#Sonia Delzongle
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Quand la neige danse, je pense à autre chose
La semaine dernière, on m’a demandé de lire Quand la neige danse, un polar à paraître en avril, cinquième roman de Sonja Delzongle. Jamais entendu parler. Je débute ma lecture vierge de tout a priori. Et puis, je pense à autre chose.
Ce n’est pas que le roman soit mauvais. C’est un thriller classique et plutôt bien ficelé en fait : un tueur en série mystérieux, un petit village isolé, des personnages abimés par la vie, une enquêtrice mystique, le passé qui ressurgi… Un style suffisamment efficace et maîtrisé pour se faire oublier. L’intrigue se déroule aux Etats-Unis, pays natal d’Esprit Criminel, des Experts, de Stephen King… qui sont à peu près les seules références culturelles du roman. Les Etats-Unis apparaissent comme un pays de fiction, le seul pays où peut se dérouler la fiction. Rien n’est ici ni exotique, ni dépaysant, c’est au contraire le cadre bien connu des séries télés qui occupent nos soirées. La zone de confort du lecteur-téléspectateur. Et Sonja Delzongle ne l’en sortira pas.
Un peu déçue par cette facilité scénaristique, je me détache malgré moi de cette lecture et je repense à un roman qui m’avait marquée il y a quelques temps : Reflex, de Maud Mayeras, sorti en octobre 2013. On y suit une femme de trente-cinq ans, solitaire, bègue et misanthrope. Photographe de l’Identité judiciaire, elle est appelée dans le village de son enfance pour faire les premières constatations du meurtre d’un petit garçon. Or, son fils a, lui-même, été assassiné dix ans auparavant… Nous avons donc encore un thriller plutôt classique : un tueur en série mystérieux, un petit village isolé, des personnages abimés par la vie, une enquêtrice énigmatique et le passé qui ressurgi. Alors quelle différence entre Delzongle et Mayeras ?
La profusion de séries criminelles américaines, a mis un tel niveau dans la perversion de leurs tueurs et dans la complexité de leurs intrigues, qu’il devient difficile de ne pas éprouver un sentiment de déjà vu devant les scénarios les plus atroces. Le psychopathe est banal. L’enquêteur sombre et revêche, mais finalement attachant, est banal. Toutes les fausses pistes, tous les retournements de situation ont déjà été testés.
Tout en jouant la partition classique du polar, Maud Mayeras, en dénonce les archétypes. Si le personnage principal est antipathique ce n’est pas forcément pour que « nous adorions le détester ». Une mère jalouse et abusive a parfois de sérieuses raisons de l’être. Un tueur, aussi démoniaque soit-il, n’est pas toujours le plus méprisable de l’affaire. Dans Reflex, comme dans la vie, rien n’est évident. Et à la dernière page on réalise que ce n’est pas l’enquêteur qui a fait fausse route, c’est nous, lecteurs.
Une écriture sans prétention, sans sensationnalisme, mais d’une clarté déstabilisante. Il faut un moment avant de saisir le génie de ce roman. Donc, si vous ne l’avez pas déjà lu, je vous recommande Reflex. Et pour ce qui est de Sonja Delzongle, peut-être que Quand la neige danse n’est simplement pas son meilleur roman.
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