tout pour quâils puissent se rĂ©tablir en paix Ă Fraldarius, lâeau du lac les soignerait et les protĂ©gerait⊠⊠⊠et se serait plus sĂ»r pour le Royaume dâavoir un roi majeur au lieu dâun rĂ©gent, encore moins un comme Rufus. Les mois qui venaient sâannonçaient trĂšs difficiles, surtout du point de vue diplomatique, il avait besoin de stabilitĂ© pour Ă©viter un autre bain de sangâŠ
â Je mâen fiche de Lambert ! SâĂ©cria dâun coup FĂ©lix, furieux avant que Rodrigue ne puisse ne lâen empĂȘcher, occupĂ© par ses pensĂ©es. Câest pas Glenn, Nicola et Jacques ! Pourquoi tu ne dis rien sur eux Gustave ?!
â FĂ©lix, calme-toi⊠le reprit un peu Rodrigue, moins Ă©nergique quâil nâaurait dĂ» lâĂȘtre normalement mais, il nâen avait ni la force, ni lâenvie, avant dâajouter malgrĂ© cela. Gustave. Je comprends que vous soyez dĂ©bordĂ©s et que vous voulez que nous nous mettions au travail, ce que je ferais sans dĂ©lai aux vues de la situation. Cependant, pour lâinstant, ce qui me prĂ©occupe le plus est dâavoir des nouvelles de mon fils, de mon compĂšre, et de tous mes hommes. Câest ce qui mâinquiĂšte le plus, tout comme mon cadet. Je vous le demande de pĂšre Ă pĂšre. Dites-nous comment vont-ils, je vous en prieâŠ
Gustave se ferma encore plus, se murant dans le silence, mal Ă lâaise, avant dâavouer, la voix brisĂ©e.
â Ils⊠ils ne sont pas là ⊠Sa MajestĂ© Lambert et Son Altesse Dimitri sont les seuls Ă ĂȘtre revenu de Duscur vivants⊠tous⊠tous les autres membres du convoi sont morts. Nous avons pu ramener le corps de Jacques mais, pas celui de Nicola⊠il Ă©tait bien trop endommagĂ© pour ĂȘtre ramené⊠et pour Glenn⊠on ne lâa pas retrouvĂ©. Il fait partie des disparusâŠ
â Alors, il nâest pas mort ! RĂ©torqua FĂ©lix en essayant de sortir de lâĂ©treinte de son pĂšre. Il doit ĂȘtre encore quelque part ! Vous nâavez juste pas assez bien cherchĂ©Â ! Il a surement dĂ» tomber Ă©puisĂ© quelque part et dâautres duscuriens lâont recueilli ! Juste pas ceux de ce village ! Ils ont sauvĂ© Dimitri alors, ils ont dĂ» le faire aussi pour Glenn ! Mon frĂšre ne peut pas ĂȘtre mort ! Pas comme ça ! Pas pourâŠ
â Je suis dĂ©solĂ©, le coupa Gustave en leur tendant le petit paquet quâil tenait. Câest tout ce quâon a retrouvĂ© de lui pour le momentâŠ
Rodrigue le rĂ©cupĂ©ra, dĂ©faisant la corde qui tenait le tout ensemble en tremblant de tous ses os, les mĂȘmes mots que ceux de FĂ©lix tournant dans sa tĂȘte. Non⊠non⊠non⊠ce nâĂ©tait pas possible⊠il devait y avoir une erreur⊠Glenn ne pouvait pas ĂȘtre mort⊠pas lui⊠pas lui aussi⊠il Ă©tait si fort⊠encore plus quâeux tous⊠le meilleur des chevaliers de sa gĂ©nĂ©ration⊠il ne pouvait pas⊠pas pourâŠ
« Il ne peut pas ĂȘtre mort pour Lambert lui aussi ! »
Cependant, le tissu dissimulait le reste dâun plastron explosĂ© par un puissant sort de magie noire, un trou en plein milieu de la poitrine au niveau du cĆur, ainsi quâune Ă©pĂ©e brisĂ©e en mille morceaux, quâil reconnaitrait entre mille aprĂšs lâavoir vu brandi des centaines de fois Ă la maison, pour sâentrainer avec son petit frĂšre⊠non⊠pas ça⊠pas lui⊠ça ne pouvait pasâŠ
Mais, le pĂšre ne pouvait pas nier la rĂ©alitĂ© de ce quâil tenait entre les mains⊠ce⊠GlennâŠ
â Glenn estâŠ
â Non ! Câest pas possible ! Il nâest pas mort ! Il nâest pas mort ! Il va revenir ! Il va revenir papa ! Il ne peut pas ĂȘtre mort comme ça ! Il ne peut pasâŠÂ » SâĂ©cria encore FĂ©lix, mĂȘme si ses yeux se teintant de rouge ne pouvaient se dĂ©tacher du peu quâil restait de son frĂšre⊠il ne restait que ça⊠câĂ©tait tout ce quâil restait de Glenn⊠son louveteau⊠son fils⊠il nâen restaitâŠ
« Il nâen reste rienâŠÂ ! OĂč est mon fils ?! Tu avais dit que tu ramĂšnerais tout le monde en vie de ta folie ! Ils devaient tous rentrer Ă la maison ! Et tu rentres tout seul ! »
Rodrigue sentit ses jambes trembler mais, il se força Ă rester stable alors que FĂ©lix fondait en larmes contre lui, sâaccrochant Ă son manteau pour tenir droit. Le pĂšre se baissa Ă sa hauteur, serrant son fils restant dans un de ses bras et les restes de son ainĂ© dans lâautre, contre son cĆur alors quâil pleurait aussi silencieusement, la gorge serrĂ©e de chagrin⊠mĂȘme eux pourraient sây noyer⊠mais il ne devait pas faillir, il ne devait pas tomber maintenant, il devait tenir⊠il devait tenir pour FĂ©lix et le Royaume⊠mĂȘme siâŠ
« Glenn⊠Nicola⊠je suis dĂ©solé⊠tellement dĂ©solé⊠tout ceci nâaurait jamais dĂ» arriver⊠si seulement nous avions pu⊠mais aucun regret ne vous ramĂšnera⊠je vous en supplie, de lĂ oĂč vous ĂȘtes en attendant la rĂ©incarnation, protĂ©gez-nousâŠÂ »
*
FĂ©lix finit par sâendormir en pleurant, accrochĂ© Ă son pĂšre comme toujours. Confiant Ă regret les restes de Glenn Ă Gustave, Rodrigue porta son fils dans ses bras vers leur chambre habituelle. Elle Ă©tait toujours en ordre au cas oĂč il devait se rendre dâurgence Ă la capitale pour plusieurs jours.
« Nous devons nous mettre le plus rapidement possible au travail. Avec la convalescence de Sa MajestĂ© et la mort dâune grande partie de la tĂȘte du Royaume et dâautant de membres de lâadministration, Faerghus va surement entrer dans des temps trĂšs instable, surtout que ce voyage Ă©tait trĂšs impopulaire. AprĂšs tout ce qui sâest passĂ© et autant de mort, la colĂšre sera dâautant plus forte partout et il nous sera difficile de lâapaiser, dĂ©clara Gustave. Dans un moment de conscience en revenant, Sa MajestĂ© a jurĂ© queâŠ
â Gustave, par pitiĂ©, laissez-moi coucher FĂ©lix et le confier Ă quelquâun de confiance avant de me raconter tout ceci, le reprit Rodrigue en serrant son louveteau contre lui, ce dernier accrochĂ© Ă son cou. Il a toujours entendu dans son sommeil, et il a vĂ©cu bien assez de choses horribles pour aujourdâhui⊠il ajouta Ă voix plus basse avant que Gustave ne puisse ajouter quoi que ce soit. Je sais⊠mais laissez-moi le traiter comme lâenfant quâil est encore, mon fils aussi a besoin de soin.
â Je comprends votre envie de vous occuper de lui dans un moment aussi difficile mais, le Royaume aussi a besoin de vous⊠et mĂȘme plus que jamais le temps de la convalescence de Sa MajestĂ©. Il doit passer avant tout pour tout faerghien respectable.
Rodrigue entendait dâici la remarque dâAlix Ă ses mots, qui sonnait plus horriblement juste que jamais Ă prĂ©sent⊠mĂȘme sâil ne devait jamais dire de telles choses Ă voix haute, encore plus Ă prĂ©sent⊠ce serait bien trop dangereux pour eux⊠il demanda Ă une de ses Ă©pĂ©istes dont il Ă©tait sĂ»r de la fidĂ©litĂ© en toute circonstance de veiller sur lui puis, alla coucher son petit dans son lit. Cependant, FĂ©lix ne le lĂącha pas, sâaccrochant solidement Ă son cou. Ă regret, Rodrigue souffla Ă son fils, en priant pour que sa voix ne tremble pas.
« Je suis dĂ©solĂ© mon louveteau mais, il faut que je te laisse⊠jâai beaucoup de travail⊠je dois faire en sorte que tout tienne⊠je ne veux pas que tu grandisses dans un chaos encore plus grand que celui va arriver⊠je te protĂ©gerais FĂ©lix, je te le promets⊠je reviens dĂšs que possibleâŠÂ »
Heureusement ou non, FĂ©lix le lĂącha, le laissant partir. Posant un dernier baiser sur le front de son fils, le pĂšre rejoignit Gustave en lui demandant le moindre dĂ©tail des Ă©vĂšnements pour tenter de comprendre ce qui sâĂ©tait passĂ© et quel scĂ©nario ils nâavaient pas anticipĂ©.
Une fois dans un bureau Ă part oĂč le dĂ©sordre ambiant signalait un passage important de jour comme de nuit, Gustave trouva un petit espace oĂč Ă©taler une carte de Faerghus et Duscur oĂč Ă©tait reprĂ©senter les principales routes, les villes, les lieux-dits et les Ă©lĂ©ments particuliers permettant de sâorienter ou de faire les itinĂ©raires. Gustave pointa une vallĂ©e Ă©troite du doigt, sur le chemin des PĂšlerins. Il sâagissait dâune voie sacrĂ©e de pĂšlerinage vers la capitale et le Grand Temple de Duscur, ainsi que le chemin le plus court pour sây rendre⊠mais aussi un des plus dangereux pour un convoi de la taille du leur⊠Myrina avait prĂ©venu mille fois quâun tel chemin serait bien trop risquĂ©, lâidĂ©al pour une embuscade oĂč il serait trĂšs difficile de se dĂ©fendre⊠comme la grande majoritĂ© dâentre eux, dont les jumeaux, ils avaient tous soutenus de passer par la cĂŽte⊠ça aurait Ă©tĂ© bien plus long mais aussi plus prudent⊠sauf que Lambert Ă©tait du parti dâaller au plus viteâŠ
« Le convoi sâest engouffrĂ© dans ces gorges mais, il a pris du retard Ă cause dâune route en mauvaise Ă©tat. Les chariots sâembourbaient dans des nids de poule et ont retardĂ© lâarrivĂ©e Ă lâĂ©tape suivante. Comme le ciel et la nuit Ă©tait sombre, ils ont levĂ© le camp pour faire une halte et reposer les chevaux, contrairement Ă ce qui Ă©tait prĂ©vu.
â Une route aussi frĂ©quentĂ©e et entretenue en mauvaise Ă©tat pile au bon moment⊠gronda Rodrigue, peu dupe de tout ça, le cĆur de plus en plus lourd en devinant exactement ce qui sâĂ©tait passĂ© cette nuit-lĂ .
Il mettrait mĂȘme sa main au feu que câĂ©tait ce quâavait anticipĂ© MyrinaâŠ
â Câest vrai que câest Ă©trange. Ensuite, du peu que nous savons, des troupes habillĂ©es en noir et en rouge sombre les ont encerclĂ©s et les ont attaquĂ©s par surprise. Le prince a parlĂ© de « corbeaux humanoĂŻdes » alors, on se demande sâils ne portaient pas des masques, si ce ne sont pas ses blessures et lâhorreur de la situation qui lâont fait cauchemarder tout Ă©veillĂ©. Ă cause de la fatigue de la marche, de lâobscuritĂ© et de lâenclavement de la gorge, la garde a Ă©tĂ© dans lâimpossibilitĂ© de sâorganiser et sâest retrouvĂ©e dĂ©border par des troupes bien supĂ©rieures en nombreâŠ
â « âŠIls attaqueront aussi surement lâintendance depuis les hauteurs des gorges. Il leur suffira de disposer des archers, des magiciens et des lanceurs de javelots ici⊠ici⊠et Ă cet endroit. Ils pourront ainsi cibler lâintĂ©rieur mĂȘme de nos dĂ©fenses. Ce passage est un vĂ©ritable piĂšge et un lieu parfait pour les embuscades. Si vous voulez vraiment passer par ici, il faudrait entrainer nos troupes Ă se battre spĂ©cifiquement dans un environnement pareil et que nous soyons beaucoup plus de militaires que le nombre prĂ©vu pour le moment. Il faudrait Ă©galement beaucoup plus dâunitĂ©s volantes ou dâhomme sachant escalader des pentes abruptes, mes hommes des piĂ©monts ne suffiront pas. Non, traverser ses gorges est une folie [âŠ]. Si vous tenez tant que ça Ă y passer, faites-les nous traverser de jour et allez immĂ©diatement nous barricader dans le village fortifiĂ© un peu plus loin. Il ne faut absolument pas que nous y passions de nuit, ce serait comme demander Ă ce que nous nous fassions exĂ©cuter avec le sourire aux lĂšvres »⊠⊠⊠Rodrigue hĂ©sita Ă finir la dĂ©claration de Myrina, encore parfaitement claire dans son esprit mais, sây rĂ©solut, en Ă©cho avec ce quâil nâavait cessĂ© de rĂ©pĂ©ter. « âŠet je suis comme tout le monde, je tiens Ă ma vie et je veux revenir entiĂšre chez moi auprĂšs de ma familleâŠÂ ». CâĂ©tait une des prĂ©visions des dangers qui arriveraient sur la route. Myrina avait utilisĂ© les cartes et les descriptions du terrain pour tenter dâanticiper les menaces qui pourraient planer sur le convoi. Est-ce bien ce qui sâest passĂ©Â ? Le questionna-t-il pour ĂȘtre sĂ»r.
Gustave baissa les yeux en hochant la tĂȘte, tout aussi conscient de la situation que lui⊠Rodrigue sentit son poing se serrer, le sang gelĂ©, la morsure glaciale de la colĂšre dĂ©vorant son cĆur endeuillĂ©.
â Tout ceci aurait pu ĂȘtre facilement Ă©viter avec plus de prĂ©paration. CâĂ©tait Ă©vitable. MaisâŠ
Il se força lui-mĂȘme Ă se taire, sachant que cela ne rĂ©soudrait rien et que cela les mettrait tous en danger, surtout que tout le monde devait chercher des coupables⊠lâoccasion de rĂ©gler ses comptes avec son voisin et rival Ă©tait bien trop belle⊠tous les coups Ă©taient permis dans ces cas-là ⊠lâhomme avala donc bon grĂ© mal grĂ© ce quâil avait envie de cracher, laissant le duc parler et donner une rĂ©ponse plus convenable.
â Quâavez-vous commencĂ© Ă faire ?
â Je vais vous expliquer. Mais nous devons ĂȘtre extrĂȘmement prudent, les murs ont des oreilles. De plus, les grands seigneurs de lâOuest ont dĂ©jĂ commencĂ© Ă battre la campagne pour convaincre leurs sujets de lancer une vendetta contre Duscur, avec Kleiman Ă leur tĂȘte qui hurle quâil faut « purger les hĂ©rĂ©tiques de cette Terre »⊠autant dire quâil nâa jamais ouvert une seule fois les Ăcritures pour dĂ©clarer des choses pareilles.
â Et il nâa pas vu non plus lâĂ©tat de nos comptes et du trĂ©sor⊠nous sommes en pleine cĂ©sure, et de la nourriture a dĂ©jĂ Ă©tĂ© rĂ©quisitionner pour le convoi, nous allons surement devoir la rationner et en acheter encore plus Ă nos voisins⊠de plus, le voyage a coutĂ© trĂšs cher, et L⊠Sa MajestĂ© a utilisĂ© les fonds des rĂ©serves de la couronne pour le financer, et une partie des grands seigneurs. On nâavait pas le temps de prĂ©lever un impĂŽt exceptionnel en deux lunes, et il aurait rendu le voyage encore plus impopulaire quâil ne lâĂ©tait dĂ©jĂ . Si lâinstabilitĂ© perdure, il sera difficile de lever les impĂŽts et les taxes afin de renflouer les caisses⊠on va surement devoir faire payer le don gratuit aux Ă©glises en fixant le montant nous-mĂȘmes, et une redevance exceptionnelle Ă la noblesse tellement les caisses sont vides⊠une opĂ©ration militaire, mĂȘme Ă titre privĂ©e serait suicidaire pour tout le royaume⊠enfin, ils doivent penser que les mines de Duscur constituent une raison suffisante pour saigner encore plus Faerghus Ă blanc.
â Je le pense aussi, mĂȘme si je vous conseillerais de vous mĂ©fier. Les seigneurs de lâOuest ne vous portent guĂšre dans leur cĆur et risquent de faire barrage Ă vos actions », dĂ©clara Gustave, et Rodrigue nota avec mĂ©fiance le fait quâil ne se soit pas inclus dans la prise de dĂ©cision. Lui aussi nâĂ©tait guĂšre aimĂ© des trĂšs grands seigneurs de lâOuest qui le voyaient comme un cadet parvenu, bien que ce soit moins pire que leur mĂ©pris pour Nicola. Cela voulait surement dire quelque chose sâil ne sâincluait pas ainsi, mieux valait ĂȘtre prudent. « De plus, mĂȘme si Sa MajestĂ© vous a confiĂ© le Royaume le temps du voyage, maintenant quâil est terminĂ©, la loi donne le pouvoir Ă Son Altesse Rufus. Il faudra attendre que Sa MajestĂ© soit rĂ©ellement en pleine possession de ses moyens, sâil en dĂ©cide ainsi, pour quâil lui ĂŽte la charge de rĂ©gent Ă son frĂšre et vous la reconfie⊠surtout que je ne pense pas que le rĂ©gent vous Ă©pargnera⊠nous savons tous les deux que votre relation avec le frĂšre du roi est⊠compliquĂ©âŠ
« Si les premiers veulent lâobligation dâenvoyer leur enfant Ă la mort ou câest la tĂȘte coupĂ©e collective, le second ĂȘtre orphelin dĂšs lâenfance, et tous autant quâils sont avoir une espĂ©rance de vie qui dĂ©passe pĂ©niblement la trentaine dans leur famille, je leur offre ma place avec joie⊠comme ça, je rentre chez moi avec mon fils mâoccuper de mes terres et de ma familleâŠÂ »
Rodrigue fit taire cette voix sombre au fond de lui. Penser Ă des choses pareilles nâaiderait personne, autant lui que le Royaume. Il nâavait pas de temps Ă perdre en rumination ou avec sa colĂšre, il devait ĂȘtre efficace pour Faerghus. Sâil se perdait lĂ -dedans, il ne vaudrait surement pas mieux que ces vengeurs qui semblaient dĂ©terminer Ă achever leur propre pays. De plus, une fois que Lambert aurait retrouvĂ© ses esprits et se serait remis, sâil nâavait pas enfin retenu la leçon aprĂšs ce qui sâĂ©tait passĂ©, il essayerait encore de mĂ©nager la chĂšvre et le chou, ce qui rendrait la situation encore plus confuse et explosive quâelle ne lâĂ©tait dĂ©jà ⊠dĂ©jĂ que lâadhĂ©sion du peuple Ă©tait surement rĂ©duit en poussiĂšre aprĂšs ce qui sâĂ©tait passé⊠câĂ©tait Lambert qui avait tout manigancĂ© pour ce voyage, câĂ©tait connu, son peuple ne lâoublierait pas de sitĂŽt et risquait de lui faire sentir⊠Non⊠Il devait tout faire pour Ă©viter que le chaos ne sâinstalle et garder le Royaume en ordre, au moins pour que son fils ne grandisse pas pendant une guerre civile.
Le pĂšre pensa Ă FĂ©lix, Ă la conversation quâil avait eu avec son ainĂ© ce soir-là ⊠Glenn avait raison quand il disait que les joues de son petit frĂšre Ă©taient encore toutes rondes⊠il nâavait mĂȘme pas commencĂ© Ă muer⊠il Ă©tait tout petit... son corps ne se transformait mĂȘme pas encore pour devenir celui dâun homme⊠ses rĂ©actions et sa maniĂšre dâagir⊠il Ă©tait si jeune⊠ce nâĂ©tait pas encore un adolescent⊠ce nâĂ©tait quâun enfant⊠son enfant⊠son louveteau⊠il refusait de laisser quoi que ce soit le menacer de prĂšs ou de loin. Il ferait tout pour le protĂ©ger ! MĂȘme du roi lui-mĂȘme si nĂ©cessaire !
â Mais ça, je dois le garder pour moi et ne rien dire en toutes circonstances⊠se souligna le pĂšre Ă lui-mĂȘme avant dâajouter en duc du Royaume, prenant son chapelet entre ses doigts pour se calmer. Faisons en sorte dâĂ©viter que la situation ne se dĂ©grade encore plus quâelle ne lâait dĂ©jĂ .
*
Quand Alix sut ce qui sâĂ©tait passĂ© une fois le messager remis sur pied, puis ses informations complĂ©tĂ©es par la lettre de Rodrigue, il ne put sâempĂȘcher de bouillir de colĂšre. Oui, pour le Royaume, câĂ©tait mieux que le roi majeur survive, ça aurait Ă©tĂ© encore plus un merdier sans nom si on avait eu une rĂ©gence jusquâĂ la majoritĂ© de Dimitri, encore plus une de Rufus, et encore bien plus dâarguments raisonnables⊠mais par la DĂ©esse ! Sur les deux survivants quâil y avait eu, câĂ©tait Dimitri â les Braves en soient louĂ©s et remerciĂ©s pour lâĂ©ternitĂ© â et Lambert, et est-ce quâil devait « remercier » NĂ©mĂ©sis en personne pour ça ?! CâĂ©tait lui le responsable de ce fiasco ! Il nâavait tuĂ© personne de leur camp lui-mĂȘme mais, câĂ©tait lui qui avait poussĂ© tout le convoi Ă la mort avec ses conneries ! ça nâaurait pas pu ĂȘtre Glenn ou Nicola ou les deux lâautre survivant ?! Tout le monde mais pas lui ! Pas ce connard ! Sâil y avait une seule justice divine dans ce foutu monde, il serait curieux de voir la gueule des juges et des jurĂ©s !
Cependant, lâhomme fit tout pour se ressaisir immĂ©diatement. La situation Ă©tait critique, ça allait ĂȘtre un dangereux jeu dâĂ©quilibriste et un bras de fer permanent pour maintenir le Royaume en un seul morceau⊠enfin bon, ils avaient quatorze ans dâexpĂ©riences sous Lambert, plus dix-neuf sous Ludovic avec Rodrigue, ça valait toujours mieux que zĂ©ro Ă quelques mois maximum comme ce chien idiot. Ăa les aiderait Ă sâen sortir et tant pis sâils devaient lâabandonner sur le bord de la route au passage.
Bon, le connard Ă©tait en vie, et quand ils Ă©taient conscients, autant Lambert que Dimitri juraient devant la DĂ©esse que les duscuriens nây Ă©taient pour rien, dâaccord⊠il fallait faire en sorte de faire tourner cette nouvelle, afin dâĂ©touffer dans lâĆuf toute envie de vendetta. Il faudrait encore quelque chose pour concentrer la colĂšre face Ă ce fiasco mais, le peuple Ă©tait trĂšs conscient que ce voyage Ă©tait nĂ© de la volontĂ© de Lambert seul. Sâils se dĂ©brouillaient correctement, le roi pourrait devenir le centre de cette colĂšre et la concentrer sur lui⊠ce nâĂ©tait pas lâidĂ©al mais, câĂ©tait toujours mieux que la guerre avec Duscur⊠avec de bons agents qui courraient de ville en ville pour Ă©parpiller les bonnes informations, ça devrait le faire.
Si elle ne finissait pas par pĂ©ter une amarre pour de bon et par faire le doigt dâhonneur que Lambert mĂ©ritait, Alix pourrait surement demander lâaide de Fregn. Les srengs nâattaquaient pas les gens Ă terre, sauf les ĂȘtres les plus mĂ©prisables, et pas de doute que le chien idiot en faisait partie maintenant. Il pourrait sâen servir pour la convaincre de lâaider dans cette tĂąche, en plus de renouveler leur aide pour Ă©loigner Sylvain de Miklan⊠mĂȘme si les srengs nâĂ©taient pas un Ă©lĂ©ment Ă nĂ©gliger. Lambert avait surement perdu toute dignitĂ© Ă leurs yeux, et les traitĂ©s de paix avec les srengs prenaient en compte la respectabilitĂ© des deux partis, ils Ă©taient surement tous Ă refaire maintenant⊠Thorgil ne laisserait jamais passer une telle occasion, comme tous les autres rois srengs avec deux sous de jugeote. LĂ aussi, il ne faudrait pas se louper mais, il y rĂ©flĂ©chirait Ă ce moment-lĂ avec Rodrigue et les Charon.
Il faudrait aussi quâils se mĂ©fient des seigneurs de lâOuest. Alix voyait dâici ces chiens errants se lĂ©cher les babines, utiliser le deuil et la souffrance de tout le Royaume pour en provoquer encore plus. Les filons duscuriens valaient bien encore plus de sang versĂ© et encore plus de mort⊠ils devaient les neutraliser au plus vite.
Enfin, et le plus important, son rĂŽle Ă Egua serait surtout de protĂ©ger leur fief, en particulier leur rĂ©serve loogienne⊠lors de la fondation du Royaume, le roi Loog avait accordĂ© Ă la famille de tous ses compagnons de construire une rĂ©serve de nourriture inaliĂ©nable, mĂȘme sur ordre de roi Ă part si le seigneur rĂ©gnant en cĂ©dait une partie au roi en Ă©change de contrepartie, en remerciement de tous les services rendus pendant la guerre, et parce quâil ne les considĂ©rait pas comme acquis ou de la merde. Normalement, elle Ă©tait censĂ©e ĂȘtre juste pour conserver assez de bled pour nourrir leur capitale un mois mais, il Ă©tait devenue de coutume de demander dâagrandir la rĂ©serve loogienne Ă chaque fois que le seigneur en cĂ©dait une partie Ă la couronne⊠à force, la leur Ă©tait devenue immense, assez pour quâEgua tienne un an de siĂšge sans ravitaillement⊠évidemment, les jumeaux nâavaient pas Ă©tĂ© assez cons pour donner un grain de bled de cette rĂ©serve pour le convoi, comme tous les gens avec deux neurones actives. Lambert les avait dĂ©jĂ quasi forcĂ©s Ă lui avancer de lâargent quâil ne rembourserait jamais, il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin.
Mais bon, Alix voyait dĂ©jĂ les chiens errants venir gratter Ă sa porte, tout ça pour le supplier de leur donner lâaumĂŽne avec des yeux de chiot suppliant⊠puis japper et de montrer leurs petits crocs en menaçant de le mordiller avecâŠ
« Quâils essayent, et je leur montrerais ce que câest de vraiment mordre. Un chien errant ne fera jamais le poids face Ă un loup, » gronda-t-il intĂ©rieurement, se tendant comme un arc prĂȘt Ă envoyer une flĂšche, son regard sâaffutant dans le reflet de lâeau de son verre⊠il voyait presque le portrait effrayant de Guillaume Ă lâintĂ©rieur.
Il la but dâune traite, nâessayant mĂȘme pas de calmer le torrent furieux en lui. Au contraire, quâil lâalimente. Cette colĂšre lui donnait de la force, la rage de protĂ©ger leur fief et de tout faire pour que ce dĂ©sastre nâait pas plus de consĂ©quence sur lui et encore moins sur sa famille, mĂȘme sâil devait Ă©gorger Lambert lui-mĂȘme pour sa connerie⊠il nâen avait plus rien Ă foutre de ce connard Ă ce stade, mĂȘme sâil avait intĂ©rĂȘt Ă ĂȘtre discret pour ne pas finir la tĂȘte sur le billot le premier.
« Pour lâun ou lâautre⊠abusez de mon frĂšre et de sa patience, ou que qui que ce soit utilise le louveteau pour le forcer Ă se tuer au travail, que ce soit Lambert ou Rufus, et je jure que je finis le travail des comploteurs Ă leur placeâŠÂ »
*
Les nouvelles de Fhirdiad arrivĂšrent dâabord par les marins Ă Gautier, puis avec les cadavres de leurs hommes pour les annonces officielles trois semaines aprĂšs la TragĂ©die. Sylvain nâen croyait pas ses yeux. Tant⊠tant de corps et de morts ! Il sentait que câĂ©tait la pire idĂ©e du siĂšcle comme tout le monde mais, il nâaurait jamais imaginĂ© que ce serait Ă ce point-lĂ Â ! Il nây avait que la famille royale qui avait Ă©chappĂ© par miracle Ă ce massacre ! Dire que Dimitri Ă©tait lĂ -bas ! Il avait surement tout vu en plus ! Non, il avait tout vu tout court ! CâĂ©tait impossible quâil nâait rien vu⊠par les dieux dâAsgard, il devait ĂȘtre dans un Ă©tat !
« Faudra que je nĂ©gocie pour me rendre Ă la capitale dĂšs que lâoccasion se prĂ©sentera, songea-t-il, sachant dĂ©jĂ quâil ne pourrait pas aller Ă Fraldarius pour la morte saison aprĂšs tout ceci, les routes Ă©taient bien trop dangereuses, encore plus maintenant quâil Ă©tait majeur Ă Gautier. Dimitri doit ĂȘtre en miette Ă lâintĂ©rieur en plus de lâextĂ©rieur⊠par les Ases et les Vanes, tout ça car Lambert nâa Ă©coutĂ© ni Snotra ni Odin ! Câest vraiment un roi sans yeux ! RĂ©sultat, il a emmenĂ© tout le monde Ă la mort et traumatisĂ© Ă vie son propre fils ! Si ses blessures ne le tuent pas aussi ! Dimitri⊠je tâen supplie, survieâŠÂ »
« Quel gĂąchis⊠grogna son pĂšre en lisant la lettre lâinformant de ce qui sâĂ©tait passĂ©. Toutes ses vies perdues pour rien⊠apparemment, dans un Ă©clair de conscience, Sa MajestĂ© et Son Altesse auraient dit que ce nâĂ©taient pas des duscuriens qui les ont attaquĂ©s⊠Son Altesse parle de corbeau Ă forme humaine ou dâhumain Ă tĂȘte de corbeauâŠ
Il jeta un regard suspect Ă Fregn, Miklan grognant Ă leur mĂšre Ă la suite de leur pĂšre.
â Câest bien une attaque de sauvages ce genre dâembuscade, surtout pour des lĂąches comme les srengs. En plus, les autres magiciens comme ta sĆur-lĂ , Huld, couverts de tatouages de la tĂȘte au pied, câest pas une de leur spĂ©cialitĂ© de se transformer en monstre ? Surtout que vous montez dĂ©jĂ des monstres Ă tĂȘte de corbeauxâŠ
â Si câĂ©tait des mĂ©tamorphes srengs, on ne vous aurait pas attaquer en pleine montagne, ce genre de terrain nâest clairement pas Ă notre avantage, mĂȘme avec nos valravens, rĂ©torqua-t-elle sans trembler. On aurait voulu vous attaquer malgrĂ© les traitĂ©s, on aurait juste remontĂ© le fleuve pour piller Fhirdiad puis se tirer ensuite. Ăa aurait Ă©tĂ© bien plus rentable et moins dangereux. De plus, personne nâa intĂ©rĂȘt Ă la mort de votre roi chez nous. Si on veut un bon dĂ©fi, on va voir les Loups InsĂ©parables ou la Grande Famille. De plus, quand on attaque, on a le courage de le faire chez vous, et aucun souverain raisonnable ne se serait faufiler ainsi en pleine montagne. LĂ , il nây avait pas assez de bled pour que le dĂ©fi en vaille la chandelle, câest bien trop dangereux pour peu de rĂ©sultat. Personne Ă part un roi sans yeux nây serait allĂ© pour la beautĂ© du geste, et ils ne sont pas assez puissants pour se permettre une telle expĂ©dition, ou ils se feraient renverser Ă la seconde mĂȘme oĂč ils proposeraient lâidĂ©e Ă leurs concitoyens. »
Isidore fronça le nez Ă sa rĂ©ponse, avant de demander Ă ce que quelquâun effectue des recherches sur les magies permettant de se mĂ©tamorphoser, puis donna ses ordres pour quâon sâoccupe des morts. Sylvain resta prĂšs de sa mĂšre, lâaidant Ă poser ce qui restait de leurs armes dans les mains des dĂ©funts ou contre leur cĆur pour ceux qui nâavaient plus de bras. CâĂ©tait autant la coutume sreng que celle de Gautier pour les morts au combat aprĂšs tout, mĂȘme si les formules diffĂ©raient.
« Merci pour tout ce que tu as fait, tu as bien mĂ©ritĂ© de te rendre au Valhalla accompagnĂ© des valkyries, soit fier de toi pour ta force et tout ce que tu as apportĂ© Ă ce monde. Repose en paix jusquâau RagnarökâŠÂ » souffla Fregn Ă chacun, imitĂ© par Sylvain. Isidore Ă©tait occupĂ© Ă autre chose quâeux, et Miklan Ă©tait dĂ©jĂ parti de lâautre cĂŽtĂ© de la forteresse, aucun des deux ne lâentendrait utiliser les formules srengs.
Quand ils eurent fini, ils se lavĂšrent les mains puis, Fregn alla ouvrir un tonneau rempli dâhydromel. Elle en remplit deux grands gobelets puis, deux bassines avant de rĂ©pandre son contenu entre les morts, pour leur offrir un dernier verre chez les vivants et abreuver les chevaux des valkyries, aidĂ© par son fils. Ă la fin, ils burent tous les deux leur propre verre en leur compagnie pour leur souhaiter un bon voyage.
« Personne nâest devenu un berserkr pendant les combats on dirait⊠commenta Fregn en finissant son hydromel.
â Un berserkr ? SâĂ©tonna Sylvain en se rappelant de cette lĂ©gende. Ce sont les guerriers-fauves dâOdin en personne⊠pourquoi lâun dâentre eux apparaitrait chez les fodlans qui croient en Seiros et Sothis seule ?
â Hum, je ne tâen ai pas parlĂ©Â ? Enfin, câest vrai que câest trĂšs rare. Exceptionnellement, des magiciens peuvent devenir des berserkir quand ils sont au plus profond du dĂ©sespoir, ou quand ils nâont pas dâautres choix pour survivre. Ils entrent alors en transe et se transforme en bĂȘte pour survivre Ă la menace, mĂȘme si la plupart dâentre eux restent bloquĂ© sous cette forme. Quand ils meurent en sachant se retransformer ou au combat, Odin les intĂšgre dans son armĂ©e de berserkir oĂč lĂ , ils peuvent entrer en transe Ă volontĂ©. On reconnait le corps dâun berserkr par la prĂ©sence de fourrure ou dâattribut animal, un peu comme pour le Bavard, mĂȘme si lui nâĂ©tait pas un berserkr, bien trop pacifique pour ça. Câest justement en sâinspirant de ces guerriers que nos ancĂȘtres ont mis au point la mĂ©tamorphose animale. Ătant donnĂ© la violence des combats, jâai pensĂ© quâon pourrait en croiser un, et il aurait fallu une cĂ©rĂ©monie funĂ©raire spĂ©ciale pour lui alors, je faisais attention Ă tout signe Ă©trangeâŠ
â Câest pas faux. Hum⊠jâai vu personne ressembler à ça en tout cas⊠mais tu en as dĂ©jĂ vu ?
â Non, le dernier berserkr connu Ă©tait justement le dernier Gautier avant que cette famille ne jure allĂ©geance Ă Loog et Ă Fodlan. Gylfe Olofosson Gautier se serait transformĂ© plus dâune fois en un Ă©norme renard pendant quâil combattait lâEmpire, au dĂ©part pour empĂȘcher l'annexion de ses terres Ă Adrestia, Ă©tant donnĂ© qu'il Ă©tait du peuple sreng, puis pour le roi Loog qui lui avait prouvĂ© quâil mĂ©ritait son dĂ©vouement. Les membres de sa famille se faisaient rĂ©guliĂšrement exĂ©cuter pour rĂ©bellion et dĂ©sespĂ©rait souvent mais, câĂ©tait le seul qui Ă©tait aussi un magicien alors, il Ă©tait parvenu Ă se transformer alors quâil Ă©tait sur le point de se faire capturer et couper la tĂȘte, raconta-t-elle.
Sylvain se souvient un peu alors de lâavoir aussi lu dans un livre dâhistoire fodlan mais, qui disait que ces transformations nâĂ©taient quâun ajout de la lĂ©gende pour embellir ou tĂąchĂ© son histoire selon les auteurs. DĂ©jĂ quâil ne fallait pas dire trop fort que Gautier avait Ă©tĂ© sreng et pas un territoire fodlan autonome toujours dressĂ© contre lâempire, dire quâen plus qu'un des fidĂšles compagnons du roi Loog Ă©tait tellement sreng quâil Ă©tait aussi un berserkr des lĂ©gendes, câĂ©tait un peu trop pour plusieurs personnes de Fodlan, Isidore le premier. Fregn but une gorgĂ©e dâhydromel avant de reprendre, pensive.
â Hum⊠jâai aussi entendu parler de deux jumeaux de la mĂȘme Ă©poque plus au sud qui aurait fait la mĂȘme chose, lâun magicien, lâautre lancier mais, je suis moins sĂ»r que câĂ©tait bien deux berserkir⊠aprĂšs tout, il nây en a quâun des deux qui Ă©tait magicien⊠enfin, on en a pas rĂ©entendu parler depuis chez nous⊠pour dire Ă quel point câest rare⊠enfin, encore heureux Ă©tant donnĂ© quâon peut trĂšs difficilement revenir en arriĂšre. Pour Gylfe le Berserkr, il fallait plusieurs jours pour se retransformer et ça aurait Ă©tĂ© trĂšs douloureux, et je nâai pas dâautres informations pour ces jumeaux, surtout que dâautres sources disent quâils ne lâĂ©taient pas vraiment. Ăa aurait Ă©tĂ© un frĂšre et une sĆur du mĂȘme pĂšre mais, de mĂšres diffĂ©rentes qui seraient nĂ©s le mĂȘme jour et auraient dĂ©veloppĂ© un lien fusionnel semblable celui entre des jumeaux.
â On dirait lâhistoire de Torf et Poppa Daphnel⊠se rappela Sylvain. Enfin, câest surement mieux que ce soit aussi rare si câest difficile de redevenir humain, encore plus vu comment on peut en devenir un. En plus, les berserkir deviennent des animaux Ă taille humaine mais, sans un esprit humain alors, ça doit ĂȘtre facile de les prendre pour de vraies bĂȘtes sauvages. MĂȘme sâils sont fĂ©roces, ils peuvent toujours ĂȘtre pris pour des cibles par des chasseurs une fois la fureur du combat passĂ©.
â Oui, encore plus sâils ne se calment pas⊠encore heureux dans un sens, cela nâest pas arrivĂ©. Ils ont dĂ©jĂ dĂ» tous sombrer au plus profond du dĂ©sespoir, et aucun nâaurait dĂ» se rendre dans ce convoi digne dâun roi sans yeux, ils ne mĂ©ritaient pas de finir leur vie comme une bĂȘte sans conscience ni Ăąme Ă part lâidĂ©e de survivreâŠ
Sylvain hocha la tĂȘte en finissant son verre. MalgrĂ© tout ce qui sâĂ©tait passĂ©, câĂ©tait surement mieux quâaucun berserkr ne soit apparuâŠ
Fregn observa le champ de mort Ă leurs pieds, pensive. Tout ça pour un roi sans yeux⊠quel gĂąchis et quelle honte⊠câĂ©tait des personnes compĂ©tentes qui tenaient le gouvernail en ce moment avec les Loups InsĂ©parables et la Grande Fratrie mais, ce nâĂ©tait surement quâune question de temps.
« Il faudra que jâessaye ce dont mâa parlĂ© Huld, histoire de parer Ă toutes Ă©ventualitĂ©s⊠ce nâest pas garanti que ça marche mais, ce sera toujours mieux dâessayer que rien. »
*
« Tu vas voir avec Ingrid ?
Francis regarda sa femme Diane, accompagnĂ© dâHector et Colin, tous aussi inquiet que lui, tous portant leurs habits de deuils noirs et blancs. Plus de quinze jours aprĂšs le dĂ©part du convoi et Ă peine une semaine et demie aprĂšs leur retour sur leurs terres, ils avaient appris ce qui sâĂ©tait passĂ© lors du voyage⊠la lettre Ă©tait arrivĂ© avec le corps de FrĂ©dĂ©rique et tous leurs hommes. A part le prince et le roi, tout le monde Ă©tait mort et depuis, Ingrid sâĂ©tait enfermĂ©e dans sa chambre en refusant de sortir ou de prononcer un mot quand elle ne pleurait pas⊠ça faisait deux semaines maintenantâŠ
â Oui⊠au moins lui faire dire quelque chose ou manger un peuâŠ
â Et toi papa, tu as mangĂ©Â ? Lui demanda Hector.
â Et toi maman ? Ajouta Colin. Vous nâĂ©tiez pas Ă table avec nous Ă midiâŠ
Les deux parents Ă©changĂšrent un regard mal Ă lâaise, avant que Diane nâellipse la question, sâĂ©tant mis dâaccord pour ne pas dire quâils ne mangeaient quâune fois par jour Ă prĂ©sent, pour donner leur nourriture Ă leurs enfants.
â Oui, ne vous en faites pas, nous sommes simplement dĂ©bordĂ©s. On pourra remanger avec vous quand la situation se sera un peu calmĂ©e⊠on va essayer dâau moins ĂȘtre lĂ Ă midi.
Elle ne mentait pas complĂštement, ils Ă©taient dĂ©bordĂ©s et savait Ă peine oĂč donner de la tĂȘte, surtout que leurs caisses Ă©taient presque vides. La santĂ© financiĂšre nâĂ©tait dĂ©jĂ pas trĂšs bonne de base â câĂ©tait mĂȘme pour ça que FrĂ©dĂ©rique avait insistĂ© pour aller en Duscur, parce que la compensation Ă©tait trĂšs intĂ©ressante tellement personne ne voulait y aller â mais câĂ©tait encore pire maintenant⊠il avait dĂ» contribuer un peu pour financer ce voyage et ils sâĂ©taient saignĂ©s pour bien Ă©quiper leur fils ainĂ©, en se disant que son gambison et son bouclier de voyageur pourrait toujours servir ou ĂȘtre revendu. La couronne nâavait surement pas les moyens de leur payer la somme promise, leurs terres Ă©taient pauvres, et tout le Royaume allait surement devoir mettre la main Ă la poche pour le tenir debout et rembourser ce voyage⊠et Francis se maudissait de penser directement Ă tout ceci mais, il pouvait aussi faire une croix sur lâargent promis en dot par les Fraldarius pour le mariage dâIngrid et Glenn⊠il savait que câĂ©tait la mort de son frĂšre et de son fiancĂ© qui avait poussĂ© sa fille Ă sâenfermer mais, il devait aussi penser Ă comment sâoccuper de son fief ou mĂȘme de sa propre familleâŠ
« Jây penserais une fois quâelle ira mieux, câest trop tĂŽtâŠÂ » dĂ©cida-t-il en reprenant le chemin vers la chambre de sa petite.
La porte Ă©tait fermĂ©e, comme toujours depuis quâils avaient su pour⊠dire quâavant, Ingrid passait son temps dehors et ne restait dans sa chambre que pour dormirâŠ
Toquant lĂ©gĂšrement Ă la porte, Francis sâannonça, espĂ©rant ne pas trop entrer dans son espace mais, elle devait manger un peu.
« Ingrid ? Câest moi, je tâapporte ton repas. Câest de la soupe Ă lâoignon, tu aimes bien çaâŠÂ » Pas de rĂ©ponse. « Elle est bien chaude, tu devrais la manger maintenant, ça te rĂ©chauffera aussi un peu⊠on nâaura surement pas les moyens de se procurer du boisâŠÂ » Toujours pas de rĂ©ponse. Il ajouta alors. « Jâentre.
Doucement, presque sur la pointe des pieds, le pĂšre ouvrit la porte de la chambre. Il trouva sa fille roulĂ©e en boule dans sa couverture, cachĂ©e dans un coin avec un livre dans les mains. Il le reconnut tout de suite comme le cadeau que lui avait fait Glenn pour son anniversaire, un recueil de lĂ©gende de chevalerie⊠elle le lisait en boucle Ă chaque fois quâil venait la voir depuisâŠ
Francis lâapprocha prudemment, avant de se baisser vers elle en demandant, tĂątant le terrain.
â Cette histoire raconte quoi ?
â Lâhistoire de deux chevaliers⊠lâun disparait alors, lâautre se transforme en chien pour le retrouver⊠il nâarrĂȘte pas de chercher jusquâĂ le retrouver, mĂȘme sâil doit mourir dâĂ©puisement⊠à la fin, ils se retrouvent et lâamour du disparu permet Ă sa fiancĂ©e de redevenir humaine⊠tu crois que ça peut arriver ? Peut-ĂȘtre que si ça arrive, je pourrais⊠je pourrais peut-ĂȘtre⊠moi aussi, je⊠jeâŠ
Elle se remit Ă pleurer, Francis abandonnant le bol sur le sol pour tenir sa fille dans ses bras en essayant de la consoler. Elle appelait Glenn, elle appelait FrĂ©dĂ©rique, elle appelait tout le monde⊠elle voulait revoir tout le monde, quitte Ă devoir sâenfermer dans le corps dâune bĂȘte mais, câĂ©tait impossible⊠complĂštement impossibleâŠ
â Je suis dĂ©solé⊠je suis dĂ©solĂ© ma chĂ©rie⊠tout ça nâaurait jamais dĂ» arriverâŠÂ »
Ce fut les seuls mots quâil trouva Ă dire, nâayant aucune idĂ©e de ce qui aurait pu dire dâautres dans une telle situation, Ă part soutenir sa famille et ses enfants dans cette Ă©preuve avec tout ce quâil avait en luiâŠ
*
Quatre semaines aprĂšs leur arrivĂ©e Ă Fhirdiad, les funĂ©railles collectives pour tous les morts et autant de nuit pratiquement sans dormir, Rodrigue arriva Ă prendre quelques minutes pour diner avec FĂ©lix. Ils mangĂšrent leur soupe coupĂ©e avec du pain pour la rendre plus consistante en discutant tous les deux, ayant peu dâoccasion de le faire sans que le pĂšre ne soit Ă©puisĂ©. Il faisait tout le travail des personnes mortes avec les Charon, mĂȘme si Rufus semblait vouloir faire le mĂ©nage dans sa premiĂšre belle-famille en en Ă©loignant plusieurs ou en les sĂ©parant, surement par peur dâune alliance familiale, voir avec les Fraldarius Ă cause des derniers Ă©vĂšnements. Aux vues de lâinstabilitĂ© qui sâĂ©taient installĂ© Ă lâOuest, mĂȘme si les seigneurs Ă©taient des alliĂ©s de Rufus, ce dernier ne devait pas vouloir que lâEst devienne une force dâopposition, mĂȘme si sa maniĂšre de faire les rendait bien moins efficace pour pallier aux difficultĂ©s actuelles. Le seul qui pourrait faire quelque chose pour contrer les actions du rĂ©gent, câĂ©tait Lambert mais, si Dimitri se rĂ©veillait parfois quelques heures grĂące Ă la protection dâAreadbhar, son pĂšre ne lâavait pas encore fait. Le prince ne serait pas aussi fragile, il aurait donnĂ© la Relique au roi mais, ce nâĂ©tait pas le cas. Quand bien mĂȘme, lors dâun moment de conscience Ă leur retour, Lambert aurait interdit dâenlever la protection physique de Blaiddyd Ă son fils, de peur quâil ne survive pas sans elle. Au moins une chose de raisonnable de sa partâŠ
Rodrigue fit tout pour Ă©loigner ses pensĂ©es de lui. Il se mĂ©nageait dĂšs que possible quelques minutes Ă partager avec son louveteau et pour Ă©crire Ă Alix mais, câĂ©tait toujours si peu⊠il ne voulait pas gĂącher ses instants si prĂ©cieux avec FĂ©lix⊠sa petite forteresse de chaleur dans cette pĂ©riode si sombreâŠ
Leur ordinaire Ă©tait plus frugal que ce Ă quoi ils Ă©taient habituĂ©s mais, pour Ă©conomiser la nourriture et mieux la gĂ©rer, toute la ville Ă©tait rationnĂ©e depuis le dĂ©but de la semaine Ă lâexception des blessĂ©s et des malades, mĂȘme pour les nobles. Ils ne mangeaient mĂȘme plus de viande, Ă part le dimanche pour le jour de la DĂ©esse, comme aujourdâhui.
« Tient Félix⊠Rodrigue lui donna sa part carnée, la posant dans son assiette.
â Et toi papa ? Tu aimes bien la viande aussiâŠ
â Tu en as plus besoin que moi pour grandir correctement. Si tu ne manges pas assez, tu resteras tout petit, lui expliqua-t-il en se souvenant des histoires de Nicola, leur racontant que leur pĂšre Ă©tait trĂšs petit car, devant courir dans tout son fief pour Ă©chapper Ă ceux qui voulaient lui voler son hĂ©ritage et ses terres alors, il nâavait pas forcĂ©ment accĂšs Ă une bonne nourriture.
â Oui mais toi, tu es aussi trĂšs fatiguĂ©, tu travailles beaucoup, et câest pas grand-chose, alors⊠il coupa la petite tranche de maigre pour lui en donner la moitiĂ©. Tient, pour toi.
â Merci mon louveteau », lui sourit-il.
Ils piquĂšrent tous les deux leur moitiĂ© et nâen firent quâune bouchĂ©e en mĂȘme temps, se faisant rire un peu tous les deux de leur synchronisation. Rodrigue passa un doigt affectueux sur la joue de son fils, le cĆur plus lĂ©ger dâĂȘtre avec lui⊠ces rares petits moments de lumiĂšre avec les lettres dâAlix⊠il ne les Ă©changerait pour rien au mondeâŠ
Ils finissaient de nettoyer leur assiette quand un serviteur entra dans lâĂ©tude. Rodrigue sâattendit Ă un nouvel appel Ă la vengeance contre Duscur mais, lâhomme leur annonça Ă la place :
« Sa Majesté a repris connaissance. Il est encore faible mais, ses jours ne sont plus en danger. On vous demande immédiatement dans ses appartements.
Au lieu dâĂȘtre soulagĂ©, Rodrigue sentit tout son corps se tendre, comme avant un combat difficile. Ă part par lâentrebĂąillement de la porte, il nâavait pas vu et nâĂ©tait jamais allĂ© au chevet de Lambert, nâayant tout simplement pas le temps de le faire entre toutes ses obligations et le peu de temps quâil pouvait accorder Ă FĂ©lix ou pour Ă©crire Ă Alix. Il avait Ă peine pensĂ© au moment oĂč Lambert se rĂ©veillerait ou si on lui annonçait sa mort⊠ce quâil devait faire ou non, comment agir⊠il nâavait pas envisager que la simple pensĂ©e de le voir vivant lâangoisserait autant, pas au point de vouloir refuser⊠mais il devait bien obĂ©irâŠ
Le pĂšre sentit le poing de FĂ©lix se serrer sur sa manche, son petit grognant en sâaccrochant Ă lui.
â Tâas pas Ă le voir si tâas pas envie⊠pas aprĂšsâŠ
Rodrigue le fit taire en posant sa main sur ses Ă©paules et en lui faisant non de la tĂȘte, un avertissement silencieux avec son air grave. Ăvidemment, son fils avait senti son apprĂ©hension⊠il devait faire plus attention Ă mieux cachĂ© ce quâil ressentait⊠de plus, ils devaient faire trĂšs attention Ă ce quâils disaient, câĂ©tait dangereux. Rufus avait dĂ©jĂ jetĂ© un noble au cachot pour avoir osĂ© dire tout haut que Lambert Ă©tait indigne de son statut de roi⊠un roturier aurait eu droit Ă la corde⊠il fallait ĂȘtre extrĂȘmement prudent, mĂȘme ses lettres avec Alix Ă©taient codĂ©es quand ils se plaignaient lâun Ă lâautre de la situation, ce qui Ă©tait un des rares moments oĂč ils pouvaient vraiment vider leur sac sur cette farce grotesque⊠le pĂšre avait dĂ©jĂ prĂ©venu son fils mais, câĂ©tait difficile pour quelquâun dâaussi jeune de mentir autant sur ce quâil pensait vraiment, encore plus aprĂšs ce que Lambert avait fait Ă leur famille⊠mieux valait prendre les devants.
â Câest un ordre, je dois y aller. Mais tu peux rester ici si tu veux, tu nâes pas obligĂ© de venir si tu ne veux pas voir Lambert tout de suite. Dâaccord ?
FĂ©lix fit la moue mais, accepta dâun hochement de tĂȘte. Rodrigue le remercia en passant sa main sur sa tĂȘte, avant de suivre le domestique jusquâaux appartements de Lambert.
Plus ils se rapprochaient, plus le nĆud de ses entrailles se resserra, lâapprĂ©hension montant Ă chaque pas, lâempĂȘchant de plus en plus de respirer, comme si ses poumons avaient gelé⊠mais ce fut pire quand le pĂšre entra dans la chambre de son roi.
Il Ă©tait lĂ , allongĂ© dans son lit, une de ses Ă©paules complĂštement bandĂ©e Ă cause dâun coup de hache qui aurait surement pu le dĂ©capiter, si le coup avait Ă©tĂ© plus prĂ©cis. Des brĂ»lures de magie noire le recouvraient de toutes parts (mais il Ă©tait encore en vie contrairement Ă Glenn, dont le torse avait Ă©tĂ© explosĂ© par un sort), plusieurs de ses os Ă©taient cassĂ©s (mais il Ă©tait encore en vie contrairement Ă Nicola, dont tous les os avaient Ă©tĂ© si disloquĂ© quâon nâavait pas pu le ramener), ainsi que des coupures et une contusion Ă la tĂȘte⊠âŠheureusement sans gravitĂ© (mais il Ă©tait encore en vie contrairement Ă Jacques dont le crĂąne avait Ă©tĂ© explosĂ© Ă coup de masse)⊠cela ne devrait pas le tuer (contrairement Ă tous les autres membres du convoi). Il avait lâair hagard, le teint gris, les yeux ternes et cernĂ©s mais, il bougeait encoreâŠ
Lambert bougeait encore luiâŠ
Rodrigue nâavait rien ressenti de tel quand Dimitri avait entrouvert les yeux. Pour lui, cela nâavait Ă©tĂ© que du soulagement de le voir bouger, parler un peu, de le voir demander comment allait les jeunes duscuriens dont la famille les avait sauvĂ©s, lâayant accompagnĂ© Ă Fhirdiad, son sourire de voir le frĂšre et la sĆur vivants Ă ses cĂŽtĂ©s. Cela sonnait parfaitement juste de le consoler quand il sâĂ©tait excusĂ© que tout le monde soit mort, surtout Glenn qui serait mort Ă sa place⊠câĂ©tait normal et la vĂ©ritĂ© de lui dire que ce nâĂ©tait pas de sa faute⊠ce nâĂ©tait pas sa faute, câĂ©tait une victime de toute cette histoire lui aussiâŠ
LĂ , quand Lambert tourna son regard bleu terne vers lui, lâair dĂ©solĂ©, perdu, Rodrigue ne ressentit rien de tout cela, juste un vide profond qui transperçait sa poitrine, un torrent furieux rempli de mĂ©pris se dĂ©versant Ă lâintĂ©rieur. Il savait quâil nâen restait plus grand-chose, encore plus du cĂŽtĂ© dâAlix mais, ils avaient Ă©tĂ© amis tous les trois, ils avaient mĂȘme grandi ensemble, cĂŽte Ă cĂŽte pendant des annĂ©es⊠mais lĂ , en le voyant ici, allongĂ© dans ce lit et en vie alors que tant de monde Ă©tait mort⊠alors que Glenn, Nicola, Jacques et tellement dâautres de ses proches et sujets Ă©taient morts comme ils lâavaient tous anticipĂ©s⊠quand Lambert les avait tous jetĂ© Ă la mort sans rĂ©flĂ©chir⊠son esprit ne put penser quâĂ une seule chose quand son roi bafouilla, ne pouvant ne rien dire dâautre de toute façon :
« Je suis dĂ©solĂ©âŠÂ »
« Tu es tellement pathĂ©tique⊠tes excuses ne me rendront jamais mon fils et mon compĂšre, ni aucun autre enfants, parents, frĂšres, sĆurs, cousins, tantes, oncles, amis et mĂȘmes rivaux et ennemis de personne⊠tu ne ramĂšneras jamais personne avec tes excuses, il fallait y penser et Ă©couter ce que tu ne voulais pas entendre avant chien idiotâŠÂ »
Cependant, Rodrigue se força Ă dire avec soulagement, mĂȘme sâil devait en vomir aprĂšs. Il devait dire ceci, pour le bien de sa famille et pour protĂ©ger ce qui lui restait.
« Je suis heureux de vous voir hors de danger Votre Majesté⊠JâespĂšre que vous vous rĂ©tablirez viteâŠÂ »
Ses mots creux semblĂšrent contenter Lambert, qui arriva Ă grimacer un sourire triste et rassurĂ© en le voyant mais, cela ne fit que donner un haut-le-cĆur Ă Rodrigue. Il ne voulait pas ça, il voulait son fils ! Son compĂšre ! Ses sujets dont il avait trahi la confiance en Ă©tant obligĂ© de les envoyer Ă la mort ! Rodrigue sentait la colĂšre dâAlix dâici, savait exactement Ă quoi il penserait sâil Ă©tait Ă sa place comme sâil Ă©tait Ă cĂŽtĂ© de lui⊠ils Ă©taient toujours blessĂ©s en mĂȘme temps, mĂȘme en ne recevant aucun coup⊠lâautre Ă©tait lâun et lâun et lâun Ă©tait lâautre, depuis toujoursâŠ
« Mais quel connard⊠il gobe tout ce quâon lui raconte sans hĂ©sité⊠comme sâil nâavait pas envoyĂ© tout le monde Ă la mort lui-mĂȘme⊠câest de sa faute si on est dans la merde jusquâau cou ! Alors, tu ranges tes excuses, vire Rufus et tu nous laisses gĂ©rer avec des gens compĂ©tents ! »
Rodrigue savait que ce serait ce Ă quoi penserait Alix en voyant tout ceci⊠les jumeaux seraient aussi inconscients que lui, ils lui enverraient surement tous leurs reproches dans la figure avant de le laisser se dĂ©brouiller seul⊠mais pour garder la tĂȘte sur les Ă©paules dans tous les sens du terme et pour le bien du Royaume, ils devaient garder le silenceâŠ
Le duc Ă©changea alors des banalitĂ©s avec Lambert, lui demanda comment il se sentait, puis lâinforma de lâĂ©tat de Dimitri et du Royaume, ainsi que les premiĂšres actions quâils avaient fait avec Gustave, LachĂ©sis et ThĂšcle Charon maintenant quâelles Ă©taient Ă la capitale⊠quand Rufus les laissait travailler en paix et sans dĂ©tricoter tout ce quâils faisaient quand ça ne lui plaisait pas, câĂ©tait lui le rĂ©gent officiel aprĂšs tout⊠cependant Gustave lâempĂȘcha de lui en parler, Lambert Ă©tait trop fatiguĂ© pour ça⊠ils purent discuter que quelques minutes avant que le blessĂ© ne se rendormeâŠ
Quand il ressortit enfin de cette chambre et retourna mĂ©caniquement dans son bureau pour se remettre au travail, Rodrigue avait toujours ce mauvais gout dans sa bouche, sa gorge serré⊠tellement que le nĆud fissurait tout ce qui lâentourait, sa magie rĂ©agissant bizarrement Ă tout ceci⊠il voudrait tellement quâAlix soit lĂ âŠ
« Et bien, quelle tĂȘte dâenterrementâŠ
Le duc fit tout pour ne pas montrer quoi que ce soit en entendant Rufus lâapprocher, le coupant sur le chemin de son Ă©tude. Il regarda le⊠rĂ©gent lâapprocher, la seule personne de tout le palais Ă peu prĂšs en forme et de relative bonne humeur, mĂȘme sâil agitait les envies de revanches des seigneurs de lâOuest. Ă ses joues bien pleine et son Ă©nergie, il ne devait pas respecter le rationnement mais bon, câĂ©tait le cadet des soucis de Rufus de respecter les rĂšgles et il ne sâen cachait pas⊠si Lambert ne tarderait surement pas Ă ĂȘtre lâun des hommes les plus dĂ©tester du Royaume, Rufus lâĂ©tait dĂ©jĂ aux vues de son comportement et de ses propres prises de position⊠discrĂštement, Rodrigue rĂ©pondit en respectant lâĂ©tiquette.
â Veuillez mâexcuser, je suis simplement trĂšs fatiguĂ©, mes devoirs me prennent Ă©normĂ©ment de temps et dâĂ©nergie.
â Bien, on aurait dit que vous Ă©tiez déçus de voir mon frĂšre en vie, gronda-t-il avec un sourire qui devait se vouloir menaçant mais, qui nâimpressionnerait pas Rodrigue si ce nâĂ©tait pas le rĂ©gent, il avait vu largement pire comme adversaire. Jâavoue que je trouvais ça suspect aprĂšs ce qui sâest passĂ©, encore plus quand je vous voie ĂȘtre contre la guerre contre les duscuriens, alors quâils sont Ă©videmment coupables.
â Je ne songerais Ă rien de tout cela envers Sa MajestĂ©, lui assura-t-il en repoussant son malaise de tout Ă lâheure, ne devant rien montrer Ă Rufus sâil tenait Ă sa tĂȘte. Et je ne fais quâĂ©couter les dires de Sa MajestĂ© et de Son Altesse, toutes deux jurent que les duscuriens ne les ont pas attaquĂ©s, mais sauver au contraire. Ils doivent surement la vie aux villages voisins, en particulier la famille Molinaro qui se sont occupĂ©s dâeux. Son Altesse Ă©tait dĂ©vastĂ©e quand il a appris ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă ce village Ă qui son pĂšre et lui doivent la vie. Si lâenquĂȘte prouve la culpabilitĂ© des duscuriens, je reverrais mes positions mais pour le moment, nous devons surtout penser au maintien du Royaume dans cette pĂ©riode de cĂ©sure et de deuil. Les Charon, les Gautier, mon frĂšre et moi-mĂȘme pensons prĂ©fĂ©rables dâĂ©pargner une guerre Ă nos finances, et dâorienter le maximum de nos fonds vers le maintien des aides aux nĂ©cessiteux, lâachat de vivres de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, de lâadministration, la justice, la protection des routes et la lutte contre le brigandage, expliqua-t-il encore en faisant tout pour ne pas se tirer une flĂšche dans les pieds au passage.
â Hum⊠bien, mĂȘme si cela me semble bien lĂąche et facile. CependantâŠÂ », Rufus lui attrapa le bras, serrant comme il pouvait malgrĂ© son absence totale dâentrainement, sauf Ă celui des plaisirs, « âŠvous nâĂȘtes pas sans ignorĂ© que mon pĂšre Ludovic vous portait en haute estime, et mĂȘme bien trop si vous voulez mon avis. Vous avez intĂ©rĂȘts Ă ĂȘtre Ă la hauteur des louanges que le vieux vous faisait, me suis-je bien fait comprendre ?
â Bien Ă©videmment, mon seul dĂ©sir est la survie du Royaume et de son peuple, comme feu Sa MajestĂ© le roi Ludovic lâavait toujours Ă cĆur. Je me dĂ©voue corps et Ăąme Ă cet objectif de bien commun.
â Tant mieux, cela vaut mieux pour votre tĂȘte. Ne vous prenez pas pour plus que vous nâĂȘtes, surtout que vous semblez assez lent Ă la tĂąche alors que le pire a Ă©tĂ© Ă©vitĂ©. Lambert et Dimitri sont en vie, câest tout ce qui compte. Vous devriez vous en rĂ©jouir.
Rodrigue se mordit la langue, faisant tout pour ĂȘtre aussi impĂ©nĂ©trable que possible. Rufus le rĂ©pĂ©tait souvent celle-lĂ âŠ
« ArrĂȘtez dâĂȘtre triste car, des membres de votre famille et de votre peuple sont morts pour rien dans une boucherie Ă©vitable. Soyez plutĂŽt heureux et parfaitement satisfait car, mon frĂšre et son fils sont encore en vie. Si ça va pour la famille royale qui est MA famille, cela va pour tout le monde alors, retournez au travail sans vous plaindre. »
Enfin⊠câĂ©tait comme ça que ça sonnait dans les oreilles de tout le monde. Les sĆurs Charon Ă©taient les premiĂšres Ă vouloir lâĂ©trangler pour ça, ayant perdu treize frĂšre, sĆur, beaux-frĂšres, belles-sĆurs, neveux et niĂšces dans la TragĂ©die, comme pratiquement tout le palais et la ville mais, tous savaient que la phrase suivante Ă©tait lâordre de se taire sinon, câĂ©tait la corde.
Le duc rĂ©pondit alors, faisant tout pour ĂȘtre parfaitement dans son rĂŽle de subordonnĂ©.
â Je remercie tous les jours la DĂ©esse pour la survie de la famille royale. Ma lenteur et celles de mes associĂ©s sâexpliquent par la surcharge de travail et le manque de mains, plusieurs dâentre nous sont morts pendant la TragĂ©die. Nous travaillons Ă©galement Ă rĂ©soudre ce dernier problĂšme avec les sĆurs Charon. Maintenant, si vous voulez bien mâexcuser Votre Altesse, je me dois de retourner Ă mes tĂąches », dĂ©clara-t-il avec une rĂ©vĂ©rence respectueuse et en soulignant le « Votre Altesse » en se montrant le plus soumis possible au rĂ©gent afin de respecter ses dĂ©sirs et ne pas sâattirer ses foudres.
Rodrigue sâesquiva pour se rendre dans son bureau aprĂšs avoir vu le sourire satisfait de Rufus. Sâil se montrait suffisamment docile envers lui, il devrait plus facilement pouvoir manĆuvrer dans lâadministration et refuser des choses Ă ses fidĂšles, arguant quâil nâĂ©tait pas contre lui mais, juste en dĂ©saccord. CâĂ©tait humiliant de sâaplatir devant un homme tel que Rufus, et ça nâarrangeait pas cette impression de vide interne en lui mais, cela en vaudrait la peine si cela pouvait protĂ©ger des vies et le Royaume, en particulier si ça protĂ©geait sa famille.
Le duc travailla jusquâĂ tard, cette sensation dĂ©sagrĂ©able ne le quittant pas une seconde jusquâĂ ce quâil arrive Ă se trainer jusquâĂ ses appartements, Ă bout de force, comme si voir Lambert puis Rufus lâavait vidĂ© de son Ă©nergie.
Cependant, quand il entra, il fut accueilli par FĂ©lix, encore debout malgrĂ© lâheure tardive, un chat tricolore Ă cĂŽtĂ© de lui, appelĂ© « Fleuret » Ă cause de ses tĂąches ressemblant Ă des fleurs et en rĂ©fĂ©rence Ă Fleurette. CâĂ©tait un des errants qui parcouraient le palais, son fils lâavait pratiquement adoptĂ© depuis quâil Ă©tait ici, il lui tenait compagnie. Les cahiers de FĂ©lix Ă©taient entassĂ©s sur le bureau, ses mains couvertes dâencre indiquant quâil avait bien travaillĂ© pendant la journĂ©e. Rodrigue faisait attention Ă ce quâil ne nĂ©glige pas trop ses Ă©tudes, il aurait toujours besoin dâune tĂȘte bien faite, encore plus dans une pĂ©riode aussi incertaine qui sâannonçait. Deux assiettes aussi pleines que le rationnement le permettait les attendaient aussi.
Son louveteau sauta du banc quand il le vit rentrer, se prĂ©cipitant vers lui pour enrouler ses bras autour de sa taille. Il ne dit rien mais, Rodrigue comprit oĂč il voulait en venir. Son inconfort dâavoir revu Lambert sâenvola, chassĂ© par son envie de serrer FĂ©lix dans ses bras, comme si câĂ©tait un miracle de le voir en vie⊠câĂ©tait un miracle quâil soit en vie, il Ă©tait nĂ© si faible⊠il Ă©tait encore si fragile, quâun enfant⊠mais il Ă©tait aussi si fort, ne tombant pas⊠comme sa mĂšre⊠comme toujours⊠Rodrigue ferait tout pour quâil ne risque rienâŠ
« Je suis un pĂšre horrible, je mâappuie plus sur mon fils que lâinverse⊠je suis dĂ©solĂ© FĂ©lix⊠mais merci pour tout⊠merci dâĂȘtre là ⊠je tâaime mon louveteau, plus que tout⊠je te protĂ©geraisâŠÂ »
Ils mangĂšrent tous les deux avant que FĂ©lix nâaille dormir, Fleuret contre sa poitrine. Allumant une petite sphĂšre de feu au-dessus de sa feuille, Rodrigue Ă©crivit Ă Alix pour raconter tout ce qui sâĂ©tait passĂ© aujourdâhui, tout en codant leur lettre personnelle, Ă©crivant Ă lâammoniac entre les lignes ordinaires. Dâhabitude, il Ă©crivait leurs codes dans une autre encre invisible qui se rĂ©vĂ©lait Ă la chaleur, il pourrait feindre que ces mots nâĂ©taient que des grognements entre frĂšres et de la prudence excessive mais lĂ , câĂ©tait des Ă©tats dâĂąmes plus dangereuses pour eux⊠mieux valait utilisĂ© une encre sympathique nĂ©cessitant un rĂ©actif, mĂȘme sâil devait lâĂ©conomiser⊠il voulait juste en parler plus avec Alix que seulement en devinant ce quâil pensait.
Une fois sa lettre scellĂ©e et avoir rĂ©citer ses priĂšres pour sa famille, le Royaume et les morts, Rodrigue alla se coucher aprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© que son fils allait bien, sâenfonçant dans un sommeil agitĂ©, sa magie picotant dans ses veines Ă cause de toutes les Ă©motions de la journĂ©e.
*
« Grmph⊠il ne manque pas de culot celui-lĂ âŠÂ »
Rufus descendit un verre de vin dans ses appartements, repensant Ă sa confrontation avec Rodrigue plus tĂŽt. Il savait quâil mentait, ce type mentait mal et cela se voyait. Il disait se rĂ©jouir de la survie de la famille royale et pour Dimitri, le rĂ©gent voulait bien y croire mais, pour Lambert, il savait que câĂ©tait faux, mĂȘme si rien ne lâindiquait sur son corps quand il parlait, Rufus le sentait ! De quoi il se plaignait ?! Lambert Ă©tait en vie et Dimitri aussi, le Royaume quâils aimaient soi-disant tous allaient survivre, pas la peine de faire des tĂȘtes dâenterrement Ă chaque fois quâil voyait leur roi ! ça devrait les rassurer au contraire ! Ils cachaient tous quelque chose, câĂ©tait sĂ»r ! Tous ! Tous ! Et ce loup enragĂ© le premier ! Mais câĂ©tait impossible de le prouver ! Son visage Ă©tait aussi impĂ©nĂ©trable que celui de ce glaçon de Ludovic !
« Foutu loup enragé ! »
Enfin bon, il avait pu voir Rodrigue sâaplatir et ça, Rufus ne pourrait jamais sâen lasser. Voir lâun des favoris Ă©vidents et avĂ©rĂ©s de son pĂšre devoir admettre ce quâil Ă©tait, quâun simple vassal dont il pouvait demander et obtenir la mort quand il voulait, câĂ©tait satisfaisant.
« La prochaine fois, je le fais sâagenouiller devant moi, quâil apprenne enfin oĂč est sa vraie place. »
Sortant la clĂ© de sa chemise de corps, Rufus ouvrit doucement sa cassette oĂč il gardait le testament de son pĂšre, le lisant encore, se rappelant de ce vieux lion Ă©dentĂ© et essoufflĂ©, en train de dĂ©pouiller son propre fils de son hĂ©ritage avec sa stupide idĂ©e de monarchie Ă©lective, tout ça pour choyer les rejetons de son « grand frĂšre » adorĂ©.
« âŠainsi, Ă©crivait la main tremblante de Ludovic, secouĂ© de toux et de crachat de sang tuberculeux, les tĂąches rendant le parchemin presque illisible Ă plusieurs endroits Ă prĂ©sent mais, Rufus le connaissait par cĆur Ă ce stade, en mon Ăąme et conscience, je me dois de lâadmettre et reconnaitre que dans la situation actuelle, si je devais voter pour Ă©lire le prochain roi, ma voix irait aux jumeaux Rodrigue Achille Fraldarius et Alix PersĂ©e Fraldarius. Selon mon expĂ©rience, mon esprit et ma propre rĂ©flexion, ainsi que lâobservation de leurs parcours et dĂ©cisions antĂ©rieurs, ils sont les plus Ă mĂȘme de prendre soin du Royaume pour le mener vers un jour meilleur. âŠÂ »
Rufus froissa le papier entre ses mains, maudit les noms encore parfaitement visibles malgrĂ© le sang qui noircissait de jour en jour, mĂȘme sâil nâarriva toujours pas Ă le jeter au feu. Ce vieux lion⊠il le voyait encore, le teint gris, les joues creuses, les yeux mort⊠un squelette vivant juste rempli de maladie, vidĂ© de vie et de force mais, qui en trouvait encore assez pour affirmer quâil ne laisserait jamais Lambert devenir roi, quâil nâĂ©tait pas fait pour ça et quâen substance, il Ă©tait indigne de cette tĂąche⊠il serait encore lĂ , Ludovic sâen donnerait surement Ă cĆur joie pour dire quâil avait raison⊠aprĂšs tout, ce nâĂ©tait quâun bloc de glace insensible avec juste le Royaume et la famille de son « grand frĂšre » Guillaume en tĂȘteâŠ
« Alors pĂšre ? Ils sâen sortent comment tes petits favoris ? Si intelligents, si habile, si comprĂ©hensifs des besoins du peuple, si raisonnables et avec la tĂȘte sur les Ă©paules ? Et la famille de ta petite crĂ©ature HĂ©lĂ©na qui Ă©tait â oh ! â bien plus douĂ©e que Lambert en politique, tout comme le reste de sa fratrie ? Qui mettrait Lambert sur le droit chemin en Ă©tant sa petite femme ? Tu dois te sentir bien con de les voir tous Ă©chouer comme ça et dâavoir provoquĂ© toutes ses morts, avec lâaide des duscuriens. Ils auraient prĂ©parĂ© ce voyage sĂ©rieusement, rien de tout ça ne serait arrivĂ©. Enfin, te connaissant, tu dirais Ă Lambert quâil est trop naĂŻf et borné⊠grogna-t-il tout seul en renfermant les documents volĂ©s Ă double tour dans sa cassette. Sâils sont si forts, je peux bien les titiller un peu, ils sâen sortiront bien⊠DĂ©esse, jâaimerais tellement voir ta tĂȘte ! »
*
« Derdriu ! Derdriu Ă lâhorizon capitaine ! Cria le marin au nid-de-pie.
â Aaaaah ! Câest bon de revenir Ă la maison !
â Surtout quâon a fait de bonnes affaires !
Ivy sourit en voyant ses hommes sâagiter tout en travaillant, nouant et dĂ©nouant les bons nĆuds, veillant aussi Ă ce que les voiles tiennent correctement le vent. Elle-mĂȘme tenait la barre, son navire volant sur les vagues alors quâelle aussi voyait leur port dâamarrage, bien protĂ©gĂ© par la mer au fond de sa lagune. AprĂšs six mois Ă commercer en Almyra, ça faisait du bien de retrouver leur Alliance bien-aimĂ© Ă la plupart dâentre eux, mĂȘme Ivy avait dĂ©jĂ hĂąte de reprendre la mer pour se rendre en Faerghus. Ăa faisait une Ă©ternitĂ© quâelle nâavait pas rendu visite aux jumeaux, Glenn et FĂ©lix, elle avait plein de choses Ă raconter aux garçons ! Elle avait aussi mis la main sur un thĂ© que FĂ©licia aurait surement adorĂ© si elle Ă©tait encore parmi eux, elle voulait aussi passer lui dire bonjour et le partager avec elle, mĂȘme si Ivy Ă©tait bien moins bec sucrĂ© quâelle. Enfin, avant ça, fallait dĂ©jĂ quâils passent les bancs de sable recouverts par la marĂ©e haute, puis dĂ©chargent leurs marchandises⊠Ivy devait aussi payer ses marins, mettre lâargent dont ils nâavaient pas besoin pour leur prochain voyage Ă la banque, aller refaire leurs passes-ports et papiers officiels pour cette annĂ©e car, lâadministration adorait les Ă©pices⊠bref, autre chose Ă faire que rĂȘvasser avant de retourner voguer sur les flots !
â Vous discuterez Ă terre ! Passons le Croche-Navire et on parlera en descendant notre butin ! Ordonna-t-elle alors que Noce sâenvolait de son Ă©paule pour ajouter.
â Passage dangerrrreux ! Sâexclama le perroquet gris Ă la queue rouge en volant tout autour des marins. Tout le monde sur le pont !
â Bien capitaine ! »
Habilement, ils passĂšrent le banc de sable piĂ©geux puis, arrivĂšrent Ă bon port. Une fois les formalitĂ©s administratives rĂ©glĂ©s, leurs cargaisons en lieu sĂ»r, les rendez-vous pris et les intermĂ©diaires payĂ©s, ils allĂšrent tous fĂȘter leur retour Ă leur taverne habituelle, buvant Ă leur santĂ© une grande chope de biĂšre.
« Et bien Ivy, ça fait un moment quâon ne vous avait pas vu ! Sâexclama la taverniĂšre, une bonne connaissance Ă eux Ă force. Vous ĂȘtes allĂ©s plumer qui cette fois pour ramener un pactole pareil ?
â Almyra pendant six mois et on a fait des affaires complĂštement lĂ©gales Tessa, lui assura-t-elle avec un sourire. Câest pas ma faute si les gens sont nuls pour nĂ©gocier. En tout cas, ressert moi une bonne choppe, ça me changera du jus de fruit !
â Ă la vitesse oĂč vous videz vos verres, je parie que vous Ă©tiez dans la partie oĂč ils nâont pas le droit de boire de lâalcool, ria la taverniĂšre en devinant dĂ©jĂ quâelle allait faire une excellente recette ce soir.
â Ouais, loi divine du coin. Ils fument pour se mettre la tĂȘte Ă lâenvers eux. Jâai essayĂ© quand je suis allĂ©e lĂ -bas la premiĂšre fois mais, câest pas Ă mon gout. Rien ne vaut la bonne biĂšre derdrienne pour nos palais leicesters !
â Tu mâĂ©tonnes⊠et vous ramenez quoi de lĂ -bas ?
â De belles Ă©toffes, des pigments, des Ă©pices qui se mangent, des livres de tout et nâimporte quoi, de lâencens, de lâivoire, de lâor⊠la routine habituelle pour un petit voyage en Almyra orientale⊠lista-t-elle en prenant une autre gorgĂ©e du liquide ambrĂ© et rond sur sa langue. Et ah ! Du thĂ© aux aiguilles de pins dâAlmyra et du sucre au thĂ©âŠ
â Du sucre au thĂ©Â ? RĂ©pĂ©ta Tessa en en croyant pas ses oreilles.
â Câest du thĂ© mais horriblement sucrĂ© mais que veux-tu, ma FĂ©licia adorait le sucre alors, quand je rentre, je lui en ramĂšne pour le partager avec elle sur sa tombe et lui raconter mes derniers voyages comme au bon vieux temps. Son mari et ses gosses adorent les trucs avec du piquant par contre alors, je leur ramĂšne du thĂ© aux aiguilles de pin quâil adore. Je voulais aussi leur ramener un chat avec le nez tout Ă©crasĂ© vu que ce sont des grands amoureux des chats mais, son proprio nâa pas voulu me le vendre, et comme jâavais rien fait dâillĂ©gal en six mois, je me suis dit que jâallais pas tenter dâavoir une prime sur ma tĂȘte dans un autre port, surtout quâils nâauraient pas apprĂ©cié⊠donc bon, pour une prochaine fois⊠prochaine arrĂȘt : chez eux ! Je me remplierais aussi les poches au passage, câest un des coins les plus riches du Royaume !
â Euh, ta petite FĂ©licia ? Câest la petite malade des Lebur non ? Câest pas elle qui a Ă©pousĂ© un grand noble du Royaume ? La questionna la taverniĂšre, un air sombre passant sur son visage. Je me souviens quâune fois, des crĂ©tins tâont attaquĂ© ici pour te prendre en otage et la faire chanterâŠ
â « Tenter » de me prendre en otage, corrigea-t-elle sans louper la gravitĂ© sur son visage. Câest finalement moi qui aie fait jurer Ă ses marins de latrine dâĂȘtre gentils avec les demoiselles, en particulier celles de Faerghus et si je les prenais Ă piller les cĂŽtes de Fraldarius, câest moi qui allait les envoyer par le fond pour jouer avec les poissons, si câest pas sa belle-famille qui le faisait en premier. Je suis une Drake, jâai une rĂ©putation Ă tenir, et FĂ©licia et sa famille sont mes petits protĂ©gĂ©s, on touche avec les yeux et de loin. Donc oui, câest ma FĂ©licia, et prochaine destination, le Fort Egua par les voies fluviales. Pourquoi ? Il sâest passĂ© quelque chose ?
â Tâes pas au courant ?! Ah non, attend, câest vrai que vous ĂȘtes revenus quâaujourdâhui et que lâinfo est arrivĂ©e y a trois jours, ça nâa pas eu le temps dâarriver plus loin⊠marmonna-t-elle avant de lui apprendre. CâĂ©tait le mois dernier, le roi de Faerghus sâest rendu en catastrophe Ă Duscur. Mais quand je te dis en catastrophe, câest vraiment en deux lunes, le voyage a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© par le roi puis, ils sont tous partis et ils ont raclĂ© partout oĂč ils pouvaient pour avoir les fournitures nĂ©cessaires pour le voyage ! Tâas ratĂ© un bon marchĂ© si tu avais des bleds ou des fĂšves Ă vendre dâailleurs, ils prenaient tout ce quâil trouvait ! Le convoi sâest fait attaquer sur le chemin et ils se sont fait Ă©craser ! Seuls le roi et le prince sâen sont sortis vivants, tous les autres sont morts sur place !
â Attends⊠quoi ?! SâĂ©trangla Ivy, lâinquiĂ©tude lui serrant la gorge. Tu sais qui Ă©tait dans ce convoi ?! Et ils sont partis en deux mois pour un voyage pareil ?! Pourquoi ils ont fait ça ? Il sâest passĂ© quoi ?
â Apparemment, y a un des petits chatelains de la frontiĂšre qui voulait agrandir son fief en conquĂ©rant des terres duscuriennes alors, crise diplomatique et le roi a dĂ©cidĂ© de se rendre en Duscur en signe de bonne volontĂ©âŠ
â Quoi le roi a dĂ©cidĂ©Â ? Il doit se concerter avec les grands pour faire quoi que ce soit normalement, sauf Ă ĂȘtre un Clovis le Sanglant ou lâempereur dâAdrestia. Le roi de Faerghus doit sâappuyer sur les autres seigneurs pour prendre des dĂ©cisions pareilles, et je les connais ceux-lĂ . Jâai Ă©tĂ© Ă Garreg Mach avec eux et je les ai revus plusieurs fois. Ok, le Lambert, il a clairement pas inventĂ© lâeau tiĂšde et câest un bel idiot que mĂȘme Noce pourrait vaincre dans une nĂ©gociation mais, ses seconds, les jumeaux Fraldarius, ils en ont dans le crĂąne ! Ils nâauraient jamais laissĂ© faire ça !
â Ah pour le coup, le travail en Ă©quipe avec les grands et leur accord, il sâest assis dessus le roi, câĂ©tait sa dĂ©cision seule et tout le monde le sait. CâĂ©tait le voyage du roi et point, ça la rendu trĂšs impopulaire dâailleurs vu que câĂ©tait fait dans une telle prĂ©cipitation que personne ne voulait y aller. Apparemment, les seigneurs de lâOuest ont trouvĂ© leur intĂ©rĂȘt vu quâils Ă©taient tous derriĂšre le roi mais, Ă lâEst, câĂ©tait une vĂ©ritable levĂ©e de bouclier mais bon, ils ne pouvaient pas trop lâouvrir car sinon⊠tu sais ? Haute trahison, obĂ©issance au seigneur suzerain, les devoirs du vassal, devoir dâobĂ©issance, tout le monde fait la mĂȘme chose et y a pas de table ronde pour dĂ©cider Ă plusieurs ce quâon fait, et tous uni ensemble devant lâadversitĂ©, tout çaâŠ
â Tous unis devant lâadversitĂ© et derriĂšre la connerie oui⊠grogna Ivy. Les nobles se foutent peut-ĂȘtre sur la gueule quand ils ne sont pas dâaccord dans lâAlliance mais, ça lui aurait fait les pieds au Lambert de se prendre une rĂ©volte nobiliaire dans la gueule⊠enfin, en deux mois, ils nâont pas dĂ» avoir le temps de sâorganiser⊠et tu sais qui Ă©tait lĂ -bas ? Au moins les bataillons de troupes envoyĂ©s ? Insista-t-elle avant de prĂ©ciser, morte dâinquiĂ©tude. La jeune garde princiĂšre, elle y Ă©tait ? Elle est directement affectĂ©e Ă la protection du prince.
â Alors, elle devait y ĂȘtre. Comme personne ne voulait y aller, ils ont dĂ» prendre de gens au hasard alors, sâil pouvait prendre des rĂ©giments qui doivent suivre quelquâun comme des toutous pour la surveiller comme le lait sur le feu, tu penses bien quâils nâallaient pas cracher dessus, rĂ©torqua la taverniĂšre avec un air blasĂ©, avant de demander, plus inquiĂšte. Tu connais quelquâun dedans ?
â Oui, le fils ainĂ© de FĂ©licia fait son service lĂ -dedansâŠ
â Ah⊠alors⊠Tessa se tut une seconde, remplit un verre dâeau quâelle posa sur le bar devant la marchande puis, marmonna, sincĂšre. Je suis dĂ©solé⊠surtout quâil ne devait pas ĂȘtre bien vieux⊠si⊠si tâas besoin de parler, nâhĂ©site pas, je tâĂ©couterais sans problĂšmeâŠ
â Ivy⊠parrrrdon⊠babilla Noce en prenant une de ses courtes mĂšches dans son bec.
La marin les remercia dâun regard, passant sa main sur les plumes bien entretenu de son compagnon de toujours, puis en buvant doucement lâeau offerte par Tessa. Ăa faisait du bien⊠et refroidissait un peu ses nerfs⊠DĂ©esse, fallait pas que ce crĂ©tin de Lambert lui tombe dessus ! Enfin, avec un tout petit peu de chanceâŠ
â Merci Ă vous deux⊠elle finit son verre dâune traite avant de dĂ©clarer, dĂ©terminĂ©e. Raison de plus pour que je me rende Ă Fraldarius. Va leur falloir des vivres et des fournitures, et ça me permettra dâavoir des infos de premiĂšre main. Qui sait ? Peut-ĂȘtre que quelques soldats ont survĂ©cus dans le lot ? Câest pas possible quâil ait tuĂ© tout le monde jusquâau dernier mais, qui ait loupĂ© la famille royale alors que câĂ©tait surement les plus important Ă descendre du convoi⊠jâai dĂ©jĂ pris mon rendez-vous et payez mes Ă©pices Ă lâadministration pour refaire mes papiers. Je les ai, et je file lĂ -bas.
â Comme tu veux, mais mĂ©fie-toi un peu, y a le vieux Riegan qui est en train de chercher des navigateurs pour se rendre en Faerghus. Tâes une des meilleurs de toute lâAlliance, il risque de te demander de lâaccompagner lĂ -bas. En plus, voyager Ă bord du navire dâune Drake, câest lâassurance dâavoir une paix royale pendant toute la traversĂ©e.
â Merci du compliment, je sais me faire respecter. Et câest clair, ce vieux cerf est douĂ© pour dĂ©barquer avec juste lâargent pour acheter un rouleau de tissu mitĂ©, et repartir avec une cargaison de soierie, marmonna Ivy, connaissant â et respectant â la ruse de son grand-duc qui les avait tirĂ©s de pas mal de pĂ©trin, et elle prĂ©fĂ©rait ça Ă un crĂ©tin fini.
â Ouais, et il est encore en forme pour son Ăąge. Il a⊠quoi ? Quatre-vingts ans cette annĂ©e ? Et pas plus tard quây a trois mois, il avait le projet de rendre visite Ă sa fille mais bon, quand tu pars avec un arc et une Ă©pĂ©e dans les bagages, les retrouvailles familiales nâallaient pas forcĂ©ment ĂȘtre des plus chaleureuses, câest moi qui te le dis. Câest encore le meilleur archer de toute lâAlliance.
â Comme quoi, commencer Ă rĂ©gner avec un tarĂ© assoiffĂ© de sang comme Clovis juste Ă cĂŽtĂ©, ça forge le caractĂšre. Enfin⊠sâil me laisse mettre les voiles pour Fraldarius, ça vaudrait le coup de jouer les passeuses pour lui. Pour le moment, tout ce que je veux, câest savoir comment va la famille de FĂ©licia. Je leur en dois plusieurs en plus, je peux bien leur offrir un petit coup de pouceâŠ
â Capitaine⊠grrrrand cĆurrrrr ! Babilla Noce.
â Oh la ferme, faut bien que jâentretienne mes relations commerciales, rĂ©torqua-t-elle alors que son compagnon de toujours se serrait effrontĂ©ment contre sa tĂȘte. Et je tiens quand mĂȘme un peu Ă euxâŠ
Ivy se mit Ă rĂ©flĂ©chir Ă son organisation dans les prochains jours. Avec un peu plus dâĂ©pices que nĂ©cessaire, elle aurait ses autorisations en deux semaines au lieu dâun gros mois, et encore plus si le grand-duc lui demandait de lâemmener Ă Faerghus. Non pas quâelle ait trĂšs envie dâĂȘtre le toutou des nobles mais, ce ne serait que pour une fois, et Geoffrey Ă©tait Ă©galement quelquâun de bien Ă lâacadĂ©mie, contrairement Ă sa sĆur alors, si ça pouvait arranger le grand-duc et son hĂ©ritier, ça pouvait lâarranger elle aussi⊠et lui ouvrir de nouveaux marchĂ©s avec de nouveaux clients potentiels Ă la cour de Derdriu.
« Bref, jâai plus dâopportunitĂ© de me faire du blĂ© pour retourner naviguer comme je veux oĂč je veux, et je peux aller voir les Fraldarius et savoir comment tout le monde va, câest tout bĂ©nĂšfâ pour moi⊠faudra juste que je me retienne de baffer Lambert, ça devrait aller comme condition. »
*
« âŠcâest une honte ! Quel genre de pĂšre ĂȘtes-vous ?!
â Un qui ne veut pas salir la mĂ©moire de son fils avec du sang dâinnocent.
Rodrigue fit tout ce quâil pouvait pour garder son calme, les mains posĂ©es sur son bureau pour quâelle ne trahisse aucun Ă©tat dâĂąme, bien malgrĂ© sa fatigue et celle dâAlix. Tout un groupe de nobles se faisant appeler « les vengeurs » venaient de pratiquement dĂ©foncer sa porte, lâinterrompant alors quâil rĂ©digeait un ordre dâarrestation pour Kleiman avec LachĂ©sis et ThĂšcle, ce dernier ayant provoquĂ© toute cette situation. Il savait que Rufus allait le casser, comme le procĂšs lancĂ© par Lambert contre lui pour avoir attaquĂ© Duscur sans sommation et tuĂ© vingt-et-un dâentre eux. Kleiman avait rĂ©ussi Ă se faire trĂšs apprĂ©cier par le rĂ©gent, en appelant Ă la contre-attaque immĂ©diate contre les duscuriens mais, au moins pour la forme et pour les on-dit, ils devaient le faire. Les serviteurs Ă©taient au courant que Lambert et Dimitri nâavaient vu aucun duscurien, ils avaient dĂ©jĂ fait tourner lâinformation en discutant en ville et mĂȘme si beaucoup Ă©tait persuadĂ© du contraire, le doute permettait de juguler lâenvie de vengeance de beaucoup. Une fois lâĂ©tat de choc passĂ©, Lambert serait surement haĂŻ et sa parole caduque mais, il devait en profiter tant quâelle avait encore de la valeur. Ăa leur ferait gagner du temps et pour ça, câĂ©tait tout ce dont ils avaient besoins. Sâils arrivaient Ă instiller suffisamment de doute dans la certitude que les duscuriens avaient organisĂ© ce fiasco, ils pourraient peut-ĂȘtre empĂȘcher la guerre⊠enfin, il priait la DĂ©esse pour que ça marche dans les milieux roturiers.
Par contre, pour les nobles, ce serait mission presque impossible, ils avaient bien trop Ă gagner dans une guerre avec Duscur, que ce soit en butin ou en possible annexion. Encore, Ă lâEst oĂč la zone dâinfluence des Charon et des Fraldarius Ă©tait forte, ça allait, leurs vassaux et mĂ©tayers Ă©taient plus remontĂ©s contre le roi Ă force. Gautier Ă©tait surtout occupĂ© Ă faire en sorte que les srengs respectent leur tradition de ne pas attaquer un adversaire Ă terre. Les GalatĂ©a Ă©taient peut-ĂȘtre fous de rage contre les duscuriens et voulaient les faire tous payer jusquâau dernier, le comtĂ© Ă©tait coincĂ© entre les Charon et les Fraldarius, et il Ă©tait pratiquement ruinĂ©. Francis ne pouvait pas se permettre de perdre dâargent dans une telle expĂ©dition, autant Ă©gorger son peuple lui-mĂȘme, ce serait plus court que les faire mourir de faim.
Mais Ă lâOuest, câĂ©tait une tout autre paire de manche⊠à part Rowe qui Ă©tait une seigneurie assez importante en termes de taille et de puissance, et un peu Mateus derriĂšre, les autres Ă©taient bien plus petites et morcelĂ©es. Dâun cĂŽtĂ©, sâĂ©tait trĂšs pratique pour profiter de leurs divisions internes, ils avaient beaucoup de mal Ă sâorganiser entre eux sans se manger le bec les uns des autres, mais de lâautre, beaucoup nourrissaient lâambition dâagrandir leurs terres ailleurs et dâaugmenter leurs revenus et leur influence par tous les moyens possibles, et la guerre Ă©tait un excellent moyen dâaccĂ©der Ă cet objectif⊠surtout face aux duscuriens bien plus faibles militairement quâeuxâŠ
Alors, autant les deux sĆurs que lui-mĂȘme se retrouvaient pĂ©riodiquement avec des reprĂ©sentants des « vengeurs » venant les exhorter de dĂ©clarer la guerre aux duscuriens, officiellement pour venger leur mort et leur faire payer leur crime, officieusement pour rĂ©cupĂ©rer des terres. Alix et les autres Charon recevaient Ă©galement les mĂȘmes demandes mais, ils les repoussaient tous autant quâils Ă©taient. Mais ceux qui restaient Ă la capitale semblait dĂ©terminĂ© Ă les faire plier et accepter. Ils avaient tentĂ© de le convaincre en le traitant de lĂąche et de mauvais seigneur au dĂ©but, mais maintenant, ils allaient mĂȘme jusquâĂ fouler aux pieds le cadavre de Glenn pour le pousser Ă faire une erreur ! StratĂ©gie trĂšs grossiĂšre mais, la fatigue ne lâaiderait pas Ă garder son calme⊠encore plus avec sa magie aussi instable, elle le pompait aussi ses forces⊠Rodrigue avait trop peu de temps pour sâentrainer alors, elle sâaccumulait en lui⊠le tout ensemble, elle devenait plus difficile Ă contrĂŽler, mĂȘme si ce nâĂ©tait pas dangereux pour les autresâŠ
â Hors de question de leur donner la satisfaction dâarriver Ă avoir mon parti sur un coup de sang ou la fatigue⊠se jura Rodrigue avant de continuer. Sa MajestĂ© et Son Altesse jurent toutes deux que lâarmĂ©e les ayant attaquĂ©s portait de lâĂ©carlate et du noir, et que les soldats avaient la peau blanche comme de la craie pour ceux qui avait le visage dĂ©couvert. Nous ne sommes pas sĂ»r de lâidentitĂ© de leurs agresseurs, et les duscuriens nâauraient rien Ă gagner Ă provoquer une guerre contre nous, Ă part une guerre quâils sont sĂ»rs de perdre. De plus, ce que vous me demandez est de vous aider Ă lever une armĂ©e destinĂ©e Ă ravager Duscur jusquâau moindre village. Vous me demandez de faire subir Ă dâautres parents dâenfants innocents de vivre le mĂȘme cauchemar Ă©veillĂ© que moi. Comme vous le dites, jâai aussi perdu mon enfant, mais aussi mon compĂšre, plusieurs proches et des personnes dĂ©pendant de ma protection. Je connais cette douleur et cette peine tout autant de vous, et je refuse de faire subir un tel sort Ă quelquâun dâautre. Les coupables devront ĂȘtre punis Ă la mesure de leur crime, je suis tout Ă fait dâaccord sur ce point, mais la justice des hommes et de la DĂ©esse nous ordonne de mener lâenquĂȘte afin de dĂ©terminer qui sont les vrais coupables. Vous invoquiez Glenn, je sais que mon fils ne voudrait pas que des innocents soient tuĂ©s dans une soif de sang incontrĂŽlĂ©.
â Dites-vous cela par crainte de lâerreur ou par lĂąchetĂ©Â ? Piqua lâun des vengeurs. AprĂšs tout, vous nâĂȘtes quâun bouclier et un gratte-papier. Vous passez plus de temps dans cette Ă©tude Ă Ă©crire quâĂ vous entrainer pour dĂ©fendre nos terres et notre honneur ces derniers temps.
â Je prĂ©fĂšre ĂȘtre un lĂąche qui nâa pas tuĂ© un innocent, quâun soi-disant brave massacrant tout sur son passage par vengeance. Je ne ferais que cracher sur tout ce que jâai appris de mon compĂšre et de mes parents, puis que jâai transmis Ă mes fils. Un crime a Ă©tĂ© commis, laissons la justice faire son office et chercher les coupables. Faire justice nous-mĂȘmes nâamĂšnera quâĂ plus de souffrance inutile, ainsi quâun sentiment dâinjustice qui ne fera que se transformer en envie de vengeance Ă terme. Et en effet, jâĂ©cris des lettres Ă envoyer dans tout le Royaume pour savoir oĂč en sont les diffĂ©rentes mesures locales visant Ă Ă©viter une disette et que lâanarchie ne sâinstalle. Vous nâĂȘtes pas sans ignorĂ© nos difficultĂ©s monĂ©taires, mĂȘme la noblesse doit participer alors que nous payons habituellement lâimpĂŽt du sang, et nous avons pour la plupart dĂ©jĂ dĂ» contribuer financiĂšrement Ă ce voyage. Nous engager dans une campagne militaire ne ferait que gaspiller lâargent destinĂ© au peuple, ce qui serait fatale pour une grande partie dâentre eux, ce qui crĂ©erait encore plus dâendeuillĂ© faerghiens, et jâose espĂ©rer que cela nâest point votre objectif.
Rodrigue les laissa sâĂ©nerver tout seuls face Ă lui, rĂ©pondant Ă leurs arguments ressemblant de plus en plus Ă des insultes par des remarques calmes, gardant complĂštement le contrĂŽle de lui-mĂȘme. Sa mĂšre avait toujours agi ainsi dans la plupart des situations tendues, tout comme son pĂšre : gardez son calme et faire en sorte de rester en contrĂŽle, mĂȘme quand il sâĂ©chappait. La façade de contrĂŽle permettait souvent de repousser les chiens errants, dĂ©stabilisĂ©s en voyant que leurs petits jappements nâavaient pas lâeffet escomptĂ©.
Comme prĂ©vu, ils finirent par jeter lâĂ©ponge pour la plupart dâentre eux, mĂȘme si lâĂ©missaire de Rowe et quelques-uns de ses sous-fifres tentaient encore leur chance. Le duc Ă©tait sur le point de les faire sortir quand on frappa Ă la porte, avant que FĂ©lix nâentre, un plateau avec leur repas Ă la main en appelant, Fleuret sur son Ă©paule et avec lâĂ©pĂ©iste qui veillait sur lui.
« Papa ! Tu viens manger ?!
â Jâarrive FĂ©lix, lui sourit-il, heureux de le voir aprĂšs avoir subi les « vengeurs » toute la matinĂ©e. Pars devant. Je les fais sortir et jâarriveâŠ
â Attendez ! Nous nâavons pas⊠commença un dâentre eux, avant que lâĂ©missaire de Rowe ne lâarrĂȘte.
â Non, laisse-le. Nous ne sommes quand mĂȘme pas au point de lâempĂȘcher de profiter de la famille qui lui reste, glissa-t-il avec un sourire, jetant un Ćil au pĂšre puis au fils, son sourire sâĂ©tendant aprĂšs avoir scrutĂ© FĂ©lix. Nous sortons.
Rodrigue se tendit Ă ces mots, mĂ©fiant. CâĂ©tait trop beau et trop facile⊠et cette expression⊠elle faisait crĂ©piter le surplus de magie en lui, prĂȘt Ă tonner au moindre danger menaçant son petit⊠il les fit sortir en verrouillant sa porte, posant mĂȘme un sceau sur la serrure au cas oĂč. La libĂ©ration de magie lui fit du bien⊠ses veines sâallĂ©geait un peu du surplus⊠il fallait vraiment quâil trouve quelques minutes pour sâentrainer⊠le pĂšre allait rejoindre son fils quand lâĂ©missaire le retient une seconde en dĂ©clarant, un sourire entendu aux lĂšvres.
â Votre fils est adorable avec vous, on voie combien il vous aime, et Ă quel point vous tenez Ă lui Ă©galement.
â Jâai toujours Ă©tĂ© trĂšs attachĂ© Ă ma famille, rĂ©pondit-il en restant dans ce qui Ă©tait connu de tous et le plus vague possible, ne devant pas donner trop dâinformation Ă cet homme.
Rodrigue voyait bien quâil tentait de lui tendre un piĂšge, et il ne devait surtout pas tomber dedans.
â Cela se voie et câest touchant. Câest admirable dâentretenir des liens aussi forts dans une famille, mĂȘme si câest surement aussi un hĂ©ritage pour la vĂŽtre. AprĂšs tout, vous ne vivez pas trĂšs longtemps chez vous, il est logique que vous profitiez autant que vous risquez de vous perdre les uns les autres Ă la moindre mission pour le Royaume. Il doit ĂȘtre votre soleil en ses temps difficiles, surtout que câest un enfant plein de vie et de ressources⊠malgrĂ© toutes ses horreurs, il garde toute sa force et continue Ă avancer.
â Câest le cas dans la plupart des familles, et FĂ©lix a toujours Ă©tĂ© un battant. Il tient de sa mĂšre, louvoya-t-il encore sans rĂ©pondre directement Ă la remarque sur leur courte durĂ©e de vie, mĂȘme sâil sentait les poils de sa nuque sâhĂ©risser, craignant ce que lâĂ©missaire allait dire aprĂšs avoir plantĂ© un tel dĂ©cor.
â Peut-ĂȘtre pas Ă ce point⊠enfin, jâimagine que vous voulez le meilleur pour votre enfant, et câest Ă©galement extrĂȘmement louable de votre part. Il serait dâautant regrettable quâil lui arrive quoi que ce soit, encore plus si peu de temps aprĂšs que son frĂšre ait perdu la vie. AprĂšs tout, nous serons dâaccord que tout parent veut le meilleur pour son enfant, en particulier pour sa sĂ©curitĂ©. En une pĂ©riode aussi trouble, cela doit beaucoup vousâŠ
LâĂ©missaire se tut dâun coup en sentant le regard acĂ©rĂ© de Rodrigue braquĂ© sur lui, dur comme de lâacier alors quâil exprimait Ă peine sa mĂ©fiance lâinstant dâavant. Rien dans son expression ou son attitude nâexprimait la moindre agressivitĂ© ou colĂšre mais, son regard Ă©tait comme des crocs pressĂ©s contre sa gorge, prĂȘt Ă lui arracher sâil commettait la moindre erreur. Le duc nâavait fait que changer lĂ©gĂšrement dâexpression, redresser lĂ©gĂšrement les Ă©paules en les tendant et Ă relever le menton pour le toiser avec mĂ©fiance, un avertissement tacite. Il en semblait mĂȘme plus grand alors quâil Ă©tait de taille moyenne et quâil avait perdu pas mal de poids en quelques semaines, surement Ă cause des rationnements de nourriture. Au moins un noble qui le respectait⊠mais sa face un peu Ă©maciĂ©e rendait ses arĂȘtes plus aigĂŒes, plus dures, aiguisant encore plus son regard comme des crocs.
« Ăa se voie quâil a Ă©tudiĂ© la politique avec sa mĂšre⊠cette maudite AliĂ©nor pouvait menacer quelquâun dâavoir sa tĂȘte dâun regard ! »
â Effectivement, tout parent veut le meilleur pour ses enfants et quâils vivent en toute sĂ©curitĂ©. Je serais prĂȘt Ă tout pour protĂ©ger FĂ©lix et ne pas le perdre lui aussi. Alors, ne vous en faites pas, la moindre personne qui aurait lâaudace de lui faire le moindre mal le paiera trĂšs cher, dĂ©clara le pĂšre dâun ton glacial, ses mots coulant le long de lâĂ©chine de lâĂ©missaire comme une pluie insidieuse qui glaçait jusquâaux os, dâune froideur que nâaurait pas renier le roi Ludovic. DâaprĂšs notre cher Nicola, je ressemble comme deux gouttes Ă mon pĂšre pour ce qui est de ma⊠dĂ©termination Ă protĂ©ger notre famille. Cela est dĂ©jĂ un avertissement en soi.
CâĂ©tait peu de le dire aux vues du sort que Guillaume avait rĂ©servĂ© Ă ceux qui avaient tentĂ© de lui ravir son hĂ©ritage, ou de sâen prendre Ă ses fils, surtout quâune fois quâil mordait, il ne lĂąchait plus. Celui qui avait Ă©tĂ© le plus proche dâarracher les jumeaux Ă leurs parents avaient fini sans terre, ni titre, ni noblesse, ni fortune, ni alliĂ©, ni rien alors que câĂ©tait un noble de premier plan au dĂ©part, mais qui avait voulu rĂ©cupĂ©rer de riches terres appartenant Ă Fraldarius. Dans cette optique avait pensĂ© que câĂ©tait une bonne idĂ©e de tenter dâenlever les enfants des ducs pour en faire une monnaie dâĂ©change sĂ»re. Les parents des jumeaux lâavaient complĂštement dĂ©truit, arrachĂ© Ă coup de crocs tout ce quâil avait morceau par morceau. Cette affaire leur servit dâavertissement Ă tous leurs ennemis, et la DĂ©esse savait que Guillaume en avait beaucoup : le moindre ennemi qui sâapprochait de leur taniĂšre et de leur portĂ©e serait dĂ©chiquetĂ© sans la moindre pitiĂ©.
LâĂ©missaire ne put empĂȘcher un frisson dâagiter tout son corps. Il savait quâAlix Ă©tait le portrait de son pĂšre mais, il ignorait que Rodrigue pouvait ĂȘtre aussi impitoyable, ou au moins menacĂ© de lâĂȘtre de maniĂšre aussi convaincante. Il Ă©tait plus apprivoisĂ© que son frĂšre en apparence mais, il Ă©tait tout aussi sauvage que lui finalement⊠il sentait presque la magie crĂ©pitĂ©e dans les veines du duc, prĂȘte Ă le balayer comme une pauvre branche dans des rapides sâil sâapprochait un tant soit peu de son fils. Son maitre devait ĂȘtre bien plus prudent quâil ne le pensait de base avec lui !
â Je comprends parfaitement, et je prie pour que cela nâarrive jamais. Sinon, vous pourrez compter notre soutien pour obtenir justice. Nous cherchons la mĂȘme chose.
â Bien, je vous saurai grĂ© de faire passer ce message, afin de prĂ©venir tout intention malveillante de la part de vos camarades. Je ne doute pas de votre bonne foi mais, qui sait sâil nây a pas parmi vous quelques Ăąmes perdues ou corrompues qui serait prĂȘte Ă employer de telles mĂ©thodes. Toutes nos forces doivent ĂȘtre entiĂšrement tournĂ©es vers le maintien du Royaume, surtout que les rĂ©coltes sâannoncent mauvaises cette annĂ©e. Je suis sĂ»r que vous avez Ă©galement Ă cĆur que le pays oĂč vit votre famille ne sombre pas, nâest-ce pas ?
â Cela va de soi. Si vous voulez bien mâexcusez Votre GrĂąceâŠ
LâĂ©missaire fit une petite rĂ©vĂ©rence en guise de salut avant de sâenfuir, ne voulant pas rester aussi proche dâune bĂȘte qui risquait de le mordre. Tant pis pour lâaccĂšs au marchĂ© noir, il ne voulait pas risquer de se faire Ă©gorger par un loup enragĂ©Â ! Son maitre devrait se montrer prudent avec lui sâil ne voulait pas finir comme un liĂšvre broyĂ© sous ses crocs !
« Cependant, il avait lâair⊠étrange⊠il est fatiguĂ© et il perd du poids, câest Ă©vident et en plus, il nâa pas lâair de pouvoir beaucoup sâentrainer⊠pour un magicien aussi expĂ©rimentĂ© que lui, ça pourrait sâavĂ©rer dangereux pour sa santé⊠cela intĂ©ressera surement le Seigneur RoweâŠÂ »
Rodrigue se frotta la main en voyant lâhomme partir, mal Ă lâaise en rejoignant FĂ©lix qui lâattendait Ă lâangle du couloir. Heureusement, il Ă©tait loin et du cĂŽtĂ© de son dos quand il parlait Ă lâĂ©missaire⊠aux vues de son visage, son expression devait ĂȘtre monstrueuse et il ne voulait pas montrer ça Ă son fils.
Sa magie sâagitait dans tous les sens dans son corps, tapant contre les parois de ses veines. Sa colĂšre avait dĂ» la rendre plus instable, prĂȘte Ă ĂȘtre utiliser mĂȘme sâil nâen avait pas lâintention. Il fallait vraiment quâil se trouve un moment pour sâentrainer un peu et lâutiliser, le pĂšre allait encore plus se ruiner la santĂ© quâil ne le faisait dĂ©jĂ en dormant aussi peu⊠au moins, lâavertissement Ă©tait passé⊠mĂȘme sâil nâaimait vraiment pas ĂȘtre aussi agressif, il nâavait pas pu sâen empĂȘcher⊠ce nâĂ©tait peut-ĂȘtre que lâĂ©missaire et le comte Rowe lâaffirmerait surement sâil le confrontait mais, les vengeurs Ă©taient prĂȘts Ă tout pour commencer cette guerre, mĂȘme aux manĆuvres les plus bassesâŠ
« Papa ? Lâappela FĂ©lix en lui prenant la main, le plateau appuyĂ© sur sa hanche. Tout va bien ?
â ⊠oui, ne tâen fais pas. Les vengeurs viennent souvent rĂ©clamer beaucoup de choses Ă mon Ă©tude. Je leur refuse tout ou presque car, câest dangereux pour le Royaume, mĂȘme si Rufus est avec eux. Il faut simplement que je fasse attention quand je choisis mes motsâŠ
â Rufus est un crĂ©tin, il sait rien faire Ă part rĂąler. Mais jâai entendu quâil parlait de moi⊠et tu tâes figĂ© quand le type de Rowe te lâa dit avant quâil nâait lâair dâavoir peurâŠ
â Ta langue FĂ©lix etâŠ
Rodrigue hĂ©sita, ne sachant pas sâil devait lui dire ou non. Il faisait tout pour Ă©pargner autant dâhorreur et difficultĂ© que possible, mĂȘme si son louveteau en Ă©tait trĂšs conscient, câĂ©tait impossible de tout lui Ă©pargner. Il ne voulait pas dire Ă FĂ©lix que lâĂ©missaire venait de le menacer pour faire plier son pĂšre mais dâun autre cĂŽtĂ©, il devait Ă©galement le prĂ©venir des dangers qui planaient autour de sa tĂȘte. Lui mettre des ĆillĂšres ne le prĂ©parerait pas Ă affronter les difficultĂ©s non plus⊠aprĂšs ce quâil venait dâentendre, Rodrigue devait redoubler de prudence⊠les vengeurs ne reculerait devant rienâŠ
â Je tâen parlerais quand on sera dans nos appartements, dĂ©clara-t-il alors en le dĂ©barrassant du plateau de nourriture. Dâaccord ? »
FĂ©lix dut sentir la gravitĂ© dans sa voix car, il accepta dâun hochement de tĂȘte sans discuter, prenant Fleuret dans ses bras. Ils traversĂšrent le palais en silence puis, une fois seuls, ils sâassirent cĂŽte Ă cĂŽte sur le banc, le pĂšre reprenant lĂ oĂč il sâĂ©tait arrĂȘtĂ©.
« Tu sais que beaucoup de seigneurs de lâOuest veulent provoquer une guerre avec Duscur pour se venger officiellement.
â Oui, je lâai entendu mais, Dimitri et le chien idiot ont encore dit que câĂ©tait pas leur faute ! RĂ©torqua FĂ©lix. Dimitri dit que câĂ©tait des gens avec une peau blafarde qui faisait beaucoup de magie avec leur main ! Alors que chez les duscuriens, leur magie est dans des objets ! Câest pas eux !
â Je sais, et eux aussi certainement. En rĂ©alitĂ©, il est fort probable que leur principale motivation soit de rĂ©cupĂ©rer des terres et les mines duscuriennes afin de sâenrichir, quitte Ă utiliser la TragĂ©die Ă leur avantage mais, pour cela, ils doivent normalement obtenir lâaval du roi. Ni Rufus, ni les Charon, ni moi ne pouvons provoquer une guerre tant que Lambert est en vie, câest lui seul qui a ce pouvoir⊠cependant les vengeurs ne reculeront devant rien pour provoquer une vendetta sanglante, notamment en recevant le plus de soutien possible. Ils sont prĂȘts Ă tout pour ça, surtout que Rufus est de leur cĂŽtĂ©, mĂȘme sâil nâa pas rĂ©ussi Ă convaincre son frĂšre de commencer une guerre, la DĂ©esse soit louĂ©e⊠Ătant donnĂ© quâils pensent que jâai beaucoup dâinfluence sur Lambert, ils essayent de me pousser Ă les soutenir afin de le faire plier. CâĂ©tait ce que tentaient de faire ces Ă©missaires quand tu es arrivĂ©.
â Sauf que câest pas le cas sinon, tout le monde serait encore là ⊠gronda FĂ©lix avec un regard noir, serrant un peu Fleuret dans ses bras. Les chiens idiots, ça nâĂ©coute personne⊠mais pourquoi il te parlait de moi alors ?
â ⊠ils cherchent un moyen de pression sur moi et⊠et il y a des chances quâils sâen prennent Ă toi afin de me forcer Ă faire tout ce quâils veulent.
â Quoi ?! Hoqueta FĂ©lix avant de montrer les dents. Nâai pas peur papa ! Je ne me laisserais pas faire ! Je me dĂ©fendrais ! Et ZoĂ© est avec moi ! Ils ne mâauront jamais !
â Jâen suis sĂ»r, tu es trĂšs fort mais, je mâinquiĂšte quand mĂȘme pour ta sĂ©curitĂ©. Sâils dĂ©cident de te faire du mal ou de tâenlever, ils viendront bien plus nombreux que tu ne pourras pas les repousser malgrĂ© ta force, mĂȘme avec ZoĂ©. Je te lâai dit, ils ne reculeront devant rien pour dĂ©clencher une guerre⊠Rodrigue fit une pause avant de souffler. Cela devient beaucoup trop dangereux pour toi⊠il vaudrait mieux que tu rentres Ă la maisonâŠ
â Ah non ! Je rentre pas ! Refusa-t-il dâun coup sans hĂ©siter une seconde. Tu resterais tout seul ici avec les chiens idiots sinon ! Je te laisse pas tout seul ! Je reste avec toi ! Tu sais pas rester tout seul en plus ! Laisse-moi rester encore un peu papa !
Les mots de son fils furent comme une couverture quâil serrait sur son cĆur, autant un rĂ©confort quâune attache infernale lâempĂȘchant de faire ce quâil devrait faire. Rodrigue le serra alors dans ses bras, ne sachant pas comment lui refuser cela aprĂšs ses mots⊠il voulait juste garder son fils Ă ses cĂŽtĂ©s malgrĂ© toutâŠ
â Comment je suis censĂ© ĂȘtre raisonnable aprĂšs des arguments pareils ? Je suis dĂ©solĂ© FĂ©lixâŠ
â Tâexcuse pas, tu lâes tout le temps toi. Tu peux ne pas lâĂȘtre de temps en tempsâŠ
â Je ne peux pas vraiment me le permettre⊠souffla-t-il avant dâaccepter. Dâaccord, tu peux rester encore un peu mais, si tu es en danger ou que les choses sâaggravent encore, tu rentreras Ă la maison. Ce sera moins dangereux pour toi dans notre fief, dâaccord ?
â âŠDâaccord⊠mais si ça arrive, tu rentres Ă la maison pour voir Alix et la tombe de Glenn. Tu ne tâarrĂȘtes pas depuis des semaines⊠toi aussi tu dois te reposerâŠ
â Tu es aussi dur en affaire que ta mĂšre, arriva Ă sourire Rodrigue avant dâhocher la tĂȘte en priant pour que cela soit possible. Câest dâaccord, on fera ça⊠mais soit prudent FĂ©lix.
â Promis papa ! »
Rodrigue lui embrassa le front en priant, la magie brûlant ses veines devenant légÚrement moins douloureuse quand il était avec son fils.
« DĂ©esse, MĂšre de toute vie, toi qui connais la douleur des parents perdant un enfant quand les tiens te rejoignent, protĂšge mon fils du mal, je tâen supplieâŠÂ »
*
« Estelle ! Bernard !
Les deux soldats levĂšrent la tĂȘte en entendant lâappel dâAlix, leur deuxiĂšme duc arrivant vers eux. Il avait lâair encore plus mal que dâhabitude, plus agitĂ©, et cela se confirma quand il dĂ©clara.
â Rodrigue a des problĂšmes Ă la capitale. Jâaimerais que vous vous rendiez Ă ses cĂŽtĂ©s pour lâĂ©pauler et lâaider Ă se dĂ©fendre. Ma main au feu que ce sont des chiens errants qui tentent de profiter du deuil de tout le monde pour se remplir les poches. Je mâinquiĂšte pour lui et FĂ©lix, ces vautours seraient capables dâenlever le louveteau pour arriver Ă leurs fins.
â Bien sĂ»r, rĂ©pondit sans hĂ©siter Estelle aprĂšs avoir consultĂ© son second dâun regard, ce dernier acceptant aussi dâun hochement de tĂȘte. Vous avez reçu une lettre ?
â Non mais, jâai senti quâil se tendait et sâĂ©nervait vraiment. Je sais quâil lui ait arrivĂ© quelque chose ou quâil a Ă©tĂ© menacĂ©, je le sens dâici et aux vues de ses derniĂšres lettres, câest surement ces chiens errants de vengeurs qui sont revenus gratter Ă sa porte. En plus, le connaissant, il ne sâinquiĂšte pas pour lui alors, ça doit ĂȘtre pour le louveteau, et ça pue encore plus. Alors, je prĂ©fĂšre prendre des prĂ©cautions.
â On ne vous a jamais dit que vous Ă©tiez des vrais jumeaux jusquâau bout tous les deux ? LĂącha Bernard, sâĂ©tonnant toujours de ce genre de chose malgrĂ© lâhabitude. Enfin, câest normal que vous vous inquiĂ©ter pour lui vu la situation.
â Il est moi et je suis lui, ça ne change pas. Il a le flanc ouvert en pleine tempĂȘte pendant la compagne sreng, je le retrouve dans le blizzard, câest pratique. Je mâinquiĂšte surtout que les deux connards nâabusent encore plus de lui en plus des vengeurs. Rufus ne change pas ses bonnes habitudes de lui laisser faire tout le boulot sans quâil puisse dire trop non car bon, on ne refuse rien Ă la famille royale, et mĂȘme si Lambert Ă©tait en Ă©tat, jâai pas envie que le Royaume subisse encore ses dĂ©cisions connes.
â On comprend, et nous aussi, on voudrait que le pays continue Ă tourner, surtout que de ce quâon a compris, Rufus passe son temps Ă lui mettre des bĂątons dans les roues alors, du renfort ne sera jamais de refus, dĂ©clara Estelle sans hĂ©siter.
â Merci beaucoup, les remercia Alix avec soulagement.
â Par contre, vous devriez vous reposer un peu, fit remarquer Bernard. Vous ĂȘtes blafard avec des cernes de dix cordĂ©es de long, et vous avez maigri avec ça. Je sais que vous ĂȘtes dĂ©bordĂ© au point de ne plus avoir beaucoup de temps pour vous entrainer, mais ça nâaurait pas dĂ» vous faire perdre autant de poids en si peu de tempsâŠ
â Jâai pas vraiment le temps pour ça⊠heureusement, dans notre fief, câest Lambert qui a cristallisĂ© la colĂšre autour de la TragĂ©die et pas les duscuriens mais, y a quand mĂȘme beaucoup de paysans qui ont dĂ» finir la cĂ©sure en volant⊠câest chez nous que les marchands de Leicester arrivent, il faut que les routes soient sĂ»resâŠ
â Oui mais, si vous tombez, vous ne pourrez pas continuer Ă travailler. En plus, vu que vous sentez ce qui arrive au seigneur Rodrigue, il doit aussi sentir votre Ă©tat, et il doit aussi sâinquiĂ©ter en sentant votre fatigue. Si ce nâest pas pour vous, faites-le au moins pour lui⊠je suis sĂ»r quâau moins cinq minutes de sieste le rassureraient beaucoup !
Alix fit la moue mais, finit par grogner.
â Bon, dâaccord mais, cinq minutes et pas une de plus, et parce que je sais que si je le fais, Rodrigue sera un peu moins inquiet.
â Dâaccord, câest dĂ©jà ça ! Sourit lâadjudant.
Le second duc marmonna dans sa barbe avant de repartir, la fatigue se lisant dans chacun de ses mouvements. AprĂšs avoir prĂ©parĂ© ce foutu voyage en deux mois Ă peine, puis ces derniĂšres semaines Ă travailler dâarrache-pied pour que leur fief ne meure pas de faim, ce nâĂ©tait guĂšre Ă©tonnant, encore plus sĂ©parĂ© de son frĂšre.
« Allez, vient, allons faire nos bagages. Le Seigneur Rodrigue doit ĂȘtre dans le mĂȘme Ă©tat que lui, lui ordonna Ă moitiĂ© Estelle en se redressant.
â Faut quâon trouve une idĂ©e en chemin pour rĂ©unir toute la famille, ils ne vont pas bien du tout loin les uns des autres, mĂȘme si ça va ĂȘtre compliqué⊠ce nâest pas le roi qui va nous tirer de ce bourbier, câest plutĂŽt nos ducs et les CharonâŠ
â Jâai aussi plus confiance en eux. Et le Lambert, il nous a poussĂ©s dans ce merdier en souriant que tout se passerait bien, grogna Estelle avant dâajouter, serrant le poing autour de la poignĂ©e de son poignard. On a pas un roi, juste un chien. Il pourra dire ce quâil veut, les ordres des seigneurs Alix et Rodrigue passeront en premier pour moi. Eux au moins, ils ont tout fait pour empĂȘcher ce fiasco. Et toi ?
â Idem honnĂȘtement, rĂ©pondit sans hĂ©siter Bernard, imitant le geste de sa supĂ©rieure en serrant le manche de sa masse. Jâai dĂ©jĂ deux ducs, pas besoin dâun roi.
*
« âŠdonc, pour la levĂ©e de lâimpĂŽt extraordinaire, nous devrions faire appel Ă des agents du Royaume directement plutĂŽt que des intermĂ©diaires qui avancent lâargent et se rembourse aprĂšs, proposa ThĂšcle aprĂšs avoir calculĂ© le montant dont ils avaient besoin pour le restant de lâannĂ©e, plus Ă©levĂ© que prĂ©vu Ă la base.
â Je suis dâaccord, la soutient LachĂ©sis. Ces agents sont largement dĂ©testĂ©s et ne sâencombrent pas de scrupule. Ils ne feraient que jeter encore plus dâhuile sur le feu, on en a clairement pas besoin, sauf si on veut anĂ©antir ce quâil reste de respect envers le roi.
â Nous sommes donc tous du mĂȘme avis, conclut Rodrigue en finissant de noter ses calculs. Nous risquons de manquer de bras par contre alors, il faudra soit faire appel Ă des agents de nos fiefs ou en recruter⊠cela serait peut-ĂȘtre Ă jouer, marmonna-t-il pour lui-mĂȘme. MĂȘme si ce sont des dĂ©penses en plus, si les brassiers trouvent un moyen dâavoir une paie rĂ©guliĂšre, ils nâauront pas Ă recourir au brigandage pour se nourrir, ce qui rĂ©duira la dangerositĂ© des routes pour les marchands. Par contre, il faudrait des personnes avec un minimum dâĂ©ducation, on nâa pas vraiment le temps de les former au calculâŠ
â Nous pourrions alors faire appel Ă des gens de nos fiefs respectifs. Autant les vĂŽtres que les nĂŽtres sont tous passĂ© par lâĂ©cole, et ils seront plus fiables que des personnes venant dâautres fiefs, fit observer LachĂ©sis.
Rodrigue hocha la tĂȘte, pensif. Des bras supplĂ©mentaires ne seraient pas de refus, ils nâĂ©taient clairement pas assez nombreux. Ă eux trois, ils effectuaient au moins le travail dâune dizaine de personnes, une bonne partie des responsables Ă©taient morts Ă Duscur⊠en plus, comme lâavait fait remarquĂ© lâainĂ©e des Charon, ils seraient bien plus fiables et fidĂšles Ă leur nom directement, ce serait toujours utile pour mieux contrĂŽler lâadministration et sâassurer que tout se passe bien. Les seigneurs de lâOuest tenteraient Ă©galement de mettre leurs propres sujets ïżœïżœ ses postes mais, ils ne devaient surtout pas gagner encore plus dâinfluence et de pouvoir quâils nâen avaient dĂ©jĂ . Ils sâemparaient de lâadministration, la guerre Ă©tait assurĂ©e, autant avec Duscur quâinterne, les « vengeurs » nâauraient aucun scrupule Ă rĂ©cupĂ©rer les fonds pour leur « vengeance » directement sur les cadavres des paysans molester pour leur prendre leurs derniĂšres piĂšces⊠et ça, câĂ©tait si lâĂglise Occidentale nâenvoyait pas ses clercs lettrĂ©s par « solidaritĂ© confessionnelle »⊠non, les seigneurs de lâOuest qui nâĂ©taient pas de confiance ne devaient jamais mettre le moindre pied dans lâadministration, câĂ©tait une question de vie ou de mort Ă ce stade ! Par contreâŠ
â Sa MajestĂ© risque de les croire quand les vengeurs diront quâils veulent aider⊠et le rĂ©gent va vouloir placer ses propres proches, leur fit remarquer Rodrigue.
â Oui, il va falloir les prendre de vitesse tous les deux, et lâĂ©glise occidentale au passage. Je leur opposerais bien lâordonnance contre les sectes et le fanatisme mais bon, est-ce quâil reste quelque chose du roi Ludovic que Lambert nâa pas massacrĂ©, je vous le demande⊠grogna ThĂšcle.
â Câest bon pour celle-ci, elle est Ă peu prĂšs sauve, on pourra leur mettre sous le nez pour faire barrage, leur rappela LachĂ©sis avant dâajouter avec dĂ©pit, mĂȘme si Rufus sâassiĂ©ra surement dessus. Quand il sâagit de son pĂšre, il se comporte encore plus comme un adolescent attardĂ©. Cependant, pour le moment, les vengeurs et lui semblent surtout se concentrer Ă se faire un rĂ©seau et ne pensent pas trop aux petites mains. Câest lâoccasion de renforcer nos positions avant quâils ne sâen rendent compte et ne puissent riposter.
â Vous nâavez pas tort⊠jâai dĂ©jĂ plusieurs personnes en tĂȘte, mĂȘme si elles risquent de ne pas venir pour le roi mais, seulement par fidĂ©litĂ© envers ma famille⊠les prĂ©vient Rodrigue. Enfin, aprĂšs ce qui sâest passĂ©, ça va ĂȘtre compliquĂ© de rallier les gens autour du nom de Lambert une fois lâĂ©tat de choc passĂ©.
â Ne vous en faites pas, on comprend et de toute façon, cela risque dâĂȘtre la mĂȘme chose de notre cĂŽtĂ©. Enfin, lâimportant, câest quâils arrivent Ă travailler ensemble. La question de leur hommage importe peu pour le momentâŠ
LachĂ©sis laissa la fin de sa phrase en suspens, tous sachant parfaitement ce Ă quoi elle pensait : « si cet hommage est envers nous, cela nous arrange, mais nous devons nous montrer fins et discrets pour que cela marche. » Elle nâavait pas tort⊠ce nâĂ©tait pas trĂšs respectueux pour la famille royale mais pour le moment, ils devaient avant tout consolider leur propre position pour tenir face Ă Rufus. Ă eux trois pour le moment, ils tenaient toutes lâadministration, une partie de la justice et le pouvoir officieux qui les accompagnaient, mais câĂ©tait assez faible face aux pouvoirs dâaction du rĂ©gent, officiel et plus coercitif. Eux pouvaient agir dans tout le Royaume grĂące Ă leur place au conseil, mais elle Ă©tait rĂ©vocable Ă tout moment sur le moindre mot de Lambert, ou sâils en Ă©taient Ă©cartĂ©s petit Ă petit par Rufus pour placer ses proches, et lui ne perdrait jamais sa place dans la famille royale⊠non⊠les trois conseillers marchaient sur des Ćufs⊠la prudence devait rester leur mot dâordreâŠ
â Alors, mĂȘme si nous devons agir vite, faisons-les arriver petit Ă petit⊠proposa Rodrigue. Une armĂ©e qui se dĂ©place se voie et les dĂ©fenseurs sâadaptent pour les repousser. Des petites incursions rĂ©guliĂšres devraient ĂȘtre plus efficaces et passer inaperçues. Une fois quâils seront assez nombreux, nous pourrons peut-ĂȘtre avoir lâoccasion dâen faire venir plus sous couvert de lâefficacitĂ© des premiers, et pour que les diffĂ©rents services sâentendent bien entre eux pour travailler.
â Comme les srengs, fit remarquer ThĂšcle sans louper lâironie. On envoie les Ă©claireurs, puis les espions, puis les saboteurs, on soudoie les gens quâon ne peut pas tuer tout de suite ou on les Ă©gorge, puis le gros de lâarmĂ©e dĂ©barque en un Ă©clair quand la cible est dĂ©stabilisĂ©e. Enfin, on est en guerre contre les vengeurs pour Ă©viter un vrai bain de sang alors, ce nâest pas inappropriĂ©.
â Dâailleurs, Fregn est bien silencieuse ses derniers temps⊠honnĂȘtement, je pensais quâon verrait ses sĆurs dĂ©barquĂ©es dans le dernier mois Ă Fhirdiad, afin de renĂ©gocier les traitĂ©s de paix, avec leur flotte et leur hache si nĂ©cessaire⊠ils ne conviennent surement plus Ă Lambert vu ce quâil a fait⊠apparemment, elle est toujours dans le nord mais, nous devions nous mĂ©fier, cette femme est comme une ombre qui se glisse nâimporte oĂč⊠pensa Ă voix haute LachĂ©sis avant de se tourner vers Rodrigue. Vous avez des nouvelles dâelle de votre cĂŽtĂ© avec Alix ?
â A part quâĂ©tant donnĂ© les Ă©vĂšnements, elle comprend pourquoi nous ne pourrons pas accueillir Sylvain pendant la morte saison, surtout quâIsidore y Ă©tait rĂ©ticent de base Ă©tant donnĂ© quâil est majeur Ă prĂ©sent, pas grand-chose. Elle ne laisse rien paraitre et ne lĂąchera surement rien⊠pas officiellement en tout cas⊠hum⊠Rodrigue fouilla dans ses souvenirs des lettres, mĂȘme si les mots se mĂ©langeaient dans sa tĂȘte Ă cause de la fatigue et un fond de migraine qui ne le quittait pas depuis sa confrontation avec lâĂ©missaire Rowe, quand il se souvient dâun dĂ©tail. Cependant⊠peut-ĂȘtre quâelle est plus de notre cĂŽté⊠mais sans ĂȘtre de celui de Lambert ou de Faerghus⊠mĂȘme si ce nâest surement pas une bonne nouvelle pour nous vis-Ă -vis de la famille royaleâŠ
â Câest-Ă -dire ? Explique-toi ? Le poussa Ă continuer ThĂšcle.
â Les srengs ont beaucoup de mal Ă comprendre notre monarchie hĂ©rĂ©ditaire, ainsi que la vassalitĂ©. Ils raisonnent plus en clans, en peuples et en alliances occasionnelles, et surtout par respect qui suit un code de lâhonneur assez strict, tout en jouant les arbitres les uns pour les autres. Ăa nâa aucun sens pour eux dâobĂ©ir Ă quelquâun simplement parce quâil est nĂ© dans la bonne famille, ni que nous lui devions nos terres et notre pouvoir dans la loi. Nous vivons sur ses terres, ses terres nous appartiennent, et nous nâavons pas Ă Ă©couter quelquâun qui nâest pas Ă notre hauteur, ce nâest quâune insulte fait Ă soi-mĂȘme. Fregn lâa bien exprimĂ©e lorsque nous avons appris pour ce voyage : « Respecter des personnes irrespectables revient Ă sâinsulter soi-mĂȘme. Cela signifie que vous considĂ©rez comme Ă©gale ou supĂ©rieure une personne infĂ©rieure Ă vous. Je refuse de me rabaisser car, il a une couronne dans les veines ».
â Hum⊠ce nâest pas faux, surtout quâelle Ă©tait particuliĂšrement bavarde ce jour-lĂ , mĂȘme si je comprends dâoĂč ça vient. Mais justement, Lambert nâa pour le moment que son sang pour faire respecter son autoritĂ©, ce que les srengs mĂ©prisent. Raison de plus pour venir renĂ©gocier ses traitĂ©s en vitesse, fit observer LachĂ©sis avant dâajouter avec pessimisme, sauf si elle est en train de rassembler toute la pĂ©ninsule pour lancer une attaque sur Fhirdiad. Ils nâattaquent pas les gens Ă terre mais, Lambert nâest pas assez digne de respect pour quâils appliquent cette rĂšgle.
â Câest justement lĂ oĂč on entre en scĂšne. Dans les lettres que nous a Ă©crites Fregn, elle fait souvent rĂ©fĂ©rence Ă nos yeux, que ce soit les nĂŽtres ou ceux de votre famille mais, jamais avec Lambert ou Rufus. Elle utilise plutĂŽt des phrases ou des mĂ©taphores pour dire quâils nây voient rien, quâils sont « sans yeux ».
Lachésis se redressa en entendant ce détail, comprenant aussi ce que cela voulait dire.
â Les srengs appellent leur mauvais roi « les rois sans yeux ». Le vrai mot est intraduisible mais, ils utilisent ce genre dâexpression pour expliquer leurs pensĂ©es. Pour elle et surement pour ses sĆurs et confrĂšres, Lambert est un roi sans yeux et Rufus ne vaut pas mieux mais, sâils parlent de nous en dĂ©signant nos yeux, câest que nous sommes assez dignes de respect pour que les traitĂ©s tiennent.
â Câest de la maniĂšre dont jâinterprĂšte les choses en tout cas, confirma Rodrigue. Pour elle, tant que nous sommes en bonne position pour agir et de dĂ©cider pour lâensemble du Royaume, Fregn considĂšre quâelle ne sâinsulte pas en nous respectant. Cependant, elle ne fera surement pas la mĂȘme chose avec Lambert et Rufus. Si elle les dĂ©crit comme des rois sans yeux, elle ne sâabaissera pas Ă leur obĂ©ir, et les autres srengs aussi.
â Et bien, on nâest pas dans le sable jusquâau cou⊠câest bien gentil quâelle nous respecte, ça nous fait une alliĂ©e relativement fiable, mĂȘme si je suis sĂ»re quâelle a quelques oreilles Ă gauche Ă droite dans la capitale, elle ou ses sĆurs. En plus, si vous arrivez Ă lâaider Ă protĂ©ger son fils, elle vous sera surement redevable. Cependant, nous, on est aussi les plus instables au conseil. Nous, on peut nous renvoyer, Lambert et Rufus, non. Si on est renvoyĂ©s, la « gentillesse » des srengs part avec nous, et ils ne vont pas se gĂȘner de rappeler un roi sans yeux Ă lâordre. Câest comme ça quâils font, un roi mĂ©prisable ne mĂ©rite que de se faire renverser ou plumer.
Les trois se regardĂšrent, mal Ă lâaise avec cette information. Cela les arrangeait, Ă©videmment que cela les arrangeait que les srengs se tiennent tranquilles sâils Ă©taient lĂ . Ăa pourrait mĂȘme leur donner un peu plus de pouvoir contre Rufus mais bon, ils agitaient cette menace, câĂ©tait leur tĂȘte qui tombait⊠le rĂ©gent nâĂ©tait pas assez bĂȘte pour leur laisser un pouvoir aussi important, mĂȘme si ça voulait dire que les srengs viendraient frapper Ă leur porte le lendemain, ainsi que leur famille⊠ils devaient ĂȘtre trĂšs prudents et faire avec ce quâils avaientâŠ
Ils discutaient dâune tournĂ©e des deux sĆurs dans le domaine royal pour assurer la cohĂ©sion interne, ainsi que se trouver des alliĂ©s en interne du cĆur du Royaume, quand une petite fille entra en trombe dans la piĂšce en criant. Rodrigue reconnut tout de suite la petite sĆur duscurienne qui avait suivi Dimitri avec son frĂšre, la petite Sasiama qui vient tout de suite lui tirer la manche, complĂštement affolĂ©e en dĂ©bitant dans sa langue, rĂ©pĂ©tant en boucle pour bien se faire comprendre.
« Dmitrios ! Dmitrios ! ⊠⊠⊠⊠mal ! Dmitrios ! ⊠⊠⊠le⊠⊠⊠mauvais ! Aidez-le ! Aidez-le ! Dmitrios !
â Dimitri ?! Il va mal ?! Sâalarma tout de suite Rodrigue en comprenant les bouts de phrases. Jây vais !
â On va chercher les mĂ©decins ! » SâexclamĂšrent les deux sĆurs.
Lâhomme suivit en courant la petite fille dans les couloirs du palais jusquâĂ la chambre du prince. Il le trouva allongĂ© sur le cĂŽtĂ©, tenu par Dedue et FĂ©lix alors quâils le faisaient vomir, son fils utilisant sa magie sur lui pour lâaider. Il le rejoignit pour lâaider en demandant, comprenant ce qui se passait.
« Quâest-ce qui sâest passĂ©Â ?
â Il a mangĂ© sa soupe et il nây avait pas de problĂšme mais, il a eu mal au ventre et Ă la poitrine juste aprĂšs alors, on le fait vomir ! Jâai utilisĂ© Soin pour lâaider Ă tenir !
â Vous avez bien fait, lui assura-t-il en tentant de garder son calme pour ne pas les affoler encore plus, devinant ce qui avait provoquĂ© ses symptĂŽmes dâun coup. On va Ă utiliser Vitalis et sâil sâaffaiblit, on utilisera Reconstitution. Il a toujours Areadbhar ?
â Oui, jây ai fait trĂšs attention !
â Câest trĂšs bien FĂ©lix. On reprend un autre Vitalis ensemble Ă trois. Un⊠deux⊠trois !
Ils envoyĂšrent une nouvelle vague de magie de foi en Dimitri qui purgea les derniĂšres gouttes de poison, le prince finissant de rendre son repas, lâestomac vide. Les Fraldarius se mirent alors Ă utiliser un « soin » pour lui rendre un peu de force et lâaider Ă retrouver ses sens, alors quâil hacha difficilement aprĂšs sâĂȘtre rincĂ© la bouche sans rien avaler, histoire de ne pas diluĂ© ce qui lui restait de suc gastrique.
â RâŠRodrigue⊠FĂ©lix⊠Dedue⊠SasiamaâŠ
La petite fille tenue par son frÚre pépia en pleurant quelque chose que le pÚre et le fils ne comprirent pas, mais le blond essaya de sourire en assurant dans sa langue, avant de traduire.
â Elle est trĂšs inquiĂšte, elle a eu trĂšs peur en me voyant comme ça⊠mais⊠mais quâest-ce qui sâest passĂ©Â ? Jâai mangĂ© et dâun coup, jâai eu mal au ventre, Ă la gorge et Ă la poitrine⊠ça mâa donnĂ© envie de vomirâŠ
Dedue dit aussi quelque chose en montrant sa bouche, dĂ©clarant avec des mots simples Ă comprendre pour mieux expliquer ce quâil voulait dire sans savoir le dire en fodlan.
â Beaucoup⊠⊠beaucoup dâeau blanche⊠⊠⊠⊠pas normal alors, demander Ă Sasiama courir au⊠au⊠[aide ? MĂ©decin ?]
â Tu as bien fait Dedue, lui assura-t-il avant de chercher comment le traduire en duscurien, parlant assez basiquement cette langue alors, il lui dit simplement pour ne pas faire dâimpair. Merci beaucoup⊠pour⊠votre aide de⊠à tous les deux. Et de beaucoup salive ? HumâŠ
Rodrigue regarda les vomissures au sol, verdĂątres avec quelques gouttes de sang, les yeux tous rouges de Dimitri. Et il sâĂ©tait senti mal dĂšs quâil avait avalĂ© son repas sans temps de latence⊠Cela ressemblait Ă un empoisonnement Ă lâarsenic⊠mais il ne pouvait pas en ĂȘtre sĂ»râŠ
Quand la mĂ©decin arriva enfin avec ThĂšcle et LachĂ©sis, mĂȘme si cette derniĂšre repartit assez vite en voyant la scĂšne, comprenant ce qui se passait. Elle ausculta et donna un antidote au prince puis, souffla aux adultes quâils devaient parler, laissant le prince avec ses amis qui sâoccupaient de lui. La femme lui confirma alors.
â Il prĂ©sente tous les symptĂŽmes dâun empoisonnement Ă lâarsenic. Heureusement quâils lâont fait vomir tout de suite et utiliser la magie de guĂ©rison pour le faire tenir avec sa Relique, puis que vous ayez eu recours Ă Vitalis, cela lui a surement sauvĂ© la vie. Quelquâun a dĂ» le mĂ©langer Ă sa nourriture⊠mais câest aussi un poison virulent qui agit trĂšs vite, son gouteur aurait dĂ» avoir les mĂȘmes symptĂŽmes que lui dĂšs quâil a avalĂ© le bouillonâŠ
â Câest le cas, mais il nâa pas eu autant de chance que Son Altesse, il est mort.
LachĂ©sis revient vers eux avec un autre domestique, horrifiĂ© par ce quâil venait de se passer alors quâelle expliquait.
â Voici Florien Seite, le collĂšgue de travail de Didier Lonfain, le gouteur de Son Altesse. Ils ont apportĂ© son repas Ă Dimitri ensemble. Ils nâont pas encore montĂ© le repas de Sa MajestĂ© alors, ils sont en train de vĂ©rifier en cuisine si sa nourriture nâest pas empoisonnĂ©e.
â Dâaccord, merci beaucoup LachĂ©sis, la remercia Rodrigue, avant de se tourner vers le domestique, essayant de rester calme malgrĂ© la situation. Je suis dĂ©solĂ© pour votre collĂšgue, surtout que nous avons tous perdu bien trop de monde en trop peu de temps.
â M⊠merci beaucoup Votre GrĂące⊠je⊠Î DĂ©esse⊠ça faisait cinq ans que je travaillais avec lui ! Il Ă©tait comme tout le monde Didier, il adorait le petit prince ! M⊠que cela reste entre nous, moins le roi depuis ce foutu voyage mais, le petit prince ? DĂ©esse toute puissante ! Il lâaimait beaucoup ! Qui ne pourrait pas aimer un gamin aussi adorable ?! Je⊠je ne comprends pas ce qui a pu se passer !
â Je comprends votre trouble, surtout si vous le connaissiez depuis trĂšs longtemps, câest une lourde perte. Cependant, nous devons vous poser quelques questions sur ce que vous avez vu, afin de mieux comprendre ce qui sâest passĂ©. Pouvez-vous rĂ©pondre maintenant, ou prĂ©fĂ©riez-vous attendre un peu pour vous calmez ?
â Je⊠je prĂ©fĂšre rĂ©pondre maintenant⊠ça doit ĂȘtre important⊠rien que pour aider le petit princeâŠ
â Dâaccord, merci beaucoup Ă vous, nâhĂ©sitez pas Ă nous dire si cela devient trop pour vous et que vous voulez faire une pause. Pour commencer, pouvez-vous nous raconter ce que vous avez fait aujourdâhui ?
â On⊠comme tous les jours, on a montĂ© le bol de soupe de Son Altesse dans sa chambre, vu quâil ne peut pas quitter son lit⊠Didier a goutĂ© le repas de Son Altesse devant lui comme dâhabitude, nâa rien senti de bizarre, puis on est retournĂ© en cuisine pour prendre notre repas Ă nous mais, il sâest senti mal, puis il sâest mis Ă vomir⊠le⊠le temps que je trouve quelquâun pour le surveiller, il Ă©tait dĂ©jĂ mort !
â Vous ĂȘtes retournĂ©s en cuisine ? Il sâest senti mal quand ? AprĂšs combien de temps aprĂšs avoir goutĂ© le plat ? Le questionna la mĂ©decin.
â Je⊠je sais pas trop ! Dix minutes, peut-ĂȘtre ? Le temps de redescendre les Ă©tages, dâaller en cuisine et de mettre nos couverts sur la table avec les autres⊠il demanda au mĂ©decin en la voyant froncer les sourcils. Quâest-ce quâil y a ? Il y a un problĂšme ?
â PlutĂŽt⊠lâarsenic est un poison foudroyant, il aurait dĂ» ressentir les symptĂŽmes dĂšs quâil a avalĂ© la nourriture empoisonnĂ©e, sauf sâil avait pris un antidote ou quâil Ă©tait protĂ©gĂ© par un sort qui, pour une raison quelconque, a arrĂȘtĂ© de fonctionner, ce qui a surement provoquĂ© sa mort. Votre collĂšgue est de quel corpulence Ă peu prĂšs ? Il est mince, commune, enveloppĂ©e ? Cela pourrait peut-ĂȘtre expliquer la lenteur du poison. En plus, Ă©tant donnĂ© quâil est gouteur, il doit ĂȘtre assez rĂ©sistant, mĂȘme si contre lâarsenic, aucun ĂȘtre vivant ne tient trĂšs longtemps.
â Un peu enveloppĂ© mais bon, il a toujours Ă©tĂ© trĂšs gourmand et il gouttait tous les plats de Son Altesse⊠on lâa mĂȘme traitĂ© de fou plus dâune fois aux cuisines car, il adorait dĂ©penser tout son salaire pour de la nourriture bizarre, il Ă©tait toujours en train de courir aprĂšs lâargent⊠il se plaignait aussi du rationnement, il disait quâil ne devrait pas se priver comme ça⊠mais je vous jure ! Ă part sa gourmandise et que lâargent lui brĂ»lait les doigts, câĂ©tait quelquâun de bien ! Il nâa jamais rien fait de mal Ă personne ! Pourquoi il voudrait faire du mal au petit prince ?
Rodrigue et les deux sĆurs Ă©changĂšrent un regard en Ă©coutant la discussion. Il tenait peut-ĂȘtre le mobile, ou au moins ce qui avait permis de pousser le gouteur Ă cacher que la soupe de Dimitri Ă©tait empoisonnĂ©e⊠Florien avait raison, son collĂšgue nâavait aucune raison de vouloir la mort du prince plutĂŽt que celle du roi mais, si des comploteurs voulaient achever ce quâils avaient commencĂ© Ă Duscur avec du poison, il devait impĂ©rativement mettre le gouteur de leur cĂŽtĂ©, mĂȘme sâils devaient sâen dĂ©barrasser aprĂšs⊠lâĂ©pĂ©e nâavait pas fonctionnĂ© et ils Ă©taient tous plus mĂ©fiant depuis la TragĂ©die alors, il passait Ă plus discretâŠ
â Dâaccord, reprit la mĂ©decin. Merci beaucoup pour votre franchise. Je vais devoir inspecter le corps pour confirmer nos soupçons mais avant ça, il faut que quelquâun surveille le prince, au cas oĂč il ferait une rechute. Le poison a dĂ» lâaffaiblir Ă nouveau, mieux vaut ĂȘtre vigilant. Il ne doit pas non plus sâĂ©loigner dâAreadbhar. Elle lui donne de sa force, mĂȘme sâil nâen aura surement plus besoin dans peu de temps. Et appelez aussi quelquâun pour nettoyer mais, quâelle soit prudente, le poison est surement encore virulent. Il ou elle devra porter des gants, faire tout brĂ»ler avec un torchon le visage puis bien se laver les mains, les bras et la face aprĂšs sa besogne, et lâeau quâelle a utilisĂ©e devra ĂȘtre jeter en-dehors de la ville. Les risques sont faibles mais, nous ne sommes jamais trop prudents en ce moment.
â Da⊠dâaccord⊠ce sera fait selon vos ordresâŠ
â Je vais trouver quelquâun de confiance pour le surveiller, assura ThĂšcle.
â De mon cĂŽtĂ©, je vais aller prĂ©venir Gustave de ce qui sâest passĂ©, au cas oĂč un accident similaire aurait dĂ©jĂ eu lieu pour quelquâun dâautre, continua LachĂ©sis. Nous devons explorer toutes les possibilitĂ©s.
â Oui, surtout quâils ont lâair de ne pas ĂȘtre Ă leur coup dâessai si la mort de Didier nâest pas accidentelle, ajouta Rodrigue. Je mâoccupe des enfants, ils risquent dâavoir aussi Ă©tĂ© en contact avec le poison. »
Ils se sĂ©parĂšrent sur ses mots, chacun prenant sa tĂąche. La servante chargĂ©e de nettoyer arriva vite. Rodrigue porta Dimitri avec Areadbhar le temps quâelle change les draps maculĂ©s, ce dernier tremblant un peu avant de se stabiliser. Il remerciait la grande lance de ne pas le geler, mĂȘme si son poids le faisait trembler un peu, il fallait bien la force des Blaiddyd pour la manierâŠ
« Rodrigue ? Câest toujours toi ? Demanda le blessĂ©, Ă peine conscient.
â Oui Dimitri, je suis lĂ , lui confirma-t-il. Tu es hors de danger maintenant mais, il faut que tu te reposes.
â Tu sais Rodrigue⊠il y a quelquâun dans Areadbhar⊠il est trĂšs grand⊠avec une trĂšs longue tresse blonde⊠avec un Ćil comme ceux de papa, et lâautre est bleu comme le tien, dâAlix et celui de Glenn⊠et une peau noire⊠et des morceaux de glace partout⊠il me tient sur ses genoux⊠et quand jâai peur, il⊠il joue de la flute⊠tu⊠tu crois que câest Blaiddyd ?
â Oui, jâen suis sĂ»r. Le Flutiste des Glaces est trĂšs attachĂ© Ă sa famille, comme tous les Braves. Il doit vouloir te protĂ©ger plus que tout au monde, autant toi que ton pĂšre, mĂȘme sâil ne peut le montrer que si tu touches son arme.
â Tu es sĂ»r ? Le questionna-t-il en se recroquevillant un peu, dĂ©voilant ses cicatrices de glace, trace du miracle de son ancĂȘtre, alors que FĂ©lix sâapprochait dâeux.
â Bien sĂ»r. Ne tâen fais pas, Blaiddyd veille sur toi et sur ton pĂšre, lui promit-il pour le rassurer.
â Tâen fais pas, les Braves, ils ne te lĂąchent jamais. En plus, câĂ©tait lâami de Fraldarius et de Dominic non ? Si câĂ©tait lâami de grand-pĂšre, câĂ©tait quelquâun de bien, assura FĂ©lix.
Dimitri hocha la tĂȘte avant de se blottir contre Rodrigue en soufflant.
â Je veux voir mon pĂšreâŠ
â BientĂŽt Dimitri, quand vous serez tous les deux en Ă©tat de bouger un peu plus, lui assura-t-il alors que le prince se rendormait.
Le duc laissa le blessĂ© sous la garde dâune Ă©pĂ©iste de confiance, puis emmena FĂ©lix, Dedue et Sasiama Ă la piĂšce dâeau pour quâils se lavent, avec des habits propres au cas oĂč. La lavandiĂšre Ă©tait devenue amie avec plusieurs de ses hommes alors, si Rodrigue lui demandait, elle devrait accepter de sâoccuper du frĂšre et la sĆur duscurienne.
Dedue sâoccupa de sa sĆur afin de bien enlever tout le poison, pendant que Rodrigue faisait de mĂȘme avec son fils dans le mĂȘme but. AprĂšs un dĂ©but en silence quand il lui rĂ©curait le visage, il lui demanda, inquiet. Il avait failli voir son ami mourir aprĂšs toutâŠ
« Comment te sens-tu ?
â Ăa va⊠Pourquoi ils ont fait du mal Ă Dimitri ? Gronda-t-il. Il nâa rien fait de mal !
â Hum⊠il vise la famille royale, surement pour prendre leur place. Câest pour ça quâils sâen prennent Ă lui.
â Et y a pas moyen de les empĂȘcher ?
â Nous devons ĂȘtre trĂšs vigilants afin de le protĂ©ger et Ă©touffer tout ce qui pourrait le menacer, mĂȘme si câest difficile dâavoir des yeux et des oreilles partout. La zone dâombre est toujours prĂ©sente, mĂȘme quand on essaye de la rĂ©duire au maximum⊠souffla-t-il en chassant de mauvais souvenirs de son esprit. Heureusement que vous Ă©tiez lĂ . Vous lâavez bien protĂ©gĂ©.
â Dâaccord⊠en tout cas, ils ne lui feront rien, je te le promets ! Lui jura-t-il sans hĂ©siter.
â Jâen suis sĂ»r mais, nâen fait pas trop. Tu es encore un enfant, tu nâas pas Ă te mettre en danger comme ça. On va trouver des personnes de confiance pour le protĂ©gerâŠ
â Et si câest comme tout Ă lâheure et quâils nây arrivent pas ? En plus, pourquoi câest toi qui tâen occupes ? ça ne devrait pas ĂȘtre Rufus ? Câest son neveu et il tient Ă lui alors, pourquoi il ne le protĂšge pas autant que toi ?
Rodrigue ne sut pas quoi rĂ©pondre Ă cette question, il se posait la mĂȘme⊠pourquoi Rufus nâagissait pas ? Il montrait quâil sâinquiĂ©tait pour sa famille, ce qui Ă©tait surement sincĂšre dâailleurs mais, au lieu de la protĂ©ger, il voulait Ă tout prix se venger, mĂȘme sâil devait jeter son propre peuple Ă la mort⊠et Rufus ne lui dirait surement rien, la meilleure stratĂ©gie quâil avait trouvĂ©e pour avancer Ă©tait dâaffecter la soumission, il devait trouver le bon angle pour arriver Ă obtenir quoi que ce soit dans les domaines que Rufus contrĂŽlait⊠il semblait attendre dâeux une soumission total et ambitionnait dâavoir un pouvoir tout aussi grandâŠ
« Alors pourquoi ne tâen sers tu pas pour vraiment protĂ©ger ceux qui te sont chers ? »
â Je ne sais pas⊠hacha-t-il honnĂȘtement. Je ne sais vraiment pasâŠ
â ⊠Câest quâun chien idiotâŠÂ » gronda FĂ©lix.
Rodrigue rĂ©pondit en passant une main dans ses cheveux, avant de poser un doigt devant sa bouche pour lui rappeler quâil devait rester silencieux Ă ce sujet. Son fils bouda un peu mais, il ne dit rien de plus.
Une fois sĂ»r que plus aucune trace de poison nâĂ©tait sur les enfants, chacun retourna Ă ses tĂąches, mĂȘme si Gustave vient voir le duc et les deux sĆurs avant quâils ne retournent Ă leur Ă©tude. Il nâavait pas connaissance dâautres assassinats suivant ce mode opĂ©ratoire mais, ses hommes chercheraient plus rigoureusement dĂšs quâils en auraient lâoccasion. Il leur avait aussi conseillĂ© de ne pas parler de tout ceci au roi, pour ne pas encore plus le fatiguer dâinquiĂ©tude pour son fils. Lambert Ă©tait encore trĂšs faible, et toute Ă©motion forte Ă©tait Ă proscrire pour ne pas aggraver son Ă©tat. Quand le chef de la garde leur avait dit ça, Rodrigue entendit parfaitement ce Ă quoi penserait Alix Ă ses mots, tout comme son ton cassant et ironique.
« Il avait lâair de vachement sâinquiĂ©ter pour son gosse quand il lâa emmenĂ© dans un piĂšge Ă©vident, alors que tout le monde lui hurlait que câĂ©tait un piĂšge Ă©vident. »
Il nâen dit rien Ă personne, mĂȘme si aux commentaires de LachĂ©sis et ThĂšcle une fois Gustave parti, elles pensaient la mĂȘme chose quâeux⊠enfin bon, mieux valait Ă©viter de donner un bĂąton Ă Rufus pour les battre avec, mĂȘme sâil tirait ses excuses de quelquâun dâautre.
Rodrigue sâattaquait Ă une demande dâarbitrage assez complexe dâun petit fief de lâOuest, quand un serviteur vient le chercher pour le mener Ă Lambert. Le roi voulait souvent le voir quand il Ă©tait suffisamment conscient pour parler. Il mettait beaucoup de temps Ă se remettre mais, ce nâĂ©tait pas trĂšs Ă©tonnant aprĂšs tout ce quâil avait endurĂ©âŠ
« Dommage que la famille royale nâait pas dâarme sacrĂ©e comme nous avec Moralta, ce serait bien utile dans cette situation⊠songea-t-il sur le chemin, mĂȘme si sa migraine sâaggravait. Enfin, câest ainsi, il faut faire avec⊠et câest peut-ĂȘtre mieux sâil met du temps Ă se remettre, les mĂ©contents viendront peut-ĂȘtre moins vite lui demander des comptes personnellementâŠÂ »
« Ah⊠Rodrigue⊠je suis content de te voirâŠ
Lambert avait Ă peine repris des couleurs ses derniĂšres semaines, toujours aussi vidĂ© de ses forces. DâaprĂšs CornĂ©lia et les autres mĂ©decins du palais, câĂ©tait dĂ» au choc physique bien sĂ»r, mais aussi psychologique de la TragĂ©die. Dimitri tenait lĂ©gĂšrement mieux uniquement grĂące Ă Areadbhar, bien quâil soit dans le mĂȘme Ă©tat que son pĂšre⊠enfin, si la DĂ©esse le voulait bien, il serait bientĂŽt suffisamment remis pour pouvoir se passer de sa Relique et il pourrait la donner au roi.
Cependant, dâaprĂšs les serviteurs qui le veillait, le visage de ce dernier sâanimait toujours un peu plus quand Rodrigue venait le voir, bien plus que quand câĂ©tait Gustave ou Rufus. Cela lui faisait toujours plaisir de le voir⊠lui parlait toujours comme avant⊠comme si rien ne sâĂ©tait passé⊠que tout Ă©tait encore normalâŠ
« Mieux vaut que je garde pour moi ce que je ressens vraimentâŠÂ »
â Bonjour Lambert⊠lui rĂ©pondit-il sur un ton de conversation normal. Comment te sens-tu ?
â Comme toujours, un peu cassĂ© mais, je nâai pas Ă me plaindre⊠comment va Dimitri ? Je ne lâai pas vu depuis que nous sommes au palaisâŠ
Rodrigue repensa Ă ce qui sâĂ©tait passĂ© aujourdâhui, ce qui risquait dâarriver, au corps meurtri du petit garçon qui tremblait dans ses bras Ă cause du poison, alors quâil peinait dĂ©jĂ Ă se remettre de la TragĂ©die, les cicatrices gelĂ©s recouvrant tout son corps⊠mais il ne pouvait toujours pas ĂȘtre honnĂȘteâŠ
â Il se remet lentement malgrĂ© tout⊠dâaprĂšs la mĂ©decin Hersend, les blessures sont profondes et il lui faudra encore plusieurs lunes pour se remettre, surtout quâil a respirĂ© beaucoup de fumĂ©e. Cependant, il ne devrait plus avoir besoin dâAreadbhar pour tenir dans peu de temps.
â Dâaccord⊠tant mieux, ça veut dire quâil sera bientĂŽt guĂ©ri⊠mĂȘme si⊠rrhaaa⊠lâair de Fhirdiad ne doit pas aider pour ses poumons⊠il a toujours Ă©té⊠mauvais et humide⊠mĂȘme si CornĂ©lia a beaucoup aidé⊠câest pas⊠câest pas un air pour un petit garçon⊠il a mĂȘme affaibli⊠HĂ©lĂ©na⊠sans lui⊠elle⊠elle ne serait pasâŠ
Il se tut, se refermant un peu. Rodrigue resta le plus vague possible en rĂ©ponse, mordant de toutes ses forces ce quâil voulait vraiment dire⊠fit disparaitre les souvenirs de la femme Ă©puisĂ©e, Ă©reintĂ©e dâangoisse et de tension Ă force de devoir toujours passer derriĂšre son mari, afin de le raisonner quand il sâentĂȘtait par pĂ©chĂ© dâoptimisme et de naĂŻveté⊠ça lâavait mĂȘme empĂȘchĂ© de tomber enceinte pendant longtemps, jusquâĂ ce que FĂ©licia prenne soin dâelle et lâaide Ă se dĂ©tendre⊠enfin, ce nâĂ©tait pas le moment de trop critiquer le roiâŠ
â Peut-ĂȘtre⊠lâair nâest jamais trĂšs bon en ville. Il voulait te voir aussi, tu lui manques.
â Je le comprend⊠jâai hĂąte aussi de le revoir, il me manque⊠pre⊠kof ! PremiĂšre chose que je fais en me levant⊠je vais lâembrasser⊠mais⊠peut-ĂȘtre que ce serait mieux si⊠sâil allait loin de la capitale⊠lâair de la campagne est⊠est bonâŠ
Rodrigue crut rĂȘver quand il entendit ses mots. Rufus ne les laisserait jamais faire sans lâaval de Lambert mais DĂ©esse, ce serait lâidĂ©al ! Il serait loin de la capitale et protĂ©ger en cas de rĂ©volte. Entre les morts, les impĂŽts, les restrictions et le rationnement, Fhirdiad se transformait petit Ă petit en une vĂ©ritable poudriĂšre prĂȘte Ă exploser. Plus Dimitri serait loin, mieux ce serait.
â Ce serait une trĂšs bonne idĂ©e, rĂ©pondit-il honnĂȘtement Ă Lambert pour la premiĂšre fois depuis la TragĂ©die. Hum⊠pas Ă Fraldarius Ă©tant donnĂ© quâAlix est dĂ©jĂ dĂ©bordĂ© et que beaucoup de nos hommes sont ici, et Rufus refuserait de nous confier Dimitri. Par contre, les Charon sont assez nombreux pour sâoccuper de lui. Leur fief semble assez calme, est loin des troubles de lâOuest, et leur forteresse Lokris est situĂ©e dans le piĂ©mont de la montagne de Garreg Mach, lâair y est trĂšs sain. De plus, je suis sĂ»re que la famille dâHĂ©lĂ©na sera plus rassurĂ©e de savoir leur neveu loin de lâagitation de la capitale.
â Surement⊠mĂȘme sâil sera⊠tout seul lĂ -bas⊠sans ses amisâŠ
â Peut-ĂȘtre mais, il sera aussi entourĂ© par ses cousins, plusieurs ont son Ăąge. Je sais quâil les connait beaucoup moins que FĂ©lix, Ingrid et Sylvain mais, ce serait bien le diable NĂ©mĂ©sis sâil ne sâentendait pas avec au moins un dâentre eux. De plus, je pense que Dedue et Sasiama le suivront tous les deux, ils sont dĂ©jĂ trĂšs amis tous les trois.
Lambert nâavait pas lâair trĂšs convaincu par son affirmation, jetant son regard au plafond alors quâil marmonnait.
â Ils ne seraient encore que trois⊠tu peux et Ă©crire Ă Ingrid et Sylvain et demander Ă FĂ©lix sâils⊠sâils peuvent lâaccompagner en Charon sâil te plait ? Ce serait⊠mieux pour lui si⊠rhaaaa⊠ces amis Ă©taient avec luiâŠ
CâĂ©tait un ordre malgrĂ© le ton alors, lâhomme nâavait pas dâautre choix que dâaccepter, mĂȘme sâils connaissaient dĂ©jĂ les rĂ©ponses : Ingrid sâĂ©tait enfermĂ©e et ne sortait plus Ă cause de la mort de Glenn, et Sylvain ne pourrait pas quitter Gautier, les routes Ă©taient trop dangereuses et maintenant quâil Ă©tait majeur, Isidore nâhĂ©siterait pas Ă lâemmener sur le champ de bataille. Et FĂ©lix⊠Rodrigue avait honte mais, il ne voulait pas le laisser partir⊠mĂȘme maintenant quâEstelle et Bernard Ă©taient arrivĂ© Ă la capitale avec des renforts, quâil avait toute confiance en les Charon, et que câĂ©tait peut-ĂȘtre mieux pour Dimitri, le pĂšre ne voulait pas voir son fils loin de lui⊠son louveteau qui lui donnait tant de force⊠il ne pourrait le confier quâĂ Alix mais, seulement parce que son frĂšre Ă©tait lui et quâil Ă©tait son frĂšre et que câĂ©tait la personne en qui il avait le plus confiance au mondeâŠ
â Ce sera fait, rĂ©pondit-il tout de mĂȘme.
Lambert sourit à sa réponse avant de souffler en tournant à nouveau son regard vers lui, plein de reconnaissance.
â Merci beaucoup de tâen occuper⊠je ne sais pas ce que je ferais sans toi en ce moment⊠et que tu sois toujours Ă mes cĂŽtĂ©s⊠je ne pourrais jamais assez te remercier RodrigueâŠ
Lâhomme aux cheveux noirs retient une grimace quand sa migraine sâintensifia dâun coup, lui faisant souhaiter nâimporte quoi. Il rĂ©pondit de maniĂšre plus raisonnablement, Ă©touffant comme il pouvait cette pensĂ©e sombre.
â Je ne fais que mon devoir envers le Royaume et la famille royale.
« Alors, rend-moi Glenn et Nicola⊠rends-les moi⊠rends-moi tout le monde. »
Il Ă©trangla cette pensĂ©e folle qui hurlait encore plus fort en dĂ©bitant dâautres horreurs ensuite, alors que Lambert sourit Ă nouveau.
â Merci pour tout mon ami⊠je sais que je peux te faire confiance pour toutâŠ
« Câest bien pour ça que je te hais chien idiot. »
*
Il faisait froid⊠tellement froid⊠si froid⊠il nâavait pourtant pas froid comme dâhabitude⊠pas au corps⊠il avait froid au cĆur⊠si froid⊠il faisait glacial⊠tellement quâil sentait Ă peine ses membres⊠avait du mal Ă respirer⊠avait mal partout⊠mais il ne tremblait pas, il ne devait pasâŠ
La seule source de chaleur Ă©tait dans ses bras⊠son trĂ©sor serrĂ© contre son cĆur⊠son petit soleil⊠sa seule lumiĂšre dans cette tempĂȘteâŠ
« Ne tâen fais pas⊠je vais te sortir de là ⊠ça va aller⊠ça va aller⊠je te protĂ©gerais⊠je vais te protĂ©ger⊠ça va aller⊠je tâen supplie mon petit, tiens bonâŠÂ »
Son visage Ă©tait couvert de glace, comme un grand masque tordu, figeant ses traits mais, il sâen fichait⊠tant que son soleil restait en sĂ©curitĂ©, Ă lâabri de cette tempĂȘte de neige⊠tant que sa fourrure restait toujours aussi chaude⊠tant que son petit Ă©tait en sĂ©curitĂ©, rien dâautre ne comptait⊠il pouvait tout endurer tant quâil allait bien⊠il serait prĂȘt Ă tout pour le protĂ©ger !
« Ăa va aller⊠ça va aller⊠ça va aller⊠on est bientĂŽt arriverâŠÂ »
Cependant, alors quâils arrivaient prĂšs de la prĂ©sence aqueuse toute semblable Ă la sienne devant eux, son pied se prit d⊠non, quelque chose le prit⊠quelque chose venait de lui attraper la jambe ! Le tirait sous la neige ! Non ! Non ! Laissez-moi ! Il ne voulait pas ! LĂ aussi, cela brillait dans la tempĂȘte mais, au lieu dâĂ©clairer les lieux, tout devenait plus sombre et flou dans son sillage, le masque sâenfonçant dans sa chair et la neige tranchant tout son corps.
« Je ne veux pas ! Lùche-moi ! Laisse-moi partir ! »
Il serra son petit encore plus fort, fit tout pour le protĂ©ger de cette lumiĂšre sombre en cherchant un endroit oĂč le mettre loin dâelle mais, tout Ă©tait exposĂ© Ă la tempĂȘte ! Et son soleil qui devenait de plus en plus froid ! Non ! Non ! Pas ça !
« Non⊠non ! Par pitiĂ©Â ! Pas ça ! Pas toi ! Par pitiĂ©Â ! Ne meursâŠÂ »
« Papa ! Réveille-toi ! Papa ! »
Rodrigue se redressa dâun coup Ă lâappel, tremblant et en sueur. DĂ©esse, quel cauchemar ! Cela faisait des annĂ©es quâil nâavait pas fait de pareil⊠depuis la mort de son pĂšre il dirait⊠surement Ă cause de ses migraines⊠mais ce nâĂ©tait pas important.
FĂ©lix Ă©tait Ă cĂŽtĂ© de lui, les mains en lâair aprĂšs lâavoir remuĂ© dans tous les sens pour le rĂ©veiller, le clair de lune dĂ©voilant lâinquiĂ©tude qui creusait ses traits. Oh, non, non, non⊠il nâavait pas voulu ça ! Il fit tout ce quâil put pour retrouver son calme et contrĂŽler son souffle avant de dire, espĂ©rant ne pas aggraver les choses.
« FĂ©lix⊠je⊠je suis dĂ©solĂ© de tâavoir rĂ©veillĂ©âŠ
â Tâexcuse pas, câest pas ta faute. Tu faisais un cauchemar ?
â Oui, mĂȘme si câest rare que ça mâarrive⊠merci beaucoup de mâavoir rĂ©veillĂ©. Enfin, ne tâen fais pas pour moi, ça va aller⊠tu devrais aller te recoucher, il est tardâŠ
â Jâallais pas te laisser comme ça ! Et dâaccord ! Mais pour que tu ne fasses plus de cauchemars⊠humf !
Il attrapa dâun coup son oreiller sans rĂ©veiller Fleuret, puis monta sans hĂ©siter sur le lit de Rodrigue, avant de se pelotonner sous sa couette en marmonnant.
â Comme ça, si tu refais un cauchemar, je te rĂ©veille dâun coup de pied.
Vaincu par la fatigue de la journĂ©e, Rodrigue se contenta de le reprendre sur ses mots sans le chasser, sentant son mal de tĂȘte sâapaiser un peu.
â Ta langue FĂ©lix, on ne frappe pas les autres⊠il laissa Ă©chapper un rire en se souvenant. Tu fais comme quand tu Ă©tais petit⊠mais dans ses moments-lĂ , câĂ©tait quand toi tu faisais un cauchemar, tu venais toujours finir ta nuit avec moi dans ses moments-lĂ âŠ
â Car câest toi maintenant qui fait un cauchemar⊠marmonna-t-il, les paupiĂšres de plus en plus lourde. Bonne nuitâŠ
Son louveteau se rendormit tout de suite, vaincu par la fatigue et lâheure tardive. Rodrigue eut un sourire, puis lui caressa les cheveux en soufflant quelques notes, sa voix nâĂ©tant heureusement pas trop enrouĂ©e Ă force de ne plus chanter.
« Dors, dors, mon tout petit,
Quand le jour se change en nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Quand dans le ciel, la lune luit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je veillerais sur toi toute la nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je jure, de toute ma longue vieâŠ
Tu es mon plus grand trésor,
Alors mon tout petit, dors. »
Il se rendormit aussi assez vite, tombant dans un sommeil profond et sans rĂȘve, Ă son grand soulagement⊠FĂ©lix rentrouvrit les yeux, sentant son pĂšre plus calme⊠câĂ©tait dĂ©jà çaâŠ
« Câest bizarre⊠il a le cĆur qui bat Ă peine⊠comme pour⊠⊠⊠ça doit ĂȘtre la fatigueâŠÂ »
Il mordit son envie dâaller taper Rufus jusquâĂ ce quâil arrĂȘte dâexploiter Rodrigue, pour le forcer son travail Ă sa place, en se rendormant Ă ses cĂŽtĂ©s.
*
« Quoi ?! Quâest-ce que tu dis Lambert ? Tu veux envoyer Dimitri Ă Charon ?! Mais tu tâes pris un autre coup sur la tĂȘte ?
â De mĂ©moire, pas plus que ceux que jâai dĂ©jĂ pris⊠mais ce sera mieux⊠lâair de la montagne lui fera du bien⊠et câest la⊠la famille dâHĂ©lĂ©na⊠ils prendront bien soin de lui⊠Rodrigue pense que câest une bonne idĂ©e⊠et⊠et LachĂ©sis et ThĂšcle sont dâaccord⊠ils⊠ils sont habituĂ©s Ă ĂȘtre nombreux⊠et en bateau sur le fleuve, le⊠le voyage sera⊠rhhaaa⊠sera calme et rapide⊠surtout maintenant que⊠quâil peut se passer dâAreadbharâŠ
Rufus se frappa le front devant la dĂ©cision de son frĂšre. Ouais, le bon air de la montagne⊠câĂ©tait surtout lâoccasion pour les Charon de rĂ©cupĂ©rer un argument de poids pour faire pression sur eux⊠et Ă©videmment, Rodrigue Ă©tait dâaccord⊠encore ce loup enragé⊠il Ă©tait docile face Ă lui, mais avec son petit frĂšre, il remontrait ses crocs⊠et il nâhĂ©sitait pas Ă profiter de son Ă©tat de faiblesse lâanimal, comme ses deux comparses de sĆurs Charon⊠sa main au feu quâil avait agitĂ© HĂ©lĂ©na en plus⊠malgrĂ© le fait quâil ne lâaimait pas autant que Patricia, la simple mention de la petite crĂ©ature de Ludovic suffisait parfois Ă le faire changer dâavis en ce moment⊠il fallait vraiment quâil trouve une idĂ©e pour leur rappeler qui Ă©tait le vrai rĂ©gent Ă ces trois-lĂ âŠ
â Je comprends que tu veuilles le meilleur pour Dimitri mais, je doute que ce soit une bonne idĂ©e de lâenvoyer aussi loin de toi. Imagine ce qui pourrait arriver pendant le voyage ? Il serait bien mieux quâil reste ici avec nous, ça le fatiguera moins.
â Câest pour ça que jâai⊠demandĂ© à ⊠rrhhaa⊠Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle de tout organiser⊠ils savent sây faire⊠surtout que câest⊠câest une route fluviale trĂšs frĂ©quentĂ©âŠ
â Tu parles, ils nâont mĂȘme pas Ă©tĂ© fichu de bien organiser le voyage Ă Duscur ! Ils nâont fait aucun effort et voilĂ le rĂ©sultat !
Son frĂšre dĂ©tourna les yeux en lâentendant, marmonnant avec honte.
â Câest⊠câest plutĂŽt moi qui aurais dû⊠les Ă©couter⊠ils avaient dit que ce serait trĂšs dangereux⊠ils lâont dit⊠mĂȘme Areadbhar lâa dit⊠si je les avais Ă©coutĂ©s⊠alorsâŠ
â Alors rien, tu as fait ce que tu devais faire et câest eux qui nâont pas Ă©tĂ© Ă la hauteur de tes ordres. Tâes le roi, câest normal que ce soit toi qui prennes les dĂ©cisions, et tes conseillers sont tes serviteurs qui doivent exĂ©cuter tes ordres.
â Ludovic ne faisait pas çaâŠ
â Car le vieux dĂ©testait la monarchie⊠et il te mĂ©prisait assez pour vouloir mettre ses favoris sur le trĂŽne Ă ta place, alors quâil te revient de droit, quoi quâil dise pour se justifier. Tu te prĂ©occupes trop de ce quâil pense. Il est mort ce salopard, oublie-le, câest tout ce quâil mĂ©rite. Tâas juste fait un voyage qui a mal tournĂ© car, lâadministration et tes conseillers Ă©taient incompĂ©tents. Lui, il a fait un coup dâĂtat, oĂč lui et tous ses complices auraient eu la tĂȘte coupĂ©e sâil avait ratĂ© son coup. Tâes plus prudent que lui, quoi que les gens en pensent.
â⊠je me le demandeâŠ
â Oublie, câest pas le moment de rĂ©flĂ©chir à ça alors que tu es encore en train de te remettre. Repose-toi petit frĂšre, tu mĂ©rites bien aprĂšs tout ce qui tâes arrivĂ©âŠÂ »
Malheureusement, Lambert nâavait pas lâair trĂšs convaincu mais, il se rendormit vite, trop fatiguĂ© pour rester Ă©veiller plus de quelques minutes Ă chaque fois. Il avait dĂ©jĂ dĂ» y laisser toutes ses forces en parlant autantâŠ
« Repose-toi bien et reste avec nous Lambert⊠je ne veux pas te perdreâŠÂ »
Il embrassa son petit frĂšre et le reborda avant de sâen aller, mĂȘme sâil laissa exploser sa colĂšre une fois seule. Maudit Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle ! Ils poussaient encore Lambert Ă faire nâimporte quoi ! Et Lambert semblait sâĂȘtre mis en tĂȘte quâils avaient raison en plus ! LâĂ©puisement et les blessures le rendaient plus manipulable que dâhabitude⊠encore plus quand ça venait de son « meilleur ami » Ă sens unique⊠lui qui Ă©tait toujours si dĂ©terminĂ© Ă faire ce quâil avait Ă faire, voilĂ que trois mots suffisaient Ă le convaincre de faire quelque chose de stupide !
« Sâils ne lui ont rien fait⊠aprĂšs tout, câest des magiciens, tous autant quâils sont⊠faudrait que je demande Ă âŠÂ »
« Votre Altesse ? Puis-je me joindre à vous ?
CornĂ©lia se tenait sur le pas de la porte, une bouteille de vin Ă la main⊠il ne lâaurait pas imaginĂ© ĂȘtre du genre Ă aller au marchĂ© noir mais bon, la connaissant, elle pouvait aussi lâavoir tirĂ© de sa rĂ©serve⊠Rufus sâen fichait en fait, cela avait lâair dâĂȘtre du bon vin et il avait envie dâavoir quelquâun Ă qui se plaindre.
â Entre, Ă condition que tu me laisses la moitiĂ© de la bouteille.
â Merci et telle Ă©tait mon intention, sourit-elle en refermant la porte derriĂšre elle, pendant que Rufus sortait deux verres.
CornĂ©lia les remplit en gazouillant, toute contente et presque pimpante. Ăa faisait longtemps quâil ne lâavait pas vu aussi guillerette, depuis son accident dans les escaliers en fait⊠il avait toujours mis ça sur le compte du coup Ă la tĂȘte, elle sâĂ©tait enfoncĂ© le crĂąne et avait survĂ©cu de peu.
â Quel bonheur de voir Son Altesse retrouver peu Ă peu la santĂ©Â ! Je suis sĂ»re que ce sera bientĂŽt la mĂȘme chose pour Sa MajestĂ© dans quelques temps !
â Enfin quelquâun dâautre de raisonnable en plus de Gustave⊠oui, Dimitri se sent bien mieux, grĂące Ă tes soins surtout. Cette maudite lance nây a pas fait grand-chose⊠tout ce quâelle lui a fait, câest le transformer en abomination en le couvrant de givre, et lui faire voir un soi-disant Blaiddyd mais bon, ça se voie quâil a reçu quelques coups sur le crĂąne. Imagine, il rĂȘve que Blaiddyd en personne Ă©tait noir comme un duscurien ! On nâa jamais entendu une absurditĂ© pareille ! Enfin, câest pas le seul qui sâest pris des coups sur la tĂȘteâŠ
â Hum⊠vous semblez bien troublé⊠puis-je vous prĂȘter oreille ? Lui proposa la guĂ©risseuse avec attention. Cela vous fera sans doute beaucoup de bien de vous confier Ă quelquâun.
Rufus rĂ©flĂ©chit une seconde, puis finit par accepter de parler. AprĂšs tout, CornĂ©lia nâavait jamais trahi Lambert, mĂȘme quand Areadbhar avait commencĂ© Ă lui geler les doigts et Ă le rejeter, alors que ça pouvait ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une dĂ©faveur divine⊠comme le vieux lâavait fait avec Clovis dâailleurs pour dire quâil avait bien fait de comploter contre lui⊠elle Ă©tait de confiance.
â LâĂ©tat de Lambert mâinquiĂšte⊠il va mieux mais dâun autre cĂŽtĂ©, il se met tout le blĂąme de la TragĂ©die sur ses Ă©paules⊠et il Ă©coute de plus en plus Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle⊠alors que ce sont les mĂȘmes qui sont Ă lâorigine de ce fiasco⊠un autre Charon ou Alix arrive, et il va finir par leur lĂ©cher les bottes comme un toutou⊠je sais que Lambert tient beaucoup aux jumeaux mais, Ă ce stade, ce serait lui rendre service de les dĂ©gager de son entourage ! Ils profitent tous de sa faiblesse pour lui faire faire nâimporte quoi, comme cette idĂ©e stupide dâenvoyer Dimitri en Charon car, lâair est meilleure et que câest la famille de cette crĂ©ature dâHĂ©lĂ©na. Le gosse serait bien mieux ici, mais non ! Parce que ces trois-lĂ et surtout Rodrigue ont dit que câĂ©tait une bonne idĂ©e, faut le faire ! Il est trop faible pour sâopposer Ă eux !
â Hum⊠je comprends, vous avez peur quâil se fassent manipuler par ses « proches », devina CornĂ©lia.
â Câest pas que jâai peur, câest le cas ! RĂ©torqua-t-il sans hĂ©siter. Et je ne peux mĂȘme pas les chasser avec ça ! MĂȘme si câest Ă©vident quâils le manipulent, ils se sont soumis assez vite Ă mes volontĂ©s et font tout leur travail. Câest brouillon et bĂąclĂ© mais, je ne peux pas trop me passer de leurs connaissances, mĂȘme si bon, si jâavais la bonne occasion, je le ferais et mettrais mes hommes Ă leur place⊠En plus, ça me permet de les avoir Ă lâĆil, plutĂŽt quâils complotent tranquillement dans leur fief avec le restant de leur famille et leurs fidĂšles. Jâose mĂȘme pas imaginer ce que sont en train de combiner le reste de la fratrie ou les fraldariens en ce moment, encore plus sâils Ă©taient au complet⊠je peux mĂȘme pas les faire exĂ©cuter⊠jâai pas de preuve quâils tentent de manipuler Lambert, ils font leur boulot, et je le fais, leurs petits moutons de sujets vont se rĂ©volter car, le vieux Ă©tait assez con pour laisser des seigneurs fidĂ©liser autant leurs sujets et leurs vassaux.
â Câest vrai que la situation est Ă©pineuse⊠souffla la magicienne, pensive et prudente. Je ne veux pas mâimmiscer dans ce qui ne me regarde pas, je ne suis pas faerghienne mais une simple roturiĂšre adrestienne aprĂšs tout mais, le nĆud des problĂšmes semble ĂȘtre le duc de Fraldarius et les sĆurs de feu la reine HĂ©lĂ©na, ai-je tort ? Et bien, mĂȘme sâil est vrai que cela est risquĂ© de les laisser rentrer chez eux, ils peuvent aussi y retourner sans avoir la possibilitĂ© de faire quoi que ce soit ?
â Comment ? Avec la tĂȘte sous le bras ? Câest pas que je nâai pas envie de mettre la tĂȘte des putains de fils prĂ©fĂ©rĂ©s de Ludovic sur sa tombe, pareil pour ses petites crĂ©atures mais, je fais ça, jâai tout le duchĂ© de Fraldarius et le comtĂ© de Charon qui vont marcher sur la capitale⊠et vu quâentres bĂȘtes, soit on sâentre-dĂ©vore, soit on sâentend, cette sauvage de Fregn serait capable de sortir du bois avec toute sa famille pour nous plumer, vu quâelle sâentend bien avec les jumeaux.
â Non, câest clair que cela ne ferait que mettre de lâhuile sur le feu. Cependant, il y a dâautres façons de les rendre inoffensifsâŠ
â Câest-Ă -dire ?
â Et bien, mĂȘme si câest surement une idĂ©e assez faible, je les Ă©puiserais petit Ă petit, afin de les pousser lentement dans leurs derniers retranchements et les rendre inoffensifs Ă cause de la fatigue. Cela serait vu comme la consĂ©quence logique de lâenvergure de leur tĂąche, mais aussi quâils nâen sont pas dignes sâils nâarrivent pas en venir Ă bout malgrĂ© leur statut. De plus, quelques humiliations et rappels Ă leur rang de subordonnĂ© devrait user leurs nerfs plus vite mais, submergĂ© par la tĂąche, ils ne devraient pas avoir le temps de penser Ă prendre leur revanche Ă cause de la surcharge de travail. Il faudrait y aller progressivement mais, cela devrait fonctionner.
PĂ©riandre cacha son sourire satisfait en voyant la joie de Rufus devant son plan. AprĂšs lâidĂ©e stupide dâempoisonnement dâun de ses anciens collaborateurs, tout le palais Ă©tait sur ses gardes, elle devait rester sur ses gardes pour ne pas se faire prendre. Non pas quâelle nâavait pas essayĂ© de lui inoculer petit Ă petit un poison de sa fabrication indĂ©tectable par ses infĂ©rieurs mais, ce maudit rejeton Ă©tait rĂ©sistant et protĂ©ger par son ancĂȘtre Simplex⊠alors un poison humain, mĂȘme pas la peine dây penser, mĂȘme Ă forte dose. Elle rĂšglerait le sort de cette vermine aprĂšs. Pour le moment, lâimportant Ă©tait de se concentrer sur la dĂ©stabilisation du Royaume. Ce pays se transformait petit Ă petit en vĂ©ritable poudriĂšre prĂȘte Ă exploser mais, les quelques grands seigneurs compĂ©tents encore en vie lâĂ©taient trop et limitaient bien trop le chaos⊠câĂ©tait eux dont elle devait obtenir la peau ou la dĂ©mission, pas celle de Lambert finalement. Lui, il semblait mĂȘme devenir le centre de la dĂ©testation au fil des jours⊠non, sâils voulaient ruiner la crĂ©ation de Sothis pour replonger Sphigxi dans le chaos originel, mieux valait le garder en vie, histoire de provoquer une guerre civile ou exciter les ambitions de toutes parts.
Par contre, PĂ©riandre devait se concentrer sur lâĂ©limination de deux familles-clĂ©s pour atteindre son objectif dans le Royaume : les Charon et les Fraldarius. Ces deux familles constituaient la colonne vertĂ©brale de Faerghus ces derniĂšres annĂ©es, avec la famille royale quand un roi Ă peu prĂšs compĂ©tent Ă©tait sur le trĂŽne. Si elle voulait le briser en mille morceaux, elle devait impĂ©rativement Ă©liminer ces deux colonies de parasites.
« Autant commencer par les Fraldarius⊠ils sont les moins nombreux, et ceux qui semblent tenir la mort loin de la famille royale. Glenn a tout de mĂȘme rĂ©ussi Ă tuer plusieurs des nĂŽtres Ă lui tout seul et Ă sauver la vie de Dimitri mĂȘme si câĂ©tait au prix de la sienne â il faudra que je pense Ă dire Ă Myson de me garder son corps de cĂŽtĂ© pour quand je rentrerais, je veux aussi voir de moi-mĂȘme comment il a fait pour ĂȘtre aussi rĂ©sistant pour un insecte sans emblĂšme ! â FĂ©lix est toujours sur les talons du prince et est capable de le soigner, Alix arrive Ă maintenir les relations commerciales avec lâAlliance et tient les vassaux de tout lâEst en respect, et Rodrigue fait le travail du rĂ©gent sans lâĂȘtre, tout en semblant redonner de lâĂ©nergie Ă Lambert Ă chaque fois quâil le voie⊠en plus, mĂȘme sâils meurent jeunes dans cette famille, ils ont aussi la vie chevillĂ©e au corps, ils sont aussi difficiles Ă Ă©craser que ce sauvage de Pertinax⊠son obstination est jusque dans son sang visiblement⊠mais bon, câest aussi leur point faibleâŠÂ »
Elle proposa alors, toute innocente comme la vraie CornĂ©lia lâaurait Ă©tĂ© avec sa trop grande modestie.
â Si vous voulez vous dĂ©barrasser de Rodrigue en lâĂ©puisant, je pense quâil a dĂ©jĂ fait une bonne partie du travail seul en ne pouvant plus sâentrainer. Sa magie a dĂ» sâaccumuler en lui et lâaffaiblir. Toutefois, je vous conseillerais aussi de briser en mille morceaux ce qui le tient entierâŠ
â A quoi pense-tu exactement ? » Demanda-t-il, mĂȘme si PĂ©riandre savait quâil lui demandait surtout pour se faire une joie de lâentendre. Rufus semblait toujours se faire une joie de dĂ©truire tout ce que son pĂšre chĂ©rissait et pour le coup, cela lâarrangeait.
« Câest bien simple, volez-lui ce Ă quoi il tient le plus au monde : son fils. »
*
Quelques semaines plus tard, Dimitri fut assez remis pour pouvoir se rendre Ă Charon, afin de se reposer en paix. Comme il lâavait anticipĂ©, Ingrid et Sylvain ne pourraient pas venir, il nâavait mĂȘme pas eu de rĂ©ponse de Gautier, et FĂ©lix avait refusĂ© de partir de Fhirdiad alors, il serait juste accompagnĂ© de Dedue et Sasiama. Ce serait sans doute mieux pour eux deux aussi, il y aurait peut-ĂȘtre moins de vengeurs prĂȘts Ă les passer Ă tabac dĂšs quâils Ă©taient isolĂ©s⊠Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle finissaient de boucler les derniers prĂ©paratifs pour le voyage du lendemain, quand un serviteur vient les chercher. Apparemment, Rufus les rĂ©clamait dans la cour centrale.
« Quâest-ce que ce s⊠que souhaite nous dire le rĂ©gent ? Demanda LachĂ©sis, sa petite nuit de la veille ne lâaidant pas Ă ĂȘtre patiente. Nous sommes encore plus dĂ©bordĂ©s que dâhabitude, Sa MajestĂ© nous a chargĂ©s personnellement de tout organiser, afin dâĂȘtre certain que le voyage soit sĂ»r, et le grand-duc Riegan doit nous rendre visite dans peu de temps. On nâa pas de temps Ă perdre.
â Si câest par rapport au fait que Son Altesse aille se soigner chez nous, le rĂ©gent sâest dĂ©jĂ expliquĂ© avec son petit frĂšre. Nous ne faisons quâobĂ©ir Ă la volontĂ© royale, rĂ©torqua ThĂšcle.
â Il a dit que cela avait un rapport mais, il nâa pas exprimĂ© prĂ©cisĂ©ment sa pensĂ©e⊠il veut juste que vous veniez dans la Cour Centrale afin de vous donner quelque chose⊠dĂ©clara-t-il Ă mi-voix avant dâajouter de lui-mĂȘme, mort de peur lui aussi de ce quâil allait arriver sâil nâobĂ©issait pas et Ă©puisĂ©. Sâil vous plaitâŠ
Rodrigue ne put quâavoir de lâempathie pour lui, Rufus usait tout le monde jusquâĂ la corde depuis quâil Ă©tait rĂ©gent, en particulier quand il Ă©tait de mauvais humeur⊠il tendit alors un gobelet rempli dâeau au serviteur pour quâil se pose une seconde, puis ils le suivirent tous les trois jusquâau rĂ©gent et ses alliĂ©s. Cela sentait mauvais⊠Rodrigue passa ses doigts derriĂšre lui, sentit son poignard Ă sa ceinture, sur ses gardes, tout comme les deux sĆurs qui firent de mĂȘme⊠mieux valait quâil lâutilise avant sa magie, il avait trĂšs peur quâelle explose sâil en utilisait trop dâun coup tellement elle sâĂ©tait accumulĂ©e dans ses veines ces derniĂšres semaines⊠lâhomme nâavait aucune idĂ©e de ce qui les attendait alors, mieux valait ĂȘtre prudent.
Quand ils arrivĂšrent dans la cour centrale, Rufus bavardait avec ses principaux partisans, soit des vengeurs dans la trĂšs grande majoritĂ© et des membres intĂ©gristes de lâĂglise OccidentaleâŠ
« Si le roi Ludovic voyait tout ceci⊠songea tristement Rodrigue. Lui qui a tout fait pour endiguer les sectes de lâĂglise Occidentale⊠voilĂ que son fils les encourage maintenantâŠ
â âŠet ça ne mâĂ©tonnerait mĂȘme pas quâil fasse ça juste pour faire chier son pĂšre, » poursuivrait surement Alix.
« Nous voici Votre Altesse, sâannonça LachĂ©sis. Que souhaitez-vous nous annoncer ? Nous aimerions pouvoir rapidement regagner nos Ă©tudes, afin de finir dâorganiser le voyage de son Altesse vers Lokris.
â Ne vous en faites pas, ce ne sera pas long, leur sourit-il Ă pleines dents, ses partisans gloussant comme des gĂ©lines derriĂšre lui. On attend plus quâune seule personne et tout le monde sera lĂ âŠ
Rodrigue se mit dâautant plus sur ses gardes, gardant prudemment ses doigts vers lâendroit oĂč Ă©tait son poignard, tout comme les deux sĆurs qui gardaient leur main sur leur hanche. Ils Ă©taient loin de la chambre de Lambert et dans son Ă©tat, quoi quâil se passe, il nâentendrait rien⊠DĂ©esse, quâest-ce que Rufus pouvait bien leur vouloir ? Surtout pour rire comme ça ? Si câĂ©tait une humiliation, ce serait le moins grave, sa fiertĂ© pouvait le supporter⊠ce serait mĂȘme presque la meilleure option plutĂŽt quâil nâimpose une autre de ses dĂ©cisions brillantes⊠il ne voyait pas Gustave, il devait ĂȘtre occupĂ© Ă vĂ©rifier que le bateau du prince Ă©tait en parfait Ă©tat. De plus, il faisait tout pour prĂ©server Lambert des consĂ©quences de Duscur et de ses actes, trop mort de honte et de culpabilitĂ© pour dire quoi que ce soit au roi. Rufus devait le voir comme un allié⊠son absence annonçait dâencore plus mauvaises chosesâŠ
Cependant, il arrĂȘta dây penser quand il entendit des Ă©clats de voix puis vit FĂ©lix et ZoĂ© ĂȘtre emmenĂ©s dans la cour, son fils allant tout de suite vers lui alors quâil demandait ce qui se passait. Rufus le prit de vitesse en souriant, Rodrigue se mettant par rĂ©flexe entre lui et son louveteau pour le protĂ©ger.
â Un peu de patience, vous le saurez bientĂŽt.
â Votre Altesse, allez-vous enfin nous dire Ă quoi rime tout ceci ? Demanda ThĂšcle, Ă bout de patience.
â Bon, bon, puisque vous ĂȘtes si pressé⊠voyez-vous, Sa MajestĂ© est revenue trĂšs affaiblie de Duscur, et il est aisĂ© de le manipuler. Les temps sont durs, je dois tout faire pour prĂ©server mon petit frĂšre et mon neveu des mauvaises influences. Alors, afin que tous ici compreniez bien que je ne ferais pas de quartier avec les ambitions mal placĂ©es⊠il lança un sourire grotesque dans la direction du trio, essayant sans doute dâĂȘtre menaçant et Ă©chouait mais, lâapprĂ©hension de ce quâil allait faire les gelait tous. Autant faire un exempleâŠ
â Un exemple ? RĂ©pĂ©tĂšrent-ils avec apprĂ©hension, alors que des Ă©clats de voix leur parvenaient.
Rodrigue eut le rĂ©flexe de prendre FĂ©lix contre lui, entourant sa tĂȘte avec sa cape pour lui Ă©pargner quoi quâil puisse arriver, les mains sur ses oreilles quand les Ă©clats se transformaient en suppliques. Deux des gardes du corps de Rufus arrivĂšrent en maintenant un homme qui se dĂ©battait, mort de peur, habillĂ© comme un condamnĂ© Ă mort dont on nâavait pas encore fait la toilette, suivit dâun bourreau qui semblait assez jeune, tenant sa hache Ă deux mains, surement inexpĂ©rimentĂ© sâil se fiait aux tremblements qui lâagitait et saoul Ă lâodeur de vin qui le suivait. Ils reconnurent le captif comme un noble qui avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© peu de temps aprĂšs la TragĂ©die, au motif dâavoir dit trop fort que Lambert avait envoyĂ© le convoi Ă la mort, Rufus lâavait immĂ©diatement fait incarcĂ©rer. Comprenant tout de suite ce quâil allait se passer, LachĂ©sis intervient, gardant sa colĂšre cachĂ©e en elle alors quâelle dĂ©clarait sur un ton professionnel.
â Que pensez-vous faire Ă cet homme ? De ce que nous savons, sont seul tort est dâavoir exprimĂ© son opinion, ce qui est permis par la libertĂ© dâexpression. Cette opinion peut entrer dans le cadre du dĂ©lit de calomnie mais, il nâest pas puni de la peine de mort dans le domaine royal, lieu oĂč le crime a Ă©tĂ© commis. De plus, pour toute peine et en particulier la peine capitale, il doit passer devant un tribunal pour dĂ©terminer sa peine. Si cela a Ă©tĂ© fait, est-ce que vous avez les minutes du procĂšs et le procĂšs-verbal de la sĂ©ance ? Le questionna-t-elle, Rodrigue voyant lâespoir briller dans les yeux du pauvre homme. Jâaimerais le consulter afin de vĂ©rifier si toute la procĂ©dure a Ă©tĂ© respectĂ©e, afin que la peine soit appliquĂ©e dans les rĂšgles fixĂ©s par la loi et ne pas risquer des reprĂ©sailles et autres procĂ©dures pour dĂ©ni de justice.
â Un procĂšs est inutile et ce nâest pas de la diffamation. Il sâagit de trahison. Cet homme a osĂ© critiquĂ© le roi et ses dĂ©cisions en pleine pĂ©riode de crise, câest une menace Ă lâunitĂ© nationale. En ces temps difficiles, cela revient Ă trahir Sa MajestĂ© mon frĂšre, et donc tout le Saint-Royaume de Faerghus. Dans le cadre du droit de justice seigneurial et surtout royale, jâai donc dĂ©cidĂ© de faire un exemple de cet homme et de le faire exĂ©cuter pour trahison.
â Sauf que cela, câĂ©tait la loi avant la Grande Ordonnance de Justice, le roi Ludovic III votre pĂšre a interdit quâune personne seule dĂ©cide de la vie ou la mort dâun condamnĂ©, quel quâil soit et quâimporte la position de la personne dĂ©cisionnaire, lui rappela ThĂšcle malgrĂ© lâapprĂ©hension dâĂ©voquer Ludovic en la prĂ©sence de Rufus. Vous devez impĂ©rativement passer devant un conseil composĂ© de juges et de jurĂ©s afin de valider cette dĂ©cision.
â Je nâai que faire des dĂ©cisions de mon pĂšre. Il nâa fait quâaffaiblir le pouvoir de la famille royale dans la folie causĂ©e par la tuberculose, et il ne pouvait pas savoir que nous allons finir dans une situation bien pire que tout ce quâil a pu connaitre. Il a eu un rĂšgne assez tranquille aprĂšs tout, il ne pouvait pas se douter que lâincompĂ©tence de son conseil nous mĂšnerait Ă un tel fiasco. Ne vous souciez plus de toutes ses ordonnances mais, seulement celle de mon frĂšre et celles des rois prĂ©cĂ©dant mon pĂšre.
Les trois conseillers Ă©changĂšrent un regard tendu. Les ordonnances prĂ©cĂ©dant Ludovic⊠avec ce quâil allait faire, autant dire tout de suite quâil allait suivre la politique de Clovis, il sâĂ©tait octroyĂ© les pleins pouvoirs et lâimpunitĂ© la plus complĂšte tout au long de son rĂšgne, jusquâĂ ce que Ludovic ne casse toutes ses dĂ©cisions qui les avaient fait rĂ©gresser au niveau de lâEmpire. Et ils ne pouvaient mĂȘme pas lui remarquer Ă cause des mĂȘmes lois quâils appliquaient, dire quoi que ce soit en sa prĂ©sence pourrait ĂȘtre utiliser pour les condamner au mĂȘme sort que cet homme dans les bonnes conditionsâŠ
â Papa⊠marmonna FĂ©lix, la voix Ă©touffĂ©e dans le manteau de son pĂšre, Rodrigue le tenant toujours contre lui pour lui cacher ce quâil allait arriver. Papa ? Quâest-ce qui se passe ? Pourquoi Rufus va le faire tâŠ
â Chuuut FĂ©lix⊠il ne faut rien dire, il en profiterait, lui murmura son pĂšre en priant pour que personne dâautre ne lâentende, avant de se redresser pour demander. Pourquoi faire venir mon fils ? Câest encore un enfant, il nâa rien Ă faire dans une exĂ©cution publique. Laisse-le partir.
â Au contraire, cela lui rappellera oĂč est sa place et ce quâil risque sâil parle en mal de la royautĂ©, ce quâil a tendance Ă trop oublier. Et le fifils Ă son papa a-t-il peur du sang ? Ce serait plutĂŽt un agneau tout faiblard quâun louveteau, les nargua Rufus, faisant glousser ses partisans. Câest pas comme si les exĂ©cutions publics nâĂ©taient pas ouvertes Ă tous, et il devra se battre quand il sera grand â sauf si ça devient un gratte-papier comme ma charmante belle-famille car, tu trouves que ton fils chĂ©ri est fragile comme du verre â autant quâil sâhabitue tout de suite.
DĂ©esse, ça se voyait quâil nâavait jamais mis les pieds sur un champ de bataille ! Quel rapport entre une exĂ©cution et une guerre ? Surtout une exĂ©cution pareille complĂštement illĂ©gale ?! Ătait-il hors sol ou comme Clovis Ă ce point ?! Cependant, aller contre lui ne lui donnerait que plus de grain Ă moudre pour obtenir sa tĂȘte. Alors, Rodrigue rĂ©pondit simplement, sur la dĂ©fensive alors que FĂ©lix serrait les poings dans son manteau, fou de rage Ă ses mots.
â Je ne pense pas que lui faire vivre de telles choses soient bon pour lui. Comme vous le dites, je tiens Ă lui alors, je veux le protĂ©ger aussi longtemps que possible des horreurs de la mort, surtout aprĂšs une TragĂ©die aussi atroce qui nous a arrachĂ© son grand frĂšre et son grand-compĂšre. Y ĂȘtre confrontĂ© ainsi aussi jeune est trĂšs mauvais pour un enfant, je parle dâexpĂ©rience. Alors, Votre Altesse, je vous demande de le laisser partir et retourner Ă ses Ă©tudes.
Rufus ne rĂ©pondit pas tout de suite, mĂȘme si câĂ©tait Ă©vident Ă son visage que ce nâĂ©tait quâune manĆuvre pour le faire espĂ©rer en vain mais, cela permit Ă plusieurs partisans du rĂ©gent de murmurer leur lĂ©ger accord avec Rodrigue : une place dâexĂ©cution nâĂ©tait pas un endroit pour un enfant aussi jeune. Les Braves en soient remerciĂ©s, il y avait des personnes raisonnables dans le lot, ou alors dâautres parents⊠Rufus cĂ©da donc Ă moitiĂ© en marmonnant.
â Il reste ici mais, tu peux le garder emmailloter comme un nourrisson dans ta cape.
â Merci, souffla Rodrigue, avant de se tourner Ă nouveau vers son fils en soufflant, espĂ©rant que cela le protĂ©gerait un peu. Il faut que tu te bouches les oreilles⊠je suis dĂ©solĂ© de tâimposer celaâŠ
â Câest pas ta faute Ă toi⊠Pourquoi il fait ça ?
Le pĂšre le serra un peu plus dans ses bras en restant muet, ne devant surtout pas montrer ce quâil ressentait. Montrer Ă Rufus que son plan pour les terrifier fonctionnait ne ferait que lâencourager Ă recommencer et aggraverait la situation.
En les voyant tous se taire, le régent eut un sourire trop semblable à ceux de Clovis dans les chroniques, puis se tourna vers le condamné en déclarant.
â Tu sais maintenant ce qui tâattend sieur⊠quel est ton nom dĂ©jĂ Â ? Ah oui, Acace Adenet Dadvisard, es-tu prĂȘt Ă mourir pour expier ton crime ?
â Non ! SâĂ©cria-t-il, mort de peur en cherchant de lâaide dans lâassistance du regard, dĂ©sespĂ©rĂ©. PitiĂ©Â ! Je jure que je regrette ! Je veux bien faire nâimporte quoi pour me repentir ! Tout ce que vous voulez mais par pitiĂ©Â ! Je ne veux pas mourir !
â Tu as pourtant osĂ© dire que le roi Ă©tait en partie responsable de la TragĂ©die, alors quâil nây ait pour rien. Câest la plus grande victime de toute cette histoire avec le prince. Et toi, tu as osĂ© le transformer en coupable !
â CâĂ©tait un instant de faiblesse ! Un simple Ă©garement ! JâĂ©tais mort de chagrin ! Comprenez-moi ! Plusieurs de mes proches sont morts dans ce convoi ! Tenta de se justifier lâhomme, mort de peur devant la mort qui arrivait. Je me suis trompĂ©Â ! Jâaurais dĂ» dire que câĂ©tait ces diables de paĂŻens duscuriens qui Ă©taient les vrais coupables ! Ils mĂ©ritent de tous mourir jusquâau dernier pour leur crime ! Jâen suis sĂ»r ! Ce serait mĂȘme rĂ©compensĂ© par la DĂ©esse et câest ce que Blaiddyd, Brave de la justice, rĂ©clame haut et fort ! Ă mort les duscuriens ! Je vous aiderais ! Je mettrais mon bras vengeur Ă votre service ! Je ferais tout ! Je vous en supplieâŠ
â Et bien, lâoffre est allĂ©chante mais, câest bien trop tard, rĂ©torqua Rufus. Mais ne tâen fais pas, tu vas me servir. AprĂšs avoir vu ce quâils risquent, beaucoup de traitres et de comploteurs comprendront quâil nâest que folie de sâen prendre Ă la famille royale. Tu devrais ĂȘtre fier de servir le Royaume ainsi.
Acace en devient muet dâhorreur, tĂ©tanisĂ© jusquâĂ ce que les gardes de Rufus commencent Ă lui raser le crĂąne, afin de ne pas gĂȘner le passage de la hache du bourreau, puis Ă trancher le col de sa chemise dans le mĂȘme but. Il se mit alors Ă se dĂ©battre comme il pouvait, recriant sa repentance et en appelant Ă la pitiĂ© royale, hurlant Ă quel point il ne voulait pas mourir.
« PitiĂ©Â ! PitiĂ©Â ! Par pitiĂ©Â ! Votre MajestĂ©Â ! Votre MajestĂ© Lambert ! Je vous en supplie ! Aidez-moi ! » Finit-il par hurler mais, dâici, le roi ne pourrait jamais lâentendre.
Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle serrĂšrent les poings, se retenant de toutes leurs forces dâintervenir. Tout ce qui se passait ici Ă©tait illĂ©gal, câĂ©tait une violation du droit royal et des idĂ©aux de Roi des Lion Loog mais, tant que Rufus Ă©tait rĂ©gent et se donnait le pouvoir dâĂȘtre la loi, ils ne pouvaient rien faire Ă part regarder impuissants, sinonâŠ
Les gardes du rĂ©gent finirent par ligoter Acace sur le billot pour lâempĂȘcher de se dĂ©battre, mĂȘme sâil semblait sâĂȘtre rĂ©signĂ©, pleurant ses derniĂšres suppliques alors que le bourreau se mettait en place.
« Pitié⊠pitié⊠je nâai rien fait⊠câest injuste⊠je suis dĂ©solé⊠tellement dĂ©solé⊠ayez pitié⊠ma famille⊠elle mâattend⊠elle sâinquiĂšte⊠je vous en supplie⊠pitié⊠je⊠je ne veux pas mourirâŠÂ »
FĂ©lix se serra encore plus contre son pĂšre. Il nâentendait presque plus rien des cris de cet Acace, juste des Ă©clats de voix, des gĂ©missements, et des pleurs. Il ne comprenait rien Ă ce qui se passait⊠quâest-ce que ça apportait Ă Rufus dâagir comme ça Ă part de faire comme les traitres qui avait tuĂ© Glenn ?! Il enfonça sa tĂȘte dans le ventre de Rodrigue, serrant les poings de rage autour de ses oreilles. Il voulait juste sortir de lĂ et tirer ce pauvre homme de ce foutu billot oĂč il nâavait rien Ă y faire ! Mais, son pĂšre le tenait trop fort et il lui avait dit de ne pas bougerâŠ
« Papa tremble aussiâŠÂ » Sentit-il, prenant Rodrigue dans ses bras pour lâaider Ă tenir aussi plutĂŽt que de tout faire pour ne rien entendre.
Le petit garçon sursauta quand un nouveau cri se fit entendre, Rodrigue le serrant encore plus contre lui, les mains sur ses oreilles, mĂȘme sâil lui souffla, FĂ©lix arrivant Ă entendre toute son inquiĂ©tude dans sa voix.
« Il faut que tu te les bouches, je tâen prie. Ne tâen fais pas pour moi, je ne veux pas que tu entendes ça. »
FĂ©lix obĂ©it Ă contre-cĆur, mettant ses mains sous les paumes de son pĂšre, mĂȘme sâil perçut le cri horrible Ă travers, suivit de plusieurs autres de plus en plus faible avant de complĂštement disparaitre mais, lâimmobilitĂ© de son pĂšre lui apprit avec horreur que ce nâĂ©tait pas fini. Par les Braves ! Combien de fois cet incompĂ©tent de bourreau allait devoir sây reprendre ?! Il sentait son pĂšre se crisper un peu Ă chaque cri alors, sâil se fiait à ça, il avait fallu onze coups pour que le condamnĂ© ait la tĂȘte tranchĂ©e⊠onze⊠câĂ©tait Ă©normeâŠ
Enfin, aprĂšs trop de temps, FĂ©lix entendit la voix Ă©touffĂ©e de Rufus mais, il perçut malgrĂ© tout Ă quel point il Ă©tait satisfait⊠comment pouvait-il ĂȘtre content de ça ?! Il avait agi comme un vrai monstre assoiffĂ© de sang !
« Câest mĂȘme plus un chien errant Ă ce stade ! Câest quâune bĂȘte ! Et il a tous les pouvoirs en plus ! Si jamais⊠ses mains se crispĂšrent en devinant ce qui allait se passer si son pĂšre faisait la moindre chose qui ne plairait pas Ă la bĂȘte. Oh non⊠non⊠non⊠pas ça ! Papa ! »
Il sentit les mains de Rodrigue se desserrer un peu de sa tĂȘte, mĂȘme sâil garda sa cape tout autour de sa tĂȘte, lui soufflant doucement malgrĂ© sa voix tremblante.
« Partons⊠mais ne sors pas de là ⊠il ne faut surtout pas que tu voies çaâŠÂ » souffla-t-il, FĂ©lix devait avoir devinĂ© ce qui sâĂ©tait passĂ© aux vues du temps qui sâĂ©tait Ă©coulĂ©âŠ
LâexĂ©cution avait Ă©tĂ© une vraie boucherie⊠aprĂšs la passe pour mesurer sâil avait le bon angle, le bourreau avait touchĂ© plusieurs fois le crĂąne et les Ă©paules au lieu de la nuque, avant dâenfin lâatteindre mais lĂ aussi, il avait fallu plusieurs coups avant que la tĂȘte ne tombe⊠quelle mort horrible⊠le bourreau semblait complĂštement inexpĂ©rimentĂ©, il avait dĂ» boire pour se donner du courage mais, cela avait fini en vrai massacre de ce pauvre homme⊠FĂ©lix ne devait surtout pas voir cela⊠DĂ©esse⊠il ne devait surtout pas voir une horreur pareille !
« Et ça risque de se reproduire⊠devina sans problĂšme Rodrigue, sa magie palpitant encore plus fort dans ses veines comme si elle voulait en dĂ©border, son emblĂšme se dĂ©versant dans ses veines avec cette rĂ©solution. Je dois mettre FĂ©lix en sĂ©curitĂ©. Il faut quâil parte, il faut quâil quitte la capitale ! Il faut quâil quitte ce coupe-gorge ! Il faut quâil sâĂ©loigne Ă tout prix de Rufus et ses partisans ! »
AprĂšs sâĂȘtre mis dâaccord pour se donner une heure afin de faire le point tous les trois, les deux sĆurs Charon retournĂšrent dans leurs propres appartements, murmurant entre elles quelques choses. Elles devaient Ă©galement sâadapter. Rodrigue tient FĂ©lix au plus prĂšs, gardant juste sa main dominante libre au cas oĂč, terrifiĂ© Ă lâidĂ©e de croiser un partisan trop zĂ©lĂ© du rĂ©gent, avant de ne vraiment pouvoir souffler quâune fois dans leur chambre, la porte fermĂ©e Ă clĂ© et dans un endroit oĂč ils ne pourraient pas ĂȘtre Ă©piĂ©s par les murs.
Il allait demander Ă son fils comment il allait, quand FĂ©lix se prĂ©cipita sur lui pour le serrer dans ses bras. CâĂ©tait prĂ©visible mais, cela lui faisait toujours mal, le persuadait encore plus de mettre son louveteau en sĂ©curitĂ©.
« FĂ©lix⊠je suis dĂ©solĂ© que tu ais dĂ» assister à çaâŠ
â ArrĂȘte de tâexcuser quand câest pas ta faute. Rufus est complĂštement fou ! Il nâa pas le droit de faire ça ! Câest juste une bĂȘte !
â Oui mais, il sâest accordĂ© les pleins pouvoirs en sâappuyant sur les textes de Clovis, ce qui nous empĂȘche de dire quoi que ce soit. Nous allons devoir ĂȘtre encore plus prudent⊠alorsâŠ
â Alors, tu rentres Ă la maison ! SâĂ©cria tout de suite son fils. Rufus te dĂ©teste ! DĂšs quâil pourra, câest toi quâil tuera papa ! Je veux pas que ça arrive ! Il faut quâon rentre Ă la maison ! Il ne pourra rien te faire lĂ -bas et il se dĂ©brouillera tout seul pour une fois ! Il te fait dĂ©jĂ beaucoup de mal en te donnant tout son travail ! Dimitri va en Charon en plus, y a plus personne qui te mĂ©rite ici Ă part ThĂšcle et LachĂ©sis ! Il faut quâon parte !
FĂ©lix Ă©tait mort de peur pour lui⊠il nâavait mĂȘme pas peur pour lui-mĂȘme mais, juste pour Rodrigue⊠il ne pouvait que comprendre sa terreur. Il savait aussi bien que lui que Rufus lui ferait couper la tĂȘte dĂšs quâil en aurait lâoccasion, ou au moins lâĂ©loigner en lâĂ©puisant⊠câĂ©tait surement une partie de sa stratĂ©gie Ă©tant donnĂ© quâil profitait du moindre prĂ©texte pour lui donner des tĂąches en plus⊠cependantâŠ
â Câest impossible⊠je dois rester Ă FhirdiadâŠ
â Quoi ?! Mais pourquoi ?! Rufus te traite mal comme tout le Royaume et Lambert, câest pas mieux ! Tu risques dây rester pour toujours ! Je ne veux pas te perdre ! Sâexclama-t-il en lui donnant des petits coups frustrĂ©s sur sa poitrine avant de rĂ©pĂ©ter. Je ne veux pas te perdre ! Pas comme Glenn ! Je veux pas que tu meures ! Alix doit vouloir te revoir en plus ! Toi aussi tu veux le revoir ! Ne mens pas, tâes pas douĂ© pour ça !
â Je sais que câest dur mais, câest justement parce que Rufus traite mal le Royaume que je ne peux pas partir, tout comme LachĂ©sis et ThĂšcle, tenta-t-il de lui expliquer en lui prenant les mains pour tenter de le calmer. Si nous partons, plus personne ne dirigera le Royaume et il sera laissĂ© Ă lâabandon par Rufus. Il ne pense quâĂ se venger des duscuriens, et les seigneurs de lâOuest lâencouragent dans cette voie car, ils ont des intĂ©rĂȘts Ă annexer Duscur. Câest pour cela que nous devons rester tous les trois, pour protĂ©ger le Royaume et faire en sorte quâil ne sâeffondre pas. Il sâagit mĂȘme dâune disposition du Kyphonis Corpus, nous sommes obligĂ©s de nous y tenir. Câest mon devoir de veiller sur luiâŠ
â Merde au devoir ! Et merde au Kyphonis Corpus !
â FĂ©lix ! Le reprit-t-il mĂȘme si son fils ne le laissa pas continuer.
â Câest ce que Glenn dirait ! Tu restes plus longtemps, Rufus va te tuer ! Alors que tu peux partir ! Rufus se dĂ©brouillera tout seul, se prendra le mur et câest tout ce quâil mĂ©rite pour avoir encouragĂ© ce voyage et vous avoir tous traitĂ© comme ça ! Il a mĂȘme tuĂ© quelquâun qui nâa rien fait de mal car sa tĂȘte ne lui revenait pas alors, tu es le prochain sur sa liste ! Il te dĂ©teste car tâes plus compĂ©tent que lui ! MĂȘme Lambert sâen fiche du Royaume ! Il sâen fiche si Dimitri devient orphelin alors, il ne doit pas se prĂ©occuper de grand monde Ă part lui ! MĂȘme Glenn en a eu marre des conneries de ces deux chiens errants et idiots et voulait partir ! Il serait parti dĂšs quâil aurait pu sâil nâavait pas Ă©tĂ© obligĂ© de rester ici ! Tout ça Ă cause de son foutu service et devoir envers le pire crĂ©tin de Faerghus Ă cause de foutus rĂšgles du Kyphonis Corpus ! Et Ă cause de ça, il est⊠rha ! Pourquoi câest plus important de respecter ce devoir et de travailler pour un chien idiot que de rester en vie ?!
â Je comprends que ce soit dur Ă accepter mais, cela ne concerne pas que moi. Le mur dont tu parles, câest Faerghus tout entier et si Rufus est au pouvoir seul avec ses sbires, il va le considĂ©rer que comme un moyen de faire un nouveau bain de sang. Cela touchera aussi notre fief⊠je refuse que tu vives dans un pays encore plus dĂ©vastĂ© quâil ne lâait dĂ©jà ⊠moi aussi, je ne veux pas te perdre, pas aprĂšs Glenn⊠mĂȘme si tu nâas pas tort, cela devient beaucoup trop dangereux, admit-il avant de balayer les espoirs de FĂ©lix que son pĂšre entende enfin raison. Il faut que tu rentres Ă la maison, tu seras bien plus en sĂ©curitĂ© lĂ -basâŠ
â Alors tu rentres aussi Ă la maison ! Lui rappela-t-il alors sans hĂ©siter. Câest ce que tu mâavais dit ! Tu avais dit que si je rentrais, tu rentrerais aussi avec moi et que tu te reposerais un peu ! Surtout vu ta tĂȘte ! MĂȘme Alix ne te reconnaitrait pas ! Donc, je rentre et toi aussi et Rufus ne te tuera pas Ă la hache ou en tâexploitant !
Rodrigue baissa alors les yeux avec honte, FĂ©lix devinant que lĂ aussi, son pĂšre serait trop idiot pour partir deux secondes de la capitale car, ils avaient des chiens idiots comme roi et rĂ©gent ! Il le savait pourtant, il le savait ! Tout ça Ă cause de fichus mots sur des bouts de parchemins vieux de quatre cents ans ! Et Ă cause de ça, Glenn avait Ă©tĂ© obligĂ© de suivre ce crĂ©tin de Lambert et maintenant, câĂ©tait son pĂšre qui restait Ă cause de ces foutus devoirs ! Alors quâĂ cause de ses devoirs, presque personne nâavait de cheveu gris dans la galerie des portraits, tandis que chez les rois, ils avaient presque tous des cheveux blancs ! Ă cause de ça, sa famille⊠son grand frĂšre Ă©tait⊠son pĂšre allait⊠et pourtant, pourtant, ilsâŠÂ !
FĂ©lix se dĂ©gagea de lâĂ©treinte de son pĂšre en criant. Il ne laissa mĂȘme pas le temps Ă Rodrigue de rĂ©pondre, il se dĂ©tourna et sâenfuit sans demander son reste.
â Tâes quâun idiot et un menteur ! Menteur ! Je te dĂ©teste ! Reste-lĂ Ă mourir pour ses chiens errants si câest si bien de te faire Ă©craser chien idiot ! »
Il courut dans les couloirs en essayant de croiser personne sans trop rĂ©flĂ©chir oĂč il allait, Ă part quâil ne voulait pas aller ni chez les copains de Rufus, encore moins prĂšs des deux frĂšres stupides, ni retourner dans sa chambre⊠il ne voulait pas voir le futur cadavre⊠si câĂ©tait si bien de se tuer au travail pour des crĂ©tins comme un petit toutou, quâil le fasse tout seul.
« Pourquoi il sâen fiche de mourir pour ce crĂ©tin alors quâil pourrait ĂȘtre Ă la maison avec Alix ?! Il veut dĂ©jĂ mây envoyer alors, pourquoi pas lui aussi ?! Câest lui le plus en danger ! » NâarrĂȘtait-il de se demander en dĂ©ambulant dans les cours.
« Miaou ! »
FĂ©lix se tourna en entendant miauler, puis vit Fleuret trotter vers lui avant de se frotter contre ses jambes.
« Fleuret⊠il le prit dans ses bras, pressant la boule de fourrure toute chaude contre lui, content dây trouver une cachette pour ses yeux qui piquaient depuis tout Ă lâheure. Toi aussi, tâas pas envie dâĂȘtre avec cet idiot, hein ? »
Le chat rĂ©pondit en ronronnant, avant de se draper comme un foulard sur ses Ă©paules⊠Ăcharpe faisait toujours ça avec Glenn⊠il adorait le mordiller mais, il avait aussi dĂ©primĂ© quand il Ă©tait Ă Garreg Mach, comme ses frĂšres et sĆurs⊠Lunaire, GlaĂŻeul, Bouclier et Ăcharpe adoraient Glenn, câĂ©tait vraiment avec lui quâils restaient. Pour eux aussi, ce serait durâŠ
Il Ă©trangla un sanglot en pensant Ă son frĂšre souriant, incapable de bouger sous ces Ă©normes chats comme celui de leur mĂšre sur ses genoux⊠le trĂšs vieux souvenir de son pĂšre avec Fleurette et lui sur les genoux, parlant surement de FĂ©liciaâŠ
FĂ©lix fit tout pour chasser ses souvenirs de sa tĂȘte, et se rappeler que son vieux Ă©tait juste un crĂ©tin qui voulait juste se faire Ă©craserâŠ
Il dĂ©ambula sans faire attention oĂč il allait, jusquâĂ arriver dans la chapelle du palais. Avant, son pĂšre sây rendait presque tous les jours pour y chantait des hymnes Ă la DĂ©esse, et ses amis et lui se glissaient dans un coin pour lâĂ©couter⊠Rodrigue avait une si belle voixâŠ
« Sauf maintenant quâil cire les bottes de chiens idiots avec sa langueâŠÂ » Cracha-t-il dans sa tĂȘte, ignorant le souvenir de la derniĂšre fois quâil avait entendu son pĂšre chanter, la berceuse toute douce malgrĂ© le voile de tristesse au fond de sa voix usĂ©e de fatigue, repoussant lâinquiĂ©tude de sentir son cĆur aussi lent. « De toute façon, câĂ©tait quâun ramassis de mensonge⊠si câĂ©tait vrai, il resterait avec moi et rentrerais Ă la maison⊠et ça doit pas ĂȘtre si grave que ça⊠sâil continue Ă travailler pour ces cons, ça ne doit pas ĂȘtre assez grave pour quâil sâarrĂȘte deux secondesâŠÂ »
La chapelle Ă©tait pratiquement vide, seuls des personnes trop vieilles pour aider au palais priant avec ferveur pour les Ăąmes des morts, la paix dans le Royaume et avec ses voisins, ainsi que pour la misĂ©ricorde divine⊠comme si ce nâĂ©tait pas Ă cause de Lambert au dĂ©part si tout allait mal maintenant et que la seule grĂące divine quâil aurait, ce serait le sang et lâĂ©puisement de son pĂšre, de son oncle et des Charon⊠il aurait fallu que ce ne soit pas le roi dĂšs le dĂ©part, point.
« Si la Déesse est si forte que ça, pourquoi elle nous a collé un abruti pareil ?! »
Il nây avait pas de vengeur ici Ă premiĂšre vue, ils nâaimaient pas aller ici, mĂȘme le dimanche. Le prĂȘtre de la chapelle ne voulait pas la guerre avec les « paĂŻens », pour ceux qui allait prier tout court⊠et aprĂšs, ça se disait suivre la volontĂ© de la DĂ©esse⊠au moins, il nâaurait pas Ă les supporter.
Le garçon marcha le long des murs sans se faire remarquer, ne voulant de toute façon personne, glissant Ă cĂŽtĂ© bas-reliefs racontant les exploits des Braves et des Saints. Au fond de la chapelle, de chaque cĂŽtĂ© du transept, il y avait Ă gauche une sculpture reprĂ©sentant tous les Braves rĂ©unis, et de lâautre les Saints et les ApĂŽtres entourant la DĂ©esse, toutes deux prĂ©cĂ©dĂ©s des statues Ă lâeffigie de chacun dâentre eux. Sâengouffrant du cĂŽtĂ© des Braves, FĂ©lix sâavança jusquâĂ celle reprĂ©sentant Fraldarius, tout au fond au cĂŽtĂ© de Dominic et face Ă Blaiddyd. Son ancĂȘtre Ă©tait reprĂ©sentĂ© assis, son Ă©pĂ©e sur ses genoux, son bouclier posĂ© Ă cĂŽtĂ© de lui, alors que son visage semblait chanter, lĂ©gĂšrement penchĂ© vers ceux qui le regardaient. Cela ne ressemblait pas du tout Ă son vrai visage, grand-pĂšre le Brave Ă©taient couverts dâĂ©cailles des pieds Ă la tĂȘte, avaient des branchies sur la gorge, des iris blanches, un chignon tressĂ© interminable, des mains palmĂ©es, des dents de poissons, et il Ă©tait minuscule. Pour la statue, ses traits auraient Ă©tĂ© recopiĂ©s sur ceux de Kyphon alors, ils ne risquaient pas de se ressembler tous les deux mais, les yeux restaient les mĂȘmes⊠ils les avaient tous des yeux en forme dâamende ou dâĆil de chat dans la famille, bleu dâeau en gĂ©nĂ©ral Ă part de rares exceptions comme luiâŠ
Fraldarius-Kyphon semblait le regarder, alors que le souvenir des notes sâĂ©chappait de la bouche de pierre, entrouverte pour laisser sâenvoler la mĂ©lodie, figĂ©e dans une expression douce, heureux de pouvoir chanter⊠comme son p⊠son vieux quand il fredonnait pour eux tous⊠Face Ă lui, Blaiddyd jouait de la flute pendant que Dominic dansait⊠certains disaient que quand leurs Reliques Ă©taient toutes rĂ©unies dans la chapelle, on pouvait les entendre Ă nouveau sâadonner Ă leur passion pour la musique tous ensembleâŠ
Cependant, mĂȘme si aucune de leurs armes Ă part Areadbhar nâĂ©tait prĂ©sente Ă la capitale, une berceuse se rejouait Ă nouveau dans les souvenirs de FĂ©lix⊠il nâen comprenait pas un mot, ne parlait pas du tout latin Ă part pour le lire un peu dans les vieux traitĂ©s, encore moins Ă lâoral mais, le sens Ă©tait difficile Ă ignorerâŠ
« Tu chantais pour que je survive et pour me rassurerâŠÂ »
MĂȘme sâil ne croyait pas beaucoup en la DĂ©esse, il croyait en leurs ancĂȘtres. Il avait vu le sien dans ses rĂȘves et il lui avait sauvĂ© la vie aprĂšs tout⊠alors, le cadet de sa famille posa sa main sur la base de pierre froide, la voix tremblante alors quâil demandait, la voix plus brisĂ©e quâil ne lâaurait vouluâŠ
« Dites⊠autant lâun que lâautre⊠ils Ă©taient comme ça avant ? Est-ce que Blaiddyd et Loog Ă©taient aussi idiots ? Est-ce quâils vous prenaient tout aussi ? Est-ce quâils vous considĂ©raient tellement comme acquis quâils vous traitaient comme ça ? Est-ce quâils vous Ă©puisaient comme ça ? ⊠si câĂ©tait le cas, pourquoi vous ĂȘtes avec eux ? Vous Ă©tiez aussi bĂȘte que mon vieux qui va se tuer pour ce chien idiot ? Et si câĂ©tait des personnes de confiance, pourquoi on doit faire tout ça pour leurs descendants car, il y en avait quelques-uns qui en valaient la peine ? Pourquoi tâas acceptĂ© ces privilĂšges et obligations Kyphon ? Et pourquoi on doit tous mourir comme ça ? Pourquoi chez nous, on meure presque tout le temps avant quarante ans dâun coup de poignard pris pour le roi alors que de leur cĂŽtĂ©, ils meurent de vieillesse ? Pourquoi tu ne peux pas toujours nous protĂ©ger comme tu lâas fait avec moi FraldariusâŠÂ ? Pourquoi on doit constamment passĂ© derriĂšre eux⊠et pourquoi⊠il commença Ă renifler alors que son poing se serrait contre le granit. Pourquoi mon pĂšre doit⊠pourquoi il doit encore travaillĂ© pour Lambert alors quâil a provoquĂ© la mort de mon frĂšre ? Pourquoi il fait ça ? ⊠Pourquoi il fait ça alors que⊠tout le monde voie bien⊠à quel point ça le fait souffrir⊠et que Rufus veut le tuer⊠pourquoi il sâinflige tout çaâŠÂ ?
Il sentit alors que des larmes inondaient ses yeux, dĂ©valant ses joues Ă toute vitesse comme des rapides alors que ses reniflements faisaient trembler ses Ă©paules. Fleuret se serra un peu plus contre lui, un gros ronronnement rĂ©sonnant dans ses oreilles. FĂ©lix le prit alors dans ses bras, lâenlaçant pour tenter de retrouver un peu de calme⊠non⊠il ne devrait pas pleurer comme ça⊠il ne tiendrait pas aussi bien que Glenn sâil pleurait comme un bĂ©bĂ© tout le temps ! Pas en public en tout cas⊠il grimpa alors sur la statue, puis se glissa dans lâinterstice entre le bouclier et la hanche de Fraldarius, Ă©tant encore assez petit pour le faire⊠on ne pouvait pas le voir depuis lâallĂ©e centrale, personne ne le trouverait bien cachĂ© ici⊠il se ferait gronder dâavoir grimpĂ© comme ça sur une statue vieille de quatre cents ans mais, il voulait juste un endroit oĂč personne ne le trouveraitâŠ
La pierre Ă©tait glaciale contre lui, bien diffĂ©rente de la prĂ©sence de son grand-pĂšre⊠de Fraldarius. Elle Ă©tait comme lâeau du lac, aqueuse, vive et insaisissable mais, aussi toujours chaleureuse, mĂȘme quand lâonde Ă©tait sur le point de gelerâŠ
« Comme celle deâŠÂ »
FĂ©lix se força Ă ne pas penser Ă la fin de cette phrase, ne voulant pas en entendre plus alors quâil cherchait de la chaleur dans la fourrure de Fleuret, restant lovĂ© dans ses bras, tout sage et ronronnant⊠il ne devait pas y penser, il ne devait mĂȘme pas penser Ă cet idiot qui se mettait en danger tout seul et refusait de se mettre Ă lâabri. Tout ça parce quâil Ă©tait un⊠unâŠ
« Pourquoi je nâarrive plus Ă lâappeler « chien idiot » ? Je viens de le faire ! Sâil se met en danger comme ça, câest quâil⊠quâil estâŠÂ »
LĂ encore, le garçon nâarriva pas Ă finir sa phrase, grognant de frustration et dâincomprĂ©hension⊠les notes sâimposant Ă la place des reproches.
« Dors, dors, mon tout petit,
Quand le jour se change en nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Quand dans le ciel, la lune luit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je veillerais sur toi toute la nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je jure, de toute ma longue vieâŠ
Tu es mon plus grand trésor,
Alors mon tout petit, dors. »
« Alors pourquoi tu ne restes pas avec moi et ne rentres pas à la maison ? »
Il continua Ă tremper la fourrure de Fleuret, les notes le rassurant et le poignardant en mĂȘme temps de frustration et de rage. Pourquoi son pĂšre pouvait dire ça et ne pas le faire pour lui-mĂȘme aprĂšs ? Pourquoi lui, il ne pouvait pas le faire aussi ? Pourquoi Rodrigue devait rester ici et lui pouvait rentrer ? FĂ©lix avait presque lâimpression dâĂȘtre chassĂ© alors quâil voulait juste rester ici ! CâĂ©tait pas juste ! Et en plusâŠ
« Ăa sert Ă rien⊠câest un idiot qui fait des trucs idiots⊠idiot, idiot, idiotâŠÂ »
« Eh ! Quâest-ce que tu fais lĂ -dedans ?! Sors de lĂ tout de suite !
FĂ©lix se rĂ©signa Ă obĂ©ir en entendant Gustave commencer Ă le gronder, se trainant hors de sa cachette pour voir le maitre dâarme au pied de la statue. Son expression passa de la colĂšre Ă la peine en voyant son visage. Le petit garçon devinait quâil avait surement ses yeux tout rouges dâavoir autant pleurĂ© mais, quand il tendit la main pour essuyer ses larmes, FĂ©lix le repoussa. Lui, câĂ©tait pire quâun chien idiot, câĂ©tait un vrai tapis qui faisait tout pour dorloter Lambert et lui cacher Ă quel point tout le monde le dĂ©testait maintenant, il obĂ©issait presque tout le temps Ă Rufus, et empĂȘchait souvent les sĆurs Charon et Rodrigue dâinformer lâidiot des mĂ©faits de son frĂšre sous prĂ©texte de ne pas lâĂ©puiser. Comme si le travail de son pĂšr⊠de son vieux nâĂ©tait pas assez pĂ©nible comme ça !
â FĂ©lix, quâest-ce que tu fais lĂ Â ? Lui demanda la carpette. Rodrigue sait que tu Ă©tais ici ?
â Ăa ne te regarde pas, grommela-t-il en Ă©vitant ses yeux, gardant toujours Fleuret entre lui et Gustave.
â Hum⊠je ferais mieux de te ramener Ă ton pĂšre, il se fait tard et aprĂšs ce qui sâest passĂ© aujourdâhui⊠mieux vaut que tu sois avec lui, dĂ©clara-t-il, mal Ă lâaise.
â Quoi ? TâĂ©tais au courant quâil allait massacrer quelquâun et tâas rien fait ?! Mais tâes vraiment un tapis ou quoi ?! Et aprĂšs, ça se prĂ©tend chevalier alors que tu laisses R⊠grah ! Vous valez pas mieux lâun que lâautre ! Mordit-il tout de suite, mĂȘme sâil ravala la fin de sa phrase, ne voulant pas lui dire Ă lui. Tu ne mĂ©rites pas mon pĂšre et tu ne lui arrives mĂȘme pas Ă la cheville ! Aide-le au lieu dâaider Rufus !
â Non, je ne savais pas ce qui allait se passer, et mĂȘme si je lâavais su, je nâaurais pas eu le pouvoir de lâen empĂȘcher. Rufus est le rĂ©gent, et moi quâun fils de baron secondaire qui a montĂ© en grade grĂące Ă ses efforts. Je suis peut-ĂȘtre leur maitre dâarme et le chef de la garde mais, je nâai guĂšre plus de pouvoir que celui dâĂȘtre un proche et je nâai pas de gros appuiâŠ
â Tu aurais pu en parler Ă Lambert, lâengueuler, lui dire que câĂ©tait un monstre, interdire Ă tes hommes de lâaider, libĂ©rer cet homme, soutenir mon pĂšre, taper du poing sur la table⊠câest juste que tâes aussi lĂąche que Rufus est feignant. Sauf que contrairement Ă lui, tu sais faire des efforts quand ça tâarrange ! LĂ , ça tâarrange pas car, ça blesserait le chien idiot qui a tuĂ© mon frĂšre de savoir que son grand frĂšre massacre des gens pour lui et ça, tu ne veux pas que ça arrive car, tâes un gros lĂąche !
â FĂ©lix, ça suffit, je ne tolĂ©rerais pas que tu me parles sur ce ton ! Le gronda-t-il tout de suite. Je sais que tu parles comme le faisait Glenn maisâŠ
â Ne parle pas de Glenn ! Tâas pas le droit ! Pas quand tu aides autant celui qui lâa envoyĂ© Ă la mort !
â Je ne fais que mon devoir FĂ©lix, comme ton pĂšre.
â Alors, vous ĂȘtes deux idiots.
Gustave se contenta de froncer les sourcils avant de lâentrainer vers la sortie sans rien dire pendant un moment, FĂ©lix non plus. Il ne voulait pas en entendre plus de sa part. Bon, il nâavait pas envie de voir Rodrigue se faire du mal tout seul, câĂ©tait Ă peine mieux que rester avec Gustave le tapisâŠ
â Je prĂ©fĂ©rerais voir Dimitri⊠finit-il par marmonner pour lui-mĂȘme.
â Câest vrai que tu ne pourras plus le voir Ă partir de demain, souffla Gustave en tentant dâĂȘtre comprĂ©hensif. Il ne va pas revenir avant longtemps de Lokris.
â ⊠je pourrais aller avec lui alors⊠il ajouta en voyant le regard Ă©tonnĂ© de Gustave. Penses pas que je le fais parce que Lambert le veut, câest juste pour ne pas laisser Dimitri presque tout seul et parce que je veux rester avec lui.
Le visage du tapis passa de lâĂ©tonnement au soulagement, alors quâil dĂ©clarait, comme si FĂ©lix venait de lui enlever un gros poids des Ă©paules.
â On devrait trouver une place pour toi et ton chat sans souci, surtout que ce nâest pas la premiĂšre fois que tu voyages en bateau. Merci beaucoup, Sa MajestĂ© Ă©tait vraiment inquiĂšte Ă lâidĂ©e quâil nâait aucun de ses amis de longue date Ă ses cĂŽtĂ©s, Ă©tant donnĂ© quâil est rarement allĂ© aussi longtemps dans sa famille maternelleâŠ
â Je te lâai dit, je ne le fais pas pour ce chien idiot, juste pour Dimitri. Pas pour lui, rĂ©pĂ©ta-t-il en se fermant complĂštement autour de Fleuret, chassant le souvenir de la derniĂšre fois quâil avait vu quelquâun soulagĂ©.
« Papa ? Quâest-ce que tu Ă©cris ?
FĂ©lix regarda au-dessus des mains de son pĂšre, assis Ă son bureau dans leur appartement. Il grattait encore du papier alors que le soleil Ă©tait couchĂ© depuis longtemps mais, pas dans son Ă©tude contrairement Ă dâhabitude, et ça ne ressemblait pas Ă ses lettres pour Alix. Rodrigue leva le nez de son travail, lui expliquant.
â JâĂ©cris Ă Francis et Ă Fregn et Isidore⊠enfin Sylvain maintenant quâil est majeur. Lambert voudrait que Dimitri aille Ă Lokris pour se reposer, lâair y sera bien plus sain en montagne que dans la capitale et il y sera plus tranquilleâŠ
Le fils vit quâil ne disait pas tout, devinant quâil essayait de ne pas lâinquiĂ©ter, mĂȘme si FĂ©lix nâĂ©tait pas aveugle. Il savait que tout le monde Ă©tait mĂ©content en ville, surtout contre Lambert alors, cela pouvait ĂȘtre dangereux pour la famille royale. Encore, il se fichait du sort du roi, mais il ne voulait pas que Dimitri subisse encore plus la connerie de son pĂšre⊠ni que son propre pĂšre ou les personnes de son fief soit en dangerâŠ
â Mais alors, pourquoi tu Ă©cris Ă Fregn et Francis ? Demanda-t-il.
â Il y irait avec Dedue et Sasiama mais, Lambert voudrait quâIngrid, Sylvain et toi lâaccompagnent si possible. Je dois alors Ă©crire des lettres pour leur demander. Je ne pense pas quâils acceptent, surtout que Sylvain surement devoir aider ses parents avec la frontiĂšre mais, câest notĂ© que je lâai fait⊠il hĂ©sita un peu avant de demander, un peu nerveux, il Ă©tait encore plus facile Ă lire Ă cause de sa fatigue. Et toi ? Tu voudrais accompagner Dimitri Ă Charon ?
â Hum⊠jâaime bien Dimitri mais non, je ne vais pas te laisser tout seul ici.
Rodrigue avait souri Ă sa rĂ©ponse, le « merci » sortit presque par accident au lieu dâun « dâaccord » dans sa fatigue⊠il avait lâair tellement soulagĂ© de lâentendre dire quâil resterait avec lui et quâil ne partirait pas avec Dimitri. Il faisait confiance aux Charon mais, son pĂšre ne voulait pas le voir loin de luiâŠ
« Ăa va lui faire de la peine quand je lui dirais que finalement, je parsâŠÂ »
FĂ©lix se força Ă chasser cette culpabilitĂ© de sa tĂȘte, ne voulant rien ressentir de tout ça et se persuadant tout seul quâil prenait la bonne dĂ©cision. Il ne voulait pas le voir encore plus sâĂ©craser devant Lambert et Rufus, il ne le verrait pas faire sâil Ă©tait loin en Charon, et il serait avec Dimitri. Il nâavait mĂȘme pas envie de rentrer pour voir Alix sâangoisser pour son frĂšre⊠non, ce serait mieux de partir loin.
Le garçon sentit sa marque rĂ©agir dans son dos, le picoter comme pour lui dire quelque chose quâil traduisit sans problĂšme⊠elle ne semblait mĂȘme pas en colĂšre, juste rĂ©probatrice et lui conseillant de rester auprĂšs de sa famille, dĂ©versant lâĂ©nergie de son grand-pĂšre et de son emblĂšme dans ses veines⊠lĂ aussi, FĂ©lix nia encore et encore, rejetant les mots silencieux de Fraldarius comme il ne lâavait jamais fait auparavantâŠ
« Je ne veux pas le voir devenir le toutou de deux chiens idiots ! Pas question de le voir sâabaisser comme ça ! Si tâes pas content, dit-le Ă lui et pas Ă moi ! ⊠mais par contre, ne le marque pas comme ça, ça voudrait dire que tu as fait un miracleâŠÂ »
FĂ©lix dĂ©testait Ă quel point cette Ă©nergie dans son dos Ă©tait familiĂšre, sâentĂȘtant de toutes ses forces alors quâil marchait dans le palais, refusant de changer dâavis ou de voir son pĂšre dans cet Ă©tat plus longtempsâŠ
*
« Place ! Place ! Voici le courrier de Fhirdiad !
â Ah ! Enfin ! Vous avez une semaine de retard !
â Les routes sont encore plus mauvaise que dâhabitude, la neige est retombĂ©e, câest difficile de circuler, rĂ©pondit le messager en se laissant tomber de sa selle.
Sylvain tendit lâoreille depuis lâautre cĂŽtĂ© de la cour, allant retrouver sa mĂšre pour lâaider dans ses tĂąches une fois ses Ă©tudes terminĂ©es. Fregn sortit Ă©galement de la forteresse en entendant lâappel du messager, des petites plaquettes de bois entre les doigts, un message venant de Sreng arrivĂ© quelques heures plus tĂŽt. Isidore comprenait Ă peine la langue de sa femme, encore moins les termes spĂ©cifiques Ă sa culture ou les runes alors, elle avait dĂ» tout lui traduire pour quâil puisse savoir ce que le grand thing lui voulait. Le jeune homme regarda lâĂ©paule gauche de sa mĂšre, rassurĂ© de la voir bouger avec moins de peine que ses derniers jours. Elle avait glissïżœïżœ et percutĂ© un meuble avec elle peu de temps aprĂšs le rapatriement des corps alors, elle avait eu un peu de mal Ă lâutiliser. Heureusement, elle guĂ©rissait petit Ă petit.
Le margrave prit la pile de lettre, tria rapidement, puis appela.
« Sylvain. Ici. »
ObĂ©issant, le jeune homme rejoignit son pĂšre qui lui tendit deux lettres avec un cachet de cire sarcelle sans le regarder, continuant de feuilleter le tas de missives. Reconnaissant lâĂ©criture de FĂ©lix et lâemblĂšme des Fraldarius, il fit sauter le sceau de celle qui semblait la plus officielle et la lut en vitesse. Fregn sâapprocha, silencieuse comme une ombre pour voir de quoi cela parlait.
« Câest FĂ©lix, lui indiqua-t-il en sreng par rĂ©flexe avec elle. Il mâexplique que Dimitri part demain pour Charon afin de se reposer dans la famille de sa mĂšre, lâair y sera meilleur pour ses poumons brĂ»lĂ©s, et il y sera plus en sĂ©curitĂ© quâĂ Fhirdiad. Il y va avec les duscuriens qui lâont suivi aprĂšs la TragĂ©die, Dedue et Sasiama mais, Lambert voulait quâon lâaccompagne tous les trois aussi, mĂȘme si on nâest pas obligĂ©. FĂ©lix a Ă©crit cette lettre Ă la place de Rodrigue pour lâaider. Lâautre est personnelle Ă mon avis.
â Il a bien dâĂ©tranges prioritĂ©s ce roi sans yeux, grogna Fregn dans sa langue maternelle, personne ne la comprenant dans les environs. Quâil se prĂ©occupe de son fils est tout Ă son honneur mais, câest un peu tard, et le loup sage a certainement dâautres occupations en ce moment. Il est tellement occupĂ© que son petit doit lâaiderâŠ
â Sylvain, je tâai dĂ©jĂ dit de ne pas parler sreng sauf si cela est vraiment nĂ©cessaire, tu nâen es pas un. Toi aussi Fregn, gronda Isidore en parcourant une missive qui, Ă la cire, arrivait de lâadministration royale directement. Quâest-ce que cela dit ?
« Peut-ĂȘtre que si tu me parlais plus pour me faire autre chose que des reproches, ce ne serait pas la langue qui vient plus naturellement, » songea Sylvain mais, il affecta la soumission, câĂ©tait le mieux Ă faire avec le margrave. Il lui expliqua alors de quoi il en retournait, son pĂšre dĂ©crĂ©tant un « non » catĂ©gorique avant mĂȘme quâil nâait eu fini. Sylvain sâen doutait, mais mĂȘme sâil aurait pu lui dire quâil Ă©tait majeur Ă prĂ©sent et donc, il pourrait dĂ©cider de quand mĂȘme aller auprĂšs de Dimitri, il Ă©tait du mĂȘme avis quâIsidore pour une fois. Il Ă©tait bien plus utile ici, surtout avec les srengs qui commençaient Ă sâagiter et avait dĂ©jĂ mis au point leur marche Ă suivre, que ce soit dans leur coin ou pendant le thing.
Son pĂšre fronçait de plus en plus les sourcils au fur et Ă mesure quâil lisait sa propre lettre, soupirant en la refermant. Il regarda Fregn de travers en ordonnant, mĂ©fiant.
« Fregn, va ailleurs, et toi Sylvain, ne tâavise pas de raconter quoi que ce soit de cela Ă ta mĂšre. »
Ăa ne sentait pas bon. Sa mĂšre obĂ©it tout de mĂȘme, retournant de lĂ oĂč elle venait, avant que Sylvain nâaccepte Ă moitiĂ©, bien quâil ne jurĂąt pas. Il verrait selon le contenu de la missive.
« Câest une lettre Ă©crite sur ordre du rĂ©gent. Il nous demande de mettre une partie de nos rĂ©serves loogiennes de cĂŽtĂ© pour la capitale en cas de besoin, mais aussi de leurs envoyer des soldats et de lâargent. Les fhirdiadais sont trĂšs agitĂ©s ces derniers temps, et il a peur dâune rĂ©volte contre lâautoritĂ© royale. Il est sĂ»r de la fidĂ©litĂ© de nos troupes alors, il nous demande de leur envoyer un bataillon complet de renfort avec les vivres et lâĂ©quipement nĂ©cessaire.
â Un bataillon complet ?! Mais ça fait plusâŠÂ ! Se rendit-il compte Ă mi-voix Sylvain, mĂȘme sâil baissa encore plus le ton, sachant quâil nâĂ©tait pas seul. PĂšre, on ne peut pas envoyer les gardes-frontiĂšres alors, nous devrons prendre des soldats gardant la ville. Eux aussi sont en colĂšre aprĂšs avoir perdu des proches et des camarades Ă Duscur, ils ne sont peut-ĂȘtre pas les plus sĂ»rs pour cette mission, lui fit-il remarquer. De plus, si nous devons leur fournir des vivres et de lâĂ©quipement, nous risquons de ne pas en avoir assez pour finir la soudure ou en cas de mauvaises rĂ©coltes, surtout si nous leur prĂȘtons encore de lâargent. On pourrait ne pas avoir les moyens dâacheter des complĂ©ments Ă Leicester ou Almyra. Câest vraiment risquĂ© de nous priver de nos vivres comme ça.
â Peut-ĂȘtre mais, cela reste un ordre royal, il est de mon devoir dây rĂ©pondre au mieux. Dans chaque ville de notre fief, vingt soldats devront ĂȘtre choisis pour se rendre Ă la capitale, avec leurs vivres et Ă©quipement. Pour ce qui est de la rĂ©serve loogienne, nous allons voir ce que nous pouvons mettre de cĂŽtĂ© pour Fhirdiad, commanda Isidore Ă voix haute, sachant que Fregn nâentendrait rien de lĂ oĂč elle Ă©tait, puis il ajouta plus durement Ă lâattention de son fils. Nous devons envoyer ce que nous demande le roi. Les descendants de Loog sont les seuls souverains lĂ©gitimes de Faerghus et nous nous devons lâobĂ©issance en tant que vassal, ne lâoublie pas.
â JâobĂ©is sans problĂšme au(x) digne(s) hĂ©ritier(s) du Roi des Lions », rĂ©torqua-t-il en louvoyant un peu, Ă©vitant de dire Ă qui il pensait prĂ©cisĂ©ment. Aux yeux de son pĂšre, il se comportait dĂ©jĂ comme un sreng Ă part entiĂšre, mieux valait Ă©viter de lâĂ©nerver en faisant le difficile sur qui il reconnaissait comme roi avec ou sans yeux. Pour le coup, le fodlan Ă©tait pratique pour ne pas prononcer les pluriels.
« Bien, ne commence pas Ă penser comme ta mĂšre que la fidĂ©litĂ© doit ĂȘtre sur commande. Il sâagit de la famille royale, nous nous devons de lui rester fidĂšle et de veiller au maintien de la frontiĂšre. La dĂ©fense du Royaume par le nord est entre nos mains, câest un devoir qui demande le plus grand zĂšle et une fidĂ©litĂ© sans faille, il ajouta en voyant son fils hocher la tĂȘte. Maintenant, voyons ce que les srengs prĂ©parent encore.
Ils allĂšrent ensemble dans lâĂ©tude de Fregn, cette derniĂšre relisant sa traduction en les attendant. Elle donna la lettre originale Ă Sylvain pour quâil puisse la lire lui-mĂȘme, la traduite Ă Isidore, puis expliqua pour ĂȘtre sĂ»r que son mari comprenne.
« Il sâagit dâune lettre de Thorgil le Kaenn, qui nous a Ă©crit en tant que reine et non en tant que sĆur, belle-sĆur et tante. Le Grand Thing sâest tenu Ă la premiĂšre pleine lune aprĂšs la TragĂ©die, sous le regard de Tyr et dâOdin.
â Oui, lâassemblĂ©e des notables de votre ville, marmonna Isidore.
â Pour Gautier, câest lâassemblĂ©e des notables dâune ville, et ça câest le thing normal. Chez nous, câest lâassemblĂ©e de tous les membres de la communautĂ© pour prendre une dĂ©cision importante, que ce soit pour lâĂ©lection du roi ou pour nĂ©gocier avec un royaume voisin. Ici, il sâagit du Grand Thing, qui rĂ©unit des reprĂ©sentants et les rois de tous les Royaumes Srengs. Il ne se rĂ©unit que lors des grandes crises. Par exemple, la coalition que vous avez affrontĂ©e il y a quelques annĂ©es, sâĂ©tait formĂ©e lors dâun Grand Thing, mĂȘme sâil n'avait pas Ă©tĂ© suivi par les grands Royaumes. La situation aprĂšs la TragĂ©die Ă©tait tellement exceptionnelle que plusieurs rois ont voulu quâils se rĂ©unissent, afin de se mettre dâaccord ensemble sur la marche Ă suivre vis-Ă -vis des traitĂ©s, dont Thorgil le Kaenn.
â Bien, et quâest-ce que ta sĆur a dĂ©cidĂ© avec ses comparses ?
â Les rois pensent que les faerghiens sont Ă terre alors, ils nâattaqueront pas. Cependant, ils considĂšrent que les traitĂ©s doivent ĂȘtre modifiĂ©s pour sâadapter Ă la nouvelle situation. Pour citer le Kaenn et dâautres rois et reines, « les diffĂ©rentes dispositions du traitĂ© ne conviennent plus au roi Lambert Egitte Ludovicosson Blaiddyd. »
â Les corbeaux se prĂ©cipitent dĂ©jĂ sur les restes des morts.
â Votre roi serait mort, nous nâaurions rien fait, il ne serait restĂ© que des victimes Ă terre et aucun dĂ©cideur. Cependant, la dĂ©cision dâaller en Duscur lui revient Ă lui et Ă lui seul, nous ne pouvons que changer notre apprĂ©ciation aprĂšs tout ce que cette dĂ©cision Ă provoquer. Pour faire montre de leur bonne volontĂ©, ils demandent que deux rencontres aient lieu : une avec un reprĂ©sentant de Gautier pour dĂ©cider de mesures plus locales et voir ce que Faerghus a encore Ă proposer, puis avec Fhirdiad directement. Leur niveau dâexigence avec la capitale dĂ©pendra du dĂ©fi que nous nous leur opposerons pendant la premiĂšre rencontre. Thorgil le Kaenn nous conseille que ce soit un membre de notre famille qui soit envoyĂ© Ă la premiĂšre rĂ©union, et me demande de lâaccompagner pour Ă©viter les impairs. Si lâĂ©missaire est douĂ© et compĂ©tent, ils seront dans de meilleurs dispositions pour encore nous considĂ©rer comme digne de respect. Dans le cas contraire, ils ne sâencombreront pas de maniĂšre avec nous.
â Hum⊠toujours deux allures avec vous, gronda Isidore en analysant sa femme du regard. Je mây rendrais, afin quâils ne pensent pas que tout est permis Ă prĂ©sent.
â Câest toujours mieux quâune ou rien. Et je ne pense pas que ce soit une trĂšs bonne idĂ©e que ce soit toi qui tây rendes, le contredit Fregn.
Le margrave fronça les sourcils, mĂ©content de la contradiction. CâĂ©tait rare quâelle sâoppose aussi directement Ă lui mais, Sylvain se tut, sachant que sa mĂšre agissait ainsi pour une bonne raison. Elle expliqua alors, calme et froide, comme toujours dans ce genre de discussion.
â Tu ne parles pas un traitre mot de vrai sreng, la langue du commerce et le langage militaire ne suffiront pas dans les discussions qui seront toutes en sreng. Tout le monde ne parle pas fodlan et nous serons entre srengs. Il y aura probablement des duels oratoires pendant les sĂ©ances de discussions, et les diffĂ©rents reines et rois vont surement faire appel Ă des concepts typiquement srengs, surtout que nous parlons souvent par pĂ©riphrase pour dĂ©signer certains dieux et concepts. Si câĂ©tait toi qui venais, il te faudrait que je te serve dâinterprĂšte et te traduise tout, ce qui rallongerait et hacherait les discussions. Vous trouviez que nous allions trĂšs vite et que nous dĂ©gainons nos arguments et positions Ă la mĂȘme vitesse pendant les nĂ©gociations aprĂšs le conflit frontaliers, nous allons encore plus vite dans notre langue maternelle. Il arrive mĂȘme que nous nous dĂ©fions Ă des combats oratoires et physiques, oĂč on doit se combattre Ă lâarme blanche tout en argumentant sur notre position, afin de montrer notre habilitĂ© dans les deux domaines. Il faut impĂ©rativement quelquâun qui parle couramment sreng et connait trĂšs bien nos coutumes. Câest le minimum Ă respecter pour ces nĂ©gociations.
â Alors, je peux y aller.
Isidore tourna son regard froid vers Sylvain, ce dernier continuant en espérant ne pas avoir commis un impair.
â Je parle couramment sreng, MĂšre mâa appris les diffĂ©rents pans de sa culture, je maitrise les figures de styles, et vous mâavez autant appris Ă nĂ©gocier quâĂ me battre tous les deux. Je devrais convenir un minimum Ă leurs attentes. De plus, je suis adulte Ă prĂ©sent, je me dois dâen faire encore plus pour aider notre marche et le Royaume. Tu me disais lâautre jour de me prĂ©parer Ă faire mes preuves au combat. MĂȘme si ce nâest pas un combat physique, je dois aussi ĂȘtre capable dâaffronter des adversaires dans un duel verbal. Je sais que ce serait ma premiĂšre mission officielle, et quâelle est de la plus haute importance mais, je ferais tout pour dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de Gautier et Faerghus.
Isidore le jaugea du regard, avant de marmonner, impénétrable.
â Je vais y rĂ©flĂ©chirâŠ
Il sâen alla sans rien dire de plus, les laissant seuls. Fregn attendit quâil soit parti pour souffler, sĂ»re dâelle.
â Ce sera toi qui iras lĂ -bas. Il ne peut pas y aller car il ne parle pas sreng, Miklan non plus et lâun ou lâautre sây rend, câest lâaccident diplomatique assurĂ©, ils sont tout sauf des nĂ©gociateurs. Tu as Ă©tĂ© formĂ© Ă discuter uniquement parce que je lâĂ©tais aussi et parce que le roi Ludovic lâa imposĂ© de base, il Ă©tait furieux en voyant Miklan nâĂȘtre formĂ© quâaux armes, et ce nâĂ©tait pas le genre de roi Ă qui on tenait tĂȘte. MĂȘme Isidore sait que si câest un Gautier qui doit sây rendre, câest toi ou personne. Il va surement chercher quelquâun pour nous chaperonner mais, le plus sage est de tâenvoyer avec moi.
â Si tu le dis, rĂ©pondit son fils, sachant que mĂȘme si ces parents se mĂ©fiaient lâun de lâautre comme de la peste, Fregn Ă©tait aussi une des personnes qui lisait le mieux le margrave. Je nâai pas envie quâil arrive quoi que ce soit Ă mes amis et aux gens de notre fief, on est dĂ©jĂ assez affaibli comme ça.
â Câest sĂ»r que nous avons perdu beaucoup trop de monde ces derniers temps⊠elle laissa sa phrase en suspens, avant de demander. Quâest-ce que le rĂ©gent nous demandait dans la missive ?
Sylvain hĂ©sita un peu. Isidore lui avait interdit de parler du contenu de cette missive Ă sa mĂšre mais, il savait aussi quâelle Ă©tait de bon conseil quand il avait lâimpression dâĂȘtre en dĂ©calage avec le margrave. AprĂšs tout, câĂ©tait elle qui lâavait Ă©levĂ©, pas son pĂšre, il se sentait plus proche de sa maniĂšre de pensĂ©e que celle typique de Gautier, notamment avec tout ce qui tournait autour de Sreng. Il se dĂ©cida alors Ă en parler avec elle, lui expliquant les derniĂšres demandes de Fhirdiad. Fregn lâĂ©couta attentivement, gardant pour elle son mĂ©contentement devant les derniĂšres « demandes » de la capitale.
« Si Rufus voulait faire exploser le Royaume volontairement, il ne sây prendrait pas mieux. Encore plus de soldats, de nourriture et dâargent pour eux sans rien en retour Ă part leur approbation⊠il ne faut vraiment pas quâon sâĂ©nerve sinon, dans ses conditions, ce serait facile de faire tomber Gautier mais bon, ça, câest la spĂ©cialitĂ© de Thorgil et Huld⊠en tout cas, ça a fonctionnĂ© on dirait⊠ça valait le coup de gratter tout ça Ă lâaiguille. »
*
Gustave fit craquer un peu son Ă©paule, Ă©puisĂ© par sa journĂ©e. Les enfants Ă©taient partis ce matin pour Duscur et la sĂ©paration fut difficile. Sa MajestĂ© avait Ă peine assez de force pour tenir son fils dans ses bras avant son dĂ©part, encore moins pour lâaccompagner jusquâau port et le saluer une derniĂšre fois avant quâon ne largue les amarres⊠enfin, vu lâagitation dans les rues ses derniers temps, ce nâĂ©tait peut-ĂȘtre pas plus mal⊠rien de bien violent mais, mieux valait prĂ©server le roi de tout ceci, cela risquait de le fatiguer⊠cela avait Ă©tĂ© difficile pour le petit prince aussi mais, ce serait bien mieux pour sa santĂ© et moins dangereux pour lui, surtout que FĂ©lix Ă©tait avec lui. Il pourrait le soigner en cas de besoin, Dedue resterait Ă ses cĂŽtĂ©s pour sâoccuper de lui et Sasiama aussi.
« Il est bien entouré, et les Charon ne sont pas en reste, ça devrait bien se passer. »
Pour les Fraldarius aussi, la sĂ©paration avait Ă©tĂ© difficile. Rufus avait commentĂ© en se moquant que Rodrigue voulait se coller Ă son fils, et que mĂȘme sâil semblait un peu rĂ©ticent au dĂ©but Ă lâidĂ©e dâenlacer son pĂšre, FĂ©lix restait tout de mĂȘme un bĂ©bĂ© accrochĂ© au sein de son pĂšre plutĂŽt quâĂ celui de sa mĂšre.
« Ah, jâoubliais, câest vrai quâil a tuĂ© sa propre mĂšre en arrivant. Quel charmant enfant. »
Heureusement, ni le pĂšre ni le fils ne lâavait entendu, encore heureux mais, Gustave avait Ă©tĂ© obligĂ© de leur rappeler que le bateau attendait FĂ©lix pour partir. Le petit avait semblĂ© hĂ©siter un peu mais, Ă©tait finalement parti sans trop se retourner, son chat serrĂ© contre sa poitrine.
« Je comprends que vous vouliez le meilleur pour Son Altesse Dimitri, je le souhaite aussi mais, sâil vous plait Gustave⊠lâavait presque suppliĂ© Rodrigue peu avant le dĂ©part. Laissez-moi garder mon filsâŠÂ »
Sa dĂ©tresse faisait mal au cĆur mais, le capitaine de la garde avait Ă©tĂ© obligĂ© de refuser. CâĂ©tait difficile pour tout le monde mais, la prĂ©sence de son meilleur ami serait mieux pour Son AltesseâŠ
« Vous ĂȘtes fier de vous on dirait.
Le chevalier fut tirĂ© de ses pensĂ©es par le grognement dâEstelle, appuyĂ©e contre un mur avec son bras droit Bernard. Les deux semblaient sur le point de le mordre⊠le second envoya Ă son tour, les bras croisĂ©s devant lui.
â Profitez dâune dispute en famille pour sĂ©parer un pĂšre et son enfant⊠un comportement digne dâun chevalier, vraiment. Tu mâĂ©tonnes que le Seigneur Terrail nâait jamais voulu se faire adouber, il ne se serait jamais abaissĂ© Ă de tels sournoiseries pour satisfaire un caprice. On est vraiment chevalier quand on nâen a pas le titre pour parader avec.
â Je comprends que vous nâapprĂ©ciez pas que FĂ©lix quitte son pĂšre ainsi, surtout sâils se sont disputĂ©s peu de temps avant, mais il est maintenant trop tard pour changer les choses. Je ne lui ai rien proposĂ©, câest FĂ©lix lui-mĂȘme qui a demandĂ© Ă accompagner Son Altesse. CâĂ©tait son propre choix.
â Câest ça, câest ça, courrez dans la boue jusquâau cou, grogna Estelle. Il est vachement en Ă©tat de prendre des dĂ©cisions posĂ©es le gamin. Mais le roi a ce quâil veut, jâimagine que cela vous suffit pour avoir bonne conscience. Bravo pour votre exploit et vous pouvez ĂȘtre trĂšs fier de vous, vraiment.
Elle fit alors un signe Ă son second et ils sâen allĂšrent sans lui laisser le temps de rĂ©pondre. En ces temps difficiles â et surtout avec Rufus â de tels propos seraient condamnables mais, Gustave nâen fit pas grand cas, câĂ©tait juste de la colĂšre mal contrĂŽlĂ©e dans une situation compliquĂ©e. Tant que Rodrigue restait du cĂŽtĂ© du roi, ces hommes aussi, câĂ©tait tout ce dont il avait besoin pour le momentâŠ
De leur cĂŽtĂ©, Estelle et Bernard durent remplir leurs obligations mais, dĂšs quâils purent sâabsenter, ils arrivĂšrent Ă convaincre le cuisinier de les laisser se servir un peu dans la montagne de victuaille que se rĂ©servait Rufus, afin de prĂ©parer un grog Ă leur duc. Une boisson chaude lui ferait du bienâŠ
Les deux soldats le trouvĂšrent dans son Ă©tude, en train de rĂ©pondre Ă des demandes et des requĂȘtes quâĂ©videmment, le rĂ©gent refusait de traiter, ne voulant pas sâabaisser Ă gratter du papier, les moins titrĂ©s ou nobles que lui pouvaient sâen charger. Lors dâune patrouille avec quelques soldats de Rowe pas trop endoctrinĂ©s par lâĂ©glise occidentale et leur seigneur, plusieurs dâentre eux avaient dit que si Rodrigue, LachĂ©sis et ThĂšcle tombaient, câĂ©tait tout le Royaume qui tombait avec eux. Au moins, il y avait des personnes lucides dans le sud, mĂȘme si on ne les entendait pas beaucoup sous les hurlements des chiens errants⊠mĂȘme sâils en payaient tous les trois le prix, ils Ă©taient Ă©puisĂ©sâŠ
« Seigneur Rodrigue ?
Leur duc leva les yeux de son travail Ă lâappel de Bernard. Ils Ă©taient rouges et gonflĂ©s, comme sâil avait pleurĂ©, profondĂ©ment enfoncĂ©s dans ses orbites et les cernes. Son teint trĂšs pale de base devenait complĂštement cireux, effleurant encore plus les contours de son visage maigre. Ses veines ressortaient de plus en plus Ă cause de la magie qui sâaccumulait dans son corps. Ils lâavaient trainĂ© chez un mĂ©decin pour trouver une solution mais, il Ă©tait aussi dĂ©bordĂ© que les autres et devait Ă©conomiser leurs remĂšdes pour les cas trĂšs graves alors, Ă part continuer sa routine de travail avec quelques amĂ©nagements rapides, il fallait quâil serre les dents et tienne le temps que la crise politique passe⊠ou que son Ă©tat sâaggrave encore et quâil sâeffondre au mauvais moment⊠lĂ , les guĂ©risseurs daigneraient lui donner un congĂ© et les soins dont il avait besoin⊠Rodrigue ne leur aurait pas interdit, les deux soldats auraient Ă©tĂ© prĂȘt Ă soudoyer le mĂ©decin pour avoir ces foutus mĂ©dicaments, et il aurait eu des problĂšmes sâils lui avaient pris de force⊠Rodrigue releva un peu plus la tĂȘte, tentant de donner le change malgrĂ© sa voix enrouĂ©e.
â Oui ? Que se passe-t-il ? Vous avez besoin de quelque chose ?
â Ce nâest rien, Ă part que vous devriez boire ça, ça vous fera du bien, dĂ©clara Bernard en lui tendant le verre.
Estelle ajouta en voyant son duc reconnaitre la mixture.
â On sâest arrangĂ© avec le cuisinier, il nous a laissĂ© nous servir dans la rĂ©serve de Rufus.
Il arriva à sourire en prenant une premiÚre gorgée brûlante, buvant lentement.
â MerciâŠ
Les deux soldats lui laissĂšrent le temps de boire son verre, le vidant complĂštement. Il souffla, serrant sa tasse pour se maintenir.
â Merci beaucoup⊠ça fait du bien⊠il hĂ©sita un peu avant dâavouer, la fatigue le rendant plus bavard. Il me manque dĂ©jà ⊠je sais que câĂ©tait son choix mais, jâaurais prĂ©fĂ©rĂ©âŠ
â Est-ce que câĂ©tait son choix ou est-ce quâil a pris sa dĂ©cision sur un coup de tĂȘte et de colĂšre ? Marmonna Estelle.
Rodrigue baissa les yeux en soufflant.
â Je le sais⊠jâai essayé⊠mais rien Ă faire⊠tout ce que je peux faire maintenant, câest espĂ©rĂ© que cela se passe bien et que je pourrais vite le revoir⊠soupira-t-il avant de marmonner en se pinçant lâarĂȘte du nez, essayant de se convaincre lui-mĂȘme. Jâaurais prĂ©fĂ©rĂ© quâil soit Ă la maison, je me serais moins inquiĂ©tĂ© mais, les Charon sont de confiance, ils le protĂ©geront trĂšs bien et FĂ©lix sera plus en sĂ©curitĂ© lĂ -bas quâĂ la capitale⊠le grand-duc Riegan va bientĂŽt nous rendre visite, jâaurais surement Ă peine eu le temps de mâoccuper de mon louveteau⊠les vengeurs lui voulaient du mal ici, les Charon sont bien assez nombreux pour veiller sur lui⊠et les srengs ne vont surement pas tarder Ă venir renĂ©gocier les traitĂ©s entre nous et eux⊠ils doivent dĂ©jĂ se concerter entre eux alorsâŠ
â Seigneur Rodrigue⊠Bernard posa sa main sur son Ă©paule, attentif. Vous avez aussi le droit de craquer de temps en temps en temps, surtout aprĂšs tout ce que vous avez vĂ©cu ces derniers temps⊠personne ne vous en voudra.
Leur duc eut un regard triste et un sourire tordu, dĂ©sabusĂ© alors quâil grinçait, mĂȘme si les larmes se remettaient dĂ©jĂ Ă couler.
â Tout le monde nâest pas dâaccordâŠ
Il nâavait pas besoin de prĂ©ciser de qui il parlait. Estelle et Bernard restĂšrent Ă ses cĂŽtĂ©s le temps que la crise passe, avant de discuter un peu avec lui afin de lâaider Ă se sentir mieux. Ce nâĂ©tait pas grand-chose mais, câĂ©tait mieux que rien.
Quand les deux militaires durent reprendre leur poste, ils croisĂšrent Rufus, bouffi dâorgueil et fier de lui, se moquant encore de leur duc et des deux sĆurs Charon. Ils rĂȘvaient de lui arracher ce sourire arrogant de son visage⊠enfin bon, câĂ©tait le rĂ©gent et eux des roturiers, et il sâĂ©tait accordĂ© tous les pouvoirs dont celui de vie et de mort. Son frĂšre nâĂ©tait dĂ©jĂ pas bien utile mais lĂ , il lâĂ©tait encore moins. Un mot de travers, les deux soldats se retrouvaient suspendu Ă une corde par le cou, et leur duc la tĂȘte sur le billot⊠ils devaient ĂȘtre prudents, ravalĂ©s leur colĂšre et ne pas faire de vagues, mĂȘme si câĂ©tait rageant. Enfin, eux au moins, ils pouvaient toujours se soulager Ă la taverne le soir. On nây servait plus rien Ă prĂ©sent, et elles avaient Ă©tĂ© recyclĂ©s en point de rationnement mais, cela restait un lieu de rencontre oĂč on pouvait dire Ă peu prĂšs tout, tant quâils nâallaient pas dans les mĂȘmes que les vengeurs ou des partisans de Rufus. CâĂ©tait mieux que pour leur duc qui nâavait surement que ses lettres Ă son frĂšre pour parler de tout ça Ă quelquâun, et encore, en les codant surement.
« Tient ? Deux toutous de Fraldarius ? Vous nâĂȘtes toujours pas retournĂ© Ă votre place ou dans votre niche ? Oh, j'oubliais, c'est la mĂȘme chose pour vous ! » Leur lança Rufus en les voyant, faisant glousser ses oies de partisans autour de lui.
Vraiment une belle situation de merdeâŠ
Estelle et Bernard sâinclinĂšrent respectueusement sans rien dire, gardant leur colĂšre en eux, bien quâils se jurĂšrent tous les deux de rester au cĂŽtĂ© de leurs seuls seigneurs dignes de ce nom.
« Moque-toi le petit roquet, rira bien qui rira le dernier. Un jour, on trouvera un moyen de te la faire boucler. »
(suite)
#fe3h#route cf + divergente canon#plus ou moins#écriture de curieuse#et un nouvel UA ! Un !#mais pour une fois j'ai un titre ! Un vrai titre et pas juste une description !#j'espÚre que ça vous plait surtout !#cette fois c'est Lambert qui survit mais lui c'est pour s'en prendre plein la gu*ule -ce qui est mérité à mon avis#au bout d'un moment vous connaissez mon avis sur lui... ils ne méritent pas les jumeaux ni personne#oui si vous adorez Lambert un conseil passez votre chemin il va se faire remonter les bretelles tout le temps
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If Erik Lehnsherr/Magneto was your partner english version here
note : GN!reader et quelque peu de sub!erik
â ïž warnings : caractĂšres sexuels (soumission, kink), insĂ©curitĂ©s, dĂ©cĂšs
1 470 mots
Global
il a besoin de contact physique et dans n'importe quelle situation. Lorsque vous sortez, il vient souvent t'enlacer sans raison apparente, juste pour te sentir contre lui. En public il doit toujours avoir sa main sur toi, que ce soit ta cuisse, ton Ă©paule, ta main, ton genoux ou mĂȘme juste ton bras, il faut qu'il ait un contact avec toi. Tu as mis du temps Ă t'habituer complĂštement Ă ses cĂąlins surprises, mais maintenant c'est mĂȘme toi qui va le rassurer en prenant sa main.
vous ressemblez un peu Ă un vieux couple : vous sortez vous promener dans la forĂȘt, vous restez quelquefois une semaine entiĂšre juste tous les deux chez vous, vous ramassez des pommes de pins. Mais vous ĂȘtes comme ça, et vous adorez l'ĂȘtre.
vous habitez loin de la ville, dans une forĂȘt, et grĂące à ça vous passez beaucoup de temps dehors Ă juste regarder la nature vivre autour de vous.
c'était inattendu mais tu as remarqué qu'il avait un corps assez frais. Il n'est pas le genre à te servir de chauffage en hiver par exemple, c'est plutÎt toi qui peut prendre cette fonction. Par contre en été c'est assez pratique, ses mains sont toujours froides.
Petites choses du quotidien
lorsqu'il te prend dans les bras il te berce toujours contre lui, que vous soyez debout ou allongés.
de la mĂȘme maniĂšre il passe constamment la main dans tes cheveux, sans forcĂ©ment les caresser, juste pour sentir la douceur de ces derniers entre ses doigts. Il s'endort d'ailleurs trĂšs souvent comme ça, la main dans tes cheveux.
tu aimes beaucoup faire des bouquets de fleurs sauvages, parfois tu les offre Ă Ărik, parfois tu les mets juste dans un joli vase chez vous.
Ă son tour, il aime beaucoup ramasser des feuilles ou pommes de pin dans la forĂȘt pour aprĂšs te les montrer et les mettre dans des bocaux, pour faire de la dĂ©coration.
tu gardes toujours une bague, un bracelet ou un collier sur toi pour qu'il puisse t'attirer contre lui s'il en a le besoin, et il le fait plus que souvent.
parfois lorsqu'il a du mal à te dire quelque chose alors il va te le dire en allemand, et à cause de ça tu as dû apprendre quelques bases de cette langue. Lors de vos premiÚres années ensemble, il te disait qu'il t'aimait seulement en allemand, car c'était encore trop dur pour lui de le dire autrement.
Vie sexuelle
il n'a pas une libido d'adolescent, en fait il est mĂȘme assez rarement le premier Ă engager l'acte. Il t'admire Ă©normĂ©ment, il a littĂ©ralement des coeurs dans les yeux lorsqu'il voit ton corps mais c'est quelque chose de plus profond qu'une excitation sexuelle, il trouve vraiment ton corps magnifique, tellement qu'il veut juste l'admirer en premier et qu'aprĂšs oui peut-ĂȘtre il aura une Ă©rection naissante.
il a tout de mĂȘme des envies, elles sont juste moins frĂ©quentes que toi.
quelquefois tu vas le regarder avec ces yeux et il comprend immédiatement le message, mais ça ne veut pas dire qu'il a toujours envie, c'est variable en fait.
tu respectes toujours ça. S'il n'a pas envie, il n'a pas envie et c'est tout.
mais il sait aussi que son excitation peut monter avec un peu de temps, et dans ces moments-lĂ tu es toujours lĂ pour l'aider Ă se sentir Ă l'aise et en confiance.
c'est aussi pour cela que vous passez beaucoup, beaucoup, de temps sur les prĂ©liminaires. Il a besoin de prendre son temps pour ĂȘtre pleinement prĂ©sent et aussi excitĂ© que toi. Mais honnĂȘtement, ça te va. GrĂące à ça tu as repris goĂ»t aux prĂ©liminaires qui Ă©tĂ© un peu nĂ©gligĂ©s dans tes relations prĂ©cĂ©dentes.
il arrive que tu te fasses plaisir par toi-mĂȘme, et il a toujours un grand sourire aux lĂšvres en entendant tes gĂ©missements depuis l'autre bout de la maison. Parfois il toque mĂȘme Ă la porte et glisse un petit "je peux te rejoindre ?".
Ă ton tour, tu lui as appris quelque chose : la masturbation. Ăa peut paraĂźtre simplet Ă dire comme ça, mais il n'a jamais pris le temps de le faire, ou s'il le faisait c'Ă©tait juste mĂ©canique mais jamais pour lui. Alors tu lui as expliquĂ© de nombreuses choses et petit Ă petit vous avez rĂ©introduit ce plaisir dans sa vie.
peut-ĂȘtre que c'est dĂ» Ă la mort prĂ©maturĂ©e de sa mĂšre, ou Ă son besoin de toujours tout contrĂŽler, mais il a un petit fantasme pour la soumission. Tu l'as remarquĂ© pour la premiĂšre fois lorsque tu lui as demandĂ©/ordonnĂ© de te regarder dans les yeux pendant qu'il venait sur toi. Depuis, tu t'amuses Ă le menotter au lit (pauvre menottes en fer qui ont fini ratatinĂ©es), lui mettre la main sur la gorge ou attraper son visage entre deux doigts, et mĂȘme toi tu aimes beaucoup ça.
il a assez peu de pĂ©nĂ©trations dans vos moments intimes, du moins pĂ©nĂ©tration "traditionnelle", mais Ărik peut te faire jouir de nombreuses fois juste avec ses doigts, il a un peu un don pour ça d'aprĂšs toi. Tu aimes aussi beaucoup garder tes sous-vĂȘtements et le sentir Ă travers, c'est encore plus excitant pour vous deux.
Entourage
il ne lui reste plus personne Ă part toi, et quand tu essaies de lui parler de Charles il se ferme tout de suite.
tu sais qu'il a une grande amitiĂ© avec Charles Xavier et tu as essayĂ© pendant longtemps de les raffistoler mais mĂȘme toi tu sens que la situation est trop compliquĂ©e. De ce que t'as dit Ărik, lui et Charles n'ont fait que de se rĂ©concilier pour mieux se disputer pendant plusieurs annĂ©es.
tu as dĂ©jĂ rencontrĂ© Raven, ou Mystique, comme elle prĂ©fĂšre ĂȘtre appelĂ©e. HonnĂȘtement vous pourriez bien vous entendre, mais elle est un peu distante envers toi, et envers tout le monde en gĂ©nĂ©ral. MalgrĂ© ça elle envoie souvent des lettres chez vous, et parfois Ărik dit la voir dans la rue, mĂȘme si toi tu ne vois personne, ou justement trop de monde.
vous n'avez pas vraiment d'amis, donc pas de soirée le samedi soir ou restaurants, du moins pas avec des gens, juste vous deux et ça vous va trÚs bien.
Vulnérabilité
il a des phases oĂč il devient trĂšs froid et distant. Dans ces moments-lĂ , tu sais qu'il vaut mieux ne pas essayer de forcer les choses au risque de la braquer davantage.
il a constamment peur de te perdre, de ne pas te protéger suffisamment, et parfois cette peur est plus forte que certains jours alors dans ces cas-là il est persuadé qu'il vaut mieux qu'il te quitte et qu'il parte. Au début, tu as eu beaucoup de mal avec ça, tu avais des difficultés à lui refaire confiance aprÚs cette phase paranoïaque, mais le temps a apaisé les choses. Il lui arrive encore d'y penser, de penser à partir pour te protéger de tout potentiel danger qu'il pourrait attirer, mais maintenant il essaie de t'en parler au lieu de psychoter tout seul dans son coin.
tu as appris Ă utiliser les bons mots pour le rassurer, et surtout Ă bannir certains mots.
mais il n'est pas le seul Ă avoir des moments difficiles, il t'arrive aussi d'imaginer le pire ou d'ĂȘtre simplement Ă plat. Ă son tour, il est lĂ pour toi comme tu l'es pour lui. Souvent il sait que tu n'as pas envie de parler alors il te forcera Ă rien, il restera juste avec toi, une main sur ton corps pour te montrer qu'il ne part pas.
Phrases typiquement Ărik
Ă quoi tu penses ?
Fais attention/Ne te brûle pas/Doucement quand tu te lÚves/Laisse-moi le faire ok ?
Ăa m'a fait penser Ă toi
Ich liebe dich bÀrchen
Je veux juste te protéger, tu es si agréable, beaucoup trop pour ce monde
Je ne suis pas cruel mon coeur, simplement rĂ©aliste. Regarde autour de toi, des enfants sont tuĂ©s pour leurs simples ADN, alors pourquoi je devrais ĂȘtre comprĂ©hensif envers leurs meurtriers ?
Je ne ferais rien que tu n'acceptes pas
SEXUALITĂ
Je devrais te mettre des fils de fer aux chevilles pour pouvoir contrĂŽler ton joli corps mein schatz
Tu vas encore venir n'est-ce pas ? Oh sweetie ne me regarde pas avec ces yeux-lĂ , tu sais que tu as tout ce que tu veux
Tu savais que ta peau avait un goĂ»t sucrĂ© ? Non ? Maintenant tu le sais, mein sĂŒĂes lieblingsdessert
Darling, tu sais que je pourrais briser ces menottes en un claquement de doigt ? Bien sûr que tu le sais, tu es magnifique, si minuscule dans mes bras et so sehr bezaubernd sur mon torse
trad allemand/français : ich liebe dich bĂ€rchen -> je t'aime petit ourson ; mein schatz -> m.a.on chĂ©ri.e/mon trĂ©sor ; mein sĂŒĂes lieblingsdessert -> mon dessert sucrĂ© prĂ©fĂ©rĂ© ; so sehr bezaubernd -> tellement envoĂ»tant.e
° x-men masterlist
gif : Binar on pinterest
banniĂšre : @/saradika-graphics
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Le Lys et Le Lion : l'Armée de Dumbledore (Fleurmione) - Chapitre 4 (on Wattpad) https://www.wattpad.com/1491166851-le-lys-et-le-lion-l%27arm%C3%A9e-de-dumbledore-fleurmione?utm_source=web&utm_medium=tumblr&utm_content=share_reading&wp_uname=moustik80 nos héroïnes sont de retours ! voici la suite des aventures de Fleur Delacour et Hermione Granger dans cette réécriture de l'Ordre du Phénix vous avez adorez le tome 1 j'espÚre que le tome 2 répondra à vos attentes :) si vous n'avez pas lu le tome 1 il est ici : https://www.wattpad.com/1393465420-le-lys-et-le-lion-le-tournoi-des-3-sorciers
#fleurdelacour#fleurmione#harrypotter#hermionegranger#ordrephenix#fanfiction#books#wattpad#amreading
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* a particular kind of phinjeet i lov 2 draw iz where 1 of them iz staring at the other who doeznt Know like . phin yapping abt smth n looking elsewhere while jeet starez right at him . jeet looking up at the starz while phin lookz only at Him . both a little oblivious 2 how much the other really adorez and admirez them in silence . yk
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Je partage cette vidĂ©o ici au cas oĂč vous ne lâavez pas vu. Une formidable interprĂ©tation du personnage de GueniĂšvre et de la place toute particuliĂšre quâelle tient auprĂšs dâArthur. A voir si comme moi vous adorez ces deux-lĂ . đ„°
youtube
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Mes chers compatriotes,
Vous n'ĂȘtes pas sans savoir que j'ai quittĂ©, il y a quelques mois de cela, mes quartiers privatifs situĂ©s sur l'Ăźle ensoleillĂ©e de Crabiland afin de reprendre du service chez Tumblr en tant que PrĂ©sident IntĂ©rimaire des Produits et Objets (ou P.I.P.O., pour les intimes). J'ai mĂȘme ouvert pour l'occasion mon propre blog - sobrement intitulĂ© Emporium - et je peux vous dire en toute modestie que, grĂące Ă moi, les ventes dĂ©collent !
Les affaires fonctionnent si bien que, la nuit derniĂšre, j'ai pris quelques instants introspectifs pour contempler ma rĂ©ussite. Aucune concurrence Ă l'horizon, croissance Ă deux chiffres (aprĂšs la virgule), des clients satisfaits de leur nouveau mug/pin's/t-shirt, et moi au sommet de cette montagne de succĂšs⊠"Tout va pour le mieux, hein Brick ?", me suis-je dit (je me parle souvent Ă moi-mĂȘme).
Il fallait pourtant me rendre à l'évidence : tous ces produits, bien physiques, c'est créatif et c'est fun. Oui. Mais ça manque d'un petit quelque chose. D'un zeste de clics. Oui, de clics. Et Brick adore les clics.
Je me suis alors souvenu avec Ă©motion de la popularitĂ© de mes petits crabounets qui venaient envahir par centaines les tableaux de bord en mon absence. Et ne niez pas leur attrait : vous les aimiez tellement, vous aussi, que vous Ă©tiez mĂȘme prĂȘts Ă les offrir Ă vos amis. Je suis au courant.
La question était trÚs simple : comment faire pour combiner une fonctionnalité qui vous fait cliquer à tout va (vous adorez ça), avec un concept novateur ? Un truc JAMAIS VU !?
Ils ont alors dĂ©barquĂ© dans ma tĂȘte sans crier gare :
đŠđđ§đ»đŽđȘ !!!!!!!!!!!!
Je vous annonce solennellement mon départ (temporaire) du poste que j'occupe en tant que P.I.P.O. sur Emporium pour enfiler ma nouvelle casquette de Président Intérimaire des Réactions Emojiesques - ou P.I.R.E.
à compter de ce jour, vous pourrez donc utiliser ces boutons de réactions dans la partie basse de chaque billet Tumblr pour y exprimer vos émotions. Enfin, juste sur le Web. Pas dans l'application. (Je n'avais pas un budget illimité en tant que P.I.P.O, mais là , c'est P.I.R.E.).
Et sachez que tout ça m'a demandĂ© bien des efforts. Je n'en ai pas dormi de la nuit, Ă devoir tout remettre en ordre dans ma tĂȘte aprĂšs ce temps introspectif sur mes brillants choix de vie. Alors, ne m'en voulez pas si les rĂ©actions disponibles pour l'instant sont assez restreintes. Il s'agit tout bonnement des derniers emojis que j'ai utilisĂ©s sur mon smartphone.
Je suis sĂ»r que vous les aimerez quand mĂȘme. MĂȘme s'ils ne cassent pas des briques parce qu'ils viennent de BRICK, voyons !
Cliquement vĂŽtre,Â
Brick Whartley Président Intérimaire des Réactions Emojiesques - P.I.R.E. Président Intérimaire des Produits et Objets - P.I.P.O. (sur le départ)
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English : Hello everyone. I drew Ariel from The Little Mermaid, the animated film by John Musker and Ron Clements which celebrates its 35th anniversary this year.
I did this by getting closer to what Glen Keane and Mark Henn, the animators of the character, were doing.
I hope you will love it.
Français : Bonjour tout le monde. J'ai dessinĂ© Ariel de La Petite SirĂšne, le film d'animation de John Musker et Ron Clements qui fĂȘte cette annĂ©e son 35Ăšme anniversaire.
Je l'ai fait en me rapprochant de ce que fessaient Glen Keane et Mark Henn, les animateurs du personnage.
J'espÚre que vous adorez ça.
#Ariel#La Petite SirĂšne#The Little Mermaid#John Musker#Ron Clements#Walt Disney Pictures#walt disney animation studios#disney animation
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this will mostl kely be my last ask. for today. maybe. (its like 11pm rn im so tired)
what r ur outer hcsâŠ.
bc
outer is my second fav sans
first one being classic and my other favs being error, geno, blueberror and fatal (unoriginal i know. glitchy skeletons are just really likeable)
and i want to know :3
flutters syelashes
GO TO ZLEEP DUDE !!! GO FUCKING EEPERZ !!!!!!11
ur favz are so real .. love me some glitchy skeletonz !! anywayyy
outer can be pretty artistic when they want to be ! he enjoyz painting and uzing glitter (they remind him of starz :3)
autiztic ASSSS. imagine having astrology and rhe study of starz and the galaxy as ur special ineterzt. fucking NERD !!!!11 (/pos)
expandin on that; outer lovez colorful visualz and different texturez. they will NOT pass on an opportunity to go stargazing
zpeakin of !!! stargazing is their fav hobby x] he has a bunch, but this one is special. sitting under the starz, it can really put you at peace.
chill dude ! pretty calm and doezn't break eazily under pressure or overwhelming situationz,, even if he doez, he triez not to show it.
he abzolutely ADOREZ aquariumz, especially the jellyfish exhibitz !
THATZ ALL 4 NOW TRYNA FOCUZ ON WORK SO x3 !!!
#killz answerz#killz yapz#i wish i had more headcanonz for him#they're so silly#outer goez by he/they btw /hc#i zhould make a tag 4 all theze hcz ..#mayb later
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« Pourtant, j'essaierais de leur enseigner quelque chose [aux chrĂ©tiens], bien qu'ils soient lents d'esprit : Si l'on ferme les yeux aux choses des sens et essaie de voir avec l'Ćil de l'esprit, et si l'on se dĂ©tourne de la chair vers le soi intĂ©rieur, l'Ăąme, lĂ il verra Dieu et connaĂźtra Dieu. Mais pour commencer le voyage, il faut fuir les trompeurs et les magiciens qui paradent des fantasmes devant vous. Vous serez la risĂ©e tant que vous rĂ©pĂ©terez le blasphĂšme que les dieux des autres hommes sont des idoles, tandis que vous adorez effrontĂ©ment comme Dieu un homme dont la vie Ă©tait misĂ©rable, qui est connu pour ĂȘtre mort (dans des circonstances honteuses), et qui, selon votre enseignement, est le modĂšle mĂȘme du Dieu que nous devrions considĂ©rer comme notre PĂšre. »
Celse, La VĂ©ritable Doctrine, 9
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Parfois, l'amour est la rencontre de deux solitudes qui se rapprochent, se comprennent, s'Ă©treignent et s'unissent pour apprendre l'inconnu, se complĂ©ter, se quereller, s'amuser et s'aimer... ensemble sous la pluie , attendant le coucher du soleil , vous adorez ce bonheur tant attendu !... Bonne soirĂ©e chers amis â€ïž
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elles sont de retours !!
Le Lys et Le Lion : l'Armée de Dumbledore (Fleurmione) - Chapitre 1 (on Wattpad) https://www.wattpad.com/1473549676-le-lys-et-le-lion-l%27arm%C3%A9e-de-dumbledore-fleurmione?utm_source=web&utm_medium=tumblr&utm_content=share_reading&wp_uname=moustik80 nos héroïnes sont de retours ! voici la suite des aventures de Fleur Delacour et Hermione Granger dans cette réécriture de l'Ordre du Phénix vous avez adorez le tome 1 j'espÚre que le tome 2 répondra à vos attentes :)
#fleurdelacour#fleurmione#harrypotter#hermionegranger#ordrephenix#fanfiction#books#wattpad#amreading#fleurmione fanfic#hp femslash#hp fandom
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Monsieur, notre envie de Martini est de circonstance . Je vous attends, votre verre est servi et je le tiens Ă l'endroit oĂč vous aimez vous promener. Il est rouge, le blanc manque mais peu importe pourvu que l'ivresse des sens soit prĂ©sent.
Vous pouvez le boire Ă votre convenance, je suis prĂȘte.
Je vous donnerai la satisfaction escomptée pour nous plaire.
L'appétit ainsi ouvert, il ne vous restera, aprÚs m'avoir bue ( pardon, aprÚs l'avoir bu :D ) à déguster votre plat du jour.
Je ne vais pas le détailler, je vous en laisse la surprise bien entendu. Je sais que de toute maniÚre vous allez l'agrémenté à votre façon et j'en suis déjà heureuse.
Je peux déjà vous dire que les fruits seront à volonté et accompagnés de chantilly.
Je vous ai mis l'eau à la bouche monsieur ? alors venez déguster ce met que vous adorez et qui comblera votre gourmandise.
Bon appétit Monsieur le gourmand .
MartyWha@20240418
Belle journée à toutes et tous -
Ceci est un message personnel ;)
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Bonjour,Â
Vous avez mal dormi ? Moi aussi. Je me suis demandĂ© pourquoi le prĂ©sident de la RĂ©publique avait fait un pari aussi risquĂ© avec des lĂ©gislatives qui pourraient envoyer Jordan Bardella Ă Matignon. Puis jâai compris quâEmmanuel Macron cherche Ă provoquer un effet de rĂ©el, pour obliger les Français Ă assumer la responsabilitĂ© de voir le RN accĂ©der au pouvoir â ou Ă refuser nettement cette perspective. Mais son plan comporte un point aveugle et trĂšs lourd de consĂ©quences.
La dĂ©cision solitaire, sidĂ©rante et parfaitement contingente de convoquer des Ă©lections dans moins de trois semaines est taxĂ©e depuis hier soir de coup de poker, de pari Ă haut risque, voire de coup de folie. Au lieu dâaccueillir, sourire aux lĂšvres, les chaleurs de lâĂ©tĂ© et la flamme olympique, les Français sont replongĂ©s dans une nouvelle rĂ©alitĂ© fiĂ©vreuse et angoissante. Le RN nâa jamais Ă©tĂ© aussi haut, mĂȘme dans des rĂ©gions et parmi des catĂ©gories sociales qui ne votaient guĂšre pour lui. Bardella est une idole des jeunes, tandis que Marine Le Penincarne, pour beaucoup, la chaleur populaire contre les manĆuvres Ă©goĂŻstes des Ă©lites. Emmanuel Macron a-t-il perdu les pĂ©dales au point de jouer Ă quitte ou double lâavenir de la France ?
Il sâagit en rĂ©alitĂ© dâun calcul. Le prĂ©sident craint par-dessus tout de devoir transmettre le pouvoir Ă Marine Le Pen en 2027. Il constate que la progression du RN est constante depuis plusieurs dĂ©cennies, quâil ne parvient pas Ă lâenrayer, et que le parti dâextrĂȘme droite Ă©vite tous les piĂšges tout en profitant de toutes les crises. Macron sait quâaprĂšs les Gilets jaunes, le Covid-19, les manifestations contre la rĂ©forme des retraites ou la loi immigration, les Ă©meutes des banlieues, la rĂ©volte des agriculteurs, le conflit civil en Nouvelle-CalĂ©donie, de nouvelles convulsions vont advenir. Il tente donc le tout pour le tout. Il prend le RN â et tous les autres partis â de vitesse. Admirateur de NapolĂ©on, il entend, tant quâil lui reste des forces, briser cette ligne ascendante et enfoncer lâarmĂ©e adverse alors quâelle ne sây attendait pas. Et il est persuadĂ© de gagner Ă tous les coups. Soit, grĂące aux voix modĂ©rĂ©es de tous bords, face Ă une gauche divisĂ©e, il regagne une majoritĂ© absolue. Soit il retrouve une majoritĂ© relative et essaie de sâallier Ă la droite. Soit le RN arrive Ă passer de 88 Ă 289 dĂ©putĂ©s et le prĂ©sident appelle Bardella Ă Matignon. Il cherchera Ă le pousser Ă la faute, convaincu que lâextrĂȘme droite ne rĂ©sistera pas Ă lâĂ©preuve du pouvoir et Ă©chouera aux prochaines prĂ©sidentielles.
Le plan macronien se veut imparable parce quâil est guidĂ© par un postulat simple : lâeffet de rĂ©el. Selon le prĂ©sident de la RĂ©publique, le vote RN est surtout lâexpression dâune pulsion de transgression, dâun dĂ©sir dâailleurs. Mais proposez Ă une personne qui rĂȘve de vivre dans un pays lointain si elle veut y dĂ©mĂ©nager pour de bon, vous verrez quâelle y rĂ©flĂ©chira Ă deux fois. Câest ce raisonnement que tient Macron : vous adorez voter RN pour rĂąler et vous dĂ©fouler, mais avez-vous rĂ©ellement envie quâil sâinstalle au pouvoir ? Il est sĂ»r quâune majoritĂ© de Français ne le souhaite pas. Câest pourquoi il a conclu son annonce hier soir par les mots âCâest maintenantâ, supposĂ©s monter au cerveau de ses incorrigibles compatriotes incapables de comprendre quâils ne vont pas si mal.
Mais â outre que le cĂŽtĂ© paternaliste et jupitĂ©rien du procĂ©dĂ© risque dâen incommoder plus dâun â le raisonnement du prĂ©sident pĂšche sur un point. Il nâest pas du tout impossible quâune grande partie des Ă©lecteurs dĂ©sire la victoire du RN de maniĂšre tout Ă fait rĂ©aliste. Le parti de Marine Le Pen, depuis plus de dix ans, cherche Ă Ă©pouser les convictions, les passions et les humeurs populaires, plaçant le âbon sensâ au sommet de ses prĂ©occupations. Et ça fonctionne. Le vote RN nâest plus tant un vote protestataire quâune adhĂ©sion totale, un projet assumĂ© de voir le parti gouverner le pays.
Câest plutĂŽt le prĂ©sident qui se place du cĂŽtĂ© du fantasme. Il se prend pour un personnage de roman, qui accepte le dĂ©fi lancĂ© par son jeune rival. Emmanuel Macron se voit en dâArtagnan, bretteur qui gagne grĂące Ă son audace. Sâil Ă©choue, il se prendra pour Cyrano et perdra, mais avec panache. Et sâil doit cohabiter avec Bardella, il sera un rĂ©sistant Ă la Jean Moulin. Or, si le RN gouverne, il se montrera dâabord doux et toujours proche du peuple. Il proposera une contre-rĂ©forme des retraites, histoire de cornĂ©riser la gauche ; il renverra quelques imams et dĂ©linquants Ă©trangers avec lâassentiment gĂ©nĂ©ral ; il freinera lâaide Ă lâUkraine au nom de la vie des jeunes Français. Et prĂ©parera tranquillement 2027 pour pouvoir faire adopter par rĂ©fĂ©rendum les modifications de la Constitution qui lui permettront dâappliquer son programme sans entraves.
En concluant son discours, Emmanuel Macron dĂ©clare quâil faut âchoisir dâĂ©crire lâhistoire plutĂŽt que de la subirâ. Mais il pense surtout Ă lui, Ă la fois auteur et hĂ©ros du roman national. Finalement, il restera peut-ĂȘtre dans les mĂ©moires comme un autre personnage cĂ©lĂšbre : celui dâĂrostrate, Grec de lâAntiquitĂ© qui incendia le temple dâArtĂ©mis afin que personne nâoublie jamais son nom. Il aura alors Ă©tĂ© le scĂ©nariste dâune dystopie française, dont personne ne saura plus comment sortir.
Michel Eltchaninoff
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fine. FINE. maybe iâll talk about anzureze and adoreze and chiasol. maybe.
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