#neuve invention
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“Ghosts” Hoke...Ebay Outsider-Art Auction...April 13-20... Acrylic Painting on Wood...14 3/8″x 12 3/4″x 3/8″... Starting Bid $14...
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la isla blanca; huitième version.
la isla blanca; septième mise à jour 💕 six mois désormais que notre doux cocon, LA ISLA BLANCA, à ouvert ses portes. mes douceurs de co-admins, @themuseparadox, @erinye-stuff, @romystigri, @gerard-menjoui & moi-même venons vous présenter sa huitième version. pour l'occasion; lib fait totalement peau neuve avec un nouveau codage mais aussi beaucoup d'autres nouveautés à dénicher.
l'intrigue du mois; entre les murs teintés d'ocre, se dissipent les murmures solennels des promesses d'un autre temps, s'installent en douceur les lueurs de l'astre primaire de la cité entourée de nuages menaçants. le scélérat n'est plus là, vague souvenir déjà oublié par les esprits béats, calmes sont les vagues qui furent enragées, amorphes quand près des ruelles éclairées, on chante à l'amour et aux étreintes subtilisées. la saint-valentin, le moment où les flammes se déclarent, l'instant où les cœurs battent à l'unisson, sans retard. pourtant, loin des rayons chaleureux, l'ombre se dresse, mirage ou bien réelle créature que certains se plaisent à appeler reine des tristes desseins, la légende gronde dans les esprits dès lors que la saison hiémale touche à sa lente fin. avez-vous déjà entendu parler d'hamarre, déesse des amours et des couples qu'elle sépare sans détour ? elle est bien là, observant les faits et gestes de ceux qui vivent trop fort, trop vite, sans se soucier de son aura. sur l'île, le mythe se chuchote de bouches en bouches, s'éteint pour laisser planer les vapes idéalisées d'une vieille histoire décimée, celle de deux amants qui s'aimaient, puis séparés par les courants et les menaces de l'océan. on murmure aussi qu'il suffit de s'approcher de la grotte d'es culleram et d'y déposer un papier avec le prénom de l'être aimé, de revenir le jour suivant pour attester de tâches noires comme signe que l'affection est destinée à durer. s'il n'y en a pas, c'est qu'hamarre ne vous accordera pas sa bénédiction jusqu'au trépas. mais qui peut-on réellement croire ? simple fiction ou véritable invention, c'est à vous, chers habitants, d'en juger.
– la isla blanca se veut un forum où règnera la bienveillance, et où l'on privilégie l'intégration de chacun. un doux cocon où les personnages de tout les horizons, nous l’espérons, pourront trouver une maison. du plus sombre, au plus doux, l'île ne cesse d'accueillir de nouveaux habitants aux nuances illimitées. ✨
aucun minimum de ligne exigé sur le forum – un rp par mois. n’hésitez pas à nous rejoindre. 🌸🐚
lien du forum :: https://laislablanca.forumactif.com/ lien du forum :: https://laislablanca.forumactif.com/
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Les lignes de sa main qui devaient ressembler à du fil de fer barbelé, j’aurais voulu lui en inventer des neuves.
Gaëlle Josse, La Nuit des Pères
#Gaëlle Josse#La Nuit des Pères#livre#book#citation#citation française#littérature#littérature française
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sorry for bothering you about adeptus tao but you put the worm in my brain SO i don’t know if you’ve seen it but a very cool artist once drew adeptus!tao, their au was so interesting!!!! (i hope you don’t mind the ship heh) i can’t wait to see how you characterized her and her relationship with the other adepti/morax 🥹 https://x.com/die_lian_hua/status/1680980161280327680?s=46&t=tYYqwrfC4CLBDf0c0YKOVQ also, feel free not to answer if it’s too spoilers, but can we expect an interaction with furina or neuv? 👀
Love that picture! Yes, The Unbound Flame is en route to Fontaine to chew bubblegum and bury people who cross her boss/employee/service top and bubblegum has yet to be invented
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24 août 2023, partie 1
Petit matin joli … on oublie l’orage et on tente de la bonne humeur pour ce fameux jour où on rentre. Comme chaque fois, on adoucit le moment en allant passer une nuit tampon à Dion chez Mamita et Dadef… le vrai retour, celui où on déballe, où on range, où on nettoie sera pour demain… mollo on a dit ! En attendant on déjeune, et on referme le camion. Bon, je voulais une vidéo en accéléré du rangement où on nous voyait tous œuvrer ensemble … et puis les ados ont décidé de montrer leurs fesses et d’envoyer la vidéo aux oubliettes… pas bien grave sauf que… sauf que je suis sortie de mes gonds…de façon dramatique et démesurée… voilà voilà … peut-être l’orage m’électrise, peut-être le retour m’attriste, peut-être la fatigue d’une vie nomade m’attrape, ou peut-être ma capacité de tenir une troupe en mouvement, en cohérence et en bonne entente a trouvé une limite … en tout cas on reprend la dernière ligne droite assez maussades… triste fin de voyage…
Et puis, Seb propose de passer voir une cabane qu’il a construite pour remettre une note positive… tout-le-monde est ok, c’est parti pour une nuit dans l’arbre. Cela nous remet ensemble de bonne humeur ! Bien joué ! Sauf qu’il pleut et que ça tonne et…Bienvenue en Belgique…
Ça y est on approche du but. Trop. Alors on fait encore un arrêt à Louvain-la-Neuve pour engloutir un Tacos pour les ados et des pâtes pour les autres… dernier petit moment entre K-mioneurs … on invente même une petite chanson mais on va la garder pour nous ! 😅
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Je suis ton enfant prodigue (d’après Luc 15, 11-24)
Enfant prodigue, fils ingrat, j’ai rompu la relation avec toi, mon Père.
J’ai voulu faire ma vie tout seul, inventer mon bonheur loin de toi.
Je n’avais pas compris la gratuité de ton amour qui était ma maison, ma richesse et ma vie.
J’ai voulu prendre l’héritage, tout de suite, pour moi tout seul ;
j’ai accaparé tes dons comme un dû.
Tu ne m’as rien dit, Seigneur,
tu m’as laissé partir vers le pays lointain de mes rêves où j’ai gaspillé tous tes biens ;
cette parcelle de ta vie, de ton amour, je les ai dilapidées, égoïstement, goulûment, bêtement.
Et quand j’eus tout dépensé, une grande famine est survenue dans mon cœur ;
le péché est toujours le pays de la faim et de l’ennui, du dégoût et de la privation ;
déçu, inassouvi, j’ai refermé les mains sur du vide, je suis rentré en moi-même,
j’ai eu soif d’autre chose, je me suis souvenu de ta maison,
j’ai décidé de me lever et de revenir...
Tu m’aperçois de loin, tu m’attends depuis si longtemps, aux carrefours de mes chemins.
Tu cours vers moi, tu m’enfouis dans tes larges épaules,
tu es plus ému que moi, tu ne me poses aucune question sur mon passé,
tu sais que ton enfant a mal, tu sais quelle amère expérience je viens de faire.
Tu me donnes un habit neuf, des sandales neuves,
tu ajoutes simplement un couvert à la table familial et tu dis : « Mangeons, faisons la fête, mon enfant est revenu ! »
Merci, Seigneur, toi qui es mon Père, ma Maison, mon Amour, ma Vie !
Je n’oublierai jamais que tu n’as pas voulu l’humiliation de ton fils, car tu veux qu’il vive.
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Bon baiser d’Angleterre [Fiction - Pre canon]
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Disclaimer : Il y a probablement besoin de connaître au moins vaguement l’univers pour comprendre ça. Ca se passe environ un siècle avant le canon. Je ne prétend pas connaître quoi que ce soit sur les services secrets anglais, g just vu 1 film 2 James Bond é jé pa émé. Ceci dit, les personnages m’appartiennent, et ça reste un texte que j’affectionne pas mal xD
Pairing : Service Secret / Sylvain Saulter x Sa Royauté Anglais / Edward Short
TW : Brève mention de blessures, mais traitées comme une blague.
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C’était un très large bâtiment ; du moins, tout autant que c’était un grand bâtiment, suffisamment grand pour sembler caresser, défier les cieux. L’un de ces immeubles modernes, sobres d’extérieur, richement décoré d’intérieur, suivant le goût et la mode des années 1900. D’apparence, il ressemblait, en tout point, à un hôtel. On y entrait par la grande porte vitrée, pour déboucher dans un hall gigantesque, dont le plafond était si haut, si élevé, et si élégant dans sa sobriété, qu’il n’en avait rien à envier, par sa magnificence, à celui de la salle de trône d’Anglais. On se trouvait alors face à l’envolée d’un grand escalier bicéphale, dont les deux cous courbés se réunissaient, en hauteur, sur un bar luxueux qui surplombait les riches tapis et fauteuils du hall d’entrée. Au creux de ces escaliers, comme le cœur d’un arbre protégé par deux racines monumentales, il y avait la cage d’ascenseur ; une invention toute neuve, toute brillante, cachée par une grille dorée, frappée d’un « S » soigneusement calligraphié.
C’était en empruntant cet ascenseur qu’on accédait aux multiples étages ; une suite de couloirs labyrinthiques, tout en pourpre et en or, qui longeaient des myriades de chambres à coucher. Il était aisé de s’y perdre ; les chiffres étaient dans le désordre, et, par moment, les couloirs dérobés s’ouvraient, et se refermaient derrière les visiteurs imprudents qui s’y seraient aventuré sans précaution. La pénombre guettait à chaque recoin de l’immeuble ; les luminaires, très modernes, étaient soigneusement disposés de manières à cacher, à avaler dans l’ombre des passages, des couloirs, des conduits, qui menaient on ne savait où.
Rien de tout cela ne ressemblait, de près ou de loin, à un espace de travail ; mais Anglais n’était pas dupe. Derrière chaque lit, chaque miroir, chaque placard de chaque chambre, il y avait des portes dérobées, des pièces cachées, qui menaient au véritable repère de l’agent qui y travaillait ; encore fallait-il savoir sur quel bouton appuyer, quelle brosse à dent pousser, quel livre retirer. L’endroit, en bien des égards, était une forteresse imprenable ; si bien qu’on ne pouvait songer y entrer sans être au préalable accompagné par l’un des membres du personnel autorisé- l’un des codes du propriétaire des lieux, Service Secret.
C’était lui qu’Anglais, aujourd’hui, était venu voir. Ce n’était pas la première fois qu’il le voyait ; il l’avait déjà croisé, à de nombreuses reprises, durant les réunions linguistiques. Mais c’était sa première visite professionnelle, et, il l’admettait, il se sentait quelque peu nerveux.
Il ne connaissait pas bien Service Secret. Il ne savait de lui que ce qui l’avait surpris, ou interpellé ; c’est-à-dire, tout ce qui, chez lui, était radicalement opposé à ce qu’il avait pu voir chez son père. Par-là, Anglais entendait une sorte de jovialité malicieuse, parfois sournoise ; celle d’un homme avenant et honnête, qui, tout compte fait, n’est pas tant honnête qu’observateur et vaguement manipulateur. Mais il s’agissait aussi, et surtout, de cet engouement marqué qu’avait Service Secret pour toute sorte de gadget d’espionnage qu’il semblait inventer sur le tas, et qu’il n’hésitait jamais à utiliser pour amuser la galerie- des pistolets à glue, des espèces de petits engins étranges et à peine fonctionnels qu’il appelait « radio », des stylos à encre invisible, des petites loupes qui permettaient, justement, de lire cette encre invisible, ou, encore, ces armes rétractables qu’il cachait dans les manches de son costume. Un engouement qui ne manquait jamais d’intriguer Anglais, et qui semblait, apparemment, se retrouver dans son habitation même.
Il fallut près d’une heure pour que les deux codes qui l’accompagnaient, deux femmes en costume rayé, traditionnel Dalhia à la boutonnière, ne parviennent enfin à l’amener devant la porte du bureau de Service Secret ; une porte qui, non sans un certain humour, se trouvait cachée derrière le mur des toilettes, et nécessitait qu’on en tire la chasse d’eau pour pouvoir l’ouvrir. En toute autre circonstance, Anglais aurait sans doute crié à la perte de temps ; à l’instant présent, il admettait volontiers qu’au fond, il s’était amusé comme un petit fou à suivre tout ces dédales cachés pour arriver ici.
A l’instant même où la porte fut ouverte, les deux codes semblèrent se volatiliser ; et Anglais se retrouva bientôt seul, s’avançant, avec la fierté qu’il parvenait à invoquer, dans la pièce exiguë qui servait de bureau à Service Secret. Sans doute, au fond, que la pièce n’était pas si petite que cela ; mais elle le semblait, avec les montagnes de dossiers débordants de feuilles volantes qui s’empilaient, dans un joyeux fatras, le long de ses murs, et l’imposant bureau d’acajou ciselé qui en occupait le centre. Service Secret en personne s’y trouvait assis, dédaignant somptueusement l’épais fauteuil molletonné qui aurait dû servir à cet usage ; il avait manifestement préféré y poser les pieds, alors qu’il décodait, au crayon à papier, un long texte incompréhensible qui ne semblait qu’être une suite de consonnes et de voyelles aléatoires.
« Je suis à vous dans une seconde ! » s’exclama Service Secret, sans même lui adresser un regard, tant il était absorbé dans sa tâche. « Je vous en prie, asseyez-vous. »
Anglais haussa un sourcil circonspect ; il ne savait pas si Service Secret tenait à ce qu’il s’assoit sur ce fauteuil où il avait posé ses pieds, où sur l’une des piles anarchiques de dossier qui jonchait le sol. Dans tout les cas, Anglais préférait encore rester debout.
Il y avait quelque chose d’un peu décalé, en vérité, dans la rencontre actuelle. Anglais avait anticipé une rencontre diplomatique ; il avait donc pris rendez-vous, et s’était apprêté comme se devait de l’être un monarque comme lui. Uniforme blanc, médailles au poitrail, couronne sur la tête. Manifestement, Service Secret n’avait pas eu le même souci d’étiquette. Son chapeau melon et sa veste de costume gisait sur l’une des piles de feuilles, et il se tenait, manches de sa chemise retroussés et bretelles apparentes, comme s’il ne s’agissait que d’une rencontre entre deux bons amis.
C’était quelque chose de plus en plus commun, chez ces langues modernes ou à part, que de ne pas respecter strictement le rigide protocole des rencontres entre dirigeants ; Anglais admettait, malgré la légère frustration qui ne pouvait pas être ignorée, que cela avait quelque chose de rafraîchissant.
Il ne fallut qu’une minute, à peine, pour que Service Secret ne viennent à bout de son nouveau code ; la mine de son crayon volant sur le papier avec une rapidité presque hypnotisante. On le devinait qui réfléchissait et pensait à tout allure, derrière le sourire affable et le regard pétillant.
C’était fascinant. Mais Anglais avait toujours été passionné par tout ce qui touchait le rôle des Services Secrets- même si le précédent titulaire du titre s’était toujours montré très froid, très distant.
« Veuillez m’excuser pour ce léger contre-temps, » sourit Service Secret, tournant vers lui un regard aussi franc que vaguement calculateur. « Vous savez ce que c’est… ! Le travail, toujours le travail. »
Anglais savait ce que c’était. Il hocha la tête. L’absence de tension et d’irritation dans sa gestuelle ne passa visiblement pas inaperçue ; le sourire de Service Secret s’élargit de plus belle, et il laissa cérémonieusement tomber sa feuille fraîchement décodée sur une pile qui jouxtait le bureau.
Ils savaient tout deux que si c’était Français qui était venu ici, et qui aurait dû, après la traversée du dédale de l’immeuble, attendre que Service Secret finisse ses petites affaires, ça ne se serait pas passé avec tant de nonchalante tranquillité.
« Que puis-je faire pour vous ? » s’enquit son hôte, pivotant sur la surface de son bureau, de manière à pouvoir faire face à Anglais. « Je dois admettre que c’est peu usuel de voir se déplacer une autre langue, par ici…~ »
Anglais prit vaguement conscience que Service Secret le testait. Il testait ses réactions, ses paroles, ses mots, comme s’il cherchait à le sonder, à le comprendre. Comme s’il était un autre code à percer.
Ce n’était pas spécialement étonnant. Il s’y était attendu. Il dirait même que cela faisait parti de l’adrénaline générale du contexte. Mais il était ici pour une affaire sérieuse ; aussi prit il soin de racler sa gorge, avant de prendre la parole, d’un ton aussi calme et posé qu’il put le faire.
« Je n’en doute pas. Mais je suis poussé ici par une affaire quelque peu embarrassante, que je ne saurais régler sans votre aide. »
Il ne savait pas ce que Service Secret avait vu en lui ; mais, manifestement, il avait piqué sa curiosité, et l’étrange langue peu orthodoxe laissa, juste un peu plus encore, son sourire s’étirer. Anglais le vit tendre la main, pour saisir sa pipe- une habitude familiale de fumer tout ce qu’on pouvait, visiblement.
« Voyez-vous ça ! » S’extasia Service Secret. « Et vous me faites suffisamment confiance pour penser que je vous apporterais mon soutien ? »
Anglais haussa un sourcil ; il y eut quelques secondes pendant lesquelles ils se jaugèrent du regard, comme pour décortiquer chacune des actions de l’un, et de l’autre. Evidemment, Service Secret avait l’avantage ; et le monarque était certain qu’il y aurait bientôt, au milieu de ce foutoir, un dossier portant son nom.
« En effet, » finit-il par répondre, pesant prudemment ses mots. « J’ose penser que nous nous trouvons en termes suffisamment courtois, et que vous aurez la clémence de sacrifier un peu de votre temps pour me venir en aide. »
Pour quelque raison que ce soit, sa réponse sembla grandement amuser Service Secret ; il lui rit quasiment au nez, ses yeux si sombres ourlés de petites rides d’amusement.
« Allons, Votre Royauté, la flatterie n’est pas nécessaire, ici. Je ne suis point du genre à exiger des compliments comme rétribution- c’est un comportement tout à fait vain, ne trouvez-vous pas ? »
Il porta sa pipe à ses lèvres, pour en inspirer une bouffée. Le bout de l’objet émit des petits ronds de fumée suspicieusement bleus ; certainement qu’il s’agissait d’un de ces gadgets vaguement inutiles mais hautement fascinants que Service Secret traînait partout. Puis, il se pencha en avant, frappant ses mains contre ses cuisses dans un geste d’excitation presque enfantin.
« Je vous écoute. Quelle est donc cette affaire si pressante ? »
Anglais savait qu’il avait déjà toute l’attention de son vis-à-vis ; et il était même quasiment certain qu’il l’avait de toute façon eu dès l’instant où il avait demandé ce fameux rendez-vous. Ce n’était pas chose commune, chez les langues, de se faire des visites de courtoisie. Encore moins lorsque l’une de ces langues était millénaire, et que l’autre n’avait pas beaucoup plus d’un siècle d’existence. Il émit un petit soupir ; puis, mut par une inspiration soudaine, retira sa couronne, pour la poser auprès du chapeau melon. Un geste casuel, marque d’une confiance accordée. Il sembla grandement plaire (au moins autant qu’il sembla le surprendre) à Service Secret, s’il en jugeait par l’écarquillement soudain de ses iris, et la tournure joyeuse que prit son sourire.
« Figurez-vous que l’un de mes sujets, que je ne qualifierais pas d’empoté, parce que cela serait le dénigrer, mais qui n’en mériterait pas moins l’appellation, s’est récemment rendu dans le monde mortel. C’est une chose que j’autorise, peut-être à tort ; il me semble qu’il est toujours important pour une langue et ses composant de connaître ceux qui les nourrisse. Aussi, ce n’est pas tant ce petit voyage impromptu qui est la source du problème ; mais bel et bien le fait que cet empoté, je veux dire, cette personne-là, que je ne nommerais pas, mais qui s’appelle Syntax, a laissé derrière lui une sacoche pleine de documents qu’il avait emporté dans l’intention de les traiter au grand air. Lorsqu’il y est retourné, la sacoche avait disparu, et les documents avec. »
Service Secret le fixa un instant, les yeux presque un peu trop ronds, pipe immobilisée au bord des lèvres. Anglais vit très nettement l’instant où le fou-rire menaça de poindre ; dans l’humidité progressive et hautement amusée de la cornée, dans l’ourlé de son sourire, dans la rougeur qui semblait lui monter aux oreilles. Immanquablement, Service Secret se trouva très vite à s’esclaffer devant lui, avec la retenue élégante de tout ces gens de bonnes sociétés qui trouvent, néanmoins, une plaisanterie désopilante.
Anglais en fut, bien évidemment, vexé. Ce n’était tout de même pas à lui de subir l’incompétence de ses sujets ! Si ? … Si.
« Il n’y a rien de drôle ! » éructa-t-il, sourcils froncés, bras croisé, tentant de dominer Service Secret par sa taille- un échec, malgré le fait que celui-ci était assis, et que lui était debout. On allait dire que c’était parce que le bureau était trop haut.
« Veuillez m’excuser, » pouffa Service Secret, qui avait l’air tout sauf désolé. « Vous admettrez tout de même que ce n’est pas commun… ! Quels documents se trouvaient dans cette sacoche ? »
Se disant, l’autre langue s’était levée, et, en poussant adroitement une pile de dossier sur une latte de parquet bien précise, ouvrit une petite trappe dérobée dans le sol pour en sortir une bouteille de scotch et trois verres de cristal. Sans doute sa manière à lui de montrer sa sollicitude, malgré l’hilarité évidente dans laquelle le poussait la confession d’Anglais.
« Du genre bien trop importants pour tomber entre les mains des mortels, » maugréa-t-il, tout en acceptant le verre que lui tendait Service Secret. « Des détails sur le fonctionnement de notre monde, sur mon fonctionnement de langue, à moi. Des comptes rendus, des rapports, qui, je le crains, apportent des détails bien trop précis pour que ce soit sécurisant de les savoir dans les mains d’autrui. Et nous savons tout deux combien il est dangereux qu’un être humain apprenne notre existence. »
Service Secret était jeune, mais pas au point d’ignorer la menace que présentait, encore en ce jour, la Corruption ; et la tournure sympathique de la grimace qu’il esquissa suffit à ce qu’Anglais comprenne qu’il savait exactement ce que cette menace avait de concrète, pour lui.
Il le vit tendre le troisième verre à un Traducteur Automatique qu’Anglais n’avait même pas remarqué. Il n’y avait que Service Secret, de toute façon, qui faisait l’effort de reconnaître sa présence ; sans doute parce qu’il était une langue qui ne pouvait concrètement pas être traduite, et qui devait, chaque fois, faire l’effort d’adopter un langage autre le sien. Ou peut-être était-ce parce qu’ils étaient les deux seuls à avoir connaissance de ce lecteur qui, actuellement, lisait ces mots très précis, derrière son écran. Qui pouvait le savoir !
« En effet. Il serait tout à fait mal venu que ces documents-là tombent entre de mauvaises mains. Mais ne pensez vous pas que les mortels puissent y voir une forme de canular ? »
« C’est une possibilité ; mais nous savons aussi que, depuis Babel, nous sommes… comme une légende, dans l’esprit des humains. S’il advenait qu’ils voient en ces documents la preuve de notre existence… »
« Ce serait une catastrophe. Je pense que nous pouvons féliciter votre sujet… ! »
Anglais émit un petit ricanement vaguement amer, et complètement cynique. Puis, il vida la moitié de son verre, comme pour s’anesthésier de la stupidité de son subordonné. Service Secret l’imita, comme par soucis de solidarité.
« Il faudra que nous nous rendions directement sur place, » fit-il, pensif, regard fixé au plafond, derrière cette mèche accroche-cœur qui semblait déterminée à rester à sa place. « J’ai des alias pour toutes les organisations secrètes mondiales ; s’il s’avère que cette sacoche est tombée entre les mains de parties intéressés, je suis assez confiant que nous pourrions manœuvrer comme il le faut pour en reprendre possession. »
« Vous sauriez vous infiltrer parmi les mortels ? » souleva Anglais, dubitatif.
Service Secret lui décocha un clin d’œil amusé, reposant son verre sur son bureau, d’un geste aussi assuré que tranquille.
« Bien sûr. Cela fait parti de mon travail. Je ne suis pas tant une langue de code écrit qu’une langue d’information. Il m’est souvent nécessaire de me faire passer pour un agent du pays de mon choix, dans le but de me perfectionner. Vous verrez, c’est plus amusant qu’on ne pourrait le croire~ »
Anglais le croyait, en effet, et sans problème. Il sentait déjà monter en lui, malgré la précarité évidente de la situation, cette espèce de poussée d’adrénaline qui lui donnait la sensation d’avoir perdu quelques siècles d’existence et de regrets. A son tour, il posa son verre, et partagea, avec Service Secret, un regard confiant, presque complice.
« Je n’en doute pas une seconde. Pourrais-je compter sur vous pour garder une certaine discrétion, sur le sujet ? Je doute que nos… camarades linguistiques prennent très bien cette négligence de ma part. »
Etrangement, il lui semblait déjà connaître la réponse de Service Secret, avant même que celui-ci n’esquisse un vague geste évasif de la main, et ne se fende d’un nouveau petit rire.
« Bien sûr. Je ne suis pas le dernier des malappris. Et vous m’avez accordé votre confiance ; soyez sûr que j’en ferais bon usage. »
Il n’eut pas besoin d’ajouter quoi que ce soit ; Anglais le prenait au mot. Il ne le connaissait pas si bien que ça, Service Secret ; il lui semblait que ça ne ferait pas de mal d’apprendre à le connaître plus.
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Ils s’étaient donné rendez-vous le lendemain, au domicile même de Service Secret. C’était, contrairement à l’hôtel tape à l’œil qui lui servait de lieu de travail, une petite maisonnée très sobre, toute blanche, qui semblait perdue au milieu d’un large jardin complètement fleuri. Il y avait indubitablement un certain charme pittoresque dans l’éclatement de toutes ces couleurs, qui n’aurait rien eu à envier à un tableau de Monnet ; et Anglais fut très près de se laisser tenter à y rêvasser, à y errer en promeneur solitaire.
Il ne le fit pas, pourtant ; il avait été convenu qu’ils partiraient, tous deux, à dix heures pétantes, et Anglais avait pour principe de toujours arriver un peu en avance par soucis de ponctualité. Il s’était donc présenté sur le pas de la porte à neuf heures, rajustant nerveusement le costume immaculé qu’il avait enfilé, bien plus propice à l’infiltration en milieu humain.
Ce n’était pas Service Secret qui lui avait ouvert, mais un petit garçon à l’air effronté, qui ne devait pas avoir beaucoup plus de onze ans.
« T’es en avance, » fit le gosse, en guise de salut, un sourcil critique haussé.
Anglais ne s’offusqua pas. Il avait l’habitude des enfants ; et il n’était pas l’une de ces langues bouffies d’orgueil au point de tenir rigueur à un enfant de sa franchise. Bien sûr, si une remarque pareille lui était venue de Français, il lui aurait fait avaler sa couronne.
« En effet, » admit-il, forçant, avec une facilité qui le surprit lui-même, un sourire bienveillant sur son visage.
« Père n’est pas encore prêt, » intervint un adolescent, dont l’expression lasse et fatiguée lui rappelait quelque peu Syntax. « Mais vous pouvez entrer, si vous le désirez. »
Anglais ne se fit pas prier ; il laissa le plus jeune des deux garçons lui attraper un pan de sa veste, et l’entraîner, sans sommation, dans le salon. C’était, somme toute, un salon qui respirait la chaleur familiale ; les canapés et fauteuils étaient généreusement couverts de coussins, et le sol jonché de peluches et de jouets indiquait la présence d’une famille relativement nombreuse. C’était bien loin du luxe royal auquel était accoutumé Anglais. Mais il en aima instantanément l’atmosphère. Elle avait quelque chose qui lui rappelait la jeunesse d’Américain, et qui, si elle tirait douloureusement sur cette partie de son cœur qui était encore tâchée de cerise, ne manquait pas d’éveiller en lui cette douce chaleur nostalgique qu’on cherchait si souvent.
« T’es plus petit que je l’aurais cru, » fit le plus jeune des mômes.
« Programmation, » soupira l’aîné.
« Je suis toujours plus grand que toi, » rétorqua, au tac au tac, Anglais, comme si c’était un exploit que d’être plus grand qu’un enfant.
Le gosse croisa les bras, et tenta de bomber le torse pour se donner un air plus important. Adorable. Anglais crut presque, pendant une seconde ou deux, faire face au souvenir qu’il avait d’Américain ; il ne put se retenir, et lui ébouriffa les cheveux.
« Mais non, » s’indigna Programmation.
« Mais si, » affirma Anglais, sourire bien plus aisé, à présent.
Il y eut une série de craquements, provenant, de toute évidence, de ce petit escalier qu’Anglais avait vu en passant, et qui menait vraisemblablement à l’étage ; après quoi, Service Secret fit son entrée dans la pièce, les cheveux encore vaguement décoiffés, premier bouton de sa chemise ouverte, légèrement essoufflé, et bretelles pas encore enfilées. Il tenait dans ses bras un troisième gosse. Un tout jeune, pas plus de deux ans, avec d’énorme lunettes rondes derrière lesquelles il ne cessait de cligner des yeux, et qui s’agrippait à lui comme s’il craignait à tout instant que son père ne le lâche.
« Bien le bonjour ! » salua gaiement Service Secret. « Je ne vous espérais pas de sitôt ! Mes excuses pour le désordre. Je fais au plus vite, c’est promis. »
« Mais je vous en prie, » répliqua Anglais, quelque peu amusé par le spectacle. « Prenez votre temps. »
Pour quelque raison, Service Secret rit de nouveau- il semblait avoir le rire facile, après tout. Et ce même si, manifestement, il lui était étrangement difficile de garder son souffle tout en portant son fils ; les prémices d’une fatigue qu’Anglais avait déjà vue autrefois, et qu’il ne pouvait se résoudre à voir maintenant.
Il n’eut de toute façon pas le temps de s’appesantir sur cette idée. Sans préavis, Service Secret lui tendit son fils, et le lui laissa à ses bons soins.
« Si vous voulez bien le tenir quelques temps, » fit-il, un peu tard, mais avec un sourire suffisamment contrit pour qu’Anglais ne lui en tienne pas rigueur. « Je reviens de suite. »
Et, juste comme cela, le père de famille s’éclipsa dans l’une des pièces adjacentes, laissant son invité impromptu en compagnie des trois enfants. Celui qu’Anglais tenait dans ses bras s’était complètement raidi, et le contemplait avec la suspicion qu’un enfant pouvait accorder à un adulte inconnu. Si le monarque se laissa, sans le vouloir, emporter dans une bataille de regard- eh bien, il ne l’admettrait pas.
« C’est SMS, » fit Programmation, qui semblait couver son petit frère d’un regard protecteur. « C’est marrant, il aurait presque la même taille que vous. »
« Programmation, » soupira l’adolescent.
« Kouillon, » gazouilla SMS.
Allons bon.
Anglais ne dirait pas que ces enfants étaient mal élevés ; lui-même n’avait eu à en élever qu’un, et avait déjà bien trimé sa race pour en faire quelqu’un de décent- pour se manger, au final, une bonne grosse indépendance bien ingrate dans la face. Alors, trois ? Il ne se permettrait jamais de juger. Mais, tout de même. Il adressa un regard vaguement sévère à Programmation (qui, manifestement, s’en fichait comme de sa première chaussette), et décida, dans une optique tout à fait pédagogique, de corriger le mot prononcé par SMS.
« On dit « couillon ». Avec un « c ». »
Le marmot se contenta de s’agiter dans ses bras, comme s’il voulait rejoindre le plancher des vaches. Ce qui était sans doute le cas- à son âge, il devait parfaitement être capable de marcher.
« Ça ne sert à rien de le corriger, » remarqua Programmation. « Il fait tout le temps des fautes. »
« Nous supposons que ce doit être inhérent au langage qu’il est, » intervint l’aîné, qui, pour une fois, ne soupira pas.
Une langue qui se caractérise par les erreurs qu’elle fait ? Anglais n’avait jamais entendu parler d’une telle chose. Sans le moindre doute, l’idée avait quelque chose d’inquiétant- cela voudrait dire que cette langue-là n’en serait pas une unique, à proprement parler, mais une de celle qui s’accroche et se nourrit des autres pour les modifier. Les modifier à quel point … ?
Oui, l’idée était effrayante ; mais, lorsqu’Anglais reposa son regard sur SMS, il n’y vit aucune menace. Il y vit simplement un tout jeune enfant qui le fixait, les yeux comme des billes derrière le verre épais de ses grosses lunettes, les mains minuscules et potelées jouant avec la cravate qu’il avait enfilée spécialement pour aujourd’hui, et qui gazouillait des séries de mots avec la fierté d’un petit garçon qui apprenait à parler.
« Blan, » faisait-il, en pointant la veste de son costume trois pièces. « C blan. »
Il y avait tant de fierté, dans ces quelques mots, qu’Anglais ne put s’empêcher d’esquisser ce sourire qu’il avait perdu, juste quelques secondes.
« Oui, en effet, c’est blanc. Bravo ! »
Il comprit immédiatement que ça avait été la bonne réaction à avoir. Le regard vaguement agressif et protecteur de Programmation se fit bien plus lumineux ; l’aîné parut juste un peu moins las, et SMS gazouilla un rire joyeux. Et puis, la voix de Service Secret se fit entendre, dans son dos- pleine d’une chaleur qui n’avait pas tout à fait été là, jusqu’ici.
« Vous savez, » disait-il, « il y a très peu de langues qui aurait réagi avec votre calme. »
Ce n’était pas dit ; mais, cette fois, au moins cette fois-ci, Anglais le comprit très bien – ce discret remerciement qui se glissait, à demi-mot, dans le sous-texte toujours présent, caché dans les phrases et les mots de Service Secret.
Il tourna la tête vers lui. L’autre langue était à moitié appuyée à l’encadrement de la porte. Chapeau melon sur la tête. Veste rayée, dahlia à la boutonnière, foulard écarlate autour du cou. Sourire aux lèvres. Un vrai sourire, cette fois ; Anglais n’avait pas réalisé qu’il y avait toujours eu une petite retenue dans ceux qu’il lui adressait. Peut-être, au fond, que ça avait été un test. Un autre. Une autre façon de le sonder et de le comprendre.
Il ne lui laissa de toute façon pas le temps de répondre ; il reprit, brièvement, son fils, pour lui déposer un baiser sur le front, et le reposer précautionneusement sur l’un des gros fauteuils.
« Je pense que nous pouvons partir, » fit-t-il, laissant, quelques secondes SMS mordiller le bout de ses doigts. « Je compte sur vous, les enfants, pour rester sages, aujourd’hui. »
« Oui, Père, » répondit immédiatement l’aîné, la mine très sérieuse.
« Evidemment, » affirma Programmation, avec un sourire trop large auquel il manquait une dent. « Tu nous connais. »
Service Secret lui lança un regard criant d’un « justement » plein d’une poignante vérité, et tourna la tête vers Anglais. Anglais, qui faisait de son mieux pour garder son apparent flegme, et ne pas paraître trop attendri par une scène familiale sans doute bien trop rare dans leur monde de langue.
Il échouait, visiblement, si on en croyait l’éclat dans le regard de Service Secret. Alors, Anglais hocha la tête ; et Service Secret se redressa, saisissant d’un geste souple l’attaché case qui reposait sagement sur l’un des canapés, avant de joindre leurs deux mains. Un geste absolument nécessaire, bien sûr ; il était impératif qu’ils empruntent le même passage. Ce serait tout de même dommage qu’ils se retrouvent chacun à l’autre bout de l’Angleterre.
« Tenez-vous prêt, Anglais, » eut-il la bonne grâce de prévenir.
De fait, Anglais n’eut le temps de se préparer à rien du tout ; déjà, il se sentait happé, au-delà de son propre monde, par l’esprit d’il ne savait quel être humain ; et les voilà qui disparaissaient, tout deux, dans un tourbillon de poussières azurs.
« C’est putain de cool, » s’émerveilla Programmation, les yeux étincelants.
« Programmation… » soupira Service Secret Junior, qui semblait déjà au bout de sa vie.
« Kouillon, » roucoula SMS, qui fixait fort justement l’aîné de la fratrie.
« Comme tu dis, bébé frère. Comme tu dis. »
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Si quiconque lui demandait, un jour, comment il s’était retrouvé dans cette situation, Anglais était tout prêt à dire que c’était le mur qui l’avait attaqué. Parce qu’il ne conviendrait bien sûr pas d’admettre, par soucis d’orgueil, qu’il s’était pris les pieds dans les poubelles de la petite allée en se matérialisant dans le monde humain, et qu’il s’était écrasé son royal visage contre la surface humide et refoulant vaguement la pisse des habitations de la ruelle.
Quelle idée il avait eu de s’habiller en blanc. Il aimait le blanc, certes ; mais le simple contact des pierres crasseuses sur le tissu de ses gants, sur le devant de sa veste, et sur le bout de son chapeau haut de forme, avait suffi à les colorer vaguement de gris et de noir. Sans compter ce pauvre nez qui avait bien manqué de se briser.
Le plus frustrant, c’était qu’à côté de lui, Service Secret avait immédiatement retrouvé son équilibre, après quelques petits bonds dansants pour s’assurer un centre de gravité fiable. Si on lui demandait, Anglais dirait que c’était juste parce qu’il avait une canne. C’était quasiment de la triche, après tout.
Bien sûr, le fait que l’autre langue prenne le temps de lui adresser un regard goguenard, alors qu’il massait son appendice nasal avec une expression douloureuse, ne fit rien pour soigner sa vanité blessée. Pas plus que cette main gantée qui vient lui tapoter amicalement l’épaule, comme pour lui dire « mais quel être désopilant vous êtes ! Permettez que j’illustre mon amusement par le moyen de ce geste empli d’une condescendance rieuse~ ».
De toute façon, Service Secret s’était déjà détourné, pour se pencher vers l’humain avachi par terre, qui se tenait la tête avec souffrance et désarroi. Anglais trouva qu’il avait franchement l’air d’un snobillard, appuyé sur sa canne, buste penché en avant, dans son costume resplendissant. Non pas que le monarque puisse donner une impression différente. Ils avaient tout deux l’air de deux riches bourgeois perdus au bout milieu du quartier le plus mal famé de l’East End.
« Oh, mon bon monsieur ! Est-ce que vous allez bien ? Mais que faites-vous par terre ! C’est humide, vous allez attraper la mort… ah ça, par alors, je me demande bien comment vous en êtes arrivé là. »
Anglais réprima un ricanement entre le soufflement moqueur et le hoquet stupéfait. Ils savaient tout deux très bien que si ce pauvre être humain subissait, actuellement, la pire migraine de sa vie, c’était parce qu’il venait de servir de tunnel à deux langues bien trop influentes. Anglais n’osait imaginer l’effet que devait produire la sensation de son crâne s’emplissant d’une nuée de codes et de mots anglais qui s’entremêlaient dans la plus affreuse des anarchies.
« Euh, je, je crois que je vais bien, » balbutia l’humain, clignant des yeux, luttant toujours visiblement pour retrouver ses repères.
« Vous m’en voyez bien rassuré, » fit, immédiatement, Service Secret, qui avait vraiment l’air de le penser. « J’aurais été bien fâché de vous savoir irrémédiablement marqué par ce malencontreux incident. »
Sur ces bons mots, et se désintéressant quasiment immédiatement de l’être qui se détrempait dans une flaque d’eau de pluie et d’urine, la langue pivota gracieusement, et lui décocha un sourire aussi lumineux que débordant d’une sorte de charisme tout à fait charmant. Pour un peu, Anglais pourrait presque accepter d’en oublier l’élancement continu de son nez.
« Allons, mon cher Edward ! Puisque ce brave homme est indemne, je vous propose de vaquer à nos occupations du jour~ »
« Il serait temps, en effet, » grommela Anglais, plus pour la forme que par réel élan d’humeur.
Pendant un instant, il lui sembla que Service Secret allait, une énième fois de plus, lui rire au nez. Mais non ; la langue prit tranquillement la tête de la marche, esquissant un geste de la main gauche en passant devant lui – un geste dont l’effet fut rendu parfaitement évident lorsqu’Anglais constata que les saletés tachant son costume s’étaient mystérieusement évaporées dans un discret nuage de particules azurs.
Son regard, aussi surpris que vaguement interloqué, croisa brièvement l’amusement qui scintillait dans celui de son vis-à-vis ; il décida de le cacher, rajustant veste et chapeau d’un mouvement assuré, et lui emboîta résolument le pas.
« Merci, » admit-il, tout de même, du bout des lèvres.
« Oh, mais de rien, » fit, évasivement, Service Secret. « Il aurait été dommage de laisser un si beau costume dans un état pareil. Veillez à éviter les murs, malgré tout…~ »
Le ton était aussi paternel que moqueur. Il fut tout à fait suffisant pour que Service Secret eut l’honneur de se voir dédier son premier vrai regard venimeux d’Anglais. Peut-être même qu’il eut le droit à un « fuck you » bien senti ; mais, par soucis de politesse, nous allons prétendre que nous ne l’avons pas remarqué.
Les deux langues ne tardèrent pas à déboucher sur l’une des rues centrales de la ville de Londres, comme deux tâches noir et blanche dans une marée de vêtements bruns et vaguement formels. Anglais vit son compagnon de route tendre brusquement la main, et ne réalisa qu’à cet instant précis qu’il venait tout simplement de sauver Traducteur Automatique d’une collision avec un passant trop pressé. Quelle prévenance. Une fois n’est pas coutume, Anglais n’avait même pas remarqué qu’il était là.
Pour sa défense, son regard était bien trop accaparé par la réalité du monde qui l’entourait. Il n’était pas venu dans le monde humain depuis près de deux siècles ; et il devait admettre que tout, ici, était à la fois spectaculaire, et quelque peu angoissant.
La hauteur des immeubles flambants neufs- certes pas aussi hauts que son palais, mais suffisamment resserrés et agglutinés pour lui donner une sensation d’étouffement- au point de presque en cacher le ciel qu’il cherchait comme il le pouvait du regard, comptant sur Service Secret pour lui épargner une rencontre avec un lampadaire pendant qu’il avait le nez en l’air.
Ces étranges engins de métal, qui semblaient se faire la course au milieu des rues, bien plus rapides que ne pouvaient l’être les calèches dont Anglais avait le souvenir, et qui émettaient, à leur passage, un grondement semblant venir des tréfonds de l’enfer.
Les usines, dont les hautes cheminées semblaient dépasser les immeubles en eux-mêmes, et qui crachaient dans le ciel d’épaisses volutes de fumées affreusement noires. C’était, somme toute, un décor qui aurait pu être cauchemardesque, mais qui, dans l’ébullition et le foisonnement de son activité, avec quelque chose d’enivrant et de stimulant, tant et si bien qu’Anglais peinait même à savoir où donner de la tête. Il supposait qu’il pouvait chaleureusement remercier Service Secret, qui semblait avoir parfaitement compris la situation, et qui, sans la moindre remarque moqueuse, lui avait saisi la manche gauche pour l’aider à louvoyer sur la chaussée en toute sécurité.
« Où allons-nous ? » finit-il par articuler, forçant son esprit à se recentrer sur ce qui était important.
« Eh bien, je vous propose de nous arrêter, un instant, au restaurant Piccadilly, » répondit, immédiatement, l’accent Brahmane de Service Secret. « Nous ne sommes pas attendu au siège du MI6 avant dix heures trente- et vous êtes arrivés en avance, rappelons-le. »
Il y avait comme une forme de douce taquinerie dans le ton de l’autre langue ; suffisamment gentillette pour qu’Anglais n’en prenne pas mouche, et se laisse traîner comme il lui chantait.
« Piccadilly ? » reprit-il, plus par soucis de poursuivre la conversation qu’autre chose. « Je ne connais pas. »
« Un restaurant très réputé, » expliqua, gaiement, Service Secret. « Ils servent aussi des petits-déjeuners plus que corrects ; et j’ai ouïe dire que vous aimez ce qui est français. »
« Pas du tout, » répliqua immédiatement Anglais, parce qu’il ne pouvait pas laisser passer le sous-entendu, aussi vrai soit-il. « Quelle idée vous avez là. »
Il n’eut pour réponse que le regard bien trop clairvoyant et malicieux de Service Secret. Anglais s’en trouva à se demander si, vraiment, tout cela avait l’évidence que ça semblait avoir. Dans le doute, il tenta de changer de sujet.
« Je pourrais presque croire que vous l’aviez prévu, cet arrêt au restaurant. »
« Pas du tout, » sifflota Service Secret. « Mais il serait dommage de ne pas tirer parti d’une si bonne compagnie, n’est-ce pas ? »
Allons bon. Que pouvait-il répondre à ça ?
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« Cet endroit est au moins aussi bordélique que votre bureau, Sylvain. »
Service Secret, ou « Sylvain », s’il en suivait son identité humaine, lui adressa une petite moue presque aussi théâtralement triste que pouvait en faire Français lorsqu’il constatait l’état de la cuisine après un passage d’Anglais.
« Mon bureau n’est pas « bordélique », » protesta l’autre langue, et Anglais admettait que le mot « bordélique » prononcé avec tant de distinction prenait une toute nouvelle saveur. « Il est simplement organisé d’une manière toute personnelle et particulièrement libre dans son expression. »
Anglais haussa un sourcil stoïque ; la moue de Service Secret se fendilla, parce qu’il ne parvenait visiblement pas à lutter contre la facilité de son sourire.
« Et puis, on ne critique pas les archives du MI6, Edward. Tout de même, un peu de respect. »
Anglais roula des yeux ; un geste qu’il regretta quasiment immédiatement, puisqu’il manqua de se prendre les pieds dans un carton qui gisait au beau milieu de son chemin. Il dut se rattraper sur Service Secret, qui, bien évidemment, se paya sa tronche. Alors que lui, encore une fois, trichait avec sa canne, et qu’il ne pouvait décemment pas comprendre les tourments de la vie d’un être de petite taille dans des archives en foutoir.
« Il faudrait inventer un truc qui permettent de stocker tout ça sur une toute petite surface, » bougonna Anglais, parce qu’admettons le, il aimait bougonner.
« C’est amusant que vous disiez cela, » fit, distraitement, Service Secret, qui feuilletait d’épais dossier avec une aisance parfaitement remarquable. « Programmation développe, actuellement, un système tout à fait intriguant de stockage dématérialisé. Il essaye de l’implanter dans l’esprit des humains ; avec un peu de chance, nous vivrons tout deux assez longtemps pour le voir se concrétiser. Et pour vous voir cesser de trébucher partout comme une grosse oie pataude. »
Est-ce que Service Secret venait de le comparer à une grosse oie pataude ? Oui. S’il en jugeait par l’étincelle de son regard décidément bien trop gamin, c’était exactement ce qu’il venait de faire. Il avait de la chance qu’Anglais n’ait pas à disposition une tasse de thé à lui verser au visage. Il en avait ébouillanté pour moins de ça, Français en est témoin.
« Allez-vous faire foutre, Sylvain. Avec tous les respects que je vous dois, vous commencez à agir de façon particulièrement efficace sur mon système digestif. »
« Oh, mais c’est que la conversation prend une tournure très graphique... ! Il y a des jours où je peine à savoir si vous êtes la langue la plus sage, ou la langue la plus grossière que je connaisse. »
« Qui a dit que les deux ne pouvaient pas être compatible ? »
Ils se défièrent un instant du regard. Un défi qui n’avait pas l’agressivité et la tension qu’il pouvait y avoir avec Français, et qui privilégiait un côté gamin et espiègle assez rafraîchissant. Anglais supposait que ça avait beaucoup à faire avec la jeunesse de Service Secret- une jeunesse qui, paradoxalement, était déjà bien plus proche de sa fin que ne l’était Anglais.
Il refusa de trop s’y attarder.
De toute façon, Service Secret s’était d’ores et déjà replongé dans sa tâche, empilant dossier après dossier sur la surface miraculeusement libre du bureau qui se trouvait derrière eux. Anglais pouvait admettre, sans en être trop honteux, qu’il était bien loin d’égaler une telle efficacité ; il lui fallait beaucoup plus de temps pour déchiffrer ne serait-ce qu’une feuille, tant tout ce qui y était inscrit était cryptique et sujet à l’interprétation la plus hasardeuse. Peut-être même qu’il ralentissait Service Secret, au fond, à force de lui demander de lui décoder certaines phrases. Mais, après tout, l’autre langue ne s’en plaignait jamais, et Anglais n’était pas du genre à se jeter volontairement la pierre.
« Ah ! » s’exclama Service Secret, triomphant. « Je suis prêt à parier votre chapeau que c’est là ce que nous cherchons. »
« Mon chapeau ? Pariez le vôtre, » répliqua Anglais, tout en se hissant sur la pointe des pieds pour lire par-dessus l’épaule pas si haute que cela de son acolyte. « Qu’en est-il ? »
« Il y aura un échange de sacoche ce soir, » expliqua Service Secret, qui, visiblement, avait très bien compris qu’Anglais ne comprenait rien du tout à ce qui y était écrit. « Le MI6 cherche à l’obtenir pour les informations qu’elle renferme ; elle serait, à priori, entre les mains d’un indépendant. Un certain « J.M ». »
« Sommes-nous sûrs qu’il s’agit de celle que nous recherchons ? » objecta Anglais, sourcil gauche haussé sous la visière de son haut de forme.
« Pas du tout, » sifflota gaiement Service Secret. « Mais c’est possible. Je n’irais pas jusqu’à probable, mais le possible reste acceptable. D’où le fait que mon pari se porte sur votre chapeau, et non le mien. »
Anglais le foudroya impitoyablement du regard. Evidemment, Service Secret se contenta d’avoir l’audace de lui rire au nez.
Un jour, il lui collerait une pichenette. Il verrait. La vengeance sera terrible. Il pourrait même envisager de lui faire à manger.
« Et où se fera l’échange ? » finit-il par demander, plus pour changer de sujet qu’autre chose.
« C’est là le plus drôle, » fit Service Secret, et il avait dans le regard une lueur si profondément espiègle qu’Anglais fut certain qu’il n’allait pas apprécier. « Il se fera ce soir, durant… »
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… Un bal. C’était un fichu bal.
L’un de ces événements mondains du début du millénaire ; une réception pleine de faux semblants, de sourires hypocrites et de tenues tellement luxueuses qu’elles auraient pu avoir été grattées des murs du palais d’Anglais. Avec un buffet de petits fours et d’autres victuailles absolument indécentes par leur opulence.
(Ce n’était, de toute façon, certainement pas aussi bon que ce que pouvait faire Anglais. Evidemment.)
« Je vous hais, » marmonna-t-il dans son inexistante barbe, alors que Service Secret l’entraînait dans le hall d’entrée, tout en sourires charmeurs à la ronde.
« Mais non, » ronronna l’autre langue. « Et puis, c’est vous qui êtes responsable de sa perte. Je n’y suis pour rien ! »
« Admettez-le, vous y prenez du plaisir. »
« Bien sûr. Comment ne le pourrais-je pas ? »
Et Service Secret ponctua sa question d’un clin d’œil sans doute un peu trop appuyé pour être innocent. Sans doute. Anglais n’avait jamais été doué pour lire dans ce qui n’était pas dit.
Son camarade s’avança légèrement, vers le majordome qui semblait attendre devant la porte de la salle principale, avec la liste des invités. L’homme avait l’air vaguement renfrogné, et fatigué, surtout. Anglais pouvait le comprendre ; il devait y avoir quelque chose d’amer à observer ce défilé d’indécente richesse, en sachant que c’était un monde vicieux et mauvais auquel nous n’appartiendrons jamais. Mais le sourire de Service Secret semblait vraiment avoir un petit quelque chose de spécial ; peut-être était-ce l’honnête et complète politesse qui s’en dégageait, ou sa bienveillance. Tout ce qu’il en savait, c’est que le majordome sembla se faire juste un peu moins raide et ennuyé.
« Bonsoir, monsieur, » faisait Service Secret, et il était vraisemblablement le seul à l’avoir salué, de toute la soirée. « Je suis Bond. James Bond. Je crois être sur la liste des invités. »
(Bond, James Bond. Ça sonnait bien. Dans tous les cas, ça stimulait l’imaginaire d’Anglais.)
« En effet, » répondit le vieux majordome. « Vous pouvez entrer. »
Service Secret ne se fit pas prier ; après un remerciement un peu trop chaleureux pour le bourgeois qu’il était supposé être, il se dirigea vers l’entrée, Anglais sagement sur ses talons.
« Bond, James Bond, » marmonna-t-il. « D’où est-ce que ça sort, ça ? »
« C’était écrit sur la liste, et l’homme n’était pas encore arrivé, » répondit, tout aussi bas, Service Secret. « Les salutations de politesse sont aussi nécessaires que pratiques ; elles m’ont laissé le temps d’y jeter un coup d’œil. »
« Je vois, » souffla Anglais, qui refusait d’avoir l’air impressionné. « Mais Mr. Bond peut arriver à n’importe quel moment. »
« En effet, » sifflota Service Secret. « C’est pourquoi nous allons devoir faire vite. »
Ce disant, l’autre langue s’était déjà engagée dans les longs escaliers de marbres qui descendait jusqu’à la piste de danse ; une piste qui était envahie de gens de toutes tailles, en costume aussi colorés que voyant et extravagant, qui tournoyaient paresseusement ensembles, ou sirotait des flûtes de champagne comme s’il était s’agit d’eau du robinet. Tout cela transpirait d’un luxe imposant, qui se trouvait aussi loin de l’élégance de l’hôtel de Service Secret que de la majesté du palais d’Anglais. Un luxe qu’il trouvait grossier et tapageur, somme toute ; il ne résista pas à l’envie d’esquisser une moue dédaigneuse.
D’un geste assuré, il saisit deux coupes de champagne sur le plateau d’un des serveurs qui louvoyaient au milieu de la foule, pour le tendre à Service Secret. S’il fallait se fondre dans la masse, et si le temps était compté, il fallait le faire vite, et bien. Prétendre être de ceux qui buvaient en discutant sobrement, et avec le mépris qui s’impose, des choses alentours était, selon lui, un excellent moyen d’y parvenir. L’autre langue pensait apparemment de même, puisqu’il sirota quasiment immédiatement quelques gorgées de champagne.
« Nous recherchons donc notre camarade, celui que notre agence a envoyé ici, » exposa-t-il, comme pour lui rappeler quelque chose qu’Anglais savait déjà- à moins que ce ne soit pas vraiment à lui qu’il était en train de l’expliquer. « Je ne connais que son alias, M ; et son allure générale. Cherchez un homme avec un profil acéré, qui n’est pas très loin de la chouette ou du hibou. Costume trois pièces, sans doute bleu. Il préfère les cravates. Et je ne doute pas qu’il aura, avec lui, un parapluie. Il ne s’en sépare quasiment jamais, et il faut faire attention à ce qu’il y cache. »
Il dit ça avec une petite grimace, et Anglais fut quasiment certain qu’il avait déjà dû avoir fait face à ce qui se cachait dans le fameux parapluie.
Il hocha néanmoins la tête, et, s’efforçant de boire son champagne avec le plus de flegme possible, balaya la pièce du regard. Les coiffes surmontées de plumes des femmes. Les robes incrustées de diamants, de brillants. Les costumes en queue de pie. Les grands chapeaux. Les cannes ciselées, les faux sourires, les yeux emplis de jugement, les bouches qui s’ouvraient pour enfourner il ne savait quel genre de nourriture-
« Vous grimacez, » lui souffla Service Secret.
« Non, » répliqua immédiatement Anglais.
(Si.)
L’autre langue le fixa un instant. Un sourcil délicatement arqué, le regard perçant, affreusement observateur. Pour une fois, il ne rit pas. Il le fixa, et sembla y trouver quelque chose qui lui inspirait, manifestement, une forme de sympathie. Il ne dit rien, pourtant. Il se contenta de lui tendre la main ; et, avant qu’Anglais n’ait pu protester, l’entraîna sur la piste de danse.
« Nous sommes deux hommes, » grinça Anglais, entre ses dents, suivant malgré lui le mouvement. « N’est-ce pas mal vu, chez les mortels ? »
« C’est le dernier de mes soucis, » répliqua, au tac-au-tac, un Service Secret qui avait retrouvé son agaçant sourire. « Êtes-vous à ce point désireux de plaire à ces gens ? »
Non, Anglais ne l’était pas. Pas du tout. Et puis, Service Secret était manifestement un excellent danseur, et le monarque savait qu’il pourrait tout à fait passer un excellent moment s’il se laissait entraîner dans l’action. Mais il sentait tous les regards qui se tournaient, un à un, vers eux, pleins de jugement, de mépris, de murmures, comme une myriade de bout de verre qui venait percer sa peau.
Il songea, un instant, à laisser sa magie linguistique l’envelopper tout entier, pour réduire tout ces êtres en cendre ; c’est tout juste s’il parvint à se souvenir qu’il s’agissait sans doute là d’une pensée issue des résidus cerises.
« Il me semblait que nous devions nous fondre dans la masse, » finit-il par articuler, s’efforçant d’empêcher Service Secret de le faire pirouetter sur place.
« C’est une possibilité, » répondit l’autre langue, goguenard. « Mais réfléchissez. Officieusement, ces réceptions sont avant tout une occasion pour chacun de se juger, de se toiser et de se mépriser les uns et les autres. Tout le monde, ici, devrait donc, à un moment où à un autre, émettre un commentaire à notre égard. Sauf… »
« … S’ils ont déjà autre chose en tête, » compléta Anglais.
Il fut récompensé par un sourire juste un peu plus large. Non pas qu’il y accorde de l’importance. Bien sûr que non. C’était juste agréable de se savoir reconnu à sa juste valeur.
Dans tous les cas, il détacha son regard de l’homme qui lui faisait face-
(Une fatale erreur, puisque Service Secret saisit sa chance et le fit, effectivement, pirouetter sur lui-même, le saligaud)
- et se focalisa, une nouvelle fois, sur la foule. Il était bien plus aisé de maintenir son flegme quand on se savait source de la moquerie générale ; surtout lorsqu’on savait que cette moquerie était puérile, et que, du haut de ses millénaires d’existence, il se sentait tout à fait à même de réprouver. C’était exaltant, en soi. Savoir qu’à tout moment, ils pouvaient être découverts, et choisir de palier à cela en se faisant le centre de l’attention. Anglais était incapable de dire si c’était de la folie ou du génie.
Et puis, juste comme ça, il croisa brièvement le regard d’un homme. Un homme solitaire, isolé du groupe, qui, lui aussi, balayait la foule du regard, tout en consacrant une grande partie de son attention à sa montre. Un homme assez grand, doté du discret embonpoint de ces gens qui aimaient manger mais qui essayaient de se limiter. Appuyé non pas sur une canne, mais sur un parapluie dont on ne devinait que la pointe, derrière la colonne contre laquelle il semblait chercher à se fondre. Anglais savait qu’il ne l’aurait pas remarqué, s’il s’était contenté de le chercher parmi une nuée de visages dispersés ; là, quand tous les regards, ou presque, convergeaient, il semblait impossible de ne pas le voir. Il semblait également qu’il l’ait repéré juste à temps ; déjà, il se détachait de sa colonne, et se dirigeait subrepticement vers une porte légèrement en retrait, légèrement cachée de la vue de tous.
Il n’eut même pas besoin de prévenir Service Secret ; manifestement, ils l’avaient repéré quasiment en même temps, et, déjà, l’autre langue cessait de le faire tournoyer, pour s’incliner exagérément en direction du public.
Un regard, c’est tout ce qui leur suffit pour s’accorder sur la marche à suivre ; d’un même mouvement, ils emboitèrent le pas de celui qu’ils supposaient être M.
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Si on voyait le bon côté des choses, ils avaient récupéré la sacoche. Ils étaient même parvenus à revenir dans leur monde avant que M et J.M ne parviennent à les en empêcher. Somme toute, on pouvait dire que la mission était un franc succès, et qu’ils pouvaient être très fiers d’eux même.
D’un autre côté, l’entièreté de la chose n’avait sans doute pas été aussi reluisant que ce qu’Anglais s’était imaginé. Oh, bien sûr, ils étaient arrivés juste à temps pour intercepter sa sacoche- qui était vraiment la sienne, et ça avait été une constatation très plaisante. Anglais était même parvenu, en profitant de l’effet de surprise, à l’arracher des mains de J.M, un homme d’une trentaine d’année aux cheveux plus noirs que le corbeau, dont le regard bien trop sombre lui avait affreusement semblé dénué d’émotions.
Seulement, voilà. J.M avait également de très bons réflexes, et, surtout, de très bons réflexes létaux ; il avait dégainé une sorte de petite arme à feu, et, sans sommation, lui avait tiré dessus. Anglais savait qu’il n’avait échappé à la balle dans la tête que par la bienheureuse intervention de Service Secret, qui, d’un coup de canne, avait dévié le bras du mortel. La balle avait ainsi eu la grande bonté de se loger dans son épaule, plutôt que dans son très cher crâne. Il n’en demeure pas moins que ça avait été une expérience très peu agréable.
Et puis, quelque part, à un instant de leur fuite précipité vers leur monde – à cet instant très intriguant où Anglais avait vu, malgré la douleur de son épaule, que la canne de Service Secret était en fait pleine de petites boules qui, une fois écrasées, émettaient d’épaisses volutes de fumée-, M avait brandi son parapluie, et s’était servi de sa pointe suspicieusement trop acérée comme d’une lance. Elle n’avait pas touché Anglais ; mais ce n’était qu’après s’être retrouvé étalé dans les prairies d’herbe de l’abstrait, après l’évanouissement de la dernière des particules bleus, après qu’il ait fini de reprendre son souffle, qu’il constata que ce susdit parapluie avait néanmoins atteint Service Secret, et avait bien manqué de lui trancher la jugulaire.
Il avait plaqué sa main gauche sur son cou, avec une grimace parfaitement éloquente, de la même manière qu’Anglais gardait la sienne sur son épaule exsangue ; et, entre ses doigts, entre le tissu de son gant noir, coulait une mixture épaisse et poisseuse de son sang, et de ces particules azurs qui se rassemblaient, scintillantes, pour refermer la plaie. Mais c’était tout son foulard écarlate qui s’en trouvait gorgé ; tout le blanc de sa chemise. Une vision tout à fait inquiétante, parce qu’il était évident qu’il avait du mal à respirer.
Pourtant, il réussit à lui adresser un regard vaguement espiègle, comme un gosse qui venait de réaliser une bêtise assez conséquente et qui, malgré les inévitables conséquences, s’en délectait grandement. Peut-être était-ce parce que, vraiment, Anglais n’avait pas l’air plus reluisant que lui. Avec tout le pan gauche de sa veste détrempé de cerise, les cheveux hirsutes, sans le chapeau qui était parti rouler un peu plus bas.
Ils avaient l’air vaguement pitoyables. Avec tout ce myosotis qui signalait que leurs blessures se soignaient, et qu’il en fallait décidément beaucoup plus pour blesser irrémédiablement une langue.
Anglais aurait été incapable de savoir qui rit en premier. Qui, parmi eux, était suffisamment frappé pour trouver que la situation était décidément très cocasse, et qui l’était suffisamment pour se dire que l’autre avait raison. Toujours est-il qu’ils se retrouvèrent bientôt à rire comme deux imbéciles, au milieu d’une prairie complètement isolée, du bas de laquelle on apercevait les tours de son château, à lui ; sous le ciel nocturne et le vent qui soufflait sans ménagement.
« Est-ce au moins la bonne sacoche ? » parvint à articuler Service Secret, d’un ton qui était aussi hilare que rendu rauque par l’état de sa gorge. « Ce serait tout de même désopilant d’avoir fait tout cela pour rien. »
« C’est la bonne, » répondit Anglais, qui ne s’était sans doute pas senti aussi vivant et amusé depuis ce jour où il avait entendu la voix cerise pour la première fois. « Damn, tu pisses le sang. »
« En voilà une nouvelle expression bien graphique, » le taquina l’autre langue. « Et puis, tu peux parler. As-tu seulement vu l’état de ta veste ? On croirait voir, à s’y méprendre, un harlequin d’un genre nouveau. »
Sur ces bons mots, Service Secret se laissa basculer en arrière, s’affalant non sans grâce au milieu des hautes herbes. Main sur le cou, yeux vers le ciel, sourire incontrôlable aux lèvres. Il avait l’air d’un gosse, vraiment. Il l’était, d’une certaine manière, à côté d’Anglais. Si jeune.
Il avait déjà des cheveux blancs.
« Je pense que tu vas devoir attendre un peu, pour rentrer chez toi, » conseilla Anglais, qui ne s’allongea pas à côté de lui, parce qu’il tenait à garder le reste de son costume un tantinet immaculé. « Tes enfants pourraient avoir un choc. »
« SMS, oui. Mais Service Secret Junior se contentera simplement de soupirer, et de me sermonner pour mon imprudence, et Programmation s’extasierait sûrement. »
Il y avait beaucoup de chaleur, dans sa voix, quand il parlait de ses fils. Anglais se souvenait qu’il y avait eu la même, autrefois, dans la sienne, quand il parlait d’Américain. C’était une drôle de pensée, et elle triturait quelque chose dans son estomac. Il préféra ne pas s’y attarder.
C’était étrange comme avec certaines personnes, le silence pouvait être agréable. Il se prit à se perdre, quelques minutes, dans la contemplation de ce ciel qui semblait avoir absorbé Service Secret. Quelques minutes, pendant lesquelles sa blessure acheva sa guérison spontanée, tout comme celle de l’autre langue. Comme si elle ne s’était jamais trouvée là. Parfois, Anglais se prenait à penser qu’il était impossible, pour un humain, de tuer une langue. Puis, il pensait à Lui, il pensait à Langage Shakespearien. Et savait qu’il n’y avait rien de plus faux.
« Tu rumines, » remarqua Service Secret, qui, pourtant, ne lui avait pas même jeté un regard.
Anglais prit conscience qu’ils se tutoyaient, à présent. Il n’était pas sûr de savoir quand ils avaient commencé ; ça ne le dérangeait pas. Il détacha son regard des étoiles, et le fixa sur l’autre langue.
« C’est vrai, » admit-il. « Je rumine. »
Service Secret n’ajouta rien. Il tourna, simplement, à son tour, la tête vers lui. Le décortiqua, une énième fois, de ce regard qu’il avait trop observateur, et qui, dans la nuit, sous la lune et les résidus azurs qui flottaient encore paresseusement dans l’air, lui semblait fondre entre l’encre noir et le chocolat. Et puis, sans rien dire, il posa sa main sur la sienne.
Un geste qui n’avait pas besoin d’être accompagné de mots pour être aussi compatissant, rassurant et chaleureux qu’il l’était.
« Ça passera. Un jour, » souffla-t-il.
Et Service Secret était si jeune. Il n’avait pas un siècle. Il comprenait, pourtant. Il semblait même, parfois, en comprendre plus qu’Anglais. Il n’avait pas autant vécu, mais, quelque part, il avait été contraint de grandir- plus vite. Parce que le temps lui était bien plus compté qu’à tous.
Il était plus jeune, mais déjà plus vieux que tant d’autre langue. Plus vieux qu’Anglais. Anglais, qui paraissait un peu plus de vingt-cinq ans ; lui, qui avait dépassé la trentaine.
« Il y a des jours où j’ai la sensation que ça ne me quittera jamais. »
C’est un murmure, le genre de chose qu’il ne disait pas, qu’il taisait tant qu’il pouvait le taire. Ce soir, ça sortait tout seul. C’était facile, avec Service Secret. Presque autant que ça l’était avec Français.
« Je sais, » fit très simplement Service Secret, et Anglais le crut. « Mais, ces jours-là, tu auras toujours quelqu’un pour te soutenir. »
« Toi ? »
Le sourire de Service Secret fut presque surpris ; mais, surtout, il était triste, affreusement mélancolique. Il y avait presque une lueur émeraude, dans le fond de son regard.
« Moi, » répète-t-il, tout bas, tout doucement, comme si un son trop fort pouvait le briser. « Tant que je le pourrais. Ou Français. »
Le nom est inattendu. Suffisamment pour qu’Anglais sente, brièvement, son cœur manquer un battement. Il s’efforça, pourtant, de conserver son calme apparent. De ne pas penser à ce que signifiait ce « tant que je le pourrais ». De ne pas penser à ce que Français pouvait bien faire avec « soutien ».
« Tu détestes Français, » objecta-t-il, d’un ton un peu plus léger.
« C’est vrai, » répondit Service Secret, en toute joyeuse honnêteté. « Mais toi, non. Et c’est là la seule chose qui compte, ne le crois-tu pas ? »
Anglais ne répondit pas. Ce n’était pas quelque chose qu’il était prêt à admettre. Sans doute, Service Secret le savait-il ; peut-être même était-ce pour cela qu’il le mentionnait, qu’il l’évoquait, qui l’ancrait par ses mots.
La main, sur la sienne, se resserra brièvement. Service Secret se redressa, chassant d’un revers de la manche les brindilles qui étaient restées accrochées à son costume. Anglais savait parfaitement ce qu’il allait dire, avant même qu’il n’ouvre la bouche. Il allait dire qu’il était temps, pour lui, de rejoindre ses enfants, parce qu’il était tard, et qu’il leur avait promis d’être là quand ils iraient se coucher.
C’est peut-être pour cela qu’il décida, sous une bizarre impulsion, d’agir comme il le fit. Il se pencha en avant, et, avant que Service Secret n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche pour s’exprimer, il l’embrassa. Ce fut très bref, à peine le temps d’un battement de son cœur. Juste assez bref pour que l’autre langue n’ait pas le temps de comprendre, et de se détacher. C’était ce que c’était ; une simple et brève impulsion. Celle d’un moment qui passait bien vite.
Déjà, il avait repris sa posture initiale, vaguement avachie dans l’herbe, malgré son dos droit et son air tranquille. Il savait, de toute façon, que s’il ne l’avait pas fait, il l’aurait regretté.
Service Secret n’eut même pas l’air surpris. Il se contenta de pencher un peu la tête sur le côté, et de faire ce qu’il savait si bien faire- rire. Un rire qui n’était pas moqueur, qui était simplement très doux, très tranquille. Il fit fleurir un sourire sur les lèvres d’Anglais. Parce que le moment présent avait cette espèce de suspension hors du temps, de quiétude chaleureuse qu’il était si rare de trouver. Ils savaient tout deux que c’était le genre de chose qui ne le dépasserait jamais, ce moment ; chacun avait, hors de cette petite bulle à part, autre chose, quelqu’un d’autre, pour l’attendre. Quelqu’un qui, à bien des égards, était bien plus fait pour eux qu’ils ne l’étaient l’un pour l’autre. D’une certaine manière, ça ne retirait rien au sens, ça ne retirait rien à ce qu’il y avait. Ici. Maintenant. Dans les herbes hautes, sous le vent, la lune, et les fenêtres du donjon lointain.
Service Secret se releva tout à fait, avec souplesse et élégance. Il emportait avec lui l’instant ; Anglais le lui laissa bien volontiers. Il ne bougea pas, lui ; il se prenait à penser qu’il serait peut-être plaisant de rester ici, juste un peu plus longtemps.
« Bonne soirée, Anglais, » fit, très simplement, Service Secret, avec une légère inclinaison respectueuse de la tête. Le visage tiré de son sourire espiègle, les yeux scintillants.
Enfin, il se détourna ; et, sur une dernière courbette, et un signe de la main, il s’éloigna, canne tournoyante à bout de bras. Le pas presque dansant et tranquille, vers un sentier bordé d’églantiers, sous le regard émeraude d’Anglais.
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« Quel petit malotru ! » éructa Français, surgissant de la foule de langue comme s’il s’attendait à ce que sa simple présence suffisse à ce qu’Anglais prenne immédiatement son parti.
Le britannique leva la tête du rapport qu’il rédigeait (un peu en retard, il l’admettait) et qu’il devait déclamer plus tard, lorsque la réunion commencerait. Et il manqua de s’étouffer littéralement sur place, tant la vision qui s’offrit à lui était tout bonnement hilarante.
Français, les joues rougies d’indignation et les yeux jetant des éclairs, se tenait debout, juste à côté de lui, poings sur les hanches. Ses cheveux habituellement si soignés étaient affreusement désordonnés ; mais, plus encore, c’était son accoutrement qui était plus que risible. Chemise brodée de petites fleurs, débraillée, sur un short qui s’arrêtait juste au-dessus de ses genoux, et qui permettait d’admirer ses jambes beaucoup trop pâlichonnes. Enfin, le clou du spectacle : les tongs qu’il avait au pied.
Anglais n’avait pas pour coutume de se moquer ostensiblement des gens. Il étouffa donc son fou-rire parfaitement légitime en buvant un peu de son thé.
« Tu te crois en vacances, Français ? »
« Non ! » pestiféra le monarque, la voix rendue aigue par son incommensurable frustration. « Que crois-tu, mon chou à la crème ? Que je m’habille ainsi pour le plaisir ? »
Amusant de constater que la plus cuisante des humiliations ne parvenait visiblement pas à détacher Français de son stupide surnom. Anglais se vengea en lui renversant le reste de son thé sur les orteils, et prit un air faussement compatissant.
« Ne m’appelle pas comme ça, si tu ne veux pas que je t’arrache les tripes avec une petite cuillère d’argent. Que s’est-il passé ? »
Pour toute réponse, Français jura, parce que le thé était toujours aussi bouillant, et pointa un doigt accusateur vers la foule. Plus précisément, vers Service Secret, qui avait l’air infiniment fier de lui.
« Je ne sais pas comment il a fait, » pesta son homologue, « Mais il l’a fait. Et il refuse d’effacer ce qu’il a fait, cette espèce de petit vermisseau, de cloporte, de gastéropode, de mollusque infâme, de- »
Anglais roula des yeux, et, très discrètement, lui colla un coup de pied dans le tibia gauche. Français lui décocha un regard de chiot blessé.
« Arrête de l’insulter, abruti. Je suis sûr que tu l’as cherché. »
« Mais pas du tout, » geignit Français, ce qui, de toute évidence, voulait bel et bien dire qu’il l’avait cherché. « Et puis qu’est-ce que ça peut te faire, que je l’insulte ? »
« C’est un ami, » répondit évasivement Anglais- parce que, de toute façon, c’était vrai. « Et tu constaterais qu’il est bien plus sympathique qu’il n’y parait quand tu ne te pavanes pas partout avec tout le mépris du monde, vieux paon poussiéreux que tu es. »
Sa Majesté Français se laissa tomber à côté de lui, moue boudeuse, mais regard fier et infiniment vexé. Anglais échangea, brièvement, un regard vers Service Secret- qui lui fit comprendre, par un système de mime remarquablement élaboré, que l’effet ne durerait pas plus d’une heure ou deux. Merveilleux. Anglais aurait tout le loisir de graver indélébilement cette image dans son esprit. Peut-être même qu’il aurait le temps d’en faire une reproduction suffisamment exacte pour envisager d’en faire un tableau à accrocher dans son palais.
« Tu me blesses, chaton, » bougonna Français.
« J’espère bien, » rétorqua Anglais.
Il serait de toute façon malvenu qu’il exprime une quelconque forme de sollicitude envers sa plus vieille connaissance. Il avait une réputation ; et leur relation était ce qu’elle était. Anglais n’aurait pas su la définir. Mais il savait qu’il y avait, là-dedans, quelque chose de très important. Non pas qu’il l’admettrait, un jour, à Français. De toute façon, il était persuadé que celui-ci le savait déjà.
« Et tu l’apprécies ? » reprit Français, mine de rien, en triturant les manches de sa chemise brodée.
Anglais lui jeta un bref regard. Français avait l’air absolument ridicule, dans cet accoutrement ; et, pourtant, il ne parvenait pas à se détacher de son air infiniment royal. De cette stupide prestance qui le suivait partout, comme un vieux pot de colle qui se serait glué à ses cheveux.
Il haussa un sourcil.
« Oui. »
Pas autant que toi, ajouta-t-il, en son fort intérieur, juste pour lui, parce qu’il n’était pas question qu’il le dise à haute voix. Quelque chose lui dit, pourtant, qu’il n’avait pas besoin de le faire.
Français émit un petit « hm », et, avec un sourire étrangement retrouvé, fit mine de rassembler ses documents.
FIN
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Les Chroniques de Livaï #505 ~ TREPAS, ME VOICI (juin 846) Erwin Smith
L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité… Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me suis mise en devoir de répondre à ces questions en vous livrant ma propre vision de sa vie, de ses pensées, des épreuves qu'il a traversées, ainsi que celles des personnes qui l'ont côtoyé, aimé, admiré, craint, détesté. Si j'essaie le plus possible de respecter le canon, quelques libertés seront prises sur les aspects de sa vie les plus flous. Quelques personnages seront également de mon invention. Livaï, un homme que l'on croit invincible et inatteignable… Est-ce bien sûr ? Jugez-en par vous-mêmes.
Je pousse mon étalon en avant, la lame au clair. Je ne suis pas censé aller au combat, mais savoir que mes hommes, à l'arrière, livrent bataille sans pouvoir les rejoindre me fait grincer des dents... La garde de brigadiers qui m'entoure n'a pas prononcé un seul mot depuis que le signal a été donné, et je me sens de plus en plus seul dans cet enfer qui se déchaîne.
Je ne peux pas me retourner, mais j'entends les hurlements des civils, le claquement des jets de gaz, le hennissement des chevaux... Je sais qu'ils sont tous terrifiés, mais je dois rester ferme et continuer droit devant. A encore quelques kilomètres, il y a un avant-poste qui pourra nous abriter et donner aux explorateurs plus de possibilités pour défendre et attaquer. Nous devons l'atteindre...
Combien sont déjà tombés ? Nous filons si vite qu'il est impossible que les réfugiés arrivent tous à destination. Je le savais, j'ai décidé de passer outre, de relever ce défi déraisonnable, et maintenant, tant de gens sont sans doute morts de façon si vaine... Mais je continue d'avancer. Je ne peux pas encore me résoudre à faire autre chose, je ne peux m'avouer vaincu. Je décide de fermer mes sens au vacarme qui règne sur la plaine - dans mon coeur aussi - et de galoper encore en avant, sans un regard en arrière. Notre refuge ne doit pas être loin... au bout de cette route. Je la connais bien, pour l'avoir empruntée d'innombrables fois. Notre ancienne forteresse est toute proche...
Des titans, droit devant ! Ils nous attendaient, et se jettent sur nous ! Aucun moyen de les déborder... Un brigadier s'élance alors vers nos ennemis afin de tenter de les arrêter, mais ils sont trop nombreux. Il se fait bientôt capturer par plusieurs mains décharnées et affamées qui se disputent alors son corps gigotant... Il faut y aller ! Suivez-moi ! Je m'éjecte à mon tour, suivi des autres soldats, vers le malheureux qui ne crie même pas grâce ; c'est peine perdue face aux titans... Je sectionne une des mains, et évite de peu des mâchoires béantes qui claquent juste derrière moi.
Ne perdez pas de temps, tranchez les nuques ! Mes camarades obéissent, et bientôt, trois géants tombent face contre terre. Nous parvenons à arracher le brigadier aux crocs d'un douze mètres, avant qu'il ne l'engloutisse. Ses jambes sont sérieusement blessées. Nous nous replions, quand je comprends enfin que la situation est sans issue.
Devant nous se dresse un rempart titanesque, marchant au pas vers nous. Leur lenteur est terrifiante ; comme s'ils savaient qu'il n'est pas nécessaire de se presser... Nous sommes les proies qu'ils ont décidé de dévorer, et aucun de nous ne passera cette ligne. C'est la mort assurée qui nous attend là-bas... Et aussitôt, un souvenir pas si lointain me revient à l'esprit. Je me vois, tentant d'empêcher Keith de mener nos hommes vers la mort, vers les titans qui nous encerclent... Ce jour-là, j'ai pris la bonne décision, elle a sauvé de nombreuses vies. Puis-je en sauver au moins quelques-unes aujourd'hui ?
Je me retourne sur ma selle et contemple enfin la plaine vers le nord, le chemin parcouru au prix de nos dernières forces. Il n'y a presque plus personne. Nos rangs ont été quasiment décimés. Quelques fuyards courent pour leur vie, tentant de se cacher derrière des arbres, des rochers, ce qui ne les mènera nulle part. Les vétérans se sont dispersés dans la forêt qui me semble à présent si loin, mais quelques recrues livrent encore bataille sur le terrain, protégeant de petits groupes éparpillés...
Je dois décider... La plainte sonore du brigadier blessé me ramène à la réalité brutalement. Il faut battre en retraite. Nous n'avons aucune chance. Je dois... sauver ce qui reste. Nous rentrons à Valburga ! Mon ordre résonne sur la plaine déserte, et je sens mon coeur se soulever face aux pertes humaines innombrables... Nous devons récupérer ceux qui restent, les rassembler... Faites-le ! Je vais envoyer un signal de rassemblement, en espérant que les explorateurs le voient. Demi-tour, vite !
La rangée de titans est déjà sur nos talons. J'ai pris trop de temps à réfléchir... Ils sont si nombreux ! Pourquoi ? Pourquoi ne puis-je atteindre Maria !? Seront-ils toujours entre moi et mon but ?!
Je lève le bras et les brigadiers restants se dispersent afin de retrouver les survivants et les regrouper. Je relance ma monture à bride abattue, sentant la chaleur habituelle qui émane des corps des titans juste derrière moi. Livaï, Mike, Hanji, vous tous... Êtes-vous toujours en vie, ou vous ai-je infligé la mort la plus inutile qui soit ? De nouveau, mon coeur se serre à cette pensée. Aucun de vous ne méritait ça... Vous m'avez fait confiance, vous m'avez suivi, et je vous ai trahis...
Quelque chose fonce alors sur moi, venant du nord. Une chose qui ressemble à un grand oiseau noir aux ailes déployées... Il ne s'écoule qu'une seconde jusqu'à ce que je comprenne que c'est un explorateur. Je n'ai pas besoin de me demander de qui il s'agit, sa manière de voler est inimitable. Un poids énorme quitte alors mon coeur et je me retiens de crier son nom. Il me survole sans me regarder un instant, et je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il s'est jeté sur les titans qui me poursuivent. Le son des lames qui vrombissent comme des scies fouette mon étalon qui redouble encore de vitesse. Je croise sur la route la petite jument noire qui attend son cavalier, fidèle et patiente comme à son habitude. Elle se met à galoper un peu à mon côté, et je me prends à lui parler, comme pour me calmer moi-même. Il va revenir, il revient toujours...
Les brigadiers me rejoignent et m'informent qu'ils n'ont pas trouvé beaucoup de monde. Ils sont peut-être déjà en route pour Valburga, allez après eux ! Ils écarquillent les yeux en constatant ce qui se passe derrière moi. Ne restez pas là, vous voyez bien que le renfort est arrivé ! Vous ne feriez que le gêner ! Dispersez-vous ! Ils disparaissent de nouveau de mon champ de vision, et me laisse seul ; je tente alors de me concentrer sur la présence de cette force de la nature qui se déchaîne derrière moi... La violence de chacun des coups qu'il donne me parvient à travers la terre et le vent, par des vibrations qui font trembler mes muscles, et envoie des jets d'adrénaline dans mes membres qui me font redoubler de vitesse.
Un poids s'abat furieusement sur la croupe de mon cheval mais il vacille à peine. Je sais que c'est lui. Pourquoi ne remonte-il pas en selle s'il en a finit ? Mais je n'ai pas le temps de lui poser des questions. Il s'arc-boute face à moi, sans un mot, et je remarque alors que ses lames sont brisées. Ce sont ses dernières, son fourreau est vide. Il n'a pas besoin de m'expliquer quoi que ce soit, nos regards se croisent rapidement, et il fait sauter ses lames inutilisables. Je dégage mes bras pour lui laisser le champ libre jusqu'à mes fourreaux. Il enclenche ses poignées dans chacun d'eux et les ressors avec des lames neuves, prêt à retourner combattre. Comme à chaque fois, je suis subjugué par son endurance. Il déploie tant de puissance que l'air paraît crépiter autour de nous.
Il n'a rien besoin de me dire, je sais ce qu'il va faire. Alors, je contracte les muscles de mes épaules afin de le soutenir le mieux possible, et lorsque son pied s'appuie sur ma clavicule, c'est comme si tout mon corps essayait de le projeter, vers les titans, le danger, la mort qu'il a choisi d'affronter. Je ne peux pas encore l'en empêcher, tout ce que je peux faire, c'est l'aider du mieux possible à leur faire face. Et lorsque son poids quitte mon corps, envoyant une onde douloureuse dans chacun de mes os, je ne peux m'empêcher de lâcher un sourire.
Nous allons survivre, Livaï. Nous devons survivre, pour tous les morts, pour le bataillon, pour tout ce que cela représente. Je dois nous ramener à Rose.
Je constate que d'autres cavaliers nous ont rejoints. Il y a également deux chariots qui ont survécu à l'attaque. J'aperçois au loin des civils à pieds qui courent vers le nord ; si nous parvenons à garder les titans sur nos traces, ils ont peut-être une chance de s'en tirer. Je porte mon regard au loin et les silhouettes noires des ferries sur le fleuve me paraissent en difficulté. Mike... fais ce que tu peux pour sauver ce qui peut l'être...
De nouveau, mon cheval sursaute suite à l'atterrissage brutal de Livaï sur sa croupe ; cette fois il s'accroche à moi et attend que je lui donne mes ordres. Fais attention, il ne vas pas tenir longtemps si tu continues de t'en servir comme perchoir ! Il ne répond pas, et reste tourné vers le sud, les lames déployées, prêt à y retourner si nécessaire. Je te fais confiance, je suis sûr que tu as fait ce qu'il fallait là-bas. Il me dit qu'il en reste encore qui viennent de l'est, et qu'ils ont l'air d'avoir faim. De l'est ? Bon sang, je dois aller aider Mike ! Toi, tu retournes auprès de tes hommes ! Ils doivent livrer bataille dans les bois ! Va te ravitailler et ordonne-leur le repli ! Pas de discussion !
Il me scrute un instant, cherchant tout au fond de mon âme à savoir comment je me sens, mais je lui oppose un regard ferme et déterminé. Je ne vais pas m'écrouler maintenant... alors va ! Ils ont besoin de toi ! Sans y penser, je serre sa main agrippée à mon torse - cette main si forte constellée de durillons - comme pour lui communiquer ma conviction, et il accepte de se détacher de moi. Il saute sur le dos de sa jument au moment où de nouveaux titans se présentent pour nous attraper, mais les recrues sont déjà en train de s'en charger. Il a un instant d'hésitation...
Va-t-en d'ici, tu en as assez fait ! Nous allons nous en charger en déviant vers le fleuve ! Rejoins-les, vite !
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Pour un ministère de la mère et de l'enfant
Une place neuve est présente depuis que le virus est avec nous. Impossible de faire sans et c’est pour lui qu’une écoute brutale s’est imposée. Que voulons-nous ? Quel chemin se frayer et quelle décision prendre ?
Dans une perspective de disposer quelques jalons et d’inviter à quelques cheminements, il est d’une grande importance pour ces jours à venir que de présenter un socle plus doux, tempéré et tranquille.
Nous venons d’une civilisation structurée autour de certains pôles, fatiguée par certains schémas de pensées. Plusieurs d’entre eux, plus profonds et tranquilles, suppléeront de façon efficace et précise ceux qui n’ont plus besoin d'exister laissant là une place neuve à une autre forme du vécu pour féconder l’ici et l’après.
La rigueur sera aussi ici le guide pour se frayer un chemin. Et cette rigueur est celle de la volonté de préserver les équilibres de chaque système.
Du début à la fin d’une vie, nous arpentons chacun notre destin. Embrassant chacun de nos vies, l’Etat serein en serait le reflet.
Toutefois, tout un pan de l’histoire demeure encore sans page et quelques bonnes fées nous indiquent que nous gagnerons tous à les coucher par la voie de l’écrit pour en faire un parterre commun.
Partant du vivant et des grands équilibres au coeur d’un espoir, nous avons tous notre destin en main pour laisser vibrer l’accord sensible.
De ce côté-ci de l’humanité, c’est la branche de la douceur et de la guérison vers laquelle je place l'art. Il invite à une vie plus équilibrée pour les enfants, les femmes et tous les êtres vivants.
Aussi et prenant en moi la mesure de l’humilité, il apparaît d’autant plus fécond de garnir l’Etat d’un ministère de la mère et de l’enfant prenant en compte toutes les spécificités de ce lien, de son vécu, et donc de prendre en compte toutes les dimensions de ses possibles tourments.
Prenant également en compte que ce sont elles et eux qui sont encore à ce jour les premiers les victimes et seraient les grands gagnants d’un plus grand équilibre des rythmes proches des corps grandissant et explorant des primos expériences d’éclosion, il apparaît d’autant plus judicieux d’augmenter les salaires des femmes, et de renforcer les nombreux déséquilibres des violences infantiles dont il est indiqué que la branche masculine de l’espèce est l’autrice principale.
N’ayons aucune crainte que toutes les addictions à l’alcool seront réduites de moitié, encourageant là une plus grande vigueur à voir se frayer un chemin vers une dignité retrouvée.
Aucune prescription spécifique n’est ici établie, nos intelligences sont multiples. Certains lieux comme il en existe déjà dans certaines municipalités sont à laisser se multiplier pour assurer l’accueil et la vitalité de ce champ si particulier du vivant.
D’autres aspects comme les violences sexuelles et conjugales seront elles aussi placées au centre de ce nouveau lieu de l’Etat en lien avec le système de santé revigoré de pratiques essentielles.
L’essence commune de ce nouveau halo privilégiera l’emploi de nouvelles pratiques afin de protéger les femmes, la mère et l’enfant. C’est donc un Etat favorisant une revitalisation qui se fait ici jour.
Ce ministère sera chargé d'indemniser à vie les victimes de violences sexuelles à la manière des pensions d’invalidité offertes aux soldats ayant combattu.
Les lieux d'apaisement et de recréation de soi à venir ne sont pas des hospices comme le sont les Invalides mais des jardins, des bocages, et des chemins de promenade.
Toutes les femmes ayant un premier enfant désireuses de ne pas travailler auront elles aussi une allocation spécifique quelles que soient leurs conditions de vivre essentiel.
De nouveau, les listes des pratiques et mesures à même de favoriser une appartenance juste à l’espace du vivant, assurant l’équilibre des échanges et des liens au coeur desquels sa vie est placée est toujours à créer et inventer.
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Il y avait ton cœur fermé ton cœur ouvert ton cœur de feu couvert tes cheveux pour filer entre les doigts pour verser leur sable sur mon sommeil et pour enchanter la fatigue tes cheveux comme un treillage entre le regard et les vignes qui flambent tes cheveux de luisant et de sorgue tes yeux avec la halte à l’ombre et la colonne de froid sur le puits tes yeux les anémones ouvertes dans la mer tes yeux pour plonger droit dans les vaucluses et dérober leurs paillettes aux fontaines tes yeux sur les averses qui volent sur les ardoises tes bras pour les bras tendus pour le geste cueillant le linge qui sèche pour tenir la moisson de toile contre ta poitrine pour maintenir la maison de souvenirs contre le vent tes bras pour touiller les bassines de confiture tes seins les dunes d’un beau soir tes seins pour les paumes calleuses au retour du travail - mais sais-tu les meules qui se prêtent se creusent quand il faut le repos - sais-tu le nez dans les sources d’herbe quand la marinière trempe de buée sa chanson – tes seins pour bander tes mains – pavots qui apprivoisent l’insomnie tes mains pour les mains nouées et les promesses scellées tes mains pour tendre les tartines tes mains pour toucher ton amour tes hanches comme la péniche pleine comme l’amphore épousée par les doigts de haut en bas ton ventre pour les tabliers bleus du matin et les gaines soyeuses des minuits de luxe ton ventre la pleine joie de la pleine mer ton ventre de houle tes cuisses de flandre ton sillage de carène heureuse et de menthe volée ton odeur de servante jeune et de pain bis ton odeur de vachère et de jachère en avril ton odeur de renoir et d’auberge calme ta peau de santé le slalom nègre sur la pente des étés tes robes de bouquets aux crayons de couleurs sur un vieux cahier d’école tes robes en dimanche tes robes de bonjour tes matinées au lit comme une nage facile par la grande baie des fougères ton envie comme une salve qui salue la rade où brûlent mille rochelles et l’argent des avirons - et te voici dressée, plantée sur ton plaisir et qui délires – ton envie le suc qui éclate de la figue mûre ta voix venue des châteaux en Bavière ta voix qui étonne les légendes dissimulées ta bouche pour dire oui ta salive à boire ton sourire d’enfance retrouvée. Il y avait ce plus secret de toi ce blond de toi épanouie l’étoile de mer encore humide entre deux désirs. Il y avait ton attente la première permission du soldat à la guerre ton souvenir – et c’est la pluie qui bat tiède contre les volets clos de la mémoire ton souvenir à inventer - mais jamais toi tenue certaine au midi du bonheur et pourtant quelques-uns t’ont vue en plein jour ont laissé ton portrait à travers leurs toiles ou derrière leurs poèmes tu es plus vieille que la peine du monde et plus neuve que la joie de vivre c’est toi que les hommes ont toujours voulue dans leur faim de tendresse au bout des jours au bout des routes celle qu’ils ont appelée la veille de la chaise électrique ou du peloton d’exécution pour qui tous ont trahi leur plus franche parole et tenu leurs plus dérisoires serments celle qui embrassait trop tard les gars punis avant la fosse commune ou les croix de bois. Il me reste à te donner un nom à te donner vie il me reste surtout à te rencontrer comme les mains émerveillées de l’aveugle trouvent la présence du soleil sur un pan de mur.
André Hardellet
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La peau de la poubelle Au blanc la nature prend sa revanche, Le soleil frappe la maison.
Sirène se retournant dans l’eau Tu fis partie de ma vie comme peu. Il faut être trop triste pour inventer une piscine.
Moribond Il y a un instant imposé dans l’amour Regardant tomber les fourmis
(Prolonger l’instant d’écriture, il n’y a que cela)
Deux croissants de lune à lèvres posés l’un contre l’autre Un baiser sur ton épaule serait parfait pour exprimer ce que je ressens pour toi ce soir, et à part toi, au reste.
Fais de beaux rêves où je choisis de t’abandonner sur les plages
Le brouillard était amour de nous J’avançais sans me souvenir De vous avoir connu.
Je veux essayer de me souvenir de ce qui fut dit et que je veux écrire marron. J’ai eu peur j’ai touché les murs comme si je les découvrais Puis soudainement je me rendormis Aussi comme un explosion Explosion du sommeil en retour au sommeil.
Tu ne veux pas parler de ton rêve maintenant ? Je préfère chercher mes mots pour lui en vrai.
Adèle est la joueuse de prison As-tu cauchemardé ? Ou je t’embrassais tendrement Ou je disparaissais entre les nuages. C’est mieux d’être un oiseau qu’un souvenir Tu n’es pas un souvenir Tu as des mots de souvenirs Moitié d’un oreiller et plus fin.
Elle le fane Tu avais l’air triste J’aime l’impossibilité ou parler Il ne peut utiliser ses yeux D’où ses marques : Il y a les yeux-surfaces-membres où je veux dessiner un arc de cercle de couleur Et alors Carolina tranquille Poulpe montagne ange fluo et chaussures neuves Chère mère Je voulais dire un truc piquant J’ai pas dis comme quoi Dans les puits on trouve un reflet, C’est bien d’avoir une brûlure, Je jouais Je veux déchirer mon vêtement et que tu m’embrasse encore. L’enfant qui se rendait absent Souviens-toi de cette échelle qui grimpe au soleil De la coupable absence Qui s’impose. Cette échelle est d’os.
Elle savait déjà que tu ne serais pas là Elle le savait Je souffre Je n’ai jamais pu être là Parle Personne ne le remarque Je suis beau non Insignifiant comme un calcul d’oreilles
Clavicules oreilles yeux L’échelle au soleil se tresse D’os Lune vers mer nuit Je ne veux pas boire je venu dormir me reposer Mon corps est à guérir Avec médicaments perdus
Je n’arrive pas à cet : être là Pourquoi tu me dis au revoir avec mon prénom Certaines personnes disparaissent parce qu’un endroit du monde, à un endroit du monde, à certains pôles la gravité s’inverse et ils se hissent à leur disparition.
Bateau écrasé falaise Temps décélère Posture bébé naissance Vomi mère Souris eau dans les oreilles Remercier la prière ou le temple ?
Tromper, la tromperie, aimer tromper parce que je trompais, ma vie était tromperie faisant croire au réel dans la rue.
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Gros coup de cœur pour ce livre dûment recommandé par ma libraire préférée (Caroline).
D’abord, dépaysement total car l’écrivaine est néo-zélandaise et son histoire se passe là-bas ; mais attention, dépaysement brutal, oubliez tout de suite les cartes postales de couchers de soleil. On plonge dans le livre dans une culture à part, totalement composite dont je ne connais pas vraiment l’histoire, sauf que, comme par hasard, il semblerait que le peuple maori actuel se situe du côté des pauvres, tandis que les blancs, des plus riches. Ça doit pas être aussi simple, mais bon, en gros, on a saisi l’idée vu que ce schéma se répète sans cesse : les autochtones sont colonisés et relégués au bord de la société.
L’autrice, elle, a toujours voulu se mêler aux maoris, elle était attirée par eux, leur langue notamment, dès sa jeunesse, et elle a fini par en épouser un, Tim Wanamatu.
Ici, elle raconte de manière chorale un moment précis de la vie de deux frères, Tauk et Ari, et de longs pans de l’existence d’une Jane et de son entourage (d’abord une cousine adorée, Sav, et leurs hommes violents et drogués, puis de son amour et époux Toko). On fera le lien au fur et à mesure entre ces êtres et ces familles, unies et éparses à la fois. La construction du livre est d’ailleurs raccord : la narration est éclatée, dispersée façon puzzle, qui sera complet à la fin de la lecture mais qui aura réservé bien des difficultés au lecteur, sans que cela n’entache jamais son plaisir parce que cela stimule sa curiosité. Curiosité bien vite piquée par l’attachement que l’on ressent pour les personnages.
Tout premier dans mon cœur, le jeune Ari, huit ans, déposé par son frère après le décès accidentel de leurs parents chez sa tante, la courageuse Kat, mariée à un connard (je cite le texte). La narration, chorale, épouse donc dans de nombreux chapitres le point de vue de ce jeune garçon sensible et désarmant. Ce furent de loin mes préférés. L’écrivaine révèle dans ces pages tout son talent pour saisir la pensée et la langue d’un jeune esprit délicat, soucieux des autres, complètement perdu par l’abandon de son frère adoré, et sa force de vie, oui sa vitalité poétique, qui le fait devenir ami avec sa voisine Beth du même âge (elle aussi, quel personnage merveilleux), petite personne décidée et fantasque un peu canaille. La paire illumine le livre de sa fantaisie inventive et lumineuse.
Évidemment, j’ai aussi aimé Tauk, le grand frère presque adulte, complètement perdu, désireux d’oublier son passé, de s’inventer une vie toute neuve. Mais il se rendra compte durement qu’il ne suffit pas de prendre le ferry pour devenir un être neuf. Son déni lui apparaît comme la seule solution après son traumatisme. Mais son honnêteté intime finira par l’emporter pour affronter ce qu’il redoute.
Quant aux autres personnages, ils sont trop nombreux pour être recensés ici, et très complexes. Ils sont exposés, particulièrement les personnages féminins d’ailleurs (ô surprise) à beaucoup de violences, psychologiques et physiques. Ils naviguent dans un monde plein de drogue, de pauvreté, de bêtise, de racisme, d’argent qu’on a pas, de domination, de perversité, qui font que Jane par exemple, subit la première partie de son existence. Le récit se fait alors brutal, presque insoutenable. Mais comme ceux tatoués sur sa peau, des oiseaux, symboles de liberté et de musique, apparaissent, sur les pages, dans le texte, dans l’histoire, comme autant de respirations ou de morceaux de musique qui apportent un espoir vacillant (le livre comporte une playlist contenant le morceau ci-dessus). Car l’autrice sait bien que mille moments de nos vies, cruciaux comme banals, sont souvent encapsulés dans des chansons. Hit ringard ou chef-d’œuvre, chant maori ou scie internationale, ils tombent là, et s’incrustent comme un tatouage dans nos cerveaux.
Alors le lecteur, malmené parfois, perdu de temps en temps, s’accroche. Il veut savoir. Tauk va-t-il revenir voir son frère, va-t-il seulement survivre ? Et Ari, trouvera-t-il quelqu’un pour remplacer ses sparadraps dont il se couvre le corps compulsivement ?
L’écriture de Becky Manawatu est superbe. Acide, précise, musicale, lyrique quand il le faut, inventive. C’est un monde en soi. Son écriture crée un monde à la fois ultra spécifique et typé, bourré de mots maoris (donc incompréhensibles pour le lecteur lambda), et universel, qui embrasse toutes les douleurs humaines. Un monde effrayant et attachant, si loin, si proche.
#littérature#livres#litterature#livre#roman#becky manawatu#bones bay#nouvelle zélande#maori culture#maori#Spotify
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Et demain, on recommence comme avant?
Le Covid-19 est un puissant révélateur. Je me balade dans le travées désertes de l'Esplanade de Louvain-la-Neuve en me posant cette question: " De quoi ai-je vraiment besoin pour vivre comblé ?" Je passe en revue les boutiques une à une.
Des fringues? Non, il m'en reste à foison. Même dans mon cercueil, on aura de quoi me vêtir dignement! Et s'il en reste, je me retournerais dans ma tombe si ces "habits du blanc mort" venaient à combler ces ballots qui échouent sur le sol nu d'un marché africain. Que je le veuille ou non, la chose risque d'arriver même si je rêve tout bas que mes frères lointains troquent notre générosité post-mortem pour le pagne multicolore et la chemise blanc-neige. Oui, cette chanson je la chante à tue-tête: "moi je suis congolais, moi je ne suis pas malheureux, toute la journée, moi je travaille pour mon argent. Je n'ai pas fait l'école, je ne l'ai pas regretté, chemise repassée, pantalon repassé, je peux crâner" Oh oui: la fierté d'être libre, sans fard ni faux-semblants.
Et les parfums, en aurais-je un jour l'usage? Certes non, je préfère les femmes au naturel, comme le thon. Ah les femmes... que ferions-nous sans elles si toutes ces boutiques venaient à mettre la clef sous le paillasson? Oui, voici le rêve qui me hante: un enfant dans le dos et la houe sur l'épaule, nous irions au champ ensemble, voir lever le mil et le haricot. Et le soir, harassés, nous gravirions la colline côte à côte, elle, portant quelques tubercules pour le repas du soir, moi, un fagot sur la tête pour le feu.
Je marche encore et toujours devant les volets tirés, les vitrines illuminées, inanimées et inutiles. Tupperware, Kruidvat et Flying Tiger passent aussi à la trappe. Tiens, un magasin plein de jouets prêts à l'emploi. Alors je me souviens des jouets à ressorts tressautant dans la poussière rouge des chemins de mon enfance. Quelques fils de fer, quelques capsules de bières, quelques bouts de bois assemblés par de petites mains agiles sous le soleil de midi. Quelques gouttes de sueur aussi dans le sable, quelque souci au front de l'enfant qui invente, abandonne, puis reprend de plus belle l'oeuvre d'un jour, l'oeuvre d'une vie.
Je marche et marche encore, ma quête stérile ne connait pas de fin. Et si on prenait le problème à l'envers? Plutôt que d'éliminer l'inutile, cherchons la perle rare. Oui, il me manque le pain quotidien, l'avocat et l'ail du petit matin. Et le lait pour ma belle aussi me fait défaut. Et pour les soirs soi-disant affamés, la nasi-goreng à trois sous nous viendra bien à point. La musique et les livres, eux aussi me sont chers. Mais aurai-je le temps de lire tous ceux qui sommeillent dans la chambre où personne ne dort. Et les tiroirs du salon débordent de CD impatients de sauter de leurs coffrets. Dieu fasse que je débarrasse le plancher de toutes ces babioles qui pendraient aux nez de mes descendants. Partir léger de tout ce dont le quotidien nous encombre. Ne rien laisser pour leur poire, ni soupe froide, ni patate chaude.
Je quitte le centre commercial par la cave... Encore un bazar de plastic, de caoutchouc et d'inoxydable rutilant. Des machines bizarres en rang d' oignion, des tapis roulants immobiles, des écrans pulsatiles, des élastiques distendus et des poids sans mesure. Oui, c'est du fitness sans grimaces, ni sueur, des faillites sans coup férir, des matériaux à trier pour l'éternité.
Je vais aller au bois, écouter mon coeur battre au gré du silence et du soleil qui scintille ça et là entre les arbres bercés par la brise légère. Et que reste-t-il d'utile dont le jour ne me comble. On a quand même besoin d'un abri pour le jour et la nuit, contre le froid et la pluie. Et puis de l'argent et des amis pour faire la causette. De l'argent pour acheter une tablette, une tablette pour joindre par Face-Time mes enfants confinés, un travail pour gagner de l'argent pour acheter une voiture pour aller au travail... pour, devinez quoi?
En décembre 2019, le Conseil communal d'Ottignies-LLN a trouvé bon de voter l'extension du commerce sur un dalle piétonne tout autour de la gare de notre cité universitaire. 24.000 mètres carrés de boutiques supplémentaires pour "animer" les rues et "finir la dalle" qui a bon dos. Pourtant, en juin 2017, lors de la consultation populaire, 7000 habitants de notre belle commune avaient dit : Assez! On en a plus qu'assez de ces biens qui nous obnubilent et s'amoncèlent tristement dans leurs rayons figés, comme saisis d'épouvante. Nous n'avons que faire des belles bagnoles qui déboulent les boulevards saturés en quête de promos et de bonnes affaires. Tout cela au grand dam des villages d'alentour sans boulangeries, sans pain ni croissants chauds le dimanche matin. Marre de tout vouloir ici pour empêcher d'autres grandes enseignes ailleurs de capter leurs chalands et leur pouvoir d'achat mirobolant.
Ah... serais-je prêt à donner ma vie au Covid-19 pour voir poindre le jour nouveau, les mains ouvertes à la liberté du temps qui vient ? Peut-être, peut-être pas.
Texte Mike Derom Photo Manu Kodeck
Ici, tout est à portée de main. Let's Play.
#covid19#louvainlaneuve#shoppingcenter#esplanade#klépierre#consommation#confinement#extensionesplanade
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writer asks: 10, 13, 39, 44, 46 for Running through the Rain
10. Pick a writer to co-write a book with and tell us what you’d write about.
Probably my current love and crush, Sarah Maria Griffin. We’d write about queer witches and invent rituals and forms of worship and systems of sacrifice and it would be wild.
13. How do you deal with writers block?
I never really think of myself as having writer’s block. Mostly when I’m having trouble it’s because I feel lost or overwhelmed or just uncertain, and if I can’t put words together then 9/10 times it means I’m just not ready to and I need to mull a bit more. But as for how I deal with these things -- I organise myself, clean my room, re-file documents on my laptop, sort out my Dropbox, maybe some paperwork. I read a good bit in lulls. Re-reading The Time Traveler’s Wife kickstarted me after chapter 20 of Wraiths, and getting really into Doc Holliday gave me the buzz I needed for RTtR. The only reason SPtF and Dead Water exist is the three months of intensive Harry Potter fic reading I did, and all of the different things I’m reading now are helping me through this current slump, and also fixing SPtF.
I suppose distance is how I deal with it. Doing things I’ve been neglecting and making to-do lists and putting different things between myself and the piece, be it books or work or tv series or binge sessions of playing Bejewelled Stars on my phone so my brain zones out. Giving myself permission to think about as many different things as I can, and when the time is right something clicks and I get going again, but the important thing is to not dwell on the fact that I’m not writing.
39. Do you base your characters of real people or not? If so, tell us about one.
It’s probably no secret that Henry in RTtR in inspired by Doc Holliday, but there are scatterings of Doc in several other fics, including Digging Up Bones (and not just Martin) and the Tinder ‘verse and a little bit of Soft Place to Fall. Philippe’s arm injury in SPtF is inspired by Virgil Earp’s from December 1881. Several of the wounds that different soldiers have in Wraiths are inspired by actual soldiers, including Roland Leighton, Hubert De Stacpoole, and his brother Francis. Trev in SPtF got his first name, Roderick, from their youngest brother, Roderick De Stacpoole. He was killed at Neuve-Chapelle in March 1915 at the age of 19, laying a telephone wire through the trenches, and tbh I think about him a lot. It seemed fitting to name someone after him.
44. Best piece of feedback you’ve ever gotten.
A couple of times people have mentioned particular fics that should be published as original things, namely Digging Up Bones and Dead Water. Someone once reviewed a fic just to say that they think I must be a real writer who writes about PotO in her spare time (I still love that one). Recently though @stefanie-bean has left some reviews on Dead Water, and honestly I thought I’d die. They hold the position atm of best ever reviews, because I am just so in awe of her and I feel so honoured that she’s read and liked DW
46. What would your story _______ look like as a tv show or movie? (RTtR)
A lot of greens and browns and blues in soft hues. Orange sunsets and deep red blood. The music is sometimes soft and sometimes haunting and sometimes painful and always beautiful. Timber-frame buildings and rickety stairs and saloons with false fronts. Lighting that’s dark when it needs to be but never too dark. Vibrant colours when it suits. A certain elegance. Gritty, but not graphic and crude for the sake of being graphic and crude as if it adds realness. And definitely sensual. There are so many places where sensuality suits it, and tenderness.
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