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#Ădito : Les deux citĂ©s poke @LeclercGerard re http://t.co/Le6sPQICbs
â BenoĂźt (@Benoitzinho)
31 Mars 2015
Ădito : La crise Ă©conomique du SalutÂ
on voudrait que je me rĂ©jouisse de la vague bleue ou que je me dĂ©sole de la noyade rose, pourtant ma joie et ma dĂ©solation sont tout ailleurs. Lorsque ma citĂ© dâici-bas semble folle, mon cĆur rentre en lui-mĂȘme et fixe du regard la citĂ© dâen haut. Elle seule dĂ©cide de mes joies et de mes peines.
La politique est nĂ©cessaire et il nâest pas question de la laisser aux autres par soucis de garder nos mains propres. Cependant, toute urgente quâelle soit, elle est seconde, et peut-ĂȘtre mĂȘme tierce.
Seconde car la politique doit Ă©maner du commun de nos vies. Il nây pas de politique sans lien concret entre les hommes â âLâamitiĂ© est le lien des citĂ©sâĂ©crivait Aristote. La politique suppose toujours avant elle lâamitiĂ© et la fraternitĂ© : ne pas se dĂ©rober aux hommes, vivre livrĂ© pour nos prochains.
Tierce car la politique nâaccomplira jamais Ă elle seule cette amitiĂ© et cette fraternitĂ©. Car lâhomme providentiel, ce ne sera jamais Sarkozy, Hollande ou Marine. Lâhomme de la providence câest le Messie-Roi, Sauveur et Seigneur, qui seul rĂ©capitule en Lui lâhumanitĂ© entiĂšre en un peuple de frĂšres. Le vrai libĂ©ral, qui offre Ă tous la libertĂ© ; le vrai socialiste, offrant Ă tous lâĂ©galitĂ© ; le vrai Ă©cologiste, unifiant le cosmos entier : câest Lui, pas eux.
Oui, notre espĂ©rance câest Lui. La politique, toute urgente quâelle soit, doit ĂȘtre situĂ©e en dâhumbles limites, entre la vie morale (lâamitiĂ©) et la vie eschatologique (lâattente du Messie-Roi)1.
âCette espĂ©rance, nous la possĂ©dons comme une ancre de lâĂąme, sĂ»re et solide; elle pĂ©nĂštre au delĂ du voileâ (Hb 6, 19)
Notre cĆur, tel une ancre, est fixĂ© de lâautre cĂŽtĂ© du voile, du cĂŽtĂ© de Dieu et de son RĂšgne qui vient. Ne plongeons en politique quâĂ condition que cette ancre soit bien enfoncĂ©e. Le voile a commencĂ© de se dĂ©chirer (Cf. Mc 15, 38), la poitrine de Dieu est ouverte et la vie en jaillit. Plantons notre ancre en Lui, en son cĆur, tirons de son cĆur des biens pour le monde, attirons vers son cĆur les biens de notre monde.
Cette semaine est sainte, une crise Ă©conomique bien plus grave et bien plus fondamentale pour nos vies que celle de Wall-Street est en cours. Celle de lâĂ©conomie du Salut2 : Dieu cherche Ă nous sauver et lâoffre de son amour ne trouve que peu de demande. âLâamour nâest pas aimĂ© !â 3.
Câest du rouge et du blanc du sang et de lâeau jaillissant du cĂŽtĂ© de JĂ©sus que naissent ma peine et ma joie, pas du rose et du bleu de la carte Ă©lectorale.
Ce monde passe⊠le Messie, lui, vient.
Bonne semaine sainte Ă tous.
BenoĂźt.
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Partage pour @cahierslibres et  #SoiréeCL
« Le Cantique des cantiques »
@cahierslibres Alire aussi: "Comment lire le Cantique des cantiques" André Feuillet http://t.co/kUJJd4xkv9 pic.twitter.com/sa6gaUp9ZO
â fautpaspousser Ù (@fautpaspousser) 27 Mars 2015
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http://t.co/S5kqKCXEdN Ne pas avoir peur pic.twitter.com/C8AoUMGeKE
â Cahiers Libres (@cahierslibres) 25 FĂ©vrier 2015
il faut, pour combattre ses peurs, apprendre Ă espĂ©rer. Il faut de ce courage qui ne vient pas de nous mais, qui nous est donnĂ©. Vous aurez beau lutter, peu importe vos audaces, si Dieu nâest pas prĂ©sent vos peurs vous rattraperont.
Lâexistence sâattache Ă de maigres rĂ©alitĂ©s. LâĂ©ternitĂ©, quant Ă elle, nous dĂ©passe car elle nous est offerte. La peur sâimmisce partout : dans nos actes comme dans nos pensĂ©es. Elle est lâĆuvre du Mal, parfois de nous-mĂȘme et non du PĂšre aimĂ©. Tous les Saints ont doutĂ©, ont ressenti Ă un moment de leur existence lâangoisse de lâabandon, de la souffrance et de la mort. Sâabandonnant Ă Dieu, ils avaient compris que la plus grande grĂące qui nous Ă©tait donnĂ©e, fut simplement le fait de pouvoir vivre. Alors, pour remercier Dieu de cet agrĂ©able prĂ©sent, ils eurent le courage de vivre. Vivre dâAmour, dâEspĂ©rance et de Foi pour offrir aux autres ce que chaque jour, Dieu leur apportait.
Etre chrĂ©tien, câest ne pas avoir peur de sâĂ©riger en exemple. Câest montrer comment vivre et, laisser Dieu vivre en soi. Lâennemi rĂŽde peut ĂȘtre mais en rien il nâest victorieux. Nous avons nos guides qui nous disent leurs courages et, Dieu nous prenant Ă sa charge.
Il faut pour vivre les derniers rĂȘves quâils nous restent se conduire en artistes et non en condamnĂ©s. Câest tout un art que dâĂȘtre chrĂ©tien chaque jour, chaque heure.
Nous aimons Ă redire ce qui nous a Ă©tĂ© dit : « Aimer câest tout donner et se donner soi-mĂȘme ». Pour se donner soi-mĂȘme, il faut cette libertĂ© qui sâacquiert dans les combats du quotidien. Combats gagnĂ©s si nous acceptons de voir nos peurs en face et, de les confier au Seigneur.
Christophe R.
http://cahierslibres.fr/2015/02/ne-pas-avoir-peur/
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Saints Martyrs Coptes, priez pour nous. sur @cahierslibreshttp://t.co/u6p9gAf1Czpic.twitter.com/vtXTBU0hjupoke @koztoujours
â BenoĂźt Ù (@Benoitzinho)
17 FĂ©vrier 2015
la nuit a cela de terrible et de sublime que câest lorsquâelle est la plus noire que lâĂ©clat de lâĂ©toile y perce le mieux. 21 coptes 1ont Ă©tĂ© dĂ©capitĂ©s par lâĂtat Islamique pour le seul motif dâĂȘtre au Christ. Lâhorreur de cet Ă©vĂšnement â parmi tant dâautres hĂ©las â vient assombrir un peu plus lâannĂ©e 2015. Et pourtant, alors que cette obscuritĂ© devrait terrasser notre espĂ©rance, le patriarche copte â Sa SaintetĂ© Tawadros II, Pape dâAlexandrie â vient de les proclamer âMartyrsâ, câest-Ă -dire de les canoniser !
Aussi, ne dirons-nous plus âles 21 coptes Ă©gorgĂ©s par lâEIâ, mais les âsaints martyrs coptesâ ; ne nous lamenterons-nous plus sur des absents, mais invoquerons avec confiance lâintercession de ceux qui nous prĂ©cĂšdent, lessaints martyrs coptes. Leur lumiĂšre brille et aucune obscuritĂ© ne saurait Ă©teindre ces Ă©toiles, cette constellation. LâespĂ©rance des chrĂ©tiens a vaincu. âMort, oĂč est ta victoire ?â (1 Co 15, 55). Une fois pour toute, Ă JĂ©rusalem, au tombeau vide, lâespĂ©rance a vaincu et personne ne pourra nous lâenlever.
Nous entrerons demain dans le temps du CarĂȘme, pendant quarante jours lâĂglise nous invitera Ă la conversion. Il sâagira de regarder le pĂ©chĂ© 2 droit dans les yeux, de le dĂ©nicher partout oĂč il se fourre. Ă chaque obscuritĂ© dĂ©couverte, nous imposerons la LumiĂšre â JĂ©sus. Ă chaque tĂ©nĂšbres, nous opposerons lâespĂ©rance. Une fois pour toute, un astre sâest levĂ©. Il ne connait plus de couchant. Chaque jour, nous le ferons lever dans nos consciences.
Ă la veille de ce combat 3, je voudrais vous proposer de lire un extrait de la Lettre Ă DiognĂšte â Ă©crit anonyme rĂ©digĂ© Ă Alexandrie entre lâan 190 et lâan 200 â oĂč une analogie est posĂ©e entre la pĂ©nitence corporelle (que lâĂglise nous recommande pour le CarĂȘme) et le martyre (dont lâexemple nous est si vivement donnĂ© ces jours-ci par les coptes).
âLes ChrĂ©tiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vĂȘtements. (âŠ) Leur genre de vie nâa rien de singulier (âŠ) Ils rĂ©sident chacun dans sa propre patrie, mais comme des Ă©trangers domiciliĂ©s (âŠ) toute terre Ă©trangĂšre leur est une patrie et toute patrie une terre Ă©trangĂšre (âŠ) Ils passent leur vie sur le terre, mais sont citoyens du ciel (âŠ) En un mot, ce que lâĂąme est dans le corps, les ChrĂ©tiens le sont dans le monde. (âŠ) LâĂąme devient meilleur en se mortifiant par la faim et la soif : persĂ©cutĂ©s, les ChrĂ©tiens de jour en jour se multiplient toujours plus. si noble est le poste que dieu leur a assignĂ©, quâil ne leur est pas permis de dĂ©serter.â 4
Si noble est ce poste â celui du pĂ©nitent, celui du martyr â quâil nâest pas permis de dĂ©serter. Le CarĂȘme arrive, quâil nous trouve Ă notre poste.
Lisez lâintĂ©gralitĂ© de la Lettre Ă DiognĂšte (une bonne lecture pour le CarĂȘme) en Ă©dition papier ici ou sur internet ici.
BenoĂźt
#@cahierslibres#@Benoitzinho#Coptes#Sa Sainteté Tawadros II#martyrs#Confesseur de la foi#Eglise#foi#21 Martyrs Coptes
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http://t.co/JhaUDD1xCb Mgr Romero : âPour donner vie aux pauvres, il faut donner de sa propre vieâ pic.twitter.com/i7uH3FA8US
â Cahiers Libres (@cahierslibres) 6 FĂ©vrier 2015
le pape françois a reconnu, le 3 fĂ©vrier dernier, mgr oscĂ r romero comme martyr de la foi. Il Ă©tait archevĂȘque de San Salvador quand il Ă©tĂ© assassinĂ©, le 24 mars 1980, alors quâil cĂ©lĂ©brait la messe. Mgr Romero Ă©tait un dĂ©fenseur des pauvres et il dĂ©nonçait la politique oppressive gouvernement dictatorial du Salvador. Il a Ă©tĂ© tuĂ© par des hommes dâune milice dâextrĂȘme droite, mandatĂ© par le pouvoir en place.
La pensĂ©e sociale de Mgr Romero illustre celle de lâĂglise. En voici le brillant exposĂ© quâil en a prononcĂ© Ă lâUniversitĂ© de Louvain, le 2 fĂ©vrier 1980 :
La Dimension Politique de la Foi, telle quâelle apparaĂźt Ă partir dâune option pour les pauvres.
Une expérience ecclésiale au Salvador. Je viens du plus petit pays de la lointaine Amérique Latine. Je viens en portant dans mon coeur de chrétien, de Salvadorien et de pasteur, le salut, la reconnaissance et la joie de partager des expériences vitales.
Je salue avant tout, avec admiration, cette noble «Alma Mater» de Louvain. Jamais je nâavais imaginĂ© lâimmense honneur de ce lien honorifique avec un centre europĂ©en dâun tel prestige acadĂ©mique et culturel, oĂč sont nĂ©es tant dâidĂ©es qui ont contribuĂ© au merveilleux Ă©lan de lâĂglise et de la sociĂ©tĂ© pour sâadapter aux temps nouveaux.
Câest pourquoi je viens aussi exprimer ma reconnaissance Ă lâuniversitĂ© de Louvain. Car ce doctorat dâhonneur, je ne veux pas le considĂ©rer seulement comme un hommage rendu Ă ma propre personne. LâĂ©norme disproportion entre le poids dâun tel hommage et mes faibles mĂ©rites mâaccablerait. Permettez-moi plutĂŽt de considĂ©rer cette gĂ©nĂ©reuse distinction universitaire comme un hommage affectueux au peuple du Salvador et Ă son Ăglise, comme un tĂ©moignage Ă©loquent de soutien et de solidaritĂ© avec les souffrances de mon peuple et sa noble lutte pour la libĂ©ration, et comme un geste de communion et de sympathie avec ce que fait mon diocĂšse.
Avec la cordialité de mon salut et de ma reconnaissance, je veux exprimer ma joie de venir partager fraternellement avec vous mon expérience de pasteur et de Salvadorien, et ma réflexion théologique de responsable de la foi.
ExpĂ©rience de rĂ©flexion que, en accord avec lâaimable suggestion de lâuniversitĂ©, jâai lâhonneur dâinsĂ©rer dans le cycle de confĂ©rences qui se dĂ©roule ici sur le thĂšme suggestif de la dimension politique de la foi chrĂ©tienne. Naturellement, je ne prĂ©tends pas, et vous ne pouvez pas lâattendre de moi, prononcer le discours dâun technicien en matiĂšre de politique, ni dĂ©velopper les considĂ©rations qui permettraient Ă un expert en thĂ©ologie dâĂ©tablir le lien thĂ©orique entre la foi et la politique.
Je vous parle aujourdâhui en toute simplicitĂ© comme un pasteur qui, au contact de son peuple, a appris peu Ă peu cette belle et dure rĂ©alitĂ© : la foi chrĂ©tienne ne nous sĂ©pare pas du monde, elle nous y plonge ; lâĂglise nâest pas un refuge en dehors de la citĂ©, mais elle suit ce JĂ©sus qui a vĂ©cu, travaillĂ©, luttĂ© et perdu la vie au coeur de la citĂ©, de la «polis». Câest en ce sens que je voudrais parler de la dimension politique de la foi sur le monde et aussi des rĂ©percussions quâentraĂźne pour la foi lâinsertion dans le monde.
Une Ăglise au service du monde
Nous devons lâĂ©noncer clairement dĂšs le dĂ©but : la foi chrĂ©tienne et la vie de lâĂglise ont toujours eu des rĂ©percussions socio-politiques. Par action ou par omission, par connivence avec tel ou tel groupe social, les chrĂ©tiens ont toujours exercĂ© une influence dans la configuration socio-politique du monde dans lequel ils vivent. Le problĂšme est de savoir quelle doit ĂȘtre cette influence sur le monde social et politique pour que ce monde correspondent en vĂ©ritĂ© Ă la foi.
Comme premiĂšre idĂ©e, quoique encore trĂšs gĂ©nĂ©rale, je veux prĂ©senter lâintuition du Concile Vatican II qui est Ă la base de tout le mouvement actuel de lâĂglise. Lâessence de lâĂglise est dans sa mission de service du monde, dans sa mission de le sauver en totalitĂ©, et de le sauver dans lâhistoire, ici et maintenant. LâĂglise est lĂ pour ĂȘtre solidaire des espoirs et des joies, des angoisses et des tristesses des hommes. Comme JĂ©sus, lâĂglise existe pour Ă©vangĂ©liser les pauvres et relever les opprimĂ©s, pour chercher et sauver ce qui Ă©tait perdu (cf. Lumen gentium, no 8).
Le monde des pauvres
Vous connaissez tous ces paroles du Concile. Certains de vos Ă©vĂȘques et de vos thĂ©ologiens ont fait beaucoup au cours des annĂ©es 60 pour prĂ©senter ainsi lâessence et la mission de lâĂglise. Mon apport consistera Ă illustrer ces dĂ©clarations de la situation particuliĂšre dâun petit pays dâAmĂ©rique Latine, exemple typique de ce que lâon appelle aujourdâhui le Tiers-Monde. Pour le dire en une seule fois et dâune seule parole qui rĂ©sume et concrĂ©tise tout : Le monde que doit servir lâĂglise, câest, pour nous, le monde des pauvres.
Notre monde salvadorien nâest pas une abstraction. Ce nâest pas seulement un cas de plus de ce que lâon entend par «monde» dans les pays dĂ©veloppĂ©s comme le vĂŽtre. Câest un monde qui, dans son immense majoritĂ©, est formĂ© par des hommes et des femmes pauvres et opprimĂ©s. Et de ce monde des pauvres, nous disons quâil est la clef pour comprendre la foi chrĂ©tienne, la vie de lâĂglise, la dimension politique de cette foi et cette vie de lâĂglise. Ce sont les pauvres qui nous disent ce quâest la «polis», la citĂ©, et ce que signifie pour lâĂglise : vivre rĂ©ellement dans le monde.
Permettez-moi, Ă partir des pauvres de mon peuple, de vous expliquer briĂšvement la situation et lâaction de notre Ăglise dans le monde oĂč nous vivons, puis de rĂ©flĂ©chir Ă partir de la thĂ©ologie sur lâimportance de ce monde rĂ©el, culturel et socio-politique, pour la foi de lâĂglise.
Plan de lâexposĂ© :
1) Action de lâĂglise du diocĂšse de San Salvador. 2) La foi, Ă partir du monde des pauvres devient rĂ©alitĂ© historique. 3) Conclusion : Lâoption pour les pauvres : Orientation de notre foi au milieu de la politique.
1) Action de lâĂglise du diocĂšse de San Salvador.
Ces derniĂšres annĂ©es notre diocĂšse a orientĂ© sa pastorale dans une direction que lâon ne peut dĂ©crire et comprendre que comme un retour au monde des pauvres et Ă leur monde rĂ©el et concret.
Incarnation dans le monde des pauvres
Comme en dâautres endroits dâAmĂ©rique Latine, aprĂšs de nombreuses annĂ©es et peut-ĂȘtre mĂȘme des siĂšcles, ont retenti parmi nous les paroles de lâExode : «Jâai entendu la clameur de mon peuple, jâai vu lâoppression quâon lui a fait subir» (Ex 3,9). Ces paroles de lâĂcriture nous ont donnĂ© des yeux nouveaux pour voir ce qui a toujours existĂ© chez nous, mais qui a Ă©tĂ© si souvent dissimulĂ©, mĂȘme au regard de lâĂglise. Nous avons appris Ă voir quel est le fait primordial de notre monde, et nous lâavons jugĂ© comme pasteurs Ă Medellin et Ă Puebla 1.
«Cette misÚre, en tant que fait collectif, est une injustice qui crie vers le ciel.» (cf. Medellin, Justice, no 1).
Ă Puebla nous avons dĂ©clarĂ© que «le flĂ©au le plus dĂ©vastateur et le plus humiliant, câest la situation de pauvretĂ© inhumaine dans laquelle vivent des millions de Latino-amĂ©ricains et qui se manifeste par exemple par des salaires de famine, le chĂŽmage, le sous-emploi, la sous-alimentation, la mortalitĂ© infantile, lâabsence de logements dĂ©cents, les problĂšmes de santĂ©, dâinstabilitĂ© de lâemploi» (no 29).
Le fait de constater ces rĂ©alitĂ©s et dâen recevoir lâimpact, loin de nous dĂ©tourner de notre foi, nous a rendus au monde des pauvres comme Ă notre lieu vĂ©ritable ; il nous a poussĂ©, comme premier pas fondamental, Ă nous incarner dans le monde des pauvres. Nous y avons trouvĂ© les visages concrets des pauvres dont parle Puebla (cf. no 31 et 39).
LĂ nous avons rencontrĂ© les paysans sans terre et sans travail stable, sans eau ni lumiĂšre dans leurs pauvres demeures, sans assistance mĂ©dicale quand les mĂšres mettent au monde un enfant et sans Ă©cole quand les enfants commencent Ă grandir. LĂ nous avons rencontrĂ© les ouvriers dĂ©pourvus de droits syndicaux, renvoyĂ©s des usines quand ils rĂ©clament ces droits, rĂ©duits Ă la merci des froids calculs de lâĂ©conomie.
LĂ nous avons rencontrĂ© les mĂšres et les Ă©pouses des disparus et des prisonniers politiques. LĂ nous avons rencontrĂ© les habitants des taudis dont la misĂšre dĂ©passe toute imagination et qui subissent lâinjure permanente des beaux quartiers tout proches.
Dans ce monde sans visage humain, sacrement actuel du Serviteur souffrant de YahvĂ©, lâĂglise de mon diocĂšse a essayĂ© de sâincarner. Je ne dis point ceci dans un esprit triomphaliste, je sais trop bien tout ce qui nous manque encore pour avancer dans cette incarnation. Mais, je le dis avec une joie immense, nous avons fait lâeffort de ne pas passer au large, de ne pas faire un dĂ©tour devant le blessĂ© rencontrĂ© sur le chemin, et de nous approcher de lui comme le bon Samaritain.
Câest cette approche du monde des pauvres que nous considĂ©rons Ă la fois comme une incarnation et comme une conversion. Les changements nĂ©cessaires au sein de lâĂglise, dans sa pastorale, lâĂ©ducation, la vie sacerdotale et religieuse, dans les mouvements laĂŻcs, que nous nâavions pas pu rĂ©aliser tant que notre regard Ă©tait fixĂ© uniquement sur lâĂglise, nous les rĂ©alisons maintenant que nous nous tournons vers les pauvres.
Lâannonce de la Bonne Nouvelle aux pauvres.
Cette rencontre avec les pauvres nous a fait retrouver la vĂ©ritĂ© fondamentale de lâĂvangile par laquelle la Parole de Dieu nous pousse incessamment Ă la conversion. LâĂglise a une Bonne Nouvelle Ă annoncer aux pauvres. Ceux qui, des siĂšcles durant, ont entendu de mauvaises nouvelles et ont vĂ©cu les pires rĂ©alitĂ©s Ă©coutent maintenant, Ă travers lâĂglise, la parole de JĂ©sus : «Le Royaume de Dieu est proche.» «Bienheureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est Ă vous.» Et en consĂ©quence, elle a aussi une Bonne Nouvelle Ă annoncer aux riches : quâils se fassent pauvres pour partager avec les pauvres les Biens du Royaume.
Pour qui connaĂźt notre continent latino-amĂ©ricain, il sera trĂšs clair quâil nây a dans ces paroles aucune naĂŻvetĂ© et encore moins un opium. Ce quâil y a dans ces paroles, câest la coĂŻncidence de lâaspiration Ă la libĂ©ration de notre continent avec lâoffre de lâamour de Dieu aux pauvres. Câest lâespĂ©rance quâoffre lâĂglise et qui coĂŻncide avec lâespĂ©rance, parfois endormie et si souvent manipulĂ©e et frustrĂ©e, des pauvres du continent. Câest une nouveautĂ© dans notre peuple que les pauvres voient aujourdâhui en lâĂglise une source dâespĂ©rance et un appui pour leur noble lutte de libĂ©ration. LâespĂ©rance quâanime lâĂglise nâest ni naĂŻve ni passive, câest plutĂŽt un appel lancĂ© Ă partir de la Parole de Dieu Ă la responsabilitĂ© des masses des pauvres, Ă leur prise de conscience, Ă leur organisation, dans un pays oĂč, avec plus ou moins de force selon les cas, cette organisation est interdite par la loi ou en fait. Elle constitue Ă©galement un soutien, parfois critique aussi, Ă leurs justes causes et Ă leurs revendications.
LâespĂ©rance que nous prĂȘchons aux pauvres est destinĂ©e Ă leur rendre leur dignitĂ© et les encourager Ă ĂȘtre, eux-mĂȘmes, les artisans de leur propre destin. En un mot, lâĂglise ne sâest pas seulement tournĂ©e vers les pauvres, mais elle a fait de lui le destinataire privilĂ©giĂ© de sa mission, car, comme dit Puebla, «Dieu prend leur dĂ©fense et les aime» (no 1,142).
Lâengagement Ă dĂ©fendre les pauvres.
Non seulement lâĂglise sâest incarnĂ©e dans le monde des pauvres et leur donne une espĂ©rance, mais aussi, elle sâest fermement engagĂ©e Ă les dĂ©fendre. Chaque jour les masses pauvres de notre pays sont opprimĂ©es et rĂ©primĂ©es par les tortures Ă©conomiques et politiques. Chez nous, les paroles terribles des prophĂštes dâIsraĂ«l sont toujours vraies : il en est chez nous qui «vendent le juste pour de lâargent et le pauvre pour une paire de sandales» (Amos 8,6) ; il en est qui amassent le butin de la violence dans leurs palais et qui Ă©crasent les pauvres ; il en est qui sont couchĂ©s sur des lits de marbre et qui font sâapprocher un rĂšgne de violence (cf. Amos 6,4) ; il en est qui «ajoutent maison Ă maison, champ Ă champ, jusquâĂ occuper toute la place et rester seuls dans le pays» (IsaĂŻe 5,8).
Ces expressions des prophĂštes Amos et IsaĂŻe ne sont pas des paroles lointaines, dâil y a des siĂšcles, ce ne sont pas seulement des textes que nous lisons avec respect dans la liturgie. Ce sont des rĂ©alitĂ©s quotidiennes, que nous nous vivons tous les jours dans leur cruautĂ© et leur brutalitĂ©. Nous les vivons quand viennent Ă nous des mĂšres et des Ă©pouses dâhommes arrĂȘtĂ©s et disparus, quand on trouve des cadavres dĂ©figurĂ©s dans des cimetiĂšres clandestins, quand sont assassinĂ©s ceux qui luttent pour la justice et la paix. Dans notre diocĂšse, nous vivons chaque jour ce que Puebla a dĂ©noncĂ© avec force : Lâangoisse due Ă la rĂ©pression systĂ©matique ou sĂ©lective, accompagnĂ©e de la dĂ©lation, de la violation de la vie privĂ©e, de contraintes excessives, de tortures, dâexils. Les angoisses de tant de familles Ă cause de la disparition dâĂȘtre chers dont elles ne peuvent avoir aucune nouvelle. LâinsĂ©curitĂ© totale du fait des dĂ©tentions sans mandat dâarrĂȘt. Les angoisses face Ă lâexercice dâune justice soumise ou entravĂ©e (no 42).
Dans cette situation de conflits et dâantagonismes dans laquelle une minoritĂ© contrĂŽle le pouvoir Ă©conomique et politique, lâĂglise sâest mise du cĂŽtĂ© des pauvres et a assumĂ© leur dĂ©fense. Il ne peut en ĂȘtre autrement, car elle se souvient de ce JĂ©sus qui avait pitiĂ© des foules. Pour dĂ©fendre les pauvres, elle est entrĂ©e en conflit grave avec les puissants des oligarchies Ă©conomiques et les pouvoirs politiques et militaires de lâĂtat.
Cette dĂ©fense des pauvres, dans un monde sĂ©rieusement conflictuel, a fait apparaĂźtre un fait nouveau dans lâhistoire rĂ©cente de notre Ăglise : la persĂ©cution. Vous en connaissez certainement les faits les plus marquants. En moins de trois ans, plus de 150 prĂȘtres ont Ă©tĂ© attaquĂ©s, menacĂ©s et calomniĂ©s, six dâentre eux dĂ©jĂ sont morts martyrs, assassinĂ©s : plusieurs ont Ă©tĂ© torturĂ©s et dâautres expulsĂ©s. Les religieuses ont Ă©tĂ© Ă©galement objet de persĂ©cution.
La radio du diocĂšse, des institutions dâĂ©ducation catholiques et dâinspiration chrĂ©tienne ont Ă©tĂ© constamment attaquĂ©es, menacĂ©es par des attentats Ă la bombe. On a perquisitionnĂ© dans plusieurs presbytĂšres.
Si lâon agit de cette façon avec les reprĂ©sentants les plus en vue de lâĂglise, vous comprendrez sans peine ce qui sâest passĂ© pour lâhumble chrĂ©tien, câest-Ă -dire les paysans, leurs catĂ©chistes et dĂ©lĂ©guĂ©s de la parole, les communautĂ©s ecclĂ©siale de base. LĂ , les gens menacĂ©s, enlevĂ©s, torturĂ©s et assassinĂ©s se comptent par centaines et par milliers. Comme toujours dans la persĂ©cution, câest le peuple chrĂ©tien pauvre qui a Ă©tĂ© le plus persĂ©cutĂ©.
Il est Ă©vident que notre Ăglise a Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©e au cours de ces trois derniĂšres annĂ©es. Mais le plus important, câest dâexaminer pourquoi elle a Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©e. On nâa pas tant persĂ©cutĂ© nâimporte quel prĂȘtre, ou attaquĂ© nâimporte quelle institution. On a persĂ©cutĂ© et attaquĂ© cette partie de lâĂglise qui sâest mise du cĂŽtĂ© du peuple pauvre et qui a pris sa dĂ©fense. De nouveau nous rencontrons ici la clĂ© pour comprendre la persĂ©cution de lâĂglise : ce sont les pauvres. De nouveau, ce sont les pauvres qui nous font comprendre ce qui sâest rĂ©ellement passĂ©. Et câest pourquoi lâĂglise a compris la persĂ©cution Ă partir des pauvres. La persĂ©cution a Ă©tĂ© occasionnĂ©e par la dĂ©fense des pauvres, et elle nâest pas autre chose que le partage du destin des pauvres.
La vraie persĂ©cution sâest exercĂ©e sur le peuple pauvre qui est aujourdâhui le Corps du Christ dans lâhistoire. Les pauvres sont le peuple crucifiĂ©, comme JĂ©sus ; le peuple persĂ©cutĂ© comme le Serviteur de YahvĂ©. Ce sont eux qui complĂštent en leurs corps ce qui manque Ă la passion du Christ. Pour cette raison, quand lâĂ©glise sâest organisĂ©e et unifiĂ©e en recueillant les espoirs et les angoisses des pauvres, elle a subi le mĂȘme sort que JĂ©sus et que les pauvres, elle a subi le mĂȘme sort que JĂ©sus et que les pauvres : la persĂ©cution.
La dimension politique de la foi
Telle est, Ă grands traits, la situation et lâaction de lâĂglise de San Salvador. La dimension politique de la foi nâest pas autre chose que la rĂ©ponse de lâĂglise aux exigences du monde rĂ©el, socio-politique, dans lequel elle vit. Ce que nous avons redĂ©couvert, câest que cette exigence primordiale pour la foi et que lâĂglise ne peut lâignorer. Cela ne veut pas dire que lâĂglise se considĂšre elle-mĂȘme comme une institution politique qui entrerait en compĂ©tition avec dâautres instances politiques, ni mĂȘme quâelle se dote de mĂ©canismes politiques, et encore moins quâelle veuille exercer un leadership politique. Il sâagit de quelque chose de plus profond et dâĂ©vangĂ©lique : il sâagit du vĂ©ritable choix en faveur des pauvres, de sâincarner dans leur monde, de leur annoncer une Bonne Nouvelle, de leur donner une espĂ©rance, de les encourager Ă une praxis libĂ©ratrice, de dĂ©fendre leur cause et de prendre part Ă leur destin. Ce choix de lâĂglise en faveur des pauvres explique la dimension politique de sa foi dans ses racines et dans ses traits les plus fondamentaux.
Câest parce quâelle a optĂ© pour les pauvres vĂ©ritables et non pas fictifs, câest parce quâelle a optĂ© pour ceux qui sont rĂ©ellement opprimĂ©s et rĂ©primĂ©s, que lâĂglise vit dans le monde de la politique et se rĂ©alise en tant quâĂglise au travers de la rĂ©alitĂ© politique. Il ne peut en ĂȘtre autrement du moment que, comme JĂ©sus, elle va vers les pauvres.»
2) La Foi, à partir du monde des Pauvres devient la réalité historique
Lâaction du diocĂšse est nĂ©e de sa foi. La transcendance de lâĂvangile nous a guidĂ©s dans notre jugement et notre action. Ă la lumiĂšre de la foi nous avons Ă©valuĂ© les situations sociales et politiques. Mais, par ailleurs, il est vrai aussi que dans ces prises de position face Ă la rĂ©alitĂ© socio-politique telle quâelle est, notre foi sâest approfondie, lâĂvangile a montrĂ© sa richesse. Je voudrais maintenant faire seulement quelques remarques sur certains points fondamentaux de la foi qui ont Ă©tĂ© enrichis par cette incarnation rĂ©elle dans le monde socio-politique.
Une conscience plus claire du péché
Tout dâabord, nous savons maintenant ce que câest que le pĂ©chĂ©. Nous savons que lâoffense Ă Dieu est la mort de lâhomme. Nous savons que le pĂ©chĂ© est vraiment mortel : non seulement Ă cause de la mort intĂ©rieure de celui qui le commet, mais aussi Ă cause de la mort rĂ©elle et objective quâil provoque. Souvenons-nous de cette donnĂ©e profonde de notre foi chrĂ©tienne : le pĂ©chĂ©, câest ce qui a donnĂ© la mort au Fils de Dieu, câest encore et toujours ce qui donne la mort aux fils de Dieu.
Cette vĂ©ritĂ© fondamentale de la foi chrĂ©tienne, nous la voyons tous les jours dans la vie de notre pays. On ne peut offenser Dieu sans offenser le frĂšre. Ce nâest pas une routine de souligner une fois de plus lâexistence de structures de pĂ©chĂ© dans notre pays. Elles sont pĂ©chĂ© parce quâelles produisent les fruits du pĂ©chĂ© : la mort des Salvadoriens, la mort rapide par la rĂ©pression, ou la mort plus lente mais non moins rĂ©elle, par lâoppression exercĂ©e par les structures. Câest pour cela que nous avons dĂ©noncĂ© dans notre pays lâidolĂątrie de la richesse, de la propriĂ©tĂ© privĂ©e considĂ©rĂ©e comme un absolu dans le systĂšme capitaliste, lâidolĂątrie du pouvoir politique dans les rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© nationale au nom de quoi on institutionnalise lâinsĂ©curitĂ© des individus (IV lettre pastorale, no 43-48).
Une clartĂ© plus grande sur lâIncarnation et la RĂ©demption
En second lieu, nous savons mieux, maintenant, ce que signifie lâIncarnation, ce que veut dire le fait que JĂ©sus prit rĂ©ellement chair humaine et quâil se fit solidaire de ses frĂšres dans la souffrance, dans les larmes et les plaintes, dans le don de soi. Nous savons quâil ne sâagit pas directement dâune incarnation universelle, ce qui est impossible, mais dâune incarnation qui rĂ©sulte dâun choix, dâune prĂ©fĂ©rence : une incarnation dans le monde des pauvres. Câest Ă partir des pauvres que lâĂglise pourra exister pour tous, quâelle pourra aussi rendre service aux puissants Ă travers une pastorale de conversion ; mais pas lâinverse, comme câest arrivĂ© tant de fois.
Le monde des pauvres, aux caractĂ©ristiques sociales et politiques bien concrĂštes, nous enseigne oĂč lâĂglise doit sâincarner pour Ă©viter lâuniversalitĂ© fausse qui se termine toujours par lâentente avec les puissants. Le monde des pauvres nous enseigne ce que doit ĂȘtre lâamour chrĂ©tien qui recherche, bien sĂ»r, la paix mais qui dĂ©masque le faux pacifisme, la rĂ©signation et lâinaction ; qui Ă©videmment doit ĂȘtre gratuit, mais qui doit rechercher lâefficacitĂ© historique. Le monde des pauvres nous enseigne que la sublimitĂ© de lâamour chrĂ©tien doit passer par la nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse de la justice pour les masses et ne doit pas fuir la lutte honnĂȘte. Le monde des pauvres nous enseigne que la libĂ©ration arrivera non seulement lorsque les pauvres seront destinataires des bienfaits du gouvernement ou de lâĂglise elle-mĂȘme, mais lorsquâils seront eux-mĂȘmes les acteurs et les protagonistes de leurs luttes et de leur libĂ©ration, et quâils dĂ©masqueront ainsi la racine ultime des faux paternalismes, y compris dans lâĂglise.
Le monde rĂ©el des pauvre nous enseigne ce quâest lâespĂ©rance chrĂ©tienne. LâĂglise prĂȘche le nouveau Ciel et la nouvelle Terre ; elle sait en outre quâaucune configuration socio-politique ne peut remplacer la plĂ©nitude finale accordĂ©e par Dieu. Mais elle a appris aussi que lâespĂ©rance transcendante doit ĂȘtre maintenue par les signes de lâespĂ©rance historique, mĂȘme si ce sont des signes aussi simples en apparence que ceux que proclame le prophĂšte IsaĂŻe lorsquâil dit : «Ils construiront leurs maisons, et les habiteront, ils planteront des vignes et en mangeront les fruits.» (IsaĂŻe 65,21).
Quâil y ait lĂ une espĂ©rance chrĂ©tienne authentique, et non pas une espĂ©rance rabaissĂ©e au temporel et Ă lâhumain, comme on le dit parfois dâune maniĂšre dĂ©prĂ©ciative, câest ce que lâon apprend au contact quotidien de ceux qui nâont ni maison, ni vignes, de ceux qui construisent des maisons pour que dâautres y habitent et de ceux qui travaillent pour que dâautres mangent les fruits de leur travail.
Une foi profonde en Dieu et en JĂ©sus-Christ.
En troisiĂšme lieu, lâincarnation dans le domaine socio-politique permet dâapprofondir sa foi en Dieu et en son Christ. Nous croyons en JĂ©sus qui vint donner la vie en plĂ©nitude ; nous croyons en un Dieu vivant qui donne la vie aux hommes et qui veut que les hommes vivent en vĂ©ritĂ©. Ces vĂ©ritĂ©s radicales de la foi deviennent rĂ©ellement des vĂ©ritĂ©s et des vĂ©ritĂ©s radicales quand lâĂglise prend place dans la vie et dans la mort de son peuple.
Câest ici que sâoffre Ă lâĂglise, comme Ă tout homme, le choix le plus fondamental pour sa foi : ĂȘtre pour la vie, ou ĂȘtre pour la mort. Nous croyons clairement quâil nây a pas, en cela, de neutralitĂ© possible. Ou bien nous aidons les Salvadoriens Ă vivre, ou bien nous sommes complices de leur mort. Câest lĂ quâon rencontre la mĂ©diation historique de ce qui est le plus fondamental dans la foi : ou nous croyons en un Dieu de vie, ou nous suivons les idoles de la mort.
Au nom de JĂ©sus, nous oeuvrons naturellement pour une vie en plĂ©nitude, qui ne sâĂ©puise pas dans la satisfaction des besoins matĂ©riels primaires, et ne se limite pas au domaine socio-politique. Nous savons trĂšs bien que la plĂ©nitude de la vie ne sera atteinte que dans le rĂšgne dĂ©finitif du PĂšre et que cette plĂ©nitude se rĂ©alise historiquement en servant dignement ce rĂšgne et en faisant au PĂšre le don total de soi-mĂȘme. Mais nous voyons aussi clairement que ce serait une pure illusion, une ironie, et, au fond, le plus grave des blasphĂšmes que dâoublier et dâignorer au nom de JĂ©sus les niveaux les plus Ă©lĂ©mentaires de la vie, de la vie qui commence avec le pain, le toit, le travail.
Nous croyons avec lâapĂŽtre Jean que JĂ©sus est âle Verbe de vieâ (1 Jn 1,1), et que lĂ oĂč il y a la vie, lĂ se manifeste Dieu. LĂ oĂč le pauvre commence Ă se libĂ©rer, lĂ oĂč les hommes peuvent sâasseoir autour dâune table commune pour partager, lĂ est le Dieu de la vie. Câest pourquoi, lorsque lâĂglise sâinsĂšre dans le monde socio-politique et oeuvre avec lui de telle sorte quâil devienne source de vie pour les pauvres, elle ne sâĂ©carte pas de la mission, elle ne fait pas quelque chose de subsidiaire ou une tĂąche de supplĂ©ance, mais elle donne le tĂ©moignage de sa foi en Dieu, elle est lâinstrument de lâEsprit, Seigneur et CrĂ©ateur de vie.
Cette foi dans le Dieu de la vie explique ce qui est au plus profond du mystĂšre chrĂ©tien. Pour donner vie aux pauvres, il faut donner de sa propre vie et mĂȘme donner sa vie. La plus grande preuve de foi en un Dieu de vie est le tĂ©moignage de celui qui est prĂȘt Ă donner sa vie. «Nul nâaime davantage que celui qui donne sa vie pour son frĂšre.» (Jn 15,13).
Et câest ce que nous voyons chaque jour dans notre pays. Beaucoup de Salvadoriens et beaucoup de chrĂ©tiens sont prĂȘts Ă donner leur vie pour que vivent les pauvres. Ils suivent les traces de JĂ©sus et nous montrent leur foi en Lui. SincĂšres comme JĂ©sus dans le monde rĂ©el, menacĂ©s et accusĂ©s comme Lui, ils rendent tĂ©moignage du Verbe de vie.
Câest donc une histoire ancienne que la nĂŽtre. Câest lâhistoire de JĂ©sus que nous essayons modestement de continuer. En tant quâĂglise, nous ne sommes pas des experts en politique, nous ne voulons pas manoeuvrer la politique, en usant des mĂ©canismes qui sont les siens. Mais lâinsertion dans le monde socio-politique, dans ce monde oĂč se jouent la vie et la mort des masses, est nĂ©cessaire et urgente, afin que nous puissions maintenir vraiment, et pas seulement en paroles, la foi en un Dieu de vie, Ă la suite de JĂ©sus.»
Conclusion
Lâoption pour les pauvres : Orientation de notre foi au milieu de la politique. Pour terminer, je voudrais rĂ©sumer le thĂšme central de mon exposĂ©. Dans la vie ecclĂ©siale de notre diocĂšse, la dimension politique de la foi, ou si lâon veut le rapport entre foi et politique nâa pas Ă©tĂ© dĂ©couvert par des rĂ©flexions purement thĂ©oriques, prĂ©alables Ă la vie mĂȘme de notre Ăglise. Naturellement ces rĂ©flexions sont importantes, mais elles ne sont pas dĂ©cisives. Elles ne deviennent importantes et dĂ©cisives que lorsquâelles se nourrissent vĂ©ritablement de la vie rĂ©elle de lâĂglise.
Aujourdâhui, en raison de lâhonneur qui mâest fait dâexprimer dans ce cadre universitaire mon expĂ©rience pastorale, jâai dĂ» me livrer Ă cette rĂ©flexion thĂ©ologique. Mais la dimension politique de la foi, on la dĂ©couvre correctement, bien plutĂŽt dans une pratique concrĂšte au service des pauvres. Câest dans cette pratique que lâon dĂ©couvre leurs rapports mutuels et leurs diffĂ©rences. Câest la foi qui en un premier temps pousse Ă sâincarner dans le monde socio-politique des pauvres et Ă animer les processus de libĂ©rations qui sont aussi socio-politiques. Cette incarnation et cette praxis, Ă leur tour, concrĂ©tisent les Ă©lĂ©ments fondamentaux de la foi.
Dans ce que nous venons dâexposer, nous avons seulement tracĂ© les grandes lignes de ce double mouvement. Il reste naturellement bien des thĂšmes Ă traiter. Nous aurions pu parler du rapport de la foi avec les idĂ©ologies politiques, concrĂštement avec le marxisme. Nous aurions pu faire allusion au thĂšme, brĂ»lant chez nous, de la violence et de sa lĂ©gitimitĂ©. Ces thĂšmes font lâobjet de rĂ©flexions constantes entre nous et nous les abordons sans prĂ©jugĂ© ni crainte. Mais nous les abordons dans la mesure oĂč ils deviennent des problĂšmes rĂ©els et nous apprenons Ă leur apporter une solution Ă lâintĂ©rieur du processus lui-mĂȘme.
Pendant le court laps de temps oĂč il mâa Ă©tĂ© donnĂ© de diriger le diocĂšse, quatre gouvernements diffĂ©rents se sont dĂ©jĂ succĂ©dĂ©s, avec des projets politiques diffĂ©rents. Les autres forces politiques, rĂ©volutionnaires et dĂ©mocratiques, ont pris plus dâimportance et ont Ă©voluĂ©, durant ces annĂ©es. LâĂglise a dĂ» juger de la politique, de lâintĂ©rieur dâun processus changeant. Ă lâheure actuelle, le panorama est ambigu, car dâune part, tous les projets du gouvernement sont en train dâĂ©chouer tandis que sâaccroĂźt dâautre part la possibilitĂ© dâune libĂ©ration populaire.
Mais au lieu de vous dĂ©tailler tous les va-et-vient de la politique dans mon pays, jâai prĂ©fĂ©rĂ© vous expliquer les racines profondes de lâaction de lâĂglise dans ce monde explosif quâest le monde socio-politique. Et jâai tentĂ© dâĂ©lucider devant vous lâultime critĂšre, qui est thĂ©ologique et historique, de lâaction de lâĂglise dans ce domaine : le monde des pauvres. DâaprĂšs le bĂ©nĂ©fice quâil en tirera, lui, le monde pauvre, lâĂglise appuiera, en tant quâĂglise, tel ou tel projet politique.
Nous croyons que tel est bien le moyen de maintenir lâidentitĂ© et la transcendance mĂȘme de lâĂglise. Nous insĂ©rer dans le processus socio-politique rĂ©el de notre peuple, lâapprĂ©cier en fonction du peuple pauvre et appuyer tous les mouvements de libĂ©ration qui conduisent rĂ©ellement Ă la justice et Ă la paix pour les masses. Nous croyons que câest la maniĂšre de maintenir la transcendance et lâidentitĂ© de lâĂglise, parce que, de cette façon, nous maintenons la foi en Dieu.
Les premiers chrĂ©tiens disaient avec saint IrĂ©nĂ©e : «Gloria Dei, vivens homo», la gloire de Dieu, câest lâhomme vivant. Nous, nous pourrions concrĂ©tiser cela en disant : «Gloria Dei, vivens pauper», la gloire de Dieu, câest le pauvre vivant. Nous croyons quâĂ partir de la transcendance de lâĂvangile, nous pouvons apprĂ©cier ce quâest la vĂ©ritĂ© de la vie des pauvres, et nous croyons aussi quâen nous mettant du cĂŽtĂ© du pauvre et en tentant de lui donner la vie, nous saurons ce quâest la vĂ©ritĂ© Ă©ternelle de lâĂvangile.»
Extrait de: Assassiné avec les Pauvres. Traduit par Yves Carrier.
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« maintenant, on fait quoi ? » LâĂ©motion retombĂ©e, voici la phase suivante : celle du retroussage de manches et du gonflage de muscles. Câest lâheure du feu dâartifice de « DĂšs demain ! » et de « Nous allons ! » Câest lâheure oĂč passent de denses vols migratoires de Faucon Yaka. Câest inĂ©vitable. Le monde a changĂ© ce 7 janvier, ou du moins il avait dĂ©jĂ changĂ©, mais nous pouvions jusque-lĂ , vaille que vaille, nous le cacher. Ce qui ne rend pas lâinterprĂ©tation du nouveau plus Ă©vidente. Il ne suffit pas de vocifĂ©rer « Lucides, lucides ! » pour lâĂȘtre, ni de crier « Câest la guerre ! » pour la faire au bon ennemi ou avec les bonnes armes. Pas davantage de beugler « Des lois, des lois, des lois ! » pour rendre les bonnes intentions performatives. Un dĂ©cret bien carrĂ© peut bien ĂȘtre assorti de sa circulaire, il ne faut pas pour autant sâimaginer quâon a rĂ©solu la quadrature du cercle. Ni avoir dĂ©couvert le Mouvement perpĂ©tuel parce quâon tourne en rond, fĂ»t-ce dans un hĂ©micycle.
« Il faut rĂ©instaurer le respect ». « Aucune vie en sociĂ©tĂ© ne peut exister sans respect de lâautre ». Câest le fameux « vivre ensemble », vous savez. Moi, je veux bien, mais câest une Ă©vidence, quoi. On nâa pas dit grand-chose, Ă ce moment-lĂ . On le rĂ©instaure comment, ce fameux respect ? Et surtout, on le fonde sur quoi ?
Parce que lâune des premiĂšres choses que nous enseignent ces meurtres, câest quâil ne suffit pas de crier « le respect le respect ». Il faut dĂ©jĂ avoir dĂ©fini de quoi, et pourquoi. Câest au nom du respect dâune croyance que des hommes ont tuĂ© dâautres hommes, câest au nom du respect des hommes quâon a tuĂ© ces mĂȘmes hommes. Et si on demande aux uns et aux autres pourquoi dans un cas on respecte et dans dâautres on tue, on risque de sâapercevoir quâil nây a pas vraiment consensus.
Nous avions choisi dâoublier que derriĂšre nos « valeurs rĂ©publicaines », en fait, il y avait des fondations, une structure, un squelette. On nâest jamais libre de tout, on nâest pas Ă©gal tout court parce que ça ne veut rien dire, et la fraternitĂ© ne surgit pas du nĂ©ant.
Il y avait toujours eu, indispensable charpente, lĂąchons lâhorrible mot : une morale. Une adhĂ©sion commune Ă une dĂ©finition du bien et du mal. Une adhĂ©sion qui vaille que vaille sâinventait, au cours des siĂšcles, sous une forme autre que coercitive. Une morale bien perfectible, sans aucun doute, et qui avait connu par le passĂ© de sacrĂ©s courants dâair ; voire des courants dâair du genre typhon, il serait stupide de le nier. NâempĂȘche.
On avait voulu lâoublier et penser quâon pouvait garder lâemballage, avec comme structure⊠et bien rien. Puisque câĂ©tait mal. La libertĂ© de lâindividu autodĂ©terminĂ©, auquel on devait mĂȘme se garder de transmettre ou de proposer quoi que ce soit â « nul nâa le droit de me dire ce que je dois penser » â hormis⊠justement, son droit Ă dĂ©terminer lui-mĂȘme le bien et le mal. Tout cela en espĂ©rant quâil en sortirait massivement un respect instinctif et Ă©namourĂ© du prochain.
Nous avions cru que le respect de lâautre Ă©tait innĂ©, sui generis, et quâon pouvait seriner Ă des gĂ©nĂ©rations entiĂšres, en 4Ă3, « le centre du monde, câest vous » ne lâĂ©cornerait pas.
Pas de bol.
Il en est sorti, entre autres produits, des frĂšres Kouachi Quâon ne vienne pas me sortir le couplet « vous leur trouvez des excuses ». Lâhomme ne se construit pas indĂ©pendamment du monde oĂč il vit. Il est le produit de son libre arbitre et des enchaĂźnements de causes oĂč il est pris. Quantifier les deux est le rĂŽle de la justice, ce nâest pas le sujet..
Il pousse en sĂ©rie, sur les dĂ©laissĂ©s de nos villes, des ĂȘtres humains qui nâacquiĂšrent aucun autre repĂšre quâeux-mĂȘmes, aucun rĂ©gulateur que la violence, et qui agissent en consĂ©quence. CâĂ©tait une idĂ©e gĂ©nĂ©reuse, mais voilĂ . Laisser chacun dĂ©finir le bien et le mal par lui-mĂȘme, en lâisolant au maximum de toute rĂ©fĂ©rence autre que celles lui rabĂąchant son droit absolu Ă lâautodĂ©termination, cela ne marche pas. Sans grande surprise. Il est rare quâon limite spontanĂ©ment son arbitraire, si lâon nâa de contact avec des rĂ©fĂ©rences morales, philosophiques, religieuses, tout le bagage culturel de notre espĂšce en la matiĂšre. Et quand bien mĂȘme la majoritĂ© fĂ»t-elle capable de rĂ©inventer spontanĂ©ment, chacun de son cĂŽtĂ©, quelques principes Ă©lĂ©mentaires de respect de lâautre, il suffit quâune poignĂ©e ne joue pas le jeu pour que celui-ci vire au bain de sang.
Nous avions cru quâil suffirait de rĂ©duite la morale Ă une seule phrase â parĂ©e pour lâemballage dâorigines orientales : « ne fais pas Ă autrui ce que tu ne voudrais pas quâon te fĂźt ». Pas de bol (bis) : câest trĂšs insuffisant. Dâabord, parce quâen lâabsence dâautre racine pour le respect dâautrui, cette maxime ne se base guĂšre que sur la peur, au fond : pourquoi ne pas le faire ? Pour tĂącher dâĂ©viter des reprĂ©sailles. Ou alors, câest que jâavais, sans le dire, des motivations plus nobles. Dâautre part, câest projeter notre rĂ©fĂ©rentiel sur lâautre, et se permettre Ă son sujet tout ce que nous sommes prĂȘts Ă subir, alors que lui ne lâest peut-ĂȘtre pas. Ainsi, un adjudant traiterait tout un chacun comme son troufion, sous prĂ©texte quâil se rĂ©signe Ă lâĂȘtre par ses propres supĂ©rieurs.
Il va falloir prendre le taureau par les cornes et oser ces gros mots : restaurer des cadres, non pas pour enfermer, mais pour structurer, sans quoi la libertĂ© nâest rien de plus que lâoripeau dont on aura habillĂ© la loi du plus fort. Une loi du plus fort dâautant plus abrupte que nourrie au nihilisme, au vide de sens, de projet, de but qui rĂšgne non seulement dans ces « territoires », mais dâun bout Ă lâautre de notre monde et de notre temps. On avait cru rĂ©soudre le problĂšme par lâargent, mais quand va-t-on comprendre que remplir les mains et mĂȘme les ventres ne sert Ă rien contre le vide moral, spirituel, intellectuel, non pas « le crĂąne vide » quâon attribue aux imbĂ©ciles, mais la souffrance et le nâimporte quoi qui naissent de la meule du cerveau qui tourne Ă vide ?
Il va falloir oser dire le bien et le mal. Drame ! Peut-on dire quoi penser, ce qui est bien ou mal ? LĂ , jâentre dans la zone des balles dans la tĂȘte virtuelles si je rĂ©ponds oui. Mauvaise nouvelle : on peut le faire. En fait, on ne peut pas ne pas le faire, et on devrait arrĂȘter de se mentir. Chacune de nos prises de position, chacun de nos actes devenus visibles en public, du discours dâun Ă©lu jusquâau choix crucial que nous posons de mettre ou non du comtĂ© dans le gratin dauphinois, Ă©quivaut Ă exposer Ă lâautre nos choix, et donc quels sont les choix que nous pensons judicieux (sauf Ă mentir en continu ou prĂȘcher le faux pour savoir le vrai, qui ne sont pas des procĂ©dĂ©s trĂšs recommandables). Et donc, Ă lui « dire quoi faire et quoi penser », et pire : à « penser quâon dĂ©tient la vĂ©ritĂ© ». Ben oui. LĂ encore, si je ne suis pas complĂštement malade, jâĂ©nonce des choses que je crois vraies. Câest absolument inĂ©vitable, et ce nâest pas un problĂšme en soi.
Le problĂšme ne commence que si je me mets en tĂȘte de contraindre au lieu dâexposer, de quelque maniĂšre ou sous quelque forme que ce soit. Mais arrĂȘtons, sacrĂ© bon sang, de faire semblant de croire que les deux sont Ă©quivalents. On en arrive Ă des postures dont nous ne mesurons mĂȘme plus le ridicule, tellement elles sont banales et admises par leur opportunisme confortable, du genre : lâEtat nâa pas le droit de me dire de manger des lĂ©gumes, alors mĂȘme que lâobĂ©sitĂ© lui coĂ»te un bras sous forme de sĂ©curitĂ© sociale, mais il nây a pas de problĂšme Ă ce quâun marchand de sodas recouvre la ville dâinjonctions de boire son breuvage. Pourtant, que je sache, çâa beau ĂȘtre lâEtat qui pĂ©rore, aucune loi ne mâimpose lâingestion dâun quota hebdomadaire de choux de Bruxelles. Ou encore : « lâEglise nâa pas le droit de dire que la pratique du conjoint jetable est une mauvaise chose parce quâelle engendre la dĂ©tresse chez le jetĂ© », parce que « lâEglise nâa pas Ă nous dire ce quâon doit faire et pas faire », mais un magazine fĂ©minin peut Ă©crire quâil faut sâĂ©loigner des religions, voire lĂ©gifĂ©rer contre elles et les Ă©radiquer, sans crainte quâon lui fasse la mĂȘme remarque.
Alors arrĂȘtons et osons. Pour nous, chrĂ©tiens, cela nous ramĂšnera Ă oser Ă©vangĂ©liser. Il nous faudra prendre notre courage Ă deux mains et proposer une dignitĂ© imprescriptible de lâhomme enracinĂ©e non dans un courant dâair, ni dans un pacte de non-agression opportuniste, mais dans une Parole de Vie. Proposer, et surtout tĂ©moigner. Le tout dans une sociĂ©tĂ© que les diviseurs de tout poil laissent mariner dans la rengaine de religions nĂ©cessairement aliĂ©nantes et sauvages.
Câest Ă la fois un redoutable dĂ©fi et une formidable chance. LâhumanitĂ© est en manque dâHumanitĂ©. Et qui pourrait mieux la lui apporter, une fois de plus, que le Dieu fait homme ?
Phylloscopus inornatus
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http://t.co/Qqiy3rdEsq Edito : Ego Sum pic.twitter.com/fOYyzmf4PY
â Cahiers Libres (@cahierslibres) 13 Janvier 2015
je suis une fillette de 10 ans du village de maiduguri au Nigeria. Des terroristes ont placĂ© sur moi des explosifs quâils ont dĂ©clenchĂ©s une fois que jâĂ©tais placĂ©e sur un marchĂ©. Une vingtaine de personnes sont mortes en mĂȘme temps que moi ce jour-lĂ .
Je vous demande de prier pour le repos de mon Ăąme et la consolation de mes proches.
Je suis un des cadavres qui jonchent la brousse environnant la ville de Baga, au Nigeria. Des terroristes ont brĂ»lĂ©, rasĂ©, dĂ©truit, anĂ©anti des villages de mon pays et leurs habitants. 2000 personnes sont mortes en mĂȘme temps que moi ce jour-lĂ .
Je vous demande de prier pour le repos de mon Ăąme et la consolation de mes proches.
Je suis un habitant de Tripoli, au Liban. Des terroristes ont envoyé un kamikaze se faire exploser dans un café de mon quartier à Jabal Mohsen. Je suis mort avec une dizaine de personnes ce jour-là .
Je vous demande de prier pour le repos de mon Ăąme et la consolation de mes proches.
Je suis une écoliÚre de Peshawar au Pakistan. Des terroristes se sont introduits dans mon école, et de salles en salles, ils ont criblés de balles les enfants et les adultes. Je suis morte avec 150 autres personnes, dont 130 enfants comme moi, ce jour-là .
Je vous demande de prier pour le repos de mon Ăąme et la consolation de mes proches.
Je suis un enfant Yazidi, en Irak. Les terroristes ont tuĂ© mon pĂšre qui nâa pas voulu se convertir, ils ont vendu ma mĂšre et mes sĆurs pour en faire leurs esclaves sexuelles, ils ont fait fuir mon peuple, rĂ©fugiĂ© et encerclĂ© au sommet du Mont Sinjar. Je suis mort par manque dâeau et de nourriture, comme des dizaines dâautres enfants de mon peuple.
Je vous demande de prier pour le repos de mon Ăąme et la consolation de mes proches.
Je suis un habitant de la province dâAlep, en Syrie. Mon pays est en proie Ă la guerre et Ă la barbarie, oĂč armĂ©e, rebelles et terroristes sâaffrontent chaque jour, rĂ©duisant ce qui faisait la grandeur de mon pays et de ma culture Ă un champ de ruine. Ma famille est rĂ©fugiĂ©e dans un pays qui nâest pas le sien dans des conditions de vie prĂ©caire. Je suis mort sous les bombes, comme tant de civils syriens Ă ce jour.
Je vous demande de prier pour le repos de mon Ăąme et la consolation de mes proches.
Je suis FrĂ©dĂ©ric Boisseau. Je suis la premiĂšre victime des fusillades qui ont lieu Ă Paris en janvier 2015. Des terroristes ont voulu se venger dâune provocation stupide. JâĂ©tais au mauvais endroit au mauvais moment. Je suis mort ainsi que 16 autres personnes ces jours-lĂ .
Je vous demande de prier pour le repos de mon Ăąme et la consolation de mes proches.
Je suis Raif âȘBadawi. Je suis un blogueur saoudien. Jâai osĂ© dire quâil Ă©tait beau de sâaimer et de le fĂȘter le jour de la Saint Valentin et que mon pays devait sâouvrir aux autres religions. Jâai Ă©tĂ© pour cela emprisonnĂ© et condamnĂ© Ă 1000 coups de fouets. Jâen recevrait 50 chaque vendredi soir pendant 20 semaines, en place publique, devant la mosquĂ©e al-Jafali Ă Jeddah.
Je vous demande de prier pour ma libération et la consolation de mes proches.
Je suis Asia Bibi. Je suis emprisonnĂ©e au Pakistan et condamnĂ©e Ă mort par pendaison car jâaurais blasphĂ©mĂ©, buvant une eau que jâaurais souillĂ©e parce je suis chrĂ©tienne.
Je vous demande de prier pour ma libération et la consolation de mes proches.
Je suis un combattant terroriste. La violence est mon quotidien. Jâai perdu le sens de la beautĂ© de la vie humaine et de sa valeur. Je ne vois plus en lâautre un frĂšre en humanitĂ©. Je peux tuer sans hĂ©sitation.
Je vous demande de prier pour la conversion de mon Ăąme et celle de mes proches.
AyssalĂšne
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au dĂ©but dâune de ses lettres, saint Paul raconte lâentre-dĂ©chirement des chrĂ©tiens de Corinthe. Chacun se revendique dâune Ă©tiquette : ââMoi je suis Ă Paul âEt moi, Ă Apolos âEt moi Ă CĂ©phasâŠâ (1 Co 1, 12). Sans concession, lâapĂŽtre les questionne âLe Christ est-il donc divisĂ© ?!â (1 Co 1, 13)
Certains commentaires concernant la venue du Pape aujourdâhui mĂȘme au Parlement EuropĂ©en et au Conseil de lâEurope rĂ©vĂšlent que la tentation de diviser le Christ nâa pas complĂštement disparue.
Lâeuro-dĂ©putĂ© socialiste espĂšre bien que le pontife lancera âun appel Ă la solidaritĂ© internationaleâ ; le dĂ©mocrate-chrĂ©tien attend quâil parle de âla familleâ ; lâĂ©lu du Front National craint quâil Ă©voque âlâimmigration et les rĂ©fugiĂ©sâ ; lâĂ©cologiste croit que François parlera âquestion socialeâ et non âmorale sexuelleâ.
Pour les socialistes, donc, le pape est socialiste ; pour les démocrates-chrétiens, il est démocrate-chrétien ; pour les écologistes, il est écologiste1.
Chacun invoque son bout de Pape, son bout de Christ, son bout dâĂvangile.
Mais, chers dĂ©putĂ©s, le pape, lui, ne divisera pas lâĂvangile. Il ne choisira pas entre les victimes des conflits, les familles blessĂ©es les migrants et les lĂ©sĂ©s de la crise. En chacun dâeux câest le mĂȘme â unique et indivisible â Christ qui souffre.
BenoĂźt
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âEn mâadressant Ă vous aujourdâhui, Ă partir de ma vocation de pasteur, je dĂ©sire adresser Ă tous les citoyens europĂ©ens un message dâespĂ©rance et dâencouragement. (âŠ) Encouragement pour revenir Ă la ferme conviction des PĂšres fondateurs de lâUnion EuropĂ©enne, qui ont souhaitĂ© un avenir fondĂ© sur la capacitĂ© de travailler ensemble afin de dĂ©passer les divisions, et favoriser la paix et la communion entre tous les peuples du continent. Au centre de cet ambitieux projet politique il y avait la confiance en lâhomme, non pas tant comme citoyen, ni comme sujet Ă©conomique, mais en lâhomme comme personne dotĂ©e dâune dignitĂ© transcendante.â
Le discours du Pape François au Parlement Européen est un texte clair, bienveillant, mais aussi ferme et sans langue de bois.
« Revenir Ă la ferme conviction des PĂšres fondateurs de lâUnion EuropĂ©enne ». Par ces quelques mots, François a totalement rĂ©sumĂ© son message Ă lâUnion EuropĂ©enne. Il est peu loquace sur lâidentitĂ© de ces PĂšres fondateurs : Robert Schuman, mais aussi Alcide de Gasperi et Konrad Adenauer. Trois fervents catholiques, et les deux premiers font lâobjet dâun procĂšs de bĂ©atification. Les PĂšres fondateurs de lâEurope Ă©taient des chrĂ©tiens Ă 100%, des hommes habitĂ©s par leur foi. Câest cette foi qui a nourri en eux une prĂ©occupation de lâhomme : un humanisme intĂ©gral pour reprendre la formule de Jacques Maritain, un philosophe qui les a beaucoup inspirĂ©s.
Lâhumanisme des PĂšres fondateurs est rĂ©sumĂ© par François par ces quelques mots : Lâhomme, personne dotĂ©e dâune dignitĂ© transcendante. Principe qui se traduit concrĂštement par une sociĂ©tĂ© dont la personne est au centre. Tout le reste en dĂ©coule : dĂ©mocratie, unitĂ©, diversitĂ©âŠ
OĂč en sommes-nous aujourdâhui ? Quâest devenu le projet EuropĂ©en de Robert Schuman, son idĂ©al dâune Europe dĂ©mocratique, unie dans la diversitĂ©Â ? François nous en donne un aperçu :
« On peut constater quâau cours des derniĂšres annĂ©es, Ă cĂŽtĂ© du processus dâĂ©largissement de lâUnion EuropĂ©enne, sâest accrue la mĂ©fiance des citoyens vis-Ă -vis des institutions considĂ©rĂ©es comme distantes, occupĂ©es Ă Ă©tablir des rĂšgles perçues comme Ă©loignĂ©es de la sensibilitĂ© des peuples particuliers, sinon complĂštement nuisibles. Dâun peu partout on a une impression gĂ©nĂ©rale de fatigue et de vieillissement, dâune Europe grand-mĂšre et non plus fĂ©conde et vivante. Par consĂ©quent, les grands idĂ©aux qui ont inspirĂ© lâEurope semblent avoir perdu leur force attractive, en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions. »
Le diagnostic pontifical est sans appel. Il rĂ©sonne dans nos cĆurs comme un« Europe, quâas-tu fait des promesses de ta fondation ? » LâidĂ©al dĂ©mocratique de Schuman sâest muĂ© en bureaucratie, le rĂȘve dâune Europe au service de lâHomme sâest transformĂ© en organisation Ă©conomique. Certes, le Pape ne noircit pas le tableau, il reconnait les grandeurs de cette noble institution comme son rĂŽle dans la « promotion des droits humains ». Mais il met devant nous sa crise : un essoufflement, une perte dâĂąme, un Ă©loignement de lâidĂ©al fondateur.
Il est difficile de rĂ©sumer un tel discours sans le trahir mais un sujet est transversal : lâĂ©conomie qui semble fonctionner pour elle-mĂȘme, au service de quelques-uns.
Le Pape dĂ©nonce « des styles de vie un peu Ă©goĂŻstes, caractĂ©risĂ©s par une opulence dĂ©sormais insoutenable et souvent indiffĂ©rente au monde environnant, surtout aux plus pauvres. » Et il constate avec regret « une prĂ©valence des questions techniques et Ă©conomiques au centre du dĂ©bat politique, au dĂ©triment dâune authentique orientation anthropologique. » Ce qui, selon lui, a pour consĂ©quence que « LâĂȘtre humain risque dâĂȘtre rĂ©duit Ă un simple engrenage dâun mĂ©canisme qui le traite Ă la maniĂšre dâun bien de consommation Ă utiliser, de sorte que â nous le remarquons malheureusement souvent â lorsque la vie nâest pas utile au fonctionnement de ce mĂ©canisme elle est Ă©liminĂ©e sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes ĂągĂ©es abandonnĂ©es et sans soin, ou des enfants tuĂ©s avant de naĂźtre. »
Ce sont des propos trĂšs forts, bien loin de lâimage dâun pape « politiquement correct ». Il invite lâUnion EuropĂ©enne Ă rejeter toute « culture du dĂ©chet » qui enferme lâHomme dans une « utilité », une fonction dĂ©niant notre humanitĂ©. Euthanasie, avortement, abandon des plus faibles sont des consĂ©quences de cette culture du dĂ©chet qui considĂšre lâhomme comme un producteur et un consommateur⊠Le discours Ă©conomique du Pape rejoint son discours sur les questions de sociĂ©tĂ©Â : les deux sujets sont intimement liĂ©s, les problĂ©matiques de notre temps forment un tout. Comme il le dit, les dĂ©bats politiques se font au dĂ©triment dâune authentique orientation anthropologique. LâUnion EuropĂ©enne est touchĂ©e de plein fouet par cet utilitarisme. Lâessentiel des compĂ©tences de lâUnion sont Ă©conomiques. Le grand marchĂ© EuropĂ©en ouvert sur le reste du monde semble le seul objectif dâune organisation essoufflĂ©e. Les institutions EuropĂ©ennes semblent coupĂ©es des citoyens du continent, alors quâelles sont exposĂ©es au lobbying des multinationales. Certes, lâeuthanasie et lâavortement ne sont pas dans les compĂ©tences de lâUnion, mais dans celles des Etats. Mais ces idĂ©es sont des consĂ©quences de cette Ă©conomie qui tourne pour elle-mĂȘme. Et nous pouvons rattacher Ă ce sujet dâautres problĂšmes quâil a Ă©voquĂ©Â : lâĂ©cologie, les migrations, lâĂ©ducation⊠LâEurope ne peut se contenter dâĂȘtre un grand marchĂ© et elle ne peut plus ĂȘtre ainsi la proie des lobbies. Le pape nous invite Ă remettre lâUnion dans le bon sens : celui de la dĂ©mocratie et du bien commun, centrĂ© sur la personne.
Pour pouvoir remettre lâHomme au centre de la sociĂ©tĂ© EuropĂ©enne, François invite les EuropĂ©ens Ă retrouver le patrimoine culturel et philosophique chrĂ©tien de notre continent :
« En ce sens jâestime fondamental, non seulement le patrimoine que le christianisme a laissĂ© dans le passĂ© pour la formation socioculturelle du continent, mais surtout la contribution quâil veut donner, aujourdâhui et dans lâavenir, Ă sa croissance. Cette contribution nâest pas un danger pour la laĂŻcitĂ© des Ătats ni pour lâindĂ©pendance des institutions de lâUnion, mais au contraire un enrichissement. Les idĂ©aux qui lâont formĂ©e dĂšs lâorigine le montrent bien: la paix, la subsidiaritĂ© et la solidaritĂ© rĂ©ciproque, un humanisme centrĂ© sur le respect de la dignitĂ© de la personne. »
Ainsi, selon lui, les racines mĂȘme de lâUnion EuropĂ©enne sont chrĂ©tiennes. Le respect de la dignitĂ© transcendante de la personne, la centralitĂ© de la personne humaine ne sont pas des idĂ©es nouvelles que le Pape propose aux EuropĂ©ens : elles sont au contraire intrinsĂšquement liĂ©es au projet EuropĂ©en tel que lâont conçu ses PĂšres fondateurs. « Je vous exhorte donc Ă travailler pour que lâEurope redĂ©couvre son Ăąme bonne, » autrement dit lâintuition de Robert Schuman, dâAlcide De Gasperi et de Konrad Adenauer.
Enfin, son discours nous dĂ©livre cette conclusion historique, qui ressemble Ă une exhortation : « Chers EurodĂ©putĂ©s, lâheure est venue de construire ensemble lâEurope qui tourne, non pas autour de lâĂ©conomie, mais autour de la sacralitĂ© de la personne humaine, des valeurs inaliĂ©nables ; lâEurope qui embrasse avec courage son passĂ© et regarde avec confiance son avenir pour vivre pleinement et avec espĂ©rance son prĂ©sent. Le moment est venu dâabandonner lâidĂ©e dâune Europe effrayĂ©e et repliĂ©e sur elle-mĂȘme, pour susciter et promouvoir lâEurope protagoniste, porteuse de science, dâart, de musique, de valeurs humaines et aussi de foi. LâEurope qui contemple le ciel et poursuit des idĂ©aux ; lâEurope qui regarde, dĂ©fend et protĂšge lâhomme ; lâEurope qui chemine sur la terre sĂ»re et solide, prĂ©cieux point de rĂ©fĂ©rence pour toute lâhumanitĂ© ! »
Puissions-nous entendre son message.
Charles Vaugirard
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Mariage homme-femme : persévérance !
Par Guillaume de Prémare, 19 novembre 2014
dans un billet de blog intitulé « Lâapaisement est la meilleure des mĂ©thodes », Koztoujours, soutien fidĂšle de la Manif pour tous, sâinterroge sur lâopportunitĂ© dâaccepter le mariage entre personnes de mĂȘme sexe tout en continuant Ă refuser lâadoption. Cela reviendrait Ă renoncer Ă affirmer que « le mariage, comme principe et comme institution, est lâunion dâun homme et dâune femme » 1. Koztoujours ne se montre pas, dans cette affaire, favorable par principe au mariage entre personnes de mĂȘme sexe, mais expose lâidĂ©e que nous pourrions lâaccepter dans un but dâapaisement. Selon lui, ne rien lĂącher sur le mariage conduirait Ă une forme dâintransigeance qui accentuerait les fractures et blessures dans le pays.
La question posĂ©e par Koztoujours offre lâopportunitĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă la substance de notre engagement contre la loi Taubira et au sens de ce « On ne lĂąche rien » qui symbolise la ligne politique de la Manif pour tous, maintenue sans changements depuis le vote de la loi. Ce dĂ©bat remet la question du mariage au centre de notre rĂ©flexion, alors mĂȘme quâelle avait tendance Ă disparaĂźtre au profit de la question des droits de lâenfant. Si nous remontons aux origines de la Manif pour tous, celle-ci ne sâest pas levĂ©e uniquement pour dĂ©fendre les droits de lâenfant, mais aussi le mariage civil homme-femme et la famille. Sur le tract dâappel Ă manifester du 17 novembre 2012, nous pouvions lire : « Pour le mariage civil H/F » (homme-femme) ;« Pour la famille PME » (pĂšre-mĂšre-enfant).
Une question anthropologique et sociale
DĂ©fendre le mariage homme-femme et la famille pĂšre-mĂšre-enfant est dâabord une affaire dâanthropologie : lâhumanitĂ© nâest pas constituĂ©e sur la diffĂ©rence homosexuels-hĂ©tĂ©rosexuels mais sur la diffĂ©rence homme-femme. Câest le repĂšre anthropologique le plus Ă©lĂ©mentaire. Câest ensuite une affaire de bien social. LâhumanitĂ© est un espace de relation et la structure sociale se construit Ă partir des communautĂ©s naturelles, Ă commencer par la famille. La juste expression du bien commun nĂ©cessite une anthropologie juste.
Ici la question nâest pas dâabord celle du bien et du mal, mais celle du « mieux », prĂ©cisĂ©ment en vue du bien commun. Le mariage homme-femme considĂ©rĂ© dans toutes ses composantes â notamment union, procrĂ©ation, filiation, Ă©ducation â constitue le « mieux ». Câest le meilleur cadre dâexpression de la communautĂ© naturelle quâest la famille. LâexpĂ©rience humaine valide cette donnĂ©e : le dĂ©litement du mariage entraĂźne le dĂ©litement de la famille. Il est donc juste que la sociĂ©tĂ© valorise et favorise le mariage homme-femme dans toutes ses composantes. LâexpĂ©rience humaine du mariage montre par ailleurs sa valeur au-delĂ de lâinstitution comme expression optimale du don : le don est la loi naturelle dâamour et sâĂ©panouit dans lâaltĂ©ritĂ© sexuĂ©e. Cette valeur du mariage comme cadre Ă©lĂ©mentaire du bien commun et comme expression de lâamour humain est fragilisĂ©e depuis longtemps, bien avant la loi Taubira. Ajouter Ă la dissociation du lien entre filiation et mariage (naissances hors mariage) la dissociation du lien entre mariage et filiation 2 (mariages hors naissances) affaiblit encore davantage le mariage â et donc le bien commun â parce quâelle lâampute de lâune de ses propriĂ©tĂ©s essentielles (une de plusâŠ).
PersĂ©vĂ©rer nâest pas fracturer
Cependant, Koz ne conteste pas fondamentalement ces considĂ©rations mais sâinterroge sur lâopportunitĂ© politique â sous lâangle de lâapaisement â de persĂ©vĂ©rer dans la dĂ©fense du mariage homme-femme. Bien Ă©videmment, la politique est par nĂ©cessitĂ© un espace de transaction : jamais la loi civile ne pourra exprimer la perfection de la loi naturelle ni de la loi morale. La politique nâest pas hors du rĂ©el. PrĂ©venir les fractures dans la sociĂ©tĂ© constitue en effet un devoir. Mais de quelle fracture parlons-nous ? Si la loi Taubira, dans son principe et dans la maniĂšre dont elle sâest imposĂ©e, constitue une forme de violence symbolique et sociale faite Ă la sociĂ©tĂ©, lâopposition Ă la loi Taubira nâest pas une source de fracturation du pays. La tension qui tourne autour de la loi Taubira concerne, dâune part un micromilieu militant, dâautre part lâespace politique et mĂ©diatique, devenu quasi-exclusivement un lieu de rapport de force et non un espace de recherche commune de la vĂ©ritĂ© entre personnes de bonne volontĂ©. Mais le peuple profond ne se dĂ©chire pas sur la loi Taubira. La tension nâest pas au sein du peuple mais dans lâespace politique et mĂ©diatique. La diffĂ©rence est fondamentale : persĂ©vĂ©rer nâest pas fracturer le pays mais porter le fer lĂ oĂč il est indispensable de le porter. Notre persĂ©vĂ©rance nâest pas une intransigeance. Il ne sâagit pas de savoir sâil convient dâĂȘtre intransigeant par principe (comme si rien ne se nĂ©gociait dans lâespace politique), mais sâil y a  une justification majeure Ă la transaction. A mon avis, ce nâest pas le cas : les fracturations les plus graves du pays sont extĂ©rieures Ă la loi Taubira, elles sont notamment en germe dans la nouvelle question sociale induite par la rĂ©volution de la mondialisation 3.
Maintenir la ligne politique originelle
La Manif pour tous a pour vocation de persĂ©vĂ©rer dans sa ligne politique originelle qui gagne, peu Ă peu, des positions dans lâespace politique, au cĆur de tensions qui manifestent un dur combat. Il faut vivre avec ses tensions que nous nâavons pas choisies. Fondamentalement, la vertu de persĂ©vĂ©rance de LMPT est une nĂ©cessitĂ© pour la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme. PersĂ©vĂ©rer dans la promotion des repĂšres essentiels anthropologiques et sociaux est un devoir politique et social. Notre sociĂ©tĂ© en manque de repĂšres attend cela, elle attend dâĂȘtre Ă©veillĂ©e Ă lâimportance des repĂšres essentiels, demande Ă retrouver la valeur positive de normes structurantes. Ce besoin de normes structurantes sâexprime trĂšs clairement dans la sociologie des profondeurs de notre pays. DĂ©stabilisĂ©e par la perte des repĂšres Ă©lĂ©mentaires, notamment familiaux et Ă©ducatifs, angoissĂ©e par le dĂ©litement de lâautoritĂ© des institutions traditionnelles, rudoyĂ©e par la mondialisation, la France est en quĂȘte de sens. PersĂ©vĂ©rer dans cette offre de sens constitue un service du bien commun. A cet Ă©gard, notre force principale est notre anthropologie, ne lâabandonnons pas en rase campagne.
Guillaume de Prémare
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« les mots ont un poids, un sens et une histoire.Quand on les utilise sans rĂ©flĂ©chir Ă leur contenu ou Ă leur passĂ©, on sâenglue dans les prĂ©jugĂ©s », Ă©crivait il y a quelques annĂ©es la journaliste et Ă©crivainJacqueline RĂ©my. Une remarque qui me revient en mĂ©moire, au regard des derniers dĂ©bats agricolo-environnementaux.
Abordant lâĂ©pineux sujet du bien-ĂȘtre animal en agriculture, sans gants ni jugeote, une chroniqueuse de  France inter a rĂ©cemment glissĂ© cette Ă©tonnante analyse :« câest trĂšs raciste de dire que les vaches ou les cochons souffrent moins que les chats ou les chiens ». Personne pour relever ? Non. Dont acte. Personne, non plus, pour relever les rĂ©fĂ©rences Ă lâesclavagisme ou aux camps de concentration au sujet dâĂ©levages intensifs tels que la âferme des mille vachesâ, dans la Somme.
Devant les camĂ©ras de C dans lâair, une militante Ă©cologiste du Tescou raconte« le vrai gĂ©nocide des arbres »sacrifiĂ©s au barrage de Sivens. Dans le mĂȘme temps, le sociologue et philosophe (mais peut-on ĂȘtre sociologue et philosophe ?) Edgar Morin nâhĂ©site pas Ă parler dans Le Monde de« guerre de civilisation »sur ce dossier, quand le prĂ©sident de la FNSEA, Xavier Beulin, taxe les casseurs de « djihadistes verts ».
âIl ne faut pas jouer Ă lâaveugle avec les mots, le rĂ©el se venge toujours.â
LĂ comme dans bien dâautres dĂ©bats dĂ©chaĂźnant les passions, les combats dâidĂ©es ont vite fait dâoublier les hommes. Les vivants comme les morts. Dans ce concours dâindĂ©cence, lâart militant expose sa science pour donner du poids aux arguments, en faisant jouer les cordes sensibles. Lâemballement excuse peut-ĂȘtre les dĂ©rapages. Mais que se passe-t-il quand ces dĂ©rapages nâen sont plus ? Câest-Ă -dire quand plus personne nây voit dâĂ©cart de conduite ? Ce sont les repĂšres qui tombent, les bornes qui meurent dâinutilitĂ©.La question nâest pas ici de savoir qui a raison.Elle de savoir si lâon aime assez la vĂ©ritĂ© pour dĂ©fendre sa cause de maniĂšre honnĂȘte. Si lâon a assez confiance dans la justesse du combat que lâon sâest choisi pour ne pas recourir aux exagĂ©rations outrageuses.
Ce nâĂ©taient pas des carcasses de vaches qui sâentassaient Ă Dachau. Ce nâĂ©taient pas les arbres qui tombaient sous les machettes rwandaises. La couleur du djihadisme nâest pas le vert mais le rouge, du sang qui coule Ă KobanĂ©. La dure et exigeante vĂ©ritĂ© des faits. « Il ne faut pas jouer Ă lâaveugle avec les mots, concluait lâarticle de Jacqueline RĂ©my. Le rĂ©el se venge toujoursâŠÂ »
Joseph Gynt
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« notre besoin de consolation est impossible Ă rassasier ».Le titre sonne comme un aveu dâimpuissance, ou un constat libĂ©rateur. Sous la couverture, vingt-quatre pages pour percer Ă jour ce mystĂšre de lâHomme, tenter de comprendre sa soif. Il nâest pas besoin de beaucoup de lignes pour exprimer une vĂ©ritĂ© qui touche les cĆurs. Il faut ĂȘtre juste, honnĂȘte et brillant dans lâĂ©criture. Ce quâĂ©tait assurĂ©ment lâauteur de ce livre, Stig Dagerman, Ă©crivain et journaliste suĂ©dois, mort le 4 novembre 1954, il y a tout juste soixante ans
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Lâadulation haineuse du corps
Comment comprendre que notre temps soit Ă la fois celui de lâidolĂątrie et du mĂ©pris du corps ? Comment comprendre que le succĂšs des spas soit contemporain Ă celui des crĂ©matoriums ? Dâun cĂŽtĂ© le corps est aimĂ©, adulĂ© ; de lâautre il est mĂ©prisĂ©, il sâagit de sâen dĂ©livrer.
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Il y a dâabord ce titre, qui sonne comme une provocation : MĂ©decin catholique, pourquoi je pratique lâeuthanasie (Corinne Van Oost,MĂ©decin catholique, pourquoi je pratique lâeuthanasie, Plon). On sent comme un parfum de scandale, une odeur de soufre, une bombe destinĂ©e Ă faire le buzz sur les rĂ©seaux sociaux et Ă dynamiter les repas de familleâŠ
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Rouault, âMiserereâ, 1917.
Lâadulation haineuse du corps
Comment comprendre que notre temps soit Ă la fois celui de lâidolĂątrie et du mĂ©pris du corps ? Comment comprendre que le succĂšs des spas soit contemporain Ă celui des crĂ©matoriums  ? Dâun cĂŽtĂ© le corps est aimĂ©, adulĂ© ; de lâautre il est mĂ©prisĂ©, il sâagit de sâen dĂ©livrer.
Pour penser cette ambivalence de notre rapport au corps, peut-ĂȘtre faut-il distinguer dans ce que nous appelons habituellement le âcorpsâ, diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s : dâune part le corps plastique (purement matiĂšre), dâautre part le corps sensible ; dâune part notre viande (inerte), dâautre part notre chair (animĂ©e) ; dâune part le corps comme outil (et donc comme extĂ©rieur Ă nous-mĂȘmes), dâautre part le corps comme adhĂ©rant Ă notre intime. RĂ©sumons cette distinction, que nous reprenons Ă Â Husserl et Ă la tradition phĂ©nomĂ©nologique, Ă travers le binĂŽme corps / chair1.
En distinguant ces deux niveaux, nous voyons que le dualisme classique entre le corps et lâĂąme est comme rĂ©pĂ©tĂ© au niveau mĂȘme de notre corps. En effet, notre Ăąme est toujours incarnĂ©e, encharnĂ©e, et donc notre corps lui-mĂȘme ne se rĂ©duit jamais Ă une simple matiĂšre. AssumĂ© par notre Ăąme, il devient chair sensible. Non plus simplement notre objet (le corps), mais lâĂ©paisseur mĂȘme de notre Ăąme (la chair).
Cette vĂ©ritĂ© que nous expĂ©rimentons (que les amoureux et les martyrs expĂ©rimentent de maniĂšre si intense quand le don de leur cĆur se dit par celui de leur corps) a cependant Ă©tĂ© comme Ă©touffĂ©e par le rationalisme Ă©troit de la modernitĂ©. Ă cette conscience de lâunion de lâĂąme et du corps en une chair â en une âĂąme charnelleâ, comme disait PĂ©guy â sâest bien souvent substituĂ© un dualisme impermĂ©able : le corps comme machine livrĂ©e au pouvoir de lâĂąme, et lâĂąme comme raison calculatrice permettant dâoptimiser notre usage des corps. Ce binĂŽme, raison-calculatrice et corps-outil, est lâun des tristes fondements de la modernitĂ©2.
La prophétie des artistes
La modernitĂ© nâa pourtant pas le pouvoir dâabolir cette pĂ©nĂ©tration de lâĂąme au plus intime de nos corps. Si un rationalisme Ă©troit domine, la vie charnelle nâest jamais trĂšs loin et nâattend quâĂ se rĂ©veiller. Ă une fin de XIXe siĂšcle oĂč triomphait un positivisme oubliant la chair, rĂ©pond au dĂ©but du XXe siĂšcle lâĂ©mergence dâinnombrables mouvements artistiques dâune sensibilitĂ© Ă fleur de peau. âĂ fleur de peauâ, câest dire que la peau, le corps, nâest plus lâoutil de lâhomme, mais son Ăąme elle-mĂȘme. La puissance dâun Rouault, dâun Chagall, dâun Max Jacob, dâun Cocteau, ou dâun PĂ©guy trouve peut-ĂȘtre sa source secrĂšte dans cette expĂ©rience de lâĂąme pointant Ă lâorĂ©e de la peau, en ce lieu de notre ĂȘtre oĂč, comme disait PĂ©guy, lâĂąme et le corps âsont tous les deux Ăąmes et tous les deux charnelsâ34.
Les artistes sont nos prophĂštes. Leurs mots, leurs notes, leurs couleurs ont pris le relai du verbe dâIsaĂŻe, dâĂzechiel, Daniel et JĂ©rĂ©mie. Non quâils indiqueraient un avenir, un changement, un nouvel homme ; mais, au contraire, comme tout vrai prophĂšte, ils puisent Ă la source mĂȘme de la CrĂ©ation, Ă ce monde sortant des mains du CrĂ©ateur. Ils nous renvoient Ă cette terre originelle, ce limon dans lequel est inspirĂ© une âhaleine de vieâ (Cf. Gn 2, 7). Leur verbe jaillit du silence divin (Cf. Sg 18, 14).
Charnellement situé aussi prÚs de la source charnelle de la création (Charles Péguy)5.
Mais prophĂštes, ils le sont aussi en cela que ce quâils disent et montrent, nous ne voulons lâentendre, ni le voir. Cette chair perdue de lâhomme, le moderne nâen veux rien savoir.
Ce quâil nous manque, câest une chair !
Si les modernes lâignorent, les mĂ©diĂ©vaux le savaient ! Lâhomme mĂ©diĂ©val6 avait conscience dâĂȘtre un milieu entre lâanimal et lâange7. Comme lâange, il est rationnel ; mais comme lâanimal, il est mortel. Lâhomme moderne, ayant oubliĂ© lâange, ne se dĂ©finit plus que par son opposition Ă la bĂȘte, câest-Ă -dire par sa raison. Il lui faudrait un Ange pour rĂ©tablir lâĂ©quilibre, lui rappeler quâil nâest pas que raison, quepur esprit ; quâil nâest pas quâange, mais quâil est aussi animal, corporel et mortel. âQui veut faire lâAnge, fait la bĂȘteâ disait Pascal, la leçon nâest toujours pas acquise. Lâhomme sans sa chair, sans la vulnĂ©rabilitĂ© de sa peau nue nâest plus homme.
Si cette chair est refoulĂ©e. Si elle nous fait si peur, câest quâelle est en nous un point de contact immĂ©diat avec le monde, poreuse Ă chaque vibration de son environnement. Dans un corps outil, dur et impermĂ©able, de pierre, ma raison peut se rĂ©fugier. Inatteignable, elle peut y jauger le monde sans jamais ĂȘtre touchĂ©e. Depuis une tour dâivoire, elle jouit sans souffrir. Mais dans une maison poreuse, dans une maison charnelle, lâĂąme nâa plus oĂč se rĂ©fugier. Lorsque la chair est touchĂ©e, câest lâĂąme elle-mĂȘme qui en est affectĂ©e, et ce, pour lâunion nuptiale des Ă©poux comme pour la triviale engueulade. Notre chair non seulement noue notre Ăąme Ă notre corps, mais la noue Ă celle de tous les hommes ; chaque fois quâun homme est blessĂ©, par ce lien charnel de lâhumanitĂ©, ma propre Ăąme est abĂźmĂ©e. Chaque fois quâun homme est aimĂ©, ma propre Ăąme est consolĂ©e. Et le Verbe sâencharnant, rejoint cette commune solidaritĂ©. Ta chair en ma chair, sa chair en la nĂŽtre, voici le mystĂšre de la communion des saints, mais aussi, pour un temps encore, celui de la solidaritĂ© dans le pĂ©chĂ©âŠ
En vĂ©ritĂ© je vous le dis, dans la mesure oĂč vous lâavez fait Ă lâun de ces plus petits de mes frĂšres, câest Ă moi que vous lâavez fait. En vĂ©ritĂ© je vous le dis, dans la mesure oĂč vous ne lâavez pas fait Ă lâun de ces plus petits, Ă moi non plus vous ne lâavez pas fait. (Mt 25,  40.45)
La technicisation croissante de notre rapport aux corps (notamment dans le monde de la santĂ©) tend Ă nous faire oublier ce lien charnel de vulnĂ©rabilitĂ©. Fracture sociale, Ă©chec du vivre-ensemble, manque de solidaritĂ©, autant de mots pour ne dire quâune chose : la rupture de la communion charnelle des saints, lâabandon dâun article du Credo. La solidaritĂ©Â ne se refera pas dâabord par des projets politiques, mais sur le fond dâune humanitĂ© partagĂ©e. La solidaritĂ© nâest pas une unitĂ© par les idĂ©es, mais une communion dans la chair, câest-Ă -dire dans les joies et les souffrances. Aucune sociĂ©tĂ© oĂč les corps fragiles et blessĂ©s sont mĂ©prisĂ©s, aucune sociĂ©tĂ© oĂč lâenfant (nĂ© ou Ă naĂźtre), lâhandicapĂ©, le vieillard et le clochard sont mis de cĂŽtĂ©, aucune dâentre-elles ne peut porter de fruit.
Aussi, lâavenir de nos citĂ©s ne dĂ©pend que de la permĂ©abilitĂ© de nos chairs.
Lâadulation-haine du corps nâest que le symptĂŽme dâun monde en dĂ©sincarnation, dâune sociĂ©tĂ© se dĂ©faisant, dâun homme se dĂ©shumanisant.
Il nây a plus dâautre issue que de rendre la chair Ă lâhomme et ainsi de la rendre Ă Dieu.
Tout est dans lâincorporation, dans lâincarcĂ©ration, dans lâincarnation. (Charles PĂ©guy)8
BenoĂźt.
Ăme ? Corps ? ⊠Chair !!! http://t.co/L1VKp8NmVf
â BenoĂźt Ù (@Benoitzinho) 16 Septembre 2014
Chez Husserl, en allemand, Korper et Leib. [â©]
Ăvidement, une Ă©tude attentive des grands auteurs modernes, et en premier lieu de Descartes, rĂ©vĂšlerait que si la plupart avait une conscience aigĂŒe de cette union de lâĂąme et du corps, il faut cependant constater que la mentalitĂ© moderne ignore bien souvent la subtilitĂ© des philosophes et que de Descartes, par exemple, elle nâa retenu que son idĂ©e dâun corps machine. [â©]
Charles PĂ©guy, Ăve, in Ćuvres poĂ©tiques complĂštes, BibliothĂšque de la PlĂ©iade, Gallimard, 1948, Paris. [â©]
Ce que nous disons ici des artistes doit aussi se dire des hommes et femmes livrĂ©s Ă la charitĂ©, sâengageant gĂ©nĂ©reusement dans le service des pauvres, câest, il nous semble, une mĂȘme expĂ©rience qui anime lâartiste et le bon samaritain, celle de la chair, nous y revenons un peu plus bas. [â©]
Charles PĂ©guy, Victor-Marie, comte Hugo, Ćuvres en prose, BibliothĂšque de la PlĂ©iade, Gallimard,  Vol. III, p 247. [â©]
Cf. RĂ©mi Brague, âUn modĂšle mĂ©diĂ©val de subjectivitĂ© : la chairâ in Au moyen du Moyen Age, RĂ©mi Brague, Champs Flammarion, Paris, 2008. [â©]
Cf. s. Augustin, CitĂ© de Dieu, IX, 13, 3 [â©]
Charles PĂ©guy, Note sur M. Bergson. [â©]
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En 1er lieu, queslques reprises du billet de Charles Vaugirard:
.  "le Parti chrĂ©tien-dĂ©mocrate, fondĂ© par Christine Boutin. Il sâagit dâun parti pesant trĂšs peu, avec une visibilitĂ© moyenne."
.  "sont des idĂ©es que nous retrouvons chez des hommes comme François Bayrou, Robert Rochefort, Sylvie Goulard, Nicole Fontaine ou Jean-Christophe Fromentin. Certains dâentre eux sont clairement dans la suite de la DĂ©mocratie-chrĂ©tienneÂ
sauf quâils souhaitent laĂŻciser leur dĂ©marche en supprimant la rĂ©fĂ©rence chrĂ©tienne. François Bayrou, pourtant catholique pratiquant et engagĂ©, est de ceux lĂ . Faut-il le regretter ? Non, parce que le contexte a changĂ©."
.  "La DĂ©mocratie-chrĂ©tienne ne peut donc plus exister en tant quâĂ©tiquette. "
.  "Lâavenir de la DĂ©mocratie-chrĂ©tienne dans une sociĂ©tĂ© dĂ©christianisĂ©e passera donc par une promotion de ses principes en renonçant Ă son Ă©tiquette confessionnelle. Du moins, en ce qui concerne lâaction purement politique."
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  J'avoue ĂȘtre plutĂŽt Ă©tonnĂ© par autant d'affirmations et espĂšre pour ma part une rĂ©ponse venant d'une plume bien plus Ă mĂȘme d'exprimer par Ă©crit ce que je pense Ă ce sujet.
  Je partagerai tout de mĂȘme quelques rĂ©actions:
Il me semble que c'est bien Ă Christine Boutin que l'on doit le (renoncement)Â de la part de Sarkozy en 2012Â Ă une loi ouvrant le mariagegay. (et par la aussi sa mise sur le devant de la scĂšne)
On ne peut d'autre part (se revendiquer) ou encourager Ă la force des minoritĂ©s agissantes et ne pas  en reconnaĂźtre son efficacitĂ© par ailleurs. S'il y a une flamme Ă reprendre,c'est bien qu'il y a eu une mĂȘche que certain ont su maintenir allumĂ©e ,attendant un nouveau souffle ...Â
Maintenant, "s'il ne faut pas regretter (du fait d' un contexte !) la laĂŻcisation de la dĂ©marche de certains" je prends volontiers sur moi de ne pas regretter cette non laĂŻcisation au nom de ce mĂȘme contexte. "L'Eglise est experte en humanitĂ©" et l'Eglise seule.
Faire clairement rĂ©fĂ©rence Ă sa doctrine sociale  ne fait certes pas une majoritĂ© mais: âLe monde se divise en trois catĂ©gories de gens: un trĂšs petit nombre qui fait se produire les Ă©vĂšnements, un groupe un peu plus important qui veille Ă leur exĂ©cution et les regarde sâaccomplir, et enfin une vaste majoritĂ© qui ne sait jamais ce qui sâest produit en rĂ©alitĂ©.â (Nicholas Murray Butler)
Pour ce qui est d'annoncer que  "Lâavenir de la DĂ©mocratie-chrĂ©tienne dans une sociĂ©tĂ© dĂ©christianisĂ©e passera donc par une promotion de ses principes en renonçant Ă son Ă©tiquette confessionnelle. Du moins, en ce qui concerne lâaction purement politique." , je renvoie chacun au trĂšs fructueux livre de Jean Danielou: "L'oraison ProblĂšme Politique" on en tirera certainement des Ă©claircissements diffĂ©rents mais certainement pas que "Confesser" n'est jamais Ă©tĂ© une Ă©tiquette
fpp.
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La Démocratie-chrétienne a-t-elle encore un avenir ? http://t.co/HMOKqDyC6n
â Cahiers Libres (@cahierslibres)
11 Juillet 2014
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« [âŠ] lâacte de lâamour conjugal est considĂ©rĂ© dans lâenseignement de lâĂglise comme lâunique lieu digne de la procrĂ©ation humaine. [Si] lâintervention mĂ©dicale se substitue techniquement Ă lâacte conjugal pour obtenir une procrĂ©ation qui nâest ni son rĂ©sultat ni son fruit : dans ce cas, lâacte mĂ©dical nâest pas, comme il le devrait, au service de lâunion conjugale, mais il sâen attribue la fonction procrĂ©atrice et ainsi contredit la dignitĂ© et les droits inaliĂ©nables des Ă©poux et de lâenfant Ă naĂźtre. »Donum Vitae, 1987
« LâEglise considĂšre comme inacceptable au plan Ă©thique la dissociation de la procrĂ©ation du contexte intĂ©gralement personnel de lâacte conjugal » Dignitas Personae, 2008
La mĂ©decine est parfaitement dans son rĂŽle lorsquâelle cherche Ă soigner lâinfertilitĂ©. Nombre de traitements et procĂ©dures mĂ©dicales, chirurgies, mĂ©dicaments utilisĂ©s pour venir en aide aux couples infertiles ne posent pas lâombre dâun problĂšme moral. Il est donc inexact de dire que lâEglise sâoppose Ă lâassistance mĂ©dicale Ă la procrĂ©ation (ou procrĂ©ation mĂ©dicalement assistĂ©e, PMA) au sens littĂ©ral, et large, du terme. En fait, seules deux techniques relĂšvent de la dissociation entre lâunion sexuelle et la procrĂ©ation : lâinsĂ©mination artificielle, et plus encore la fĂ©condation in vitro (FIV), oĂč des embryons sont  conçus hors du corps de la femme. La dissociation est encore plus aigĂŒe lorsque lâenfant est conçu avec les gamĂštes dâun tiers, mais ce cas est trĂšs minoritaire (moins de 5% des PMA). La pratique mĂ©dicale fait aujourdâhui une place centrale Ă la FIV Ă cause de son efficacitĂ© supĂ©rieure Ă celle dâautres protocoles ; celle-ci est proposĂ©e Ă des couples toujours plus nombreux.
Le dĂ©bat du mariage pour tous a fait exploser lâusage des lettres « PMA ». Slogans et raccourcis nous ont habituĂ©s Ă ce que, lorsquâon se dĂ©clare « opposĂ© Ă la PMA », il sâagisse en gĂ©nĂ©ral dâune opposition Ă la PMA pour les couples de femmes. Techniquement, ce serait des insĂ©minations ou des FIV avec les spermatozoĂŻdes dâun tiers donneur anonyme, donnant lieu Ă la naissance dâenfants lĂ©galement sans pĂšre.
Mais la pratique dĂ©jĂ existante de la PMA, elle, est restĂ©e un des angles morts du dĂ©bat. AmbiguĂŻtĂ© que les partisans des revendications LGBT nâont pas manquĂ© de relever, et quâils ont perçu comme une hypocrisie et une injustice. Peut-ĂȘtre doit-on leur donner en partie raison sur ce point-lĂ .
Il faut dire que le monde catholique est trĂšs mal Ă lâaise sur le sujet. Nous connaissons tous des familles dont les enfants sont nĂ©s par FIV â ils reprĂ©sentent environ 3% des naissances.  Devant les visages de ces enfants, de ces Ă©poux dĂ©livrĂ©s de la stĂ©rilitĂ© et rendus Ă leur vocation naturelle de parents, il semble impossible de tenir que le geste mĂ©dical Ă lâorigine de ces vies ait Ă©tĂ© moralement illicite. Demanderait-on Ă ces parents de regretter la naissance de leurs enfants ? Veut-on dire quâil aurait mieux valu que ces enfants ne soient pas nĂ©s ? Les familles catholiques qui ont eu recours Ă la FIV se trouvent souvent dans la perplexitĂ© voire la colĂšre vis-Ă -vis dâun enseignement qui semble vouloir dire que leurs enfants auraient dĂ» ne pas naĂźtre. Etonnante difficultĂ© pour une Eglise qui est par ailleurs connue (et souvent moquĂ©e) pour sa dĂ©fense de la vie avant la naissance et du droit des plus faibles Ă naitre.
Lâinstruction Donum Vitae se concluait sur un appel aux thĂ©ologiens et aux moralistes pour approfondir cet enseignement, son sens et sa portĂ©e. On ne peut que regretter que cet effort de rĂ©ception soit restĂ© pour le moins⊠embryonnaire. Dans lâensemble, les catholiques, clercs comme laĂŻcs, intellectuels, militants ou ordinaires, gardent Ă ce sujet un silence assourdissant. Ou pire⊠ certains dĂ©blatĂšrent sur les « caprices » des couples en mal dâenfant, sur la tentation de lâenfant « à tout prix », comme si le dĂ©sir dâenfant Ă©tait plus pur chez les couples fertiles que chez les couples infertiles. Dâautres en appellent Ă un naturalisme Ă©thique qui nâa rien de chrĂ©tien, opposant une fĂ©condation spontanĂ©e, supposĂ©e conforme Ă la « volontĂ© de Dieu », Ă des interventions techniques qui seraient contre-nature et dĂ©miurgiques â Ă ce compte-lĂ , il faudrait arrĂȘter toute mĂ©decine.  Autant de propos qui obscurcissent le message magistĂ©riel au lieu de lâĂ©tayer.
Seule une trÚs petite minorité des couples confrontés à cette question font le choix de refuser la fécondation in vitro. Ceux-là font face, en général, à un corps médical et à un entourage qui ont de la peine à comprendre les objections éthiques, et qui ne les soutiendront pas dans un choix qui semble absurde. Ils sont bien seuls pour porter le poids de leur décision, et la souffrance de la stérilité qui perdure.
Le non-recours Ă la fĂ©condation in vitro semble intenable, dans lâimmĂ©diatetĂ© des souffrances de la stĂ©rilitĂ©. Le problĂšme sâĂ©claire diffĂ©remment si lâon pose un regard plus large, tant sur le plan personnel que sur le plan social.
Partout dans le monde, le recours Ă la FIV ne cesse de sâĂ©largir, et il tend Ă oblitĂ©rer dâautres approches mĂ©dicales face Ă la stĂ©rilitĂ©. Toujours plus de pays libĂ©ralisent son usage pour des situations Ă©loignĂ©es du contexte naturel, relationnel et sexuel, de la procrĂ©ation humaine, femmes ĂągĂ©es, femmes seules, couples de mĂȘme sexe. Le tri des embryons sâĂ©largit aussi, des maladies graves aux maladies bĂ©nignes, puis aux simples prĂ©fĂ©rences parentales. Dans un souci dâefficacitĂ©, on adopte une logique productiviste, et les embryons surnumĂ©raires, de plus en plus assimilĂ©s Ă Â un simple matĂ©riel, sont congelĂ©s, puis dĂ©truits ou donnĂ©s, en fonction de leur « qualité ».
Bien des personnes de bonne volontĂ© reconnaissent que ce sont lĂ de graves problĂšmes, mais estiment quâils sont sans rapport avec le cas du couple souffrant de stĂ©rilitĂ© qui rĂ©alise une FIV « simple », avec ses propres gamĂštes, sans destruction ni abandon dâembryons â car câest possible, et des couples, notamment catholiques, ont ce souci. Refuser la FIV au motif de ces dĂ©rives, ce serait⊠jeter le bĂ©bĂ© avec lâeau du bain.
Pourtant, aucune sociĂ©tĂ© ne semble avoir rĂ©ussi Ă poser des limites lĂ©gales satisfaisantes et stables dans le temps. Car la fĂ©condation in vitro crĂ©e toujours une situation de domination, dâexcĂšs de pouvoir sur les embryons : hors du corps de la femme, ils sont soumis, pour la simple poursuite de leur existence, Ă la volontĂ© dâune Ă©quipe mĂ©dicale, de leurs parents, et finalement de toute la sociĂ©tĂ©. Cette situation est intrinsĂšquement injuste, mĂȘme si elle se rĂ©sout finalement sans  dommage matĂ©riel (on doit sâen fĂ©liciter), quand les embryons sont rĂ©implantĂ©s dans le corps de leur mĂšre.
Pour autant, les graves dĂ©rives de la FIV ne sont pas des accidents ou des abus, mais les fruits logiques dâune situation qui est par elle-mĂȘme injuste, celle de ces embryons, ĂȘtres humains, dans une Ă©prouvette.
Alors oui, le MagistĂšre est, sur ce point, crĂ©dible, et peut-ĂȘtre prophĂ©tique. La vraie, juste et bonne mĂ©decine pour tous, mais la FIV pour personne.
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