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La Balance des Dragons / Chapitre 18: Ecailles
Auteur: Douce Plume
Univers:
Dark Fantasy (inspiré du MMORPG TERA RISING -accessible même si on ne connait pas Tera)
Résumé :
Jeune alchimiste Elfe pleine d’avenir, Eveanna se voit confier une mission importante par son maitre, Hustod. Malheureusement l’aventure ne va pas se dérouler comme prévu. Elle devra fuir tout ce qu’elle connait, entrainée malgré elle par un archer pervers alcoolique et une ex- Lancière devenue marchande de chaussures. Pourra-t-elle retrouver sa vie ou devra-t-elle révéler son potentiel de sorcière pour sauver les dragons de la folie ?
Mises en garde :
Violence, jurons, esclavage
>>MASTERLIST<<
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CHAPITRE 18: ÉCAILLES
Le groupe avançait prudemment à travers la foret des brumes. La lenteur du pas des chevaux aurait pu bercer les cavaliers si leur mission ne présentait pas tant de dangers. Griffeuille, en tête, guettait le moindre mouvement suspect. Aledaran fermait la marche, une flasque à la main. Il surveillait leurs arrières, l'air renfrogné.
Eveanna cheminait au milieu du groupe, les poings serrés sur les rênes de sa monture. Elle se remémorait fébrilement le plan mit en place la veille. L'angoisse d'être la cible d'une nouvelle attaque la rongeait autant que cette mission. Et une foule de questions se disputaient la priorité dans sa tête. Ces derniers jours avaient été très éprouvants et ne lui avaient laissé aucun répit pour trouver des réponses.
Elle essaya de se calmer en prenant une profonde respiration et en se concentrant sur son environnement. Ses yeux se posèrent sur le dos de Griffeuille, portant fièrement son armure et son immense bouclier. "Si elle est marchande de chaussures alors moi je suis un porcidé" se dit Eveanna tout en essayant de trouver une position plus confortable sur sa selle.
Elle jeta un coup d'œil derrière elle. "Et lui…. il m'a aidée alors…" elle soupira et se ravisa: "non, impossible de lui faire confiance. Et quel genre d'entrainement a-t-il reçu pour arriver à encaisser autant de blessures? Une journée d'entrainement aussi intense et il se tient comme si de rien n'était? Nous avons utilisé l'alchimie pour guérir et reprendre des forces mais quand même… " A cette pensée elle frotta ses bras encore douloureux.
Le trajet était plutôt long et à cette vitesse ils n'arriveraient pas avant des heures. La lancière avait été très claire à ce sujet: le trajet devait se faire en silence. Les Gulas avaient été éloignés de la zone mais d'autres créatures rodaient dans les bois. S'ils voulaient trouver un Naga isolé pour lui voler des écailles, il était hors de question d'attirer trop l'attention.
L'Elfe se mordit la lèvre et empêcha les questions de sortir. Elle voulait tellement savoir que sa frustration lui donnait l'impression de bouillir. Ses pensées la ramèrent vers Yrlyg: "Pourquoi est-elle parti si vite et sans rien expliquer ? Et comment fait-elle pour maintenir une maison pareille en fonctionnement ? Pourquoi m' aider? Est-ce que ça a un rapport avec la marque sur mon poignard?"
Perdue dans ses pensées, elle ne s'était pas rendue compte que son cheval s'était arrêté sur l'étroit sentier. Devant elle Griffeuille scrutait l'horizon, le poing levé pour signaler une halte silencieuse. Une fois satisfaite elle descendit de sa monture et les invita à en faire autant. Ils attachèrent les chevaux à l’abri des regards et se regroupèrent.
La lancière regardait autour d'elle et semblait perplexe :
- "On aurait déjà du croiser un Naga" chuchota-t-elle "je ne sais pas ce qui se passe mais ils ont changé leurs habitudes.
- "heu…du coup, on rentre?" dit Eveanna pleine d'espoir. "Aïe!"
Aledaran lui avait envoyé une pichenette au milieu du front et il étouffait un rire:
- 'Non! Trouillarde… on va en hauteur pour observer. Bordel, t'as vécu dans une grotte ou quoi?
- Non! Enfin…
- Ça suffit vous deux. Vous règlerez vos problèmes de couple plus tard. Gardons l'objectif en tête", stoppa Griffeuille.
Eveanna sentait le rouge lui monter aux joues alors que l'archer la gratifiait d'un petit sourire satisfait. Elle brulait de répliquer mais Gri' suivait déjà le chemin et elle dut la suivre sans dire un mot. Elle semblait savoir exactement où elle allait. Après un long détour et une brève ascension, ils s'accroupirent discrètement le plus près possible du bord de la falaise. Ils purent constater par eux même le désastre en contrebas :
- "P'tain d'bordel de merde!" lâcha Aledaran à voix basse.
Griffeuille lui lança un regard contrarié mais elle acquiesça à contrecœur :
- "En effet ".
Juste en dessous d'eux, ils pouvaient apercevoir les cages des esclaves dont les Gulas faisaient commerce. Sur leur droite s'étalait un camp assez étendu, grouillant d'activité. Plus à l'écart sur leur gauche se trouvaient deux arènes. La plus éloignée était de loin la plus grande . La plus proche était de petite taille mais elle semblait plus utilisée. Deux Gulas y trainait un esclave terrifié vers un Nagas surexcité.
Après quelques instants d'observation silencieuse, Ale se remit à jurer puis grogna:
- "Merde. On dirait bien qu'ces bâtards s'sont associés. Comment on fait pour en choper un tout seul maint'nant? ... et m'refait pas faire l'appât!". Il coula un regard en biais à la sorcière. "Quoique le coup d'l'appât ça pourrait…"
- Non!" L'interrompit Eveanna , prise de panique.
- "Du calme, personne ne va servir d'appât" coupa Gri, le visage soudain crispé
Eveanna ferma les yeux et se couvrit la bouche d'une main sous le coup de l'horreur. Le Naga avait commencé à jouer avec l'esclave et au bout de quelques dizaines de secondes, il ne restait presque rien de lui. Les Gulas riaient à gorge déployée tout en encourageant l'ignoble serpent rouge. Aledaran jura à nouveau.
- " Il faut sortir les esclaves d'ici" décida Griffeuille, "ensuite on s'occupe des écailles. Par contre nous aurons besoin d'une diversion.
- Tu penses à quoi?" reprit Ale en se grattant la barbe.
- "Regardez là-bas", Griffeuille tendit un doigt griffu vers l'arène la plus éloignée.
- "On dirait… un Naga mort? C'est quoi s'bordel?
- Exacte. Si on arrive à les faire se regrouper dans la partie habitée du camp, on aura les mains libres pour secourir les esclaves et remplir notre mission initiale. Sans combattre.
- Ca m'plait bien" acquiesça l'archer en empoignant son arc.
Griffeuille désigna une des huttes au toit de chaume, la plus éloignée du camp. Elle était proche de plusieurs autres habitations mais restait assez éloignée des arbres ce qui éviterait un feu de foret.
- "Celle-ci me parait idéale. Une fois qu'ils auront sonné l'alarme, on pourra agir."
Aledaran hocha la tête et s'installa, un genou à terre. Il matérialisa une de ces flèches d'énergie et la tendit vers Eveanna. Elle toucha la flèche du bout des doigts et ferma les yeux. Elle appela le feu, tout doucement, et fit courir ses doigts délicats le long de la hampe en remontant vers la pointe, transformant doucement le bleu lumineux en rouge flamboyant.
L'archer encocha sa flèche et réajusta sa position. Il tremblait toujours mais semblait avoir gagné en stabilité. Il banda encore un peu plus ses muscles et laissa sa flèche de feu s'envoler dans le ciel et atterrir sur la plus grosse hutte en plein milieu du village. Le toit prit feu instantanément et l'incendie gagna rapidement en puissance.
Eveanna regarda Ale, choquée, alors que Gri grognait sa désapprobation:
- "J'avais pas dit celle-là! Tu ne sais plus viser ma parole!
- Ça va! Une hutte c'est une hutte!
- Elle est trop proche de nous, c'est un risque inutile". Elle souffla bruyamment et ragea à voix basse "Faut vraiment que tu arrêtes de boire, tu vas finir par nous faire tuer!"
- "Avoue qu't'adores ça. Une p'tite baston d'temps en temps…" L'archer riait dans sa barbe.
Griffeuille lui lança un regard noir qui terrifia Eveanna mais qui n'émut pas du tout Ale. Il continua à la fixer avec un sourire désarmant. La lancière préparait une réplique cinglante mais une cloche se mit à sonner dans le camp, génératrice de chaos et vibrante protestation contre le silence.
Comme prévu tous les Nagas et Gulas se précipitèrent pour éteindre l'incendie gigantesque qui menaçait de réduire toute la zone en cendre. Le camp était plongé dans le désordre et les cris mais une chaine se forma rapidement pour éteindre les flammes. Ils avaient pour le moment le champ libre pour leur mission de sauvetage mais cela ne durerait pas éternellement. Ils se mirent en route sans tarder , redescendant discrètement vers les prisons.
Près des cages, une effluve pestilentielle planait et s'attaquait à leurs narines. Eveanna avait du mal à soutenir l'odeur mais les autres semblaient bien s'en accommoder. Ils s'approchèrent des portes. Elles n'étaient pas verrouillées. Les yeux terrifiés des esclaves et la façon dont ils se recroquevillaient les uns contre les autres leurs apprirent pourquoi.
Luttant contre la puanteur, la sorcière se faufila dans la première alcôve. L'état des personnes enfermées lui serra le cœur et, même s'il fallait agir vite, elle redoubla de douceur lorsqu'elle les approcha. Elle distribua des parchemins de havre-sûr à chacun, s'assurant que tous pouvait le lire et se téléporter rapidement en sécurité. Aledaran fit de même de son côté alors que Griffeuille faisait le guet.
Une fois tous les prisonniers téléportés, ils se dirigèrent vers leur second objectif en longeant la falaise. Afin d'atteindre le Naga putréfié au milieu de la grande arène, ils durent sortir à découvert ce qui rendit l'humeur de Griffeuille encore plus noire. Même Ale semblait tendu, ce qui contrastait avec sa nonchalance habituelle:
- "Dépêchons nous d'prendre ces écailles. J'ai un mauvais pressentiment.
- Je suis d'accord avec toi. Je vais faire le guet de ce côté-ci, Eveanna tu prends l'arrière. Ale tu prends les écailles."
Il avaient convenu la veille d'utiliser le poignard d' Eveanna car il avait déjà fait ses preuves face à la solide armure écailleuse des Nagas. Elle confia donc sa lame à Ale avant de faire le tour de la bête pour faire le guet de l'autre côté. Mais lorsque qu'il posa son regard sur le manche, il s'arrêta net.
- "Ale, cesse de dormir et prends les écailles!" jeta la Lancière par-dessus son épaule.
Mais il ne bougea pas. C'était comme si son sang s'était figé dans ses veines. Les souvenirs se bousculaient dans son esprit, rendant sa respiration difficile et son teint blême. Griffeuille s'approcha de lui et le secoua par l'épaule. Il la regarda, les yeux encore hantés par ses visions:
- "C'est elle, Gri. Je sais que c'est elle…."
Sa voix n'était plus qu'un murmure étranglé. Griffeuille soupira mais ne s'énerva pas. Elle savait que le sujet était douloureux, pour lui encore plus que pour elle. C'est pourquoi elle répondit le plus calmement possible :
- "Écoute, je sais qu'elle lui ressemble mais… on en a déjà parlé, ce n'est pas possible. Elle est morte. Ce n'est pas le moment de…"
- "Et ça alors! " la coupa-t-il en lui montrant la marque sur le poignard.
Le cœur de Griffeuille manqua un battement. La lance de Kaïa. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas revu cette marque hormis sur ses propres armes ou celles d'Aledaran. Pas depuis que leur guilde avait été dissoute après la grande guerre. Mais elle repoussa ses émotions :
- " Beaucoup d'entre nous ont du vendre leurs armes. C'est une simple coïncidence".
Ale allait rajouter quelque chose mais elle le secoua violemment par l'épaule avant qu'il n'ait pu formuler sa pensée :
- "On en reparlera plus tard. Nous sommes à découvert. Prends les écailles."
C'était un ordre. Quand elle était comme ça, personne ne pouvait l'arrêter ou la contredire. Alors il obéit, grommelant dans sa barbe, alors qu'elle retournait surveiller les environs. Il avait presque fini sa besogne quand Eveanna se manifesta de l'autre côté de l'arène:
- "Heu… dites… y'a quelqu'un ? Parce qu'il y a une sculpture vraiment très bizarre par ici…"
Sa voix était hésitante et elle semblait avoir peur. Griffeuille décida d'aller voir et de laisser Ale finir son travail, espérant qu'il aurait rapidement fini. Lorsqu'elle fit le tour de la bête, elle trouva la Sorcière, toute tremblante, figée devant une statue d'un réalisme effrayant:
- "Je crois… je crois qu'elle a bougé", souffla la sorcière, terrifiée.
La statue était plantée à quelques mètres du Naga et lui faisait face. C'était une sculpture d'Elfe grandeur nature. Elle était à genoux, les mains attachées à un pilier de bois derrière son dos. Sa tête penchait devant elle, ses longs cheveux cachant ses traits. Sans les centaines de petites craquelures rappelant de la glaise séchée au soleil, on l'aurait dit vivante.
Griffeuille soupira. Décidément ils s'étaient passé le mot pour rendre cette mission plus compliquée que nécessaire. Mais elle devait admettre que trouver une statue d'Elfe dans une arène Naga au milieu d'un village Gulas défiait toute logique. Et vu que tout ça n'avait aucun sens, autant en profiter pour en tirer un enseignement :
- "Eveanna, les statues ne bougent pas", affirma la lancière calmement. "Ta peur est ta pire ennemie. Approche toi de la statue et constate par toi -même."
La sorcière grimaça mais s'avança. Elle s'arrêta à un mètre à peine, le cœur battant. Elle attendit un peu tout en fixant la presque représentation d'elle-même mais rien ne se passa. Soulagée, elle allait tourner les talons quand Griffeuille ajouta:
- "Touche-là."
Eveanna regarda la lancière d'un air contrit tout en émettant un petit gémissement plaintif. Elle n'avait pas du tout envie de faire ça mais elle savait qu'elle ne pouvait pas refuser. Son souffle se fit plus court. Elle avança lentement sa main, tremblante. Mais avant qu'elle ait pu toucher la peau de pierre, la statue releva brusquement la tête et ouvrir les yeux:
- "Hé toi, j'ai soif!"
Eveanna cria et tomba à la renverse, sur les fesses. La sculpture était vivante! Griffeuille se précipita vers la captive dont la tête était retombée vers l'avant. Elle l'examina rapidement et constata l'évidence :
- "C'est une Elfe couverte de boue. Elle est à peine en vie, je crois qu'on est arrivé à temps" dit- elle en détachant ses liens.
Aledaran arriva au pas de course de leur côté :
- " Faut s'casser, les Gulas rappliquent!"
- " Ok. Combien de havre-sûre nous reste-t-il ?" demanda Griffeuille, à court de parchemins.
- " J'en ai pu" grogna l'archer. "Et toi ?"
Il regarda Eveanna avec espoir mais elle secoua la tête.
- "Fait chier".
Griffeuille ne perdit pas une minute et attrapa l'elfe pétrifiée pour la jeter sur son épaule, ignorant ses grognements et la boue tombant sur son armure. Au loin, des cris et des invectives fusaient. A l'entrée de l'arène un énorme Gulas à deux têtes s'avançait vers eux en hurlant à plein poumons:
- "Attrapez moi les vivants ! Je veux m'occuper moi-même de ceux qui ont osé bruler ma maison ! "
Chapitre précédent : Chapitre 17: Maison et Magie // suivant : Chapitre 19 -
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La Balance des Dragons // Chapitre 16: Cicatrices
Auteur: Douce Plume
Univers:
Dark Fantasy (inspiré du MMORPG TERA RISING -accessible même si on ne connait pas Tera)
Résumé :
Jeune alchimiste Elfe pleine d’avenir, Eveanna se voit confier une mission importante par son maitre, Hustod. Malheureusement l’aventure ne va pas se dérouler comme prévu. Elle devra fuir tout ce qu’elle connait, entrainée malgré elle par un archer pervers alcoolique et une ex- Lancière devenue marchande de chaussures. Pourra-t-elle retrouver sa vie ou devra-t- révéler son potentiel de sorcière pour sauver les dragons de la folie ?
Mises en garde : Torture, sang, blessures
>>MASTERLIST<<
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Chapitre 16: Cicatrices
Il faisait froid. Il faisait toujours froid ici.Pourtant son dos était brulant et de longs sillons ensanglantés le traversaient de part et d’autre. Il entendait bouger derrière lui. Un frisson de désespoir le parcouru et il tira sur ses liens par r��flexes: il savait qu’il ne pourrait pas se retourner.
- « Jusqu’à combien pourras-tu compter trésor ? » susurra la voix aux relents métalliques »
Le tentacule claqua, arrachant un gémissement au prisonnier.
- « Je n’ai pas entendu…. »
Le fouet s’abattit une nouvelle fois, sa morsure arrachant un morceau de chair en plus d’un cri. Il pouvait sentir son sang chaud se répandre sur son dos et le long de ses jambes.
- « Soixante-trois», haleta le prisonnier
Elle le forçait à compter. S’il ne le faisait pas, elle recommençait jusqu’à ce qu’il ait dit le bon chiffre.
- « C’est mieux» se réjouit la tortionnaire. « Et ce qui serait encore mieux c’est que tu me parles de ce Dragon.
- Tu perds ton temps.
- Comme tu veux. Mais tu es encore loin des trois cents que je t’ai promis. »
Un bruit sec raisonna dans l’immense pièce vide. Il serra les poings pour encaisser le coup :
- « Soixante-quatre…»
Son sang goutait sur le sol déjà gluant de fluides. Elle frappa encore et encore jusqu’à ce qu’il ne puisse plus qu’émettre des murmures inaudibles. Mais elle ne le laissait pas en paix :
- « Tu me diras ce que je veux.
- Jamais…
- Oh si. » Lui souffla-t-elle à l’oreille. « Tu me le diras.
****
- NON ! »
Aledaran hurla en se réveillant. Il était allongé sur le ventre, haletant, le dos encore brulant de la bataille de la veille. Il essuya la sueur qui perlait à son front et se répéta :
- « C’était un cauch’mar. C’était juste un d’ ces putains de cauch’mars. »
En écoute : « Autumn’68 », Pink Floyd
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Précédent : Chapitre 15 :Médecine douce // Suivant : Chapitre 17- Maison et Magie
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La Balance des Dragons // Chapitre 15 : Médecine douce
Auteur: Douce Plume
Univers:
Dark Fantasy (inspiré du MMORPG TERA RISING -accessible même si on ne connait pas Tera)
Résumé :
Jeune alchimiste Elfe pleine d’avenir, Eveanna se voit confier une mission importante par son maitre, Hustod. Malheureusement l’aventure ne va pas se dérouler comme prévu. Elle devra fuir tout ce qu’elle connait, entrainée malgré elle par un archer pervers alcoolique et une ex- Lancière devenue marchande de chaussures. Pourra-t-elle retrouver sa vie ou devra-t- révéler son potentiel de sorcière pour sauver les dragons de la folie ?
Mises en garde : Blessures (brûlures)
>>MASTERLIST<<
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Chapitre 15: Medecine Douce
Griffeuille fit aussi vite que possible pour les mettre en sécurité. Malgré les détours qu’elle imposait au groupe pour éviter d’être suivis, elle réussit à atteindre la maison d’ Yrlyg deux heures après minuit.
Elle descendit de son cheval et l’attacha devant la maison. Elle fit de même avec celui qu’elle guidait par la bride depuis le début et sur lequel était solidement attaché Ale. Elle dénoua ensuite les liens qui empêchaient l’Archer de tomber de sa selle et ordonna à l’Elfe :
- « Occupe-toi des bêtes pendant que je me charge de lui. Quand tu auras fini, viens nous rejoindre à l’intérieur.»
Elle parlait à voix basse maison se sentait tout de même obligé d’obéir.Eveanna s’exécuta à toute vitesse sans poser de questions.Elle descella leurs montures et les mena dans l’enclos,déjà approvisionné en eau et en nourriture, derrière la maison. Lorsqu’elle eut terminé, elle se dépêcha de rentrer.
Elle fut accueillie par des cris et une forte odeur de chair brulée provenant de la cuisine.Griffeuille tentait de maintenir Ale à plat ventre sur la table alors qu’ Yrlyg s’occupait des blessures sur son dos et l’arrière de ses cuisses. L’Archer se débattait de toutes ses forces en hurlant :
- « Non !
- Arrête de bouger ! », ordonna la Lancière.
- « Non !
- Ale…
- Tu perds ton temps !
- Ale, c’est Griffeuille. Calme- toi !
- Libère-moi ! »
Il se débattait tellement qu’ Yrlyg n’avait réussi qu’à enlever les vêtements brulés. L’ Elin s’arrêta un moment pour reprendre son souffle : le soigner tenait plus du rodéo que de la médecine. Elle avait déjà failli se retrouver par terre au moins trois fois et elle n’avait pas encore commencé la partie délicate.
- «Je commence à enlever la peau brulée. » prévint-elle, « c’est le plus douloureux. »
Griffeuille hocha la tête et réaffirma sa prise. Yrlyg reprit ses soins en essayant de ne pas chuter du tabouret sur lequel elle était montée. Aledaran poussa un cri de douleur déchirant dès qu’elle le toucha et se débattit de plus belle :
- « Arrête de bouger. C’est moi, c’est Gri !
- Non ! » cria-t-il, au supplice.
Eveanna réprima en vain un petit gémissement, les larmes aux yeux. Elle se tenait à l’entrée de la cuisine, serrant nerveusement les mains l’une contre l’autre, impuissante spectatrice de l’infortune de son compagnon.
Yrlyg l’invita d’un geste à les rejoindre avant de recommencer à tirer la peau abimée avec sa pince et ses ciseaux. Mais elle dû toucher une partie particulièrement sensible car l’archer se mit à hurler de plus belle et la poussa en bas de son perchoir.
- « Arrête, on te soigne, tête de mule ! » lui cria-t-elle en se relevant.
- J’dirais rien !
- Je sais», lui grogna Griffeuille qui avait de plus en plus de mal à le maintenir. « on n‘arrivera à rien comme ça. Il faut qu’il se calme.
- Tant qu’il hallucinera, il se débattra », soupira Yrlyg qui se tourna soudain vers Eveanna « tu pourrais faire un sédatif ?
- Bien sûr. Mais vu la quantité d’alcool qu’il a bu, lui administrer un tranquillisant serait dangereux…ça pourrait le tuer »
- Et un anesthésiant ?
- Même chose…. » dit l’Elfe en blêmissant à l’idée que sa Maitresse veuille quand même essayer.
L’ Elin remonta sur son tabouret en jurant, sa petite queue fouettant l’air derrière elle.
- « Ça ne m’arrange pas qu’il meurt. Donc il faut qu’il dessaoule. Mais on ne peut pas attendre qu’il évacue tout l’alcool naturellement, ses brulures sont trop étendues » dit-elle, poursuivant son raisonnement à voix haute. « et un filtre pour éliminer l’alcool ? »
- Oui ! », s’exclama Eveanna. « Mais…
- Mais quoi ? », s’agaça Yrlyg.
- Mais il faudrait attendre quatre heures entre l’administration du filtre et celle de l’anesthésiant.
- Il faudra qu’il encaisse, ça lui apprendra à picoler.
- Maitresse… » supplia l’Elfe.
- Obéis ! » la réprimanda la Dame.
L’Elfe rabattit ses oreilles vers l’arrière et se tourna vers le plan de travail. Elle aurait pu jurer que la maison avait tremblé sous le grondement d’ Yrlyg. Évidemment c’était impossible. Les maisons ne grognaient pas et les Elins ne poussaient pas des grondements à faire trembler un bâtiment.
Elle se ressaisit et commença sa préparation. Ses mains virevoltaient avec agilité à droite et à gauche, attrapant les récipients et ingrédients plus vite que jamais. Ne sachant pas ce que voulait utiliser sa Maitresse, elle prépara du baume ultra-cicatrisant en plus des potions de soin et du filtre.
Le filtre fut terminé en premier. Elle le versa dans un grand verre et se retourna vers Ale. Yrlyg ne le touchant plus, il avait cessé de se débattre. Mais Griffeuille le tenait toujours fermement. Elle fit un petit signe d’encouragement à l’Elfe qui approcha doucement la mixture des lèvres du blessé:
- « Ale, bois-ça. Ça te fera du bien.
- Non ! », hurla-t-il en tentant de se dégager.
Eveanna eut un mouvement de recul et manqua de renverser le filtre. Il avait failli la mordre. Lui administrer cet antidote allait être plus compliqué que prévu. Même si elle arrivait à lui mettre le liquide dans la bouche, elle était sûre qu’il allait lui recracher au visage. Il lui fallait un plan, une ruse, autre chose qu’un verre. Une pipette !
Elle avait examiné tous les recoins de la cuisine en faisant ses préparation mais n’en avait vu aucune. Elle regarda encore, histoire d’être sûre, et tomba dessus dès le premier tiroir ouvert. Fascinant Elle soupçonnait fortement un enchantement mais n’avait malheureusement pas le temps de s’attarder sur la question.
- « Maitresse Yrlyg, pourriez-vous lui relever la tête je vous prie ? » demanda l’Elfe en prenant bien soin d’utiliser le protocole Elfique.
- « Avec plaisir chère apprentie.»
La petite rousse avait perdu sa patience. Elle attrapa Ale sans ménagement et lui tint la tête sans tenir compte de ses plaintes. Eveanna serra les dents face à ce mauvais traitement mais ne fit aucuns commentaires. Elle s’était déjà faite renvoyée une fois et elle avait retenu la leçon.
- « Je suis désolée », plaida-t-elle en lui injectant le liquide gluant entre les lèvres.
Elle dû lui maintenir la bouche fermée jusqu’à ce qu’il déglutisse. Cela leur parut une éternité pendant laquelle la Lancière dû batailler ferme contre ses soubresauts. Heureusement les effets se firent sentir très rapidement et, au bout de cinq minutes, il cessa de s’agiter. Ce fut l’ Amane qui prit la parole :
- « Ale, tu m’entends ? »
L’Humain toussa et essaya de bouger, sans succès. Cependant il répondit :
- « Griffeuille ? Qu’est-ce que tu fous ? Et j’suis où putain ?
- Tu es sur la table de ma cuisine et on te fait dessaouler », bougonna Yrlyg.
- « D’habitude ça fait plus mal au crane qu’à mes arrières », se plaignit-il. « Gri, pourquoi tu m’fais un câlin ?
- Pour t’empêcher de mordre mon apprentie ! »rétorqua l’ Elin.
- « Tu as refait un de tes cauchemars à cause de l’alcool et la douleur » expliqua l’ Amane. « Je peux te lâcher ?
- Ouais. »
Elle desserra sa prise afin qu’il puisse bouger mais la souffrance le cloua à la table.La pièce s’arrêta de tourner cependant il se sentait toujours déboussolé. Il souffla et prit un instant pour rassembler ses souvenirs:
- « Ok. J’ai été à Port Coupe Gorge pour chercher le paquet. J’ai fait une pause parce que j’avais soif.Et ensuite je me souviens juste d’une explosion. Merde c’ quoi cette puanteur ? Vous faites du porcidé rôti au lieu d’ me soigner ou quoi ?
- Heu… pas vraiment. » dit Eveanna, mal à l’aise. « C’est toi qui sent comme ça. L’explosion … tu étais devant moi et… tes brulures sont très graves, il faut te soigner au plus vite. »
L’Archer releva la tête en grognant et observa l’Elfe :
- «Toi aussi t’es blessée. Regarde tes bras. Qu’est-ce qui s’est passé bordel?
- Je pense à une embuscade… » commença Griffeuille.
- «Bon ! » coupa l’ Elin, « D’habitude j’aime bien papoter dans la cuisine mais le temps presse. Eveanna tu retournes à tes potions, on s’occupera de tes bras ensuite. On utilisera les baumes : ça laisse moins de cicatrices et ça fait moins mal quand la peau repousse. Nous garderons les potions pour les cas d’urgence.
- �� Filez-moi une potion qu’on en finisse » exigea Ale
- «D’abord on doit enlever la peau brûlée », tempéra l’Amane.
L’Humain soupira. Il en avait vu d’autres mais, sans magie de soin, les brulures étaient plus douloureuses à traiter que le reste. Yrlyg se préparait à se remettre au travail lorsqu’ Eveanna vint en renfort armée d’une pince et de ciseaux commodément trouvés dans le premier placard venu.
- « Déjà fini ? Parfait ! » s’exclama l’ Elin.« Mets-toi à côté de moi et regarde bien, je vais te montrer ». Puis, s’adressant à l’archer : « Toi tu prends une grande respiration et tu ne bouges plus.»
L’Elfe regarda les blessures plus attentivement. Elle n’avait jamais vu de brulures si étendues et si profondes. Elles démarraient au niveau des omoplates jusqu’en bas du dos et s’étalaient sur une partie des cuisses. De larges bandes de cloques et de peau noircie parcouraient encore les plaies. De plus de petites échardes de bois et de métal piquetaient l’ensemble.
Aledaran s’attendait à ce que ça fasse un mal de chien et il ne fut pas déçu. Il saisit les pieds de la table à pleine main et les serra jusqu’à ce que ses doigts deviennent blancs.Il ferma ensuite les yeux et pria pour que ça ne dure pas trop longtemps. Il avait l’habitude de souffrir en silence mais l’intensité du supplice le fit réclamer :
- « Dites les barbares, pourriez pas m’faire une anesthésie au moins ?
- Il faudra t’en passer. » s’agaça l’ Elin. « Selon notre Experte en Alchimie, t’en administrer une dose juste après le filtre aurait de graves effets secondaires. Et je ne suis pas encore décidée à te laisser mourir.
- Tu d’vrais y penser d’puis l’ temps. » souffla-t-il
Yrlyg ne répondit rien mais tira un peu plus fort que nécessaire sur sa pince.
- Méchante», grinça-t-il en serrant les dents.
Griffeuille avait profité du fait qu’on n’avait plus besoin d’elle pour aller retirer une partie de sa lourde armure dans l’entrée, près de là où elle avait posé en urgence sa lance et son bouclier. Lorsqu’elle revint, Eveanna aidait Yrlyg d’une main tremblante pendant qu’Ale râlait.
Après une énième remarque de l’archer sur sa façon de traiter ses invités malgré son grand âge, Yrlyg serra les poings et trépigna. Ses yeux devinrent rouges de colère et on pouvait y voir danser de petites flammes :
- « Il suffit ! J’en ai assez. Eveanna je te laisse terminer»,explosa-t-elle en descendant de son tabouret. « Je vais m’occuper des chevaux avant d’avoir envie d’aggraver ses brulures ».
Elle traversa si vite la cuisine et la salle à manger que Griffeuille dû crier pour qu’elle l’entende :
- « Ne les mange pas, nous en avons encore besoin ! »
Eveanna sursauta. Maintenant elle en était sûre : elle rêvait et elle allait se réveiller. Sa nouvelle Maitresse semblait manger ce qui se présentait, avait un caractère plus que volcanique et des pouvoirs en conséquence. Elle frissonna à cette idée mais elle avait un énorme problème bien plus urgent à régler.
Griffeuille avait surpris son regard agrandi par l’effroi et prit les devants :
- « C’est la première fois que tu soignes quelqu’un d’aussi gravement brulé ?
L’Elfe hocha la tête pour ne pas inquiéter son patient mais celui-ci capta le mouvement du coin de l’œil et grommela :
- « J’suis sûr que tu s’ras plus douce que l’aut’ sauvage. »
L’ Amane renchérit en souriant :
- « Fais toi confiance, tu te débrouilles bien. Ale a besoin de toi et quand ce sera fini il souffrira moins.»
Encouragée par Gri, l’apprentie poursuivit donc les soins, seule. Elle eut l’impression de faire ça pendant des heures et c’était probablement le cas. Lorsqu’elle eut enfin fini d’appliquer la couche de cicatrisant, l’archer était livide et trempé de sueur. Mais le pire était passé.
- « Fini ! » dit l’alchimiste dans un soupir de soulagement. «Je me lave les mains et je peux passer aux bandages gras.
- J’en ai pas besoin » grogna l’Humain
- « Si tu en as besoin » fit Griffeuille
- «Dis donc t’es d’quel côté toi ?
- Du tien, entêté. Si tu ne mets pas ces bandages tu risques une infection.
- Oui M’man » capitula Ale, plus par fatigue qu’autre chose.
L’ Amane l’aida à se redresser puis à tenir droit, enlevant au passage les derniers lambeaux de vêtements découpés. Lorsqu’Eveanna se retourna il était debout au milieu de la cuisine dépourvu de sa chemise et de son pantalon.
- « Par le noyau, que t’es t- il arrivé ? » hoqueta l’Elfe
- « Ça t’regarde pas. » répondit- il en bougonnant d’une voix encore plus grave que d’habitude.
- Pardon, c’est juste que …. »
Sa phrase mourut sur ses lèvres avant de rester coincée dans sa gorge et d’y faire une boule. Ce qu’elle voyait dépassait ce qu’elle pouvait imaginer de pire comme tourments. Aledaran était tout entier recouvert de cicatrices de toutes les tailles et de toutes les formes. Sur son torse certaines paraissaient même dessiner d’étranges formes géométriques.
Griffeuille interrompit la discussion d’un ton sans appel :
-« On en reparlera plus tard s’il le faut mais, pour le moment, finissons ce que nous avons commencé.Le soleil va bientôt se lever et tout le monde a besoin de repos. »
Eveanna fit les bandages avec son efficacité habituelle, redoublant de délicatesse alors qu’Ale se murait dans son silence.Elle soigna ensuite ses propres blessures, bien moins graves, avec l’aide de la Lancière. Une fois terminé, ils montèrent tous se coucher, espérant que la prochaine journée pourrait leur apporter plus de réponses.
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Précédent: Chapitre 14: Tavernes et tremblements // Suivant : Chapitre 16: Cicatrices
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La Balance des Dragons // Chapitre 14 : Tavernes et tremblements
Auteur: Douce Plume
Univers:
Dark Fantasy (inspiré du MMORPG TERA RISING -accessible même si on ne connait pas Tera)
Résumé :
Jeune alchimiste Elfe pleine d’avenir, Eveanna se voit confier une mission importante par son maitre, Hustod. Malheureusement l’aventure ne va pas se dérouler comme prévu. Elle devra fuir tout ce qu’elle connait, entrainée malgré elle par un archer pervers alcoolique et une ex- Lancière devenue marchande de chaussures. Pourra-t-elle retrouver sa vie ou devra-t- révéler son potentiel de sorcière pour sauver les dragons de la folie ?
Mises en garde : Alcoolisme, Violence, Blessures
>>MASTERLIST<<
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Chapitre 14 : Tavernes et tremblements
Port Coupe-Gorge
Eveanna se matérialisa sans bruit sur un chemin isolé longeant la place centrale. Le village n’était qu’un amas de petites maisons de bois blotties au milieu de la jungle. Au loin le soleil couchant caressait les voiles des bateaux assoupis dans le port. L’air sentait la pluie et la marée. Elle s’enfonça dans l'étroite ruelle en évitant les flaques de boue.
Par où commencer ? Elle était quasi-certaine de le trouver en bonne compagnie en train de se saouler aux frais de quelqu’un d’autre. Elle se dirigea donc vers la mer, espérant y trouver les tavernes les plus animées. Le port n’était pas très grand et elle eut vite fait le tour des établissements remplis de marins ivres. A chaque fois elle décrivait Aledaran et à chaque fois on le connaissait. Mais tous était unanimes, il n’était pas venu depuis un moment. Certains avaient d’ailleurs l’air d’avoir très envie de lui mettre la main dessus.
La nuit tomba alors qu’elle sortait de la troisième taverne. Il aurait dû être là. Cela défiait toute logique. A moins qu’il soit déjà parti vers une autre ville ? Non, cela non plus n'était pas logique. La dernière option était la moins réjouissante. Il devait se trouver dans le seul endroit où personne n’avait envie d’aller le chercher.
Elle changea de direction et s’enfonça profondément dans la ville. A mesure qu’elle avançait, l’air se chargeait d’une odeur d’urine et de poisson pourri.Le quartier était sombre et d’un calme inquiétant. Arrivée à destination il ne restait que la lune pour éclairer ses pas. Un ivrogne à moitié endormi était affalé près de l’entrée, marmonnant qu’il avait un rêve.
Elle franchit la porte d’un pas mal assuré. La taverne tenait les promesses de son apparence extérieure. L’unique salle était petite et sombre. A sa gauche le tavernier frottait sans entrain son comptoir crasseux où cuvaient deux épaves. Un silence pesant régnait. Ici on buvait sans joie.
La jeune elfe prit son courage à deux mains et balaya la pièce du regard. Par chance il y avait peu de clients et aucun ne prêta attention à elle. Elle repéra vite son compagnon. Il était assis seul à une table tout au fond de la pièce, l’air maussade. Le nez dans son verre, il ne la vit pas s’assoir en face de lui.
- « Aledaran ?
- Ouais c’moi «
Il leva les yeux et la regarda sans la voir. C’était mal parti : il était complétement ivre.
- « Tu me reconnais au moins ? «
L’archer soupira et se frotta le crâne, essayant de reprendre ses esprits.
- « Ouais. T’es la grande blonde aux gros seins. Cellequi prend feu. «
Eveanna s’empourpra et se retint de faire un commentaire désobligeant :il fallait absolument qu’elle le ramène.
- « … je suis venue te chercher.Yrlyg nous attends.
- Qu’elle attende encore, j’ai pas fini mon verre. «
Il porta le gobelet à ses lèvres et le vida en entier.Il fit ensuite signe au tavernier et ajouta :
- « Ni celui d’après d’ailleurs.
- Ale, on ne peut pas rester ici…
- Pourquoi pas ? Y’a plein à boire.
- Ale j’ai promis à Yrlyg…
- T’aurais jamais dû. Tu sais c’qu’elle te f’ra si tu tiens pas parole ?
- Non, mais tu…
- Elle te tuera. «
Eveanna écarquilla les yeux de surprise et soupira. « C’était incroyable ce qu’il pouvait inventer pour ne pas repartir », se dit-elle. Devant son air incrédule, il reprit.
- « J’suis sérieux. Elle te tuera. Elle déchain’ra le feu sur toi et p ’t’ être même qu’ensuite elle te mangera. Si elle a faim.
- Je… «
La sorcière allait lui répliquer que l’alcool le rendaitimaginatif mais elle se ravisa.
- « Alors… il vaudrait mieux rentrer. Sinon … elle nous tuera tous les deux. «
Ale regarda son verre avec une incommensurable tristesse.
- « Si seulement…
- Ale ? «
Eveanna avait attrapé la main d’Aledaran pour essayer de le ramener à la réalité. Ses doigts étaient à tel point couturés de cicatrices qu’elle faillit avoir un mouvement de recul. Elle tint bon et tenta une approche différente:
- « Ale, j’ai froid aux pieds.
- Hein ?
- Le paquet qu’Yrlyg t’as demandé de ramener, ce sont mes chaussures. Tu n’as pas négocié avec la Dame pour me laisser comme ça, si ? «
Le tavernier interrompit leur discussion en posant devant chacun d’eux un petit verre remplie d’une mixture sombre peu engageante. Il reluqua l’Elfe puis lança un regard à l’archer, un petit sourire aux lèvres. La sorcière le foudroya du regard jusqu’à ce qu’il s’en retourne à son comptoir. Ale en profita pour retirer sa main etboire son verre cul-sec.
- « Sous la table. Mets-les tout d’ suite, on y va.
- D’accord mais cette fois, on paye ! »
Elle s’empressa d’attraper le paquet. Alors qu’elle enfilait ses chaussures, Ale s’était levé et avait attrapé le verre restant qu’il avala d’une traite. Il tenta de marcher et faillit s’affaler contre la table. Eveanna eut à peine le temps de le rattraper.
- «On dirait que tu n’as pas vidé qu’une seule bouteille toi…
- C’est possible.
- On va y aller doucement alors».
Aledaran tenait à peine debout. L’elfe se demandait ce qu’il avait bien pu subir pour avoir besoin de boire autant. Elle soutenait à grand peine son compagnon, bien plus lourd qu’elle. Ils marchaient à petits pas en faisant des écarts dans une sorte de danse bancale. Ils dépassèrent le comptoir sous l’œil morne du tenancier.
- « Dis… je n’ai pas d’argent et tu n’es pas en état de courir. Tu es sûr que c’est raisonnable ?
- T’inquiète, l’endroit est à moi.
- Tu .. quoi ? tu as acheté la taverne ????
- Ouaip. Mais dis rien à la vieille sinon elle va raser l’ port. »
Il ricana, ce qui le fit tituber de plus belle et manqua de les faire tomber.Ils reprirent leur marche encore plus lentement, franchissant enfin la porte. La brise nocturne les accueillit à l’extérieur, faisant frissonner l’Elfe. Il fallait maintenant rentrer. Aller vers le port semblait la meilleure solution.
L’Elfe dirigea ses pas avec difficulté dans la bonne direction. L’archer reprenait un peu ses esprits grâce au vent frais de la nuit, mais pas assez pour marcher tout seul.Il vacilla et s’arrêta un instant. Ce qu’il était lourd. Cela devait venir de tout cet entêtement.
Il se tourna vers Eveanna et s’empêcha de tomber en se rattrapant au mur derrière elle. Il était trop près mais la jeune sorcière ne pouvait pas reculer plus, son épaule touchant déjà les planches rêches du mur. Cette situation ne lui plaisait pas, son cœur battait trop fort à son gout.
Soudain Aledaran posa une main sur sa joue et la regarda dans les yeux :
- « Tu lui ressembles tellement… »
Elle allait demander des détails mais sa question n’eut pas le temps de franchir ses lèvres. Une énorme déflagration retentit et souffla une partie de la taverne, les projetant au sol. Elle se retrouva écrasée sous l’archer qui, le dos tourné à l’explosion, avait encaissé le plus gros des dégâts.
Sonnée et à moitié sourde, elle essayait de se dégager tant bien que mal. Elle appelait l’Humain et le poussait de toutes ses forces mais il ne réagissait pas. Il semblait avoir perdu connaissance. Autour d’eux les flammes consumaient les planches du bâtiment détruit et la fumée s’épaississait à vue d’œil. Il fallait absolument qu’elle se relève.
Enfin, au prix d’un effort titanesque, elle finit par le faire rouler sur le côté. Alors qu’elle se remettait debout, elle vit à ses pieds une boule métallique animée d’une pulsation bleue. Elle n’eut pas le temps de réagir qu’un énorme pied recouvert de plaques surgit pour la renvoyer au loin. La boule explosa avec force, heureusement hors de leur portée.
Eveanna leva les yeux et découvrit une Amane immense la surplombant. Deux longues nattes descendaient le long de sa lourde armure argentée reflétant les flammes. Aux rares endroits de son corps non couverts de métal, on distinguait un mélange de peau et de pierre d’un brun doux. Sa main droite brandissait une lance gigantesque et son bras gauche tenait fermement un grand bouclier aux renforts d’acier.
La lancière lui parlait mais Eveanna ne pouvait que voir ses lèvres bouger tant ses oreilles bourdonnaient. L’ Amane l’attrapa et la fit s’agenouiller près d’Ale, lui intimant par gestes de rester à terre. La lancière se plaça devant eux et les couvrit de son bouclier pendant que l’Elfe s’assurait de l’état de l’archer. Ses blessures semblaient sérieuses mais il respirait encore.
Autour d’eux le feu se propageait et l’épaisse fumée âcre les empêchait de voir quoique soit. Mais ce n’était pas le cas de leur adversaire qui avait repéré leur position et poursuivait son bombardement. Une seconde détonation retentit. L’air crépita autour d’eux et se chargea d’énergie avant d’exploser en sphères de lumières bleues. Les flammes et les explosions se disputaient le prix de la lumière la plus intense. L’ Amane, aveuglée, leva instinctivement son bouclier pour encaisser le choc.
Les décharges et les bombes semblaient venir d’un endroit différent à chaque fois. L’ennemi se déplaçait sur la colline les surplombant mais l’épaisse fumée rendait toute réplique impossible. Le groupe ne pouvait que rester à l’abri alors que les coups répétés faisaient gronder le bouclier de la Lancière et la terre tout autour d’eux.Ils étaient bloqués et la fumée commençait à les priver d’oxygène.
L’attaque suivante fut bien plus forte et obligea l’Amane à enfoncer profondément ses pieds dans le sol pour absorber le choc d’une triple décharge d’énergie. Elle soupira de mécontentement alors qu’un rire s’élevait au loin suivi de cliquetis inquiétants. Raffermissant sa prise sur son bouclier chauffé par les flammes, elle commença à chercher une issue du regard. En vain.
Eveanna n’arrivait plus à respirer et elle ne pouvait rien faire pour Ale dans cette fournaise. La lancière pouvait les couvrir mais elle n’aurait jamais l’allonge nécessaire pour toucher leur assaillant sans quitter sa position. Le stress faisait courir de petites flammes le long des mains de la sorcière. Il fallait qu’elle fasse quelque chose avant que le feu reprenne le dessus sur sa magie.
Elle glissa sa main dans son sac et attrapa son pâle disque de combat.Il n’était pas très puissant mais leur donnerait l’allonge nécessaire pour une contre-offensive. Elle se concentra et fit planer son arme à quelques centimètres de sa paume avant de se coller contre le dos de l’Amane, attirant son attention, puis lui mimant son plan.
Cette dernière grogna son approbation tout en encaissent une nouvelle volée ��d’explosifs.Eveanna profita du temps de recharge de l’arme de l’assaillant pour répliquer.Elle envoya plusieurs boules de feu dans la direction des derniers tirs. Aucunes n’atteignirent leur cible mais cela suffit à agacer leur adversaire qui les arrosa d’une rafale puissante en représailles.
L’Elfe se replia de justesse derrière l’Amane qui ne bougea même pas d’un pouce alors que son bouclier vibrait encore sous l’impact.
- « Recommence !, cria-t-elle
- QUOI ?, hurla l’Elfe sourde en retour
- RECOMMENCE !
- NON ! «
Elle était paralysée par la peur et les flammes grandissaient sur ses bras. Entendant les cris, Aledaran se réveilla à moitié, grognant de douleur et toussant à cause de la fumée. Il tenta de se relever mais retomba, inconscient.
- « RECOMMENCE ! hurla l’ Amane entre deux explosions tonitruantes
- JE…PEUX PAS… je… «
Dès que la Lancière entendit le cliquetis de rechargement de l’arme, elle posa sa lance, planta son bouclier dans le sol et agrippa la sorcière à deux mains pour la jeter en avant vers le champ de bataille.
- « RECOMMENCE !» hurla-t-elle à nouveau, « RETOURNE- LUI TES FLAMMES SINON NOUS SOMMES MORTS ! »
L’Amane avait raison. Si le feu voulait sortir alors autant qu’il serve à quelque chose.Tremblante, l’Elfe se concentra de toutes ses forces et appela sa magie. Le bras tendu vers le ciel, la paume vers le haut, elle fit voler son disque au maximum de sa puissance. Son arme se mit à tournoyer si vite qu’elle avait peur qu’il se brise. Mais ce n’était pas suffisant, elle n’avait le droit qu’à un seul essai.
La terreur faisait courir le feu sur l’ensemble de son corps. L’Elfe ressemblait maintenant à une statue de flammes au milieu du brasier. Face à la menace, ses pensées s’emballèrent. Elle était en première ligne, sans protection. Elle n’avait rien demandé et maintenant elle frôlait la mort deux fois par jour. Est-ce qu’on lui demandait son avis ? Est-ce qu’on s’inquiétait pour elle ? Elle suffoquait sous le poids de la peur et de la magie. Elle voulait que tout cela cesse. Que cette bataille idiote s’arrête.
La colère emporta la peur tel un raz de marée. Levant la main toujours plus haute, elle convoqua le feu comme elle ne l’avait jamais encore fait. La température augmenta autour d’elle à mesure qu’elle aspirait les flammes de l’incendie de la taverne. Le disque prit une telle vitesse qu’il gémissait et crépitaient de petites étincelles. Une tornade de feu entourait son bras tendu surmonté du disque chauffé à blanc.
- « BRULE ! «
Elle déchaina les flammes loin devant elle sur ce qu’elle supposait être la position de l’assaillant. Une intense lumière déchira le ciel, virant à l’écarlate avant d’accoucher d’une tempête incandescente. D’énormes boules de feu tombèrent par rafales, écrasant et carbonisant la végétation de la colline. Des cliquetis et des jurons s’élevèrent au loin. Puis… rien.
Eveanna avait du mal à reprendre sa respiration et dû mettre un genou à terre pour ne pas s’effondrer, à bout de forces.Machinalement elle replaça son disque encore chaud dans son dos et tenta de reprendre ses esprits. Son feu s’était apaisé en ayant partiellement rasé la colline heureusement dépourvue d’habitations. Leur adversaire s’était enfui, blessé peut-être. C’était fini.
La sorcière, bien qu’épuisée, se força à se lever et à se retourner. Derrière elle la taverne n’était plus qu’une ruine fumante et des gens étaient morts. Elle ne comprenait pas pourquoi on les avait attaqués avec une telle violence. Ni pourquoi on les avait aidés. Elle tituba jusqu’à ses compagnons et s’effondra près d’eux plus qu’elle ne s’agenouilla.
L’Amane était penchée sur le corps de l’archer inanimé et releva la tête en l’entendant l’approcher :
- « Eveanna, ça va ? Demanda-t-elle
- Oui je crois. Mais comment... ?
- Il faut partir. Maintenant.
- Quoi ? Mais qui … «
Grifeuille ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase et se leva pour replier sa lance et remettre son bouclier :
- « Je m’appelle Grifeuille. Yrlyg m’envoie.
- Yrlyg ?, Mais…et les blessés ?
- Les soigneurs vont arriver. Nous on part. «
Eveanna n’en revenait pas. Il y avait des blessés, beaucoup de dégâts, et il fallait fuir comme une voleuse à nouveau? La Lancière avait remarqué son air effaré et lui répondit fermement en la regardant droit dans les yeux :
- « Cette attaque vous ciblait. On cherchera le pourquoi plus tard. Mon boulot c’est de vous mettre en sécurité. «
Elle n’attendit pas de réponse et se baissa pour attraper Aledaran. Elle le déposa sur son épaule comme s’il ne pesait rien, veillant à ne pas le cogner contre son bouclier puis se mit en marche, ignorant ses gémissements. Voyant que la sorcière ne bougeait pas, elle l’attrapa par le bras et l’aida à avancer. Cependant la progression était laborieuse et trop lente au gout de l’Amane. Au bout d’un pâté de maison elle lui lança :
- « Ça ne va pas ?
- Plus de forces », haleta l’Elfe
- « Tu as des potions ? »
Les potions ! Avec tout ça elle avait encore failli les oublier. Sa tête tournait mais elle réussit tout de même à faire fonctionner son sort de rappel. Elle glissa sa main dans son sac et en sorti une fiole lisse remplie d’un liquide rouge. Mais alors qu’elle allait la déboucher, la Lancière lui glissa :
- « Prends plutôt la bleue.Ta mana est à sec :c’est ça qui te ralenti, pas tes blessures »
Eveanna s’exécuta et avala sans protester la potion bleue au gout amer. Elle sentit la magie affluer dans ses veines et sa respiration s’apaiser. Ses joues retrouvèrent presque instantanément des couleurs.
- « Et pour lui ? » demanda l’Elfe en désignant le blessé. « On ne pourrait pas lui donner une potion de soin pour le soulager ?
- Impossible. Cela soignerait les brûlures avec les échardes et les morceaux de vêtements dedans. Il faut d’abord nettoyer.
- Alors on va l’emmener comme ça ?
- Oui. Il faudra qu’il tienne le coup jusqu’à la maison d’Yrlyg. »
Devant l’air inquiet de la sorcière, elle ajouta :
- « J’ai caché des chevaux près du port, juste à l’orée de la jungle. Mais il faut faire vite : ses blessures sont graves et on a peut-être été suivis. «
Joignant le geste à la parole, l’immense Amane repartit dans la nuit d’un pas décidé, Eveanna sur ses talons.
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Précédent : Chapitre 13: La lance de Kaia // suivant: Chapitre 15 :Médecine douce
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