Tumgik
#''Si vous les croisiez dans la rue vous ne vous retourneriez même pas sur leur passage'' : EM - how rude ! Your friends are handsome dammit
nael-opale · 4 years
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Out Of Context Nicolas Gabion : 𝙻𝙴 𝙲𝙾𝙽𝚃𝙴𝚇𝚃𝙴
J’ai besoin d’en dire plus sur ce mythique “Oh baby !” (aussi connu sous le nom de “3 secondes que je ne pourrai jamais oublier”).
Je vous préviens, ça va en s’améliorant, accrochez-vous jusqu’au bout, au moins jusqu’à la fin de la première partie du post. Vous allez voir des noms et des visages familiers...
╱╲╱╳╲╱╲╱╲╱╳╲╱╲  Nous sommes en 2004.
Emmanuel Meirieu est un jeune metteur en scène, il va avoir 28 ans... Quelques années plus tôt il a créé avec Géraldine Mercier la compagnie Bloc Opératoire.
Il est à la recherche d’un texte à adapter pour six comédiens masculins... Loïc Varraut, connaissant ses références et son goût pour le cinéma américain, lui propose Baby King, de l’auteur Jez Butterworth. Jean-Christophe Hembert est en possession du texte, bien qu’il ne l'ait pas lu, il est donc possible de mettre la main dessus sans trop de difficultés.
Ainsi naît Mojo (Baby King), un spectacle mis en scène par Emmanuel Meirieu avec Nicolas Gabion, Jean-Marc Avocat, Thibault Roux et Loïc Varraut
La première représentation a lieu en janvier 2005, au Théâtre de l’Élysée à Lyon. France 3 Rhône-Alpes vient réaliser un court reportage sur le spectacle.
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Nicolas Gabion et Loïc Varraut dans Mojo (Baby King)
(photo © DR)
Source des anecdotes sur la genèse de Mojo : 
- Entretien "Créditer l'illusion" pour Le Petit Bulletin (novembre 2005) - propos d’Emmanuel Meirieu recueillis par Christophe Chabert
- Présentation de Mojo par Emmanuel Meirieu  (extraits à lire ci dessous  si vous choisissez d’afficher davantage, j’ai mis mes passages préférés en gras)
“En avril 2004, je créais Mojo la première pièce de théâtre écrite par l’anglais Jez Butterworth. Et je découvrais en lui l’auteur de théâtre que j’avais tant cherché, celui dont les personnages me ressemblaient enfin, à moi et à mes comédiens qui sont aussi mes amis depuis 5 ans : 6 petits voyous inséparables du cockney londonien. Nous sommes de la génération Scorsese : pour nous, le plus grand rôle du répertoire, c’est indéniablement le parrain Don Vitto Corleone. Et nous avons toujours rêvé de jouer les affranchis.”
“Mojo a été créé à l’Elysée : un cinéma délabré, perdu dans le quartier chinois à Lyon, où l’on passait en alternance d’improbables films érotiques et des films de Kung Fu assez peu recommandables. Il n’y avait pas de cadre de scène ni de grill technique. Température ambiante en ce mois de mai : 35 degrés. C’était assez miteux, à peine plus grand qu’un garage, et pour tout dire, ce n’était pas du tout un théâtre : nous nous sommes tout de suite senti chez nous.”
“Comme l’action de Mojo se passe (en temps réel) dans un night-club londonien, nous avons décidé d’en faire notre décor. [...] Et vous pouviez regarder vivre ces personnages et croire en ce que vous voyiez, parvenir à oublier que ce n’était que du théâtre. Je crois bien que cela s’appelle « l’hyper-réalisme », s’il faut employer les grands mots. Le lieu de l’action est le lieu de la représentation. Au théâtre, rien n’est plus puissant que l’unité de lieu et de temps. Nos loges et notre foyer, c’était le décor du spectacle : 2 tables de bistrot, un ventilateur, un frigidaire, de la bière et de la vodka bien fraîches et quelques vivres (un succulent mille feuille de chez Leader Price). Les personnages ne quittent pratiquement jamais la scène. Pendant 8 semaines, nous mangions à la table, nous y changions, y faisions la sieste, y prenions toutes nos pauses, en costumes de scène. Rapidement, nous avons pris nos mauvaises habitudes et nos petites manies : le fauteuil préféré de Jean Marc (malheur à celui qui s’y serait assis), la place du cendrier de Loïc, le verre attitré de Thibault… Inutile de faire « la mise ». Bientôt les acteurs se sentiraient aussi bien, libres et détendus, dans ce décor que dans leur salle de bain ou leur cuisine. Ils manipuleraient ces accessoires de théâtre avec la même familiarité, la même spontanéité qu’un couteau et une fourchette. C’est pourquoi les spectateurs ont cru sans mal que ces personnages vivaient ici bien avant qu’ils n’arrivent. Pendant 8 semaines, nous n’avons pas quitté nos costumes. La façon dont chacun porte un vêtement est unique : ce léger faux pli sur le col de votre chemise blanche, cette minuscule tâche sur votre tee-shirt fétiche, la manche gauche de votre veste qui tombe un peu plus bas que la manche droite parce que vous portez votre sac à dos sur une épaule… C’est une question de bon-sens : les costumes des acteurs sont les vêtements des personnages ; aucune « patine » ne peut créer cette illusion. Trop souvent, les acteurs les passent juste avant le jour J : sur scène, il ont l’air gauches, apprêtés, dans ces costumes encore chauds et amidonnés, sortis du pressing, comme pour un entretien d’embauche dans une agence d’intérim. Et comment croire aux personnages quand on ne voit que des acteurs déguisés ?”
“À l’Elysée, les spectateurs étaient si près que les acteurs n’étaient pas obligé de parler fort : ils pouvaient jouer le plus naturellement possible (sans déclamation ni exagération, sans outrance). Le cinéma américain a forgé mes goûts (et pas le théâtre allemand, je l’avoue): le jeu d’acteur que j’aime, c’est celui de l’ actor’s studio [...]. Les textes sonnent mieux à mes oreilles quand les acteurs les disent d’une voix lasse, un cigare au coin de la bouche, ou en mâchant un cure-dent ou un chewing-gum, parlent avec un accent fort et une voix rauque… J’ai toujours rêvé de voir ces acteurs qui me fascinent sur une scène de théâtre. [...] Du premier jour des répétitions jusqu’au dernier jour de représentations, les acteurs ont improvisé. Comme le dit Clint Eastwood, « c’est de cette façon qu’on évite au moins d’avoir des gars qui font trop clairement semblant de ne pas faire semblant, en gardant la chose aussi spontanée que possible ».”
“Avant, je croyais que diriger les acteurs consistait à leur faire répéter inlassablement les mêmes phrases d’une certaine façon. Je leur indiquais où se placer, quand se déplacer, comment manipuler un objet. Et nous le refaisions jusqu’à ce que les acteurs exécutent exactement les mêmes gestes tous les soirs. C’était cela, pour moi, une « répétition ». J’ai cessé de faire répéter les acteurs. Improviser est un sport collectif. Nous allions au théâtre comme on va au gymnase. Il faut connaître les réflexes de ses partenaires de jeu, savoir les surprendre et anticiper leurs réactions.”
“Ces acteurs que j’ai réuni ne ressemblent pas tellement à des acteurs. Si vous les croisiez dans la rue, vous ne vous retourneriez même pas sur leur passage. Sur les scènes de théâtre ou les écrans de cinéma (français), les gens que je vois, qui sont censé être cordonnier, ou médecin, fermier ou policier, ont plutôt l’air de sortir fais émoulu d’une agence parisienne de manequinat, ou d’une école nationale de théâtre. Conséquence : je n’arrive pas à y croire et je sais que je ne leur ressemble pas. Et comment pourrais-je alors m’identifier ?” 
"J’aime les anti-héros désespérés des polar noir et les losers du cinéma burlesque comme Charlot ou Buster Keaton. [...] Les super-héros tragiques comme le Cid ou Agamemnon me donnent des complexes. Leur souci quotidien c’est : l’honneur de leur nom ou le destin de leur patrie ; et leur frigo n’est jamais vide. Mes personnages connaissent des fins de mois difficiles [...]. La philosophe Simone Weil écrivait : « Nulle poésie concernant le peuple n’est authentique si la fatigue n’y est pas, et la faim et la soif issue de la fatigue ». C’est beaucoup plus qu’une « belle phrase » : c’est une règle de mise en scène.”
“Les histoires qu’il me plait de raconter sont parfois violentes, souvent tristes, mais toujours drôles. J’essaie de ne jamais oublier la plus grande leçon de vie et de mise en scène que nous ait donné Tchekhov : « les gens vraiment malheureux n’ont jamais l’air malheureux ».”
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