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#Expoositions
journaljunkpage · 6 years
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GALERIE DES VISAGES
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Anna Maisonneuve / L’Hôte ou Le dernier repas, Jacques-Émile Blanche, 1891-1892. - © C. Lancien - C. Loisel - Falerie Samarcande - Stéphane Marechalle
En partenariat avec la Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie, la chapelle du Carmel de Libourne offre un passionnant focus sur l’oeuvre du peintre Jacques-Émile Blanche qui a réalisé les portraits du Tout-Paris fin de siècle.
On ne le sait pas forcément, mais le musée des Beaux-Arts de Rouen abrite un véritable trésor. « Ils ont une collection impressionniste incroyable, la plus belle après Orsay », renseigne Thierry Saumier, le directeur du musée des Beaux-Arts de Libourne. C’est toutefois à l’un de ses autres volets iconographiques que nous convie l’exposition à la chapelle du Carmel de Libourne à l’occasion d’un partenariat inédit avec l’institution rouennaise. En l’occurrence, celui du peintre Jacques-Émile Blanche. « Aujourd’hui, c’est là qu’est conservé le plus important fonds de ses oeuvres », poursuit Thierry Saumier. La raison ? À partir des années 1920, d’importantes donations vont y être effectuées par Blanche lui-même, puis, à son décès, par sa famille. Ce tropisme normand s’explique en raison des liens intimes tissés par l’artiste. Depuis les escapades estivales, qui ont bercé son enfance, jusqu’à son installation dans le manoir du Tôt à Offranville à partir de 1902 et sa mort en 1942. Mais revenons au commencement.
Fils et petit-fils d’éminents aliénistes, le jeune Blanche grandit au milieu des fous. En réalité, la clinique fondée par son grand-père et reprise par son père s’apparente moins à un hospice destiné exclusivement aux démences incurables qu’au refuge incontournable d’une clientèle aisée, bourgeoise ou arty en proie à quelque crise passagère ou autre dépression. Néanmoins, dans ce qu’on appelle « la Maison du docteur Blanche » s’expérimente une psychiatrie moderne. Ainsi, lorsqu’ils ne sont pas jugés violents, les excentriques pensionnaires circulent librement dans la maison, le jardin et se fondent dans l’univers quotidien du jeune garçon. Cet environnement atypique, dit-on, le préparera à l’observation minutieuse de ses contemporains.
Un temps tiraillé entre différentes disciplines qu’il manie toutes avec aisance comme le piano, le dessin, la prose romanesque ou la critique d’art, Jacques-Émile Blanche s’engage dans la peinture. À ses débuts, cet élève de Gervex s’essaie au symbolisme comme le révèle ce très grand format exposé à Libourne. Titrée L’Hôte, l’imposante toile revisite un sujet biblique dans une facture moderne qui esquisse les prémisses de ses futurs portraits. Dans cet épisode de L’Évangile selon Luc, deux hommes modestes du village d’Emmaüs offrent l’hospitalité au Christ sans le reconnaître jusqu’à ce que ce dernier ne prenne le pain pour prononcer la bénédiction lors du souper. Traitée à la manière des Hollandais et des Flamands, la scène de Blanche détonne. Le buffet, la vaisselle, la table, sa nappe damassée comme l’accoutrement synchronique des différents protagonistes se rapprochent plus d’une vision moderne que du thème religieux classique. De fait, l’artiste a pioché ses modèles dans son entourage. On y croise sa mère, la fille du serrurier, un ouvrier, un artisan de sa rue comme aussi le peintre Louis Anquetin. Daté de 1891, ce tableau sera son unique contribution au symbolisme. Car, pour le reste, Blanche s’est surtout distingué par les nombreux portraits qu’il a réalisés de ses contemporains du monde des arts et des lettres. Son plus célèbre est sans doute celui du jeune Marcel Proust, conservé à Orsay, représenté à l’âge de 21 ans dans une pose hiératique, visage ovale et orchidée à la boutonnière quand il n’était encore que chroniqueur mondain. À Libourne, sont présents les non moins légendaires François Mauriac, Francis Jammes, André Gide, George Moore, Jean Cocteau, Max Jacob, Paul Valéry, Paul Claudel, Raymond Radiguet ou encore la mine défaite d’un Igor Stravinsky croqué au lendemain de la première représentation de son Sacre du printemps qui fait scandale le 29 mai 1913 au théâtre des Champs-Élysées. Réalisée dans un style raffiné avec l’acuité d’un regard capable de saisir les intériorités parfois peu flatteuses de ses modèles, l’impressionnante galerie de Jacques-Émile Blanche se fait aussi le témoin captivant d’une époque qui s’étend de la fin du xixe siècle au début de la Seconde Guerre mondiale en passant par la Belle Époque et les années folles…
« Jacques-Émile Blanche - Le peintre aux visages », jusqu’au samedi 22 septembre, chapelle du Carmel, Libourne (33500). www.ville-libourne.fr
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journaljunkpage · 6 years
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OCEANO NOX
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Marc A. Bertin / Jack et Charmian à bord du Snark - © Courtesy of Jack London Papers
Initiée par le musée d’Arts africains, océaniens, amérindiens (MAAOA) de Marseille, en coproduction avec la Compagnie des Indes, l’exposition « Jack London dans les mers du Sud » fait escale à Bordeaux, au musée d’Aquitaine. Dans le sillage du légendaire écrivain, une invitation à revivre son incroyable odyssée, effectuée sur son voilier, le Snark, à travers les îles du Pacifique Sud, entre 1907 et 1909.
Paradoxalement, l’auteur de L’Appel de la forêt semble associé pour l’éternité au Klondike et au froid. Or, dès 1905, avec Le Loup des mers, le Californien dévoile sa relation intime avec le Pacifique. Il faut dire que ses glorieux aînés – Robert Louis Stevenson et Herman Melville – ont exercé une influence notable sur son imaginaire, de même que l’étonnante figure du comte hongrois Festetics de Tolna, aristocrate et aventurier, qui fit construire son navire à San Francisco (la ville natale de London) et partit en couple dans les mers du Sud entre 1893 et 1896. En 1907, Jack London, sa deuxième épouse, Charmian Kittredge, et un équipage amateur (dont Roscoe Eames, l’oncle de Charmian, s’improvisant capitaine alors qu’il n’y connaît rien) embarquent à Oakland, Californie, à bord du Snark, un voilier de 17,5 mètres spécialement conçu pour cette aventure et dont la longue construction fut retardée par le grand incendie de San Francisco en 1906. Son rêve ? Voyager sept ans autour du monde. Ce fol espoir se brise vite sur le réel car pour rejoindre l’archipel d’Hawaï, il faut affronter 4 000 kilomètres sans escale, les tempêtes, les défauts de construction du voilier et le manque de préparation. Toutefois, fidèle à sa réputation d’autodidacte, London l’intrépide apprend la navigation, à tracer sa route au sextant, lui modeste moussaillon. Cette première escale, au goût parfois amer (l’annexion par le gouvernement nord-américain d’un royaume, la suffisance des Haole – les Blancs– , la colonie des lépreux de Molokai), dure cinq mois. En effet, ce périple financé par la vente de récits aux journaux tourne à la banqueroute, tout le monde ayant cru à un naufrage. Il faut donc pisser la copie, mais au paradis, à Pearl Harbor. Le couple explore à cheval les splendeurs d’Oahu et de Maui, découvre le surf, ce « sport royal » pratiqué jadis par les dignitaires, désormais incarné par George Freeth. Cap alors vers les Marquises et la Polynésie française. Le Snark jette l’ancre à Nuku Hiva où Jack et son épouse parcourent la mythique vallée de Taïpi (décor du roman autobiographique éponyme de Melville, paru en 1846). L’émerveillement est constant, la lucidité du journaliste aussi face à des populations décimées par l’asthme et la tuberculose et l’autoritarisme grotesque de l’administration française (et du gendarme Cruchot). Heureusement, il y a le gramophone Victor et une collection de disques que l’on débarque pour égayer les soirées avec les autochtones. Sans compter cette maison d’hôtes, à Taihoe, où s’arrêta Stevenson ! Dans les îles de la Société (Tahiti, Moorea, Raiatea, Bora Bora…), les London se lient d’amitié avec Tehei, pêcheur polynésien qui leur apprend à pêcher sur une pirogue à balancier et décide de les accompagner pour le reste du voyage. Un réconfort bienvenu car, une fois encore, la presse avait annoncé leur disparition. Terribles conséquences en cascade – saisie et fermeture des comptes bancaires – obligeant le couple à regagner au plus vite San Francisco, interrompant sa croisière. Les joies du courrier en souffrance, que l’on lit à chaque escale… De retour à Tahiti, il faut travailler d’arrache-pied, échapper aux huissiers. Dans cette étrange atmosphère, London rédige son chef-d’oeuvre, Martin Eden, qu’il a débuté lors de la traversée entre Hawaï et les Marquises. Puis, vient la Mélanésie, plus reculée, plus sauvage, dont le cannibalisme fascine à l’époque le public occidental ; les redoutables casse-têtes ramenés suffisent à provoquer l’effroi. Dans l’archipel des Samoa, on se recueille sur la tombe de Stevenson, sur le mont Vaea, à Upolu, face à l’océan – « Je ne me serais jamais écarté de ma route pour visiter le tombeau de n’importe quel autre homme au monde. » Aux Fidji, aux Nouvelles-Hébrides (Vanuatu) et aux îles Salomon, l’hospitalité le dispute à la splendeur des cérémonies traditionnelles et à la beauté des danses. Néanmoins, les tensions existant entre planteurs et populations locales, littéralement réduites en esclavage et déplacées d’île en île par l’incessant ballet des blackbirders, occupent les esprits. Le désastre, hélas, n’est pas loin. Dans les îles Salomon (« si j’étais roi, j’exilerais mes pires ennemis au îles Salomon »), la santé de l’équipage ne cesse de se dégrader. London, gravement malade, se résigne et gagne Sydney, en Australie, pour se faire soigner. C’en est fini, chacun part de son côté. Après 27 mois d’absence, retour dans le ranch de Glen Ellen, dans la vallée de Sonoma. Outre ses récits (Contes des mers du Sud, La Croisière du Snark, Fils du soleil, L’Aventureuse…) et les centaines de photographies prises par Martin Johnson, qui poursuivra cet idéal en réalisant des documentaires, Jack London ramène de précieux objets ethnographiques. Comme le souligne Marianne Pourtal Sourrieu, responsable du MAAOA, voici « une aventure dans tous les sens du terme, parfois un rêve, parfois un cauchemar, mais une ouverture sur l’Autre avec toujours ce souci de découverte et d’altérité qui animait cet écrivain ».
« Jack London dans les mers du Sud », jusqu’au dimanche 2 décembre, musée d’Aquitaine. www.musee-aquitaine-bordeaux.fr
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