Programmation’s Remake Show - Première Edition
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Disclaimer : Il s’agit là de la toute première édition d’une série de sept. Les personnages m’appartiennent, contrairement aux films parodiés. Cette première édition n’est pas représentative du ton générale de la série : pour l’instant, nous sommes surtout très proche d’une bonne grosse crack fic. C’est un AU qui se place après les évènements du livre, et je dois admettre que c’est l’un de mes projets favoris. Je ne vous le présenterais pas plus, et vais vous laisser le découvrir... J’espère que vous y trouverez votre bonheur !
Pairings : Messaging Services, Probet, mentions de Franglais
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PREMIERE EDITION
Vous êtes tranquillement installé sur le fauteuil de votre salon, télécommande à la main, le regard morne rivé sur l’écran de votre télévision. Vous vous ennuyez. Vous ne prêtez aucune attention à ce qu’il s’y passe ; votre esprit est ailleurs, sans doute. Bien mal vous en prend. Parce que, sans prévenir, voilà que la pub Coco Pops qui envahissait les pixels de votre écran disparait, comme si celui-ci venait de s’éteindre. Il ne s’éteint pas, pourtant ; il grésille quelques secondes, avant de virer d’une étrange couleur bleutée d’un autre monde.
Vous clignez des yeux.
Et puis, Programmation apparaît à l’écran, tout sourire, dans un décor clairement volé au Late Show de Steven Colbert. Il rassemble une série de papier, et vous êtes estomaqué de constater qu’il est vêtu d’un costume cravate parfaitement formel- si ce n’était que la cravate n’avait pas été mise correctement, et que c’était clairement une cravate volée à Alphabet.
« Bonjour à vous, lecteur ! » s’exclame joyeusement ce présentateur télé insolite. « Ceci est le premier épisode d’une émission qui, peut-être, pourrait devenir récurrente- le Programmation’s Remake Show ! »
La déclaration s’accompagne d’un jingle pas forcément très bien accordé, et d’un logo coloré qui s’éclata sur votre écran comme un crachat de peinture. Vous constatez que le présentateur se dandine déjà sur sa chaise, visiblement incapable de rester si longtemps immobile et droit quelque part.
« Dans cette émission, » continue Programmation, jetant une des feuilles de son script derrière lui, « Nous allons, sous vos yeux ébahis, rejouer, avec notre troupe d’acteurs parfaitement volontaires et parfaitement non payés, quelques scénarios de vos films préférés ! A notre sauce, bien sûr, hein, mais bon écoutez nous voulions juste partager nos passions, alors faites avec. Voilà. »
C’est maintenant le script tout entier qu’il envoie valser par-dessus son épaule, une pluie de feuille virevoltant devant la caméra. Quelqu’un grommela hors-champ ; vous supposez qu’il s’agit de Binaire, bien évidemment de corvée nettoyage.
« N’attendons plus, chers lecteurs ! » gazouilla Programmation, qui ne résista pas plus longtemps à l’envie de mettre ses pieds sur son bureau. « On commence tout de suite avec la Reine des Neiges. Kiffez votre race ! »
Un clin d’œil vers l’écran ; et, en une parodie des films Paramount des années cinquante, son visage s’emprisonna brièvement au milieu d’un écran noir percé du rond qui permettait de le voir, sous le son d’une petite musique joyeuse. Alors, seulement, le film commença.
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Ce fut d’abord le son d’un toussotement gêné, alors que l’écran n’est pas encore sorti du noir de sa transition. Et puis, on entendit, sans le moindre sens musical, un chœur de voix nasillardes s’élever, pour chanter l’introduction du film. Le décor apparut. C’était une peinture brouillonne d’une montagne enneigée, devant laquelle quelqu’un jetait des plumes d’oreillers dans l’espoir que ça ressemble à des flocons de neige. On vit entrer, dans le champ de la caméra, une pancarte, manifestement tenue par quelqu’un qui rampait en dessous, abordant fièrement le titre du film (écrit en tout petit, en haut, à gauche), et abordant humblement le nom du réalisateur (en très gros, bien au centre de la pancarte).
Et puis, pendant que deux petits soldats -habillés tout en vert, mais n’ayant pas été retouchés par l’équipe des effets spéciaux par manque de budget- faisaient glisser la peinture de montagne enneigé au loin, on put voir se construire, avec beaucoup d’ingéniosité, le décor minimaliste de ce qui devait visiblement faire penser à la cour d’un château.
Enfin, on y poussa, sans la moindre somation, un SMS déguisé en petit garçon, la tête couverte d’une perruque rousse, et Service Secret Junior, placide, sous sa perruque platine. Les deux frères se jetèrent un regard lourd de sens, alors que le réalisateur, derrière la caméra, leur adressait de grands pouces approbateurs. Puis, SMS se racla la gorge, le regard rivé sur le prompteur qui faisait défiler le texte.
« Oh, bah, te voilà, Elsa, ma sœur ainé doté 2 pouvoir magik 2 glasse. »
« Oui, en effet, » récita platement Service Secret Junior, dans un soupir fatigué. « Que puis-je faire pour toi, Anna, ma petite sœur cadette qui elle n’est pas doté de pouvoir ? »
« E bi1, je voudré 1 bonome 2 neig, » déclara SMS, plein d’une inégalable conviction. « Genr, m1tenan. »
A cet instant, on put admirer tout l’extension du budget alloué aux effets spéciaux. Service Secret Junior agita vaguement la main gauche, pour que celle-ci s’illumine du bleu de sa magie linguistique. Un malheureux figurant, qui, à n’en point douter, était Alphabet, se dressa alors devant la caméra, déguisé en bonhomme de neige, entouré de flocons incrustés grâce à Windows Movie Maker. SMS, en traînant des pieds, entreprit d’avoir l’air de s’amuser sous ces inexistants flocons, qui ne cessaient de tomber, de plus en plus drus.
« Ne bouge pas trop, Anna, je pourrais accidentellement de blesser à cause de cette magie que je ne contrôle pas tout à fait, » prévint Service Secret Junior, qui ne se rendit compte qu’à cet instant qu’il était supposé faire plus de lumière magique, et qui agita un peu plus frénétiquement les mains.
« Jenten pa, » affirma SMS, qui entendait très bien, et qui en avait eu sa claque de faire semblant de jouer sous la neige.
« Je perds le contrôle, » signala Service Secret Junior. « Oh, non. »
La manifestation de la perte de contrôle des pouvoirs d’ « Elsa » fut, en fait, une boule de fausse neige que quelqu’un jeta droit dans la tête de SMS, envoyant valser avec elle la perruque rousse de la pauvre langue.
« Mé Smilé, vise mieu ! » couina le tyran, juste à temps pour qu’on l’entende malgré le dramatique fondu au noir.
Une fois n’est pas coutume, la transition semblait presque professionnelle ; le fondu au noir laissa peu à peu place à un nouveau décor, qui semblait être la porte d’une chambre. Visiblement, on essayait de faire croire que c’était une chambre de château, mais c’était surtout une chambre d’hôtel délabrée. Devant la caméra, il y avait maintenant trois personnes : SMS, dans son costume d’enfant scandinave, Signes, dans une longue robe royale, et Service Secret, qui avait visiblement eu la bonne grâce de jouer le jeu et d’abandonner brièvement son style habituel pour se retrouver en tenue princière.
SMS sembla prendre conscience que la scène avait commencé, lorsque le réalisateur souffla « Action ! » derrière sa caméra ; il leva la main, et frappa mollement à la porte.
« Je voudré 1 bonome 2 neig, » bougonna-t-il, et si on pouvait saluer quelque chose, c’était qu’il avait au moins fait l’effort d’essayer de chanter. « Pk g pa le droi 2 voir Service Secret J- euh, Elsa ? »
« Parce que, fils, » répondit Service Secret, qui avait l’air d’être le seul à s’enjailler, « les trolls qui vivent dans les montagnes nous ont signalé que ses pouvoirs pouvaient être dangereux, et, puisque nous sommes d’affreux parents qui préférons enfermer notre enfant différent plutôt qu’accepter cette différence avec la fierté qu’il se doit, nous avons décidé de laisser ta sœur vivre seule dans la solitude et la culpabilité en craignant ce qu’elle est. »
« Mé, cé orible, » s’indigna SMS, appuyée par Signes qui hocha vigoureusement la tête.
« Absolument ! » approuva Service Secret. « Mais c’est dans le scénario. »
« J’aimerais bien qu’on le suive, d’ailleurs, ce scénario, » rappela le réalisateur, qui ne pouvait pas se permettre d’être agacé parce que, eh bien, on ne s’agaçait pas contre son père et sa belle-mère.
« Oué ba ilé nul ton scénario, » ronchonna SMS, dans cette moustache qu’un enfant ne devrait certainement pas avoir. « Mé du kou, papa, si je peu pa parlé à Elsa, je sui tout seul aussi ! »
« Mince, c’est vrai, » fit Service Secret, esquissant une superbe moue faussement pensive, qui avait le mérite d’être la seule expression convaincante depuis le début du film.
« Keskon fé, du kou ? » s’enquit SMS, plein d’espoir, redressant sa perruque rousse d’un geste agacé.
« Toi, je ne sais pas, fils, » conclut Service Secret, prenant la main de Signes dans la sienne, « Mais nous, nous allons monter dans un bateau qui va, hélas, couler en mer, parce que nous sommes des parents dans un film Disney et que c’est une honte que nous soyons encore en vie. »
« Mé, » commença SMS.
« Au revoir ! » salua Service Secret, se laissant entraîner hors du champ de la caméra par Signes. « Je vais mourir, encore ! »
« Pourquoi t’as ajouté le « encore » ? » geignit le réalisateur.
Il n’eut pas de réponse ; quelqu’un joua trois notes dramatiques sur un piano, et la scène changea, une nouvelle fois. On quitta la chambre délabrée de l’hôtel, pour se retrouver dans le hall délabré de ce même hôtel. On pouvait souligner une audace remarquable de ce film amateur, qui, pour cette nouvelle scène, avait eu le courage de laisser fourmiller l’écran de figurants. On notait, par exemple, Sa Royauté Anglais, dans le rôle du prêtre qui s’apprêtait à couronner Elsa, Président Français, visiblement convaincu par le précédent monarque d’accepter le rôle du duc de Weselton, et Gallois dans le rôle d’un habitant enthousiaste. Service Secret Junior entra en scène, le pas tranquille, qui, à défaut d’être convaincu, avait le mérite de ne pas être trop mou. Quelqu’un avait jugé bon de le faire changer de costume ; le problème, c’était qu’il n’avait pas l’habitude de marcher avec une cape, et manquait à plusieurs reprises de se prendre les pieds dedans.
« C’est le jour de mon couronnement, » signala-t-il, « Puisque je viens d’avoir dix-huit ans, et que mes parents sont morts en mer. J’espère que personne ne découvrira ce secret que j’ai enfermé dans un placard métaphorique. »
« Oh la la, » marmonna Président Français, qui était en fait en train de faire un effort et de lire son texte. « Il y a quelque chose d’étrange avec cette famille royale. J’ai bien l’intention de découvrir ce que c’est. »
« Perso, » interrompit SMS, qu���on venait de pousser sur scène parce qu’il avait oublié qu’il jouait dedans, « Je men fich du couronemen, je ve just trouvé l’amour. »
« Et moi, » termina Binaire, dans le rôle de Hans, qu’on avait étrangement décidé d’affubler d’une veste cerise, « Je suis une sale race et je veux juste le pouvoir. Je vais donc aller séduire cette dinde naïve, juste ici. »
SMS lui adressa un regard positivement venimeux, parce que, fiction ou pas, il n’appréciait pas être traité de « dinde naïve » par qui que ce soit. Et puis, surtout, ce n’était pas dans le script, si on en croyait le sourire suffisant qu’aborda Binaire.
« Vou zèt charman, Monsieur, » grinça le tyran, comme si ces mots lui était physiquement douloureux.
« Je sais, » se rengorgea Binaire, parce qu’après tout, c’était vrai. « Veux-tu m’épouser ? »
« Grav, » fit SMS, du bout des lèvres.
« Je ne suis pas d’accord, » intervint Service Secret Junior, faisant l’effort de se donner un air autoritaire. « On n’épouse pas un homme qu’on a rencontré le jour même. »
« C’est bien vrai, » approuva, tout bas, Sa Royauté Anglais.
« Tu peux dire ça, chaton, quand tu n’épouses même pas un homme que tu as rencontré il y a deux mille ans, » souffla, tout bas, Président Français.
« Mé je lèm ! » coupa SMS, qui avait au moins la bonne volonté de respecter le script de son frère. « Done ta m1, Service Secret Junior, fo ke je retir ton gan. »
« Ah, en effet, c’est vrai, » concéda Service Secret Junior, tendant la main gauche pour que SMS puisse continuer à faire efficacement avancer l’intrigue.
Le gant fut ainsi retiré, et jeté en arrière dans le public- plus précisément, au visage du pauvre Gallois qui n’avait rien demandé, et qui adressa, en arrière-plan, un regard malheureux vers Haut-Alémanique, présent sur le plateau par on ne savait trop quelle opération du Saint-Esprit. De toute façon, l’attention du spectateur ne se portait pas sur eux, puisque Service Secret Junior prenait grand soin d’illuminer la scène du bleu de sa magie.
« Oh non, je perds le contrôle, » expliqua-t-il, pour le spectateur inattentif.
« Sorcellerie ! » beugla Président Français, étrangement enthousiaste dans son rôle.
La scène atteint le summum de sa tension ; Service Secret Junior, en héros tragique, roula des yeux, soupira, et sortit de la scène en trottinant pour figurer la fuite éperdue de la reine Elsa, alors que l’un des spectateurs (probablement Gallois) se fendait d’une exclamation de surprise parfaitement convaincante.
L’écran se noya dans l’incrustation des flocons de mauvaises qualités ; une transition qui, à défaut d’être belle, était efficace, puisqu’elle permit de faire disparaître la scène actuelle, pour laisser apparaître la scène suivante. Et on sentait, à l’expression qu’abordait Service Secret Junior, escaladant une colline sans le moindre enthousiasme, que c’était une scène particulièrement redoutée par l’acteur improvisé.
Pendant quelques secondes, il n’y eut que le silence, le chant d’un oiseau particulièrement joyeux, et les plumes d’oreillers que quelqu’un faisait tomber du haut de la colline. Regard caméra de Service Secret Junior ; il n’y avait pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il suppliait le réalisateur de ne pas le forcer à chanter.
Mais le réalisateur était impitoyable. Service Secret Junior soupira profondément.
« Bon, eh bien, puisque mon secret est découvert et qu’on m’a fait comprendre que c’était là un secret dangereux, je vais maintenant vivre toute seule dans les montagnes. C’est cool, en fait. »
« La chanson ! » s’indigna le réalisateur. « Chante la chanson ! »
« Libérée, délivrée, » se résigna Service Secret Junior, qui, de fait, ne chantait pas tout à fait faux, mais n’avait certainement pas la voix pour une chanson pareille. « C’est décidé je m’en vais. »
Pendant cette émouvante prestation, on put apercevoir plusieurs soldats SMS courir autour de l’acteur principal, pour placer un fatras de tableau, de toile et de décor en carton représentant les murs d’un château de glace ; et, franchement, ce n’était pas si laid que ça à regarder, de loin, en plissant des yeux et en étant bigleux. On avait presque l’impression de voir Elsa le construire, ce fameux château, quand on avait une excellente imagination.
« Perdu dans l’hiver ! » conclut Service Secret Junior, levant mollement les bras, et, non, décidément, cette note, il ne l’avait pas du tout. « Le froid est pour moi le prix de la liberté. »
« Magnifique, » applaudit le réalisateur, ému aux larmes.
Il n’eut, pour seule réponse, qu’un regard particulièrement dubitatif de son frère aîné. Et puis, la caméra se détacha de la scène face à elle, pour descendre, en une tentative de travelling, la colline qu’elle avait montée ; mais c’était surtout évident que quelqu’un avait cru que ce serait une bonne idée de la faire rouler sur une chaise de bureau, et on ne put que noter les cahots anarchiques provoqués par la descente tumultueuse. Elle ne s’arrêta que de justesse devant une petite maison, généreusement prêtée par Espéranto pour les besoins du tournage, sur le devant de laquelle on avait accroché une pancarte annonçant qu’il s’agissait là d’une boutique montagnarde.
Devant, il y avait, en effet, un stand croulant de babioles évoquant vaguement la randonnée ; et, derrière, on y avait assis un pauvre Alphabet, misérable, dans son pullover et son bonnet brodé par Smiley. Il était toujours moins misérable que SMS, qui se traînait vers lui comme une âme en peine, avec sa perruque rousse.
« Ah, ça par exemple, je ne m’attendais pas à voir quelqu’un par un temps pareil, » tenta Alphabet, allant jusqu’à ponctuer l’enthousiasme de ses paroles d’un petit salut de la main. « Tant de neige, en plein été ! »
Bien sûr, il n’y avait pas de neige du tout ; on était au début du printemps, et le budget de fausse neige et de plumes d’oreiller avait déjà été bousillé par les scènes précédentes. Clairement, le réalisateur en appelait à l’imagination de son spectateur. Une imagination qui devait faire défaut à SMS puisqu’il jeta autour de lui un regard hanté par la plus grande des incrédulités.
« Uh, oué, » répondit « Anna », par soucis de respecter le script. « C pour sa ke je sui là, je doi alé dan lé montagne récupéré ma seur magik ki fé négé. »
« Eh bien, c’est pas banal votre histoire, » remarqua fort justement Alphabet.
Ce fut à ce moment parfaitement bien choisi qu’on choisit de pousser un nouveau personnage sur scène. C’était MMS, qu’on n’avait pas réussi à déguiser tout à fait, mais qui avait visiblement accepté un compromis, et avait troqué son képi pour le bonnet de Kristoff. Cela mis à part, il gardait son long manteau noir.
« Ah… » souffla-t-il, et il était clair qu’il aurait déjà été blasé s’il n’avait pas eu le privilège de jouer le love interest de SMS. « Par le plus grand des hasards… Moi, Kristoff, qui connait parfaitement la montagne susnommée… vais entrer dans cette boutique pour acheter des carottes. »
« Ça tombe bien, j’ai des carottes, » proposa Alphabet.
« C’est trop cher, » répondit MMS, avant d’ajouter, par plaisir de pouvoir insulter Alphabet en toute impunité, « Vous êtes un charlatan. »
Il y eut quelques secondes de silence. Regard caméra d’Alphabet, qui, les yeux larges et le visage soudainement déconfit, cherchait manifestement à plaider sa cause auprès du réalisateur.
« Ne me dit pas que c’est la scène où je dois menacer physiquement Kristoff et le jeter dehors ? »
MMS se fendit d’un très fin sourire. Personne ne sut ce que répondit le réalisateur ; toujours est-il qu’Alphabet, la mine défaite, contourna sa table pour rejoindre MMS. Il dut se mettre sur la pointe des pieds, pour que, finalement, le grand blond daigne baisser la tête pour lui permettre de saisir son col, et pour qu’il puisse subtilement l’entraîner hors du champ de la caméra.
« Et que je ne te vois plus, gredin, » balbutia-t-il.
« Kel otorité, » gazouilla SMS.
« Ça c’est mon homme, » fit la voix du réalisateur.
« Ce n’est pas dans le script ! » s’égosilla Alphabet.
Fondu au noir particulièrement lourd de sens, qui permit, avec une efficacité sans pareil, de graver ces sages paroles dans l’esprit du spectateur. Nous retrouvâmes ainsi SMS et MMS, marchant au milieu de la « montagne », accompagné d’un figurant qu’on avait obligé à enfiler un costume de renne. Ce figurant, évidemment, c’était Smiley.
« Je regrette d’avoir accepté… de vous servir de guide… pour quelques carottes, » commença MMS, qui n’avait pas l’air de regretter du tout.
« Mé non, » répondit très justement SMS. « E pui, nou some sûremen bi1tô arivé ! »
« Bonjour, » marmonna Alphabet, qui avait retrouvé son costume de bonhomme de neige, et qui était contraint de revenir une nouvelle fois devant la caméra. « Je m’appelle Olaf, et j’aime… les gros câlins. »
« F, » murmura Smiley.
« O, 1 bonome 2 neig ki parle, constata SMS.
« Chouette, alors, » soupira MMS. « Il ne manquait… plus que cela. »
« On a plus le temps ! » intervint le réalisateur. « Il va falloir rusher la fin ! »
« Et couper ça au montage, » fit remarquer Alphabet.
« Ouais, grave, » approuva le réalisateur, qui n’avait visiblement pas écouté ce merveilleux conseil.
Cette fois-ci, on n’essaya même pas de donner un semblant de cachet à la transition par le biais d’un fondu au noir ; non. Le plan précédent était sur MMS, SMS, Smiley et Alphabet, et puis, tout à coup, on se retrouvait dans le « palais » de Service Secret Junior.
Service Secret Junior qui avait un minimum de conscience professionnel, et qui était déjà occupé à avoir l’air tourmenté. Ce n’était certainement pas une émotion très difficile à jouer, compte tenu du désespoir certain qu’il éprouvait à voir la chose s’éterniser.
« Que faire, » clama-t-il, et on sentait qu’il palliait au manque total de direction d’acteur en se raccrochant aux seules pièces de théâtre qu’il avait pu voir- une représentation d’Hamlet dans un collège de Perpignan. « Ma sœur, Anna, est venu troubler ma quiétude en m’annonçant que j’ai accidentellement plongé le royaume entier dans un hiver éternel ! Et moi, malheureuse, qu’ai-je fait ? Qu’ai-je fait ! Las ! J’ai gelé le cœur de ma sœur, avant de la jeter hors de mon palais. Ah ! Pourra-t-elle seulement être sauvée ! »
« Wow, » murmura le réalisateur.
« J’ai trouvé la Reine ! » déclara Binaire, qui entrait, flamboyant.e dans sa veste cerise, arbalète à la main. « Ne la tuez pas, il me la faut vivante pour le reste de mon plan machiavélique ! »
« Ciel ! » répondit Service Secret Junior. « Je suis capturée ! »
Et de fait, c’était vrai ; voilà qu’une foule de soldat SMS surgissaient, comme des fourmis, pour se saisir de l’acteur, et l’entraîner hors de scène. Une scène qui avait, par ailleurs, eu de drôles d’accents de poignantes tragédies ; saluons donc la conviction des acteurs, et surtout, de la production qui n’avait pas eu besoin d’être trop présente, et donc, qui n’avait pas pu être moche.
On sentait, de toute façon, qu’on approchait au dénouement du film ; puisque la scène qui suivit, toujours aussi abrupte et mal introduite, nous permit de retrouver SMS, dont la perruque était devenu blanche, qui, avec tout le manque de volonté possible, se laissa tomber dans les bras d’un.e Binaire tout aussi peu impliqué.e dans la situation.
« G le keur gelé, » signala SMS, bougonnant.
« C’est très malheureux, » concéda Binaire.
« Lé trol on di ke seul 1 bésé damour véritabl peu me sové, » continua SMS.
Binaire leva les yeux au ciel ; puis, iel se pencha, et saisit le menton de SMS entre ses doigts pour lever son visage vers lui. Les deux se foudroyèrent sombrement du regard. La tension s’étira.
« T’as pas intérêt à embrasser mon bébé frère, » menaça le réalisateur.
« Oui, » approuva la voix doucereuse de MMS, hors champ, lui aussi.
« De toute façon, je ne t’aime pas, » laissa finalement échapper Binaire, qui, tout à son animosité, en avait oublié son texte.
SMS soupira de soulagement, cet e qui n’était clairement pas la réaction qu’il aurait légitimement dû avoir s’il avait voulu jouer correctement son rôle. Qu’importait ; la scène était fini, après avoir été si rondement et brillamment menée. Le décor s’effaça une dernière fois ; et, puisqu’il n’y avait clairement pas le budget pour fabriquer tout un blizzard et une fin épique pleine de magie, d’épée, de statue de glace et de fonte de tout un fjord, et bien, le réalisateur prit visiblement le choix audacieux de ne pas faire de climax du tout, et de terminer sur un simple panneau « Tout est bien qui fini bien ! :D » écrit en blanc sur fond noir.
Après quoi, le générique défila, incluant le nom de toutes les malheureuses victimes impliquées dans cette chose ; tout cela, sur une reprise pour le moins intrigante de « Libérée, Délivrée » par Sa Royauté Anglais, que personne ne saurait sans doute jamais vraiment expliquer.
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Vous clignez des yeux, pas vraiment certain de ce que vous venez de voir. Sur l’écran de votre télévision, le sourire béat de Programmation est de retour ; à l’exception près qu’il avait enlevé cravate et veste, parce que, franchement, ça bridait ses mouvements.
« Et c’est la fin de notre premier épisode ! » se rengorgea l’imbécile, fier comme un paon. « N’hésitez pas à vous abonner à notre chaîne, à nous suivre sur les réseaux, vous avez le topo. Nous attendons vos suggestions en commentaire, tout comme vos contributions- après tout, l’auteur n’est pas le seul à avoir accès à nous autres, eh ? »
Il se dresse sur sa chaise, frappant le bureau du plat de ses deux mains, avant de pointer un doigt énergique vers l’œil de la caméra qui le filmait. Un dernier clin d’œil.
« C’était le Programmation’s Remake Show ! A très bientôt, lecteur ! »
Et on va mettre ça là, parce que ça fait bien : FIN
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